520,1 – Obéissance / Désobéissance

– Que peuvent bien vouloir dire ces vieilles expressions ?

– Sur l’abus actuel des questionnements préalables, des Pourquoi. Le pourquoi est vaine curiosité. Il ne nous avance en rien. Le pourquoi continuel relève de l’âge de la petite enfance. Ce n’est pas un comportement adulte. La discussion préalable et continuelle, sur des broutilles, à propos de la demande la plus innocente, est excessivement pénible et révèle une mentalité restée infantile, susceptible, bavarde, devenue chicaneuse et rétive par principe dont il n’y a rien à tirer pour l’instant sauf des complications – et peu à espérer pour l’avenir.

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 « Ce que le Pouvoir demande au philosophe, ce n’est plus seulement d’obéir, c’est de justifier l’obéissance. » (Raymond Aron) – Et tous les laquais avides et cupides de se précipiter pour prendre les ordres.

« C’est dans l’obéissance qu’on trouve la quiétude. » (Marcelle Auclair)

« Souviens-toi que changer d’avis et obéir à qui te redresse, c’est faire encore acte de liberté. » (Marc-Aurèle)

« L’obéissance peut reposer sur trois ressorts très différents, la peur, l’admiration ou le calcul … Le calcul pour justifier la loi et le droit comme indispensables à la résolution pacifique des conflits, l’admiration ou le respect pour les investir de légitimité et la peur pour prévenir les transgressions. Mais ces trois ressorts sont antinomiques de nature, si bien que le pouvoir politique ne peut éviter d’accentuer l’un aux dépens des deux autres. » (Jean Baechler) – Qu’en reste-t-il dans un régime de lois et de droits dévoyés ?

« Les trois argumentaires de base de l’adhérence au bien et aux normes édictées par le bien collectif,  légaliste, utilitariste et humaniste … bâton légaliste et carotte utilitariste … L’argumentaire légaliste éloigne du mal et du vice, en menaçant les acteurs de punitions infligées par une instance appropriée. L’argumentaire utilitariste vise le même objectif, en montrant aux acteurs qu’ils risquent de se punir eux-mêmes en ne se conduisant pas bien. Le premier doit inciter au non vice et le deuxième à la non vertu … Le légaliste postule la méchanceté humaine … L’utilitarisme ne se prononce ni sur la bonté ni sur la méchanceté des êtres, il se borne à les juger calculateurs et disposés à fuir la peine et à rechercher le contentement, à éviter les conséquences fâcheuses et à rechercher les bénéfices… Le bien collectif profitera au bien individuel … L’argumentaire de l’humanisme : l’espèce humaine est finalisée … l’humanité existe et persiste dans l’existence, dans la mesure où elle se consacre à poursuivre les fins et où elle n’échoue pas trop à les atteindre, fins qui sont les solutions objectives de problèmes objectifs de survie et de destination … Chaque espèce humaine a sa manière d’exister. La manière humaine est la finalité vertueuse. Être humain est le résultat d’un processus d’humanisation, ce qui définit un état, des devoirs et des vertus. » (Jean Baechler) – L’harmonie sociale n’aurait pu perdurer en réduisant fortement la portée de la fonction légaliste pour aboutir à une indulgence coupable tout en chantant l’aspect humanitariste qu’en relation avec une cohérence collective affirmée, tout le contraire de l’individualisme forcené encensé et de n’importe quel droit clamé ; d’où l’échec complet des sociétés occidentales à maintenir un semblant d’ordre.

« L’obéissance vraie (non contrainte) est de même nature que le prestige : elle légitime un pouvoir en partageant les valeurs qu’il impose … Même les ordres tyrannique et totalitaire ne peuvent s’imposer s’ils ne disposent pas  de l’obéissance vraie d’une minorité consistante, car pour diffuser la peur, il faut disposer d’un instrument fidèle, c’est-à-dire obéissant. » (Jean Baechler)

« Il est psychiquement moins coûteux de se donner de bonnes raisons d’obéir, les rationalisations sont à la portée de tout le monde, que d’obéir sous la contrainte, ce qui suppose des convictions fermes contraires à l’ordre établi … La propension de la majorité à obéir est une constante psychique. » (Jean Baechler) – Le développement effarant de la servilité dans les sociétés modernes et la propagande médiatique omniprésente chargée de fournir les rationalisations indispensables à une soumission confortable.

