550,1 – Pensée, Réflexion

– Pas de maîtrise de la pensée, sans maîtrise de la langue.

– Une pensée vraie est une pensée qui s’efforce de s’arracher au pouvoir de l’habituel. C’est une pensée interrogative. Elle formule la question : Qu’est-ce que ? Elle cherche la réalité à travers les apparences et les masques.

– Quête de sens plutôt que soif de connaissances, fréquemment dégagée de tout but pratique, elle traite d’objets absents, dégagés de la perception sensible immédiate, « Hors de l’ordre » (Martin Heidegger), « Tantôt je pense, tantôt je suis » (Paul Valéry). – Considération due à Hannah Arendt.

– Il faut laisser le temps à nos pensées de se former. On les gâte à y toucher trop vite. Une idée vraie, à suivre, est le résultat d’une infinité de pensées.

– Ne pensez pas que l’autre pense que… (soit ce que nous, nous pensons sur le moment). Réduire les idées d’autrui aux siennes s’appelle une projection ; terminée alors la communication. 

– Rien ne viendrait à la pensée que reçu par les sens ? (voir début de 175,2)

– « Ruine de la langue, démolition des structures de la pensée. » (Roland Jaccard) 

-« La pensés gramophone. » (George Orwell) – Encore n’a-t-il pas connu notre époque.

« Qu’en pensera-t-on ? dit alors celui qui ne pense rien. » (Gustave Thibon)

L’être intime de l’homme « dont la destinée est de penser. » (Martin Heidegger)

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« Penser, c’est dire ‘non’. » (Alain)

« Mieux vaut ne pas penser que penser hors de soi. » (Alain)

« Le seul moyen de changer d’idée est de changer d’action. Tous les passionnés exorcisent d’abord les pensées par les pensées. L’ancien exorcisme par le geste était le plus sage. » (Alain)

« La pensée est une espèce de jeu qui n’est pas toujours très sain. Communément on tourne sans avancer. » (Alain)

« Il faut croire d’abord. Il faut croire avant toute preuve, car il n’y a point de preuve pour qui ne croit rien … Si je ne crois point qu’il dépend de moi de penser bien ou mal, je me laisse penser à la dérive ; mes opinions flânent en moi comme sur un pont les passants. Ce n’est pas ainsi que se forment les idées ; il faut vouloir, il faut choisir, il faut maintenir … Il ne manque pas d’esprits sans foi. Ce sont des esprits faibles, qui cherchent appui au dehors … Penser sans hypothèses préalables, raisonnablement formées, et fermement tenues, c’est combattre sans armes … L’obligation de croire ne diffère pas beaucoup du devoir de penser. L’homme moderne, à force de faire l’incrédule, finit par croire beaucoup. » (Alain) – A tout ce qu’on lui dicte.

« La pratique du ‘double-penser’ (George Orwell) – pouvoir garder à l’esprit simultanément deux exposés contradictoires et les accepter tous les deux interdit à la fois la représentation du réel et la position d’un sujet à la fois sensible et jugeant. Le fait de les juxtaposer sans que soit relevé leur incompatibilité (ce qui abolit le principe logique de non-contradiction), de soutenir en même temps et avec la même conviction deux opinions antithétiques annule à la fois le doute lié à l’élaboration d’un jugement fondé et la certitude acquise au terme du cheminement de pensée. » (Myriam Revault d’Allonnes)

« Penser aux extrêmes. » (Louis Althusser)

« Nos pensées dépendent plus fortement de notre humeur que l’inverse … Notre cerveau émotionnel l’emporte en général sur notre cerveau intellectuel … ‘L’esprit sera toujours la dupe du cœur’. » (Christophe André  – citant La Rochefoucauld)

« ‘Parfois je pense, parfois je suis’ … Il arrive que penser nous détourne de certaines choses ou manière d’être essentielles … ‘L’overthinking’, la rationalisation permanente, le recours constant au raisonnement logique qui peut parfois finir par étouffer l’intuition. » (Christophe André – citant Paul Valéry)

« Ce n’est que dans la mesure où il pense … qu’il est un ‘Il’ et non un ‘Quelqu’un’ » (Hannah Arendt)

« Le simple fait de penser est en lui-même une entreprise dangereuse, mais ne pas penser est encore plus dangereux. » (Hannah Arendt)

« Activité qui est sa fin en soi … la pensée généralise sans cesse. » (Hannah Arendt)

« L’opposition de la pensée et de l’action, qui, privant la pensée de réalité et l’action de sens, les rend toutes deux insignifiantes. » (Hannah Arendt)

« La pensée est la seule activité qui n’ait besoin que d’elle-même pour s’exercer. » (Hannah Arendt)

« La pensée est toujours ‘hors de l’ordre’, elle interrompt les activités habituelles et est interrompue par celles-ci … La réalité et l’existence, que nous ne savons concevoir qu’en termes de temps et d’espace, peuvent être, temporairement mises entre parenthèses … Ce qui, alors … devient significatif c’est un extrait produit de la désensorialisation, qui ne sont pas de simples concepts abstraits, on les appelait autrefois ‘essences’. » (Hannah Arendt)

« C’est la pensée qui a permis à l’homme de pénétrer les phénomènes, de démasquer en eux le semblant … Le raisonnement fondé sur le bon sens n’aurait jamais osé jeter bas, de façon aussi radicale, tout ce que l’équipement sensoriel humain présente comme plausible … Le doute qu’éprouve la pensée de pouvoir se fier à l’expérience sensorielle, le fait de soupçonner les choses d’être tout à fait différentes  de ce qu’elles paraissent aux sens… » (Hannah Arendt)

« Dés que nous commençons à penser, à propos de quelque question que ce soit, nous arrêtons tout le reste, et ce tout le reste, à son tour, interrompt le processus de pensée … Tout se passe comme si nous accédions à un monde différent. ‘Tantôt je suis, tantôt je pense’ … La pensée traite toujours d’objets qui sont absents, hors de la perception sensible directe … ‘L’ouragan de la pensée’. » (Hannah Arendt – citant Paul Valéry et Heidegger)

« La pensée elle-même naît d’événements de l’expérience  vécue et doit leur demeurer liée comme aux seuls guides propres à l’orienter. » (Hannah Arendt – La crise de la culture)

« Ce qu’a découvert Socrate, c’est qu’on peut avoir des rapports avec soi-même, aussi bien qu’avec les autres, et que les deux types de rapports présentent des points communs… Le dialogue silencieux entre moi et moi-même … Toute pensée est un dialogue entre moi et moi-même. » (Hannah Arendt)

« Toute pensée … s’élabore dans la solitude, est un dialogue entre moi et moi-même, mais ce dialogue de deux-en-un ne perd pas le contact avec le monde de mes semblables : ceux-ci sont en effet représentés dans le moi avec lequel je mène le dialogue de la pensée. » (Hannah Arendt)

« La principale erreur est de croire que la Vérité est une conclusion à laquelle on arrive au bout d’un processus de pensée. La vérité, au contraire, est toujours le point de départ de la pensée … la pensée commence après qu’une expérience de vérité a frappé l’esprit … La vérité n’est pas dans la pensée, mais elle est la condition qui rend la pensée possible. Elle est tout à la fois un commencement et un a priori. » (Hannah Arendt)

« Libre pensée, libre croyance : même illusion psychologique. » (Lucien Arréat)

« Le meilleur moyen d’entrouvrir un mot pour en faire sortir la ou les pensées qu’il abrite (car, j’oubliais de le signaler, il est fréquent qu’un seul mot abrite toute une portée de pensées, nées d’accouplements dont nous ne savons pas grand-chose et qui ne se ressemblent pas forcément beaucoup), c’est d’essayer de le traduire. » (Marc Augé)

« Qu’on ne doit pas tenir pour vraie une pensée parce qu’elle s’exprime éloquemment, ni pour fausse parce que les lèvres la traduisent par des sons dénués d’art ; et qu’au contraire, une pensée n’est pas vraie parce qu’elle est énoncée simplement, ni fausse parce que la forme en est brillante. » (saint Augustin)

« Que toutes tes pensées soient telles que si on te demandait à tout instant ce que tu penses tu puisses toujours l’avouer sans honte. » (Marc-Aurèle)

« Toutes les basses époques sont caractérisées par une peur invincible devant la pensée et une fuite rassurante dans les idéologies ou les anti-idéologies. Même ce dont se repaît cette basse époque … la ‘culture’ ne va plus. Car tout ‘doit’ être nivelé par le bas, la quantité ‘doit l’emporter sur la qualité. » (Kostas Axelos)

« La pensée est l’organisatrice de la perception du réel. » (Gaston Bachelard)

« Martin Buber nous montre les deux sources de la parole qui sont, bien entendu, les deux sources de la pensée : les choses d’une part, les personnes d’autre part, le ‘Cela’ et le ‘Tu’. » (Gaston Bachelard)

« Les ‘gens normaux’ ne pensent pas. Penser est un risque trop grand quand on a la normalité pour idéal. » (Olivier Bardolle) – Donc, pourquoi les Français seraient-ils surpris et déçus d’avoir élu un président qui ne pense pas, puisque s’affichant aussi normal qu’eux.

« On apprend à parler à un muet, jamais à penser à un imbécile. » (Anne Barratin)

« Le penseur s’aperçoit vite quand celui qui le suit s’arrête à mi-chemin. » (Anne Barratin)

« Toujours penser contre son temps, mais encore plus contre soi-même. » (Eugénie Bastié)

« La pensée de midi. » (George Bataille) « La pensée de la juste mesure du monde. » (Pierre le Vigan)

« Le langage euphémisant, la lutte contre le harcèlement sexuel, toute cette mascarade  protectrice et protectionniste est du même ordre que l’usage du préservatif. L’usage mental du préservatif, bien sûr, c’est-à-dire l’usage prophylactique des idées et des concepts. On ne pensera bientôt plus que gainé de latex. » (Jean Baudrillard)

« Une pensée basse, une  pensée énervée qui n’a plus même la fierté de ses propres références, ni non plus l’énergie de les dépasser, et qui gaspille ce qui lui reste dans les procès, les griefs, les justificatifs, les vérifications historiques … Autodéfense d’une société qui, faute d’avoir pu générer une autre histoire, est vouée à ressasser l’histoire antérieure pour faire la preuve de son existence. » (Jean Baudrillard – sur les repentances, les accusations et excommunications, les mises à l’index, sur la petitesse de notre époque)

« La langue est ce dans quoi prend forme une pensée, le rythme qui la structure, l’exigence qui la pousse vers son aboutissement. » (François-Xavier Bellamy) – Est-ce pour détruire la pensée qu’on veut détruire la langue ?

« Le fait de ne pas communiquer immédiatement ce qu’on a à l’esprit est fondamental pour la pensée : si je communique en permanence, je ne peux pas penser, la boucle de ma singularité est sans cesse rompue. » (Miguel Benasayag – l’abus du portable) – Une des raisons, en dehors de leur paresse et de leur immense inculture, pour laquelle nos clowns politiques ne pensent pas et foncent dans tous les pièges à cons. Malheureusement en nous y entraînant à leur suite.

« La pensée animale est une pensée ‘immergée’ … La pensée humaine est en partie séparée de l’objet qu’elle pense, capable de penser la pensée elle-même … Mais elle est plutôt immergée dans le ‘paysage’ (l’homme des pyramides, l’homme du temps des cathédrales…), elle s’exerce toujours dans les limites de son paysage … Sans qu’il y ait sens d’interdiction, il n’y a pas une pensée abstraite qui puisse s’extraire des paysages auxquels elle appartient … Nous pouvons penser la situation, nous pouvons penser le paysage, mais cette pensée est immergée dans le paysage dont elle fait radicalement partie. Nous ne pouvons donc penser au-delà de cette limite … toute pensée au-delà de la frontière ne sera qu’un acte pour repousser la limite, et elle n’aboutira qu’à créer une nouvelle limite … L’homme n’est pas un ‘empire dans l’empire’. (Spinoza) … Le paysage, notre ‘tout substantiel’ n’est pas un décor optionnel, escamotable à volonté … Connaître les continuités, assumer les liens, respecter des temporalités, assumer le caractère phénoménal des processus de vie. » (Miguel Benasayag – à propos du sentiment de déracinement et de révolte des enfants adoptés depuis des contrées lointaines – La fragilité) – Contre le déracinement imposé par la mondialisation portée par des élites dévergondées.

