345,1 – Foules, Masses, Publics, Groupes

– Le ‘tout’ est plus et autre que la simple somme de ses éléments.

– Non seulement, leur affoulement établit un provisoire et versatile être collectif, mais encore il confère à chacun ce que Gilbert Simondon appelle un être plus qu’un (par proximité participative à cet être ?).

– Toujours moutonnières et versatiles. Soit chaleureuses et alors s’y mêler si elles restent dignes. Soit hideuses et redoutables si excitées et alors tourner le dos pour, au moins, ne pas assister à l’abjection à laquelle peuvent descendre des hommes – et des femmes – habituellement ordinaires. L’auteur se souvient encore de leur exaltation et de leur férocité soixante-dix ans après.

– Les connaître, les craindre, même si Emile Zola prétendait « qu’elles n’avaient aucun tempérament. »

– Ceux qui ont vu les foules haineuses, hurlantes et lyncheuses de ce qu’on appelle la Libération, savent à quoi s’en tenir et, notamment, n’ont plus d’illusions sur la prétendue douceur féminine (les tricoteuses du tribunal révolutionnaire pendant la Terreur ne font pas figures d’exception, encore celles-ci devaient elles être plus calmes et moins participantes).

– Image du gros Animal (due à Platon et reprise par Simone Weil). L’opinion publique, la foule, le consensus artificiel, le conformisme, toute Majesté, le pouvoir, l’Etat… « Adorer le ‘gros Animal’ c’est penser et agir conformément aux préjugés et aux réflexes de la foule, au détriment de toute recherche de la vérité et du bien. » (Simone Weil) – Comportement de laquais.

– « Ne pas confondre (dans ce qui suit) l’ébranlement soudain et fortuit , mais transitoire, des membres d’une multitude qui entre en effervescence dans un espace déterminé et en un temps relativement court et l’homme-masse qui est celui d’un comportement continu et habituel de l’homme d’aujourd’hui, condition permanente de l’existence des hommes de nos jours. » (Julien Freund sur, respectivement, Gustave Le Bon et Ortega y Gasset).

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« L’appartenance au groupe, ce rempart protecteur,  qui préserve des atteintes de la réalité extérieure. »   (Myriam Revault d’Allonnes)

« C’est dans et par l’action, et par l’action seulement, que se constitue le ‘nous’, chaque conscience vivant le même projet, visant le même objet. ‘Tous à la Bastille’ remplace ‘chacun son tour’ … La queue des voyageurs qui attendent l’autobus nous offre les caractères de la série : l’unité vient du dehors, par la matérialité, la structure moléculaire (ils sont ensemble et ils ne se voient pas), la rareté (tout le monde ne trouvera pas sa place), la sélection … Les voyageurs, les capitalistes, les consommateurs, les auditeurs de la radio, s’ils participent ensemble au spectacle,  n’ont pas de projet commun. Chacun a  le même projet, mais un projet individuel : monter dans le même autobus … acheter la même marchandise … écouter la même voix … Ils rassemblent sans unir, laissant chacun à son projet, à sa solitude … En revanche la foule qui prend d’assaut la Bastille accomplit pleinement le rassemblement antithétique de la série : le groupe … Elle tend au même but, vibre des mêmes émotions, agit d’un même cœur … L’équipe nous offre, après le groupe en fusion, un deuxième exemple d’action commune … Dichotomie série-groupe, opposition entre rassemblement inerte occasionnel d’individus qui n’ont rien à faire ensemble et qui constitue à peine un collectif et foule en action. » (Raymond Aron –Histoire et dialectique de la violence – distinguant  les rassemblements inertes et les groupe en fusion)

« Dès lors que chacun assume sa spécificité sociale, se donne pour projet d’accomplir l’idée ou l’idéologie de son collectif, les relations entre les collectifs tendent à se substituer aux relations entre personnes, ou, si l’on veut, les relations entre personnes subissent à chaque instant l’influence déformante des représentations que les membres de chaque collectif ont de l’autre. Pierre ne communique plus avec Paul, mais Pierre, conscient de sa bourgeoisie, communique avec Paul en qui il voit un ouvrier face auquel il éprouve un sentiment de gêne, de culpabilité, de supériorité …Telle apparaît la tragi-comédie sociale, l’enfer créé par les collectifs, insinués en chaque conscience, cristallisés en stéréotypes ou préjugés en fonction desquels les individus jugent et agissent … Transfigurant en projet essentiel ou en esprit de classe telle nuance de l’attitude vers laquelle inclinent nombre des membres du collectif. » (Raymond Aron)

« Aller dans la foule : ne jamais aller plus vite que les autres, ne pas traîner la jambe, ne rien faire qui puisse déranger le flot humain. » (Paul Auster)

« Qu’y a-t-il donc de digne d’estime ? Être applaudi par des battements de mains ? Non. Ce n’est donc pas non plus le fait d’être applaudi par des battements de langues, car les félicitations de la foule ne sont que battements de langues. » (Marc-Aurèle)

« Socrate appelait les opinions de la foule des ‘Lamies’, épouvantails pour les enfants. » (cité par Marc-Aurèle)

« La foule n’a pas d’idées personnelles et ne fait qu’accepter les modes. » (Jacques Bainville)

« Neuf cents intelligences, si grandes qu’elles puissent être, se rapetissent en se faisant foule. » (Balzac)

« Personne n’a jamais perdu un dollar en sous-estimant le goût du public. » (Le fondateur du cirque Barnum) – Nos média ont retenu la leçon et contribuent largement à dévaluer encore ce goût.

« Le public est ainsi fait qu’il se défie autant de ce qui est simple qu’il se lasse de ce qui ne l’est pas. » (Frédéric Bastiat)

« Jouir de la foule est un art. » (Baudelaire)

« ‘La négation est ce qu’il y a de plus simple. C’est pourquoi les grandes masses, dont les éléments ne peuvent s’entendre sur un objectif, s’y retrouvent.’ Inutile de solliciter les masses dans leur opinion positive, ou dans leur volonté critique, car elles n’en ont pas : elles n’ont qu’une puissance indifférenciée, une puissance de rejet. Elles ne sont fortes que de ce qu’elles expulsent, de ce qu’elles nient, et d’abord tout projet qui les dépasse, toute classe ou intelligence qui les transcende. » (Jean Baudrillard- citant Georg Simmel)

« On leur donne du sens, elles veulent du spectacle. Aucun effort n’a  p u les convertir au sérieux des contenus, ni même au sérieux de code. On leur donne des messages, elles veulent du signe … Elles flairent la terreur simplificatrice qui est derrière l’hégémonie idéale du sens. » (Jean Baudrillard )

« Cette unité concerne surtout la délivrance du fardeau de l’individualité. On arrache soi-disant les masques … en fait c’est aux visages qu’on efface leur identité afin qu’une autre puisse déclarer en maître absolu ce qui n’est l’identité, la responsabilité et la tâche de personne. » (Zygmunt Bauman)

« La fureur d’une foule est contagieuse, rares sont les personnes à y être immunisées ; dans cette clameur tout le monde se joint aux chiens. » (Zygmunt Bauman) 

« La ‘mixophobie’ urbaine, réaction prévisible et répandue : partager l’espace avec des inconnus, côtoyer des individus indésirables, pêle-mêle chaotique … Tendance à créer des îlots de similitude au milieu d’une mer de différence, promesse de confort spirituel sans devoir faire l’effort de comprendre, de négocier, de trouver des compromis, de s’adapter, de faire l’effort qu’exige la vie dans la différence, attrait des communautés ‘d’identiques’, séparation territoriale … Mais, si elle repousse, la vie en ville fascine, les mêmes aspects repoussent et attirent, répulsif et aimant, vie urbaine ambivalente, la ville suscite la ‘mixophilie’ autant qu’elle sème et alimente la ‘mixophobie’. » (Zygmunt Bauman)

« Les larmes sont comme les morts. Elles obtiennent le respect de la foule qui ne demande pas leur nom. » (Hervé Bazin)

« La foule criminelle qui assassina, le 14 juillet 1789, M. de Launay, gouverneur de la Bastille, n’était guère composée que de badauds, de boutiquiers et d’artisans. De même les massacreurs de la Saint-Barthélémy et des guerres de religion, les ‘tricoteuses’ de 1793, les communards, etc. Les mêmes débordements peuvent d’ailleurs s’exercer en sens inverse : ‘La renonciation à tous ses privilèges votée par la noblesse dans la fameuse nuit du 4 août 1789 n’eût jamais été acceptée par aucun de ses membres pris isolément’. » (Alain de Benoist) – Qui a vu quelques événements (appelés soit insurrections, soit libérations…) ne peut qu’être d’accord avec le début de la citation.

« La société ne fait qu’établir une communication entre les hommes, plus ou moins durable et stable ; elle appartient au monde objectivé et déchu, et obéit à la loi du plus grand nombre : elle est une organisation de la vie de la masse … Elle n’est pas communion, ne fournit aucune issue à la solitude … La vie des masses obéit à la loi de la suggestion collective où la personne disparaît. Abandonnée à la masse, à son mouvement, à la suggestion collective, à l’instinct imitateur, aux émotions et aux instincts inférieurs de la masse, l’existence de la personne, loin de s’élever, baisse en qualité … La masse n’est pas le ‘nous’. Si dans les états élémentaires et inconscients, exclusivement émotionnels de la masse, le moi n’éprouve pas de solitude, ce n’est point qu’il communie avec un ‘toi’, s’unisse avec un autre, mais c’est parce qu’il y disparaît, que son sentiment et sa conscience se trouvent abolis. Et point du tout dans un ‘nous’, mais dans un ‘Es’, un cela … Le moi sort de son état de solitude mais par la perte de soi … Point de solitude, mais point non plus de communion. » (Nicolas Berdiaeff)

« Le bain de foule est devenu l’onction des nouveaux sacres. » (Emmanuel Berl)

« La masse des spectateurs d’un événement sportif tout à coup possédée de la ‘ola’ dont la vague faisait le tour rapide du stade en les soulevant de leur siège, les bras levés, criant, et puis se rasseyant, d’un mouvement souple et ondulant de chenille, comme un influx nerveux parcourant cette foule, un spasme d’enthousiasme à devenir ensemble cet organisme homogène, un frisson de jouissance … s’y abandonner, s’y dissoudre, s’y délivrer de soi en une même clameur… rite euphorique. » (Baudouin de Bodinat) – « Les ‘ola’ dont l’allégresse mécanique fait pitié. » (Philippe Bilger)

« Un ensemble possède, en tant qu’ensemble, des propriétés et des caractéristiques qui ne se retrouvent dans aucun de ses composants pris isolément … une forêt est autre que des ‘arbres additionnés, un peuple n’est pas qu’une simple addition de citoyens … Le tout est plus que la somme de ses parties. »  (Gustave Le Bon – par Alain de Benoist)

« Dans certaines circonstances données, et seulement dans ces circonstances, une agglomération d’hommes possède des caractères nouveaux forts différents de ceux de chaque individu qui la compose. La personnalité consciente s’évanouit … Il se forme une âme collective, transitoire … La collectivité forme un seul être et se trouve soumise à la loi de l’unité mentale des foules … L’hétérogène se noie dans l’homogène. » (Gustave Le Bon)

