195,1 – Décision, Choix

– Décision, mot inconnu des politiciens, sauf en ce qui concerne les privilèges qu’ils s’accordent dans la plus grande discrétion. Et, par contamination, généralisation de la lâcheté à l’ensemble de la collectivité.

« C’est moi qui décide. » N’est-ce pas un beau slogan que celui inscrit sur des tee-shirt offerts par le parti socialiste à l’occasion de ses primaires citoyennes ? Même Publicis ne prendrait personne, même pas des consommateurs hystériques ou des gamins stupides, pour aussi asservis.

– Suggestion : Si la décision revêt quelque importance, ne jamais la prendre, au moins de façon irréversible, dès son élaboration dans votre esprit. Laisser passer au moins une nuit, et si possible bien plus, des jours, une semaine même… On juge peut-être alors différemment de son utilité, de son opportunité, de sa pertinence, on juge certainement alors différemment de certaines modalités dictées par la fougue du moment – « ‘Une nuit, une messe’, maxime de sagesse. Elle consiste à laisser passer une nuit, une messe, avant de donner une réponse ou de poser un acte important. Elle est une garde face à la nécessité de prendre une décision qui pourrait être trop rapide. Elle est précieuse pour éviter que des mails importants soient envoyés trop rapidement, sans prise de distance. » (Sœur Marie-Anne Leroux)

– Dans les petites comme dans les grandes circonstances, les femmes prennent des décisions beaucoup plus facilement que les hommes. Peut-être parce qu’au contraire des hommes, si elles ont été souvent tenues dans un statut second, elles s’en sont en quelque sorte vengé en abusant (et en continuant d’abuser sur leur lancée ancestrale) des petites remarques usantes à l’égard de leur fils ou conjoint, rendant ceux-ci (moins prolixes au moins sur les détails), craintifs des remontrances latentes sur quelque broutille.

– « Si tout se vaut, pourquoi se décider. » (?) – Des bienfaits du relativisme.

-L’adepte de la formule en même temps (Emmanuel Macron) l’utilise pour ne rien décider clairement et franchement, et/ou pour se concilier Pierre, Paul et Jacques.  C’est la position de l’hésitant au mieux, de l’hypocrite ou du lâche au pire (les trois sont conciliables)

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« Qui délibère oublie de vouloir. » (Alain)

« Basse estime de soi et décisions : laborieuses et différées, inquiétude sur les  conséquences, prise en compte de l’entourage, renoncement rapide… » (Christophe André, François Lelord) 

« La distinction des actions intentionnelles et de celles qui ne le sont pas, est la possibilité de se demander ‘pourquoi ?’ Si la réponse est possible, alors l’action est intentionnelle et la raison donnée représente la raison d’agir de l’agent. » (Elisabeth Anscombe – citée par Michela Marzano)   

« La décision n’est pas l’ardeur car ce qu’on fait sous l’impulsion de l’ardeur est ce qui semble le moins décidé. » (Aristote)

« De mon père : la mansuétude et l’inébranlable attachement aux décisions mûrement réfléchies. » (Marc Aurèle)

« Dans un monde forclos, perdu d’impasses et d’interdits, l’absence de décision vient à bout de tous les problèmes … De plus en plus la marche des affaires du monde et le fonctionnement des sociétés humaines sont confiés à des systèmes … à des automates électroniques, à des machines, des boîtes vocales, des robots, des microsystèmes autosuffisants, des logiciels de traitement de données qui prennent ‘de facto’ les décisions sans intervention humaine. » (Olivier Bardolle) – Qui est en face ? Personne.

« L’effet pervers (théorisé par Raymond Boudon) désigne les répercussions non intentionnelles d’actions humaines intentionnelles. L’idée est que le résultat déborde toujours l’intention, et qu’il n’y a jamais adéquation parfaite entre les deux choses … Désirable ou indésirable, il est toujours au départ non désiré, et c’est en cela qu’il est dit ‘pervers’ … Il est invisible au moment où le projet prend corps, et il peut d’ailleurs le rester longtemps après la réalisation du projet. » (Yves Barel) – Nul n’aura de mal à trouver dans sa vie et dans ses initiatives personnelles des exemples d’effets pervers – « Résultats d’actions humaines mais non de desseins humains. » (Friedrich von Hayek) – « Résultats inattendus d’une conduite rationnelle. » (Alain Gras) – « Nous ne connaissons jamais les conséquences de nos décisions. » (Jean d’Ormesson)

« Une décision doit être plutôt lente à venir et prompte à s’en aller. » (Anne Barratin)

« Le choix est un impératif ignoble.Toute philosophie qui assigne l’homme à l’exercice de sa volonté ne peut que le plonger dans le désespoir … Rien n’est plus fascinant (pour l’un des aspects de notre conscience) que de ne pas savoir ce qu’on veut, d’être délivré du choix. Mieux vaut s’en remettre à quelque volonté insignifiante que d’être suspendu à sa propre volonté ou à la nécessité de choisir … Non seulement les gens n’ont pas envie qu’on leur dise ce qu’ils veulent, mais ils n’ont même certainement pas envie de le savoir, et il n’est même pas sûr qu’ils aient envie de vouloir … La masse sait qu’elle ne sait rien, et elle n’a pas envie de savoir. La masse sait qu’elle ne peut rien, et elle n’a pas envie de pouvoir … Tous les médiateurs (politiques, intellectuels…) ne serviraient au fond qu’à ceci : gérer par délégation, par procuration, cette affaire fastidieuse du pouvoir et de la volonté, délester les masses de cette transcendance pour leur plus grand plaisir et leur en offrir le spectacle par surcroît. » (Jean Baudrillard)

« Plus on observe, commissionne, enquête, moins on décide. » (Nicolas Baverez) – D’où la prolifération des commissions : donner l’illusion de l’action, tout en casant les copains dans de bons fauteuils. Une fois de plus, tout benef.

« Dans la société industrialisée … l’individu doit apprendre à se considérer lui-même comme un centre décisionnel, un bureau d’organisation de sa propre existence, de ses capacités, orientations, relations amoureuses… la société étant considérée comme une variable … mais qui présuppose  l’existence d’un individu actif et ‘concerné’ qui ait la clairvoyance suffisante pour s’orienter dans cette jungle. » (Ulrich Beck)

« Le labyrinthe est la patrie de celui qui hésite. » (Walter Benjamin)

« A force de savoir le pour et le contre de toutes choses, sans avoir le moyen de discriminer et de trancher, on ne fait plus rien. » (Alain de Benoist)

« L’âne de Buridan, incapable de se décider entre deux bottes de foin équidistantes, est mort de faim. Seules une foi et une obéissance aveugles peuvent nous préserver d‘un pareil destin.  Que l’on se réfugie dans la religion, les sciences sociales ou les sciences de la nature importe relativement peu, l’essentiel étant que, sans une telle obéissance et une telle foi dogmatique, on ne peut avoir ni espoir ni confiance dans l’avenir, ni concevoir une vie radieuse, ‘constructive’, ‘positive’. Il est en effet ironique de constater que les disciples de ceux qui furent les premiers à dénoncer l’idolâtrie des idées figées dans des institutions répressives, Fourier, Feuerbach et Marx, se soient révélés les plus féroces partisans des nouvelles formes de ’réification’ et de ‘déshumanisation’» (Isaiah Berlin – se référant également aux thèses du Grand Inquisiteur de Dostoïevski)