« Notre âge aura vu des prêtres de l’esprit enseigner que la forme louable de la pensée est la forme grégaire et que la pensée indépendante est méprisable. » (Julien Benda)

« Un historien dévoie la fonction de l’intellectuel  lorsqu’il parle de  ‘délinquance de la pensée’, des mots qui sonnent comme un appel à l’excommunication de la vie  civique … Qui exerce la police de la pensée juste ? Car si pensée délinquante il y a, il doit nécessairement y avoir police de la pensée destinée à épurer du champ social un certain nombre de mots ou de paroles jugées contraires à la doxa du moment … Tropisme religieux séparant le pur de l’impur … Echo de la ‘mauvaise pensée’, formule jadis utilisée dans l’intimité du confessionnal. » (Georges Bensoussan – relevant l’incongruité, ou plutôt la saleté,  d’un prétendu historien, Gérard Noiriel, qui se permet de comparer Eric Zemmour à Edouard Drumont)

« Agir en homme de pensée et penser en homme d’action. » (Henri Bergson)

« Ne pas plier les choses à son idée au lieu de régler sa pensée sur les choses. » (Henri  Bergson)

« Il avait une voix extrêmement prenante parce que très lente ; il pensait très lentement ; c’était sa force. » (Emmanuel Berl – sur Henri Bergson)

« La pensée n’a point à choisir quel conformisme elle préfère, ni l’endroit où elle aime mieux expirer. Il lui faut vivre … Nous devons cesser de subordonner notre critique aux conséquences éventuelles qui en résultent … Il faut, courageusement, courir les risques par lesquels quelque chose peut venir, et le risque, aussi, que rien ne vienne. » (Emmanuel Berl) – Refus de la castration intellectuelle et de la dictature de pensée qui apparaissaient déjà dans les années 1920.

« Pour dire ce qu’on pense, il faut d’abord savoir ce qu’on pense. Et rien n’est plus difficile à un homme d’aujourd’hui que de savoir réellement ce qu’il pense. » (Georges Bernanos) – Notamment puisque les média sont faits pour penser à sa place, et le reste du temps pour le divertir (au sens pascalien).

« Toute pensée qui ne répètera pas ce qui se dit partout à propos de ce qui se fait déjà globalement dans le monde sera disqualifiée en tant que pensée réactionnaire. » (Harold Bernat)

« Afin de ne pas heurter, toute pensée doit être réversible : critique mais positive, lucide mais adaptée, consciente mais efficace … Tout cela réclame un nouveau talent, celui de n’en avoir aucun. » (Harold Bernat) 

« Nous pensons, mais tout en pensant nous escamotons : celui qui pense dissout, dépasse, consterne, démolit, désagrège, car penser consiste très exactement en la dissolution systématique de tous les concepts. » (Thomas Bernhard – sur la soi-disant pensée actuelle) 

« On peut poser cette règle générale, que, pour éviter la révolte de l’adolescent, une chose est nécessaire et suffit : que les parents sachent ce qu’ils pensent et pourquoi ils le pensent … l’adolescent doit avoir quelque chose à penser et des maîtres pour lui l’enseigner. » (Alain Besançon) – Il ne s’agit pas d’endoctriner, mais d’apprendre à penser.

« L’irrespect n’est rien d’autre que le nom de cette insolence qui me semble indissociable du métier de penser. Il nourrit l’enthousiasme faute duquel l’espace de l’intelligence se fige et n’abrite plus que les dévots de tous poils. » (Jean-Michel Besnier)

« Quand on voit un homme, une double question à se poser : Quel âge a cet homme ? Quel âge ont ses pensées ? » (Sainte-Beuve)

« La pensée qui défait à l’infini pour ne pas devoir agir, … qui se contente de dénombrer, de saisir, de nommer. Ce qui est saisi peut être de la bouillie, de la bouillie ressentie comme un flux perpétuel… affaiblissant les concepts au point d’en faire de  simples noms qui ne signifient rien de réel … partout le mouvement secoue le joug du concept rigide qui fige ce qui est fluctuant, à la manière du chien qui s’ébroue… » (Ernst Bloch) – On comprend mieux pourquoi le changement perpétuel est l’arme par excellence du totalitarisme déboussolant, celle des imbéciles brevetés à l’usage des mêmes (le slogan de François Hollande), afin d’annihiler toute réflexion.

« On ne saurait penser à tout, dit-on. – Soyons raisonnables, n’est-ce pas ? Je suis forcé de penser à mes affaires, d’abord; ensuite aux affaires des autres, pour les fourrer dedans, s’il est possible; enfin à mes plaisirs. Où diable voulez-vous que je prenne le temps de penser à autre chose ?… » (Léon Bloy- Exégèse des lieux communs – 1, CXIV)

« Avoir des pensées derrière la tête, dit-on. – Celui qui dirait tout ce qu’il pense et déclarerait toutes ses intentions n’aurait que des pensées de devant la tête, des pensées de façade, si on peut dire, et serait une sorte de monstre. Sa tête ressemblerait à une maison impossible, sans hauteur ni profondeur, sans toit ni… » (Léon Bloy – Exégèse des lieux communs – 2, XLV)

« Je chemine en avant de mes pensées, en exil, dans une grande colonne de silence. » (Léon Bloy – allusion biblique)

« La sonorisation générale à quoi la vie sociale est soumise équivaut objectivement à une interdiction de penser, avec plus d’efficace : les habitants s’en trouvent si contents que spontanément chez eux ils s’en appliquent la méthode et sur leurs enfants. » (Baudouin de Bodinat)

« La libre pensée n’est qu’une croyance qui dispense de la fatigue de penser. » (Gustave Le Bon)

« Les grandes pensées viennent de l’esprit et non du cœur, mais c’est du cœur qu’elles tirent leur force. » (Gustave Le Bon)

« Ceux, nombreux, chez qui la parole précède la pensée. Ceux qui savent seulement ce qu’ils pensent après avoir entendu ce qu’ils disent. » (Gustave Le Bon)

« Premiers sentiments, secondes pensées ; c’est dans les deux genres ce qu’il y a de meilleur. » (Louis-Ambroise de Bonald)

« Toute démarche mentale … comporte des aspects implicites, des ‘a priori’ ; rien à voir avec des préjugés ou des ‘prénotions’, ils représentent plutôt des cadres ou des formes de la pensée. » (Raymond Boudon)

« On peut changer d’idées ou de système de pensée beaucoup plus facilement que de style ou de mode de pensée … La passion de l’erreur se déplace, mais elle ne varie pas … Les objets changent mais pas la méthode. » (Raymond Boudon) – Un sectaire ici restera un sectaire là, un laxiste aussi…

« Prenez soin du langage ; toutes les autres choses prendront soin d’elles-mêmes … Prenez soin de vos expressions, votre pensée prendra soin d’elle-même. » (Jacques Bouveresse)

« Orwell pense que le langage souffre de façon inévitable quand l’atmosphère se dégrade. Karl Kraus soutient, pour sa part, et considère même comme une sorte d’axiome que, pour que l’atmosphère finisse par devenir aussi mauvaise et même empoisonnée qu’elle l’était par exemple à la veille du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il faut que le langage et avec lui la pensée et l’imagination, aient commencé déjà depuis un bon moment à se dégrader. » (Jacques Bouveresse – résumant Karl Kraus) – Considérant notre langage actuel, nous sommes proches de l’abime, d’ailleurs tout le monde le sait.

« Penser contre a toujours été la façon la moins difficile de penser. » (Jacques de Bourbon-Busset)

« Quand on ne vit plus comme on pense, on en arrive à penser comme on vit. » (Paul Bourget)

« Le langage est fondateur de la raison … c’est grâce aux mots que l’homme est capable de bien penser. En effet, grâce à la bonne utilisation des mots, l’individu est en mesure d’enchaîner les propositions et d’élaborer une pensée, ce qui implique que l’usage des mots est ce qui permet la connaissance et l’usage de la raison. » (Adelino Braz – reprenant Thomas Hobbes)

« Ne pas alourdir ses pensées du poids de ses souliers. » (André Breton)

« Notre pensée est incarcérée dans un présent éternel, et nous n’avons accès au passé que par reconstruction et au futur par spéculation … Elle est également lestée par notre culture : nous ne pouvons percevoir les phénomènes qu’à travers une grille interprétative forgée par les processus qui nous ont socialisés … elle est encore lestée par les limites cognitives de notre esprit… » (Gérald Bronner)

« ‘On appelle esprit libre’, dit Nietzsche, ‘celui qui pense autrement qu’on ne s’y attend, en raison de son origine, de son milieu, de son état, de sa fonction et des opinions régnantes de son temps’. Être libre, en d’autres termes, c’est s’arracher à sa naissance tout en l’assumant. » (Pascal Bruckner)

« La pensée moderne fait l’expérience d’un double sentiment d’impuissance. D’une part, elle doit constater que plus elle produit de connaissances et plus, à certains égards, elle devient ignorante. D’autre part, alors qu’elle se veut désespérément réaliste, elle doit constater sa perte croissante d’efficacité et de capacité à influer sur le cours du monde … Le savoir semble diminuer au prorata de son expansion, savoir d’autant plus dépourvu d’effets sur la réalité qu’il se veut réaliste. N’est appropriable, en effet, que le savoir qui s’organise suivant une logique …  qui ne donne pas l’impression de proliférer de façon chaotique, en tout sens. N’est susceptible d’être mis en application qu’un savoir ainsi organisé et dont on saisisse approximativement les tenants et les aboutissants. » (Alain Caillé)

« Comme les idées n’ont pas de volume et n’occupent aucun espace, on imagine mal que leur fourmillement tire à conséquence. Pourtant leur invisible présence flottante parvient très bien à paralyser la pensée la plus vigoureuse, à l’égarer … La condition de la pensée l’apparente à la condition végétale … De même qu’en biologie les cellules cancéreuses éliminent les cellules saines, la croissance déréglée de la cogitation, par ses mille subtilités, distinctions et arguties vient à bout de la pensée sévère. Elle l’affaiblit, en détend la cohérence, en effrite la syntaxe. » (Roger Caillois)

« Dés lors il ne fut rien qu’on ne pût penser : penser les retraites, penser la ville, penser la banlieue, penser l’enfance, penser la douleur, penser la radio, penser la pensée, penser les relations franco-équatoriennes dans une perspective résolument novatrice… » (Renaud Camus) – Le jargon prétentieux de notre temps.