« L’obéissance demande plus d’amour que d’esprit. » (Anne Barratin)

« L’obéissance est impossible si la liberté n’est pas respectée. L’obéissance est l’exercice éminent et ultime de la liberté, par où l’homme renonce librement à sa volonté propre. Il n’y a pas de plus grand emploi de la volonté que d’en faire don. » (Jean Bastaire)

« Ce qui s’oppose à la liberté, ce n’est pas l’oppression politique ou sociale, mais la ‘nécessité’ psychologique, ou encore la  ‘détermination’ des conduites et des pensées notamment (mais pas seulement) par les circonstances … Et aussi les positions sociales de soumission qui impliquent notre obéissance … Le pouvoir social qui définit les places, les fonctions et la position des agents sociaux dans les structures (Voir l’expérience sur l’obéissance et la désobéissance a l’autorité de Stanley Milgram à la même rubrique, ci-dessous) … Lorsqu’on les déclare libres, les sujets n’en obéissent pas moins mais en viennent à se doter d’idées ou de ressentis qui tendent à justifier leurs actes à posteriori, rendant donc après coup leur acte moins problématique … trouvant en soi  les causes de ce qu’on a fait et de ce qui nous arrive, même quand on n’y est pour rien et qu’on n’a fait qu’obéir … adoptant des idées nouvelles qui s’accordent bien avec ce qu’ils ont fait … Tous trouvent des raisons internes qui justifient ce qu’ils ont fait alors qu’ils se sont contentés d’obéir à des pressions externes … Mais les gens n’ont assez souvent aucune clairvoyance des facteurs qui déterminent leurs comportements, leurs émotions et même leurs jugements sur les choses et sur les gens … Les gens préfèrent donner du sens, trouver des significations permettant de parler de leurs comportements ou de leurs jugements dans les termes de la pensée sociale plutôt que d’en élucider les réelles déterminations » (Jean-Léon Beauvois – Deux ou trois choses que je sais de la liberté)

« L’obéissance est un si grand bien qu’il ne suffit pas d’en rendre les devoirs à l’abbé ; il faut encore que les frères s’obéissent les uns aux autres. » (règle de saint Benoît)

« Pour désobéir il faut d’abord être capable d’obéir, d’en comprendre l’importance, l’aspect positif ; et ce n’est pas le cas … Nous pensons qu’ils désobéissent. Mais c’est beaucoup plus grave : Ils ne savent pas ce qu’est obéir. » (Maurice Berger – sur certains jeunes)

« L’obéissance doit être active et la résistance passive. » (Louis-Ambroise de Bonald)

« Les mouvements célestes pourraient servir d’exemples d’obéissance : ‘Dieu dit à Israël : considérez les cieux que J’ai créés pour vous servir, ont-ils modifié leur caractère ? Est-il arrivé que la roue du soleil ne se soit pas levée à l’Orient … La terre a-t-elle modifié son caractère ? Est-il arrivé que vous l’ayez ensemencée sans qu’elle ait germé ou que vous ayez semé du blé et qu’elle ait produit de l’orge ?’ » (Rémi Brague – citant le commentaire d’un rabbin)

« La dépression se présente comme une pathologie du changement, celle d’une personnalité qui cherche seulement à être elle-même dans un contexte où l’initiative individuelle et non plus l’obéissance devient la mesure de la personne, ce qui provoque un vif sentiment d’insécurité intérieure, et une panne de l’action. » (Belinda Cannone) – L’extrême confort de l’obéissance.

« L’Histoire nous enseigne que l’abus de l’obéissance aura fait plus de mal que l’abus de l’esprit critique … En la soumission que l’on affiche, il entrera toujours  plus d’indolence qu’on n’avoue … la paresse étant de moitié dans notre esprit d’obéissance comme de révérence, l’autre moitié se partageant entre la couardise et ce qu’il est permis d’appeler les bons  sentiments … L’esprit critique est aussi nécessaire que les habitudes de l’obéissance et s’il faut préluder par les secondes, on ne devrait pas oublier qu’elles ne sont pas toujours suffisantes, leur abus devenant fatal autant et même parfois plus que leur défaut. » (Albert Caraco)

« Malheur à celui qui s’arroge indûment le droit d’exiger l’obéissance, et malheur aussi à celui qui refuse de s’y soumettre lorsque ce droit est légitime. » (Thomas Carlyle) – Voilà de quoi faire rire nos innombrables imbéciles.

