515,1 – Normes

– Dés l’âge adulte remplacent nos parents pour nous tenir par la main et nous faire traverser dans les clous. S’adressent au : citoyen-Tanguy. Être de nurserie, impuissant, prostré, gémissant, attendant tout de l’Etat.

– Principales fabrications de la dictature du délirant monstre européen, et aussi une spécialité française, la normopathie, laquelle considère le citoyen comme l’imbécile.

– Avec la multiplication frénétique des démarches, la production de normes témoigne de la surveillance vigilante de nos élus, de leur souci de réduire la plus petite marge de liberté en imposant des normes de comportement favorisant la soumission et la dépendance, lesquelles attitudes sont impérativement nécessaires à leur domination. En effet, la production de normes est un outil remarquable pour emmerder le peuple, et surtout les gens qui travaillent, en leur imposant des frais et amendes considérables, des fermetures arbitraires, en détruisant toutes les facilités, souvent chaleureuses,  de proximité pour imposer d’énormes structures froides et distantes (maisons de retraite….), pour obliger à parcourir 80 kms plutôt que 15… Avantages annexes : promouvoir le gaspillage indispensable à la croissance, récompenser des syndicats professionnels qui ont réussi à faire élire un député soucieux des intérêts de ses mandants.

– L’ambition prométhéenne de la perfection absolue, soutenue par la volonté de faire sentir son pouvoir en brimant les administrés, renforcée par les possibilités de corruption ainsi offertes aux administrateurs, le tout bien sûr au nom de l’intérêt général.

 – Notre pays battrait le record des normes et en compterait 400.000 (d’après un journal citant Geoffroy Roux de Bézieux). Un nouveau comité, une nouvelle institution, un poste créé pour récompenser un copain, et voila une avalanche de normes, règlements, prescriptions… pour justifier ces inutilités et ces nuisances.  

Primum non nocere, d’abord ne pas nuire. Tel est le principe oublié.

– Avant le règne de la transgression comme valeur suprême, comme devoir, il existait des normes de conduite : « La destruction des normes imposées par la transcendance, la révélation ou la tradition. » (Serge Latouche) – « Quel que soit le parti que nous prenions, nous sommes sûrs de ne plus rencontrer sur notre chemin cet épouvantail qu’était autrefois la faute de goût. » (Emil Cioran) – Mais « Il faudra toujours plus d’injonction normative : soyez heureux, écoutez-vous, méditez… règles perverses car elles font intervenir le surmoi/censeur. » (Anne Dufourmantelle)

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« Il semble que l’horizon de ‘l’humanité’ et des ‘droits de l’homme’ se soit maintenant substitué , au titre de nouvelle normalité, d’instance suprême, aux principes unificateurs de la théologie puis de la philosophie de l’histoire. » (Myriam Revault d’Allonnes) – Quelle pauvreté de perspectives ! Quel attrape-gogos ! Qui peut penser que cette castration va durer ?

« C’est en ‘homme normal’ que se qualifia  un candidat à la présidence de la République, avec le succès que l’on sait, afin d’attirer tous les ‘normaux’ du pays. Il avait pressenti à quel point ce vocable rassurait les foules. Normal, au sens de banal, de pas méchant, de commun, un type comme un autre, parfaitement pareil, semblable en tous points ; ‘l’homme sans qualités’ de Robert Musil. » (Olivier Bardolle) – Effectivement, il n’en avait aucune. Parfait donc pour l’électorat, du moins le sien. 

« Lorsqu’on parle de volonté générale c’est à la figure de ‘l’homme sans qualités’ (celui de Robert Musil) qu’on se réfère … individu identique à lui-même, sinon tout à fait sans qualités, du moins capable de les traiter comme s’il ne s’agissait que d’afféteries sans importance … tenu de ne pas agir, penser ou désirer à partir de ses racines, mais depuis cet idéal d’homme sérialisé, échangeable avec tout autre, homme de la parité et de l’égalité, évacuant toute référence à la multiplicité qui le compose pour adopter cette image à laquelle il doit s’identifier … Passions, désirs, angles morts de la rationalité, tous les comportements non normalisés, toutes les habitudes n’allant pas du côté du ‘bien’, de la santé, de la rationalité, etc. : tout cela est non viable … Sa vie au quotidien ne peut être en conséquence qu’une série de rôles à jouer … Cet homme abstrait, loin d’en avoir fini avec ses conflits intérieurs, les refoule, les vit comme quelque chose d’anormal, et lui-même comme un être non viable. » (Miguel Benasayag, Angélique del Rey – Eloge du conflit)

