535,2 – Sécurité / Insécurité

On pourra également regarder à la rubrique Coupable, 165,1.

– C’est la première valeur et celle qui conditionne toutes les autres.

– Ni l’insécurité, ni la violence n’augmentent, c’est là illusion de gens frustes qui ont la sottise de ne pas vivre dans les arrondissements bobos parisiens. Tout au plus recense-t-on quelques incivilités contraires au vivre ensemble. A la rigueur, ce ne peut être que parce qu’on porte plainte plus facilement. Bien dit.

-Sait-on que la région la moins  ensauvagée, la plus sûre, de France est la Corse, car on sait encore s’y défendre

– Sans évoquer les agressions et crimes de sang devenus monnaie courante, « toutes ces incivilités remettent en cause le droit de l’individu ordinaire à vivre tranquillement et en sécurité et la possibilité qu’il a de faire confiance à autrui dans ses relations sociales. » (Yves Michaud)

– La violence, c’est très vilain, mais en plus si c’est pour se défendre c’est totalement inacceptable. « La puissance publique s’affirme en effet particulièrement vigilante à l’égard de ceux qui se défendraient eux-mêmes et elle est parfois plus sévère à l’égard des victimes qui se rebiffent que des agresseurs qui connaissent bien leurs droits … L’impuissance se fait exemplaire et terrible envers les plus faibles. » (Yves Michaud) – Haro sur les petits.

– Si nos ancêtres (ceux d’hier) avaient eu connaissance pendant seulement trois mois des rubriques de nos média dites faits-divers, ils en auraient fait des syncopes ou ils seraient descendus dans la rue. Il est vrai que jadis ils en avaient. En plus, toutes opinions confondues, ils se souciaient des pauvres et des faibles, toujours les plus menacés par l’insécurité.

– Où sont les grandes consciences quand des dizaines de policiers se suicident chaque année ?

– Mais heureusement, l’insécurité n’est qu’une notion irréelle, un sentiment  dit-on dans les milieux évolués des beaux quartiers où on nie le réel incommodant, surtout quand il ne concerne que les pauvres gens. Cependant pour tenir compte de cette illusion chez les égarés des faubourgs et des campagnes, la sécurité sera toujours proclamée à rétablir lors des campagnes électorales.

– A la rigueur, on pourrait se sentir en quelque insécurité si on n’était que simplement protégé, mais il est réconfortant de se savoir sous haute protection, suivant l’habituelle enflure journalistique, ce qui est bien plus sécurisant. La sécurité ne saurait être que haute.

– Si l’insécurité n’est qu’un sentiment (partagé même par les touristes chinois à Paris qui n’ont vraisemblablement rien compris à notre art de vivre), bien plus dangereuse, répréhensible, intolérable, nauséabonde… est pour les bien-pensants l’attitude que recouvre le terme (hésitons à l’employer) de sécuritaire.

– On clame un slogan enthousiasmant, vivre ensemble ; à la mode chez les bien-pensants, mais, hélas, parfois incompris par quelques rares personnes déformées par la vilaine société.

– On ne saurait faire quelques menus travaux dans une boutique provisoirement fermée, dans une administration, dans la rue, sur un chemin… sans invoquer sainte sécurité. S’adressant à une société de trouillard(e)s, c’est bien adapté.

– Intraitable principe de précaution, panneaux et avis, plus alertes en tout genre et à tout propos. Il faut vraiment être un débile profond pour trouver encore le moyen de s’enrhumer et d’être ainsi obligé d’avoir recours à l’indispensable cellule d’aide psychologique, l’un des rites essentiels de notre nouvelle religion.