« Obéir aux principes et désobéir au prince. » (un lettré confucéen)

« Rome a choisi mon bras, je n’examine rien. » (Pierre Corneille – Horace)

« Ce n’est pas obéir qu’obéir lentement. » (Pierre Corneille)

« La société moderne repose sur l’axiome selon lequel l’obéissance est une honte si elle ne passe pas par la raison.  C’est bien pourquoi cette société fait en sorte que nous n’obéissions qu’à des règlements ou à des instances anonymes. » (Chantal Delsol)

« L’obéissance toute ovine des représentants des classes dirigeantes est incroyable. » (Edouard Drumont) – C’est la tradition de servilité de la bourgeoisie qui est là dénoncée.

« Distinguer la servilité de l’obéissance, c’est un rudiment de l’art de gouverner. » (Maurice Druon)

« Si la désobéissance s’oppose au droit, elle ne s’oppose pas à la loi. N’est-ce pas souvent au nom d’une loi supérieure qu’on désobéit aux lois instituées ? (Ex. Antigone) … La désobéissance est, à sa manière, une façon d’obéir, mais à un autre genre de loi : elle oppose des principes immuables à des lois qu’on peut défaire. » (Raphaël Enthoven)

« Le slogan soixante-huitard, ‘Il est interdit d’interdire’ est dangereux parce qu’il nous prive de la désobéissance en personne. Si les règles sont indispensables, c’est paradoxalement, par que, sans les règles, l’idée même de transgression n‘a pas de sens … A qui désobéir quand personne ne vous contraint ? Qui combattre quand tout vous est permis ? » (Raphaël Enthoven)

« Voici venu le temps des prix de désobéissance. Il n’y a maintenant rien de plus prisé que le scandale, rien de plus bourgeois que la bohème, rien de plus recherché que la transgression. Notre époque a fait de la révolte de tous ceux qui savent se cogner aux interdits et aux stéréotypes un des principaux articles de sa morale. » (Alain Finkielkraut)

« Quelque soumis que fussent les hommes de l’Ancien Régime aux volontés du roi, il y avait une sorte d’obéissance qui leur était inconnue : ils ne savaient pas ce que c’était que se plier sous un pouvoir illégitime ou contesté, qu’on honore peu, que souvent on méprise, mais qu’on subit volontiers parce qu’il sert ou peut nuire. Cette forme dégradante de la servitude leur fut toujours étrangère. » (Claude Fouquet) – Nos contemporains ont fait d’immenses progrès dans la servilité.

« Toutes les créatures qui sont sous le ciel servent et connaissent leur créateur et lui obéissent, à leur manière, mieux que toi. » (saint François d’Assise) – L’homme, exception par rapport au reste de la nature.

« Qui de l’ordre reçu veut savoir la raison perd l’honneur d’obéir. » (Carlo Goldoni)

« Le ‘pourquoi’ ne laisse aucun repos, n’offre aucun lieu de halte, ne fournit aucun point d’appui. Ce mot … nous engage dans un impitoyable ‘et-ainsi-de-suite’ … Ce terme interrogatif chasse devant lui la pensée représentative, la faisant passer d’une raison à une autre. » (Martin Heidegger – cité par Alain Finkielkraut)

« Obéir, c’est comme boire et manger, rien ne vaut ça quand on en manque depuis longtemps. » (Hermann Hesse)

« Le plus sidérant est l’esprit d’obéissance qui nous saisit. Les magazines rivalisent avec les documents officiels pour s’adapter les premiers. Nous obtempérons avec frénésie, pour ne sembler ni en retard, ni a fortiori réactionnaires. Nous obéissons trop (c’est un religieux qui a fait vœu d’obéissance qui vous le dit). Nous obéissons quoi qu’il arrive, honteux de penser, de compromissions en micro-reniements, jusqu’à la bassesse. N’importe qui est prêt à obéir au pouvoir … esprit de servilité. » (Père Thierry-Dominique Humbrecht – à propos de la prétendue réforme de l’orthographe) – A l’instigation des média, des politiciens et d’un groupuscule de Bobos aussi stupides que cupides.

