215,3 – Ciel, Paradis

– Il en existe de deux sortes : les fiscaux et les touristiques. Les uns, discrets, pour initiés, les autres, claironnés, pour clients des agences de voyage. Cependant il est agréable de s’apercevoir qu’il existe souvent des recoupements bienvenus entre les deux.

– Jadis on parlait d’une autre forme, mais comme l’indiquaient déjà des textes anciens il s’agissait d’un paradis que nous avions perdu, bêtement sans doute.

– Pourquoi, toujours, partout et par tous, est-il figuré comme un jardin ?

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« Paradis artificiels : c’est un pléonasme. » (Louis Aragon)

« Celui qui croyait au ciel

« Celui qui n’y croyait pas. » (Louis Aragon)

« Approchons du ciel comme nous approchons de l’être aimé, que l’amour domine la crainte. » (Anne Barratin)

« Le Ciel ! Couvercle noir de la grande marmite,

« Où bout l’imperceptible et vaste humanité. » (Baudelaire)

« A partir du moment où le bonheur devient le pur et simple équivalent général du salut, le ciel lui-même n’a plus lieu d’être. » (Jean Baudrillard)

« Il est avec le ciel des accommodements, dit-on. – Peut-être avec le ciel, mais pas avec le Bourgeois. Quand il s’agit de Molière. Il ne permet pas qu’on y touche. Tout ce que vous voudrez mais pas ça… » (Léon Bloy – Exégèse des lieux communs – 1, LXXV)

« Le paradis est l’endroit où nous n’aurons plus besoin d’être rassurés. » (Christian Bobin)

« On a effacé le ciel aussi doucement et aussi simplement qu’avec une éponge sur un tableau noir, et pour la première fois nous sommes laissés entre nous. C’est pourquoi il n’y a plus que l’entre-dévorement … ‘Ce que je fais est bien’ (les citoyens américains), incroyable suffisance, des hommes sans failles, des hommes sans regard. » (Christian Bobin)

« L’Enfer est presque toujours varié, à grand spectacle, paroxystique, personnalisé enfin ; le Ciel, à peu près immanquablement monochrome … monocorde, en tout cas sans discordance,; monotone, par conséquent menacé par l’ennui, anonyme … sans félicité particulières appropriées aux mérites acquis comme sont les châtiments aux fautes commises … Autre contraste, la béatitude de confection récompense une vie entière d’irréprochable vertu, tandis que les tortures spécifiques punissent le plus souvent un forfait unique mais éclatant. » (Roger Caillois)

« L’homme le plus ignorant sait en regardant la terre qu’il a perdu le ciel. » (Chesterton ou Lamartine ?) – La Chute.

« C’est l’absence de l’homme. » (Emil Cioran)

« Entre le paradis primordial des religions et le paradis, final, des utopies, il y a tout l’intervalle qui sépare un regret d’un espoir, un remords d’une illusion, une perfection atteinte d’une perfection inaccomplie. De quel côté se trouvent l’efficacité et le dynamisme, on s’en aperçoit aisément. » (Emil Cioran)

« Quand les gens essaient d’imaginer un paradis sur terre, cela fait tout de suite un enfer très convenable. » (Paul Claudel)

« L’idée-pilote  née au XVIII° siècle, c’est ce qui nous reste quand le Paradis s’en est allé. » (Régis Debray – à propos du bonheur)

« Les seuls à parler de Paradis dans l’espace public, ce sont les terroristes. » (Régis Debray – L’angle mort)

« Dès qu’on  a perdu l’origine, on a perdu la fin. Les deux paradis, celui d’avant et celui d’après se tiennent la main … Pour qu’il y ait un paradis promis il faut qu’il y ait un paradis perdu. » (Régis Debray)

« Il ne nous reste que le club Med et les paradis fiscaux. » (Régis Debray)

« Qui n’aura trouvé le Ciel – ici-bas –

« Le manquera là-haut –

« Les Anges louent la maison d’à côté

« Partout où nous allons. » (Emily Dickinson)

« Quand on ne croit plus au paradis on commence à croire au spiritisme. » (Mircea Eliade – reprenant le curé d’Ars qui disait que « quand on ne croit plus aux anges on croit aux tables tournantes. »)

« Le Paradis perdu c’est la Terre gagnée. » (Edmond Gilliard – cité par Bruno de Cessole)

« Le jardin d’Eden fût perdu pour avoir goûté le fruit de ‘l’arbre de a connaissance, perdu non pour la luxure, mais pour la curiosité,  pas pour le sexe mais pour la science. » (Nelson Goodman)

« Jamais la notion de ‘progrès’ ne fut pour lui autre chose qu’un thème à railleries, concurremment avec la niaiserie des positivistes humanitaires qui enseignent aux générations, mythologie à rebours, que le Paradis terrestre, superstition si on lui  assigne le passé, devient, si on le place dans l’avenir, le seul légitime espoir. » (Rémy de Gourmont – hommage, mérité, à Villiers de l’Isle-Adam)

« Nous sommes tous les deux voisins du ciel, Madame, puisque vous êtes belle et puisque je suis vieux. » (Victor Hugo – pillant Chateaubriand)