 « C’est la première fois … que la pensée qui n’est pas conforme à la norme officielle … aux convictions dominantes et monopolisantes, fait l’objet, non pas d’une opposition intellectuelle… mais d’une condamnation morale, génératrice d’exclusion … Toute pensée divergente, fût-elle celle de millions de gens … se trouve automatiquement exclue ou passée sous silence, déconsidérée d’emblée, à partir de fondements moraux, ou prétendus tels. » (Renaud Camus)

« La véritable tentation de celui qui pense est de se taire. La pensée atteint alors sa plus haute dignité : elle n’a pas d’autre but. Elle n’explique rien, ne se répand plus, renonce au contact. » (Elias Canetti)

« Ceci est valable pour toutes les sociétés occidentales : la majorité des gens pensent toujours la même chose au même moment. Car, à vrai dire, la pensée ne visite plus leurs cerveaux. » (Stanko Cerovic – sur la soumission aux média)

« ‘Jamais l’âme ne pense sans phantasme’ (Aristote) … Le phantasme n’est pas ‘rien’ puisque non seulement ‘nous l’avons’, mais qu’il est nécessairement impliqué dans le penser, qu’il est impossible de penser sans phantasme. Il n’est pas rien mais on ne sait pas ce qu’il est … Il est comme le ‘sensible’ mais ‘sans matière’ … Il s’ajoute à ce qui est ‘sensible’ ou ‘intelligible’ ; il se retrouve tantôt dans l’Un et tantôt dans l’Autre, sans être l’Un ou l’Autre … Les phantasmes sont comme des sensations, mais  sans matière … Impossible de parler d’action sans ‘délibération’ concernant l’avenir, et de ‘délibération’ sans imagination, soit sans position/présentation d’ensembles  d’images unifiées de ce qui n’est pas là … Aristote reconnaissait un élément qui ne se laisse saisir ni dans l’espace défini par le sensible et l’intelligible, ni dans celui défini par le vrai et le faux, et, derrière eux, par l’être et le non-être … Ce qui fait éclater aussi bien la théorie des déterminations de l’être que celle des déterminations du savoir. » (Cornelius Castoriadis – sur nos représentations imaginaires mettant en scène des désirs plus ou moins refoulés)

« Toute limite à cette auto-affirmation, ‘Penser par soi-même’, ne peut être qu’une servitude qui doit être abolie.  Emancipation est le nom de cet impératif catégorique. Il somme l’être humain de s’arracher à toute appartenance, d’en finir avec toute identité reçue, qu’elle soit singulière ou collective (famille, cités, nations, empire…). Mais aussi et surtout : langue, histoire, culture, religion, civilisation, car l’émancipation est totale ou n’est pas. Un tel culte du ‘soi par soi’ ne peut mener qu’à un être réduit à n’être que pure identité à soi et vidé de tout autre contenu. » (Paulin Cesari – sur une des innombrables perles d’Emmanuel Macron) 

« Elle console de tout, et remédie à tout. Si quelque fois elle vous fait du mal, demandez lui le remède du mal qu’elle vous a fait, et elle vous le donnera. » (Chamfort)

« Aussitôt qu’une pensée vraie est entrée en notre esprit, elle jette une lumière qui nous fait voir une foule d’autres objets que nous n’apercevions pas auparavant. » (Chateaubriand)

« L’homme est moins esclave de ses sueurs que de ses pensées. » (Chateaubriand)

« Il en est des idées comme de ces sources qu’on fait naître sous ses pas sans y penser en pressant la terre du pied. » (Chateaubriand)

« De même qu’une génération pourrait empêcher la génération suivante d’exister de même un groupe de penseurs pourrait, jusqu’à un certain point, arrêter la progression de la pensée en enseignant à la génération suivante qu’il n’y a rien de valide dans aucune pensée humaine … Le jeune sceptique affirme : ‘J’ai le droit de penser pour moi-même’. Le vieux sceptique, le sceptique absolu, dit : ‘Je n’ai pas le droit de penser pour moi-même, je n’ai pas le droit de penser du tout’. Il est une pensée qui arrête la pensée. C’est la seule qu’on devrait arrêter. » (Chesterton)

« Dans l’édifice de la pensée, je n’ai trouvé aucune catégorie sur laquelle reposer mon front. En revanche, quel oreiller que le Chaos. » (Emil Cioran)

« Penser, c’est cesser de vénérer. Les grecs s’éveillèrent à la philosophie au moment où les dieux leur parurent insuffisants. » (Emil Cioran)

« Les penseurs de première main méditent sur les choses, les autres sur des problèmes. Il faut vivre face à l’être, non à l’esprit. » (Emil Cioran)

« Penser : la meilleure manière de se taire. » (Claude Michel Cluny)

« Le drame de notre époque, c’est que la bêtise s’est mise à penser. » (Jean Cocteau – cité par Pierre le Vigan)

« Les trois états successifs de toute pensée, et de toute connaissance : l’état théologique ou fictif, l’état métaphysique ou abstrait, l’état scientifique ou positif. » (Auguste Comte – fondateur du Positivisme)

« Celui dont la pensée ne va pas loin verra les erreurs de près. » (Confucius)

« L’homme peut bien dompter la nature, mais il est assujetti à sa pensée. » (Fustel de Coulanges)

« Essayez un peu, pour voir, de ne penser à rien ; vous verrez comme c’est facile ! » (Pierre Dac)

« Il y a deux manières de combattre la liberté de pensée : sa suppression pure et simple, et le ‘droit’ donné aux abrutis de la recouvrir de leurs bavardages. Elles ne sont pas évidemment antinomiques. » (Maurice G. Dantec) – Effectivement, en France on utilise, par précaution, les deux méthodes, c’est plus sûr.

« Lorsque la pensée s’arrête, elle recule. » (Maurice G.  Dantec) 

« Nous avions des sociétés de pensée, nous avons des ‘think tanks’. » (Régis Debray)

« La pensée ‘Paris-Match et béhachélisée’. » (Régis Debray) – Bien dit.

« ‘La guerre, c’est la pensée dans le fait’ (Napoléon). Or que voyons-nous aujourd’hui ? De moins en moins de pensée dans de plus en plus de faits. » (Régis Debray)

« Dans l’ordre nouveau, il n’est plus nécessaire de penser quelque chose pour être penseur, ni même d’écrire des livres pour  être écrivain ; mais se marquer soi-même comme écrivain ou comme penseur reste une nécessité sociale. » (Régis Debray) – Pour cela, obtenir des personnages influents des média qu’ils vous marquent et vous établissent comme tels ; simple système d’échange de services et de copinages.

« La pensée-interview, la pensée-entretien, la pensée-minute… » (Gilles Deleuze – sur les nouveaux types de pensée)

« La pensée auparavant toute entière tendue vers le futur se redéploye à présent vers les origines. » (Chantal Delsol)

« Belle attitude que penser droit dans le malheur. » (Démocrite)

« Il y a une chose dont on ne puisse douter, c’est que l’on doute : il ne m’est pas possible de penser que je ne pense pas. Et il ne se peut pas que je pense sans que j’existe … Et qu’il (le puissant et rusé génie) me trompe tant qu’il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois pas, tant que je penserai être quelque chose. » (Descartes)

« Qu’est-ce donc qui pourra être estimé véritable ? Peut-être rien autre chose, sinon qu’il n’y a rien au monde de certain … Qu’est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. Qu’est-ce qu’une chose qui pense ? Une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi et qui sent. » (Descartes)

« Plus on vit moins on pense, plus on pense moins on vit. » (Arnaud Desjardins)

« – A quoi pensiez-vous en regardant cette jolie femme ?   – A la même chose que vous !    – Vous êtes un dégoûtantt personnage ! » (Raymond Devos)

« Il est presque impossible de penser sans parler. » (Jacques Dewitte)

« Mes pensées, ce sont mes catins. » (Diderot – Le neveu de Rameau)

« Si ces pensées ne plaisent à personne, elles pourront n’être que mauvaises ; mais je les tiens pour détestables si elles plaisent à tout le monde. » (Diderot – en­-tête de ses Pensées philosophiques) – Choix, par précaution (?), d’un public ciblé et restreint.

« Le multiple est l’horizon de la pensée. » (Roger-Pol Droit)

« Les conséquences de nos actes nous échappent, celles de nos pensées bien davantage. » (Louis Dumur)

« Penser avant d’agir … La pensée par elle-même n’est rien … elle est une fumée, une chose sans force et sans contour, elle n’a aucun pouvoir créateur. En revanche, elle a un très grand pouvoir ordonnateur. Réduite à elle-même, fonctionnant dans l’absolu, elle est incapable de créer. Mais si on lui donne à exploiter un peu de réalité, c’est là qu’elle est à son affaire. Sur ce peu de réalité, elle construit des œuvres, des cathédrales, des villes, des philosophies ; elle construit le monde … ‘Au commencement était l’action’ (Goethe). » (Jean Dutourd)

« Penser, et même bien penser, cela n’est ni difficile ni rare.Ce qui l’est, c’est d’exprimer avec exactitude ce que l’on pense, ou de ne point se tromper sur ce qu’on dit, ou lit … Des guerres ont dû être déclarées à cause d’un pronom relatif mal placé. » (Jean Dutourd)

« Je pense, donc je casse. » proclame un tag infect dans la salle Raymond Aron de la prestigieuse école de la rue d’Ulm, l’E. N. M. Dans quelle pourriture sommes-nous descendus pour trouver une telle ordure dans ce haut-lieu de l’intelligence française, et dans quelle lâcheté pour que l’administration la tolère, à côté de  « Nike la BAC, et les connards de droite. » (cités par un élève) 

« La pensée n’a pas de sexe ; ne se reproduit pas. » (Paul Eluard)

« Les pensées de la classe dominantes sont aussi à toutes les époques les pensées dominantes, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. » (Friedrich Engels)

« On est obligé de constater que la pensée libre, la prise de position autonome, tendent à s’effacer dans les sociétés démocratiques, envahies par le ‘prêt-à-penser’ intellectuel et par la ‘montée de l’insignifiance’. » (Eugène Enriquez) – Ce qui fait bien les affaires du groupe politico-médiatique dominant.

 « Les conséquences de la précipitation extrême sont écrasantes : tant le passé que le futur en tant que catégories mentales sont menacées par la tyrannie de l’instant … ‘L’instant présent’ lui-même est menacé dans la mesure où l’instant suivant arrive si vite qu’il devient difficile de vivre au présent … Des signes importants indiquent que nous sommes sur le point de créer un type de société dans laquelle plus aucune pensée ou presque n’a plus de quelques centimètres de long. » (Thomas Eriksen – cité par Zygmunt Bauman)

« Les voies de la pensée vont à leur but par des fourrés et des ombres épaisses. » (Eschyle – cité par Pascal Quignard)

 « Penserions-nous beaucoup, et penserions-nous bien, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec d’autres, qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquons les nôtres. » (Fichte)

 « Je pense parce qu’il y avait quelqu’un avant moi. Toute première fois a un passé. Toute prise de conscience est une reprise. » (Alain Finkielkraut – reprenant Edmund Burke et sa critique de la Table rase de Descartes)

« Chacun doit pouvoir manifester sa pensé comme il l’entend, car tous les styles, toutes les façons de vivre, tous les énoncés se valent … Le défoulement prévaut sur le dévouement et la revendication sur la gratitude. » (Alain Finkielkraut)

« La défaite de la pensée. » (Alain Finkielkraut) – Titre éloquent d’un ouvrage.

« J’appelle bourgeois quiconque pense bassement. » (Flaubert)

« Penser. – Pénible ; les choses qui nous y forcent sont généralement délaissées. »(Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)

« Penser ne s’apprend certes pas, c’est la chose au monde la mieux partagée, la plus spontanée … Mais celle dont on est le plus détourné … penser peut se désapprendre. » (Viviane Forrester) – Média et journalistes sont là pour ça.

« Il y a des moments dans la vie où la question de savoir si on peut penser autrement qu’on ne pense et percevoir autrement qu’on ne voit est indispensable pour continuer à regarder et à réfléchir. » (Michel Foucault)

« La pensée est sortie d’elle-même, elle est devenue un certain mode d’action. Une pensée aujourd’hui blesse ou réconforte, libère ou asservit ; elle n’a plus de résultats qui lui soit propre. » (Michel Foucault)

« ‘Penser, c’est juger’ (Kant) … ‘Ne pas juger !’ : interdit lancé à la pensée critique et évaluative  … Pourquoi voudrait-on interdire la pensée ? … Penser, juger, c’est critiquer, évaluer, hiérarchiser, c’est donc approuver et condamner … Ne pas juger se donne à bon marché une apparence de libéralité (laisser l’autre libre de penser et de faire ce qu’il veut ; traduction : s’en foutre. » (Christian Godin)

« Pour penser par soi-même, il faut au préalable avoir appris à penser, dans l’écoute, le silence et le contretemps. » (Emmanuel Godo)

« La pensée chewing-gum. » (Jean-Pierre Le Goff)

« Ce qui nous menace, c’est l’occultation progressive de la pensée qui ‘médite’ par la pensée qui ‘calcule’. » (Roland Gori et Pierre Le Coz)

« Rien n’est plus trompeur que le sentiment d’avoir une représentation neutre de la réalité, comme si les mots ne venaient qu’après coup pour dépeindre la situation qui tombe sous notre regard … ‘L’homme se comporte comme s’il était le créateur et le maître du langage, alors que c’est celui-ci au contraire qui est et demeure le souverain’ (Martin Heidegger) … Il nous semble que notre pensée précède le langage, qu’elle trie les mots … mais nous cherchons des mots avec d’autres mots. Le langage est la matrice et non l’outil de la pensée … La principale menace qui entraverait toute possibilité de désaliénation provient d’une acceptation sans réserve de nos habitudes linguistiques que l’idéologie tend à faire passer pour une condition universelle et transcendantale … Quand nous n’arrivons pas à trouver un autre terme que ‘gérer’ ou ‘structurer’ pour qualifier …  nous expérimentons une forme d’enfermement de la langue dans la barbarie technocratique et technico économique … La langue dirige aussi nos sentiments, elle régit notre être moral d’autant plus naturellement que nous nous en remettons  inconsciemment à elle. Et qu’arrive-t-il si cette langue est constituée d’éléments toxiques. Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic ; on les avale sans y prendre garde … Chacun croit qu’il joue son propre rôle, qu’il participe à des scénarios sociaux dont il se croit l’auteur alors qu’il n’en est que le figurant. » (Roland Gori et Pierre Le Coz)  – Sans même avoir lu Orwell et la novlangue de 1984, tous les  systèmes politiques savent que ; qui dirige la langue dirige  la pensée et  la conduite des locuteurs. 