« Le ‘pas comme il faut’ se présente tantôt comme un être trop proche de la nature (un sauvage) tantôt un être contre-nature (un barbare) … Individus et groupes seront étiquetés par rapport à leur excès de ‘visibilité’ (un maire noir en Bretagne, la présidente femme…) … La société de la norme fonctionne par la production de  ‘frontières invisibles’, mais perceptibles par l’ensemble des membres de la société … On a peur de tomber dans des étiquettes trop éloignées de la norme, que quelque chose ‘se voie’ … ‘Sois ton étiquette et n’en déborde pas‘, d’autres étiquettes sont prêtes (fou, malade, terroriste…) … L’élément qui correspond à ce qui paraît anormal va ressortir, devenir visible et masquer les autres éléments … Nul besoin de commissaires politiques … les individus corrigent eux-mêmes, en permanence, leurs comportements et leurs envies … Les individus ‘libres de leur choix’ ne le sont que dans l’imaginaire … L’obéissance devient invisible … La norme n’est pas la loi, la norme régule les comportements de l’intérieur … Le pouvoir normatif, défense de la société contre une partie d’elle-même … Dissidents et anormaux mettent en danger la norme sociale …  La société du   biopouvoir, discipline scientifique, sera celle de l’évaluation et de la surveillance permanentes … Il se développe à travers un quotidien formaté en termes  de projets, de moyens et, bien sûr,  d’évaluation … L’homme-entreprise qui considère toutes ses activités sur le modèle de la production efficace d’un profit quelconque … toute action est prise dans la logique de l’utilité et donc de l’efficacité … Que pourrait bien signifier agir, ou étudier, ou enseigner, ou se soigner, ou créer, etc., sans un objectif précis ? … A nous de mériter notre réussite … modèle entrepreneurial et méritocratique qui impose des règles de plus en plus complètes … Sur fond de négation absolue du conflit et de la multiplicité des points de vue, tout est question de gestion, il y a seulement des ‘problèmes techniques’, des améliorations à apporter, des déficits de communication … Normer les gens au nom d’une bonne gestion des problèmes (exemple : avortements thérapeutiques, le biopouvoir, qui a l’air de n’exercer aucun pouvoir,  a tranché tout seul, politique d’eugénisme non décidée et qui s’applique sans opposition). Plus possible de s’opposer mais même simplement de considérer qu’il y a là quelque chose à penser. » (Miguel Benasayag, Angélique del Rey – Eloge du conflit – considérations éparses sur la norme sociale)

« La présence de commissaires politiques n’est même plus nécessaire pour qu’on obéisse aux diktats de la norme dominante … La norme régule de l’intérieur les comportements. De sorte que ce sont les individus eux-mêmes qui se mesurent à la norme … Production de comportements réglés, par la création de frontières intérieures à l’individu … L’intériorisation de la norme produit l’auto-censure … On a peur du procès, pour sa carrière, de ce que diront les médias, les collègues… » (Alain de Benoist)

« Il faut normaliser l’homme … pus de races, plus de classes, plus de sexe, plus de nations, plus de citoyenneté bien entendu, car plus de différences entre citoyens et non citoyens … Le mot ‘diversité’ signifie maintenant le contraire de ce qu’il voulait dire … Elle est devenue le plus redoutable instrument du ‘Même’, du normalisé, de l’égalisé, aplani, écrasé, malaxé, broyé ‘produit’ … La discrimination qui fut des siècles durant le nom d’une des plus hautes et des plus nobles qualités de l’esprit est devenue celui du crime entre les crimes. » (Renaud Camus)

« La norme est porteuse d’une prétention de pouvoir … C’est un élément à partir duquel un certain exercice du pouvoir se trouve légitimé et fondé … La norme porte en soi un principe de qualification et un principe de correction … Elle est toujours liée à une technique positive d’intervention et de transformation. » (Michel Foucault)

« Le fait qu’à tout moment, dans quantité de métiers, une directive européenne soit introduite pour obliger à faire autrement qu’auparavant, aboutit à écraser les uns et les autres sous des contraintes ubuesques. » (Marcel Gauchet) – Mais le but est bien justement d’écœurer les gens.