« Reconsidérer : chercher une justification pour une décision déjà prise. » (Ambrose Bierce)

« Indécision : Elément essentiel de la réussite, car étant donné qu’il n’existe qu’une seule façon de ne rien faire et diverses façons  de faire quelque chose, desquelles, à n’en point douter, une seule est la bonne façon, il s’ensuit que celui qui, en proie à l’indécision, demeure immobile, a moins de chances de s’égarer que celui qui va de l’avant. » (Ambrose Bierce – Le dictionnaire du diable)

« La démocratie est bonne – Cette décision est prise démocratiquement – cette décision est bonne. » (Gérald Bronner)

« Il y a toujours plus d’inconvénient à prendre un mauvais parti, qu’à n’en prendre aucun. » (La Bruyère)

« Même lorsque nous pensons, pour les raisons les plus rationnelles, que nous avons pris la bonne décision, cette décision peut s’avérer mauvaise et même catastrophique. Rien ne peut a priori garantir la justesse d’un acte ; pas même la raison. Et, par-dessus tout : c’est de la folie que de prétendre à tout prix ‘être sage tout seul’. »  (Cornelius Castoriadis)

« L’indécis laisse geler sa soupe de l’assiette à sa bouche. »(Miguel de Cervantès)

« L’interminable est la spécialité des indécis. Ils ne peuvent rien trancher… » (Emil Cioran)

« On opte, on tranche aussi longtemps qu’on s’en tient à la surface des choses ; dés qu’on va au fond, on ne peut plus trancher ni opter, on ne peut plus que regretter la surface. » (Emil Cioran)

« Chaque fois qu’on se trouve à un tournant, le mieux est de s’allonger et de laisser passer les heures. Les résolutions prises debout ne valent rien : elles sont dictées soit par l’orgueil, soit par la peur. Couché, on connaît toujours ces deux fléaux, mais atténués… » (Emil Cioran) – Chacun son truc.

« Le bien-tranché n’existe pas sans le bien-fondé. » (Jean-François Colosimo)

« Une mauvaise décision prise à temps vaut mieux qu’une bonne décision prise trop tard. » (Clausewitz)

« Il n’est jamais trop tard pour ne rien faire. » (Confucius)

« Au commencement, il n’y a pas de chemin, il faut marcher. C’est en marchant que se fait le chemin. » (saint Jean de la Croix)

« Je suis dans l’indécision comme d’autres dans les affaires. » (Pierre Daninos)

« Les affaires extérieures, écrit Napoléon à un commis, sont des affaires qui doivent se traiter longuement ; vous devez toujours garder mes lettres trois ou quatre jours sous votre chevet avant de les faire partir … L’esprit de décision ne s’oppose pas à la lenteur de la conception, il la suppose. Plus longue la réflexion, plus prompte l’initiative … Aujourd’hui, la crise est du matin, l’échange téléphonique à midi, et l’arrivée sur place le soir, ce soir on improvise (Talleyrand mit huit jours pour rejoindre Vienne en septembre 1814) … La jet diplomaty est une diplomatie du spectacle, à l’estomac … la mobilité devient alors son propre motif … Se déplaçant pour un rien, il finit par se déplacer pour rien (le politique) … A la diffusion des communications correspond la multiplication des crises mondiales … Ce sont les immobiles, non les agités, qui mettent les hommes en mouvement. Bouddha est resté sept semaines assis sous son figuier … Accélération de la vie, pulvérisation des jours, désintégration de la personne ; l’aliénation n’est plus loin. » (Régis Debray – La puissance et les rêves)

« L’intelligence, nantie de la connaissance, délibère. Mais c’est l’aspiration qui décide. » (Chantal Delsol)

« A présent que les critères extérieurs ont disparu, le consentement unanime devient le fondement unique pour légitimer la valeur d’une décision. Il ne légitime pas le bien, il le décrète. » (Chantal Delsol) – C’est le type de société vers lequel nous tendons, de gré ou plutôt de force.

« Quand nous ne savons pas sur quoi s’appuie une décision, nous disons qu’elle est ‘arbitraire’. » (Vincent Descombes)

« L’indécision provient souvent de trop d’honnêteté. » (Louis Dumur)

« L’indécision rend le hasard décisif. » (Louis Dumur)

« Garde-toi de toi-même, tu auras fait bonne garde. »(Maître Eckhart) – Ne nous emballons pas, défions-nous de nos impulsions, maîtrisons-nous, adhérons au réel, à l’actuel, acceptons qu’ils nous résistent, observons-les avec la tête, le cœur aussi,  pas avec les tripes.

« L’itinéraire que doit parcourir l’individu dans les sociétés hautement diversifiées comporte un nombre extraordinaire d’embranchements, même s’il n’est pas égal pour les représentants des différentes catégories sociales ; cet itinéraire passe par un grand nombre de fourches et de croisements … Les sociétés plus primitives offrant moins de solutions … font courir moins de risques de se retrouver ‘raté’ lorsqu’on considère rétrospectivement les choses. » (Norbert Elias) – La modernité, fabrique d’angoisse d’abord, de regrets ensuite.

« ‘Sachant que notre propre jugement individuel est sans valeur, nous nous efforçons de nous en remettre au jugement du reste du monde … Nous essayons donc de nous conformer au comportement de la majorité ou de la moyenne’ … Celui qui gagne est celui qui devine le mieux ‘ce que la foule va faire’. » (Guillaume Erner – citant Keynes et son exemple du concours de beauté où l’on vote pour celui qui paraît le plus à même d’obtenir la majorité des suffrages … Situation de spéculateurs entre autres)

« Il restait en arrière ces misérables embarras et cela me fait plaisir de les jeter par la fenêtre. » (Charles de Foucauld – sur sa décision radicale)

« Il est bon de suivre sa pente pourvu que ce soit en montant. » (André Gide – Les faux monnayeurs)

« Le modèle du choix rationnel (qui obsède nos sociétés) ne tient pas compte de l’imprévisibilité des affaires humaines ; d’où la futilité de toute tentative pour réduire l’action humaine à un motif unique, fût-ce l’intérêt ! Du fait que le décideur n’est presque jamais parfaitement informé des conséquences de ses choix, que le moyen et la fin s’influencent  dans une boucle sans fin, de la façon dont les actions réagissent sur leurs auteurs, du moteur émotionnel de l’action … La théorie du choix rationnel est l’utopie névrotique du contrôle total, la négation de l’expérience de l’abandon, de l’expérience fondatrice de la confiance … ‘L’homo oeconomicus n’est pas influencé par des stimuli uniquement monétaires (ou d’intérêt) …  Sa rationalité n’est pas différente de celle d’un rat ou d’un pigeon’ » (Jacques Godbout – citant Richard Posner) – Quid du don d’organes par exemple ?

