510,3 – Développement durable

– Belle antinomie, ou oxymore, équivalent de guerre propre, d’économie solidaire, de mondialisation à visage humain…

– On peut supposer que le développement durable va de pair avec les activités équitables, le commerce équitable. Du moins, espérons-le.

– « Tout doit être durable, le développement comme la mobilité, l’avenir comme l’amour, on voudrait en finir avec l’éphémère … mais ce qu’on reproche aux déchets, aux sacs plastiques n’est-ce pas précisément d’être durable ? » (Pascal Bruckner) – Comment s’y retrouver entre le bon durable et le mauvais ? Perplexité.

– Equivalent de la croissance soutenable, de la croissance verte, de l’attitude écoresponsable… et de mille autres trouvailles linguistiques, sans doute « prises au hasard dans un dictionnaire de rimes : viable, durable, vivable, équitable, responsable…. » (François Marchand).

– « L’utilisation de l’adjectif ‘responsable’ est particulièrement efficace. Qui  assumerait, dans le monde d’aujourd’hui, d’être irresponsable, » (Sophie Mazet) – Introduit via l’écologie.

– Accordons-nous sur des moyens techniques pour ne pas remettre en cause le toujours plus. « L’adjectif durable n’intervient que pour mieux travestir le réel. » (Jean-Paul Besset) – Simple garantie sémantique – « Un tour de passe-passe destiné à faire durer le développement de papa. » (François de Ravignan – cité par Jean-Paul Besset)

– Miracle de la réconciliation de l’écologie et de la croissance. « Encore une de ces figures de la conciliation impossible, que l’on appelle les oxymores, outil de formatage des esprits … Figures de conciliation ou de dénégation susceptibles d’égarer toujours plus les esprits … Plus l’on produira des oxymores, plus les gens, soumis à une sorte de double bind permanent, seront désorientés, et inaptes à penser et à accepter les mesures radicales qui s’imposeraient … Utilisé à dose massive, l’oxymore rend fou. Transformé en injonction contradictoire par des idéologues, il devient un poison social … Permettant de rapprocher, d’inverser, d’hybrider, de fusionner deux réalités contradictoires. » (Bertrand Méheust) – Pour faire croire à la possibilité de leur coexistence (le 4 x 4 dans le désert ou dans une nature idyllique).

– Le concept fait office de tranquillisant (mais indolore pour la Sécu.). Il incite l’autruche à se mettre la tête dans le sable. Mais ne pas oublier que dans cette position on tend les fesses.

– Plus généralement, quand on entend le mot développement dans la bouche d’un élu, d’un technocrate, d’un journaliste, d’un bien pensant comprendre : béton, destruction, invasion, corruption, laideur, nuisances de toutes sortes… Au mieux, se contenter d’imaginer de nouveaux et hideux ronds points pour s’ajouter à ceux qui défigurent même nos campagnes.

Eteindre les lumières quand on sort d’une pièce, fermer les robinets après ou entre usage… Ce ne sont pas les recommandations pour minus-minables qui manquent. Il n’y a pas lieu de se moquer de leur simplisme. Ils sont parfaitement adaptés à notre petitesse et à la stupidité générale.

– « Qu’est-ce donc que le développement durable sinon l’éternité assurée à une extension universelle du développement ? » (Marie Dominique Perrot – cité par Serge Latouche)

Voir aussi aux rubriques : Argent – Economie, 050,1 et Ecologie, 510,1

Vers la fin de  la rubrique Modernité, 495,1, on trouvera des extraits de l’ouvrage  de Pierre Thuillier, La grande implosion, où l’auteur démontre plaisamment pourquoi tout va se casser la gueule et dans quelle stupidité s’est vautrée notre époque.

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« Que développe le développement ? » (Zygmunt Bauman) – Bonne question.