 « Le pouvoir et les normes n’apparaissent plus comme des repères à partir desquels l’individu peut se positionner (positivement ou négativement), ils sont censés émaner de l’individu et correspondre à ses propres exigences. Débarrassé de toute référence extérieure et transcendante, l’individu est renvoyé à un face-à-face avec lui-même … servitude volontaire … où l’individu qui se veut maître et souverain peut devenir son propre tyran. » (Jean-Pierre Le Goff) – Il s’agit bien sûr des normes de comportement.

« La démarche induite par les outils d’évaluation des compétences est particulièrement insidieuse : ils n’imposent aucun modèle, ils ne prétendent pas contrôler l’individu ; ils sont censés simplement refléter et mesurer l’état de ses capacités à un moment donné. La longue liste des compétences (Bilan de… Listes scolaires…) n’en constitue pas moins le modèle à partir duquel il est apprécié et qui lui est renvoyé comme une norme à laquelle il devra se conformer … Ces normes ne paraissent plus imposées de l’extérieur : c’est comme si elles émanaient en quelque sorte de lui-même et que les écarts par rapport à ces normes provenaient de ses propres faiblesses ou lacunes internes, auxquelles lui seul peut remédier. » (Jean-Pierre Le Goff) – Le totalitarisme moderne, main de fer dans gant de velours.

« On ne prend plus soin des autres que par obligation ou intérêt. Les normes juridiques ou économiques prescrivent comment l’homme doit agir en toutes choses pour faire société. C’est ainsi que l’homme finit par devenir comme la créature de la société. » (Pierre-Yves Gomez)

« Chaque année, des milliers de normes et d’injonctions sont émises … Elles fabriquent des comportements collectifs, organisent les relations sociales, imposent un type de bienveillance politiquement correcte. Donc une morale obligatoire, défendue par une forme d’inquisition médiatique qui protège le dogme de la pensée acceptable. » (Pierre-Yves Gomez) – Elles fabriquent surtout une société de lâches déresponsabilisés.

« Nous entrons dans une Forme de postlibéralisme où les clivages traditionnel privé/public, existentiel/ professionnel, vie intime/appartenance sociale tendent à s’effriter dans une indétermination générale … Brouillage des repères entre l’espace intime et la sphère des intérêts collectifs caractéristique de notre culture néolibéral.». (Roland Gori et Pierre Le Coz) 

« Modèle comportemental qui arase toute singularité au profit d’un conformisme généralisé … Modèle de contrainte et de calibrage des comportements … La norme détient la puissance ‘englobante’ d’une normativité qui permet de prescrire des conduites ou des usages sans avoir à en débattre, comme c’est le cas habituellement, pour les lois par exemple. » (Roland Gori)

« Des experts nous disent comment nous devons nous comporter dans notre manière d’exister intimement et professionnellement ; nouvelle incarnation des dispositifs de censure sociale … Ce nouvel art libéral de gouverner prononce la perte du monde partagé, du monde commun, du monde du désir érotique, du désir autre que celui que ça marche. » (Roland Gori)

 « Les normes se trouvent aujourd’hui au centre d’une gestion de la politique des mœurs au nom de laquelle on soumet les individus et les populations à la rationalisation économique et idéologique de leurs conduites … Système de surveillance de contrôle et de correction, visibilité incessante, classification permanente des individus et hiérarchisation, établissement de limites, mise en diagnostic … Ce système normatif opère dans tous les domaines au nom de l’impératif de sécurité, de gestion des risques individuels et collectifs … par une grammaire de l’assentiment qui requiert une adhésion consentie à des dispositifs de contrainte … Cette composante psychique à déléguer à des règles établies et aliénantes le soin de conduire notre vie… n’est pas pour rien dans la complaisance des individus et des peuples à la soumission sociale volontaire aux experts et à leurs commanditaires, remplaçants de l’autorité du monarque ou du prêtre … Le rationalisme technico-moralisateur de la modernité replace l’individu dans un état d’obéissance. » (Roland Gori)