« Il faut à la foule un fétiche : personnage, doctrine ou formule. » (Gustave Le Bon)

« La mentalité grégaire des foules permettra toujours aux meneurs d’imposer une doctrine quelconque. » (Gustave Le Bon)

« Les foules comprennent rarement quelque chose aux événements qu’elles accomplissent. » (Gustave Le Bon)

« La foule ne retient des événements que leur côté merveilleux. Les légendes sont plus durables que l’histoire. » (Gustave Le Bon)

« Les foules et les individus de mentalité inférieure possèdent ce caractère commun d’être fortement influencés par les événements présents et très peu par leurs conséquences, si inévitables qu’elles puissent être. »(Gustave Le Bon)

« Céder une fois à la foule, c’est se condamner à lui céder toujours. » (Gustave Le Bon) 

« Les grandes assemblées possèdent les principales caractéristiques des foules : niveau intellectuel médiocre, excitation excessive, fureurs subites, intolérance complète, obéissance servile aux meneurs. » (Gustave Le Bon)

« Dans les foules, l’imbécile, l’ignorant et l’envieux sont libérés du sentiment de leur nullité. » (Gustave Le Bon)

« Il est beaucoup plus facile de suggestionner une collectivité qu’un individu. La notion de sa puissance et de son irresponsabilité donne à la foule une intolérance et un orgueil excessif. » (Gustave Le Bon)

« Pour lancer un mouvement de foule : Un choc émotif (type catastrophe) important suivi d’un mot d’ordre lancé par des meneurs à l’encontre d’un présumé coupable suffit. » (Gustave Le Bon) – Et voilà le lynchage assuré. Certains d’entre nous ont vu. D’autres verront.

« Chez une foule, tout sentiment, tout acte est contagieux, et contagieux à ce point que l’individu sacrifie très facilement son intérêt personnel à l’intérêt collectif. » (Gustave Le Bon) – La foule est le support par excellence de phénomènes de contagion dit Jean-Pierre Dupuy.

« Toujours prête à se soulever contre une autorité faible, elles se courbent avec servilité devant une autorité forte. » (Gustave Le Bon)

« Par le seul fait qu’il fait partie d’une foule organisée, l’homme descend de plusieurs degrés sur l’échelle de la civilisation. Isolé, c’était peut-être un individu cultivé, en foule c’est un barbare, c’est-à-dire un instinctif. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs. Il tend à s’en approcher encore par la facilité avec laquelle il se laisse impressionner par des mots, des images qui seraient tout à fait sans action sur chacun des individus isolés composant la foule, et conduire à des actes contraires à ses intérêts les plus évidents et à ses habitudes les plus connues. » (Gustave Le Bon – Psychologie des foules)

« Par le seul fait du nombre l’individu acquiert un sentiment de puissance invincible lui permettant de céder à des instincts que, seul, il eût réfrénés … la foule étant anonyme, et par conséquent irresponsable, le sentiment de la responsabilité, qui retient toujours les individus, disparaît entièrement. » (Gustave Le  Bon)

« La foule est avant tout crédule car ’elle pense par images’ et l’image évoquée en évoque elle-même une série d’autres, sans lien logique avec la première. » (Gustave Le Bon)

« Peu aptes au raisonnement, les foules se montrent, au contraire, très aptes à l’action … Les foules accumulent non l’intelligence mais la médiocrité … Egalisation mentale … L’individu en foule acquiert, par le seul fait du nombre, un sentiment de puissance … Contagion mentale (à ce point que l’individu peut aller jusqu’à sacrifier facilement son intérêt personnel à l’intérêt collectif – un mouton se précipite, le troupeau suit) … Suggestibilité … Crédulité … (L’invraisemblable n’existe pas, propagation des récits les plus extravagants, événements défigurés) … Impulsivité … Mobilité … Irritabilité … Rien de prémédité … Incapables de volonté durable comme de pensée … Féminines (les plus féminines étant les foules latines) … Transformation des idées et des sentiments (au point de changer l’avare en prodigue, le sceptique en croyant, le poltron en héros…) … Exagération et simplisme des sentiments (Ruée aux extrêmes, un soupçon devient une certitude, l’antipathie se transforme en haine) … Imagination (connaître l’art d’impressionner l’imagination des foules c’est connaître l’art de les gouverner) … Impressionnées surtout par les images (emploi judicieux de mots et de formules, exagérer, affirmer, répéter, trouver des formules neuves et frappantes) … Qui sait les illusionner est aisément leur maître ; qui tente de les désillusionner est toujours leur victime … Leur soif d’obéissance les fait se soumettre d’instinct à qui se déclare leur maître (dominée par le besoin de la servitude et non par celui de la liberté) … Foules souvent criminelles, parfois héroïques (les croisades, la levée en masse de 1793…) … Intolérance … Autoritarisme … Conservatisme (la foule ne supporte ni discussion ni contradiction). » (Gustave Le Bon) – Suite et assemblage de considérations éparses sur les foules.

« Par le seul fait du nombre, l’individu en foule acquiert un sentiment de puissance invincible lui permettant de céder à des instincts que, seul, il eût forcément réfréné … Par le fait seul qu’il fait partie d’une foule, l’homme descend plusieurs degrés sur l’échelle de la civilisation. Isolé, c’était peut-être un individu cultivé, en foule, c’est un instinctif, un barbare. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs. » (Gustave Le Bon)

« L’intérêt personnel est rarement un mobile puissant chez les foules, alors qu’il constitue le mobile à peu près exclusif de l’individu isolé. » (Gustave Le Bon)

« Pour juger équitablement de la moralité des foules, on doit prendre en considération le fait que, dans un rassemblement d’individus en foule, toutes les inhibitions individuelles tombent et que tous les instincts cruels, brutaux , destructeurs, résidus des âges primitifs, dormant en chacun d’eux, sont réveillés, rendant possible la libre satisfaction des pulsions. » (Gustave Le Bon)

« Chez les foules, les idées les plus opposées peuvent coexister et s’accorder entre elles sans qu’un conflit résultât de leur contradiction logique. » (Gustave Le Bon)

« L’aptitude des foules à l’action les  exempte de l’exigence d’avoir à raisonner et à juger, et c’est ainsi qu’elles sont redoutables, mais socialement efficaces.» (Gustave Le Bon)

« Ce n’est pas le besoin de la liberté, mais celui de la servitude qui domine toujours l’âme des foules. Leur soif d’obéissance les fait se soumettre d’instinct à qui se déclare leur maître. » (Gustave Le Bon)

Facteurs permettant de mobiliser une foule. « – L’affirmation, pure et simple, dégagée de tout raisonnement et de toute preuve – La répétition, qui finit par établir la chose affirmée comme vérité démontrée – La simplification, plus elle est concise, dépourvue de démonstration, plus elle est acceptée – L’uniformisation, s’apparente à la répétition – Le vague, le vague même qui les estompe augmente leur mystérieuse puissance. Ex : démocratie, socialisme, liberté, égalité – L’appel aux sentiments, la foule n’étant impressionnée que par des sentiments excessifs, abuser des affirmations violentes. (repris de Gustave Le Bon)

« Dans l’espace de trois jours, on a vu la haine publique attacher à une croix celui que la faveur publique avait jugé digne du trône. » (Bossuet – sur la Passion de N. S. Jésus-Christ et la versatilité de la foule)

« La fête, paroxysme du direct … la mise en relation des sujets, leur narcissisme circulaire : ‘Chacun se voit et s’aime dans les autres’. » (Daniel Bougnoux) –  Et, en ce sens, la Manif. est une fête.

« Aucune force au monde ne peut obliger une foule à se taire tant qu’elle n’a pas exhalé tout ce qui s’est accumulé en elle. » (Mikhaïl Boulgakov)

« La foule dore ce qu’elle adore. »(Albert Brie)

« Le nombre de personnes qui peuvent cohabiter dans un espace social sans avoir recours à une hiérarchie (chargé de l’intégration et de la cohésion sociale), et donc à un outil coercitif, serait au maximum de deux cents personnes … Périmètre de notre monde social réel. Au-delà de ce nombre, il n’est plus possible d’entretenir des relations pérennes sans support institutionnel » (Gérald Bronner) – Deux cents paraît plus qu’un maximum. Chez les chimpanzés, ce maximum serait de cinquante-cinq individus.

« Aucun recours n’est prévisible contre les entreprises d’une stratégie cynique et concertée, qui sait parfaitement que, si l’esprit d’examen et les facultés lucides peuvent l’emporter chez l’individu isolé, il n’en est absolument pas de même dans une foule. Dans l’enthousiasme collectif, qu’une technique élémentaire y suscite sans peine, les freins intellectuels et jusqu’aux inhibitions morales perdent la presque totalité de leur efficacité. » (Roger Caillois)

« L’homme qui s’agrège se sent à la fois libéré de sa propre charge de distance et l’égal de l’autre. » (Elias Canetti)

« Dans un théâtre … la panique est une désintégration de la masse. Plus les gens étaient soudés par la représentation, plus était fermée la porte du théâtre qui les contenait, et plus la désintégration est violente. » (Elias Canetti) – Ces phénomènes de désintégration par la panique ne s’appliquent pas que dans les salles de spectacle.

« Toutes les distances que les hommes ont créé autour d’eux sont dictées par la phobie du contact. Car l’homme ne redoute rien tant que l’inconnu … C’est de la masse seulement que l’homme peut être délivré de cette phobie du contact. C’est la seule situation dans laquelle cette phobie s’inverse en sens contraire … La masse compacte, physiquement, mais aussi dans sa disposition psychique. Dés lors qu’on s’est abandonné à la masse, on ne redoute plus son contact. Dans le cas idéal … tous sont égaux entre eux, plus de différences … Sentiment de solidarité et d’égalité, d’abolition des différences, impression de force et de puissance, lente progression vers un but éloigné, rythme commun et clameurs spontanées partagées … rage destructrice, mouvements de panique. » (Elias Canetti – tiré de Masse et puissance)

« Vous aurez beau regorger d’or, de cuivre, de laine, de pétrole, si la démagogie travaille vos masses, vous n’arriverez quand même à rien, vous serez pourris au fur et à mesure, vous crèverez de matérialisme, de surenchère. Vous ne construirez jamais, vous n’achèverez rien. » (Louis-Ferdinand Céline)

« Une minorité pensante et active permettrait seule de rendre compte d’un mouvement massif (d’un mouvement des masses) … Intervention de ‘groupuscules’, d’une élite susceptible d’encadrer un grand nombre de manifestants et de mettre en circulation des idées subversives … La foule étant par définition passive, comblée ou victime … La politique des mass-média semblant amplifier, mais non pas modifier cette conception sociale du rapport entre l’élite et la masse … L’organisation des syndicats, des partis, des mouvements tendant à faire de la ‘base’ le réceptacle des idées ou des programmes élaborés en haut lieu, dans les ‘sièges’ de la pensée et de la direction … Comment ne pas lire en filigrane, l’hypothèse historique de suprématie. » (Père Michel de Certeau)