« ‘De toute façon, il n’y a rien à faire’ : ainsi se résume le sentiment général des individus à l’intérieur du Système Organisé… Rien ne peut s’accomplir hors du réseau habituel des procédures technologiques et organisationnelles. Mais celles-ci, ainsi que les motifs et les personnalités qui s’y rattachent, découragent toute initiative nouvelle et interdisent tout changement fondamental … sentiment d’impuissance … plus les hommes sont impuissants, plus ils placent leur foi dans les princes ; et plus ils placent leur foi dans les princes, plus ils sont impuissants … Ravalé au statut passif de spectateur ou de téléspectateur, l’homme moderne oublie sa petitesse, et se trouve réduit à reporter sur des chefs charismatiques et sur les symboles du pouvoir central l’image inversée de sa propre insignifiance … Dans la logique de la centralisation l’impuissance se répand du bas de l’échelle jusqu’en haut … Le pouvoir des hommes politiques est aussi relatif et illusoire (il leur reste le prestige et les privilèges exorbitants). » (Paul Goodman – interprété par Bernard Vincent)

« L’irrésolution est pire que la mauvaise exécution. Les eaux ne se corrompent pas tant quand elles courent que lorsqu’elles croupissent … C’est une marque de grand esprit de savoir se déterminer. » (Baltasar Gracian)

« S’aviser, et se raviser. Soit pour octroyer, ou pour mieux délibérer, il est toujours bon de prendre du temps. » (Baltasar Gracian)

« Il faut bien décider même si ‘Antigone a raison et Créon n’a pas tort’. » (Henri Guaino – s’exprimant en politique)

« Ne décide qu’enthousiasmé. Echoue avec tranquillité. » (Peter Handke – cité par Gérard Depardieu)

« La plupart des hommes sont faibles et ont besoin qu’on décide pour eux. » (Helvétius)

« Elle agit comme la plupart des gens qui se trouvent dans des situations analogues (en proie à deux sentiments contraires) : elle pesa si longtemps le pour et le contre que ses résolutions s’usèrent, pour ainsi dire, et que, toutes ensemble, elles lui apparurent à nouveau avec leurs doutes et leurs alternatives comme au premier moment … Et, lorsqu’il fut temps d’agir … elle s’en remit entièrement aux circonstances du moment. » (Hermann Hesse)

« Une destinée est un carrefour ; le choix des directions est redoutable. » (Victor Hugo)

« L’on perd bientôt sa route à chercher trop de voies. » (Christaan Huygens)

« ’Surcharge émotionnelle’ : disposer de trop nombreuses options incite à faire des comparaisons, ce qui diminue la capacité à prendre des décisions rapides fondées sur l’intuition. » (Eva  Illouz)

« Les processus verbaux peuvent perturber les décisions qui font appel à notre intuition, à notre perspicacité, à notre faculté d’émettre des jugements instantanés … On parle ‘d’obscurcissement verbal’ …  Les mots perturbent les jugements instantanés, l’excès d’informations a plutôt tendance à diminuer qu’à augmenter notre capacité à décider rapidement, capacité qui définit l’attirance sentimentale … Les processus de reconnaissance visuelle et corporelle est perturbé par la prépondérance du langage, par l’accumulation de connaissances intellectuelles ; l’imagination est obscurcie par les mots » (Eva Illouz – sur les rencontres via Internet)

« Couper tous les ponts est un geste irrévocable ; ne plus pouvoir retraverser en est la conséquence irréversible … le geste par lequel on glisse une lettre dans la boîte est infiniment facile et ne dure qu’un instant … Le ‘point de non-retour’ qui amorce souvent un interminable repentir. A jamais l’épée de feu des chérubins barre au fautif le jardin de délices. » (Vladimir Jankélévitch)

« Il vaut mieux remuer une question sans la décider que la décider sans la remuer. » (Joseph Joubert)

« La multitude des idées empêche les bons sentiments, elle fait trop délibérer. » (Joseph Joubert) 

« Que va-t-il en résulter ? Telle est la question que doit avoir toujours présente à l’esprit celui qui prend une décision politique. » (Bertrand de Jouvenel) – Restons lucides et traduisons en préoccupations actuelles : Que va-t-il en résulter pour ma popularité ?

L’expansion des pathologies mentales. « L’anxiété, réaction naturelle de l’âme face à l’abîme béant de la liberté (l’image de l’homme au bord de la falaise, état de l’homme confronté à la possibilité de la liberté). » (Kierkegaard)  – « Perturbation psychique dans la recherche de compromis entre des possibilités d’action alternatives … Réponse disproportionnée, inadaptée, associée à l’embarras du choix et à l’anticipation d’une mauvaise décision. » (Karen Horney) – « Sentiment moderne, la peur généralisée et souvent désespérée de la liberté que la modernité ouvre à chaque individu, et le désir d’échapper à la liberté par tous les moyens possibles. » (Marshall Bermann) – « La modernité a tardé à voir que l’épuisement de la capacité de la consommation à produire du bien-être pouvait être l’indice qu’ils est des besoins … de protection qui appellent un souci et un soin sans lesquels la liberté se retourne contre l’individu … Croyant toujours marcher dans la direction d’une émancipation, la modernité pourrait avoir tendu la corde à l’excès et conduite … à outrepasser les limites de l’adaptabilité individuelle. … L’une des sources des pathologies mentale des modernes est l’affaiblissement des protections émotionnelles que fournissaient la famille et la communauté locale. » (Hugues Lagrange) – « Si l’on dit aux enfants qu’ils ont les mêmes chances de réussite pourvu qu’ils se donnent du mal et que les maladies frappent au hasard, on construit des frustrations et du ressentiment. On favorise des pathologies mentales en donnant aux individus l’idée qu’étant foncièrement égaux, ils sont coupables de leur relatif insuccès …  Alors que à, l’encontre du sens commun, à l’âge adulte les différences d’aptitudes cognitives imputables au milieu social sont très faible en regard des héritages génétiques.  » (Hugues Lagrange) .- Ce qui est par ailleurs plutôt triste.  