 « Folie sociale du dépistage et de prévention généralisés de tout et de n’importe quoi … qui provient davantage des exigences extrinsèques d’un pouvoir sécuritaire propre à l’art libéral de gouverner les conduites que des logiques de développement des savoirs et des pratiques. » (Roland Gori)

« A force de s’adapter au tableau de bord et aux règles de procédure, les professionnels ne regardent plus la route, ils perdent la direction et le sens spécifique de leurs actions. » (Roland Gori)

« Le concept de normes ou de normalité est un concept totalitaire que la génétique réintroduit aujourd’hui, comme en contrebande, dans nos sociétés démocratiques. » (Jean-Claude Guillebaud) – Et on pourrait en dire autant dans le domaine de la pensée avec la pensée unique et les courbettes obligées.

« Je veux bien qu’on me coupe les morceaux mais je ne veux pas qu’on me les mâche. » (Joseph Joubert)

« ‘La colonisation du monde vécu’ (Jürgen Habermas) signifie que rien ne doit être exempt de médiation pédagogique ou thérapeutique … Toute conduite doit être administrée par des experts possédant les dernières technologies du moi … L’invasion de l’intimité par le ‘complexe tutélaire’ de l’Etat moderne. » (Christopher Lasch)

« La normalisation est créatrice d’anormalité, normer c’est désigner la frontière entre le normal et le pathologique, et c’est donc aussi créer l’anormal et le pathologique. Peut-être conviendrait-il plus modestement de s’accommoder de notre faiblesse … d’accepter l’aspect noir et aventureux du vivre-ensemble et d’en limiter les règles. » (Michel Maffesoli) – On a compris qu’il s’agissait des normes sociales et non pas des normes portant sur l’électricité.

« La modernité ne transgresse pas la norme morale : elle récuse la normalité de la norme … Elle ne détruit pas l’éthique, elle la récuse. Elle récuse que l’éthique puisse jamais imposer une norme, venue absolument d’ailleurs … ‘Un désastre obscur’ (Mallarmé). » (Jean-Luc Marion)

« Nous vivons l’époque paradoxale d’une culture qui a abandonné toute référence à une norme, hormis la norme de l’absence de norme, la norme de l’anormalité. » (Jean-François Mattéi) – Sans doute pour équilibrer la montagne de normes dans tous les autres domaines !

« Une grande partie des pratiques de la vie quotidienne n’étaient pas clairement réglementées, et leurs bornes étaient laissées à l’appréciation individuelle. Aujourd’hui, on assiste à une multiplication vertigineuse des normes et des règlements qui sont en train de nous étouffer comme un véritable corset … La fonction de ces lois devient de plus en plus répressive … A mesure que l’activité économique et le travail sont dérégulés, la vie quotidienne est sur-régulée, sur-encadrée … Si on ajoute la surjudiciarisation venue d’Amérique… » (Bertrand Méheust)

« ‘Nous sommes devenus métaphysiquement démocrates’. Nous considérons comme tyrannique toute norme que nous n’avons pas individuellement plébiscitée a fortiori si elle nous demande un effort et va à l’encontre de nos intérêts individuels. » (Philippe Meirieu – exceptionnellement – et citant Marcel Gauchet) – Il s’agit de normes de comportement et non de normes … électriques…

«Le nombre des normes et des acteurs s’est considérablement accru. Les lieux où se dit le droit se sont multipliés (avec toutes ces cours et ces instances nouvelles). La privatisation des normes fait son chemin au fil des nouveaux besoins et de l’élaboration de nouvelles chartes (écologiques, éthiques), de la création de labels (commerce équitable) et de codes locaux de bonne conduite (règles de gouvernance, de bonne conduite, de responsabilité sociale. » (Yves Michaud)