« De même que les instituts de sondage fabriquent en grande partie de faux mouvements d’opinion publique, les médias modernes peuvent contribuer à la production de groupes (les beurs, les racistes, les jeunes…) qui n‘ont d’existence que médiatique (SOS racisme de jadis, ‘concert des potes’ même s’il y a une réalité derrière…). » (Patrick Champagne)

« Le temps des masses est celui de l’individu ; jamais humanité ne fut plus massive ni homme si seul. » (Bernard Charbonneau)

« Il n’y a plus de peuple pour qui créer c’est vivre tous les jours, mais un public qui va le dimanche au spectacle … Le public de la TSF n’a rien à voir avec celui de la tragédie antique ou des mystères …Cinéma, TSF, télévision entretiennent dans l’homme un état d’hallucination permanente … Ils viennent combler le vide de sa liberté … le culte du divertissement se mue en manie du stupéfiant. »  (Bernard Charbonneau)

« L’ivresse collective qui affranchit du ‘Moi’ et de son fardeau est un but en soi. » (Janine Chasseguet-Smirgel)

« Ce qui perdra toujours la foule, c’est l’orgueil : c’est qu’on ne pourra jamais lui persuader qu’elle ne sait rien au moment où elle croit tout savoir. » (Chateaubriand)

« Le public est un enfant de douze ans qu’il importe d’atteindre par les rires ou par les larmes. » (Jean Cocteau)

« Les médias sociaux ont redonné vie à la foule lyncheuse. » (Mathieu Bock-Côté) –  Le domaine préféré de la horde haineuse des lâches,

« La foule n’a besoin que de quelques leaders violents et organisés pour se déciviliser. On en a vu quelques images fortes lorsque l’Arc de triomphe fut saccagé. » (Pierre Cretin)

« Soyons terribles pour dispenser le peuple de l’être. » (Danton)

“Comment faire un ‘nous’ avec un amas de ‘moi-je’ ? » (Régis Debray)

« Un ‘nous’ suppose un ‘eux’ en face. Un collectif, pour persister dans l’’être doit s’identifier. S’identifier, c’est se démarquer. Se démarquer, c’est se confronter. » (Régis Debray)

 « Le groupe se démarque par un mythe d’origine singulier, qui peut être reculé dans le temps … (Résurrection, fuite à Médine, prise du palais d’hiver, baptême de Clovis, prise de la Bastille, siège de  Massada, le ‘thanksgiving day’,  la ‘nakba’ soit l’expulsion des Palestiniens, etc). L’acte de se constituer en corps suppose l’intervention d’un élément qui n’en est pas constitutif. Parce qu’un espace clos engendre un besoin d’élévation, une référence en altitude. Pour faire d’un attroupement une troupe, il faut hisser un drapeau … Le principe instituant d’une communauté est d’une autre nature et d’un autre niveau que l’institué, ce qui fait société, en dernière instance, n’est pas d’ordre sociologique … Une communauté ne peut s’instaurer qu’en se délimitant et ne peut se délimiter qu’en s’ouvrant à un élément extérieur à son plan d’immanence … Un entre-soi sans rien qui dépasse, cela se disloque au premier coup de chien … Une Fédération composite privée de fédérateur (d’élément externe fédérateur) devient un puzzle en sursis … Plus de sacré en amont, plus de ‘nous’ en aval. » (Régis Debray) – Ces mythes peuvent aussi être abstraits, ne pas se référer à un événement précis, la République, la société  sans classes, le ‘melting pot’,

 « Il existe une preuve ‘a contrario’ du transcendant comme cheville ouvrière d’une cohésion durable, c’est l’avortement malheureux de la plus grandiose proposition qui ait jamais été faite à notre espèce par l’un de ses spécimens soucieux de lui rendre  tous les honneurs, ‘la religion de l’Humanité’. Le beau projet d’Auguste Comte …  était censé nous débarrasser des dieux, des songes et des sortilèges, rendre à l’homme la pleine puissance de lui-même. Et il n’ pas tenu la route … Un détail manquait à la panoplie : un vide plein de mystère. Le catéchisme était sans révélation et supposait que l’humanité puisse s’adorer elle-même …  Il n’y  pas d’avenir pour une autotranscendance  (la religion communiste en fut une autre, condamnée à se mordre la queue, à être jugé sur pièces) … L’humanité ne peut elle-même se tirer par les cheveux (comme le baron de Munchausen) pour se mettre au-dessus de ce qu’elle est… l’Être suprême des philosophes, exsangue et chlorotique,  sans histoire à raconter, n’a jamais pu élire domicile ici-bas. ». (Régis Debray)

 « Là  démarcation d’un ‘nous’ procède d’une  altercation avec un ‘eux’, que ce soit le voisin ou le prédécesseur … Toute ‘fermeture exige une référence à un instituant situé en dehors du plan de bouclage … Et plus une communauté se sentira à part, plus élevée sera sa clef de voûte …  La où il y a du commun, il y a  du qui-dépasse, et là où il n’y en a plus, il n’y a plus solidarité, unité et identité, mais grouillement de souvenirs, d’avidités, de jalousies, d’intérêts, ou au mieux juxtaposition passive de réflexes catégoriels…  Quelques opérations fondatrices et fondamentales seront indispensables pour inverser l’ordinaire pagaille en un agencement à peu près viable : tracer une frontière, définir une enceinte, distinguer par une membrane un dedans du dehors, se donner une origine (soit un père de convention (un Abraham ou un Jacob), un événement (fondation de Rome, baptême de Clovis), un idéal (liberté, égalité, fraternité), ou un totem (Lénine ou Mao), soit une ascendance qui permet aux membres d’un tel groupe naissant de se reconnaître et de faire alliance en se démarquant des autres loyautés concurrentes … De fait, le processus de construction imaginaire d’un ‘nous’ à partir du chaos n’est pas une partie de plaisir … Ce n’est pas parce qu’un Etat est sécularisé, c’est-à-dire soustrait  à la juridiction et au contrôle d’une institution ecclésiastique, que la société dont cet Etat est l’expression pourra se soustraire aux contraintes symbolisantes qui permettent de synthétiser une foule … Une société que nul surmonde ne viendrait hanter frôlerait vite l’hébétude, tel un chat empêché de rêver … Une humanité sans irréel serait une humanité sans communication, soit une espèce assez proche des chimpanzés ou des Bonobos. » (Régis Debray – considérations éparses sur les groupes, communautés, sociétés)

« Il vaut toujours mieux faire comme la foule – ‘Mais s’il y a deux foules ?’ – ‘Criez comme la plus nombreuse’. » (Charles Dickens – M. Pickwick)

« Le jugement de la multitude ignorante et hébétée … sa voix est alors celle de la méchanceté, de la sottise, de l’inhumanité, de la déraison et du préjugé. » (Diderot)

« Le grain pourrit quand on l’entasse et fructifie quand on le sème. » (saint Dominique – sur la nécessaire dispersion des frères prêcheurs)

« Si l’on examine les ‘egopride’ et les réseaux sociaux par exemple, on peut dire qu’il s’agit en quelque sorte de spectacles enfantins donnés par des adultes (‘enfantin’ ne voulant pas dire ‘puéril’ car les déchaînements pulsionnels peuvent atteindre une rare violence), à l’instar du niveau sonore dont nous gratifient généralement les parades et des saturations subites pouvant apparaître dans les réseaux sociaux … On est passé de la ‘foule avec chef’ à l’éclatement en micros sociétés à petits chefs multiples et à la  ‘foule sans chef’, célébrant le moi idéal … Juxtaposition de l’égoïsme et de la grégarité. » (Dany-Robert Dufour) – Mélange redoutable

« La foule ne sera jamais qu’optimiste, car incapable de rêver un univers autre que celui qu’elle voit. » (Louis Dumur)

« ‘L’âme collective de la foule’ : grégarisme, irresponsabilité, irrationnalité, suggestibilité, impulsivité, infantilisme, anonymat irresponsable, propension à la violence, sentiment illimité de puissance… » (Jean-Pierre Dupuy – citant Gustave Le Bon)

« Foules. – A toujours de bons instincts. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)

« La foule psychologique est un être provisoire, composée d’éléments hétérogènes pour un instant soudés, absolument comme les cellules d’un corps vivant forment par leur réunion un être nouveau manifestant des caractères fort différents de ceux que chacune de ces cellules possède. » (Sigmund Freud)

 « Mais Le Bon trouve que le caractère moyen des individus en foule présente des caractères qu’il ne possédait pas auparavant : sentiment de puissance invincible lui permettant de céder à des instincts que, seul, il eût forcément réfrénés … d’autant plus que le sentiment de responsabilité a disparu, la contagion mentale … qui lui permet de sacrifier son intérêt personnel à l’intérêt collectif, ainsi que la suggestibilité (dont la contagion n’est d’ailleurs qu’un effet) … baisse du rendement intellectuel … L’individu en foule n’est plus lui-même mais un automate que sa volonté est devenue impuissante à guider … ‘L’homme descend plusieurs degrés sur l’échelle de la civilisation. Isolé, c’était peut-être un individu cultivé, en foule c’est un instinctif, par conséquent un barbare. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs’ … La foule a une telle soif d’obéissance qu’elle se soumet à quiconque se désigne comme son maître. Foule, reviviscence de la horde originaire. » » (Sigmund Freud – considérations éparses sur les foules – citant ou évoquant  Gustave Le Bon)

« Une telle foule primaire est une somme d’individus qui ont mis un seul et même objet à la place de leur idéal du moi et se sont en conséquence, dans leur moi, identifiés les uns aux autres. » (Sigmund Freud)

« Il est dangereux de se mettre en contradiction avec la masse, et l’on est en sécurité lorsqu’on suit l’exemple qui s’offre partout à la ronde, donc éventuellement lorsqu’on ‘hurle avec les loups’. » (Sigmund Freud)

« La foule va de suite aux extrêmes, le soupçon énoncé se transforme aussitôt chez elle en évidence indiscutable, un commencement d’antipathie devient une haine féroce. » (Sigmund Freud)

« La foule nous apparaît comme une reviviscence de la horde originaire. De même que l’homme des origines s’est maintenu virtuellement en chaque individu pris isolément, de même la horde originaire peut se reconstituer à partir de n’importe quel agrégat humain … Nous reconnaissons là la persistance de la horde originaire … Le meneur de la foule demeure toujours le père originaire redouté, la foule veut toujours être dominée par une puissance illimitée … Elle a, selon l’expression de Le Bon, soif de soumission. Le père originaire est l’idéal de la foule qui domine le moi à la place de l’idéal du moi. » (Sigmund Freud)

« Chez une foule, tout sentiment, tout acte, est contagieux, et contagieux à ce point que l’individu sacrifie très facilement son intérêt personnel à l’intérêt collectif … la foule est extrêmement suggestible et crédule … L’invraisemblable n’existe pas pour elle. Elle pense par images qui s’évoquent les unes les autres par association … Toutes les inhibitions individuelles tombent, tous les instincts dormants … résidus des âges primitifs sont réveillés … Le comportement éthique de la foule peut aussi bien s’élever très au-dessus du niveau de celui de l’homme isolé que descendre très au-dessous. »  (Sigmund Freud)

« La foule a une telle soif d’obéissance qu’elle se soumet à quiconque se désigne comme son maître. » (Sigmund Freud)

« Eglise et Armée sont des foules artificielles, c’est-à-dire qu’une certaine contrainte extérieure est mise en œuvre pour les préserver de la dissolution et éviter des modifications quant à leur structure … Même mirage (illusion) qu’un chef suprême (Christ, commandant en chef) est là … qui aime tous les individus de la foule d’un égal amour … Lien au meneur qui semble être plus déterminant que celui qui unit les individus de la foule les uns aux autres. » (Sigmund Freud)

« La foule qui condamne Jésus est la même que celle qui l’avait fêté quelques jours auparavant. Elle se retourne comme un seul homme. » (René Girard) – Acclamé par une foule en liesse, la même (un peu manipulée, il est vrai) crie ‘à mort’ cinq jours après.