« Certains hommes pensent avec des phrases toutes faites (la phrase se substitue à la réflexion) ; faculté singulière de penser par clichés. Les mots échouent à pendre des postures nouvelles. Ils se présentent dans l’ordre où la mémoire les a reçus (ils traînent la pensée à leur suite, une pensée honteusement résignée). Les mots enfermés dans le cerveau comme dans un appareil de distribution passent directement de leurs cases au bout des lèvres ou au bout de la plume sans aucune intervention de la conscience ou de la sensibilité. » (Rémy de Gourmont)

« Penser aujourd’hui pour demain et pour longtemps. Il n’y a point de cas fortuits pour ceux qui prévoient ; ni de pas dangereux pour ceux qui s’y attendent. Il ne faut pas attendre qu’on se noie pour penser au danger. » (Baltasar Gracian)

« La pensée moderne a, par le doute méthodique, par la remise en cause systématique de tout ce qui paraît acquis, pris le risque de ce nihilisme… » (Henri Guaino)

« La pensée positive est obligatoire, le ‘happy end’ est obligatoire. … L’important est de préserver l’idée d’un progrès continu … l’affichage d’une croissance positive est si déterminante qu’on y intègre désormais les ‘secteurs de la prostitution et de la drogue. » (Christophe Guilluy)

« Si l’on vient à consulter les maitres, on apprendra que la première condition pour apprendre à penser, c’est de cultiver en soi la faculté de l’étonnement. » (Jean Guitton – Nouvel art de penser)

 « Lorsqu’on a cultivé en soi une pensée avare et rabougrie, on ne peut pas aller vers l’action. Et, de même, si l’on a agi sous l’anesthésie de l’action automate, comme l’insecte, on ne sera pas porté à penser. » (Jean Guitton – Apprendre à vivre et à penser)

« Comment la pensée s’est-elle formée en ce monde, sinon à l’occasion des observations faites par des voyageurs (que l’on songe à Hérodote, à Platon, à Xénophon, plus tard à Aristote…). Dans leurs déplacements ils avaient remarqué d’autres usages, d’autres religions, d’autres constitutions : et tout d’un coup cela avait fait apparaître le caractère accidentel des leurs … La même chose devait arriver à la Renaissance. » (Jean Guitton)

« La pensée désigne d’abord, semble-t-il, une certaine puissance d’appréciation et de jugement … puissance de combinaison, assez voisine du rêve éveillé … faculté combinatoire qui ne chôme jamais … Elle se recueille ou bien elle s’exalte, se dilate, s’excède et se multiplie, chez les esprits doués elle devient alors invention, création … Les uns ont vocation pour la mesure, le jugement, la pondération, la précision, la patience, esprits lents mais sûrs, leur intelligence a besoin de s’exercer sur une matière qui est fournie par d’autres, dans l’ordre de l’action, ces têtes sont solides … Les autres, au contraire, sont doués du don de la création qui risque de les emporter très loin du réel, ils disposent de l’avenir, sans ces esprits le présent resterait éternellement ce qu’il est … Ceux qui ont été les plus grands … ce sont bien ceux qui, possédant une imagination ardente et un démon intérieur, ont su leur imposer règle, mesure et cadence … Ce qui serait désirable, comme le rêvait Leibniz : art d’inventer d’abord ; art de juger ensuite, pour discerner parmi les possibles ceux qui sont réels et réalisables. »  (Jean Guitton) considérations éparses sur la pensée)

« Parmi tous les procédés de pensée, j’en distinguerais trois, que je nommerais. L’élection :   choisir, ‘fixer sa pensée fugitive, la retenir sous ses yeux pour en considérer le fond’ (Vauvenargues) … On ne peut pas choisir sans exclure … Exercer un choix qui discerne dans le fouillis des apparences les traits permanents et dominateurs et qui s’efforce d’y rattacher les autres suivant leur ordre véritable … L’idée maîtresse qui intègre … Chercher le fait typique, le fait significatif, celui où se réalise la conjonction de l’idée et du réel, voilà ce qui peut corriger le danger de l’élection, qui est l’exclusion – La distinction : dissocier des notions confondues,  leur donner par conséquent des noms différents (technique du classificateur, la dichotomie ou division par deux, ‘vertébrés et invertébrés’), nomination différente qui n’est pas toujours possible formellement, ainsi l’habitude-machine irraisonnée ou bien exerçant à la vertu et permettant un progrès … Tout travail véritable de la pensée aboutit à une heureuse dissociation … genre et espèce, mouvement et énergie, fabriquer et agir, puissance et acte, essence et accident, contradiction et opposition… – La contradiction : susciter une sorte de contradiction intérieure … Aller au devant des obstacles, se proposer des difficultés, se jeter volontairement dans l’embarras et dans le doute … La supposition de la pensée contraire est la nourriture de la pensée … La pensée qui a traversé la contradiction est une pensée éprouvée et, si elle n’est pas identique à une pensée prouvée, elle est du moins capable de soutenir le choc de l’opposant. » (Jean Guitton)

« Le risque est que l’esprit s’excède lui-même, et étende à l’univers entier ce qui n’est vrai que sous un certain rapport, ou dans un certain canton de la nature … On pourrait se demander parfois si le petit suffixe ’d’isme’ n’est pas le signe sensible par où se manifeste cette prestidigitation qui transforme une méthode en système, et un accès en un excès (ex : matérialisme…). » (Jean Guitton)

« L’erreur est (souvent) une méthode qui se transforme en système. » (Jean Guitton)

« Celui qui n’agit pas comme il pense, pense imparfaitement. » (Jean-Marie Guyau)

« La pensée, en vérité, c’est essentiellement la négation de ce qui est immédiatement devant nous. » (Hegel) – Première approche du processus dialectique 

« La pensée ne doit pas demeurer une pensée ‘abstraite, formelle’, car celle-ci déchire le contenu de la vérité, mais il lui faut se développer en pensée concrète, en connaissance ‘concevante’. » (Hegel)

« Lorsque je pense, je renonce à ma particularité subjective, je me plonge dans la chose et je laisse la pensée agir pour moi et je pense mal, lorsque j’y ajoute quelque chose de mien. » (Hegel) – Ce n’est pas incompatible avec la formulation précédente.

« La chouette de Minerve (l’oiseau de la sagesse, qui voit dans l’obscurité) ne prend son envol qu’au crépuscule. » (phrase célèbre et énigmatique de Hegel) – « Le soupçon de Hegel : la perception de la réalité, apparaît seulement lorsqu’elle a  accompli et terminé son processus de formation. » (Enrique Valiente Noailles) – Le retard pris par la conscience sur l’action. On ne comprend qu’après l’Idée qui inconsciemment agissait dans l’homme d’action. C’est au soir de la vie qu’on commence à penser en se détachant, ou bien la réflexion, la méditation est nocturne, ou bien la philosophie est discrète,  à l’écart de l’action, ou bien encore la conscience, l’esprit, n’émerge qu’au moment où tout va finir (catastrophisme actuel), la connaissance doit attendre pour la comprendre que la réalité soit réalisée ou en passe d’être, etc. etc.

« Denken ist danken. » – penser est remercier. (Martin Heidegger)

« L’homme est en fuite devant la pensée. » (Martin Heidegger)

« Nous ne parvenons jamais à des pensées. Elles viennent à nous. » (Martin Heidegger)

« Toute pensée essentielle traverse intacte la foule de ses partisans et de ses adversaires. » (Martin Heidegger)

« Les voyous publics ont aboli la pensée et mis à sa place le bavardage, ce bavardage qui flaire le nihilisme partout où il sent son bavardage en danger. » (Martin Heidegger)

 « La pensée ne commence seulement que lorsque nous avons éprouvé que la Raison, tant magnifiée depuis des siècles, est l’adversaire le plus opiniâtre de la pensée. » (Martin Heidegger – Chemins qui ne mènent nulle part)

« Qu’appelle-t-on penser ? : Que signifie le mot ‘penser ? Qu’est-ce qui est désigné sous ce terme ? – Comment ce qui est ainsi désigné, la ‘pensée’, est-il conçu et défini dans la doctrine traditionnelle de la pensée ? En quoi voit-on le trait fondamental de la pensée ? – Quelles conditions doivent être réunies pour que nous soyons capables de penser de façon adéquate ? Que nous est-il demandé pour que chaque fois nous accomplissions bien la pensée ? – Qu’est-ce qui nous appelle, qui nous commande pour ainsi dire de penser ? Qu’est-ce qui nous appelle à la pensée ? … Nous prétendons que la question énoncée en quatrième lieu (Qu’est-ce que Cela, dont l’ordre nous conduit à la pensée ?) doit être mise au premier rang. » (Martin Heidegger) – J’arrête, après je décroche complètement.

« La pensée n’a absolument rien à voir avec les représentations. Elle ne se réalise pas en images, mais en concepts et en formules. C’est exactement là où les images prennent fin que commence la philosophie … Pour toi, le monde consistait en images, pour moi en concepts. Je te disais toujours que tu n’étais bon à rien comme penseur … mais que tu étais par contre souverain dans le domaine des images. » (Hermann Hesse – Narcisse et Goldmund) – L’artiste, le sensitif et l’intellectuel, le raisonneur. Exemple (de H. Hesse) de pensée dépourvue de représentations : les mathématiques.

« La pensée tend à être remplacées par des idées stéréotypées … D’une part, comme des instruments  que l’on abandonne ou que l’on accepte selon l’opportunité, et, d’autre part, comme des objets d’adoration fanatique. » (Max Horkheimer)

« La pensée n’est que trop souvent obligée de se justifier par son utilité envers quelque groupe établi plutôt que par sa vérité. » (Max Horkheimer)

« Bizarrement, les élites se convainquent facilement que les ‘anti-systèmes’’ qui ne pensent pas comme eux ne pensent pas du tout. Ou sont jobards. » (François-Bernard Huyghe – à propos des ‘fake news’) 

« Les détours de la pensée ne peuvent t’effrayer. Ils empruntent nos chemins de chair » (Reb Askri– cité par Edmond Jabès)  

« La pensée dominante est essentiellement opératoire. Elle l’est dans son projet d’asservissement de la matière et de la nature, mais elle gouverne aussi la société, l’économie, la politique, la culture, règne également dans l’esprit du temps … Tel un poison, la pensée opératoire gonfle l’homme d’orgueil, l’incite au mépris, mais aussi à l’angoisse. Il est un conquérant solitaire. » (Claude Jannoud)

« Si une grande pensée est le miroir d’un homme, elle est nécessairement le miroir d’une époque. » (Lucien Jerphagnon)

« Se méfier des penseurs dont l’esprit ne fonctionne qu’à partir d’une citation. » (Joseph Joubert)

« Voir de trop haut, c’est très souvent voir de trop loin. » (Joseph Joubert)

« Les pensées qui nous viennent subitement et qui ne sont pas encore à nous. » (Joseph Joubert)

« Les pensées qui nous viennent valent mieux que celles qu’on trouve. » (Joseph Joubert)

« Ces insupportables parleurs qui vous entretiennent toujours de ce qu’ils savent, mais jamais de ce qu’ils pensent. » (Joseph Joubert)