 « De l’homme prudent qui analysait avec soin les situations, on a affaire à un homme timoré qui défend le statu quo au nom du ‘on ne sait jamais’ et qui a la hantise de la responsabilité … En même temps cet être timoré se shoote au risque à la première occasion … On veut bien frôler la mort mais sans mourir … Normes et contrôles encadrent la transgression, la sécurisent, la normalisent, la banalisent. » (Yves Michaud)

« L’évaluation, terme longtemps anodin, désigne aujourd’hui un ensemble de pratiques nouvelles et menaçantes. L’évaluation met en place les procédures propres à instaurer l’absolu gouvernement des choses. Non seulement, elle saisit les hommes dans leurs activités extérieures (conduites, résultats, productions…), mais elle prétend sonder les profondeurs de l’intime … à évaluer les sujets comme sujets. A les frapper du sceau de l’inerte … Que l’individu soit branché sur la normalité de groupe, de tels raccordements doivent mettre en alerte … L’idéologie de l’évaluation poursuit un seul dessein ; que du plus grand au plus petit, du plus public au plus secret, la même logique soit mise en œuvre et que cette logique s’accomplisse … comme une obéissance. Cela doit mettre en alerte … Comme autrefois dans l’agriculture soviétique, les objectifs sont si obscurs et si confus que personne ne pourra jamais les définir, spécialement pas  ceux qui les fixent. L’important n’est pas d’ailleurs qu’ils soient définissables, mais qu’ils soient impératifs, contradictoires et, de préférence, humiliants. » (Jean-Claude Milner – La politique des choses)

« L’Exception ! L’adversaire mortel de la norme. L’empêcheur de simplifier, de niveler… » (Philippe Muray)

 « L’humanité porte en elle un désordre essentiel. Le monde ne va pas. Le monde moderne est déficient en dépit de tous ses succès … Rien n’a sans doute changé depuis que saint Augustin a affirmé dans ‘La cité de Dieu’ que l’Etat naturel ne peut procurer aux hommes que la ‘paix de Babylone’, soit la paix armée, moindre mal (ce pourquoi Dieu demande, par la voix de saint Paul, qu’on obéisse aux gouvernants) mais qui n’a rien à voir avec la paix véritable de la nouvelle justice annoncée par l’Evangile. Toutes ces législations peuvent bien créer un certain ordre social … mais elles ne font pas disparaître le mal … Normes conservées par les religions et normes construites par la raison séculière … Cette humanité objectivement réunie, ‘volens nolens’ peut-elle l’être aussi subjectivement par quelque conscience d’un bien commun ? Et si oui, serait-ce sur une base religieuse ou en mettant en œuvre la seule ‘raison séculière ? … Au -delà de cette opposition pratique, opposition de fond entre deux visions du monde, l’une biblique, ouverte sur une perspective éthique et eschatologique qui oblige à transformer le monde, l’autre, païenne, close sur le monde tel qu’il est. La raison logique a des difficultés à produire des normes stables … elle a le mérite de tempérer le fanatisme religieux, mais elle est exposée elle aussi à des dérives, à une ‘hybris’ aussi dangereuse … Il est vrai que les religions sont porteuses de normes et de valeurs essentielles à la vie sociale, qu’on ne saurait remplacer par aucun effort constructiviste de la ‘raison éclairée’, mais l’hypothèse de leur origine transcendante est superflue … Laissée à elle-même et à la seule raison séculière, la société postmoderne a tendance à devenir un monstre froid et peut-être même à dérailler vers un enfer d’égoïsme … Cette seule raison ne dit rien de la vie et de la mort, du bien et du mal, de la Création et des Temps derniers, des devoirs de l’homme envers autrui et envers l’avenir du monde, et par conséquent du sens et de la plénitude de la vie humaine. » (Philippe Nemo – sur le concept de Paix de Babylone et rendant succinctement compte d’une discussion entre le philosophe Jürgen Habermas et le cardinal Joseph Ratzinger)

« Détricoter l’écheveau invraisemblable des 600 000 ou 700 000 normes – personne n’a jamais réussi à les compter – qui étouffent le système économique en général et le secteur privé et libéral en particulier. »  (Jean Nouailhac)