« Les Evangiles veulent montrer qu’une foule déchaînée est la suprême puissance … L’autorité souveraine se voit contrainte de se soumettre à la foule … Hérode et Pilate aimeraient sauver Jean et Jésus, ce qu’ils ne sauraient faire sans contrarier violemment la foule. » (René Girard)

« Quand les foules meurtrières racontent leur lynchage, elles le transforment toujours en acte de justice. » (René Girard)– Et il est interdit de révéler le mensonge.

« Quand on traite avec la multitude, il faut s’attendre à tout. » (Arthur de Gobineau)

« Cette ‘foule sentimentale’ (chanson d’Alain Souchon)), fusionnelle, qui manque d’idéal, se rassemble autour d’émotions et de bons sentiments partagés qui constituent un nouveau mode d’être collectif-narcissique dans un monde déculturé. » (Jean-Pierre Le Goff) – La foule des grands moments festifs du nouveau monde.

« Aujourd’hui, au sein d’un univers cybernétique virtuel globalement médiatisé, réunissant instantanément des individus connectés en plusieurs groupes compacts, le monde contemporain est devenu une foule forcément délirante. Avec les caractéristiques irrationnelles et incontrôlables inhérentes à celle-ci … Situation inédite aggravée par la profonde dépression de l’homme occidental, accablé par la honte du passé et l’angoisse du futur, ainsi que la perte de prestige accélérée des meneurs de foule … La révolution technique en matière médiatique a transformé les spectateurs individuels contemporains en foule docile, immature et impérieuse …  Lorsque la foule est lâchée, elle ne peut que lyncher … Les aboiements de la meute couvriront toujours le cri d’un homme seul … L’étroitesse des liens interactifs entretenus entre deux foules physiques et médiatiques … La foule médiatique armait la foule physique (à propos de lynchage de policiers). » (Gilles-William Goldnadel – Les névroses médiatiques – considérations éparses su les foules médiatiques) – Combien il est aisé de transformer une foule médiatique (issue des réseaux sociaux) en foule physique lyncheuse – « Elles présentent les mêmes caractéristiques : manque d’esprit critique et contagiosité, absence de maturité autrement dit puérilité, perte d’humanité autrement dit animalité, faiblesse d’intelligence et radicalité. » (même auteur) – Voir la stupidité des internautes, ceux hurlant à l’hallali, versant dans la catégorie  des lyncheurs. 

« Lorsque la foule est lâchée, elle ne peut que lyncher … Les aboiements de la meute couvriront toujours le cri d’un homme seuL » (Gilles-William Goldnadel) 

« Ce qui rend nos sociétés de masse si difficiles à supporter et à vivre, ce n’est pas principalement le nombre de gens ; c’est que le monde qu’il y a entre eux, ce monde commun, n’a plus le pouvoir de les rassembler, de les relier, ni même de les différencier. » (Roland Gori – s’inspirant d’Hannah Arendt)

« C’est cet horizon des sociétés animales qui guette nos sociétés de masse entièrement captives des actualités. ‘Observe le troupeau qui paît sous tes yeux : il ne sait ce qu’est hier ni aujourd’hui, il gambade, broute, se repose, digère, gambade à nouveau, et ainsi du matin au soir et jour après jour, étroitement attaché par son plaisir et son déplaisir au piquet de l’instant, et ne connaissant pour cette raison ni mélancolie ni dégoût’ … Ce ‘bonheur animal’ qui met l’homme sur le seuil de l’instant, de l’im-médiat. » (Roland Gori – citant Nietzsche dans Considérations inactuelles)

« On ne convainc pas les masses avec des raisonnements, mais avec des mots. » (Bernard Grasset) – D’où la grotesque enflure démocratique. 

« Les hommes ne peuvent mettre en commun que ce qu’ils ont de moins élevé en eux. » (Jean Grenier)

« La société postmoderne se caractérise par la dissolution des corps intermédiaires. Le peuple est un, mais il est à recréer comme corps social unifié …. Certes la population se compose d’une myriade de classes et d’individus différents, mais le peuple synthétise ou réduit ces différences sociales au sein d’une entité unique … La multitude, quant à elle, n’est pas unifiée ; elle demeure plurielle et multiple … Elle se compose d’innombrables différences internes (culture, couleur, ethnicité, genre, sexualité, formes de travail et façons de vivre, visions du monde, désirs…)… Ses limites sont ouvertes … Elle n’agit pas à partir d’un principe d’unité ou d’identité, mais à partir de ce qui lui est commun, qu’elle doit découvrir … tout en maintenant ses différences internes …  L’informe et l’inordonné sont horrifiants … le caractère monstrueux, excessif et inordonné qui caractérise la chair de la multitude. » (Michael Hardt et Antonio Negri – Multitude) – Concept apparaissant semble-t-il avec la déliquescence des Etats-nations  et la montée de la globalisation.

« Les salons mentent, les tombeaux sont sincères. Mais, hélas, les morts, ces froids récitateurs de l’histoire, parlent en vain à la foule furieuse, qui ne comprend que le langage de la passion vivante. » (Heinrich Heine)

« J’ai horreur de tout ce qui se fait par la multitude, et je n’en peux pas supporter le moindre attouchement. J’aime le peuple, mais je l’aime à distance ; j’ai toujours combattu pour l’émancipation du peuple … cependant … j’évitais le moindre contact avec les masses. Je ne leur ai jamais prodigué des poignées de main. » (Heinrich Heine) – Lequel s’occupait mieux des intérêts du peuple que nos démagos amateurs de bains de foule médiatisés.

« Nos foules ont, en politique, le nez du chien qui n’aime que les mauvaises odeurs. Elles ne choisissent que les moins bons et leur flair est infaillible. » (Abel Hermant)

« Une multitude est plus facile à leurrer qu’un seul homme. » (Hérodote)

« J’ai vu bien des fois des salles entières, des villes entières, des nations entières être prises d’une ivresse et d’un délire faisant de la multitude des personnes un groupe uni, une masse homogène ; j’ai vu disparaître alors toute forme d’individualité, j’ai vu des centaines, des milliers, des millions de gens transportés par l’enthousiasme de la communion, de la fusion de toutes les pulsions en une unique pulsion collective, envahis par un désir de dévouement, d’abandon de soi, par un élan héroïque s’exprimant d’abord par des appels, des cris, des scènes de fraternisation pleines d’émotion et de larmes, puis finissant dans la guerre, la folie, et un immense flot de sang … Une tension, une surexcitation donnant à chacun de ceux qui y succombent l’impression d’être ‘transcendés’. » (Hermann Hesse) – Ecrit après les deux guerres mondiales. 

« Dans une multitude, bien que les personnes courent ensemble, elles ne concourent pas toujours en leur dessein. » (Thomas Hobbes) – Meneurs et autres peuvent avoir des desseins différents de ceux de la foule des participants, eux-mêmes divisés.

« Quand la foule entraînée, hélas ! suit le torrent,

« Je me permets d’avoir un avis différent. » (Victor Hugo)

« C’est parce que la foule est une masse inerte et incompréhensive et passive, qu’il faut la frapper de temps en temps, pour qu’on connaisse à ses grognements d’ours où elle est – et où elle en est. » (Alfred Jarry)

« Il ne faut pas confondre la masse et le peuple : le peuple implique une hiérarchie, il est conscient de ses façons à lui de vivre et de penser, de sa tradition. Il est une substance, il est qualitatif, il a une âme … Au contraire, la masse ne connaît pas de hiérarchie ; elle est inconsciente, uniforme, quantitative, sans type et sans tradition, amorphe, vide, elle est le terrain élu de la propagande ; suggestionnable, irresponsable, son niveau de conscience est des plus bas. » (Karl Jaspers) – Tout le jeu des pouvoirs modernes, notamment grâce à leurs laquais médiatiques, est de transformer le peuple en masse … Leur haine de tout ce qui est populaire…

« Un système politique est d’autant plus estimable qu’il respecte les solitudes, d’autant plus haïssable qu’il consacre les rassemblements. » (Patrice Jean – cité par Elisabeth Lévy)

« La multitude aime la multitude ou la pluralité dans le gouvernement ; les sages aiment l’unité. » (Joseph Joubert) – C’est bien pour la satisfaire qu’on a érigé en impératif la parité et la diversité !  Lesquelles sont principes respectables, mais n’ont rien à voir avec la compétence, le courage, l’honnêteté, l’unité de pensée et d’action…

« Aucun homme ne saurait être épris du vrai et du bien sans abhorrer la multitude. » (James Joyce)

« La masse, comme telle, est toujours anonyme et irresponsable. » (Carl Jung)

« Un groupe est toujours d’une valeur inférieure à la valeur moyenne de ses membres individuels, et que dire, dés lors, quand la majorité des membres est constituée de resquilleurs, de tire-aux-flancs et de bons-à-riens ? »  (Carl Jung) – Voilà de quoi exécuter toute la stupidité moderne qui prône le travail de groupe, que ce soit en entreprise ou particulièrement en éducation, là où cela ne fait qu’accroître la situation catastrophique.

« La moralité d’une société, prise dans son ensemble, est inversement proportionnelle à ses dimensions ; car plus il y a d’individus qui s’agglomèrent, plus les facteurs individuels se neutralisent, s’éteignent les uns les autres, y compris la moralité, qui repose en entier sur le sentiment moral de chacun et partant sur la liberté indispensable à l’individu pour l’extérioriser … Quand les hommes s’agglomèrent et constituent une plèbe, les dynamismes, bêtes ou démons, de l’homme collectif sont alors déchaînés … L’homme au sein d’une masse descend inconsciemment à un niveau moral et intellectuel plus bas que celui qu’il a en dehors d’elle … L’homme, en tant que particule d’une foule, est psychiquement anormal. »  (Carl Jung)

« Une force supra-individuelle fait accéder les êtres à l’espèce. » (Ernst Jûnger – sur les rassemblements d’endoctrinement des foules) – Tout à fait applicable à certaines manifestations hurlantes.