 – « ‘Sécurité civile’ (protection des personnes et des biens), l’Etat de droit et ‘sécurité sociale’ (protection contre les difficultés matérielles, les aléas de l’existence : santé, travail…), l’Etat social. » (Robert Castel – distinguant deux sécurités) – A l’insécurité des personnes et des biens, à l’insécurité économique et sociale, il faudrait ajouter « l’insécurité culturelle avec la remise en cause des identités nationales. » (Jean-Baptiste Barhélémy) et « la conviction que les sociétés multiculturelles et pluri-ethniques sont fatalement porteuses de violence, petite ou grande, de méfiance généralisée. » (Renaud Camus)

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« La perte de la croyance (religieuse) … a certainement contribué à l’invasion massive de la vie politique des collectivités hautement civilisées par la criminalité dont notre siècle est témoin. » (Hannah Arendt)

« ‘La violence urbaine, version filles, est encore un non-sujet, même si tous les acteurs sur le terrain y voient un phénomène émergent’ … Côté féministe, le sujet est tabou … Lorsqu’on en parle, c’est toujours de la même façon : tout d’abord, la violence féminine est insignifiante ; ensuite, c’est toujours une réponse à la violence masculine ; enfin cette violence est légitime. » (Elisabeth Badinter – citant l’article d’un hebdomadaire datant déjà de plus de quinze ans, depuis !) – Les hommes qui ont un peu vécu, n’ont pas d’illusions sur la violence féminine, sur ses moyens retors, mais les hommes ne connaissent rien à rien, c’est aussi bien connu.

« Nous sommes la société qui a peur du futur, et une telle société est plongée … dans l’insécurité … L’homme occidental, l’homme de la maîtrise de soi, n’a plus confiance en lui. La peur du futur a suivi l’optimisme moderne exagéré. » (Miguel Benasayag)

« Je ne suis pas une de ces femelles démocrates qui mettent dans le même sac la violence et le crime parce qu’elles ont placé trop bas, plus bas que le cœur, l’organe des émotions sensibles. » (Georges Bernanos)

« On estimait qu’à la fin du XX° siècle un Américain moyen de 18 ans avait pu visionner à domicile environ 22.000 meurtres explicites … Aujourd’hui que nous avons quitté cette époque de passivité consommatrice pour celle de l’autonomie participative, c’est tout différemment qu’ici au même âge il aura pu former sa personnalité individuelle en perpétrant lui-même ces  22.000 meurtres aux manettes de ces jeux hyperréalistes à l’écran … sur des créatures humaines ou infra-humaines, ou interplanétaires. » (Baudouin de Bodinat) – En attendant la suite de ce progrès.

« Il n’y a plus de catastrophes naturelles, il n’y a que des négligences humaines. A chaque drame, il faut trouver un responsable (non coupable cependant). » (Pascal Bruckner) – « La France déteste que les dysfonctionnements soient causés par l’incurie ou l’incompétence : alors, elle fabrique des méchants ou exagère leur rôle. » (Philippe Bilger)

« La violence est palpable, aussi bien dans les sourires que dans les gesticulations outrées qui servent désormais de mode de communication. Une exubérance de mauvais aloi marque les discours et les comportements. Les sourires montrent les dents, les rires sont des morsures à vide. Les journalistes hésitent entre pratiquer la surenchère, qui fait toujours de l’audience, et s’effarer de la violence des propos échangés à l’antenne. On n’est plus dans la polémique, on est dans l’envie d’en découdre. L’insulte se banalise, et elle est un prélude aux coups..» (Jean-Paul Brighelli – sur la France actuelle)

« Il est faux que la violence aille en augmentant ; c’est seulement qu’on porte plainte plus facilement. » (Renaud Camus – ironique)

« Les plus jeunes on peine à imaginer, et même à croire vraies … les sociétés, qui ont longtemps prospéré en Europe, où les immeubles étaient ouverts à qui voulait, où l’on garait les automobiles sans les verrouiller et où l’on n’eût pas songé à attacher contre un lampadaire une bicyclette qu’on abandonnait un moment , où on n’eût pas songé à tourner la clef d’une maison qu’on quittait pour l’après-midi ni même, en ville, à fermer les fenêtres d’un appartement au rez-de-chaussée, où on ne se contentait pas du terme ‘d’incivilités’ pour qualifier  de (rares) actes d’agression caractérisée. » (Renaud Camus) – Eh oui, je ne suis plus tout jeune, mais j’ai connu cette époque, à peine une cinquantaine, soixantaine d’années.