« Le marché ne survivrait pas  si les consommateurs s’accrochaient aux choses. Sa propre survie dépend de ce que les clients ne connaissent ni engagement ni loyauté. » (Zygmunt Bauman)

« Michel Serres a très justement comparé cette théorie à l’attitude d’un capitaine de navire qui, averti que son bateau se dirige tout droit sur un rocher, ordonnerait, non pas de changer de cap, mais de réduire la vitesse ! » (Alain de Benoist)

 « Heureusement, le concept de développement durable s’était entre-temps frayé un chemin en première ligne pour offrir les réponses aux défis planétaires, dans une déferlante institutionnelle et communicationnelle. Tout est à présent durable. Pas un produit qui ne soit ‘éco-conçu’, pas un nouveau lotissement qui ne soit un ‘éco-quartier’, pas un bâtiment d’importance qui ne soit à ‘basse consommation’ ou ‘respectueux de l’environnement’. Même les autoroutes, les aéroports et les course de formule 1 sont désormais proclamés écologiques … Le discours du développement durable a été ânonné, déformé, détourné, usé jusqu’à la corde, ridiculisé, jusqu’à en vomir … Et on n’a tout simplement jamais autant produit, consommé, jeté, et de plus en plus vite. » (Philippe Bihouix)

« 2 milliards d’ordinateurs (hier). Combien de serveurs (30 millions ?) qu’il faut refroidir jour et nuit ?. » (Baudouin de Bodinat)

« Personne ou presque ne s’arrête pour se demander : ‘qu’est-ce’ que le développement, ‘pourquoi le développement,’ développement ‘de quoi et vers quoi’. Le terme développement a commencé à être utilisé lorsqu’il devint évident que le ‘progrès’, ‘l’expansion’, la ‘croissance’ n’étaient pas des virtualités intrinsèques, inhérentes à toute société humaine, dont on aurait pu considérer la réalisation comme inévitable, mais des propriétés spécifiques, possédant une valeur positive, des sociétés occidentales. L’Occident se pensait comme modèle pour l’ensemble du monde. L’état normal … était la capacité de croître indéfiniment … Le problème principal des autres était défini comme ‘obstacles au développement.’ » (Cornelius Castoriadis)

« L’énorme succès du capitalisme s’appuie, entre autres, sur une destruction irréversible des ressources biologiques que trois milliards d’années ont accumulées sur terre. Il y a là une sorte de barrière contre laquelle on est précipités à toute vitesse. » (Cornelius Castoriadis)

« On invoque de moins en moins le ‘progrès’ et de plus en plus la ‘mutation’, et tout ce qu’on allègue pour en illustrer les avantages n’est que symptôme sur symptôme d’une catastrophe hors pair. » (Emil Cioran) – A appliquer aux multiples transitions (énergétique, écologique, etc.)

« Quant à ceux qui parlent du ‘développement durable’, ils ne savent pas ce qu’ils disent. Cette expression est une contradiction dans les termes. ‘Développement’ dit qu’une certaine grandeur croît de façon à peu près exponentielle ; ‘durable’ ne fixe pas de limite temporelle à cette croissance. Dans un monde fini, c’est une pure impossibilité. » (Jean-Pierre Dupuy) – Impossibilité qui reflète parfaitement notre stupidité.

« Le développement durable à roulettes .. La terreur des trottoirs. … Véhicules instruments du bien … Tout comme les femmes, les enfants, les sans-papiers, les bicyclettes représentent le côté du bien. » (Benoît Duteurtre – qualifiant les cyclistes urbains et autres personnages sur  roulettes)

« Ce qu’on appelle le développement économique consiste largement à imaginer une stratégie qui permette de vaincre la tendance des hommes à imposer des limites à leurs objectifs de revenus, et donc à leurs efforts » (J. K. Galbraith)

« C’est parce que la société vernaculaire a adapté son mode de vie à son environnement qu’elle est durable, et parce que la société industrielle s’est au contraire efforcé d’adapter son environnement à son mode de vie qu’elle ne peut espérer survivre. » (Edouard Goldsmith – cité par Serge Latouche)

« Il est irresponsable, pour ne pas dire criminel, de tout miser sur ce rêve de découplage (qui est au cœur de toutes nos stratégies : développement durable, croissance verte, économie circulaire, éco-innovation, etc.). » (Arthur Keller) – Ces rêveries ne servent évidemment qu’à illusionner le gogo qui ne demande que ça.