« Le public, la foule, est la non-vérité. » (Kierkegaard)

« Il n’est peut-être pas trop risqué d’affirmer que les changements oscillatoires dans le spectre de la psychologie des masses suivent un processus analogue au rythme du sommeil et de la veille chez l’individu. Les périodes irrationnelles ou romantiques … sont les périodes de sommeil et de rêve. Les rêves ne sont pas nécessairement pacifiques, le plus souvent, ce sont des cauchemars ; mais ce sont des plongeons périodiques dans le subconscient qui fournissent les ressources vitales pour la période prométhéenne suivante. Chaque période de Gothique est peut-être suivie d’une période de Renaissance et elles ne sont que la succession des nuits ‘yogi’ et des jours ‘commissaire’ dans l’évolution de la race. » (Arthur Koestler) 

« Elle croit tout ce qu’on lui dit. Pourvu qu’on le dise avec assez d’insistance. Pourvu aussi que l’on flatte ses passions, ses haines, ses frayeurs. Il est donc inutile de chercher à rester en deçà des limites de la vraisemblance : au contraire, plus on ment grossièrement, massivement et crûment, mieux sera-t-on cru et suivi. Inutile également de chercher à éviter la contradiction : la masse ne la remarquera jamais ; inutile de chercher à coordonner ce que l’on dit aux uns avec ce que l’on dit aux autres : personne ne croira ce que l’on dit aux autres, et tout le monde croira ce que l’on dit à lui ; inutile de viser à la cohérence : la masse n’a pas de mémoire ; inutile de lui dissimuler la vérité : elle est radicalement incapable de la percevoir ; inutile même de lui cacher qu’on la trompe : elle ne comprendra jamais qu’il s’agit d’elle. » (Alexandre Koyré) – Il s’agit des Gogos-Bobos. Le peuple, resté peuple, sait très bien, lui, quand on le cocufie. En effet, l’auteur ajoute : « Les membres de la ‘masse’ se recrutent bien souvent parmi ceux des ‘élites sociales’. »

«  Le combat de tout groupe s’efforçant d’affirmer sa propre identité contre un environnement hostile est toujours exposé à deux dangers contraires mais symétriques : – Si un groupe essaie d’affirmer son identité ‘telle qu’elle est à un moment donné’, comme sa place au sein de la communauté dans son ensemble est définie par le  système d’exclusion imposé par les groupes dominants, il se condamne lui-même à une existence perpétuellement marginale et ghettoïsée.  Ses valeurs culturelles seront facilement récupérées par ‘l’establishment’ sous forme de folklore. – Si par ailleurs il lutte pour modifier sa place au sein de la communauté et pour rompre avec sa situation de marginalisation, il devra s’engager dans une série d’initiatives politiques qui le porteront au-delà de ce qui définit son identité présente, de lutter au sein des institutions existantes. Mais comme ces institutions sont façonnées idéologiquement et culturellement par les groupes dominants, le risque est grand que se perde l’identité différentielle du groupe en lutte. » (Ernesto Laclau)

« Un grand peuple sans âme est une vaste foule. » (Lamartine)

« Il faut se retirer de la foule pour penser, et s’y confondre pour agir. » (Lamartine)

« Un groupe social n’a d’existence concrète que s’il recherche à maîtriser ses conditions d’existence, de vie et de survie, et s’il y parvient. » (Henri Lefebvre) – Maîtrise dont veulent le priver la mondialisation et toutes les formes étatiques, même prétendument démocratiques, tombées aux mains terroristes de tous les gauchismes dictatoriaux.

« Il y a un ‘On’ soudé, qui énonce un défense d’entrer au  ‘Je’ … On se sent bien dans une foule. Il y a la joie d’être ensemble au nom d’une cause, ou contre une injustice. Mais cette joie ne vient pas seulement de la  cause défendue et de sa légitimité, elle vient aussi du bonheur éprouvé de n’avoir plus de rapport à sa propre vérité … de la disparition de l’angoisse engendrée par le fait même d’avoir à se positionner comme sujet … ‘Les foules adorent adorer, pour ressentir la vibration d’un ‘Nous’. (Frédéric Gros). » (Clotilde Leguil)

« Aime le peuple, évite la foule. » (Franz Liszt)

« Sous l’empire d’une loyauté mal comprise, les plus modérés d’entre les jeunes sont manifestement incapables de se distancer des impulsifs. » (Konrad Lorenz) – C’est déjà difficile pour des adultes dans une foule survoltée.

« Une multitude en masse est courageuse, et elle devient vite vile et lâche quand chaque individu vient à réfléchir sur son danger personnel. » (Machiavel)

« La masse se satisfait autant des apparences que des réalités. Elle attache même  plus d’importance aux apparences qu’aux réalités … Le vulgaire est convaincu par les apparences et par l’issue des choses. » (Machiavel – Le Prince)

« Quelles peuvent être, contemporainement, ces situations de ‘plus-être’. Grands rassemblements, afoulements de tous ordres, transes multiples, fusions sportives, excitations musicales, effervescences religieuses ou culturelles. Toutes choses exhaussant l’individu à une forme de plénitude que ne donne pas la grisaille de la fonctionnalité économique ou politique … Participation magique à l’étrange, à l’étrangeté, à une globalité dépassant la singularité individuelle. Globalité qui est de l’ordre du sacré, auquel chacun communie …Des masses qui se diffractent en tribus, ou des tribus qui s’agrègent en masses … principal ciment une émotion ou une sensibilité vécue en commun. » (Michel Maffesoli)

« De quoi est faite cette vie ? Sinon, justement, du contraire de l’individualisme. Comment comprendre tous ces ‘affoulements’ ponctuant l’existence sociale. Rassemblements musicaux dont la techno-parade … communions religieuses telles les J. M. J., extases sportives, célébrations consommatoires dont les hypermarchés et les multiples ‘solderies’ sont les temples contemporains, obsèques nationales avec attroupement, fanfare et liturgie de pacotille pour quasiment n’importe qui, descentes des Champs-Elysées à la moindre occasion, transport au Panthéon devenu simple routine … Il y a de l’hystérie dans l’air à la moindre occasion. » (Michel Maffesoli)

« Indéfinissable autrement qu’en termes négatifs … Absence de différenciation individuelle, d’initiative, d’originalité et de conscience. La masse est quantité sans qualité. Elle n’est pas sujet, mais objet. » (Henri de Man) – Voir nos rassemblements, d’hommages, festifs, protestataires, larmoyants…

« A l’inverse de la foule, concert de contagions psychiques essentiellement produites par des contacts physiques, le public est une collectivité purement spirituelle entre des individus physiquement séparés et dont la cohésion est toute mentale … On n’appartient qu’à une foule à la fois. On peut faire partie de plusieurs publics à la fois … Les publics religieux, scientifiques, économiques, esthétiques, etc. sont essentiellement et constamment internationaux. Les foules … ne le sont que rarement sous forme de congrès … encore ont-ils été précédés dans cette voie par leurs publics respectifs. » (Armand Mattelart – s’inspirant de Gabriel Tarde)

« La foule peut, en temps de calamités, devenir féroce et stupide. » (André Maurois)

« Par suite de nos cent ans de Révolution, la masse décorée du titre de public s’estime revêtue de la souveraineté en France . » (Charles Maurras)

« Dissolvant le sens abandonnique de l’espèce dans la grande marmite de la communauté … Dans la jouissance fusionnelle, serré bien au chaud contre ses semblables, l’individu avec son angoisse disparaît et devient l’infinitésimale cellule du corps social. Telle est aujourd’hui encore la fonction anti-individu du ‘stade à 100.000 places’, de la ‘love parade’, du million de pèlerins réunis à Rome pour la fin de l’année sainte … Que cherchent les milliers de participants en transe d’une ‘rave-party’ et les dizaines de milliers de spectateurs d’un match de football, et sur un versant plus agressif, les hooligans, sinon à se décharger, un moment, d’une identité individuelle trop lourde à porter avec ses conflits et ses contradictions ? La fusion collective de l’immense et étourdissant cri poussé en commun, à chaque fois qu’un but est marqué, les libère de la modernité, dans un temps qui se situe hors le temps puisqu’il rejoint, à notre sens, la chasse collective des premiers temps de l’humanité. » (Gérard Mendel)

« Freud opposait les foules ‘naturelles’, formées spontanément, et les foules ‘artificielles’, résultant d’une contrainte institutionnelle (l’Armée, l’Eglise… au temps de l’auteur) … Aujourd’hui d’autres entités plus ou moins artificielles, les réseaux dits ‘sociaux’. » (Jean-Claude Milner) – « Ce qui distingue les foules, c’est l’existence ou non d’une organisation. Les unes, naturelles, obéissent à des lois mécaniques, les autres, artificielles, se conforment à des lois d’imitation sociales. Les premières rabaissent l’intelligence individuelle, les secondes la rehaussent au niveau d’une intelligence sociale que le chef partage avec tous. » (Serge Moscovici)

« Il semble que les têtes des plus grands hommes rétrécissent lorsqu’elles sont assemblées. » (Montesquieu ou Montaigne)

« ‘Ils brailleraient encore bien plus fort si on me menait à l’échafaud’.  De Cromwell devant la foule qui l’acclame. » (Montherlant – citant Cromwell)

« Les publics reflètent le génie de leurs inventeurs, tandis que les foules expriment uniquement l’inconscient collectif de leur culture, de leur ethnie … L’homme ancien était tenu en lisières et protégé par la coutume. L’homme moderne est libre, donc vulnérable aux modes passagères. » (Serge Moscovici – reprenant Gabriel Tarde) – Aux modes, et surtout aux manipulations.

