300,1 – Exclusion, Discrimination

– La possibilité d’exclure est la condition de toute inclusion.

– Presque tout le monde est exclu d’une façon ou d’une autre. Qui découvrira les quelques individus qui parviennent à exclure tant de gens ?

– Sortant du terme socio-politique employé par les pleurnicheurs ou les manipulateurs professionnels, l’exclu par un groupe n’a pas toujours raison. Mais, il a pu être l’élément sain contre tous, par ses positions iconoclastes il a pu aussi être la victime du complot d’une meute ressoudée dans l’expulsion de l’élément qui dérange, le bouc émissaire dont l’expulsion brutale a permis de ressouder la communauté divisée, l’insupportable qui osait dire que « le roi était nu » (Andersen), celui dont le gang politico-médiatique ne voulait plus et contre lequel il fallait monter quelque procès public menant à l’exclure du jeu (François Fillon), tel Philippe le Bel excluant les Templiers (il est vrai, avec les méthodes de son temps, nettement plus brutales)

– Plus l’institution est structurée, à la fois sûre et incertaine d’elle-même en même temps que se sachant décalée et menacée, plus elle se montrera impitoyable envers les déviants. En France, tout intellectuel (écrivain, journaliste, artiste…) qui se permet la moindre critique contre la stupidité ambiante, le mensonge permanent et le mépris du peuple est frappé de mort civile par la meute politico-médiatique. Il disparaît de l’horizon.

– En réunion, mondaine, quelques hommes assurément grincheux, ont la forte impression d’être totalement exclus de la conversation, soit de ne pas disposer de plus d’une demi-seconde de silence pour s’insérer dans un déluge illimité de banalités et d’exclamations admiratives (ou vachardes). Entre la brutalité discourtoise et le mutisme, le choix est vite fait.

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« Être exclu, c’est être frappé de désappartenance, c’est avoir perdu sa place dans le monde. » (Myriam Revault d’Allonnes) – Dans le monde, dans un groupe ; c’est n’avoir plus de place assignée.

« Le racisme est moderne. Les cultures ou les races antérieures se sont ignorées ou anéanties, mais jamais sous le signe d’une Raison universelle … Notre culture, en approfondissant sa rationalité, a extradé dans l’inhumain successivement la nature inanimée, les animaux, les races inférieures (lors du colonialisme), puis ce cancer de l’humain a investi cette société même qu’il prétendait circonscrire dans sa supériorité absolue … L’extradition des fous à l’aube de la modernité occidentale, le renfermement des enfants dans leur statut idéalisé d’enfance, dans le ghetto de l’univers infantile, les vieillards rejetés à la périphérie de la normalité. Et tant d’autres ‘catégories’ qui ne sont devenues des catégories que sous le signe des ségrégations successives qui marquent le développement de la culture. Les pauvres, les sous-développés, les QI inférieurs, les pervers, les intellectuels, les femmes … sur la base d’une définition de plus en plus raciste de ‘l’humain normal’ … A la limite, toutes les ‘catégories’ seront exclues, ségrégées, proscrites, dans une société enfin universelle, où le normal et l’universel seront enfin confondus sus le signe de l’humain … L’exclusion qui les précède toutes et leur sert de modèle … c’est celle des morts et de la mort. On ne sait plus quoi en faire, car il ‘n’est pas normal d’être mort’ aujourd’hui … plus de lieu, ni d’espace, ni de temps, leur séjour est introuvable ; même pas parqués, volatilisés  … Ce que Feuerbach ne dit pas (‘l’essence du christianisme’), car il est encore trop aux prises avec la religion, c’est que l’universalisation de l’Homme se fait au prix de l’exclusion de tous les autres (fous, enfants…) dans leur différence. Quand l’Homme se met à ressembler à l’Homme, les autres ne ressemblent plus à rien. Défini comme universalité, comme référence idéale, l’Humain, tout comme Dieu, est proprement inhumain et délirant. » (Jean Baudrillard) – Le plus d’universel, le plus d’impérialisme modèle-modelant, le plus d’exclusion.

« Les deux émissions de télévision les plus populaires (Loft story, Le maillon faible, plus d’autres telles l’anglo-saxonne Big Brother) sont des répétitions publiques de la ‘jetabilité’ des humains … Personne n’est indispensable … La vie est un jeu dur pour les gens durs … Chaque partie commence de zéro. Les mérites passés ne comptent pas, on ne vaut pas plus que les résultats du dernier duel. » (Zygmunt Bauman) – Chacun sait que quand on parle de lutter contre l’exclusion on se moque des gens, comme on provoque les gens de la France périphérique, les vrais exclus.

« L’humanité, dans le discours commun sur les droits de l’homme, serait ‘Une’, car l’établissement d’une hiérarchie dans l’ensemble humain entre ceux qui mériteraient la jouissance de ces droits et les autres serait contraire à sa logique. Voilà une contradiction flagrante puisque, systématiquement, ce discours tend à rabaisser ses propres ennemis au niveau de non-interlocuteurs, c’est-à-dire de ‘pas tout à fait humains’, en fait de presque ‘animaux’ ; les violations des droits de l’homme sont définies comme des pratiques inhumaines, c’est-à-dire non humaines … On divise, ce faisant l’humanité en deux : d’un côté les sous-hommes, de l’autre, les bons, les victimes, les défenseurs des droits de l’homme. » (Miguel Benasayag – Critique du bonheur) –Droits de l’homme : mécanisme d’exclusion. On comprend mieux qu’on puisse bombarder les sous-hommes.