« Le langage : on est dans un univers étroitement réglementé. Partout les objets vous parlent, vous donnent des conseils, des ordres bienveillants, des instructions. On va au jardin en face de notre hôtel et on tombe sur un panneau nous informant que ‘ce parc est destiné uniquement à la récréation passive’ suivi d’une longue liste d’activités interdites (courir, jouer au ballon, etc.). Ou bien on ouvre une boîte de lait et, à l’intérieur des pans en carton, on tombe sur les mots : ‘Merci d’avoir acheté un produit Béatrice’. Il ne suffit pas  de payer la boîte, il faut aussi supporter qu’elle vous adresse la parole. » (Nancy Huston) – Voir les panneaux urbains, les panneaux d’autoroute où aujourd’hui on nous informe sur les réflexes anti-covid. L’infantilisation est générale, voulue, outil de domination.

« Le subtil détournement de l’obéissance qui se mue peu à peu en aveuglement et en esclavage. » (Dom Dysmas de Lassus – sur les sectes et même dans certaines communautés) – Partout possible : gourous, personnalités écrasantes, appétit de pouvoir.

« Le nœud de la désobéissance d’Eve a été dénoué par l’obéissance de Marie. » (Juliette Levivier)

« La croyance dogmatique en une valeur objective est nécessaire à la notion même d’une autorité qui ne soit pas tyrannie ou d’une obéissance qui ne soit pas esclavage. » (C. S. Lewis) – Quid avec le relativisme ?

« Un visage d’amen. » (Georg Christoph Lichtenberg)

« Le conformiste prend les choses de l’esprit par le dehors. L’obéissant prend les choses même de la lettre par le dedans. » (cardinal Henri de Lubac)

«…Le manque d’initiative ne fait pas l’obéissance… » (cardinal Henri de Lubac)

« …L’obéissance doit être principe de liberté. On ne se remet pas entre les mains de l’autorité comme un homme qui, las de déployer son initiative, abdique ; ou comme le navigateur heureux d’arriver enfin dans un port tranquille après une traversée orageuse. » (cardinal Henri de Lubac)

« Accomplir fidèlement, strictement, intégralement les prescriptions de l’autorité religieuse, c’est bien. Mais si l’on s’en tient là, on n’a pas commencé d’obéir. On prend pour la fin, ce qui n’est encore qu’un moyen ; pour l’acte, ce qui n’en est que la condition. » (cardinal Henri de Lubac)

« Quand les talons claquent, les cerveaux se vident. » (maréchal Lyautey)

Exemple d’obéissance extrême. « L’islam a choisi comme fête principale la commémoration du fait qu’un père était prêt à assassiner son fils, là où le judaïsme a choisi une cérémonie de pardon, et le christianisme la naissance d’un enfant. Et c’est bien l’obéissance absolue que valorise l’histoire que commémore l’Aïd al-Adha ou. Aid el-Kébir (grande fête ou fête du sacrifice). ‘ Pour prouver sa soumission, Abraham se vit dans l’obligation de sacrifier l’un de ses fils’ (Mosquée de Paris) … Glorification de l’acceptation d’un sacrifice humain, celui d’un fils par son propre père. Glorification du renoncement à la fois aux liens affectifs instinctifs et à la morale, au nom de la soumission aveugle à la volonté divine. » (Aurélien Marq) – L’histoire d’Ibrahim se retrouve dans l’histoire d’Abraham commune au judaïsme et au christianisme, mais elle est interprétée différemment et ne fait pas l’objet d’une grande fête liturgique et euphorique.

« La subordination n’est pas la servitude, pas plus que l’autorité n’est la tyrannie. » (Charles Maurras)

« Comme on respire mieux quand on ne fait qu’obéir. Comme la vie devient soudain facile. Croyez-en un vieux soldat. » (Henry de Montherlant)

« Pour qu’obéir soit justifié, il faut que cela ait du sens. D’ailleurs obéir signifie entendre, non seulement entendre l’ordre mais le sens. » (Jean-Luc Nancy)

« Nous obéissons assez facilement à quelqu’un qui possède de l’autorité. » (Jean-Luc Nancy)

« Il faut obéir à des personnes qui commandent mais aussi à des situations … à la logique d’une machine, d’une voiture … Ce n’est pas agir spontanément, mais il s’agit alors de se plier à un certain ordre des choses, il s’agit d’un ordre que nous pouvons considérer comme naturel … différent du commandement, car alors la contrainte, l’obligation, l’exigence de la soumission de l’autre dominent. » (Jean-Luc Nancy)

