650,6 – Inquisition

– Certainement pas une institution parfaite. Mais si j’avais été soupçonné de sorcellerie à l’époque, j’aurais préféré un procès devant les juges de l’Inquisition (qui ne devaient certainement pas tous être ni des sadiques ni des niais) plutôt que d’être mis en pièces par une foule furieuse (comme les tristement célèbres empoisonneurs de puits du Moyen-âge)-

-Selon Bertrand Levergeois, traducteur et présentateur de Giordano Bruno, brûlé par l’Inquisition, les minutes de son procès attestent qu’il fût victime de faux témoignages et surtout que ses juges firent tout pour l’amener à transiger en reconnaissant des erreurs minimes, arrangements qu’il rejetât par excessive raideur. 

– Peut-être faut-il comprendre les institutions en fonction de leur époque et non de la nôtre. Tout jugement moral qui ne tient pas compte de la situation et des mœurs de l’époque est anachronique, sinon pervers. C’est pourtant une pratique constante de nos sociétés aussi stupides que prétentieuses et ignorantes.

– On peut aussi remercier l’Eglise, et l’inquisition, d’avoir préservé la civilisation des hérésies utopiques démentes et sanglantes, des innombrables massacres perpétrés par des foules en délire, qui l’auraient anéanti (catharisme, Frères de ceci et de cela ; voir au début de la rubrique Esprit 280, 1). Sans sa main, parfois de fer certes, nous ne serions probablement pas là. Il faut imaginer les atrocités auxquelles pouvaient se livrer des foules hallucinées idolâtrant des meneurs encore plus hallucinés.    

-C’est aussi un souverain temporel, l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen (tant admiré aujourd’hui pour son humanisme !) qui a contraint les papes à instaurer l’Inquisition dont il avait besoin pour contrer les résistances à son absolutisme impérial, en Sicile notamment. – « Il semble que ce furent toujours les grands seigneurs qui, en Thuringe, prirent l’initiative de poursuivre les flagellants. Le rôle de l’inquisition … était au mieux secondaire … Ici encore (à Nordhausen), même ceux qui abjurèrent furent brûlés par les autorités séculières. » (Norman Cohn) – Petit exemple, mais il apparaît bien que l’inquisition fût généralement moins féroce que les seigneurs. La révolte des paysans fut matée par les seigneurs, à la demande de Luther qui luttait contre l’Eglise catholique.

– Elle existe toujours sous une forme férocement laïque quand on voit la féroce haine dénonciatrice de certains journalistes, de certaines associations d’hystériques, de certaines officines, et même d’officiels, de gauche, les procédés immondes qu’ils emploient dont l’inquisition religieuse de jadis aurait eu honte ; sauf qu’elle est certainement moins justifiée et compréhensive que la vieille institution religieuse. Pour comprendre cette affirmation se référer à la Légende du grand inquisiteur dans l’ouvrage de Dostoïevski, Les frères Karamazov.

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« C’est l’Etat qui a attiré des évêques pour en faire des conseillers de l’empire, et en a fait des princes séculiers ; ce sont des souverains temporels qui ont entrepris des baptêmes de force, des rois et non des papes, qui ont introduit l’inquisition et allumé des bûchers, des aventuriers laïcs qui ont sur la conscience les horreurs du temps des conquistadors. »(Père Hans Urs Von Balthasar)– A propos de ceux-ci pourquoi ne parle-t-on pas des murailles de crânes humains édifiées par les Aztèques (grands adeptes des sacrifices humains) lesquelles frappèrent de terreur les êtres frustes qu’étaient les conquistadors espagnols, qui pourtant ne devaient pas être des fillettes ?

« L’inquisition, dit-on. – Les autodafés, les bûchers, les brodequins… L’instrument de torture est un article courant et de première nécessité. L’histoire de l’Eglise est une longue friture. Le Bourgeois, quel que soit son métier, peut douter d’une addition, mais il sait qu’il y a eu un ou plusieurs ordres religieux institués à l’unique fin de brûler à petit feu les penseurs ou de les écorcher de la tête aux pieds. » (Léon Bloy – Exégèse des lieux communs – 1, CXXVIII)

« Quand on compare les inquisiteurs avec les gens qui ont organisé la Shoah, le Goulag, ou l’autogénocide du Cambodge, les premiers prennent l’air d’amateurs peu compétents, si ce n’est d’enfants de cœur. (Rémi Brague)