« Normes d’hygiène, normes de sécurité, tout est fait pour que tout accident inhérent à l’existence humaine soit prévu par les textes, encadré par des procédures. L’inflation des normes est indissociable de la judiciarisation des rapports sociaux. Elles orientent le secteur économique en fonction des valeurs que se donne une société. Elles correspondent à une vision du monde. La façon dont les Etats-Unis, à travers les traités de libre échange comme à travers l’extraterritorialité de leur droit, imposent peu à peu leurs normes au reste du monde est une des dimensions les plus cruciales de la globalisation. » (Natacha Polony)

« Puisqu’il y a des exceptions, la norme ne doit pas exister : elle est oppressive. Elle discrimine tous ceux qui ne s’y reconnaissent pas. C’est le cœur du concept de ‘queer’, forgé dans les années 1980 … ‘Queer’ signifie ‘tordu’, ‘étrange’ et s’oppose à ‘straight’, ce qui est droit. Comme souvent, ce qui était une insulte a été repris comme un étendard par ceux qu’elle visait (opérant ainsi le renforcement du statut de victime) … Le principe même du combat LGBT est aujourd’hui de faire considérer comme discriminatoire le simple constat de l’existence d’une norme majoritaire, l’humanité ne doit plus être perçue comme ‘naturellement’ hétérosexuelle. » (Natacha Polony, Jean-Michel Quatrepoint)

« ‘Les conventions pourraient être tout autres’. Certainement. Mais dés qu’elles sont incarnées, coutumières, vivantes, elles ont une valeur psychique à défaut de valeur rationnelle. » (Raymond Ruyer) – Et on ne les bouleverse pas impunément. Il ne s’agit pas de normes industrielles, mais de normes sociales au sens large, plutôt de règles.

« Lois d’incompatibilité des normes : l’optimum économique n’est pas l’optimum politique, esthétique, religieux. » (Raymond Ruyer) – Toujours,  normes sociales, règles. Il n’y a qu’en France qu’on mélange tout.

« La multiplication des normes, combinée avec l’imagination fertile des associations de consommateurs provoque une inflation des contentieux, ruineuse, paralysante pour les entreprises, desséchante pour l’innovation, désespérante pour les médecins, commerçants, artisans… » (Alain-Gérard Slama)

« La commission pousse la norme et la norme pousse la commission … Pléthore d’instances de consultation, de concertation, d’évaluation … Brouillage, au nom du consensus,  des champs de compétence et  des lieux fonctionnels de la société (école, tribunal, poste de police, mairie, etc.) » (Alain-Gérard Slama – sur l’inflation des organismes, comités, conseils, autorités, observatoires, etc. )

« Une application méthodique à ne plus rien laisser à part, à ne plus rien laisser dans l’ombre ou dans le lointain, à domestiquer tout le réel. Une rage de la gestion… Rien qui ne soit marchandisé… réglementé…qui ne soit pris dans une mécanique invincible d’optimisation de toutes les ressources de tout. » (François Taillandier)

« La seule lecture de ces règlements m’a fatiguée. Que serait-ce si je devais les observer ? » (sainte Thérèse d’Avila)

« La moralité moderne veut que l’on accepte les normes de son époque. Qu’un homme cultivé puisse accepter les normes de son époque me semble la pire des immoralités. » (Oscar Wilde) – Wilde pensait certes aux mœurs. Mais son appréciation reste exacte dans tant de domaines où se manifestent la stupidité et la nocivité de la bureaucratie, quand encore, derrière, ne se trouve pas le service aux copains dûment rétribué.

« Autrefois la société était régie par des rites religieux ou des récits culturels … On avait renoncé à gouverner les individus, mais on contrôlait la collectivité par l’hygiène, l’alimentation, la sexualité. Le pouvoir avait troqué la police traditionnelle contre des moyens bureaucratiques et médicaux ; l’alliance redoutable de l’expert et du communicant. » (Eric Zemmour)

« Dans la société permissive d’aujourd’hui, la transgression elle-même est la norme. » (Slavoj Zizek)

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