«  Il n’existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne car il n’existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans préparation. Nous ne pourrons jamais vérifier quelle était la bonne décision et quelle était la mauvaise décision, parce que dans une situation, nous ne pouvons décider qu’une seule fois. Il ne nous est pas donné une deuxième, une troisième, une quatrième  vie pour que nous puissions comparer différentes décisions. … C’est ce qui fait que la vie ressemble toujours à une ‘esquisse’ … encore que celle-ci est toujours l’ébauche de quelque chose, la préparation d’un tableau, tandis que l’esquisse de notre vie est une ébauche de rien, une esquisse sans tableau … ‘Sa rencontre avec Téréza avait été le résultat de six improbables hasards’. » (Milan Kundera – L’insoutenable légèreté de l’être) – Qui de nous ne peut voir l’accumulation de hasards qui l’ont mené là où il est, qui il est, avec qui il est…

« L’ignorant naturel, comme l’enfant, se détermine beaucoup plus vite, beaucoup plus facilement, vivement et résolument que l’homme instruit et sage. » (Giacomo Leopardi)

« Interrogez beaucoup de gens sur le parti que vous avez à prendre : ne confiez qu’à très peu d’amis le parti que vous avez pris. » (Machiavel)

« Ce qui distingue l’action humaine d’un simple mouvement naturel, c’est la présence de motifs, de préférences, de dispositions, d’intentions, de raisons ; en bref, de tout ce qui peut pousser un individu à faire un choix, à prendre une décision, à accomplir quelque chose … Toute activité humaine poursuit des buts, adopte des règles, cherche à promouvoir des valeurs. Les buts définissent en général l’objet d’une activité, les règles en déterminent la forme, les valeurs permettent de la justifier et de l’évaluer d’un point de vue éthique. » (Michela Marzano)  

« Les raisons d’agir. Les raisons explicatives permettent uniquement de rendre une action intelligible … Elles donnent une idée des motivations, mais ne justifient pas pour autant la conduite d’un individu … même en cas de consentement (d’une autre partie) …  Les raisons justificatives permettent de la justifier et de comprendre ainsi si l’action accomplie est ‘légitime’ d’un point de vue éthique. » (Michela Marzano)

« Si l’on ne sait pas prendre son parti, on manque l’occasion. » (chevalier de Méré)

« Il y avait toujours assez de bonnes raisons chez l’adversaire, de sottise et de bassesse chez l’allié, pour risquer d’ébranler notre choix. » (Emmanuel Mounier – se prononçant pour le Front Populaire, puis pour la Résistance) – Honnêteté dans la difficulté évidente de tout choix, surtout politique. Honnêteté qui n’a plus cours de nos jours, où tout doit apparaître comme  blanc ou noir, manichéisme.

« Nos actions ne sont généralement pas typiques et elles sont loin d’être comme des résumés de la personne … Actes de circonstances, réactions épidermiques, réponses automatiques à quelque stimulation avant même que la profondeur de notre être ait été sollicitée. Une colère, une empoigne, un coup de couteau : en quoi cela exprime-t-il une personne ? » (Nietzsche)    

« Ces décisions subites que les femmes ont coutume de jeter dans le pour et dans le contre, ces éclats fulgurants de sympathie et d’aversion illuminant soudain leurs rapports personnels… » (Nietzsche) – De fait, les femmes pèsent beaucoup moins, et décident, se décident, beaucoup plus vite, plus intuitivement … plus injustement parfois.

« Nous ne connaissons jamais les conséquences de nos décisions. » (Jean d’Ormesson)

« L’erreur est de croire que l’on peut faire une action, prendre une attitude une bonne fois et puis c’est fini (‘économisons, puis après nous nous amuseron ..  pli de l’avarice, de l’activité, et on ne s’amusera plus’…) … Ce que l’on fait, on le fera encore … Ce sont des rails que nos décisions nous mettent sous les roues … Une décision, un acte, sont d’infaillibles présages de ce que nous ferons une autre fois … parce qu’issus d’un automatisme qui se reproduira. » (Cesare Pavese)

« Le choix est fondé, explicable,  après examen rationnel … la décision, elle,  exige un saut au-delà des arguments rationnels … C’est quand nous ne savons pas, c’est lorsque le savoir ne suffit pas que nous devons décider … La décision est toujours audacieuse : elle implique la possibilité de l’échec. » (Charles Pépin)

« Une erreur de jugement bien connue des chercheurs qui travaillent sur la prise de décision est ce biais qui consiste à nous faire préférer une récompense immédiate plutôt qu’une récompense différée, et ce même si cette dernière est plus avantageuse. Un autre biais cognitif consiste à demeurer hermétique aux conséquences négatives de nos choix. Ce biais qui nous fait accorder une valeur positive aux options choisies s’étant avérées désavantageuses et des attributs négatifs inexistants aux options que nous n’avons pas retenues, s’appelle le ‘biais de soutien de choix.’ » (Lydia Pouga)

Le célèbre dilemme du prisonnier : «Deux prisonniers sont placés devant un choix : s’ils se dénoncent tous les deux, ils seront condamnés à 5 ans de prison. Si aucun ne dénonce l’autre, ils seront condamnés à 2 ans. Mais si l’un des deux seulement dénonce l’autre, celui qui dénonce sera libéré alors que l’autre sera condamné à 10 ans. Cette situation conduit les deux prisonniers à dénoncer et à être condamnés à 5 ans, alors qu’ils auraient pu s’en tirer avec une peine de 2 ans seulement ; ce, en choisissant tous les deux de ne pas dénoncer, à condition de faire suffisamment confiance à l’autre pour estimer qu’il fera le même choix. » – Théorie des jeux et validité de la coopération.

« Il n’y a aucun problème, aussi complexe soit-il, qu’une absence de décision ne peut résoudre. » (Henri Queuille, politicien réputé) – Inspirateur de ses successeurs.

« Cette fixation apparente sur la décision d’un instant de la vie permet à l’homme de progresser, de s’assumer pas à pas, alors que l’annulation continuelle de ses décisions le rejette sans cesse vers le commencement et le condamne à un mouvement de perpétuel retour, où il s’enferme dans la fiction d’une éternelle jeunesse et se refuse ainsi à la totalité de son être d’homme. » (cardinal Joseph Ratzinger – sur la foi)

« On ne sait jamais ce que l’on fonde. » (Ernest Renan)

« Toute sa vie il fut assis sur un strapontin. » (Jules Renard) – Indécision.

 « Se libérer des entraves, c’est très bien, mais que faire de cette liberté ? … On est hanté par l’angoisse de rater sa vie, de ne pas faire ce qu’il faudrait, de laisser passer des opportunités. Toute résolution suppose de renoncer à d’innombrables possibilités, d’où la crainte permanente de faire le mauvais choix.. Comment apaiser cette anxiété ? En regardant et en imitant ce que font les autres. Le conformisme calme la peur de se tromper. » (Olivier Rey)

« Depuis longtemps nous savions que ce sont les hommes qui décident et non pas les faits. » ( Ernst von Salomon – Les réprouvés)

« On invite les gens à exprimer leurs opinions : conscients de leurs droits et de leurs responsabilités, ils interviennent dans des sondages, des enquêtes d’attitude ou même dans des enquêtes publiques. Mais, bien entendu, ils n’interviennent pas sur la décision : comme le dit justement Arnstein, ils ont ‘participé à la participation’ … Les exclus se sentent moins exclus et les décideurs mieux compris. » (Jean-Jacques Salomon) – Et maintenant, ils brament dans des pétitions internet, la confusion ne cesse de progresser.