« Les ‘sans’ (abri, travail, papiers, terre, accès aux soins…) sont-ils vraiment exclus ? Dans la mesure où le concept d’exclusion laisse passer par contrebande l’idée d’une inclusion et du modèle de croissance ne permet plus de les envisager comme exclus … Ils sont des laissés pour compte de la société de la promesse … … Les ‘sans’ sont au cœur de la crise historique de la modernité, car ils manifestent le renversement de la promesse en menace : celle du devenir ‘sans’ des populations. »  (Miguel Benasayag, Angélique del Rey) – «  Mais qu’on puisse se bagarrer pour posséder ce qu’offre le système renforce celui-ci car ses principes apparaissent alors comme les seuls naturellement désirables. »

« Louis Dumont  montre dans ses ouvrages que les anciennes hiérarchies sociales visaient principalement à inclure (autrefois même l’idiot du village jouait un rôle dans la société), tandis que les sociétés égalitaires qui aspirent à des rapports sociaux ‘horizontaux’, se condamnent à exclure de façon radicale tous ceux qu’elles ne peuvent intégrer. » (Alain de Benoist)

« Plus ‘d’exploités’, des ‘déshérités’, des ‘exclus’,  des ‘défavorisés’, des ‘plus démunis’ … La ‘lutte contre l’exclusion’ a remplacé la ‘lutte contre les inégalités’ de jadis. » (Alain de Benoist)

« L’unité n’existe pas sans exclusion. » (Bossuet) – C’est une évidence. C’est peut-être indirectement parce qu’on ne veut surtout pas d’unité qu’on pourchasse tant l’exclusion.

« Le communautarisme … se légitime par le principe relativiste du ‘à chacun sa vérité’, à chaque groupe sa vérité et ses valeurs … Qui dit communauté, dit exclusion. On ne se sent appartenir à une communauté que si l’on perçoit ceux qui n’y appartiennent pas comme des étrangers. » (Raymond Boudon)

« Une ZEP est un ghetto organisé, à la périphérie des grands centres urbains, de façon à ce que les meilleurs élèves étudient tranquillement dans les ‘bons’ lycées du centre-ville, sans être dérangés par une ‘racaille’ descendue de quelque banlieue louche, où l’administration encourage les programmes ‘adaptés’, comme si les élèves étaient débiles … Sous prétexte de s’occuper spécifiquement des exclus, on les a  définitivement enclavés, les ZEP sont des réserves. » (Jean-Paul Brighelli – La fabrique du crétin)

« De la victimisation comme carrière … La victimisation serait une sorte de discrimination positive sauvage, une manière de s’octroyer un passe-droit … Guerre civile des mémoires incompatibles les unes avec les autres … On enferme les individus dans une définition ethnique ou raciale, on les replonge dans la nasse dont on entendait les soustraire. » (Pascal Bruckner) 

« Les ‘précaires’ ne sont pas des exclus, ils ne sont pas ‘visibles’ et ne disposent pas des organisations leur permettant de faire connaître leur situation sociale. » (Gaël Brustier, Jean-Philippe Huelin) – Ils sont trop nombreux et leur situation signe trop la faillite du système pour que la classe dominante tolère qu’on en parle.

« Jadis on parlait des pauvres, on parlait du prolétariat ; on ne parlait pas des exclus… La petite bourgeoisie … à laquelle il ne reste plus de classes à dominer, les ayant toutes avalées, absorbées , digérées … procède par ‘intégration’ (alors que toutes les autres classes avant elle procédaient par ‘exclusion’), par intégration générale, de sorte que personne n’a le sentiment d’être exclu (on ne le proclame, sans y croire vraiment, que sur le registre de la plainte, pour obtenir des allocations nouvelles) … Il y a des exclus de l’affluence, de l’aise et de l’aisance, économiquement exclus, mais ils ne sont pas socialement exclus, pas du moins au niveau des représentations … S’il y a bien une réalité de l’exclusion, l’idéal affiché, proclamé et même seriné de l’énorme classe au pouvoir, c’est précisément de réduire et même de supprimer l’exclusion. Terrasser l’exclusion, combler la fracture sociale, créer du lien … C’est parce que la petite bourgeoisie dictatoriale entretient un idéal d’inclusion universelle qu’elle a inventé le concept et le mot d’exclusion … Curieux amour des étrangers que celui qui consiste à les persuader qu’ils n’en sont pas, à les dépouiller de leur étrangeté … Chacun, s’il le souhaite, à vocation à devenir français ; chacun, et même s’il ne le souhaite pas, à vocation à devenir petit-bourgeois ; d’ailleurs tout le monde l’est déjà (voir l’uniformité creuse des invités comme des apparatchiks à et de la télévision,   le grand vecteur d’abrutissement de masse) … Certes, il y a les scènes et les campagnes de lynchage médiatique ( le divertissement télévisé collectif, le jeu du cirque, l’exécution symbolique en public) … pertinence des thèses de René Girard sur le bouc émissaire … dans une société obsédée par l’idée d’exclure toute exclusion, de bannir tout extérieur, de suturer toutes les failles, de réduire toutes les fractures, d’autocélébrer sans cesse sa globalité, sa massivité, son unicité symbolique, il est probable que de telles scènes et de telles campagnes se multiplieront puisqu’on connaît leur merveilleuse efficacité de ciment, de pacte fondateur à refonder sans cesse, de jouissif contrat de coappartenance … Que sont devenus certains déviants ? On ne sait pas, ils ne participent plus au débat. Pourtant personne ne les a exclus, ils sont vivants … les muettes inflictions de mort civile, de mort médiatique. » (Renaud Camus)