« Un Etat démocratique ne peut être protecteur à tout prix, parce que ce prix serait celui que Hobbes a chiffré : l’absolutisme du pouvoir d’Etat … Les limites à l’exercice d’un pouvoir absolu (contrôle de la magistrature sur la police par exemple)  mettent autant de limites à l‘exercice d’un pouvoir absolu et créent, indirectement mais nécessairement, les conditions d’une certaine insécurité … Le délinquant pourra tirer parti du souci de respecter les formes légales … Plus un Etat s’écarte du modèle du Léviathan … plus il risque de décevoir l’exigence d’assurer la protection absolue de ses membres … la sécurité absolue des biens et des personnes ne sera jamais complètement assurée dans un Etat de droit … La ‘demande d’Etat’ apparaît plus forte dans les sociétés modernes que dans les sociétés qui les ont précédées où de nombreuses protections-sujétions étaient dispensées à travers la participation à des groupes d’appartenance situés en dessous du souverain (ceci concerne plus la sécurité sociale que la sécurité civile) . La pression s’exerce désormais essentiellement sur l’Etat quitte à ce qu’on lui reproche d’être trop envahissant … L’écart se creuse entre un légalisme qui se renforce et une demande de protections qui s’exacerbe … L’homme moderne veut absolument que justice lui soit rendue dans tous les domaines, y compris dans sa vie privée, ce qui ouvre une large carrière aux juges et aux avocats. Mais il voudrait tout aussi absolument que sa sécurité soit assurée dans tous les détails de son existence quotidienne, ce qui cette fois ouvre la porte à l’omniprésence des policiers … L’écart entre les deux logiques nourrit le sentiment d’insécurité … La sécurité est un droit, mais il ne peut sans doute s’accomplir pleinement sans mobiliser des moyens qui s’avèrent attentatoires au droit. » (Robert Castel – considérations éparses su la sécurité – L’insécurité sociale, qu’est-ce qu’être protégé,)

« Si l’on peut parler d‘une remontée de l’insécurité aujourd’hui, c’est … parce qu’il existe des franges de la population désormais convaincues qu’elles sont laissées sur le bord du chemin, impuissantes à maîtriser leur avenir dans un monde de plus en plus changeant … Réaction de type ‘poujadiste’ (populisme aujourd’hui) ; Sentiment d’abandon et ressentiment à l’égard d’autres groupes et de leurs représentants politiques qui tirent les bénéfices du changement en se désintéressant du sort des perdants. » (Rober Castel) – Ce qui concerne l’insécurité sociale au premier chef, mais est souvent doublé d’une réalité d’insécurité civile (lieux d’habitation…)

«‘L’individualisme a marché du même pas que l’étatisme’… Paradoxalement, l’emprise croissante de l’Etat social, en procurant à l’individu des protections sociales consistantes, a agi comme un ‘puissant facteur d’individualisation. ‘L’assurance d’assistance’ ménagée par l’Etat  affranchit l’individu de sa dépendance à l’égard de toutes les communautés intermédiaires qui lui procuraient des ‘protections rapprochées’. » (Robert Castel – citant Marcel Gauchet)

« Nos pédagogues ont longtemps prôné ‘l’école ouverte’, mais c’est la violence qui s’est invitée. » (Jean-Marc Chardon)

«  La liste des agressions violentes qui émaillent le quotidien des Français ne cesse de s’allonger dans ce qui apparaît au grand jour comme un ensauvagement de la société. D’égorgements en attaques ratées, la banalisation de la barbarie se diffuse et témoigne d’une dégradation spectaculaire de la civilité. C’est désormais au couteau que se livre le combat entre notre société et ses ennemis … Cette banalisation ne se manifeste pas uniquement par des actes à dimension terroriste, elle se diffuse dans les relations du quotidien. » (Anne-Sophie Chazaud)

« Le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas. » (Georges Clémenceau) – C’était jadis.