« Le niveau d’une collectivité humaine s’approche de celui de ses membres les plus bas, les premiers y sont les derniers … La foule fera spontanément ce qu’aucune de ses unités n’aurait fait, disparition des inhibitions morales, l’homme automate … ‘Les collectivités ne pensent point’ (Simone Weil) … Instinct, affectivité, crédulité, masse impulsive, ondoyante, irritable, le pouvoir logique et serein demeure totalement étranger aux masses, inaptitude aux raisonnements abstraits, indifférence à la contradiction, immodération, montée immédiate aux extrêmes … De la férocité sanguinaire à la générosité ou à l’héroïsme le plus absolu … Les demi-sentiments n’existent pas … Les femmes composantes par excellence … ‘Evanouissement de la personnalité consciente, orientation par voie de contagion des sentiments et des idées dans un même sens, tendance à transformer immédiatement en actes les idées suggérées’ (Gustave Le Bon) … ‘L’idée acceptée comme si elle s’était formée spontanément dans le cerveau’ (suggestion selon Freud) … ‘L’homme-masse dépendant des autres et façonné par le courant de conformisme’ (idée gramscienne), ne restent que les ‘attitudes psychiques les plus primitives et les plus brutales’ (idée freudienne) …‘Les suiveurs sont la grande majorité, ils ont besoin d’une autorité qui décide à leur place et à laquelle ils se soumettent’ (idée freudienne) … Les masses ne tendent pas spontanément vers la démocratie mais vers le despotisme, les sociétés de masse oscillent entre le despote démocrate et la démocratie despotique (le despotisme occidental : mainmise sur les outils d’influence ou de suggestion que sont l’école, la presse, la radio) … ‘fin de l’ère économique et entrée dans l’époque psychologique’ (Hermann Broch). » (Serge Moscovici – considérations éparses simplifiées sur les foules ou les masses, dont beaucoup proviennent d’autres auteurs précisés par Moscovici)

« Le petit nombre réussit toujours à gouverner le grand nombre, et avec son consentement … Le meneur incarne l’idée devant la masse, et la masse devant l’idée, par eux l’idée devient matière … Imbus de leur mission, tout meneur est un fanatique, primauté du courage tenace sur l’intelligence … Des demi-aliénés comme Pierre l’ermite et Luther ont bouleversé le monde … Peu clairvoyants (ce qui leur épargne doute et inaction) … Trait éminent, le prestige, conviction rayonnante, pouvoir hypnotique imposant un univers d’imagination, séduction … autorité charismatique passant par-dessus tous les corps intermédiaires … L’autorité ne dure que tant que dure la réussite … Espaces et lieux dédiés nécessaires (stades…) … Répétition, transformant une idée-concept en idée-action, détachant le slogan de la personnalité du meneur… La foule admirative de son chef s’en rend esclave, mais aussi s’admire elle-même, un chef fort consolide et rehausse la personnalité de ses partisans … Les meneurs, réponses à la misère psychique des masses … ‘Pour la plupart des hommes, douceur inhérente à l’obéissance, à la crédulité, à la complaisance quasi-amoureuse à l’égard d’un maître admiré’ (Gabriel Tarde) … A la verticale, élan amoureux vers le chef. A l’horizontale, multitude de personnes partageant le même objet pour idéal du moi et, par conséquent, s’identifiant les unes aux autres … Dans le despotisme moderne l’appel au meneur a un caractère d’exception et de tension extrême (crises économiques, politiques ou de système). » (Serge Moscovici – considérations éparses simplifiées sur les meneurs de foules ou de masses, dont beaucoup proviennent d’autres auteurs précisés par Moscovici)

« Ce ne sont pas les masses qui font l’histoire, mais les valeurs qui agissent sur elles à partir de minorités inébranlables dans leur foi. L’unité n’est pas ce par quoi on commence, mais ce à quoi on aboutit, au bout de longues luttes et de longues solitudes. » (Emmanuel Mounier)

« Le monde qui adore Matisse ou Van Gogh à l’égal de dieux est aussi celui qui est parvenu à retirer toute valeur à ce qui n’est pas vécu en masse … N’accorder de valeur qu’à ce qui vient de la multitude ou la rejoint. » (Philippe Muray)

« La foule qui me contemple avec admiration me ferait de la même manière monter à l’échafaud. » (Napoléon Bonaparte)

« La foule, masse aveugle qui broie les individus. En diluant la responsabilité qui n’est jamais qu’individuelle, elle représente l’immoralité par excellence. » (Etienne Naveau)

« Toute foule, en tant que foule, et quand la conscience morale individuelle ne tient pas en bride ses débordements, est constitutivement criminelle. » (Philippe Nemo)

« Qui se sait profond tend vers la clarté ; qui veut paraître profond à la foule tend vers l’obscurité. Car la foule tient pour profond tout ce dont elle ne peut voir le fond. Elle est si craintive et elle se jette à l’eau de si mauvaise grâce. » (Nietzsche)

« Erreur fondamentale : faire du troupeau une fin, et ne pas faire une fin de l’individu. Le troupeau est un moyen, rien de plus. Or, on essaie en ce moment de représenter le troupeau comme un individu, de lui donner même un rang supérieur à celui de l’individu – grave malentendu ! » (Nietzsche)

« A partir de la fin du moyen-âge, les termes de ‘rang’, ‘d’ordre’ ou de ‘degré’ reviennent constamment sous la plume des auteurs de traités sociaux ou moraux … Dès l’aube des Lumières les critiques formulées à l’encontre de la hiérarchie sociale traditionnelle s’intensifient alors que l’on assiste à un regain d’intérêt pour l’analyse de la stratification … le concept de ‘classe sociale’, en tant qu’il se distingue des concepts hiérarchiques antérieurs, date de la fin du XVIII° siècle … Les termes de classes supérieures (upper class), de classes moyennes, de classes laborieuses bientôt suivis par les notions de préjugé, de législation, de conscience, de conflit  de classe  … Un autre élément dans la stratification de la société moderne est le’ groupe de statut’ … ‘Contrairement aux classes, les groupes de statut sont généralement des communautés, mais de nature souvent amorphe. Contrairement à la ‘situation de classe’ qui est déterminée par des conditions strictement économiques, nous qualifierons de ‘‘situation de statut’ toute composante de la destinée humaine qui est déterminée par l’honneur qui lui est socialement attaché, que ce soit dans un sens positif ou négatif’. »  (Robert Nisbet – citant Max Weber) – L’auteur ne fournit pas d’exemple de ces groupes, mais on peut penser à des entités telles que la magistrature, l’université, l’armée…)

 « La masse, c’est l’homme moyen. Ce qui était une simple quantité, la foule prend une valeur qualitative : c’est la qualité commune … Ce qui est déplorable est que cette décision prise par les masses d’assumer les activités propres aux minorités (au sens  d’élites) ne se manifeste et ne peut se manifester que dans l’ordre des plaisirs … Aujourd’hui, nous assistons au triomphe d’une hyperdémocratie dans laquelle la masse agit directement sans loi, imposant ses aspirations et ses goûts … Les masses croient qu’elles ont le droit d’imposer etd e donner force de loi à leurs lieux communs de café et de réunion publique.. » (José Ortega y Gasset – La révolte des masses) – Les sondages stupides sont faits pour les en persuader.

« La masse, qui le dirait à voir son aspect compact et multitudinaire, ne désire pas vivre en commun avec ce qui n’est pas elle. Elle hait mortellement ce qui n’est pas elle. » (José Ortega y Gasset)

 « Quand la masse agit par elle-même, elle ne le fait que d’une seule manière, elle n’en connaît point d’autre, elle lynche … Lorsque les masses triomphent, la violence triomphe aussi. » (José Ortega y Gasset) – Evident pour qui a vu une émeute, une révolution, certaines libérations.

« L’homme- de–masse se soucie aussi peu du vrai que du faux, sa seule loi est l’efficience. » (José Ortega y Gasset)

« Les masses humines tendent à haïr l’excellence quand d’aventure elle ne coïncide pas avec ce qui leur est utile. » (Ortega y Gasset)

« Foules et oligarchie se ressemblent en un point : leur commune haine de toute personnalité indépendante, de toute volonté dissidente. » (Georges Palante)

« Toute société vit d’illusions et de mensonges collectifs … Les groupes, comme les individus, ont une tendance à s’illusionner sur leur propre compte ; à se concevoir autres qu’ils ne sont, plus forts, plus grands, plus nobles, plus influents … Ils s’attribuent une supériorité incontestée, une infaillibilité et une impeccabilité… » (Georges Palante)

« La multitude qui ne se réduit pas à l’unité est confusion, l’unité qui ne dépend pas de la mutitude est tyrannie. » (Blaise Pascal)

« La connerie entretient un rapport évident avec le collectif. L’histoire des nations ne dément pas cette thèse pessimiste. L’observation du comportement des supporters sportifs et des membres distingués des colloques scientifiques non plus. Plus on est de cons, plus on blablate ; plus on glapit ; le cas échéant, plus on lynche. » (Georges Picard)

« Il refuse d’être seul, il est l’homme des foules. » (Edgar Poe – sur l’homme moderne)

« Le nez de la foule est son imagination. On peut, en tout temps, la mener tranquillement par là. » (E. A. Poe)

« La révélation de la bassesse ravit toujours la foule. Il est petit comme nous ! Il est vil comme nous !… » (Pouchkine) – Voilà pourquoi certains de nos politiciens sont aimés des foules.

« Je ne connais pas de spectacle plus affligeant que celui d’une plèbe menée par ses instincts. » (Joseph Proudhon)

« J’entends les calomnies de la foule

« Ils s’accordent pour m’ôter la vie. » (Psaume 30)

« Mieux que l’approbation de la foule : l’indignation d’un seul honnête homme. » (Sima Quian – cité par Simon Leys) – Bien peu démocrate ce vieux chinois.

« Un groupe humain se mue en foule lorsqu’il devient soudain sensible à la suggestion et non au raisonnement, à l’image et non à l’idée, à l’affirmation et non à la preuve, à la répétition et non à l’argumentation, au prestige et non à la compétence.  Au sein de la foule, une croyance se répand non point par persuasion mais par contagion. » (Jean-François Revel)

« Plaire à la foule c’est plaire à un seul. » (Jean Rostand)

« L’homme a insatiablement besoin de l’homme … pour assouvir son cannibalisme psychique, pour assouvir le besoin de voir, de toucher, de connaître sans discrétion …  Il y a dans l’indiscrétion de la foule pour ses idoles acteurs, artistes, sportifs, gladiateurs, matadors, aristocrates, personnages royaux, criminels célèbres, quelque chose de gourmand … avidité du public. » (Raymond Ruyer) – Ce qui fait bien l’affaire des dites idoles exhibitionnistes.

“L’individu et l’espèce sont l’alpha et l’oméga de notre univers. La masse est un alphabet mêlé assez inintéressant. »  (Maurice Sachs)

« Comme on est bête quand on est beaucoup. » (Georges Sand)

« Nous avons un plaisir extrême à concélébrer notre similitude. » (Pierre Sansot)

« La masse a l’oubli facile autant que l’émotion. Elle n’adore qu’elle-même ; veut des héros, mais les plus nuls possibles. » (Michel Schneider) – Typologie des héros des émissions de téléréalité. Faculté d’oubli de la masse comme nullité des héros expliquant le choix de nos leaders politiques, gens  normaux.

« Les porcs-épics, s’ils sont trop éloignés les uns des autres, ils ont froid, mais s’ils se serrent de trop près pour se réchauffer, ils se blessent mutuellement … Ainsi, le besoin de société, né du vide et de la monotonie de leur vie intérieure, pousse les hommes les uns vers les autres ; mais leurs nombreuses manières d’être antipathiques et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau.  La distance moyenne qu’ils finissent par découvrir et à laquelle la vie en commun devient possible, c’est la politesse et les belles manières. » (parabole de Schopenhauer)

« Un grand mouvement populaire, s’il est anticommuniste, n’est jamais un mouvement des ‘masses’, tandis qu’un coup d’Etat mené par des intellectuels communistes est toujours soutenu par les ‘masses’, même si elles sont des plus réduites sur le terrain. » (Roger Scruton) – Les ‘masses’ sont censées obéir à la vision de leurs dirigeants, c’est-à-dire à leurs intérêts, sinon ce ne sont pas des masses conscientes mais des masses asservies. 