« Il n’y a pas de ‘dehors’. Il n’y a pas de différence entre le ‘dehors’ et le ‘dedans’. Cette dictature-là, justement parce qu’elle est tout-incluante, ne se conçoit pas d’extérieur ; elle ne s’en ménage pas, elle empêche qu’il en demeure ou qu’il s’en crée. Elle coïncide exactement avec la société, et presque avec le monde. Pour elle, il n’y a pas ‘d’autre’. » (Renaud Camus)

« La culture ne se définit pas seulement par ce qu’elle comprend, mais aussi par ce qu’elle ‘exclut. » (Renaud Camus) – Attitudes, termes … Une bonne bibliothèque se définit autant par les livres qui n’y sont pas, ceux qui la dépareraient.

« L’exclusion sociale est un processus, pas une condition. Pour cette raison ses frontières sont mouvantes et fluctuent (suivant l’environnement pris au sens large) … Sous le règne du capitalisme informationnel, l’intégration sociale commence quand un membre au moins d’un foyer stable a la possibilité d’accéder à un travail régulier rémunéré … Le processus de l’exclusion sociale touche aussi bien des territoires que des individus : des quartiers, des villes, des régions, des pays entiers basculent dans l’exclusion entraînant avec eux l’essentiel de leur population. Ce processus est différent de la ségrégation géographique. » (Manuel Castells)

« Je ne vois pas bien ce que l’on gagne à dire qu’il y a des ‘exclus’ et à nommer ainsi des individus dont les situations sont aussi différentes que celles du chômeur de longue durée, du jeune de banlieue, de la mère célibataire, du SDF, du handicapé, du vieillard isolé, et j’en passe, car ce mot-valise est désormais collé sur n’importe quelle situation problématique. Manière purement négative de nommer des profils hétérogènes, et qui ne permet pas d’analyser les dynamiques qui les ont menés là. » (Robert Castel) – On ne va quand même pas demander aux média et aux politiques d’expliquer, de comprendre, et donc d’essayer de soigner ! 

« Toute société se définit par ce qu’elle exclut.. Elle se constitue en se différenciant. » (Père Michel de Certeau)

« Le thème de l’exclusion permet à la bourgeoisie de faire partager au peuple la culpabilité de l’inégalité sociale, en mettant simplement en scène le sort des exclus … Tam-tam des Restos du cœur … Elle n’a plus à se justifier des siennes. » (Eric Conan)

« Aujourd’hui, le racisme, soit la catégorisation des humains selon la couleur de leur peau et  leurs origines sociales et/ou ethniques, nous est imposé par ceux-là mêmes qui se vantent de le combattre. » (Maurice G.  Dantec) 

« Agir pour se faire exclure est une solution paradoxale mais qui fonctionne. Paradoxale car, lorsqu’il y a un centre, c’est d’en être ou de s’en croire exclu qui suscite la jalousie. Efficace, car, en commettant un meurtre …  on se place au centre de l’attention collective et on y trouve son heure de gloire. Cette figure de l’auto-exclusion est hautement paradoxale et caractérise assez bien ce mensonge qu’est l’individualisme contemporain. » (Jean-Pierre Dupuy)

« La peur de l’exclusion est partout. La rhétorique concurrentielle des années 80 laissait entendre que le premier venu pouvait réussir, celle d’aujourd’hui laisse craindre que tout citoyen peut sombrer dans la déchéance. » (Alain Ehrenberg)

« Si tout est également arbitraire, tout est également légitime et ‘il est exclu d’exclure’. » (Alain Finkielkraut)

« L’époque déteste la persistance des attitudes de rejet et s’idolâtre de les détester. Plus elle se noircit, plus elle s’encense. … Le discours de la tolérance généralisée ne tolère au fond que lui-même. » (Alain Finkielkraut)

« Notre époque …  attribue à la lutte contre l’exclusion le rôle central que l’idéologie marxiste conférait à la lutte contre l’exploitation. » (Alain Finkielkraut) – Nos bons gauchistes toujours spontanément au service du grand capital.