« La Sécurité se confond avec le progrès. Elle constitue la première condition de la civilisation et c’est sur elle que repose la légitimité des gouvernants … La sécurité des personnes, des biens et de l’avenir est, depuis le Moyen âge, le socle du contrat social … Depuis quelques dizaines d’années, ces trois attributs du progrès social, garantis par le capitalisme de l’après-guerre, sont remis en cause …’Le seigneur, s’il manquait à ses engagements perdait ses droits ‘(Marc Bloch – sur la société féodale et le contrat de vassalité). En renouant avec un principe très archaïque, la société reconnaissait le droit des subordonnés à se révolter contre un maître qui n’aurait pas été à la hauteur des responsabilités qui lui étaient dévolues … Voilà un principe de laïcité qui s’immisce en plein Moyen Âge : le pouvoir du souverain n’est ni sacré ni surnaturel ; il n’existe que par le peuple qui peut y mettre fin en certaines circonstances … Droit à la révolte reconnu sous le régime féodal ou monarchique … Le renoncement des élites à protéger, que ce soit par  aveu d’impuissance ou par conversion à l’idéologie néo-libérale, souligne, par contraste, que le droit de gouverner se gagne, d’abord, par la capacité à protéger. Ultime rappel au moment où les gouvernants semblent se délier de ce devoir d’où découle leur pouvoir. » (Philippe Cohen)

« La délinquance de défense n’a pas la légitimité de la délinquance d’agression. » (Eric Conan)

« En jugeant que la délinquance est une fatalité découlant automatiquement de la pauvreté, elle l’essentialise ; un pauvre, ce n’est pas seulement laid (comme nous le montrent les Deschiens), ce n’est pas seulement abruti de télé, c’est aussi délinquant … cette insulte reste la ligne du parti socialiste. » (Eric Conan – La gauche sans le peuple) – Encore une bonne opportunité de vomir gratuitement sur le peuple.

« Je ne connais pas de plus grande brutalité, dans nos démocraties, que celle utilisée contre les courants populistes. La violence qui leur est réservée excède toute borne … Si cela était possible, leurs partisans seraient cloués sur les portes des granges. » (Chantal Delsol)

« A la différence des années trente, les casseurs d’aujourd’hui n’ont pas besoin de rites, de défilés, d’uniformes, ils n’ont que faire de programmes, de promesses, de serments … Ils peuvent même se passer de chefs. La haine suffit … La terreur revient sous une forme privatisée … Il n’y a plus que le présent. Les conséquences n’existent plus. Le principe régulateur d’autoconservation est mis hors circuit … Il n’y a aucun enjeu. Il s’agit littéralement de rien … D’ailleurs, le crime n’existe plus : il n’y a plus de coupables, il n’y a que des patients. » (Hans Magnus Enzensberger – sur les nouveaux casseurs)

« Ces actes spontanés expriment la fureur qu’inspire tout ce qui est intact, la haine de tout ce qui fonctionne, laquelle est inextricablement mêlée à la haine de soi-même. Ces jeunes sont l’avant-garde de la guerre civile. » (Hans Magnus Enzensberger) – Laquelle est inévitable pour l’auteur.

« En matière de lutte contre la délinquance violente, l’Etat est devenu colosse aux pieds d’argile : sommé par les progrès de l’insécurité d’user de son droit à recourir à la violence légale, il reste tétanisé … Délégitimation de la violence d’Etat. » (Gilles William Goldnadel)

« C’est le miracle du Covid-19 que d’avoir fait croire aux classes privilégiées que la sécurité sous toutes ses formes devait devenir leur priorité, avant même la préservation des liens sociaux et des libertés fondamentales ». (Jérôme Blanchet-Gravel)

« Nos sociétés sont devenues d’immenses jardins d’enfants dont il faut assurer la constante surveillance. Si les sociétés modernes ont longtemps visé un parfait bonheur qui n’existait pas, elles visent maintenant la sécurité sous tous ses aspects, sentiment qui bien sûr n’est pas moins utopique. Le ‘safe space’ global se déclinera en d’infinies mesures qui, bien que vertueuses, auront pour effet de nous rendre encore plus anxieux. Nous n’avons pas fini de confondre les causes et les effets de notre malheur. » (Jérôme Blanchet-Gravel)

« Les sociétés occidentales ont pris un virage sécuritaire : sous tous ses aspects, la sécurité devient l’horizon indépassable de notre temps … Mais l’Occident a aussi, voire surtout, révélé que ses grands principes ne valaient plus grand-chose à la vue d’un virus aussi insignifiant que le Covid-19. Sans aucune retenue, l’Occident a offert à Pékin le spectacle de sa décadence. Il aura suffi d’une pandémie somme toute assez modeste à l’échelle de l’histoire pour que nous fassions la démonstration de notre incapacité à combattre un réel ennemi à l’avenir. (Jérôme Blanchet-Gravel) 