« L’art ne pâtit pas de tant de redoutable sollicitude. Il profita plutôt, car quels furent les fruits de tant d’attentive intolérance ? Les cathédrales, Dante et Fra Angelico. Voici de très estimables résultats. » (Roger Caillois) – Notre époque de liberté produit elle Beaubourg, Laurent Ruquier et Cyril Hanouna…

« A la persécution de l’hérésie va succéder la répression de la sorcellerie, menée non plus par les officialités ecclésiastiques mais par les appareils civils, non plus au nom de Dieu mais de la Raison, en une chasse délirante à la diablesse qui emportera un nombre de victimes supérieur à l’Inquisition et dont le déchaînement sera plus important dans les pays protestants que dans les pays catholiques. » (Jean-François Colosimo) – Puritanisme protestant. Mais prière de ne pas en parles, politiquement incorrect.

« Diabolisation et ‘légendes noires’ … L’Inquisition qui, n’en déplaise aux esprits avertis, représenta une avancée ‘juridique’ et une reconquête de l’esprit romain des lois, l’Eglise substituant une procédure contradictoire … à l’ordalie coutumière de la féodalité franque … La frénésie de Michelet, jamais à court d’exagérations … Or, la répression la plus terrible que connaît l’Europe est celle que le pouvoir politique exerce de son propre chef contre la sorcellerie … Violence légale et collective accomplie non pas au nom de la religion mais de la raison. En fait de la sécularisation … De 1560 à 1650, entre 40.000 et 100.000 exécutés, soit cinq à dix fois le bilan de la seconde inquisition (dite ‘moderne’) sur trois siècles.  » (Jean-François Colosimo – qui n’en justifie pas pour autant des excès de l’inquisition)

« Continuer à monter en épingle l’Inquisition, au XX° siècle, qui a connu le nazisme et le communisme, ‘il faut le faire’, comme on dit ! … On refait cent mille fois dans les média le procès de l’Inquisition, mais celui de Staline beaucoup moins et celui de nos staliniens à nous, pas du tout. Cette manière de tout aplatir est le fait de gens qui ont complètement perdu la conscience de l’histoire … C’est même au nom des valeurs chrétiennes que nous condamnons l’Inquisition. » (René Girard) – Mais on sait bien quel but poursuivent les manipulateurs et quelle obsession d’impuissants agite les perroquets.

« En tenant compte de la mentalité médiévale, on ne peut juger les excès du remède de l’inquisition qu’en mesurant l’horreur du mal … Le péril albigeois fut écarté, au prix de mesures sauvages, de ruines affreuses. A ce prix sans doute l’humanité a été sauvée (plus encore que la chrétienté) d’un suicide sacré. » (Jean Guitton)

« Galilée n’a pas inventé le télescope, ni le microscope ni le thermomètre …. Il n’a pas démontré la vérité du système de Copernic. Il n’a pas été torturé par l’Inquisition. Il n’a point langui dans ses cachots. Il n’a pas dit ‘eppur si muove’ (formule inventée plus d’un siècle après). Il n’a pas été un martyr de la science. Dans la mythologie rationaliste, Galilée devient la pucelle d’Orléans de la science, le saint Georges qui terrassa le dragon de l’Inquisition … La gloire de cet homme de génie repose surtout sur des découvertes qu’il n’a jamais faites et sur des exploits qu’il n’a jamais accomplis.» (Arthur Koestler) – Lequel auteur ne passait pas pour une grenouille de bénitier – La soi-disant affaire Galilée résulte d’une « tragique incompréhension réciproque » (Jean-Paul II) entre des théologiens crispés et un polémiste arrogant présentant sans aucune preuve des hypothèses (celles du chanoine Copernic près d’un siècle auparavant) comme des certitudes. Personne ne fût net et Galilée ne fût pas martyrisé, loin de là. Il fallait le dire vu la quantité de sottises et de mensonges déversés sur cette affaire.