« Les dérives communautaristes s’expliquent par la promotion de la ‘fraternité’, dont la contrepartie est toujours l’exclusion des individus déviants et étrangers. » (Michaël Foessel)

« Il est toujours possible d’unir les uns aux autres  par les liens de l’amour une plus grande masse d’hommes à condition qu’il en reste en dehors d’elle pour recevoir les coups (l’antisémitisme fasciste) … Qu’entreprendront les soviets une fois tous leurs bourgeois exterminés ? » (Sigmund Freud)

« La notion d’exclu … saturée de sens, de non-sens, et de contresens … On produit de l’exclusion par logomachie et par sentimentalisme généreux à propos d’évocation de la solidarité qu’on ne pratique guère … Ravages de la rationalisation et du sentimentalisme qui vont généralement de pair. » (Julien Freund)

« Toute interrogation sur une altérité vraie est stigmatisée du mot infamant ‘d’exclusion’. Nous sommes dans des sociétés incapables d’interroger la diversité civilisationnelle puisque celle-ci est a priori réfutée par l’idée de la similitude universelle. » (Marcel Gauchet) – D’où notre profonde stupidité, notamment vis-à-vis de l’Islam.

« Lorsque tout le monde progresse, celui qui stagne est inévitablement coupé des autres par un écart qui ne fait que croître. » (Vincent de Gaulejac)

« Sur les décombres du marxisme a proliféré une misérable sociologie dont les médias de masse se sont emparés avec avidité : il n’y a plus de pauvres et encore moins d’exploités, il y a des exclus. » (Christian Godin)

« J’écrivais la semaine dernière combien était infernale la différence de traitement entre un Polanski diabolisé est un Ladj Ly béatifié, tous deux condamnés dans de sales affaires concernant les mauvais traitements faits aux femmes … La conclusion s’impose: Polanski ou Allen ne sont plus juifs. Ils sont blancs. Et mâles. Et vieux. Trois crimes désormais d’autant plus condamnables qu’ils demeureront secrets. »  (Gilles William Goldnadel) – Voilà où nous mène la haine menée par un féminisme hystérique de meute.

« La nouvelle sensibilité culturelle contribue à anesthésier l’ancienne sensibilité sociale. » (Jean-Claude Guillebaud) – On ne peut pas se préoccuper en même temps des droits des minorités bruyantes (sexuelles et autres) et des pauvres.

 « Le réseau des classes supérieures qui repose sur l’entre-soi … De San Francisco à Paris, les nouvelles classes urbaines qui promeuvent la société ouverte pratiquent l’entre-soi et la cooptation traditionnelle de la bourgeoisie. » (Christophe Guilluy) – Le Bobo, théoricien virulent contre l’exclusion, sait fort bien la pratiquer pour son compte et la sauvegarde de sa position.

« Le système a renoncé à intégrer économiquement et culturellement les catégories les plus modestes, et acte de fait une relégation sociale et culturelle définitive des classes populaires. » (Christophe Guilluy) – Ce qui après le refus de la Constitution européenne en 2005, le Brexit et l’élection de Donald Trump pose la question de savoir comment continuer à donner l’illusion de la démocratie tout en empêchant, ou limitant, les effets du vote populaire.  Soyez assuré que chez les dominants on y travaille.

« ‘Eux et Nous’ … La plupart des groupes sociaux doivent l’essentiel de leur cohésion à leur pouvoir d’exclusion, c’est-à-dire au sentiment de différence attaché à ceux qui ne sont pas ‘nous’ : ‘Nous, on est comme ça’ … Camaraderie et coopération … » (Richard Hoggart – sur les classes populaires)

«  Le combat de tout groupe s’efforçant d’affirmer sa propre identité contre un environnement hostile est toujours exposé à deux dangers contraires mais symétriques : – Si un groupe essaie d’affirmer son identité ‘telle qu’elle est à un moment donné’, comme sa place au sein de la communauté dans son ensemble est définie par le  système d’exclusion imposé par les groupes dominants, il se condamne lui-même à une existence perpétuellement marginale et ghettoïsée.  Ses valeurs culturelles seront facilement récupérées par ‘l’establishment’ sous forme de folklore. – Si par ailleurs il lutte pour modifier sa place au sein de la communauté et pour rompre avec sa situation de marginalisation, il devra s’engager dans une série d’initiatives politiques qui le porteront au-delà de ce qui définit son identité présente, des luttes au sein des institutions existantes. Mais comme ces institutions sont façonnées idéologiquement et culturellement par les groupes dominants, le risque est grand que se perde l’identité différentielle du groupe en lutte. » (Ernesto Laclau)

« Dans l’imaginaire des petits-bourgeois antifas, l’immigré a remplacé l’ouvrier, le ‘racisé’ victime de discriminations s’est substitué au manœuvre exploité par son patron. » (Nicolas Lévine)

« L’unité n’est aucunement confusion ; pas plus que la distinction n’est séparation … ‘Distinguer pour unir’(Jacques Maritain). » (cardinal Henri de Lubac)

« Toute pratique discriminatoire est dangereuse … Non seulement parce qu’on remplace une injustice par une autre, et qu’on renforce la haine et la suspicion, … mais tant que la place d’une personne dans la société continue à dépendre de son appartenance à telle ou telle communauté, on est en train de perpétuer un système pervers qui ne peut qu’approfondir les divisions. » (Amin Maalouf)