« La dynamique populiste joue sur deux ressorts à la fois, l’insécurité sociale et l’insécurité culturelle. » (Christophe Guilluy)

« Face à la réalité de la délinquance, les objectifs de mixité semblent dérisoires. On peut même parler d’un certain cynisme des pouvoirs publics qui incitent les classes moyennes à vivre dans ces quartiers alors même qu’ils n’ont pas été capables de freiner la montée d’une délinquance qui est la cause principale des comportements d’évitement … L’objectif de mixité  est essentiellement plébiscité par les couches supérieures, c’est-à-dire celles qui pratiquent le plus l’évitement … Mais, aux yeux des classes dominantes, le peuple étant intrinsèquement raciste, c’est donc aux couches populaires qu’il convient d’imposer un ‘vivre ensemble éducatif’. Naturellement immunisées contre ces bas instincts, les couches supérieures plébiscitent la ville mixte mais en s’en protégeant. » (Christophe Guilluy) – La réticence des classes populaires et moyennes à affronter, pour le moins, la quotidienne guerre des yeux permet en plus à nos élites d’inventer un racisme qui n’existe pas mais dont l’agitation comme épouvantail leur permet de se maintenir au pouvoir et d’endoctriner la stupide jeunesse dorée.

« L’obligation des sujets envers le souverain ne dure qu’aussi longtemps que celui-ci a la force de les protéger. Car le droit naturel qu’ont les hommes de se protéger, lorsque personne d’autre n’est en mesure de le faire, ne saurait être aboli par aucun contrat. » (Thomas Hobbes) – De nos jours, l’Etat ne protège plus personne, non par incapacité mais par lâcheté. Il réserve sa rigueur aux malheureux qui se défendent.

« Point de liberté, si une volonté forte n’assure l’ordre convenu. Une volonté forte (et par cela même puissante) donne à tous les esprits une grande sécurité. » (Joseph Joubert)

« La notion d’intention est capitale dans le sentiment d’une menace constante et imprévisible. ‘Le crime d’aujourd’hui apparaît comme le produit d’une intention mauvaise, au lieu d’être, en somme, l’expression d’un excès de la passion ou de la colère dans un univers familier’ (rixes de jadis, où la plupart du temps on connaissait son adversaire) … De 1950 à 1992, multiplication par treize des vols et recels … La société préfère dépénaliser plutôt que d’avouer franchement son impuissance … Au-delà d’un certain niveau de transgression, la loi perd toute autorité … Les classes populaires ne sont pas par nature plus conservatrices ou plus répressives ; elles sont plus exposées, voilà tout, et se plaignent amèrement de l’incompréhension des bourgeois libéraux. »  (Jacques Julliard – citant Hugues Lagrange)

« La perte des repères, des structures, qui est le fait d’une majorité d’Européens, exerce déjà, exercera, des effets considérables sur le passage à la violence ; car elle la libère, elle défait toutes ses entraves… » (Hervé Juvin)

« Comment les sociétés de sang ont-elles pu faire place à des sociétés douces où la violence interindividuelle n’est plus qu’un comportement anomique et dégradant, et la cruauté un état pathologique ? » (Gilles Lipovetsky) – Et, tant qu’à délirer, pourquoi pas exceptionnel également. Bon analyste, l’auteur se noie parfois dans un optimisme systématique de midinette. Ce qui ne l’empêche pas d’affirmer ailleurs « Le crime presque pour rien. » visant le crime hard (et sans bénéfice) s’affichant au grand jour.

« Tout ordre étatique et juridique, et au premier chef, l’ordre capitaliste, repose en dernière analyse sur le fait que son existence et la validité de ses règles ne posent aucun problème et sont acceptées comme elles. La transgression de ces règles dans des cas particuliers n’entraîne aucun danger spécial pour le maintien de l’Etat, aussi longtemps que ces transgressions ne figurent dans la conscience générale que comme cas particuliers … L’idéologie n’est pas seulement un effet de l’organisation économique de la société, elle est aussi la condition de son fonctionnement paisible. » (György Lukàcs) – Aujourd’hui, les transgressions sont si nombreuses et si tolérées, sinon même médiatiquement valorisées, par une société devenue lâche qu’un fonctionnement paisible est devenu plus qu’aléatoire.