« Dans certains cas, augmenter la liberté de choix d’un individu peut le mettre dans l’embarras et la confusion, lui rendre la vie plus pénible … Les tergiversations aussi peuvent tuer, comme l’illustre la triste histoire de l’âne de Buridan, mort de faim parce qu’incapable de choisir entre deux tas de foin … Une autorité susceptible de lui donner un ordre aurait pu lui sauver la vie … l’importance de l’aptitude à s’autocommander … Devoir prendre plus de décisions peut être une source d’inconfort et de tracas … perte de l’option consistant à mener une vie paisible et sans soucis (prolifération de choix mineurs obligatoires) … La multiplication des choix à faire n’est pas nécessairement interprétable comme un élargissement de notre liberté … l’expansion d’un certain type de choix (à la fois possibilités d’agir et corvée) peut réduire notre aptitude à choisir les types  de vie qui nous plaisent. » (Amartya Sen)

« Il y a des choses qu’on ne peut faire qu’en situation … C’est dans l’arène que le gladiateur prend sa décision … Quant au moment qui convient et à la façon de faire, aucun conseil à distance n’est possible. Il faut être dans la situation même pour prendre une décision. Il ne suffit pas d’être présent, il faut encore être vigilant pour saisir le moment propice. » (Sénèque)

« Le oui ou le non qui nous incombe quand nous sommes en face de décisions graves ou banales, obéissance à nos propres penchants ou intérêts, prise de parti, foi en des hommes ou des doctrines, devient d’innombrables fois un oui et non, ou bien une alternance des deux ressemblant fort à une concomitance, car derrière chaque décision respective se profile l’autre, en tant que possibilité ou que tentation. La langue courante dit que l’être est ‘en coquetterie avec…’ Tous les attraits liés à la concomitance du pour et du contre, au ‘peut-être’, à la rétention prolongée d’une décision, permettant de jouir à l’avance de ses deux aspects qui s’excluent l’un l’autre dans la réalisation … Se rapprocher et s’éloigner, saisir pour laisser retomber, laisser tomber pour ressaisir, retenir et relâcher, relâcher et retenir, pas en avant et pas en arrière … Dans les oscillations de cette dualité se dessine la relation de l’avoir et du non-avoir. » (Georg Simmel – s’inspirant des jeux de coquetterie entre sexes)

« Les prochains intervalles temporels longs seront pour l’humanité des périodes de décision sur la politique de l’espèce. » (Peter Sloderdijk) – Peut-être pas si longs, et qui va décider ? « Les techniques de manipulation de la vie et de reproduction sont instrumentalisées aujourd’hui au nom de la sacro-sainte santé et d’une vie forcément meilleure. » (Yves Michaud) – Il ne s’agit que d’un masque rassurant.

« Parallèlement à ce qui s’est vraiment produit, nous ne pouvons éviter de nous représenter plusieurs scénarios possibles qui continuent de se dévider, et racontent ce qui aurait pu arriver si tel ou tel événement avait été modifié. » (Monique Canto-Sperber)

« L’irrésolution tient à la faiblesse du jugement, mais on ne manque jamais d’en faire honneur à la prudence. » (baron de Stassart)

« Une résolution prise à la hâte est suivie de repentir. » (Publius Syrus)

« Suivre sa pente au lieu de chercher son chemin. » (Talleyrand)

« Comment savoir où l’on doit aller quand on ne sait plus d’où l’on vient ? » (Gustave Thibon)

« La société allait imposer de plus en plus la mobilité et exiger de la flexibilité, du précaire et de ‘l’hyperchoix’, c’est-à-dire l’obligation d’avoir continuellement à décider et anticiper sa trajectoire. La fatigue qui devait en résulter conduit inexorablement à la dépression qui nous habite aujourd’hui (tristesse, hyperactivité expulsant l’intériorité. » (Alvin Toffler – Le choc du futur – cité par Jean-Michel Besnier)

« Chaque problème peut recevoir deux solutions : la solution longue, lente et lâche, et la solution de l’épée, foudroyante et instantanée. » (Michel Tournier – Le roi des Aulnes – à propos du nœud gordien tranché par Alexandre)

« Chacune de nos décisions a une structure pascale (sens de passage). Chacune de nos décisions est une mort. » (Père François Varillon) – Elle inaugure un renouveau.

« La perspective d’un individu sur le choix délibératif qui concerne sa vie se définit originellement à partir d’ici (avant) … la perspective d’une meilleure évaluation en connaissance de cause se fait nécessairement à partir de là-bas (après). » (Bernard Williams)

« ‘Aucune résurrection ne peut se faire sans la croix. » (adage de formulation chrétienne cité par Michel Maffesoli – dans le cadre du sentiment tragique de la vie, de la souffrance et de la douleur éducatrices, des ruines porteuses de renouveau…) – L’adage populaire : Rien pour rien.

« Nul n’est tenu aux engagements pris avec lui-même. » (maxime de droit) – Les décisions qui ne concernent que moi-même sont révocables à l’infini.

 « Délibère lentement et exécute rapidement. » (proverbe)    

« Malheur à qui a les yeux fixés sur deux chemins. » (proverbe)

« Celui qui hésite n’atteindra jamais Jérusalem. » (proverbe)

« Si tu ne sais pas où tu vas alors retourne d’où tu viens. » (proverbe)

« Ne lance pas une flèche que tu ne puisse retrouver. » (proverbe)

« La flèche tirée ne revient jamais. » (proverbe)

« Hésiter, c’est déjà prendre une décision. » (?)

« Auparavant j’étais indécis, mais maintenant je n’en suis plus très sûr. » (?)

« Même la bonne décision est la mauvaise décision quand elle vient trop tard. » (?)

Les théories du choix suivantes peuvent être mises en rapport avec les extraits du livre de Romy Sauvayre, Croire à l’incroyable à la rubrique Croyance, Foi, 175,1   

 « Théorie du choix rationnel (TCR) : l’individu choisit les moyens qui conviennent le mieux à ses fins. L’action rationnelle est sa propre explication, elle est autosuffisante. Elle ne débouche sur aucune question complémentaire. Le piéton regarde de droite à gauche pour ne pas se faire écraser.

Théorie de la rationalité limitée (TRL) : l’individu choisit les moyens qui conviennent le mieux à ses fins au vu de l’information limitée et des capacités limitées de traitement dont il dispose.

Théorie de la rationalité ordinaire (TRO) : L’individu souscrit à une croyance ou décide d’une action sur la base de raisons. » – Quelle que soit par ailleurs aujourd’hui la pertinence scientifique de celles-ci. (Raymond Boudon)

Plus généralement, et suivant le même auteur, il est raisonnable d’admettre que les acteurs ont de bonnes raisons de faire ce qu’ils font ou du moins qu’ils ont de bonnes raisons de croire que c’est le cas.

Ci-dessous, extraits simplifiés, remaniés, d’un excellent (et drôle) livre de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens ; concernant nos décisions.