« La prise en compte systématique et explicite des caractères distinctifs contribue à fixer les gens dans leurs appartenances et à les enfermer dans leurs ‘clans’ respectifs … Ce ‘respect’ de l’autre est une forme de mépris et le révélateur d’une détestation. C’est en tout cas ainsi que les personnes ‘respectées’ le vivent. » (Amin Maalouf)

« Si l’on n’a pas l’odeur de la meute, il est dans l’ordre des choses que l’on soit rejeté … L’exclusion menace toujours ceux qui ne marchent pas au pas cadencé ou ceux qui pensent de travers … Les instruments de contrôle (commissions de recrutement universitaires, salles de rédaction journalistiques, comités de lecture des maisons d’édition, conseils des partis politiques et autres comités éditoriaux…) œuvrant d’une manière aussi sournoise qu’efficace, ne qualifient pas, interdisent de publication, élaborent la conspiration du silence, excluent de toutes expressions publiques … Ce qui prévaut c’est d’aider les membres du clan et de refouler ceux qui n’en sont pas … Le petit gars des cités n’a pas honte de reconnaître qu’il a besoin de sa bande pour exister. C’est plus difficile à admettre pour l’habitant de ce triangle d’or composé des cinquième, sixième et septième arrondissements parisiens. Mais la réalité est bien la même. Si l’on n’a pas l’odeur de la meute, il est dans l’ordre des choses que l’on soit rejeté. » (Michel Maffesoli) – Quand on parle d’exclusion on pense toujours à des sortes de miséreux, jamais aux quelques esprits brillants et indépendants (écrivains, rares journalistes, philosophes…) que la meute écarte impitoyablement et avec haine de tous les tréteaux publics parce qu’ils pensent par eux-mêmes et non tels des laquais. Et si les moyens discrets ne réussissent pas (ce qui est exceptionnel), un ou deux journaux savent déchaîner la meute hurlante et bavante de rage.

« Ces individus ne sont pas victimes d’une exclusion économique mais d’exclusion tout court … Exclus parce que la complexité du ‘système’ les dépasse trop vite. » (Yves Michaud) – De plus en plus d’individus seront, ou se sentiront, exclus de par cette complexité délirante, alors qu’économiquement, ils ne le sont pas. Ceci est particulièrement vrai dans le désordre abyssal français (voir fin de la rubrique France, 355,1, On va dans le mur).

« Plus la société se développe et se perfectionne, plus elle ‘s’active’ … plus aussi l’individu risque d’avoir du mal à en suivre le rythme et à y trouver sa place et ses marques … Dialectique du perfectionnement et de l’archaïsme, le ‘système’ se situant du côté du perfectionnement et l’individu en difficulté du côté des régressions violentes et des crises identitaires. » (Yves Michaud)

« L’exclu, si on lui confère le monopole de la souffrance légitime, présente un double avantage : d’abord parce qu’il appartient à une catégorie, par définition, minoritaire (ce qui restreint immédiatement le champ de l’injustice et, partant, celui de la mauvaise conscience) ensuite, et surtout, parce qu’il permet de renvoyer d’un seul coup, par sa seule existence, l’ensemble des travailleurs ordinaires, inclus dans le système d’exploitation classique, du côté des nantis et des privilégiés … Le système a beaucoup progressé dans l’art médiatique d’organiser l’invisibilité des classes laborieuses et de leurs manières d’être … Ce qui est effectivement caché par cette mise en visibilité officielle de l’exclusion, ce sont les millions de travailleurs comptabilisés à présent parmi les ‘nantis’ sous prétexte qu’ils partagent avec les golden boys le privilège apparemment exorbitant d’avoir un travail et un toit. » (Jean-Claude Michéa) – Ou, pour un bobo gauchiste des beaux quartiers, comment faire d’une pierre deux coups, d’une part se valoriser sans frais, et d’une autre part désarmer la classe adverse en lui démontrant à contrario qu’elle n’a pas à se plaindre. Il faut n’avoir jamais lu Marx pour endosser ce discours de désarmement des classes. (Prolétaires, vous avez bien de la chance, vous pourriez faire parti des exclus !)

« La lutte contre toutes les discriminations et contre toutes les exclusions … mouvement sans fin … Son seul terme logique ne pourrait être que la reconnaissance officielle de ce que Hobbes (un siècle avant Sade) avait appelé le ‘droit de tous sur tout’ … L’auteur du ‘Léviathan’ (Hobbes) prétendait seulement décrire le ‘degré zéro de la société’, c’est-à-dire la condition anthropologique majeure de la ‘guerre de tous contre tous’. » (Jean-Claude Michéa) – Laquelle guerre est l’avenir très proche de nos sociétés folles.

« Pour qui sait à quel point l’univers des médias et du show-biz est impitoyable et cynique, il est difficile de croire que sa compassion désormais si ostensible, pour le sort des S. D. F. ne cache pas quelque chose. Et ce qui est effectivement caché par cette mise en visibilité officielle de l’exclusion, ce sont les millions de travailleurs comptabilisés à présent parmi les ‘nantis’ sous prétexte qu’ils partagent avec les golden-boys le ‘privilège’ apparemment exorbitant d’avoir un travail et un toit. » (Jean-Claude Michéa)

« L’élimination progressive des candidats par eux-mêmes. Dans le monde du travail, cela s’appelle une vague de licenciements, ici c’est un délassement. » (Gérard Miller) – Les télé-réalités et autres jeux sordides. La gigantesque hypocrisie de notre société. On proteste contre l’exclusion et on incite par tous les moyens, y compris les moyens médiatiques, c’est-à-dire les plus vicieux, les gens à s’entraîner à exclure leurs proches, et à en jouir !