« Je préfère vos condamnations à vos condoléances. » (Golda Meir – citée par Pascal Bruckner)

« Une société qui a peur de tout : du SRAS, du cancer, du coronavirus, des OGM, du nucléaire, d’Al-Qaïda, des accidents de chemin de fer ou d’avion, des criminels en série, et même du noir et de l’inconnu. Partout … il faut de la sécurité, des vigiles, des caméras de surveillance, mais en même temps, il faut se faire peur : films d’horreur, de catastrophes … Le concept de société du risque s’est abêti en  concept de société de précaution … N’a-t-on pas inscrit dans la constitution un ‘principe de précaution’ qui dit à peu près ceci : ‘il faut faire attention à tout’ ? … De l’homme prudent qui analysait avec soin les situations, on a affaire à un homme timoré qui défend le statu quo au nom du ‘on ne sait jamais’ et qui a la hantise de la responsabilité … En même temps cet être timoré se shoote au risque à la première occasion … On veut bien frôler la mort mais sans mourir … Normes et contrôles encadrent la transgression, la sécurisent, la normalisent, la banalisent. » (Yves Michaud)

« La pratique délinquante est, généralement, très productive (incendier quelques milliers de voitures chaque année ne demande qu’un apport matériel et humain très réduit…), n’exige pas d’investissement éducatif particulier, de sorte que la participation du délinquant à la croissance du PIB est immédiatement rentable. » (Jean-Paul Michéa) – C’est à peu près la seule façon d’augmenter ou de maintenir la divine croissance !  Il suffit pour consoler les victimes (populaires en général) d’inventer des raisons telles le chômage, l’exclusion… les laquais de la sociologie d’Etat sont là pour ça.

« La sécurité, le plus vital de tous les intérêts, comme chacun le sent bien … Tous les biens peuvent être sacrifiés s’il le faut, ou remplacés par d’autres. Mais aucun être humain ne peut se passer de sécurité … Or cette sécurité on ne peut l’obtenir que si les moyens mis en œuvre pour l’assurer agissent vivement et sans relâche. » (John Stuart Mill) – Première mission de l’Etat, la sécurité est celle qu’il néglige le plus. En effet, rien de plus soumis que des citoyens insécurisés. De plus l’insécurité concerne d’abord les petits, les plus faibles, ceux qui sont bien loin de l’oligarchie, de la classe dominante.

« La liberté politique consiste dans la sûreté … Cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté ; et, pour qu’on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu’un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen. » (Montesquieu) – Heureuse époque que celle de Montesquieu.

« La civilisation occidentale du principe de précaution, de la santé et de la sécurité, sue la crainte par tous ses pores, mais cette vérité demeure voilée tant que tout le monde se serre les coudes pour croire et faire croire qu’elle représente le summum du désirable et du raffinement universel. Il faut que cette illusion perdure pour qu’on ne voie jamais sur quel fond d’apeurement abject et d’épuisement vital elle repose … C’est quand tout est si bien nettoyé, briqué, hygiénisé, neutralisé sous le triple signe de la santé, du confort et de la sécurité, que la barbarie la plus crue et la plus obscène fait son entrée. C’est quand la perfection est à son comble, c’est quand le rêve a triomphé de la réalité et que le Bien a chassé le Mal, que surgit une malfaisance sans commune mesure avec celle que l’on se vantait si fort d’avoir terrassée. » (Philippe Muray)   

« L’art de la police est de ne pas voir ce qu’il est inutile qu’elle voie. » (Napoléon-Bonaparte)

« Toute philosophie cherche à établir et à justifier des vérités spirituelles conformes à certains types d’existence temporelle, elle les exhibe méthodiquement au moyen de raisonnements  et de concepts … Dénonçons-nous un fait ? Il n’était qu’une apparence, un rêve, une ombre : pour tout dire, il n’existait pas. » (Paul Nizan) – Le fameux sentiment d’insécurité

« Il faut toujours hurler avec les loups, c’est la seule façon d’être en sécurité. » (George Orwell)

 « La contradiction majeure qu’elle a décelée dans sa revue des destins féminins, celle qui oppose liberté et sécurité. Là où la sécurité grandit, la liberté diminue. Là où s’affirme la liberté, en France par exemple, la sécurité dépérit. » (Mona Ozouf – reprenant madame de Staël sur la sécurité féminine matérielle plus que physique) – C’est toujours vrai.