« Les foules rassemblées par les promoteurs de telle ou telle bonne cause platonique s’occupent surtout à s’admirer elles-mêmes d’être là réunies dans l’euphorie d’une généreuse unanimité dont elles sont bien tranquilles qu’elle est sans conséquence, qu’elle ne les engage à rien. » (Jaime Semprun)

« Bien peu de chose sépare, par la conscience, les foules d’émeutiers d’un soir de celles qui s’assemblent pour d’autres ‘transes’ urbaines, où l’on s’enivre d’identification mimétique en vibrant sous les coups de la musique de masse … love parade… » (Jaime Semprun)

« La preuve du pire ; c’est la foule. » (Sénèque, mentor de Néron, donc connaisseur)

« Le chemin le plus battu, le plus fréquenté  est celui qui trompe le mieux … Gardons-nous de suivre en stupide bétail la tête du troupeau, et de nous diriger où l’on va plutôt qu’où l’on doit aller … Le pire se reconnaît à la foule qui le suit. » (Sénèque)

« La négation est ce qu’il y a de plus simple. C’est pourquoi les grandes masses dont les éléments ne peuvent s’entendre sur un objectif, s’y retrouvent. » (Georg Simmel)

« Le pouvoir, via ‘Loft story’ et autre ‘Star academy’, a instauré le narcissisme de masse. … en vertu duquel les masses, à travers quelques élus choisis pour leur représentativité, sans qualités, incompétents, vulgaires, sont désormais autorisées à s’adorer elles-mêmes. » (Alain Soral) – Ou comment faire descendre tout le monde encore plus bas.  

« La masse est l’informe absolu, qui poursuit avec haine chaque espèce de forme, toutes les différences de rang, la propriété constituée, le savoir constitué. C’est le nouveau nomadisme des villes mondiales … un je ne sais quoi de flottant qui est entièrement séparé de ses origines, qui ne reconnaît pas son passé et ne possède aucun avenir. Ce quatrième ordre devient ainsi l’expression de l’histoire qui aboutit à la non-histoire. La masse est la fin, le radical néant. » (Oswald Spengler)

« La foule est incapable de percevoir les vérités un peu profondes. » (Spinoza)

« La foule est terrible si elle est sans crainte. » (Spinoza)

« Le Bon souligne que la contagion mentale typique des foules induit une ‘descente sur les degrés de l’échelle de la civilisation’ et une ‘baisse du rendement intellectuel’. Ainsi qu’une ‘absence de liberté de l’individu dans la foule’. Elle tend vers le degré zéro de la pensée, et constitue un changement vers le pire. L’âme des foules se forme en régressant vers des comportements archaïques … Figure du père introduite par Freud avec la ‘horde primitive’ (Totem et tabou) correspondant avec la figure du ‘meneur’ dans l’analyse de Le Bon. » (Bernard Stiegler)

« Freud montre aussi qu’il existe aussi des ‘foules artificielles’, ou ‘conventionnelles’, qu’il analyse à travers les exemples de l’Eglise et de l’Armée … Or, les industries de programmes (essentiellement audiovisuelles) sont aussi ce qui forme chaque jour, et précisément à travers les programmes qu’elles diffusent en masse, de telles ‘foules  artificielles’ … Ces foules relativement éphémères que sont les audiences … sont précisément constituées par le fait qu’un seul et même objet retient leur attention. » (Bernard Stiegler) – On peut estimer que ces foules éphémères vont se multiplier avec l’invasion démente des polémiques stupides suscitées par le moindre message internet (twitter) ne reprenant pas la menteuse doxa officielle. Alors foules de lyncheurs généralement.

«  Les ‘groupes de paroles’ sur le racisme font partie d’un programme destiné à diviser la société en deux camps : l’un dominé par le ressentiment, l’autre par la contrition, mais tous les deux manipulables à des fins politiques. » (Jeremy Stubbs).

« La foule est la bête élémentaire dont l’instinct est partout, et la pensée nulle part … On ne peut aimer une foule, un tas d’hommes ensemble … Quand ils sont plus de deux ou trois, la brute y entre. » (André Suarès)

« La formation d’un public suppose une évolution mentale et sociale bien plus avancée que la formation d’une foule… Un public est indéfiniment extensible … Il est plus homogène qu’une foule … Mais on peut dire que le public se peint par nature de la foule qui naît de lui. Le public pieux se peint par les pèlerinages de Lourdes, le public mondain par les courses de Longchamp … C’est du moment où les lecteurs d’une même feuille se laissent gagner par l’idée ou la passion qui l’a suscitée, qu’ils composent vraiment un public … les publics sont moins outranciers, moins dogmatiques que les foules, mais leur despotisme ou leur dogmatisme, s’il est moins aigu, est tout autrement tenace et chronique que celui des foules … Les publics diffèrent des foules en ce que la proportion des publics de foi et d’idée l’emporte beaucoup … sur celle des publics de passion et d’action, tandis que les foules croyantes et idéalistes sont peu de chose comparées aux foules passionnées et remuantes. » (Gabriel Tarde- considérations éparses sur publics et foules)

 « Foules de haine, de démolition, qui se croient justicières, foules d’amour (mais de quelles piètres idoles !), foules de fête, de joie, amoureuses d’elles-mêmes et de se rassembler … d’une crédulité infinie. » (Gabriel Tarde)

« Entre l’exécration et l’adoration, entre l’horreur et l’enthousiasme, entre les cris ‘vive’ et ‘à mort’, il n’y a pas de milieu pour une foule. » (Gabriel Tarde)

 « Les hommes rassemblés sont bien plus crédules que chacun d’eux pris à part. Les foules ne sont pas seulement crédules, elles sont folles … hypertrophie d’orgueil, intolérance, susceptibilité, sujettes aux hallucinations collectives, aux images incohérentes, superposées ou juxtaposées, sans lien, immodération en tout … Les hommes ‘en gros’ dans les foules valent moins que les hommes ‘en détail’ … Une multitude lancée, même composée en majorité de personnes intelligentes, a toujours quelque chose de puéril, par sa mobilité d’humeur, et de bestial à la fois … Elle est lâche aussi, même composée d’individus de moyen courage. » (Gabriel Tarde)

« Tandis que, moralement, les collectivités sont susceptibles des deux excès contraires, de l’extrême criminalité ou même parfois de l’extrême héroïsme, il n’en est pas de même intellectuellement, et s’il leur appartient de descendre à des profondeurs de folie ou d’imbécillité inconnue à l’individu pris à part, il leur est interdit de s’élever au déploiement suprême de l’intelligence …. Inférieures en intelligence et en moralité à la moyenne de leurs membres, elles choisissent ou subissent les pires meneurs comme les pires suggestions, parmi toutes celles qui émanent d’eux … Tout ce qui est génial est individuel, même en fait de crime … car la puissance d’unisson … est par excellence outrancière. » (Gabriel Tarde) – Ce qui interdit toute nuance et complexité ; voir la superstition du jury, l’impuissance des assemblées de toute nature, sauf pour détruire.

 « Le public, entendu en cet autre sens (que les foules), c’est-à-dire comme une collectivité purement spirituelle, comme une dissémination d’individus physiquement séparés et dont la cohésion est toute mentale … Leur lien, c’est, avec la simultanéité de leur conviction ou de leur passion, la conscience possédée par chacun d’eux que cette idée ou cette volonté est partagée au même moment par un grand nombre d’autres hommes … Si on ne peut appartenir qu’à une foule à la fois, il est possible d’appartenir à plusieurs publics … Les publics sont moins soumis à l’influence des facteurs naturels et à celle des facteurs raciaux (au sens nationaux). » (Gabriel Tarde – sur les publics, notamment des journaux)

 De par les moyens de communication : « Les publics grossissent, pendant que les foules, et leur importance, diminuent … De plus la tendance à s’attrouper qui va en grandissant de l’enfance à la jeunesse, va ensuite en décroissant … Les publics sont apparus avec l’invention de l’imprimerie au XVI° siècle. » (Gabriel Tarde)

  « Convenons pourtant que les publics sont moins outranciers que les foules, moins despotes ou moins dogmatiques, mais leur despotisme ou leur dogmatisme, s’il est moins aigu, est en revanche tout autrement tenace et chronique que celui des foules … Le public est une foule beaucoup moins aveugle et beaucoup plus durable, dont la rage plus perspicace s’amasse et se soutient pendant des mois et des années. » (Gabriel Tarde)

« Les publics diffèrent des foules en ce que la proportion des publics de foi et d’idée l’emporte beaucoup sur celle des publics de passion et d’action, tandis que les foules croyantes et idéalistes sont peu de chose comparées aux foules passionnées et remuantes … On pourrait même croire qu’il n’existe pas de publics d’action, si l’on ne savait pas que nés de partis politiques, ils imposent aux hommes d’Etat leurs ordres soufflés par quelques publicistes. » (Gabriel Tarde) – Pour les publics de foi et d’idée : religieux, esthétique, scientifique, philosophique, économique même…

 « Le public est souvent la transformation d’un groupe social organisé, parti, secte, corporation. » (Gabriel Tarde) – Je dirais plutôt la couverture d’organismes qui ne songent qu’aux intérêts de ses membres et exerce sa pression par lobbying, agitation et parfois corruption.

 « Chaque public se peint par la nature de la foule qui naît de lui. Public pieux, pèlerinages de Lourdes, public mondain, courses de Longchamp, bals, public littéraire, auditoires de théâtres, réceptions à l’Académie, public révolutionnaire, grèves, émeutes , barricades, public politique, réunions électorales, chambres des députés… » (Gabriel Tarde)

« Le public, espèce de clientèle commerciale … La division d’une société en publics, division toute psychologique, tend, non pas à se substituer sans doute, mais à se superposer de plus en plus visiblement et efficacement à sa division religieuse, économique, esthétique, politique, en corporations, en sectes, en métiers , en écoles, ou bien en partis. » (Gabriel Tarde)

  « Derrière les foules criminelles il y a des publics plus criminels encore, et, à la tête de ceux-ci, des publicistes qui le sont encore plus … Les meneurs d’une foule sont le plus souvent des ‘sectaires’. Les sectes sont les ferments des foules. » (Gabriel Tarde) – Meneurs indirects, éloignés, des publics ; meneurs directs, présents, des foules. Publiciste pour l’auteur : leader d’opinion, journaliste, prétendu philosophe. Secte pour l’auteur est beaucoup plus large que l’acception actuelle limitée : tout groupement, association d’intérêts ou d’idées…

« L’influence que le publiciste exerce sur son public, si elle est beaucoup moins intense à un moment donné, est, par sa continuité, bien plus puissante que l’impulsion brève et passagère imprimée à la foule par son conducteur. » (Gabriel Tarde)

 « Dés le moment où un amas d’hommes se met à vibrer d’un même frisson, s’anime et marche à son but, on peut affirmer qu’un inspirateur ou un meneur, ou un groupe de… lui a  insuflé son âme, soudainement grandissante, déformée, monstrueuse. » (Gabriel Tarde)

« Les foules sont d’une intolérance prodigieuse, d’un orgueil grotesque et d’une susceptibilité née de l’illusion de leur toute puissance. » (Gabriel Tarde)

Chez les meneurs : « Quatre sortes principales d’influences : une volonté de fer, un coup d’œil d’aigle et une foi forte, une imagination puissante, un intraitable orgueil. » (Gabriel Tarde)

«Les Foules passives distinctes des foules manifestantes et plus encore des foules actives (foules d’amour ou foules de haine) : les foules expectantes, réunies elles attendent que le spectacle commence – les foules attentives se pressent autour d’un orateur, devant une scène … Les foules de fête (distinctes des foules passives et des foules d’action) , ivres uniquement du plaisir de se rassembler pour se rassembler, se voir, se coudoyer, sympathiser. » (Gabriel Tarde)

« Derrière les foules criminelles il y a des publics plus criminels encore, et à la tête de ceux-ci, des publicistes qui le sont encore plus … Découvrir ou inventer un nouvel et grand objet de haine à l’usage du public, c’est encore un des plus sûrs moyen de devenir un des rois du journalisme. Toujours et partout, l’apologétique n’a eu autant de succès que la diffamation. »  (Gabriel Tarde) – Publicistes : journalistes, éditorialistes, intellectuels aujourd’hui.