« Être contemporain de sa propre pensée, suivant une formule qu’affectionnait Jean Lacroix, comporte certains risques. D’abord celui de se contredire. Seuls ceux qui ne se remettent jamais en cause l’évitent complètement. La fidélité a ses idées n’est souvent qu’une solution de facilité pour dissimuler le degré zéro de sa pensée. » (Jacques Julliard)

 « Pour prétendre à la vérité, le discours-raison se détache en instance autonome affichant sa séparation avec le ‘moi’ qui l’exprime ; et doit valoir également pour tous, donc se poser à équidistance de chacun, y compris son auteur … coupant ascétiquement avec son enracinement intime … Philosopher, n’est pas se raconter … L’élévation de la pensée se confond avec l’accès à l’universalité. » (François Jullien)

« Une pensée réellement profonde a toujours quelque chose de paradoxal qui apparaît aux esprits médiocrement doués comme obscur et contradictoire. » (Carl Jung)

« Une pensée qui ne recèle pas une légère contradiction n’est pas tout à fait convaincante. » (Carl Jung)

« Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières … La maxime de penser par soi-même est les Lumières. » (Emmanuel Kant)

« Penser c’est emmener son esprit en imagination. » (Emmanuel Kant)

« Pour saisir avec l’esprit, il faut d’abord avoir saisi avec la main. … primitivement, l’homme ne fait pas ce qu’il pense, il pense ce qu’il fait … Primitivement, penser est en même temps manier ; c’est une affaire purement pratique … les meilleurs chauffeurs que j’ai connus étaient des primitifs au sens large … Primitivement, la pensée n’est dirigée vers aucun but spirituel. Elle est utilitaire, pratique et tout à fait ‘terre à terre’ … La plupart des constructions de la pensée ne doivent pas être comprises à partir de la question ‘Pour quel motif ?’ mais de la question ‘Dans quel but ?’» (Hermann von Keyserling)

« On exige la liberté d’expression pour compenser la liberté de penser qu’on préfère éviter. » (Kierkegaard)

 « Paradoxe suprême … La pensée doit découvrir quelque chose qu’elle-même ne peut encore penser. » (Kierkegaard)

« Comme il est souvent si difficile de transformer un acte en pensée ! » (Karl Kraus)

« L’élargissement de l’intervalle entre deux pensées donne une plus grande capacité d’aborder n’importe quelle pensée pouvant apparaître dans cet intervalle. » (Krishnamurti)

« ‘Je pense’. Nietzsche met en doute cette affirmation dictée par une convention grammaticale exigeant que tout verbe ait un sujet. En fait, dit-il, une pensée vient quand ‘elle’ veut, de telle sorte que c’est falsifier les faits que de dire que le sujet ‘Je’ est la détermination du verbe ‘pense’. Une pensée vient ‘du dehors’, d’en haut ou d’en bas, comme des événements ou des ‘coups de foudre’. Elle arrive d’un pas rapide … ‘Ne pas dénaturer, par un faux arrangement de déduction logique, la façon effective dont nos pensées nous sont venues’. » (Milan Kundera)

« L’art de penser juste … c’est d’abord, dans la philosophie comme dans la pratique, la convergence des idées sur un point précis, la capacité de discerner l’essentiel, et la volonté de s’y tenir ; par conséquent de faire des sacrifices. Précision veut dire primitivement élimination, abstraction » (André Lalande – cité par Jean Guitton)

« Il faut se retirer de la foule pour penser, et s’y confondre pour agir. » (Lamartine)

« Penser librement est bien, penser juste est mieux. » (Jacques Laurent)

« Le discours, en Occident et pour l’Occident, n’est plus au XX° siècle un moyen de communication, instrument de la conscience, mais le mode d’installation de l’homme dans le monde, donc son rapport au monde … Un tel discours ‘vaut’ par lui-même et pour lui-même, sans référentiel autre que soi … Il ne tient pas par une vérité ou une réalité extérieure, mais par sa cohérence … Le sens agonise, La rhétorique se déchaîne. Libérés de toute attache, les signifiants prennent leur vol. La pensée disparaît au moment où les penseurs croient penser en liberté. » (Henri Lefebvre)

« Celui qui agit se rend toujours maître de celui qui ne fait que penser. » (Giacomo Leopardi) 

« La pensée n’a pas pu produire quelque chose qui la dépasse ; il fallait que cette chose fut mise en nous. Il faut donc admettre un Dieu infini qui a mis en nous l’idée de l’Infini. » (Emmanuel Levinas – sur l’idée de Descartes)

« La liberté de pensée est réservée à ceux qui pensent comme tout le monde … Un monde dans lequel il est possible de penser mal n’est-il pas, à tout prendre, préférable à un monde dans lequel il n’est plus permis de penser ? » (Elisabeth Lévy)

« Nous croyons vivre dans un monde où on peut dire n’importe quoi et nous nous en plaignons souvent. Mais déjà nous censurons instinctivement nos opinions les plus minoritaires … À accepter que la bienséance et la loi se mêlent chaque jour un peu plus de dire le licite et l’illicite en matière d’expression publique, nous finirons par nous réveiller dans un monde où il sera impossible de proférer quoi que ce soit de vaguement inconvenant, déroutant ou amusant. Nous pourrons alors nous dispenser de penser. » (Elisabeth Lévy) – Soumis à la furie législative dictée par la meute haineuse des dénonciateurs.   

« Pour présenter une pensée dans toute sa pureté, il faut longtemps la laver et la polir tout comme s’il s’agissait de présenter un corps dans sa nudité. »(Georg Christoph Lichtenberg)

« La pensée et le sentiment procèdent par évaluation et par comparaison. La pensée accueille ou rejette en fonction de ce qu’elle évalue comme vrai ou faux par rapport à un arrière-plan de jugements de valeur. Le sentiment accueille ou rejette en fonction des impressions de plaisir ou de déplaisir. » (Robert Linssen – sur un parallèle entre C. Jung et Krishnamurti)

« Krishnamurti attire notre attention sur la mécanicité du processus mental et sur la rapidité extrême avec laquelle la pensée se réfère aux situations anciennes au lieu de laisser à l’être humain une possibilité de silence intérieur, de renouvellement ou de création. Immédiatement, avec la rapidité de l’éclair …  Les circonstances sans cesse changeantes et nouvelles du milieu extérieur sont mises en catégories, jugées, classées, verbalisées. » (Robert Linssen)

« Ce n’est pas la passion de la pensée qui gagne mais l’exigence de savoirs et d’informations immédiatement opérationnels. » (Gilles  Lipovetsky)

« L’esprit achève ses propres pensées en les mettant au dehors. » (Louis XIV – à son fils)

« La pensée est d’essence si rare que partout où l’on en découvre une manifestation l’on est tenté, non seulement de la goûter, mais de l’approuver. » (cardinal Henri de Lubac)

« Combien de pensées dites libres qui sont hypocritement esclaves ! » (cardinal Henri de Lubac)

« Tout penseur véritable a quelque chose de naïf. Toute pensée forte a quelque chose de simple et de neuf. Quelque chose se transmet, mais aussi quelque chose recommence avec elle. » (cardinal Henri de Lubac)

« Toute pensée sérieuse est modeste. Elle n’hésite point à se mettre à l’école et à y demeurer longtemps. C’est à force d’impersonnalité qu’elle se conquiert elle-même et, sans le chercher, devient personnelle. »(cardinal Henri de Lubac)

« Il ne suffit pas à l’esprit de se réfugier dans une ‘absence de contradictions’ par une absence de pensée. » (cardinal Henri de Lubac) – Comme n’importe quel Bobo.

« ‘La pensée, en tant qu’elle est dialectique, spéculative, est en soi irrationnelle, c’est-à-dire qu’elle transcende l’entendement, parce qu’elle est vivante : c’est la vie qui se pense’. » (Georg Lukàcs – citant ?)

« Dans un univers où le succès est de gagner du temps, penser n’a qu’un défaut, mais incorrigible : d’en faire perdre. » (Jean-François Lyotard)

« L’eschatologie raconte l’expérience d’un sujet affecté par un manque, et prophétise que cette expérience s’achèvera à la fin des temps par la rémission du mal, par la destruction de la mort, et par le retour à la maison du Père, c’est-à-dire au signifiant plein. Faute d’eschatologie, la mécanicité et la contingence … laissent la pensée en souffrance de finalité. Cette souffrance est l’état postmoderne de la pensée, ce qu’il est convenu d’appeler ces temps-ci sa crise, son malaise ou sa mélancolie. » (Jean-François Lyotard)

« Pour toute la philosophie progressiste du XIX° siècle (et encore aujourd’hui) ‘savoir c’est pouvoir’. La pensée ne vaut plus pour elle-même mais est rapportée à une fin qui lui est étrangère : le pouvoir sur les gens (politique) et sur les choses (économie). » (Michel Maffesoli) 

« Quand il y a changement de paradigme, il faut savoir creuser profond et s’attacher à la surface des choses. C’est cela la pensée radicale ; repérer les racines pour mieux apprécier la croissance qu’elles permettent. Comme le dit plus bellement Rainer Maria Rilke. » (Michel Maffesoli) – Pour Rilke, voir ci-dessous.

« Tous souffrent … et chacun souffre parce qu’il pense. Tout au fond l’esprit ne pense l’homme que dans l’éternel, et la conscience de la vie ne peut être qu’angoisse. Il ne faut pas penser la vie avec l’esprit, mais avec l’opium. Que de souffrances éparses dans cette lumière disparaîtraient, si disparaissait la pensée. » (un personnage d’André Malraux – La condition humaine)

« C’est dans l’accusation de la vie que se trouve la dignité fondamentale de la pensée, et toute pensée qui justifie réellement l’univers s’avilit dés qu’elle est autre chose qu’un espoir. » (Malraux) – Le jeune Malraux, provocateur, quasi nihiliste.

« Il n’y a pas de pensée ‘en soi’, de pensée en général : un être vivant constitué de telle ou telle façon pense dans un monde constitué de telle ou telle façon, pour remplir telle ou telle fonction vitale. » (Karl Mannheim) – Rejet comme périmée de toute exigence d’objectivité.

« Du fait que sa croissance se fait dans la société, tout individu est prédéterminé … Il se retrouve face à une situation toute faite et, dans cette situation, il se retrouve face à des modèles de pensée et de comportements préformés … la foi des hommes en la validité universelle et éternelle de leur propre pensée n’est ébranlée que lorsque la mobilité horizontale se double d’une intense mobilité verticale, brassant alors les couches sociales vers le haut ou le bas de l’échelle. La mobilité verticale constitue le facteur décisif qui aux hommes incertains de l’image du monde qui leur a  été transmise, enseigne le scepticisme … Mais des séquences identiques de la pensée humaine aux prises avec le même monde engendrent des représentations différentes de ce monde, en raison des facteurs sociaux … Le groupe social qualifié ‘d’intelligentsia’ (en position de caste, devenant des ‘permanents’, les intellectuels perdirent l’ouverture et la souplesse d’esprit qui étaient les leurs du temps où leur position sociale était précaire, soit avant les temps modernes), la prédication, la profession de foi et l’enseignement constituent les moyens et les techniques d’harmonisation des diverses visions du monde. Cette pensée monopolistique se situe dans un éloignement relatif par rapport aux conflits déclarés de la vie quotidienne … Nature sociale de la pensée et pensée individuelle comme exception … Quand les intellectuels s’affranchirent de l’appareil de l’Eglise, d’une trame de sens unitaire, les possibles interprétations du monde se firent de plus en plus nombreuses. » (Karl Mannheim)

« Au terme ‘idéologie’ se rattache désormais ce sens adjacent … irréalité de la pensée … par rapport à la ‘praxis’ … toute idée dénotée comme idéologie échoue au regard de la praxis ; l’instrument véritable qui fraye la voie à la réalité, c’est l’agir ; et, mesurée à ce dernier, la pensée en général, ou dans tel ou tel cas, une pensée déterminée sont néant. » (Karl Mannheim)

« Avant de penser apprenez à parler.

« C’est beaucoup moins profond, mais c’est bien plus utile.

« On peut savoir très vite un langage facile.