« En majorité, les criminels font un choix rationnel de type coût-bénéfice : plus de crimes adviennent quand les opportunités augmentent (prospérité) et que la chose est moins risquée (laxisme). » (Xavier Raufer) – Tout le monde sait que l’explication par le social est fausse, qu’elle ne convient qu’à la clique politico-médiatique méprisante du peuple.

« Pour être un président protecteur, il faut d’abord effrayer ceux que l’on veut protéger. » (Christian Salmon)

« Notre société, qui sacralise les droits de l’homme, se montre en contradiction avec elle-même lorsqu’elle ne fait pas respecter la première des libertés : le droit à la sécurité. » (Jean Sévillia) – Oui, mais l’insécurité touche essentiellement les petits, donc peu d’ importance.

« Le futur aujourd’hui est surtout un immense agrégat d’inquiétudes (les ‘insécurités que nous nous sommes nous-mêmes fabriquées’ selon la formule d’Anthony Giddens) dont il est préférable de s’éloigner. » (Raffaele Simone)

« La finalité du bonheur du plus grand nombre, sacrifice de la liberté du choix individuel à une idéologie de la sécurité. » (Alain-Gérard Slama – s’inspirant de John Stuart Mill)

«  La politique reposant sur la morale de la conviction … Ordre moral, consensus obligé, confusion des ordres, règne des experts, prévention généralisée, prolifération des normes, hygiénisme, prophylaxie sociale : telle est la charte d’une société française hantée par une véritable religion de la sécurité …visant à transformer la société en une Eglise réconciliatrice et réconciliée … Le respect de la sécurité et de la vie devenue une priorité telle, qu’il s’accommode de la sécurité et de la vie sans le respect» (Alain-Gérard Slama)

« Quand, dans un temps de trouble, le besoin d’une police de sûreté grandit tout à coup et se répand, le pouvoir du préfet de police … grandit aussi, » (Gabriel Tarde) – A défaut d’une bonne guerre extérieure, quelques troubles, quelques craintes dans la population, n’ont jamais déplu au pouvoir.

« ‘Il était fou des deux-roues … Il avait besoin d’argent’. – Telle est la présentation des média à propos d’un fait divers où un jeune (déjà condamné 19 fois) a été abattu (non intentionnellement) par sa victime lors d’un braquage violent, média qui n’ont interrogé, comme d’habitude, que les proches du jeune homme.  Tout doit céder devant la pulsion d’achat (le besoin d’argent), cet euphorisant de la décadence. Et, si je n’ai pas les moyens, je vole, je me sers. Une société qui ne cesse d’encourager l’égoïsme et l’adoration du Veau d’or. » (Joseph Thouvenel – dans un article mesuré) 

« Nous sommes entrés dans un nouveau gouvernement de l’insécurité sociale. Une époque où toutes les grandes idées ayant perdu leur crédibilité, la crainte d’un ennemi chimérique est tout ce qui reste aux hommes politiques pour assurer leur pouvoir. » (Loïc Wacquant) – En France, au moins, leçon retenue par la classe politico-médiatique qui invente tous les jours (il suffit qu’un chien pisse de travers) quelque danger pour la démocratie (c’est-à-dire pour son pouvoir), qu’elle baptise de quelque …isme ou …iste ou …phobe...

« La sécurité : L’âme n’est pas sous le poids de la peur ou de la terreur, excepté par un concours de circonstances accidentelles et pour des moments rares et courts … La peur permanente est une demi-paralysie de l’âme, quelle qu’en soit la cause, c’est un poison presque mortel. » (Simone Weil – L’enracinement)

« Quand les mots manquent on ne fait semblant d’exister que par les poings. » (?) – Les premiers oubliés par l’éducation nationale, les seconds confortés par la télévision, le cinéma et l’exemple.