« Certaines désobéissances ou indisciplines sont parfois très fécondes, elles correspondent à une invention. De nombreuses inventions se rapportent à des indisciplines … La désobéissance peut être la voie de la découverte, de l’invention plutôt que de la répétition de ce qui est déjà acquis … Quand on désobéit, à un certain moment, il faut être capable de se demander ce que l‘on fait … Les grands fondateurs de religion ou de philosophie ont la plupart du temps été de grands désobéissants. Socrate désobéit aux lois de la cité, Jésus à un certain ordre de la religion à laquelle il appartient, Bouddha à la religion et à la société dans laquelle il vit, Mohammed à un ordre social et aux rapports établis entre tribus, Luther à l’Eglise catholique dont il fait partie. Certains savants … artistes … Une grande désobéissance … ne peut s’accomplir qu’en ayant le sens d’une plus grande obéissance encore. Nous obéissons à quelque chose de plus fort. » (Jean-Luc Nancy)

« Celui qui sait commander trouve toujours ceux qui doivent obéir. » (Nietzsche)

« Ce n’est pas le pouvoir qui crée l’obéissance, c’est l’obéissance qui crée le pouvoir. » (Denis Olivennes – s’inspirant de La Boétie)  

« Le mol oreiller que constitue toujours l’obéissance, l’assujettissement, la vassalité, la subordination, la sujétion, la servitude volontaire, la fin de la quête angoissante et l’apaisement en vue de la clairière lumineuse, fût-elle  de lumière noire. » (Michel Onfray – à propos de personnages du livre Soumission de Michel Houellebecq et des collaborateurs de toujours, aujourd’hui de l’Islam conquérant ; c’est-à-dire la meute des lâches dominant politiquement et médiatiquement)

« La vie créatrice est une vie énergique … ou bien être celui qui commande ou bien se trouvé logé dans un monde où commande quelqu’un auquel nous reconnaissons de pleins droits pour une telle fonction. Obéir n’est pas supporter, supporter c’est s’avilir, bien au contraire, c’est estimer celui qui commande et le suivre en se solidarisant avec lui. » (José Ortega y Gasset)

« Sémantiquement, les mots ont renversé et échangé leur sens. Puisqu’il acquiesce à l’idéologie ‘destructive’ du nouveau mode de production, celui qui se croit ‘désobéissant’ (et qui s’affiche comme tel) est en réalité ‘obéissant’ ; alors que celui qui désapprouve cette idéologie destructive et, puisqu’il croit en ces valeurs que le nouveau capitalisme veut détruire, est ‘obéissant’, celui-là même est en fait ‘désobéissant’ … la destruction’ est le signe dominant de ce modèle de fausse ‘désobéissance’ en laquelle consiste désormais la vieille ‘obéissance’. » (Pier Paolo Pasolini – Lettres luthériennes) – Bien suivre le raisonnement.

« La désobéissance, celle créée et manœuvrée par le pouvoir comme lui étant contradictoire, et surtout comme garantie de modernité absolument nécessaire pour la consommation. » (Pier Paolo Pasolini)

« Le zapping est une incitation fébrile et sournoise à exiger davantage des autres : disponibilité immédiate, obéissance, comme à la télé, au doigt et à l’œil. » (Bernard Pivot – cité par Eric de Ficquelmont)

« L’autorité contraint à l’obéissance, mais la raison y persuade. » (cardinal de Richelieu)

 « La protection est la seule explication de la puissance. Celui qui n’a pas la puissance de protéger quelqu’un n’a pas non plus le droit d’exiger l’obéissance … Pas de hiérarchie ou de subordination, pas de légitimité ou de légalité acceptable sans cette relation réciproque de protection et d’obéissance. » (Carl Schmitt – sur la politique)  – « Pour être un président protecteur, il faut d’abord effrayer ceux que l’on veut protéger. » (Christian Salmon)

« Détruisez la culture de l’obéissance, déclarez des droits et oubliez les devoirs, disent les conservateurs, et vous obtiendrez la terreur totalitaire. » (Roger Scruton) – Au profit de qui ? Sûrement pas du peuple.