« La règle véritable des grandes civilisations est que chaque catégorie est obligée de donner le meilleur de soi-même, afin d’acquérir l’excellence dans sa propre classe et son métier, et d’entr’ouvrir pour ses talents et ses ambitions la classe supérieure. L’absence des distinctions (et des classes) annule les aspirations à l’excellence,  ramène les catégories à une seule,, elle-même neutre et conformiste. » (Thomas Molnar) – Ce qui ne signifie pas dans la pensée de l’auteur que cette rémanence des collectivités autorise le maintien de discriminations.

« Toute société humaine, et ce d’autant plus qu’elle se veut fraternelle, doit se réserver d’exclure celui qui s’avère indésirable … Un monde qui ne s’autorise plus à exclure ne peut plus inclure. La fraternité, si elle devenait universelle, se dissoudrait. A quoi bon me dire le frère d’Untel si nous le sommes tous les uns des autres ?» (Paul-François Paoli)

 Comment une société où l’idée de vérité a disparu … pourrait-elle absolutiser des valeurs, fussent-elles républicaines ? Et comment donner du sens à ce fameux vivre-ensemble si ces ’valeurs’ fonctionnent sur un mode qui exclut du champ de la normalité ceux qui n’y adhèrent pas ? » (Paul-François Paoli)

« Le véritable exil n’est pas d’être arraché à son pays, c’est d’y vivre et de n’y plus rien trouver de ce qui le faisait aimer. » (Edgar Quinet)

« Le raisonnement d’Arendt est simple : la discrimination est le produit de la diversité des groupes qui peuplent l’espace américain ; elle n’en est que la contrepartie sociale. Arendt semble redouter la réduction de chacun au même moule de ‘l’américan way of life’, c’est-à-dire le conformisme de masse déjà entrevu par Tocqueville, davantage que la discrimination. Tout son argument consiste à rappeler que si la discrimination est illégitime dans l’espace public, elle s’avère inévitable dans l’espace social. » (Joël Roman – interprète de la pensée d’Hannah Arendt dans un article sur les Minorités linguistiques) – La discrimination, complément obligé du multiculturalisme et de sa conséquence, le communautarisme. De plus la meute dénonciatrice, haineuse et sanguinaire des réseaux sociaux ne distingue plus dans sa volonté de lynchage qu’un espace public.

« Préférons, n’excluons point. » (Père Joseph Roux)

« Quand on commence à dire qu’il n’y a pas assez de noirs, on doit ensuite dire où il y a trop de blancs. » (Michael Sadoun)

« Nous étions brouillés, c’est une façon d’être ensemble. » (Sartre – parlant d’Albert Camus)

« Toute démocratie véritable repose sur le fait que ce qui est semblable reçoit un traitement semblable, mais encore, conséquence inévitable, que ce qui est non semblable ne jouit point d’un traitement semblable. Dans la démocratie entre donc nécessairement comme ingrédient, pour commencer, l’homogénéité, et ensuite, si besoin est, la mise à l’écart ou l’exclusion de l’hétérogène … la force politique d’une démocratie se manifeste à sa capacité d’écarter ou de tenir éloigné … celui qui menace l’homogénéité. » (Carl Schmitt) –Et la diversité alors !

« L’effet pervers  inévitable, dans le cas du RMI (remplacé par le RSA) comme dans toute politique sociale, est de créer en même temps de nouveaux exclus. Ceux qui ne peuvent bénéficier… » (Dominique Schnapper) – C’est sans fin.

« La pratique américaine du ‘busing’ aurait eu pour effet de renforcer la conscience raciale des enfants, en consacrant et ‘réifiant’ les appartenances, de détruire les communautés locales … Dans les classes, chacun des groupes d’enfants est resté séparé de l’autre … Les enfants des milieux favorisés échappant d’ailleurs à cette obligation par leur inscription dans des établissements scolaire sprivés. » (Dominique Schnapper – reprenant un sociologue américain, Nathan Glazer)

« Plus les gens conçoivent le domaine politique comme l’occasion de partager une personnalité collective, moins ils sont tentés d’utiliser cette prétendue fraternité pour changer les conditions sociales. Le maintien de la communauté devient une fin en soi ; l’exclusion de ceux qui n’appartiennent pas vraiment à la communauté devient l’activité principale de ses membres. La poursuite des intérêts communs est remplacée par la recherche d’une identité commune. » (Richard Sennett) – Avec la chasse aux places et privilèges, c’est toute la gauche.