« Regarder le ciel d’un télescope, c’est une indiscrétion. » (Victor Hugo)

« Un paradis peut-il être autre chose que perdu ? » (Vladimir Jankélévitch)

« Sinon que ces grands êtres

« Animaux du jardin

« Qui passent sans effort et sans égratignure

« Près des eaux

« Ignorent tout attrait spécieux

« Tout sexe, tout désir

« Vivent sans ride ou poids de chair ou passion

« Et ne connaissent pas le trouble de pensée …

« On ignore la blessure venimeuse

« On ignore la colère et le mauvais rêve

« Personne n’a traversé les déserts de la peur » ( Pierre-Jean Jouve – Le paradis perdu)

« Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, l’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux. » (Lamartine)

« L’enfance du monde a l’accent du bonheur … De Dante à Cervantès, et des légendes aux bergeries, le regret emporte tous les hommes … Ce ton est aussi celui de tous les textes consacrés à l’âge d’or … ‘Jadis, au temps de nos premiers pères et de nos premières mères, comme en témoignent les écrits des Anciens, on s’aimait de fin et loyal amour, non par convoitise et désir de rapine, et la bonté régnait sur le monde. La terre n’était pas alors cultivée mais elle était comme Dieu l’avait faite et portait d’elle-même ce dont chacun tirait sa subsistance … Cependant, la tromperie vint, la lance en arrêt ; avec Péché et Malheur … Orgueil … Convoitise, Avarice, Envie et tous les vices à sa suite’ (Jean de Meung Le roman de la rose) … ‘Tous ainsi qu’il leur était bon, ils œuvraient en paix au milieu des prospérités’ (Hésiode) Il s’agit de ‘retrouver la clef du festin ancien’. » (Gilles Lapouge) – L’universel et l’intemporel regret d’un Paradis, d’un âge d’or, précédant une Chute.

« Qui de nous ne voudrait entrer au paradis guidé par la main d’une Béatrice, plutôt qu’emporté au galop d’un pachyderme ? » (Simon Leys – belle image, sur une maladroite tentative de conversion de Victor Segalen par Paul Claudel)

« Je ne crois pas à l’illusion grossière des Saints-Simoniens, pour qui cette vallée de larmes devait devenir le paradis terrestre. Un paradis retrouvé ne se retrouvera plus. » (cardinal Henri de Lubac)

« Les paradis perdus sont les seuls vrais, non pas parce que rétrospectivement la joie passée semble plus belle qu’elle ne fut réellement, mais parce que seul le souvenir procure la joie sans cette angoisse née du caractère passager de la joie et lui donne ainsi une durée autrement impossible. » (Herbert Marcuse) – Il s’agit évidemment des paradis terrestres.

« On déclarait un jour que seuls les Enfers ont inspiré les poètes et que les paradis dont assommants. ‘Pour le paradis, fit remarquer une femme d’esprit, on manque de renseignements’. » (Paul Morand)

« Que sait-il du ciel, celui qui n’a pas traversé la terre et les enfers. ? » (Platon)

« La nostalgie de paradis qui hante les lieux particulièrement sacrés, n’est pas purement spirituelle, elle est aussi un peu l’effet d’une régression psychique, et il y a, dans l’aspiration spirituelle, une composante non négligeable de nostalgie de l’enfance perdue, ou même de l’innocence heureuse de l’animal. » (Raymond Ruyer)

« Homme, si le paradis n’est pas d’abord en toi,

« Crois bien que jamais tu n’y entreras. » (Angélus Silesius)

« Chrétien, où cours-tu donc ? Le ciel est en toi-même.

« Pourquoi l’aller chercher à la porte d’un autre ? » (Angélus Silesius)

« N’avoir ni paradis, ni enfer, c’est se retrouver intolérablement privé de tout, dans un monde absolument plat. » (Georges Steiner – sur la dualité de la condition humaine)

« Le ciel est le point d’appui à partir duquel on peut mettre la terre en mouvement, percer à jour l’agitation du monde et la mépriser. S’assurer le ciel, s’emparer pour toujours et solidement du point d’appui céleste, de quelles douloureuses et infatigables luttes l’humanité ne paya-t-elle pas cette obsession. » (Max Stirner)

« Ce qui me fait tressaillir d’amour n’est pas le ciel que tu m’as promis, l’horrible enfer ne me fait pas tressaillir … s’il n’y avait pas de ciel  je t’aimerais et s’il n’y avait pas d’enfer je te craindrais. » (sainte Thérèse d’Avila)

« Comment pénétrer dans une pièce où l’on est déjà ? » (sainte Thérèse d’Avila – sur le Paradis –   Le château intérieur)

« Le beau paradis n’aurait pas ses grâces complètes si tu n’y étais. » (un troubadour à sa maîtresse décédée – cité par Chateaubriand)

« Dans le christianisme, le bon Dieu semble dire aux hommes : Ne jouez pas de tragédie, c’est-à-dire ne mettez pas le ciel et l’enfer sur la terre. Le ciel et l’enfer, Je me les suis réservés. » (Ludwig Wittgenstein)

« On ne peut que se donner l’enfer, le ciel on ne peut que le recevoir. » (?)

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