« Et les résultats sont propres à étonner. » (Manuscrit du XV° siècle)

« Les philosophes antiques étaient des pèlerins errants, comme s’il fallait éprouver le corps pour penser juste. » (Hélie de Saint Marc)

« Penser, c’est reconnaître, ou édifier, ou dégager une structure. » (Gabriel Marcel)

« ‘Adopter un point de vue opérationnel va beaucoup plus loin qu’une simple restriction du sens du mot ‘concept’, cela signifie une transformation radicale de toutes nos habitudes de pensée : nous ne pourrons plus utiliser désormais  comme instruments de pensée des concepts dont nous ne pouvons pas rendre compte en termes d’opération’ … Le mouvement de la pensée est arrêté par des barrières qui apparaissent comme les limites de la Raison elle-même … la pensée est amenée à se limiter elle-même. » (Herbert Marcuse – citant P. W. Bridgman)

« Le plus souvent nous ne pensons pas, nous réfléchissons ; nous reflétons ce qui nous arrive sans le transformer ni le comprendre. » (Jean-Luc Marion) 

« L’idéalisme s’est introduit dans la pensée moderne avec la réforme cartésienne et par elle, en coupant la pensée de l’être connu et en l’enfermant en elle-même ; en ne la faisant pas dépendre des choses mais de soi seule … Nos idées, telles les idées angéliques, ne dépendent pas des choses et ne sont plus mesurées par elles. La pensée n’atteint directement qu’elle-même ; elle ne se règle pas sur les choses, mais sur ses propres exigences internes ; elle ne dépend pas des choses, mais de soi seul. Monde clos, absolu … Le dualisme cartésien brise l’homme en deux substances complètes jointes on ne peut savoir comment. La distinction de l’âme et du corps et l’indépendance de l’âme rend incompréhensible leur union. Un ange habitant une machine et la dirigeantL’idéalisme pur, méconnaissant la réalité propre des liens sociaux surajoutés aux individus par exigence de nature, aboutit fatalement au pur étatisme, la loi n’émanera plus de la raison, mais du nombre … L’idéalisme emporte avec lui une sorte d’optimisme anthropocentrique de la pensée … Mais cet optimisme est, si je puis dire, suicidaire ; car il suppose une rupture avec l’être … une éviction de l’ontologique … L’intellection humaine n’est vivante et fraîche que centrée sur la vigilance de la perception du sens … L’homme a perdu son corps. » (Jacques Maritain – Le songe de Descartes)

« Les pensées (ou les idées) de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, la classe qui est la puissance matérielle dominante est aussi la puissance dominante spirituelle, Les pensées dominantes ne sont pas autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants … Chaque nouvelle classe qui prend la place de celle qui dominait avant elle est obligée, ne fût-ce que pour parvenir à ses fins, de représenter son intérêt comme l’intérêt commun … de donner à ses pensées la forme de l’universalité, de les représenter comme étant les seules universellement valables. » (Marx/ Engels – L’idéologie allemande) – Du temps de Karl Marx, la classe dominante pensait encore. Aujourd’hui, les pantins de service (politique, médiatique, journalistique) n’ont plus que des intérêts, soutenus par le copinage.

« Le ‘fonctionnement’ n’a jamais pu se substituer dans l’homme à la pensée. Nous l’avons vu à propos d’Eichmann. Penser ce n’est pas ‘fonctionner’ en conduisant son action d’après une suite de procédures préalablement définies. » (Jean-François Mattéi) – C’est pourtant l’idéal de la modernité.

« J’étais une parole qui tentait d’avancer à la vitesse de la pensée … Avec chaque nouvelle arrivée de vocables, je prenais un nouveau retard et un surcroît d’éloignement. » (Henri Michaux – cité par  Georges Poulet)

« Tant que notre pensée continue à être déterminée peu ou prou par des réflexes de défense, par le désir de satisfactions compensatoires et par la révolte contre d’anciennes contraintes, elle n’est pas libre ; quand bien même elle parlerait le langage le plus détaché ou le plus audacieusement révolutionnaire. Sa route lui est tracée à l’avance par les influences contre lesquelles elle réagit. » (M. L. Miéville – cité par Henri de Lubac)

« Là où la société règne, toute pensée s’éteint. » (Jean-Claude Milner) – La pression sociale fabricante de conformisme ?

« Seule la bourgeoisie dans sa sottise, croit que les nuances de la pensée sont sans effet … Il fut un temps où la Révolution n’était rien d’autre qu’une nuance de pensée chez un petit groupe de théoriciens dirigés par Lénine, qui se disputaient en Suisse, à une table de café. » (Czeslaw Milosz – La pensée captive) – La légendaire stupidité de la Droite bourgeoise.

« Moins on pense, plus on parle, ainsi… » (Montesquieu)

 Pitoyable grandiloquence. Paul Morand disait d’une personne qu’elle « pensait par majuscules. »

  « Distinguer sans isoler, mêler sans confondre. » (Edgar Morin)

« C’est dans le dialogue avec l’incroyable et l’indicible, dans le jeu entre le clair et l’obscur qu’il y a pensée : la pensée ne peut vivre qu’à la température de sa propre destruction. Elle meurt dés qu’elle s’enferme dans le système qu’elle construit, dans l’idée non biodégradable. » (Edgar Morin) 

« L’étymologie rapporte la pensée à la pesée … Nous faisons l’expérience du poids de la pensée. Tantôt la lourdeur, tantôt la gravité d’une pensée … nous affecte d’une pression, d’une inclinaison sensible, d’une courbure palpable, et même de l’éclat d’une chute … L’acte de la pensée est une pesée effective : la pesée même du monde, des choses, du réel en tant que sens … le sens est incorporé à la réalité du réel (à sa matière, donc à son poids) … la pensé pèse exactement le poids du sens. » (Jean-Luc Nancy)

« Puisque la pensée n’a aucune valeur d’usage, il est manifeste qu’elle n’a qu’une valeur d’échange. Qu’échange-t-on contre une pensée ? Une autre pensée, c’est-à-dire l’idée d’une force, d’une nécessité, d’une profondeur, d’une intensité. » (Jean-Luc Nancy)

« Toute pensés qui se déroule consciemment représente un degré de moralité très inférieur à celui de cette même pensée si elle se laissait guider par ses instincts … Tout acte parfait est inconscient et n’est plus voulu. » (Nietzsche)

« Les plus grands événements et les plus grandes pensées – mais les plus grandes pensées sont les plus grands événements – ne sont compris que très tard: les générations contemporaines ne vivent pas de ces événements – elles vivent à côté. » (Nietzsche)

« Une pensée vient quand ‘elle’ veut et non quand ‘je veux’. » (Nietzsche)

« Nous exprimons toujours notre pensée avec les mots que nous avons sous la main … Ou … à chaque instant nous ne formons que la pensée pour laquelle nous avons précisément sous la main les mots capables de l’exprimer approximativement. » (Nietzsche) 

« On cesse de penser quand on veut se soustraire aux contraintes du langage. » (Nietzsche) – bBeux résultats de notre système scolaire !

« Le matérialisme ne dit pas que les pensées ne sont pas efficaces mais seulement que leurs causes ne sont pas des pensées. Que leurs effets ne sont pas des pensées. » (Paul Nizan)

« De quoi devenir fou. Fou de grandeur, fou de petitesse. La pensée pense le monde. Elle pense Dieu. Elle se pense elle-même. Elle pense aussi la vie de tous les jours, les impôts, la scarlatine, l’argent… » (Jean d’Ormesson)

« Le passé existe encore quelque part : il existe dans la pensée. Et il n’existe que dans la pensée … Sans pensée, pas de souvenir. Mais sans souvenir, pas de pensée. » (Jean d’Ormesson)

« Que ce qui se passe de physique, de chimique, de mathématique dans un cerveau placé au sommet de notre corps fasse naître de la matière un monde entier, identique, ou apparemment identique, pour tous les êtres pensants est un prodige ahurissant ; et pourtant répandu jusqu’à l’évidence et à la banalité. » (Jean d’Ormesson)

« La sottise de ceux qui croient toujours qu’une pensée est ‘réactionnaire’ ou ‘progressiste’ est d’une involontaire profondeur. Elle met le doigt …  sur l’incapacité de notre culture, depuis le XIX° siècle, à produire une pensée qui soit théorie ou spéculation pure. La pensée est sortie d’elle-même, elle est devenue un certain mode d’action. Une pensée aujourd’hui blesse ou réconforte, libère ou asservit ; elle n’a plus de résultats qui lui soient propres ; on n’ose plus parler de vérité, on parle ‘d’effets de vérité’. » (Christine Orsini – reprenant une réflexion de Michel Foucault sur le mode d’être moderne de la pensée.   Bel exemple de formule stupide)

« Pour écrire dans un langage clair et vigoureux, il faut penser sans peur, et si l’on pense sans peur l’on ne peut être politiquement orthodoxe. » (George Orwell)

« A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime de pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. » (George Orwell – 1984)

« Comment penserait-on quoi que ce soit si on ne sait plus lire ? » (Paul-François Paoli)

« Le Logos serait-il donc double ? Il y aurait ici une ‘pensée virile’, habitée par la puissance logique, et là une pensée féminine, fondée sur l’intuition et l’effusion ? » (Paul-François Paoli) – Nul n’en doute, du moins encore aujourd’hui, demain ?

« Rapport entre la dissolution de toute autorité et la féminisation ambiante des mœurs et des valeurs … Relation entre la destitution du pouvoir intellectuel, fondé sur l’autorité de la pensée, et la dynamique narcissique qui régit l’individualisme contemporain. » (Paul-François Paoli)

« C’est le même que penser et être. Jamais sans l’être où il est devenu parole tu ne trouveras le penser. » (Parménide)

« Le devoir de la pensée. » (Blaise Pascal)

« Le hasard donne les pensées, et le hasard les ôte ; point d’art pour conserver ni pour acquérir. » (Blaise Pascal)

« Que la pensée est grande par sa nature et qu’elle est basse par ses défauts. » (Blaise Pascal)

« Par l’espace, l’univers me comprend et m’engloutit comme un point ; par la pensée, je le comprends. » (Blaise Pascal)

« ‘Certains hommes pensent avec des phrases toutes faites … Cette faculté singulière  de penser par clichés … Les mots échouent à prendre des postures nouvelles. Ils se présentent dans l’ordre familier où la mémoire les a reçus … Ces malheureux dévorés par le verbalisme … Les mots enfermés dans le cerveau passent directement de leurs cases au bout des lèvres ou au bout de la plume, sans aucune intervention de la conscience et de la sensibilité’ … Les mots traînent la pensée à leur suite : une pensée honteusement résignée. » (Jean Paulhan – citant Rémy de Gourmont – Les fleurs de Tarbes)

« L’esprit se trouve à chaque moment opprimé par le langage … Lorsqu’il veut atteindre à la pensée authentique tout homme doit briser une croûte de mots, trop prompte à se reformer, (lieux communs, clichés, conventions…) … Bergson parle du singulier obstacle qu’opposent les mots, où s’évanouit sans recours l’essentiel de la pensée, cet élément confus, mobile…  que le langage ne saurait saisir sans en fixer la mobilité ni l’adapter à sa forme banale  … La puissance des mots (dans le microcosme de l’expression, la matière qui opprime l’esprit) révèle un décalage, comme une rupture … entre le mot et le sens, entre le signe et l’idée. L’un des deux éléments se trouve amplifié à l’extrême, comme hypostasié, l’autre réduit, brutalisé … un corps et une âme, une matière et un esprit. Celui-ci subtil et souple ; celle-là fixe et passive … Bergson observe que langage et pensée sont de nature contraire : celle-ci fugitive, personnelle, unique ; celui-là fixe, commun, abstrait. D’où vient que la pensée, obligée de passer par le langage qui l’exprime s’y altère et devienne … inerte et toute décolorée … Le mot s’épuise avant l’idée, c’est l’usure des sens, c’est l’idée qui survit au mot, d’où la substitution de nouveaux termes qui fassent le même service. » (Jean Paulhan – Les fleurs de Tarbes) – « Nous exprimons toujours notre pensée avec les mots que nous avons sous la main … Ou … à chaque instant nous ne formons que la pensée pour laquelle nous avons précisément sous la main les mots capables de l’exprimer approximativement. » (Nietzsche)

« La pensés courte croit tout régler, écarquillant les yeux et les roulant en tout sens. La pensée large examine calmement, et parfois ferme les yeux, cherchant en dedans. La pensée courte colle au présent. » (Louis Pauwels)

« Pire qu’une mauvaise pensée, une pensée toute faite. » (Charles Péguy)

« La pensée est le discours que l’esprit se tient à lui-même. » (Platon)

« La pensée est rendue plus logique par l’effort vers son expression écrite. » (E. A. Poe) – « Il y a des gens qui dissertent sur la pensée. Mais quant à moi, je ne pense jamais, sinon quand je m’assieds pour écrire. » (Montaigne)

« La liberté de pensée devient vaine et ne peut que disparaître là où la raison et la moralité sont privées de leur statut de forces autonomes. » (Karl Polanyi)

« L’exercice de la pensée est un exercice solitaire … le contraire absolu de la connexion permanente à laquelle incite les technologies numériques. » (Natacha Polony)

« Pensée et parole s’escomptent l’une l’autre. Elles se substituent continuellement l’une à l’autre. » (Merleau-Ponty) – La pensée ne se conçoit pas en dehors du langage.