« Le développement durable n’a pour fonction que de maintenir les profits et d’éviter le changement des habitudes en modifiant, à peine, le cap. » (Hervé Kempf)

« Le développement durable (soutenable ou supportable) est certainement la plus belle réussite dans l’art du rajeunissement des vieilles lunes … Chef-d’œuvre dans l’art de la mystification … ‘L’imagination des instances au pouvoir est sans limite lorsqu’il s’agit de distraire la galerie avec des bricolages débiles, sans effets, sinon néfastes’ (Viviane Forrester – L’horreur économique) … Changeons les mots à défaut de changer les choses … On a vu des développements ‘autocentrés’, ‘endogènes’, ‘participatifs’, ‘communautaires’, ‘intégrés’, ‘authentiques’, autonomes’, ‘populaires’, équitables’, ‘local’, ‘social’, ‘humain’, ‘écocentrés’ ou ‘anthropocentrés’, ‘alternatifs’, etc … Des emplois durables, des villes durables, un management durable, une organisation durable, une consommation durable, une démocratie durable.. » (Serge Latouche) – Ne manque à ce jour que la con….. durable. Il y a aussi tout ce qui est doux : développement, croissance, évolution…

« Antinomie ou oxymore utilisé par les technocrates pour faire croire à l’impossible. Ainsi une guerre propre, une mondialisation à visage humain, une économie solidaire ou saine… L’attachement au concept fétiche de ‘développement’, malgré tous ses échecs, en le vidant de tout contenu et en le requalifiant de mille façons. » (Serge Latouche – cité par Olivier Bardolle) – Nous ne sommes que des fétichistes. Et on se moque de nos ancêtres !

« Le développement durable est suspect parce qu’il fait l’unanimité … Une clef qui ouvre toutes les portes est une mauvaise clef. Un concept qui satisfait le riche et le pauvre, le Nord et le Sud, le patron et l’ouvrier, etc., est un mauvais concept. » (Serge Latouche)

On croira à ce slogan pour gogos progressistes quand on aura renoncé au « gaspillage frénétique et ostentatoire … aux gigantesques ‘potlatchs’ militaires qui se déroulent sous nos yeux, aux milliards qui partent en fumée ou dans la stratosphère, suivis de près par ceux de la gabegie publicitaire, aux usines clés en main qui rouillent avant de servir, à une orgie inouïe de constructions monstrueuses et de projets pharaoniques aberrants au milieu de la misère la plus sordide. Ce ‘luxe’ sanguinaire ne donne que la jouissance morbide du spectacle de son absurdité. » (Serge Latouche) – En attendant, longtemps, le slogan n’est que pipeau et poudre aux yeux.

« Les 8R, ces objectifs capables d’enclencher une décroissance, conviviale et soutenable : Réévaluer, Reconceptualiser, Restructurer, Relocaliser, Redistribuer, Réduire, Réutiliser, Recycler. » (Serge Latouche) – Plus : Réparer, Ralentir, Réhabiliter, Restituer, Renoncer, Réinventer, Rendre…

« Admettons même que l’on prenne au sérieux le mythe du développement … exigence de tout changer dans le développement au point de ne plus rien y reconnaître … Il faudrait nécessairement une technologie elle aussi autre, une autre économie, avec une autre rationalité plus raisonnable que rationnelle, un autre savoir, une autre vision de la science que notre technoscience prométhéenne aveugle et sans  âme, sans doute une autre conception du progrès, une autre conception de la vie, une autre conception de la richesse (et aussi de la pauvreté), probablement une autre conception du temps qui ne soit plus linéaire, cumulatif, continu, pourquoi pas une autre conception de l’espace, d’autres rapports entre les générations, entre les sexes … Ce n’est pas un autre développement conçu comme le même simplement revu et corrigé. » (Serge Latouche) – Bon courage les Gogos ! Gare aux changements et surtout aux renoncements.

« L’idéologie du développement personnel, optimiste à première vue, irradie résignation et désespoir profond. Ont foi en elle ceux qui ne croient à rien. » (Gilles Lipovetsky) – Mythe pour cacher le creux de l’évidence, aussi peu sérieux que le développement durable, d’où la comparaison.