Note : Que les auteurs soient Jean-Léon Beauvois seul ou  associé à Robert-Vincent Joule : Les influences sournoises (rubrique 435, 2 Désinformation) – Deux ou trois choses que je sais de la liberté rubrique 475, 1 Liberté) – Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (rubrique 195,1 Décision)  – La soumission librement consentie (rubrique 005,2  Engagement) – Soumission et idéologies, psychosociologie de la rationalisation (rubrique 140, 1 Comportement), les sujets abordés sont très proches et souvent se recoupent ; il s’agit de, succinctement formulé,   comment et pourquoi nous agissons, sous quelles influences. Il faudra donc naviguer si on veut disposer d’une vue à peu près complète (du moins selon ce que j’ai compris et retenu).

« Il est très difficile d’éviter les pièges liés à notre engagement personnel dans une décision … L ‘évaluation d’un choix ne devrait jamais être laissé à ceux qui l’ont effectué . » (Joule et Beauvois) – « Nous nous informons toujours auprès des mêmes sources, celles qui correspondent à nos valeurs personnelles … au risque de tomber dans la ‘clôture informationnelle’ … Nous nous montrons sensibles aux seuls signaux que filtre notre clôture informationnelle. » (Daniel Bougnoux)

« L’efficacité des stratégies de manipulation repose pour l’essentiel sur le processus d’engagement … L’individu ‘est engagé’ dans un acte … ce qui n’a rien à voir avec la façon dont l’individu ‘s’engage’ dans une cause … Processus qui fait qu’un acte nous colle à la peau, nous clouant ainsi dans un cours d’action et qui fait que cet acte en produira d’autres souvent plus coûteux que l’acte initial, de même qu’il produira, assez fréquemment, des idées et attitudes qui vont avec et qui appuient cet acte (par le processus de ‘rationalisation’, par lequel une personne ajuste a posteriori ce qu’elle pense, ses attitudes, ou ce qu’elle désire, ses motivations, à l’acte qu’on est parvenu à obtenir d’elle) … Le caractère public, le caractère explicite, l’irrévocabilité et la répétition concourent à la visibilité sociale de l’acte et à produire de l’engagement, et il est d’autant plus engageant qu’il est important par ses conséquences  et son coût. »

« Effet de gel : Après avoir pris une décision, les gens ont tendance à la maintenir, ou à la reproduire, même lorsqu’elle n’a pas les effets attendus … Piège dont on ne peut sortir qu’en prenant une nouvelle décision … On appelle ‘escalade d’engagement’ cette tendance que manifestent les gens à ‘s’accrocher’ à une décision initiale même lorsqu’elle n’a pas les effets attendus ou devient trop coûteuse … ‘Persévération’, tout se passe comme si le sujet préférait ‘s’enfoncer’ plutôt que de reconnaître une erreur initiale d’analyse, de jugement ou d’appréciation … Cet engagement de l’individu dans sa décision initiale, implique qu’il éprouve  le sentiment de liberté (forte menace ou forte récompense constituent des facteurs de désengagement) … ‘L’amorçage’, technique ponctuelle n’implique jamais que l’enchaînement de deux décisions (supposant une information incomplète à la première, ou même l’appât au moyen d’un leurre), diffère des ‘escalades d’engagement’ qui se déroulent parfois sur de très longues périodes … Déclenchement d’effet ‘boule de neige’ (‘mise du doigt dans l’engrenage’). » – Escalade des Etats-Unis au Vietnam.

« Obtenir avant toute chose une première décision, qui ne présente d’intérêt pour le manipulateur que d’en préparer d’autres qu’il attend et sur lesquelles il compte … ‘Comportement préparatoire’ avant ‘comportement attendu’ … »

« Le ‘pied-dans-la porte’ … Demander peu avant de demander beaucoup … Faire précéder une requête finale coûteuse d’une requête initiale peu coûteuse, mais mettant en jeu un comportement permettant une même identification (de générosité, d’altruisme, de service…) … Utilisation de l’effet de persévération … Technique très utilisée pour déclencher de futurs militants … Soigner le coût du comportement préparatoire (ni trop ni trop peu) … Le délai entre les deux demandes peut atteindre des jours, mais le lien doit être perceptible. »

« La ‘porte-au-nez’ … le comportement préparatoire ne passe plus par la satisfaction d’une petite requête mais par le rejet d’une grande, qui doit être jugée très coûteuse (le rejet doit être quasi certain) … Les deux requêtes  s’inscrivant dans un même projet, relevant d’une même identification … Peu ou même pas de délai entre les deux demandes (dans l’idéal quasi simultanéité, une journée maximum) … Phénomène de ‘concessions réciproques’ … Coût de la seconde requête apparaissant dérisoire par rapport à la première. »

Quelques techniques secondaires, d’accompagnement : « Efficacité de la technique du toucher (du bras, de l’épaule, léger, sans surtout regarder, fixer, comme par inadvertance) pour obtenir d’une personne qu’elle fasse ce qu’on lui demande … Contexte d’intimité. » – « Technique de la crainte-puis-soulagement … Voir interrogatoires policiers (le méchant et le gentil). » – « Technique de l’étiquetage … avec des traits favorables à l’estime de soi … Si possible en prise avec l’acte attendu … Secondaire en manipulation pure, mais essentiel dans le processus de transmission des valeurs comportementales … ‘capable, motivé, adroit, audacieux, généreux, sensible, gentil comme vous l’êtes…’. » – « Technique du ‘mais-vous-êtes-libre-de’, ‘c’est à vous de voir’, ‘vous faites comme vous voulez’ … Le sentiment de liberté  doit accompagner, implicitement au moins, toute manipulation. » – « Technique du ‘un-peu-c’est-mieux-que-rien … pour faire ouvrir le porte-monnaie … Légitimer les contributions les plus modestes, afin de rendre irrecevables les excuses courantes (j’ai déjà donné à…). » – « L’amorçage débutant par une petite et innocente question à laquelle on ne peut répondre que ‘oui’ : ‘Tu voudrais bien faire quelque chose pour moi’ … ‘me rendre un petit service’ … Difficile d’en sortir sauf en répondant à la question initiale ‘Cela dépend de … du service…’» – « Technique dite du ‘low-ball’, soit du délai dans l’énoncé de la vérité (retarder la précision désagréable après le début d’engagement). »

« Nous trouvons en nous-mêmes de bonnes raisons d’agir comme nous l’avons fait … Nos choix effectués, nous les rationalisons en modifiant après coup nos pensées afin qu’elles s’accordent avec les décisions qui ont été les nôtres sur des bases qui nous ont échappé. Une personne qui commet un acte en désaccord avec ce qu’elle pense modifie a posteriori ses opinions afin qu’elles s’accordent mieux avec ce qu’elle a fait, surtout si elle se sent libre d’avoir agi ainsi. »