 « Exclusion, superbe trouvaille du terrorisme intellectuel, ce mot-valise contient tous les amalgames. » (Jean Sévillia)

« L’exclu devient le substitut du ‘prolétaire’ de la tradition communiste … Une promesse de libération entière … Tel est l’anti-exclusionnisme : transpolitique, consensuel, vague, sentimental, engageant à tout (la Révolution) et à rien (le spectacle médiatique. » (Pierre-André Taguieff – cité par Marc Crapez qui ajoute « Une utopie se reconstruit avec pour héros social un immigré sacralisé qui a chassé l’ouvrier dans l’imaginaire prophétique. »

« Le minoritaire n’est pas celui qui répond différemment aux mêmes questions, mais celui qui en pose d’autres. » (François Taillandier)

« L’exclu … c’est un membre d’une collectivité qui s’oppose à elle pour une raison ou pour une autre. Par exemple, il exprime une opinion différente sur un problème important et s’obstine à la défendre. L’exclu moyen ne dispose pas d’une solide position officielle … Il est totalement impuissant devant le pouvoir de la collectivité … Généralement, la société se défait de ses exclus sans aucune sensation, sans bruit, sans même que l’événement soit remarqué par les autres. Mais le trait le plus curieux, c’est ce besoin qu’a la société d’avoir des exclus. Tout en les combattant, elle les engendre nécessairement. Dans quel but ? Celui de les combattre. Ils surgissent telles des victimes rituelles indispensables à la société idéologique … L’exclusion offre un exutoire au mécontentement accumulé, mais ses conséquences sont calculées de manière à décourager les autres mécontents d’entreprendre quoi que ce soit de semblable. L’écrasement de l’exclu constitue ainsi une leçon pour les autres et neutralise le mécontentement. » (Alexandre Zinoviev – sur la situation alors en URSS – Sans illusions) – Mais est parfaitement valable pour l’Occident en général et la France en particulier, où le gang politico-médiatique opère des exclusions féroces et impitoyables (exemple, entre des dizaines : Renaud Camus), dans le but d’écarter toute contestation autre que folklorique et de garder pouvoir et privilèges.

Ci-dessous extraits de l’ouvrge de Martine Xiberras, Les théories de l’exclusion.

 D’après ceux que l’auteur appelle les pères fondateurs du sujet de son étude (Emile Durkheim, Ferdinand Tonnies, Max Weber, Georg Simmel…) on distingue deux formes de solidarité, « La modernité ne permet pas de reconstituer ces deux formes idéales-typiques de la solidarité … avec ses maux principaux de celle-là : l’anomie (désorganisation sociale par absence de règles acceptées) et le suicide pour Durkheim, l’hostilité généralisée pour Simmel, le désenchantement du monde pour Weber et la montée de l’individualisme, diagnostiquée comme la rupture fondamentale du lien social pour ces trois auteurs. La modernité produit donc de l’exclusion par défaut … absence des deux formes de solidarité et rupture du lien social comme du lien symbolique. »

« La solidarité ‘mécanique’. Elle décrit le lien social à l’œuvre dans les sociétés traditionnelles : groupements stables et restreints où les individus sont interchangeables parce qu’ils se ressemblent, du point de vue de leur fonction dans le groupe et de leurs représentations, principe de similitude entre les hommes. Les rapports sociaux sont tactiles et fusionnels … On est assez proche de la ‘gemeinschaft’ (communauté, en simplifiant énormément, ce qui unit malgré tout ce qui sépare) … Dans ce ‘nous’ communautaire, le degré de conscience collective est élevé et soumet facilement les consciences individuelles … Sont exclus de cette forme de solidarité ceux qui présentent une certaine différence face aux normes établies (ex : immigrés ?). »

« La solidarité ‘organique’. Spécifique des sociétés modernes où la division du travail opère une différenciation de plus en plus grande des tâches et des métiers, principe de différenciation, les hommes ne se ressemblent pas mais ont conscience de participer en tant que partie au bon fonctionnement du tout. Les rapports sociaux sont plus distancés, plus froids et plus lointains … On est assez proche de la ‘gesselschaft’ (société, en simplifiant énormément, ce qui sépare malgré tout ce qui unit) … Dans les sociétés modernes la conscience collective occupe une sphère de plus en plus réduite par rapport au commun face à la prégnance de chaque conscience individuelle. La marge d’interprétation devient la règle …  Sont exclus de cette forme de solidarité ceux qui ne participent pas ou n’adhèrent pas activement au modèle établi (ex : marginaux ?). »

« En s’agrégeant, en se pénétrant, en se fusionnant, les âmes individuelles donnent naissance à un être psychique d’un genre nouveau, la ‘conscience collective’, ensemble de sentiments et de croyances communes à la moyenne des membres du collectif – la ‘densité morale’ qui désigne la cohésion autour de valeurs, d’interdits, de représentations (Durkheim). »

« Pour Mary Douglas, on peut appeler groupe latent, une association d’êtres où la conscience collective est sur le point d’émerger (associations, syndicats…) sous forme de consensus avant que la définition de sanctions et de récompenses ainsi que l’imposition ou la coercition de l’ordre social n’apparaisse et n’en fasse un groupe constitué. »