« Jadis, l’hérétique n’était pas seulement un hérétique mais attaquait dans ses sources vives la communauté sociale temporelle elle-même. » (Jacques Maritain)

« En introduisant une enquête et en instituant une justice régulière où par ailleurs le bûcher était l’exception et non la règle, l’Inquisition  a-t-elle plutôt contribué à l’adoucissement des mœurs, par rapport à la justice expéditive des rois et des empereurs, aux massacres commis par les foules furieuses … C’est quand l’Inquisition passe des mains de l’Eglise à celle des rois et des empereurs, à partir du XVI° siècle, qu’elle fait le plus grand nombre de victimes, ce n’est pas au XIII° siècle qu’on brûle massivement les sorcières, mais au XVII°, au siècle de la raison, au cœur de temps modernes … Les massacres inégalés du vingtième siècle sont imputables à des totalitarismes dont l’armature intellectuelle, bien loin d’être religieuse, était fournie par des croyances néo-païennes ou athées … ‘La Révolution française a fait plus de morts en un mois au nom de l’athéisme que l’Inquisition au nom de Dieu pendant tout le Moyen-Âge et dans toute l’Europe’  (Pierre Chaunu), » (André Perrin) – Le génocide vendéen entre autres.

« Nos démocraties sont menacées par une nouvelle idéologie : celle du ‘minoritarisme’ … Ces nouveaux bigots détestent l’homme tel qu’il est, avec ses faiblesses, ses pulsions, ses humeurs, l’homme incarné … Reconnaître les droits des homosexuels, l’égalité homme-femme, combattre le racisme, s’occuper des handicapés … Autant de nobles causes ! Mais chaque fois ces causes sont instrumentalisés par des minorités actives qui en font un instrument de combat idéologique … Dérives flagrantes avec le néoféminisme et ‘Balance ton porc’, campagne partie d’une indispensable dénonciation pour  tourner à la curée contre la figure fantasmée du  mâle dominateur … Cette idée du Bien que poursuivirent les inquisiteurs et les comités de salut public de tout poil, tous ceux qui ne voulaient pas le bonheur de l’homme tel qu’il est avec son petit tas de misère, ses joies simples et ses grandeurs insoupçonnées, mais la rédemption de leur âme ou le contentement de leur orgueil pour avoir su conduire tant de pécheurs dans le droit chemin … Culture permanente de la culpabilisation, de la repentance, de la transparence, dictature de la bien-pensance, totalitarisme qui n’assume même pas sa nature totalitaire … Coupables d’avoir bu un verre, d’avoir blagué sur les femmes, de manger de la viande, d’avoir offensé une minorité quelconque, un citoyen qui se trouvait un type à peu près bien se retrouve cloué au pilori, sommé d’expier ses crimes et de faire repentance … Derrière cette traque aux dérapages et ces entreprises de rééducation, un mécanisme ; la tyrannie des minorités qui instrumentalisent des combats essentiels, pour les transformer en croisade contre une supposée majorité, contre les ‘dominants’. Au nom du Bien, on modifie le vocabulaire, on nie le plaisir, on criminalise le désir, on réécrit l’histoire … Ce ‘minoritarisme’ tend à s’étendre à l’ensemble des rapports sociaux pour imposer … Le droit de ne pas être offensé s’est transformé en injonction  à se taire … Une conception des droits, de la liberté et de l’égalité qui correspond uniquement aux modèles culturels forgés par la société américaine. » (Natacha Polony, Jean-Michel Quatrepoint) La nouvelle inquisition, seulement plus hypocrite.

« Une infraction au dogme que l’on fait oublier en renouvelant son acte de foi, c’est typiquement un procédé de la douce inquisition (et cela explique pourquoi nos ancêtres préféraient être jugés par l’inquisition plutôt que par la justice royale). » (Ingrid Riocreux)

« Des auteurs modernes, prenant à la lettre certaines instructions de la papauté, ont pu soutenir que l’Inquisition avait été relativement indulgente, eu égard aux mœurs du temps. » (Georges Sorel) – L’introducteur du marxisme en France, l’auteur des Réflexions sur la violence ne passait pas non plus pour une grenouille de bénitier.

« Athènes … avait l’implacabilité des inquisiteurs espagnols. On n’a qu’à passer en revue la série des penseurs antiques et des personnalités historiques offerts en sacrifice pour le maintien du culte sacré. Socrate et  Diagoras furent exécutés … Anaxagore, Protagoras, Aristote, Alcibiade ne purent y échapper que par la fuite… » (Oswald Spengler) – Les procédés inquisitoriaux sont de tout temps et de tout régime : la Terreur révolutionnaire, les multiples polices politiques officielles et officieuses et les camps du XX° siècle, les arrestations et exécutions sur simple dénonciation pendant la dernière guerre et lors de l’épuration qui a suivi la libération, la pensée unique, le politiquement correct aujourd’hui et les associations cupides et hurlantes, certains de nos prétendus journalistes (ces dernières et derniers en moins violents certes, mais même attitude, mêmes procédés…

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