« Celui à qui on n’a rien interdit, comment pourrait-il désobéir ?» (André Comte–Sponville)

« La morale, c’est ce qui reste de l’obéissance quand on l’a oubliée. Mais on ne peut oublier, intérioriser, dépasser, surmonter que ce qu’on a connu … Pauvres enfants sans loi. » André Comte-Sponville)

« Ceux qui ont la foi sont les hommes les plus libres : ils obéissent une fois pour toutes et n’obéissent qu’une fois. » (André Suarès)

« On obéit plutôt à celui qui demande qu’à celui qui ordonne. » (Publius Syrus)

« On n’admire pas assez la facilité avec laquelle les hommes se soumettent à l’autorité officielle qui leur est désignée … Un tel, inconnu la veille, devenu détenteur d’une autorité indiscutée parce qu’il a paru un décret le nommant … On dirait qu’il y a un besoin général de subordination et d’obéissance qui cherche à se satisfaire et se précipite vers le premier venu désigné comme maître pourvu que ce soit conformément à l’usage … Chacun obéit parce qu’il voit les autres obéir ou parce qu’il sait que les autres vont obéir. » (Gabriel Tarde)

« Une société, comme une personne, ne dispose, à un moment donné, que d’une certaine quantité d’obéissance et de confiance, qui se répartit entre les divers pouvoirs auxquels on se soumet. Protestants du XVI° comme Jansénistes du XVII° à mesure qu’ils s’humiliaient davantage devant Dieu, se montraient plus fiers et plus roides devant les pouvoirs civils et politiques. » (Gabriel Tarde)

« On est passé du ‘tout est permis’ au règne du ‘fait pas ça, c’est pas bon’. Dans la vie, tout est désormais ‘mauvais pour la planète’, pas super ‘pour la réduction des émissions’, pas terrible ‘pour le transit’… »  (François Tauriac)

« Obéissance et servitude ; on n’échappe à l’obéissance que pour choir dans la servitude … Tu t’affliges de voir de ’quoi’ les hommes sont esclaves. Pour avoir la clef de ce mystère d’abaissement, cherche donc de ’qui’’ ils  ont refusé d’être les serviteurs.» (Gustave Thibon)

« Celui qui serait né pour obéir obéirait jusque sur le trône. » (Vauvenargues)

« ‘Tremble et obéis !’ La fin de l’équilibre de la terreur nucléaire et la nouvelle suprématie mondiale des Etats-Unis exigeaient le réaménagement du vieux front de la peur. » (Paul Virilio)

« L’obéissance : à des règles établies et à des êtres humains regardés comme des chefs … Elle suppose le consentement accordé une fois pour toutes, sous la réserve, le cas échéant, des exigences de la conscience, et non pas la crainte du châtiment ou l’appât de la récompense … Soumission n’est pas servilité. » (Simone Weil – L’enracinement)

« L’obéissance est le seul mobile pur, le seul qui n’enferme à aucun degré la récompense de l’action. A condition que ce soit l’obéissance à une nécessité, non pas à une contrainte. » (Simone Weil)

« Le lien féodal, en faisant de l’obéissance une chose d’homme à homme, diminue de beaucoup la part du gros Animal. Mieux encore la loi. Il faudrait n’obéir qu’à la loi ou à un homme. C’est presque le cas des ordres monastiques. Il faudrait bâtir la cité sur ce modèle. Obéir au seigneur, à un homme, mais nu, paré de la majesté seule du serment, et non d’une majesté empruntée au gros animal. » (Simone Weil)  – Celui-ci, l’opinion publique, la foule, le consensus artificiel, le conformisme, toute Majesté, le pouvoir, l’Etat… « Adorer le ‘gros Animal’ c’est penser et agir conformément aux préjugés et aux réflexes de la foule, au détriment de toute recherche de la vérité et du bien. »

« Mille signes montrent que les hommes de notre époque étaient depuis longtemps affamés d’obéissance. Mais on en a profité pour leur donner l’esclavage. » (Simone Weil)

« Le Christ a défini la vertu d’obéissance : ‘je ne cherche pas mon vouloir, mais le vouloir de celui qui m’a envoyé’. » (Simone Weil – La connaissance surnaturelle)

« On va d’un pas plus ferme à suivre qu’à conduire. » (proverbe)

« La manière d’obéir fait le mérite de l’obéissance. » (?)

« Au cœur de l’épreuve, l’obéissance à des choses régulières, sûres, permet de soutenir la nuit. » (?)