« Dans les sociétés de la postmodernité, d’autres morphologies sociales se sont reformées … Les groupes d’appartenance se définissent moins en termes d’identité, de filiation … mais plutôt en termes d’identification, de goûts, de penchants de sensibilité commune (néo-tribalisme) … mais recevant peu de reconnaissance sociale de la part de la société globale … Reste la nécessité de faire coïncider ensemble, ces différentes représentations collectives, de trouver une cohérence … Les sociétés de la modernité n’ont pas réussi à recomposer un lien social de type organique (appréhension de chaque acteur comme faisant partie d’un tout) … Or les phénomènes d’exclusion semblent bien découler de ces trouées du tissu social résultant de multiples ruptures … L’organisation d’un tout social, sur la base de cet ensemble multiple, nécessite un certain degré de cohérence entre les différentes valeurs représentées … plutôt que l’idée d’une communauté de valeurs posées côte à côte sans vision aucune du tout social (multiculturalisme) … Toutes les tribus de la postmodernité s’inscrivent dans un cadre d’absence de solidarité organique. » – Tout lien, autre que d’opportunité factuelle et provisoire, a été détruit par l’action conjuguée de l’individualisme consommateur, prétentieux et corrupteur, d’intellectuels narcissiques et dévoyés, d’élites mondialisée déracinées et traîtresses, de média assoiffés d’exhibitionnisme, de scandale, de fausses valeurs et d’esbroufe, d’une éducation nationale livrée aux pires idéologues, de la lâcheté de tous les pouvoirs politiques. Il est bien tard pour rattraper une telle chute matérielle et morale et donc pour refonder un quelconque lien social – surtout dans un contexte de remplacement de population et d’abandon de toute identité.

Ci-dessous, extraits remaniés et simplifiés du livre de Vincent de Gaulejac et d’Isabel Taboada Léonetti, La lutte des places  .

«  La crise du monde du travail, une certaine fragilisation des liens sociaux et la déconstruction progressive des systèmes de normes et des identités semblent être les principaux vecteurs de la nouvelle vulnérabilité sociale  … C’est le système de valeurs d’une société qui définit, par défaut, le hors-norme comme étant sans valeur et sans utilité sociale. L’individu est évalué en fonction de son utilité sociale, celle-ci étant mesurée par le revenu qu’il reçoit en échange de son activité, le pouvoir qu’il peut exercer sur d’autres, la quantité de biens qu’il peut acquérir. Les exigences normatives de la société … Violence symbolique des normes qui valorisent les images de réussite fondées sur l’éphémère succès des golden boys, des stars du show-business … le premier facteur de décrochement est d’ordre économique  … Le deuxième type de facteurs est relatif aux liens sociaux (familiaux, réseaux de proximité…) … Le culte de la performance produit ses effets au-delà de l‘entreprise. La logique de l’excellence est à l’œuvre dans le sport, à l’école et traverse également l’univers familial … Chacun est sollicité pour intérioriser un  idéal de perfection mesuré à l’aune des performances des ‘gagnants’ célébrés par les média. Il faut être performant, autonome, responsable … Les situations d’exclusion catégorielles menacent ou mettent en cause ‘l’intégration sociale’ globale, état  auquel sont censées parvenir les sociétés humaines. … Intégration symbolique exprimée par la reconnaissance de leur place et de leur utilité dans le système, par l’adhésion à des normes collectives et à un projet social partagé qui permette de  se projeter dans l’avenir  …   Ces situations, qui concernent aussi bien des populations qui se trouvaient intégrées antérieurement, ceux qui avaient une place sociale et l’ont perdue, que des populations pour lesquelles l’‘entrée dans le monde du travail et dans la société semble bloquée,  sont toujours vues sous l’angle des conséquences encourues par la société dans son ensemble … L’exclusion économique, contrairement à l’exclusion symbolique, favorise la cohésion des exclus et leur sentiment d’appartenance à un groupe par opposition aux acteurs dominants … ‘Les membres des classes populaires ont le sentiment très vif d’appartenir à un groupe, et ce sentiment tire sa force des relations de bon voisinage, de camaraderie et de coopération’ (Richard  Hoggart)  … Il en est de la famille comme de l’emploi : l’adaptation à la conjoncture difficile et l’invention de nouveaux modèles nécessite des ressources que tous n’ont pas. Les ressources familiales ne dépendent pas du revenu, elles sont le résultat d’une accumulation patiente transmise génération après génération (D’où la faute manifestée par les démolisseurs de tradition, qui expriment ainsi leur mépris du peuple) … Déterritorialisation, réduction des liens familiaux et des groupes et communautés (auxquels les individus sont devenus libres d’adhérer, libres d’en créer et d’en inventer) : c’est précisément cette liberté plus grande de l’acteur qui rend possible le processus de désinsertion … De plus, tout le monde n’a pas la chance de pouvoir s’appuyer sur une identité collective forte ou sur une identité individuelle structurée par des valeurs bien intégrées  (identités que les dominants, élites et médias, s’efforcent de détruire, de déconstruire, pour mettre les populations à leur merci)  …   Si l’Etat semble bien souvent impuissant face à l’ampleur du phénomène de désinsertion, c’est moins parce que les  dépenses consacrées à l’aide et à la protection sociale sont insuffisantes que parce qu’il est  dans l’incapacité de créer du lien symbolique entre les personnes assistées et la société globale  (parce qu’il ne sait pas penser hormis ‘fric’). »

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