« Pour éviter de tomber dans les ‘escalades d’engagement’, éviter les conséquences des étiquetages ou les désillusions d’un ‘mais-vous-êtes-libre-de’, il convient d’apprendre à revenir sur une décision (difficile, les normes et idéologies ambiantes nous incitant plutôt à être consistants, fiables, constants…), à considérer deux décisions successives comme indépendantes, à bien analyser les pressions dont on a été l’objet, les normes de comportement auxquelles on s’est peut-être conformé, les injonctions implicites ou explicites des supérieurs, formateurs, parents, voisins, amis … Un individu ne peut être efficacement manipulé que s’il éprouve un sentiment de liberté (sentiment des plus questionnable), alors qu’il ne s’agit que de ‘soumission librement consentie’ … Il est déroutant de constater que l’individu, bien sous tout rapport, celui qui adhère à la plupart des normes de jugement tout en croyant d’ailleurs s’en départir, celui qui se sent libre, celui qui veut être consistant, celui qui trouve en lui-même les raisons de ce qu’il fait et de ce qui lui arrive, de constater donc que cet individu-là est incontestablement le plus manipulable. Que ce soit, aussi, cet individu-là qui ait le plus de chance de réussir ans la vie professionnelle et sociale dans nos sociétés démocratiques a de quoi faire réfléchir. » – La réussite sourit aux disciples de la soumission librement consentie.

Ci-dessous extraits simplifiés du livre de Vance Packard, La persuasion clandestine, sur l’Amérique des années 1950.

« Le vieillissement psychologique des produits … Les ‘marchands de mécontentement’ (dégoût pour tout ce qui est vieux et démodé) … La science nouvelle, l’analyse ou recherche des mobiles, désignée par les initiales R. M., ‘qui conduit dans une jungle étrange ; celle du subconscient’ (Wall Street Journal) … L’utilisation des images subliminales … Donner la permission d’avoir du plaisir sans le sentiment de culpabilité … ‘Chaque fois que vous vendez un produit de luxe, il faut apaiser le sentiment de culpabilité de l’acheteur, il faut en même temps lui donner l’absolution’ ( à l’époque, Ernest Dichter, pape de la publicité et de la R. M.) … Pour répondre à huit besoins cachés, vendre : – La sécurité émotive (le réfrigérateur stockant les provisions…) – L’assurance que l’on est méritant (de beaux bagages neufs…) – Le contentement de soi (les livres publiés à frais d’auteur…) – Des exutoires pour l’instinct créateur (jardinage, pâtisserie, outils…) – Des objets d’affection (mise en scène d’enfants, d’animaux…) – Le sentiment de puissance (automobiles, ce joint au sentiment de sécurité, bateaux de plaisance…) – Le sentiment d’avoir des racines (vins, le bon vieux temps, nourriture de grand-maman…) – L’immortalité (assurance-vie, protection de la famille en cas d’éventualité désagréable, continuation de la direction…) … La voiture décapotable attirant comme appât (aventures, maîtresses…) pour faire acheter des conduites intérieures présentées plus en retrait … Aliments légers (voir aujourd’hui le Bio) … L’opposition du ‘désir’ et de la ‘résistance’, générateur d’un état de tension difficile à supporter facilitant l’achat par soulagement … Vente de symboles aux ambitieux, aux arrivistes. Offrir la grosseur. Souligner le prix. Faire intervenir des célébrités. Mais, dans cet appel au snobisme,  ne pas exagérer par trop de décalage de l’acheteur vers le haut. »

Ci- dessous extraits  d’un livre d’Elodie Mielczareck, Déjouez les manipulateurs, l’art du mensonge au quotidien.

« Les mots et les gestes sont les indices manifestes d’une pensée latente … La simplicité du vocabulaire et son caractère redondant sont des marqueurs de la manipulation – Diminuer sa responsabilité : usage et  abus des tournures impersonnelles, pronoms personnels au placard (Yaka, Fokon…)  – Montrer sa grandeur d’âme : valeurs abstraites et mots-fourre-tout (liberté, égalité, démocratie, solidarité…) – Noyer le poisson : diarrhée verbale, abus d’adverbes (franchement, honnêtement, réellement, forcément…) – Faire croire à son implication : pronoms personnels (je veux, je réaliserai, moi je, moi président…),assortis d’un futur sans date, associer l’interlocuteur par un ‘nous’ – Faire diversion : détourner subtilement le sujet (parlant d’écologie, évoquer la météo, d’économie, évoquer la politique…), en dernier recours, attaque ‘ad hominem’ (démonter la cible) – Echapper à ses contradicteurs : Concéder en début de phrase et annuler par un ‘Mais… dans la même phrase, poser une question directe dont on connaît seul la réponse (faire passer l’autre pour un idiot) – Faire voir la vie en rose : euphémiser, paroles douces et rassurantes en évitant les termes qui fâchent (‘gestion rigoureuse‘ est préférable au mot austérité…) – Légitimer sa prise de position : miser sur le sentimentalisme, émotion, pathos, appel à la pitié, appel à la peur ; généraliser (tous, aucun, personne, toujours, jamais…) – Conquérir les cœurs : user de la flatterie, de la louange, solliciter la collaboration – Paraître compétent : user du jargon, des proverbes, saturer l’espace cognitif de l’interlocuteur (personne n’ose dire, répétez, je n’ai pas compris…) – Rendre le discours impactant : user des superlatifs, des métaphores (souvent guerrière et sportive, déplaçant le propos dans un autre paradigme), grâce à elle tout s’éclaire. » (Elodie Mielczareck – Déjouez les manipulateurs)

Ci-dessous extraits très simplifiés et condensés de l’ouvrage de Christian Morel, Les décisions absurdes, sociologie des erreurs radicales et persistantes. L’ouvrage est tellement riche en exemples (accidents d’avions, collisions de navires, explosion de la navette Challenger en janvier 1986, usage répandu et persistants de transparents illisibles, enquêtes d’opinion sans valeur, sas d’accès monté à l’envers, promenade décidée contre le désir profond de chacun…), en explications et considérations conséquentes que j’ai limité mes remarques à quelques points.

 « Le doigt montrait la lune, le sot regardait le doigt. » (Confucius) – Intéressez-vous, concentrez-vous, répondez au fond  de la question, du problème, prenez de la hauteur de vue. Ce sont les médiocres qui s’accrochent  aux  détails annexes, se complaisent dans l’anecdote qui écarte de l’essentiel. Ce sont  les médiocres qui  ne répondent pas sur le thème abordé, mais ailleurs … Ainsi, moi, par exemple… 1