Ci-dessous considérations tirées d’un opuscule de Stanley Milgram, Expérience sur l’obéissance et la désobéissance à l’autorité. Elles pourraient également figurer aux rubriques sur l’Autorité (065, 1) ou sur la Soumission (475, 3). Il ne s’agit pas de citations à proprement parler, mais de résumés. Ces expériences ont été menées au début des années 1960, d’abord dans le cadre prestigieux et rassurant de l’université de Yale, puis dans des environnements plus neutres et moins officiels (donc moins intimidants/rassurants pour les participants-acteurs), dans des environnements différents (acteur et victime dans la même pièce ou non…), puis dans divers pays (Italie, Afrique du sud, Jordanie, Australie…). Signalons que ces expériences, bien qu’éloquentes, furent moralement abondamment critiquées !

« Mais il faut noter, et cela aussi demanderait explication, l’absolu contraste du silence qui, seulement une dizaine d’années plus tard, après la publication de l’expérience, a fait suite à l’extraordinaire écho médiatique. Des livres généraux traitant de l’autorité n’en font plus même mention… Pourquoi ce silence ? »  (Gérard Mendel)

 Succinctement : Sous la direction, directive mais non dominatrice, d’un animateur censé diriger l’expérience une personne, l’acteur (le seul innocent dans l’affaire), devait envoyer des décharges électriques progressivement dosées à une autre, la victime-complice (placée dans une autre pièce ou non…).   L’acteur croyait officiellement servir une expérience scientifique, la victime simulait douleur, protestation, cris (en fait déjà manifestations enregistrées). Evidemment ces décharges étaient fictives (ce que, non moins évidemment, devait ignorer l’acteur)

 Dans tous les environnements, tous les contextes, tous les échantillons d’acteurs, tous les échantillons d’animateurs (hommes ou femmes), les résultats, c’est-à-dire le taux d’obéissance aux consignes de l’animateur (soit l’acceptation d’envoyer des décharges de plus en plus fortes à une victime exprimant fictivement de plus en plus de souffrances) a très largement dépassé ce qu’on pouvait attendre d’individus tout à fait normaux et les pronostics faits à ce sujet. Milgram pensait à un taux d’acceptation (au-delà sans doute d’un certain seuil d’intensité des décharges) de quelque 10%, alors qu’il obtint en réalité un score proche d e 70%.

Résumé : les résultats sont terrifiants et déprimants (mise en cause de la personnalité américaine) … Une proportion substantielle de gens fait ce qu’on lui demande de faire, quel que soit le contenu de l’acte, sans tourments de conscience, dés lors qu’ils perçoivent que l’ordre émane d’une autorité légitime. Acceptation d’envoyer jusqu’à des décharges maximales, jusqu’au deux tiers des acteurs (niveau d’obéissance), alors que les pronostics évoquaient quelques pour cent – Souvent protestations des acteurs à partir d’un certain seuil mais exécution obéissante cependant – Animateur sec ou débonnaire, homme ou femme, mêmes résultats – De la part des acteurs, fréquent souci de leur responsabilité personnelle, juridique, plus que morale (mais ils avaient accepté de collaborer à cette expérience scientifique, par ailleurs rémunérée) – Le niveau d’obéissance ne varie guère dans des cadres moins connus et prestigieux, et même médiocres, qu’une grande université. L’institution organisatrice (Yale au départ) n’a pas besoin d’être particulièrement connue ou réputée, malgré que (selon S. Milgram) ce n’est pas la nature de l’ordre qui commande l’obéissance, mais la source dont il émane Un individu est en état ‘agentique’ quand, dans une situation sociale donnée, il se définit de façon telle qu’il accepte le contrôle total d’une personne possédant un statut plus élevé. Dans ce cas, il ne s’estime plus responsable de ses actes. Il voit en lui-même un simple instrument –  Chute d’obéissance (vers 20% au lieu des deux tiers) si l’animateur donnait ses consignes par téléphone au lieu d’être physiquement présent (subterfuges d’évitement par les acteurs, simulation d’envoi des doses fortes) – Le niveau d’obéissance (soumission aux ordres de l’animateur) decroit aussi sensiblement avec une plus grande proximité de la victime  – Tortionnaire à tout âge – Pas de différences avec les milieux culturels des pays (il n’est rien dit quant au niveau culturel des acteurs, les expériences étant rémunérées pour ceux-ci, on peut supposer un niveau moyen sinon assez faible, mais ceci n’est qu’une hypothèse) – Les  femmes ont pratiquement fait preuve de la même soumission que les hommes. Par contre, elles ont éprouvé dans l’ensemble un conflit d’une intensité supérieure (nervosité et stress des acteurs).

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