« Depuis Aristote, il est reçu que rien n’est dans la pensée que ce qui a été dans les sens. » (Jan Potocki – Manuscrit trouvé à Saragosse)

« Les théoriciens de la libre pensée sont généralement les plus acharnés à punir les personnes qui font de cette liberté un usage qui leur déplaît. » (Robert Poulet)

« Monsieur a l’air rêveur. – C’est pas mon genre, mais ça m’arrive souvent de ne penser à rien. – C’est déjà mieux que de ne pas penser du tout. » (Raymond Queneau)

« La moitié de l’humanité ne sait ni ce que pense ni comment pense l’autre moitié. » (Pascal Quignard)

«  Je me suis fixé une règle dont je me suis bien porté : dès que possible recourir à l’interprétation. Ainsi, je travaillais dans ma langue et restais maître de ce que je disais : qui parle dans une autre langue soumet sa pensée à cette autre langue, alors que celui qui travaille dans sa langue soumet sa langue à sa pensée : c’est nettement plus sûr. Et pendant que le traducteur traduit, on a le temps de réfléchir. » (Lucien Rabouille)

« Le plus grand malheur d’une pensée, c’est quand rien ne lui résiste. » (Jacques Rancière) – Oui, mais c’est une situation tellement confortable pour la meute bien-pensante actuelle.

« Penser est du vol. Si nous supprimons les patrimoines privés, nous aurons une meilleure distribution des richesses. Si nous supprimons le génie, nous aurons une meilleure distribution des idées. » (un penseur stalinien d’après Ayn Rand) – Initiative que ne renieraient ni l’éducation nationale ni les média.

« ‘Je pense, donc je suis’ se transforme mieux en ’Je suis pensé, c’est pourquoi je suis’. Connaître pour l’homme, c’est d’abord être connu. » (cardinal Joseph Ratzinger)

« Dire ce qu’on pense, certes, mais encore faudrait-il le savoir. » (Charles Régismanset)

« Le moyen de ne pas varier, c’est de ne pas penser. » (Ernest Renan)

« A vingt ans on pense profondément et mal. » (Jules Renard)

« Penser ne suffit pas, il faut penser à quelque chose. » (Jules Renard)

« Penser, c’est chercher des clairières dans une forêt. » (Jules Renard)

« Inutile de penser ce qu’on dit, mais penser à ce qu’on dit. » Jules Renard) – Maxime pour politiciens.

« L’univers conscient de la pensée rationnelle et analytique y devient suspect, tandis que le monde inconscient du désir érotique, de l’illusion et des rêves éveillés occupe le devant de la scène et devient la réalité (univers des jeux). » (Jeremy Rifkin – sur la modernité)

« Avec plus d’art, il courberait

« Les rameaux des saules,

« Celui qui, des saules,

« Eût appris les racines. » (Rainer Maria Rilke – Sonnets à Orphée)

« C’est faux de dire : ‘Je pense’ ; on devrait dire : ‘On me pense’. » (Arthur Rimbaud)

« Mes mots ont dépassé ma pensée – Ils n’ont pas dû aller bien loin. » (Rivarol)

« Permettez que je vous dise ma façon de penser. – Dites-moi tout uniment votre pensée et épargnez-moi la façon. » (Rivarol)

« Il aura reçu l’habitude de confronter des points de vue divers et des argumentations possibles, rencontré des questions nombreuses, perçu la variété des solutions possibles et la richesse des raisonnements qui les étayent, qu’il y a des arguments de part et d’autre, il aura gardé un peu de cette prudence grave qui va avec l’expérience, aura fait connaissance avec des personnages du passé, avec toutes les émotions possibles, tous les bonheurs et tous les malheurs, toutes les causes d’indignation ou de gratitude et toutes les aventures, compréhension des êtres et des sentiments, des situations et des passions, reçu un monde de sensations , d’idées et de savoirs fruit de siècles multiples et de civilisations diverses, appris à voir les choses, à voir le monde, l’esprit évitera les leurres des idéologies séduisantes. » (Jacqueline de Romilly – sur la lecture et les bénéfices reçus de la pensée des autres)

« S’il possède le privilège de penser, l’homme n’a pas reçu le don d’ubiquité intellectuelle : il pense quelque chose à un moment donné et rien d’autre à  ce moment-là … tandis qu’il se garde ici, il y aura toujours un millier de là par où le surprendre. » (Clément Rosset)

« Se méfier de tout ce qu’on pense un peu trop fort. » (Jean Rostand)

« Je possède au plus haut point cette force, ou cette faiblesse, de n’avoir nul besoin qu’autrui partage ma pensée. » (Jean Rostand)

« La pensée qu’on avait écartée et qui revient, il faut y prendre garde : elle veut vivre. » (Jean Rostand)

« Tout homme qui pense est un animal dépravé. » (J. J. Rousseau – Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité)

« C’est une pensée que j‘ai pensée en pensant à autre chose. » (Claude Roy)

« Ceux à qui les livres ont manqué, il leur manquera toujours la pensée –  Le livre est l’autre nom du procès d’humanisation de l’homme. » (Danièle Sallenave) – Alors que pourront bien penser nos adolescents connectés vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

« Peu importe ce qu’on pense ; ce qui compte, c’est la façon de penser. » (un personnage d’Ernst von Salomon)

« Entre un penseur et un érudit il y a la même différence qu’entre un livre et sa table des matières. » (Jean-Baptiste Say)

« Quel malheur que la pensée doive passer par les mots pour retourner à la pensée. » (Schiller – cité par Dominique de Roux)

« Souvent au lieu de penser on se fait des idées. » (Louis Scutenaire)

« La pensée d’une femme court toujours en avant de ses actes. » (Shakespeare)

« La pensée esthétique n’est pas seulement un souvenir de la pensée magique ; elle est ce qui maintient l’unité du devenir de la pensée se dédoublant en techniques et religions, parce qu’elle est ce qui continue à saisir l’être en son unité, alors que la pensée technique prend l’être au-dessous du niveau de son unité, et la pensée religieuse, au-dessus. » (Gilbert Simondon)

« Dés qu’une pensée apparaît, reconnaissez sa valeur de vacuité. Elle perdra aussitôt le pouvoir de susciter la pensée suivante et la chaîne de l’illusion prendra fin. » (lama Sogyal Rinpoché – cité par Serge Marquis)

« Ne pas penser est le charme de la vie. » (Sophocle) – Heureuse jeunesse.

« La liberté de penser suppose le courage de s’empoigner avec ses démons. » (Alain Soral)

« La logique et la vision globale étant les deux qualités nécessaires à la pensée rationnelle, fondée sur l’analyse (qui exige la logique) et sur la synthèse (qui exige la globalisation). » (Alain Soral)  

« Jadis on n’avait pas le droit de penser librement, aujourd’hui on a ce droit, mais on ne peut plus l’exercer. On doit seulement penser ce qu’on doit vouloir, et c’est cela qu’on considère comme sa liberté. » (Oswald Spengler)

« Penser toujours ce qu’on dit est un devoir, mais dire toujours ce qu’on pense est un travers ; il appartient plus à l’orgueil qu’à la loyauté. » (baron de Stassart)

« Selon Joseph de Maistre, il n’y a pas de dissociation possible entre la parole et la pensée. Le concept de pensée pré ou extra-verbale est une absurdité … L’intelligence ne pouvant penser sans savoir qu’elle pense, ni savoir qu’elle pense sans  parler… » (George Steiner)

« Penser est le moins cher des plaisirs. » (Stendhal)

« La parole a été donnée à l’homme pour cacher sa pensée. » (Stendhal – ou Talleyrand, ou ?)

« Penser, c’est d’abord avoir accès au symbolique, à ce qui code le langage et en fait l’instrument de communication et de réflexion sur ce qu’on communique et pourquoi on le communique. Le sens est ce qui s’invente et ce qui se transmet à travers le système symbolique. Encore faut-il avoir accès au système symbolique. Sinon … on n’a plus de mots pour se dire et dire aux autres … On se laisse prendre aux images … Le système symbolique de l’hypermodernité est réduit à sa plus simple expression pour faire passer des informations courtes et frappantes. La langue d’usage en est appauvrie, binaire, semblable au langage de l’informatique, reflété par le discours des politiques (le Bien et le Mal de G. Bush) ; elle n’est plus propre à penser, à faire du sens, mais du choc. Une morale infantile refait surface. » (Bernard Stiegler)

« La ‘pensée sauvage’ n’est pas, pour nous, la pensée des sauvages, ni celle d’une humanité primitive ou archaïque, mais la pensée à l’état sauvage, distincte de la pensée cultivée ou domestiquée en vue d’obtenir un rendement. » (Claude Lévi-Strauss)

« Notre époque est à la haine de la pensée libre. » (Pierre-André Taguieff) – Propre de ceux qui sont figés de trouille (et il y a de quoi !)

« Penser, c’est exagérer, disait Ortega y Gasset. Si on ne veut pas exagérer, on se condamne à approuver ce qui est. On ne peut le dénoncer qu’en exagérant. » (François Taillandier) – Oui, mais c’est très mal vu.

« Les gens protègent leurs bagnoles avec des alarmes ; dés que tu y touches, ça se met à hurler. Je crois qu’ils font pareil avec leur cervelle. Tu leur sert une pensée précise et logique, donc bouleversante … et ils se mettent à hurler pour éloigner l’idée, comme la sirène éloigne le voleur. » (François Taillandier)

« Penser en rond, penser sans contradiction, c’est-à-dire en fin de compte ne pas penser du tout. » (François Taillandier)

« Il vaudrait mieux que l’homme ne soit jamais né que de penser à quatre choses : ce qui est –au-dessus et ce qui est au-dessous, ce qui est venu avant et ce qui viendra après. » (Talmud)

« Toute initiative féconde … émane d’une pensée individuelle, indépendante et forte ; et pour penser il faut s’isoler non seulement de la foule … mais du public … Le danger des démocraties nouvelles, c’est la difficulté croissante pour les hommes de pensée d’échapper à l’obsession de l’agitation fascinatrice. » (Gabriel Tarde) – Ce pourquoi il ne reste aucune pensée chez les innombrables clowns agités.