« Un mode domination fondé sur l’insécurité ; domination par la précarité. » (?) – Là, il ne s’agit pas d’insécurité physique mais d’insécurité matérielle et morale.

« L’essoufflement psychique des Français est un événement historique. » (Titre d’un quotidien en 2010) – Est-ce surprenant ?

Ci-dessous, extraits simplifiés et remaniés du livre L’insécurité culturelle de Laurent Bouvet.

« Le multiculturalisme fonctionne comme un outil à double tranchant. D’un côté, positivement, il est utilisé pour désigner et étudier les minorités … De l’autre, négativement, il sert à dénoncer l’attitude des ‘petits blancs’ et autres populations ‘autochtones’ ou ‘majoritaires’ …Dresser l’une contre l’autre les deux parties du peuple … permettrait à l’élite dirigeante de conserver son pouvoir en servant ses intérêts de classe … Partant du constat que la question sociale se double d’une question culturelle, nous avons créé le concept ‘d’insécurité culturelle’ au début des années 2000 pour décrire le ressenti des catégories populaires confrontées à l’intensification des flux migratoires dans le contexte nouveau de l’émergence d’une société multiculturelle’ (Christophe Guilluy) … L’insécurité culturelle ne se déploie plus seulement suivant l’axe ‘eux-nous’, à travers la désignation d’une menace à la fois économique et identitaire  … mais suivant un axe ‘conservation-progrès’ … ‘Mariage pour tous’, mœurs … Les initiatives se voulant correctrices d’inégalités comme les politiques en faveur de la parité ou de la lutte contre les discriminations et de reconnaissance de la diversité, de la même manière que des réformes dites ‘progressistes’ … s’accompagnent d’injonctions morales et de politiques publiques en faveur de comportements longtemps considérés comme marginaux … Le glissement des élites, du social au culturel, est toujours défavorable au classes populaires (vieille tactique, auparavant pratiquée par la bourgeoisie et joyeusement repris par la gauche-bobo-caviar pour dévaluer, occulter, le social) … Derrière le sentiment de la vulnérabilité économique, figure cependant un autre sentiment : celui de l’insécurité, personnelle et sociale, une forme généralisée ‘d’intranquillité’ (Luc Rouban), intranquillité particulièrement observable dans les catégories populaires … La légitimité des revendications culturelles et identitaires reste prioritairement réservée aux minorités, et refusées aux ‘petits blancs’ et autres populations autochtones ou majoritaires … Toute surdétermination culturelle devient un élément péjoratif et illégitime lorsqu’elle concerne le groupe majoritaire (en clair : les hommes blancs, hétérosexuels, autochtones, etc.) … Toute critique de ce culturalisme normatif et sélectif est censée relever de la domination ou de la discrimination : sexisme, homophobie, racisme … Parler culture et identité ne serait légitime que pour dire les difficultés  de minorités et pour mieux leur permettre d’exprimer leurs revendications et leurs droits vis-à-vis de la ‘majorité’ … La première raison pour laquelle l’observation même de l’insécurité culturelle est profondément rejetée à gauche tient à la prévalence de ce qu’Antonio Gramsci dénonçait déjà comme ‘économisme’ : tout serait déterminé, dans l’explication comme dans la prescription des solutions, par les facteurs économiques … que tout découlerait des rapports de force qui s’établissent dans le monde productif … De là l’idée, très courante, que l’amélioration de la conjoncture économique permet de régler à coup sûr toute crise, et donc de répondre à tout questionnement identitaire … L’aveuglement économiciste consiste à voir dans l’amélioration des conditions économiques et sociales d’ensemble un remède aux difficultés multiples que traverse la société contemporaine française … La ‘bonne’ diversité, celle réservée à la promotion des minorités sur motif culturel, et la ‘mauvaise’, en tout cas secondaire, sur motif social … Il est impossible de prétendre faire reculer les inégalités les plus criantes dans la société en se contentant d’attribuer des droits individuels à quelques-uns, au nom de tel ou tel critère identitaire-culturel lié à la personne. Ce qui a été fait, bruyamment, à gauche. »

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