« On remarque ce singulier goût des foules pour les vitres cassées, pour le bruit, pour la destruction puérile : c’est une de leurs ressemblances nombreuses avec les ivrognes. » (Gabriel Tarde) – Nos soi-disant manifestants de fin de cortège poursuivent cette belle tradition. Mais eux, en plus du savourer le joyeux bruit, ont le pillage pour objectif.  

« La foule croit qu’elle sait et comprend tout ; et plus elle est sotte, plus ses horizons lui semblent vastes. » (Anton Tchekhov)

« Le mythe des ‘lendemains qui chantent’ attire les foules comme la lampe le papillon. L’avenir étant muet, rien n’est plus facile que de lui faire chanter la chanson qu’on veut. Aucun risque de démenti dans l’immédiat. » (Gustave Thibon)

« La foule acclame ou insulte n’importe qui, n’importe quoi. L’objet ne compte pas. » (Chantal Thomas – Les adieux à la reine)

« Cette inconstance dont les foules sont familières. » (Thucydide)

« La religion, la race, la provenance, le genre sexuel, l’emportent désormais sur la personne, autre illustration de la massification. Mais ils emportent aussi le libre arbitre, car leurs référents relèvent de la fatalité et non du choix. » (Shmuel Trigano)

« La foule qui demande toujours que l’on tue. » (Jean-Marc Varaut)

« L’être cherchant à être plutôt que d’attendre d’être visité par l’être, protection contre la tentation d’attendre un quelconque miracle, un hasardeux destin, un improbable sauveur … ‘Si le système totalitaire a séduit … c’est qu’il a joué sur le désir qui saisit parfois l’humanité d’échapper à elle-même, de régresser de l’état d’humanité … pour que l’être se retrouve sans but, sans calcul rationnel, fondu dans le masse, aspirant à faire de plus en plus masse, à vivre la masse pour la masse’ … Endormissement dans une grande fusion communautaire. » (Bertrand Vergely – interprétant Ernst Cassirer et citant Hannah Arendt – à propos des régimes totalitaires)

 « On n’a pas philosophiquement raison parce que l’on est politiquement majoritaire. Au contraire, rien n’aveugle davantage que le nombre, rien n’est plus dangereux que le groupe qui se met à croire qu’il a raison parce qu’il se sent fort du fait d’être un groupe. » (Bertrand Vergely – interprétant Ernst Cassirer)

« Toute prescription ou défense édictée en vue du soi-disant intérêt de la masse est une duperie. Que l’individu se développe au contraire dans la plénitude de sa liberté et la masse jouira d’un bonheur total fait de tous les bonheurs particuliers. » (Jules Verne)

« Ne te laisse pas prendre aux mensonges de la foule stupide. » (Virgile)

« Adorer le ‘gros Animal’ (expression de Platon) c’est se conformer en pensées et en actions aux préjugés et réflexes de la foule, sans effort de recherche personnelle de la vérité et du bien. Encore Platon n’avait-il guère idée de ce que serait un jour les moyens médiatiques de dicter aux foules leur prétendue opinion ! » (Simone Weil)

« Freud voyait dans l’esprit de la foule la résurrection de la horde primitive (‘Urhorde’), qui permettait à l’individu de se dégager de tout sens de la responsabilité et de retourner à sa condition barbare des origines. »  (Robert S. Wistrich)

« Agrégat d’individus dont le ciment est constitué par l’identification à un chef, visible ou invisible, vivant ou mort, réel ou supposé ; l’identification au chef (relation verticale) provoque en effet l’instauration d’une relation latérale d’équivalence entre tous les individus s’identifiant entre eux. C’est ce double rattachement affectif au chef d’une part et à tous les autres individus composant la foule d’autre part qui assure sa cohésion interne, mais aussi limite et modifie la personnalité de ceux qui s’y intègrent … et détermine une régression comportementale … ‘Les foules accumulent non l’intelligence mais la médiocrité … Isolé, c’était peut-être un individu cultivé, en foule, c’est un instinctif, par conséquent un barbare … la foule est toujours intellectuellement inférieure à l’homme isolé’ ’ (Gustave Le Bon) … Le chef peut être remplacé par une abstraction ou une idée, susceptible d’opérer la même union et de créer les mêmes liens affectifs, une abstraction peut suppléer le chef (foules sportives, foules idéologiques…) … A l’ère des foules qui avaient envahi l’aire européenne de 1914 à 1945 a succédé l’ère des masses, foules déjà stérilisées, incapables de retrouver leur ancienne puissance, individualisme, dépolitisation et massification sont des caractères intimement liés.) » (Paul Yonnet – reprenant Freud et Gustave Le Bon – prenant l’exemple des masses adeptes du tiercé, du rock, de certaines modes…)

« Chaque individu éprouvait un accroissement de son ‘moi’, il n’était plus l’homme isolé de naguère, il était incorporé à une masse, il était le peuple, et sa personne jusqu’alors insignifiante, avait pris un sens. » (Stefan Zweig – à propos des mouvements de masse du XX° siècle) – Applicable à de nombreuses manifestations courantes.

« Garde-toi de tituber avec la foule. » (adage, selon saint Augustin ou saint Thomas ?)

« Dieu fait les gens et le diable les assemble. » (proverbe)

« Les sénateurs sont tous des hommes bons, mais le sénat romain est une sale bête. » (proverbe romain)

« Les masses préfèrent rabaisser ceux qui la dépassent que de chercher à s’élever jusqu’à eux. » (?)

« Dans la cohue, on ne peut penser qu’à ses orteils. » (?)

« Il suffit de dire la vérité pour être haï par la foule. » (?)

– Ci-dessous, quelques petits extraits simplifiés d’un livre d’Elias Canetti : Masse et puissance. Malgré la police de caractères, il s’agit ci-dessous de citations ou quasiment. Cependant, le contenu de quelques parenthèses n’est pas d’Elias Canetti.

Ne sont retenus ci-dessous que ce qui concerne les masses en tant que foules, non leur aspect puissance.

 . C’est dans la masse seulement que l’homme peut être libéré de la phobie du contact, car il n’est rien que l’homme redoute davantage que le contact de l’inconnu.

. Masses ouvertes (d’occasion, attroupements spontanés) et masses fermées (limitées, localisées, durée, stabilité, lieu et periodicité de rassemblement).

. C’est la décharge qui constitue la masse, l’instant où ceux qui en font partie se défont de leurs différences et se sentent égaux.

. La rage destructrice : l’excitation du bruit, l’abolition des limites, des hiérarchies (destruction d’œuvres d’art), des distances. Le feu totalement destructeur.

. Sentiment d’hostilité et de persécution : la masse se sent comme une forteresse investie,  besoin vital de s’accroître, crainte de se désintégrer (par désaffection ou par panique soudaine).

. La masse tend toujours à s’accroître, en son sein règne l’égalité, elle aime la densité, elle a besoin d’une direction (mouvement, but).

. Rythme des pieds, du chant.

. Masses ameutées : formées  pour un but rapidement accessible, connu, caractérisé et proche, émeute. Elle se dispose à tuer et elle sait qui tuer. Masses de fuite : produites par la menace, elle existe par sa direction unique. Masses de refus (grève). Masses de renversement (classes sociales, révolte, soulèvement, révolution). Masses de fête (relâchement, franchissement d’interdits).

. Cristaux de masse : petits groupes rigides, délimités, cohérents, unis, persistants, servant à déclencher la formation de masses, petite masse fermée au sein de… (minorités agissantes, Trotskysme, Maçonneries).

. Symboles de la masse : le feu (propagation), la mer (multiplicité, cohésion et densité), la pluie (attente, unité, nombre des gouttes allant toujours vers), le fleuve (direction, inéluctable), la forêt (densité, hauteur, ombre couvrante, alignement des arbres), le vent (enveloppement, direction, s’empare de tout, ‘dans le vent’), le sable (égalité, infinité, fluidité), le tas (résultat d’activité, de l’effort rythmique d’une multitude – tas de pierres – compact, serré, vise à la grande taille, l’accroissement toujours désiré, la valeur – le trésor).

. La meute : hordes peu nombreuses, limitées, les membres se connaissent entre eux et connaissent leur but, isolées du reste, but unique et commun.

. Meutes de chasse, meutes guerrières, meutes funèbres, meutes de multiplication (celles-ci cherchant à s’accroître en nombre pour augmenter leur force, ou diminuer leur faiblesse vis-à-vis de l’environnement, mythes, rites et cérémonies sont pleins de ce désir, elles furent le moteur essentiel de l’expansion de l’humanité, la faiblesse de l’homme était son petit nombre, l’accumulation des biens alimentaires forme de multiplication pour se multiplier, peut-être les conquêtes, les saisies d’esclaves…).

. Image de la Masse des spermatozoïdes : deux cent millions, se précipitant dans une même direction, tendus vers un même but.

. Le revirement des meutes : toutes ces formes ont tendance à se transformer les unes dans les autres. Le but atteint, on passe au partage, au pillage, à la vengeance…

« Laquelle des quatre meutes marque notre époque … S’il est une croyance à laquelle s’abandonnent successivement les peuples de la terre pleins de vitalité, c’est bien la croyance à la production, cette furie moderne de multiplication … L’augmentation de la production a pour conséquence un désir de multiplication des hommes … Sur ce point elle ressemble quoique superficiellement aux religions universelles qui cherchent à gagner toute âme … Par delà la multiplication des objets, elle remonte au sens premier de toute multiplication, celle des hommes eux-mêmes … Une tendance à former d’énormes masses doubles saute aux yeux (capitalisme et socialisme, L’Est et l’Ouest d’hier, formes jumelles d’une seule et même croyance). » – Même si divisée aujourd’hui la masse de l’Islam vis-à-vis du monde laïc, soit le fameux conflit de civilisations qui aurait remplacé le conflit Est-Ouest (celui-ci n’étant pas forcément éteint d’ailleurs – l’Amérique et son valet européen faisant tout pour le rallumer, puisqu’il est vital pour le maintien des pouvoirs discrets dans un monde artificiel et creux de combler le vide et d’occuper les esprits en créant des ennemis).

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