« ‘Toute la dignité de l’homme est dans la pensée’, disait Pascal. Tous les apports des sciences dites de l’homme (anthropologie, psychologie, sociologie, histoire, etc.) tendent au contraire à avilir la pensée en analysant sa dépendance à l’égard de la non-pensée (la libido, l’inconscient, la volonté de puissance, les structures, etc.) dont elle ne serait que l’émanation illusoire. ‘Je pense’, disaient Descartes ou Pascal, ‘ça pense’ répondent Nietzsche ou Freud. » (Gustave Thibon)

« Il y a une espèce de maturité‚ de la pensée dans laquelle l’esprit devient si subtil, si pénétrant, si ouvert à toute réalité qu’il tient pour ainsi dire lieu de cœur. La connaissance alors supplée l’amour : on comprend si bien les hommes qu’on les traite avec autant de tact et d’indulgence que si on les aimait. » (Gustave Thibon)

« Comment arrêter sa pensée sur un point, quand autour de soi tout remue, et qu’on est soi-même entraîné et balloté chaque jour dans le courant. » (Gustave Thibon)

« Pas de fidélité sans œillères : la pensée libre est aussi volage que l’amour libre. » (Gustave Thibon)

« L’homme qui sait penser et ne sait pas exprimer ce qu’il pense est au niveau de celui qui ne sait pas penser. » (Thucydide)

« Penser, c’est parler avec soi-même. » (Miguel de Unamuno)

« Ce n’est jamais bon signe quand une discipline, une grille de lecture sociologique par exemple, se transforme en une doctrine qui prétend dominer ou remplacer les autres. Dès qu’une pensée devient trop majoritaire, il faut sonner l’alarme … Le rêve d’un objet total a toujours hanté l’humanité. » (Philippe Val – sur le sociologisme)

« On pense comme on se heurte. » (Paul Valéry)

« Le fond de la pensée est pavé de carrefours. » (Paul Valéry)

« Savoir penser, c’est savoir tirer du hasard les pensées qu’il évoque en nous. » (Paul Valéry)

« Parler avec soi-même, ce n’est pas toujours amusant. Rendre la conversation amusante, intéressante, instructive, imprévue avec soi-même, c’est se faire ‘penseur’. » (Paul Valéry)

« Le penseur est en cage et se meut indéfiniment entre quatre mots. » (Paul Valéry)

« Ce que je pense gêne ce que je vois, et réciproquement. » « (Paul Valéry)

« La supériorité de l’homme est due à ses pensées inutiles. » (Paul Valéry)

« La tolérance ne peut pas ne pas indiquer un affaiblissement de l’idée même  de vérité et, au bout du compte, de réalité … C’est toute la thématique de la ‘pensée faible’. » (Gianni Vattimo)

« Quand on se règle sur le monde pour penser, on ne pense pas. On suit ce qui se fait … On sort de l’erreur quand on revient en soi et qu’au lieu de se régler sur le monde, on se règle sur soi. On pense, alors, parce que l’on veut penser. » (Bertrand Vergely)

« Hegel a écrit que la force d’une pensée ne réside pas dans le fait d’avoir une idée, mais de la tenir … tenir une pensée signifie que l’on y tient … C’est un signe d’amour … Idée qui en vient à passer avant la pensée de nous-même … Ce n’est pas l’amour qui est créateur de fidélité. C’est la fidélité qui est créatrice d’amour … Pour dire ‘je  t’aime’, il faut commencer par dire ‘je t’aimerai’ … La fidélité est un art du temps. Elle sait le traverser en y conservant la force d’une identité de sentiment … La fidélité, foi en actes … La vie n’est plus abandonnée à elle-même, mais voulue … Se lasse-t-on de répéter le geste de vivre quand on vit, le geste d’aimer quand on aime ? » (Bertrand Vergely)

« Nous vivons une époque où l’on se figure que l’on pense dés qu’on emploie un mot nouveau. » (Alexandre Vialatte)

« Au commencement, affirme Goethe, se trouve l’action, non la pensée. La main commence, l’esprit s’adapte … L’obstacle inspire. » (Alexandre Vialatte)

« Les plus belles pensées sont celles qu’on ne comprend qu’après coup, car ce sont elles qui viennent trouver l’artiste, et non lui qui va les chercher. » (Alexandre Vialatte) – L’artiste ou n’importe qui.

« Qui pense peu se trompe beaucoup. » (Léonard de Vinci)

 « Quand on sent juste, on pense juste. » (Roger Vittoz – l’importance des sensations)

« Dés qu’on a pensé à quelque chose, chercher en quel sens le contraire est vrai. » (Simone Weil)

« Les pensées aussi tombent parfois de l’arbre avant d’être mûres. » (Ludwig Wittgenstein)

« A ma pensée comme à celle de tout homme adhèrent les vestiges desséchés des idées anciennes. » (Ludwig Wittgenstein)

« La soif d’honneurs est la mort de la pensée. » (Ludwig Wittgenstein) – La vacuité satisfaite de nos dirigeants encensés.

« La vitesse de sa langue est mal réglée ; cette vitesse doit être toujours en retard d’un peu moins d’une seconde sur la vitesse de la pensée et ne doit, en aucun cas,  la devancer. » (Eugène Zamiatine) – On peut même se demander parfois1si, même en large retard, il y avait une pensée embryonnaire pour soutenir l’expression. 

« Au lieu d’une pensée pensante, d’une pensée créatrice, nous avons ‘la pensée interview, la pensée entretien, la pensé minute’, en somme la pensée qui ne pense rien, la pensée toute-faite, la pensée lieu commun. Celle qu’un journaliste peut lire sans effort et dont il peut rendre compte sans difficulté. Cette soumission de la pensée aux média explique qu’un certain nombre de clowns médiatiques puissent se faire passer, et même se prendre, pour des philosophes. » (Yves-Charles Zarka)

« Permettez que je vous dise ma façon de penser – Dites-moi tout uniment votre pensée, et épargnez-moi la façon. » (réponse d’un quidam à l’abbé Sieyès)

« Celui dont la pensée ne va pas loin verra les ennuis de près. » (proverbe)

« Il est plus facile de penser que d’être. » (proverbe)

« Trop penser fait rêver. » (proverbe) 

« Penser contre soi-même. » (?) –Difficile exercice. Indispensable à l’indépendance d’esprit. 

« La démarche empirique est celle qui se contente des données immédiates, dispersées, contingentes, sans les ramener à ce qui est universel. A la définition empirique s’oppose la définition ‘pensée’ qui saisit l’essentiel, l’universel. » (?)

« La liberté de penser comprend la liberté de dire des sottises. » (?)

« Nous sommes le résultat de nos pensées. » (?)

« Pour inventer il faut penser à côté. » (?)

« Mal pense qui ne repense. » (?) 

Ci-dessous, extraits remaniés et simplifiés de l’ouvrage d’Augustin Cochin,  La machine révolutionnaire, les sociétés de pensée.

« L’objet de ce travail passif est une destruction. Il consiste à éliminer, à réduire. La pensée qui s’y soumet perd le souci d’abord, puis peu à peu la notion du réel ; et c’est justement à cette perte qu’elle doit être libre … Orientation de la pensée vers le vide … Pour affranchir la pensée, on l’isole du monde et de la vie,  renversant l’effort intellectuel, subordonnant la pensée à l’expression, faisant du mot la condition de l’idée … On forme des philosophes au lieu de produire des philosophies … L’intérêt n’est pas la recherche de la vérité, mais la formation de l’adepte, qui ne peut plus vivre hors de la société, car alors, sa logique, si bien affranchie du réel se briserait au premier contact avec l’expérience, car elle ne doit sa liberté qu’à l’isolement où elle vit, au vide où se tient le travail … Les esprits sincères et vrais, qui vont au solide, à l’effet plus qu’à l’opinion, se trouvent là dépaysés, et s’éloignent d’un monde où ils n’ont que faire. Ainsi s’éliminent d’eux-mêmes les réfractaires, c’est-à-dire les hommes d’œuvre, au profit des plus aptes, les gens de parole, les gêneurs, c’est-à-dire les gens occupés des devoirs et des intérêts de tout genre, n’y viendront pas et laisseront la place aux professionnels de la politique, à ceux qui en vivent … C’est  par l’entraînement et l’ensemble de la claque que le philosophisme conquiert l’opinion profane, met en mouvement une fausse opinion, plus bruyante, plus unanime, plus universelle que la vraie ; dès lors plus vraie, conclut le public …  … Imitation de l’ampleur et de l’unité d’un grand mouvement d’opinion, sans perdre la cohésion et la conduite d’une cabale … Chacun se soumet à ce qu’il croit approuvé de tous … la petite cité fait parler à son gré l’opinion de la grande, y décide des réputations, bonnes et mauvaises … Contre le commun des hommes qui ne sont pas des privilégiés de la conscience et de la raison, nécessité d’employer la ruse et la force (la terreur jacobine, les ‘excommunications’ actuelles…), devoir pour les initiés.  ‘Il faut les forcer d’être libres’ (J. J. Rousseau) … Système des ‘ordres ou cercles intérieurs’ : cent membres, mais quinze assidus, les maîtres, le cercle intérieur, théoriquement ils ne sont rien de plus, mais pratiquement ils sont tout, font les motions ; tout vote officiel est précédé et déterminé par une délibération officieuse, tout ‘peuple’ est profane par rapport à  un groupe ‘initié’, la volonté générale est libre comme une locomotive sur ses rails … Il faut également que les mêmes motions soient faites au même moment et votées de même partout, c’est le rôle du machinisme et des machinistes … La société n’est pas en état de faire nommer directement ses hommes, il ne lui reste donc qu’à faire exclure tous les autres, tous les ‘ennemis’ du genre humain (aujourd’hui : extrême droite, ‘phobes’ en tout genre, etc.) … L’opération se déroule en deux temps : faire exclure à force de vociférations répétées et au nom des principes clamés, les profanes, chassés à grands fracas, il reste à faire rentrer discrètement les frères (les camarades, les copains, ceux qu’on sait tenir en mains…) … Il faut à la société une bonne réputation, de la  ‘respectabilité’, une façade sociale honorable, le pontife officiel, le ‘vénérable’,  dont la fonction est toute droiture, ‘affabilité’, ‘libéralisme’, vivant sur la scène et ignorant les coulisses, ne cherchant pas à comprendre, se satisfaisant des bonnes raisons qu’on lui donne,  honneur de la société comme le politicien est le moteur de la machine, le machiniste, deux types d’homme conviennent à ce rôle : le savant naïf, étranger au monde et le gentilhomme dégénéré, noble de race et d’instinct, mais d’âme bourgeoise, vain d’un nom dont il ne comprend plus les charges. »

Ci-dessous, commentaires sur l’ouvrage d’Alexandra Laignel-Lavastine, La pensée égarée. Commentaire de mon crû, avec mes termes.

 L’ouvrage est peu cité pour plusieurs raisons. Consulté après bien d’autres, il ne pouvait guère apporter beaucoup de nouveau, et ce n’est pas sa faute.

Cette dame est très lucide sur les compromissions et la lâcheté de certains intellectuels et du milieu politico-médiatique en ce qui concerne le djihad islamique, elle soutient quasi inconditionnellement Israël, ce qui est parfaitement son droit (position générale que je partage d’ailleurs avec quand même quelques nuances), elle dénonce très clairement les campagnes de dénonciation, et de terreur pour être clair, déclenchées par jadis la revue Esprit, les Pierre Rosanvallon  et autres Daniel Lindenberg suivis, ou commandités, par la meute, et qui n’ont fait que donner l’exemple à tous les laquais ambitieux et donc s’accroître depuis l’année 2002.

Mais, à propos de pensée égarée, que de reprises incidentes de la doxa aussi officielle et dominante qu’obligatoire et obsédante, au point d’en devenir épuisantes et d’entraîner une lassitude certaine à l’énoncé de tous ces services. Il m’a fallu du courage pour ne pas abandonner le livre dès la quarantième page. Eloge de l’Otan en Serbie et mépris des Serbes massacrés, détestation de l’Irak, du FN bien sûr et de tous les mouvements populistes partout, de la Russie de Poutine, de la Hongrie d’Orban, d’un Jean Baudrillard non soumis, répétition complaisante des soi-disant atrocités inventées par l’Otan pour discréditer tout ce qui ne lui est pas soumis, rencontre de nervis fascistes partout (y compris parmi les poussettes des manifs familiales de 2013 en France) ; par contre le fameux ‘esprit du 11 janvier’ ne saurait nous être épargné. Evidemment silence assourdissant sur la corruption matérielle et morale de l’Occident, ses mensonges, ses manipulations, sa désinformation systématique, ses crimes mêmes (paquet d’abjections qu’on ne saurait négliger complètement si on prétend expliquer), sur la justification objective du scepticisme du public quant aux versions des événements fournies par les média, les éditorialistes de service (après tant de tromperies !) … Dans ces incidentes trop fréquentes, on croirait écouter France-inter, assister à l’ex-journal de Canal +… ou lire Le monde.

Dommage, le fond du livre méritait mieux.

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