« La décision absurde, processus par lequel un individu ou un groupe agit de façon persistante et radicale contre le but qu’il cherche à atteindre … Suppose qu’il existe un but, clair et précis et que l’action puisse être contrôlée par rapport à ce but et que ce but ne soit pas inconsistant, auquel cas nous sommes dans l’absence ou la perte de sens (voir en fin de ce paragraphe, le Pont de la rivière ‘Kwai’) … Raisons des décisions absurdes : Divergences considérables de probabilité d’échec opérationnel entre ingénieurs, hommes de terrain et managers, le manque de preuves d’un danger, l’inquiétude n’est pas une preuve (ne pas pouvoir prouver qu’un objet n’est pas bon ne signifie pas qu’il est bon), favorise la confiance des managers et, inversement, l’optimisme des managers renforce la difficulté de réunir les preuves du danger … Imagination des intentions de l’autre, le mécanisme des situations absurdes se retrouve aussi dans la vie quotidienne, les piétons face à face qui s’écartent du même côté et finissent par se heurter (collisions) … Difficulté de raisonner sur deux priorités simultanées ou sur deux étapes successives, évacuation d’un sujet central pour laisser la place à un autre sujet essentiel qui lui était lié … Difficulté de représentation des grandeurs dans l’espace (la projection augmente la taille des signes présentés, mais la distance des spectateurs est aussi augmentée, transparents) … Quatre types d’erreurs : – Erreur d’Attention, répondre ‘On’ alors que le dispositif est ‘Off’ – Erreur de Transgression, non respect d’une règle ou d’une procédure – Erreur de Connaissance, lacune technique –  Erreur de Compréhension ou de Représentation, l’événement n’est pas compris comme il devait l’être, on commet une erreur en étant intellectuellement convaincu qu’on n’en commet pas (situation la plus accidentogène en matière d’aviation) … Dans ce dernier cas, seule une intervention extérieure peut faire sortir les acteurs de la représentation défectueuse. (l’auteur s’exprime dans le cadre technique, et de plus orienté accident d’aviation. Mais on peut trouver des similitudes dans le cadre des relation sociales, notamment pour ce quatrième type d’erreur) … Trois rôles : Manager, Expert, Candide (public, clients, passagers, hôtesses…et même opérateurs subordonnés), incitations à l’intervention de ce Candide (acceptation des remarques), contrôle, démocratique (cockpit et cabine d’avion…) ou bien à l’inverse renforcement du contrôle centralisé par la hiérarchie sur les opérateurs (nucléaire, suite à Tchernobyl, Three Mile Island) … Acceptation des désaccords par le silence des participants : inutilité de la répétition des alarmes, crainte de se montrer insistant, on ne se sent pas autorisé à parler si on ne possède pas une connaissance suffisante du problème ou de ses données, volonté de ne pas porter atteinte à la cohésion du groupe (personne n’a envie d’aller en promenade, mais…) – – –  L’histoire du Pont de la rivière ‘Kwai’ est une parabole de la décision absurde : un combattant héroïque construit avec zèle un ouvrage pour son ennemi. Cette situation existe dans la réalité plus qu’on ne pourrait le penser. L’action est autolégitimée, l’action est le but ultime de l’action, les décisions sont vides de sens parce qu’elles n’ont pas d’autre but que l’action elle-même ; ‘Il s’est fait plaisir’, on fait de la qualité pour la qualité, valorisation du changement pour le changement, rattachement de l’action non à un objectif mais à une valeur très générale, attrape-tout, valeur vitrine qui masque l’absence de sens, la décision collective est facilitée, chacun y met ce qu’il veut, son propre objectif… L’action peut aussi dévier par manque de contrôle par rapport à un objectif pourtant défini (questionnaires d’évaluation de formation portant sur la forme, qualité de la logistique… et non sur le fond acquis). »

Ci-dessous, suite sur les décisions absurdes, toujours par Christian Morel : Comment les éviter.

 « Plus on s’engage dans un processus, plus il est difficile de faire machine arrière, de renoncer. Dans l’aéronautique, on parle de ‘destinationite’ (difficulté en vue de la piste de renoncer à l’atterrissage ou même de remettre les gaz – fascination de la cible chez les pilotes militaires). » – Le phénomène de destinationite (l’obsession du but) n’est pas réservé à l’aéronautique.

« La haute fiabilité des décisions suppose d’abaisser le niveau des événements susceptibles de déclencher une réaction (‘crier au loup plus souvent’). »

« L’erreur de représentation est une situation mentale par laquelle, à partir d’un événement déclencheur initial (croyance erronée, a priori, étourderie, lapsus…), on perd de vue que tout est anormal … Le biais de la ‘chose saillante’ consiste à donner une importance primordiale à ce que l’on voit en premier. La cause perçue d’emblée est considérée comme la principale. »

« – La décision collégiale privilégiée par rapport à la décision hiérarchique : tenir compte de ceux qui savent et qui sont proches des opérations, les subordonnés ont le devoir de corriger le détenteur de l’autorité si nécessaire (copilote à commandant de bord), la flexibilité de la hiérarchie d’autant plus nécessaire que le processus est complexe (navires nucléaires…) – Le débat contradictoire : procédure d’avocat du diable, examen d’une contre-proposition minoritaire, attitude interrogative, recueil des avis des ‘candides’ – Recherche du consensus, mais vérifier son authenticité, attention aux consensus apparents et aux effets pervers de la dynamique de groupe (par exemple : accident de groupe en montagne, avalanches, les silencieux approuvent-ils vraiment les risques à prendre ? Les hommes ne craignent-ils pas de paraître faibles devant des femmes ? L’influence des leaders informels parfois propice à la prise de risque ou parfois leur silence qui pour le groupe vaut approbation). Effet dit de ‘polarisation’ (radicalisation des positions de départ, augmentation de la prise de risque après délibération). Conformisme (ne pas se distinguer), recherche d’harmonie et de cohésion, soumission à l’autorité – Briefings et débriefings : s’informer mutuellement en permanence de façon croisée et redondante – Attention portée aux interstices : les lieux où des fractions d’une organisation sont en contact pour travailler ensemble, sources de fragilité (conception et production, filialisation, externalisation, partenariats, fournisseurs de pièces, changement d’équipe, relations bloc opératoire et salle de soins intensifs…) – Principe de non punition des erreurs : détecter les incidents précurseurs, favoriser la remontée d’informations précieuses, anonymat ou désidentification, retours d’expérience, admission des écarts par rapport à la règle à titre exceptionnel et compte tenu de l’indétermination et du caractère évolutif des situations. Seule la faute intentionnelle à but personnel est sanctionnée. Le risque de pénalisation judiciaire (forte pression publique en faveur de la punition) accroit sensiblement la rétention, et même la dissimulation, d’informations – Sécurisation des communications et renforcement linguistique et visuel de l’interaction : répétitions, standardisations, confirmations et explicitations verbales, accusés de réception explicites (à l’Armée, la tradition était de faire répéter l’ordre par le subordonné), check-list (introduite avec grand succès de sécurité en salle d’opération médicale), alphabet et langage codés, expressions conventionnelles (‘B’ comme ‘bravo’, ‘négatif’, ‘reçu’, ‘deux, six, zéro’ au lieu de ‘260’) – Autonomie de la base dans la compréhension globale de la mission et de ses raisons (‘auftragstaktik’ ou ‘mission command’ militaires), pratique dite de la ‘hiérarchie restreinte impliquée’ – Formation aux facteurs humains, aux mécanismes cognitifs, psychologiques ou sociologiques qui entravent ou facilitent les prises de décision. »

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