« Développer une zone signifie détruire radicalement toute végétation naturelle dans la zone en question, recouvrir le terrain ainsi dégagé de béton … si par hasard il restait quelque place, la consolider par un mur en béton, régulariser les petits cours d’eau par des barrages ou, si possible, les canaliser, infester le tout de pesticides et le vendre ensuite le plus cher possible à quelque consommateur urbanisé et abruti » (Konrad Lorenz)

« Le progrès aujourd’hui se poursuit, sous le nom plus honteux de développement. » (Jean-François Lyotard)

« La sacro-sainte croissance, l’idéal absurde (dans un monde aux ressources naturelles limitées, vouée à se briser tôt ou tard contre l’iceberg écologique) d’un développement infini de la production marchande et de la consommation aliénée qui en constitue l’autre face … Le prête-nom médiatique de l’accumulation illimitée du capital, c’est-à-dire du processus d’enrichissement sans fin de ceux qui sont déjà riches. » (Jean-Claude Michéa) – Voir la progression du nombre de nouveaux milliardaires, tous partisans de cette croissance et la servilité des politiciens qui se prosternent devant cette illusion.

« La notion de développement est pseudo-universaliste, elle semble valoir pour tous ; nous savons que c’est un mythe typé d’un sociocentrisme occidental forcené. L’universalisme signifie que c’est l’Occident qui est porteur de l’intérêt universel de l’humanité. » (Edgar Morin) – Idem pour la version corrigée, amendée, du développement dit durable.

« Maintenant que le développement technologique incontrôlé nous a mis dans une position intenable,, c’est un surcroît de technologie qui devrait nous tirer d’affaire. » (Olivier Rey)

« L’homme civilisé a ruiné la plupart des terres sur lesquelles il a longtemps vécu. Il y est parvenu par  l’épuisement ou la destruction des ressources naturelles. C’est la raison primordiale pour laquelle les civilisations se sont progressivement déplacées d’une région à une autre, ou du déclin de ces civilisations dans les régions de peuplement plus ancien … Malgré tout, la croyance selon laquelle notre civilisation moderne occidentale s’est affranchie de sa dépendance à l’égard de la nature prévaut encore aujourd’hui. » (E. F. Schumacher) – Un peu moins depuis seulement une vingtaine d’années, mais rien n’est changé puisque nous restons tétanisés devant ce qu’il faudrait faire : réduire drastiquement nos consommations en tout. Ce qui n’a rien à voir avec le grotesque et irresponsable développement durable, foutue rigolade pour imbéciles.

« Deux étages font une demeure spacieuse, un bon abri … continuer, ajouter étage sur étage, de mieux en mieux … mais c’est constituer une tour insensée destinée à s’écrouler. » (Jaime Semprun – exemple simplifié sur le discours des apologistes du développement technique infini et l’impasse inéluctable)

« Dans les années 1970, notre société avait encore la possibilité de construire un ‘développement durable’. Le choix a  été de ne pas le faire. Depuis les années 1990, tout a même continué à accélérer, malgré les nombreuses mises en garde. Et aujourd’hui, il est trop tard … La question de l’épuisement (et donc du gaspillage) des énergies fossiles s’est posée dès le début de leur exploitation, autour de 1800. L’économiste britannique Jevons résumait très bien en 1866 cette question du charbon en parlant ‘d’un choix historique entre une brève grandeur et une plus longue médiocrité’. ». On connaît l’option qui l’a emporté … Nous arrivons à la fin de cette ‘brève grandeur’. » (Pablo Servigne, Raphaël Stevens  – Comment tout peut s’effondrer

« La notion de développement durable a l’inconvénient de laisser penser que, en faisant autrement, on peut quand même continuer dans le ‘toujours plus’. » (Pierre le Vigan)

« L’apparition, aux débuts des années soixante-dix, d’une culture de l’endurance (principalement sous des formes sportives) … le passage d’une société du sprint et de la croissance à une société de la durée… peuvent être rapportés à l’événement majeur de cette époque, la crise économique, énergétique et idéologique qui secoue l’Occident. » (Paul Yonnet) – La prise de conscience de notre gaspillage n’a pas duré.

« Il y a incompatibilité entre le vivant et le progrès envisagé comme un ‘continuum’ économico-technique. L’eau ne se marie pas au feu. Le primat économiste ne souffre pas la contradiction écologique. » (?)

« Nous voulons que survive à la fois la couche d’ozone et l’industrie américaine. » (?) – Admirable engagement.

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