485,2 – Souvenirs

– Nous mettons longtemps à le sentir puis à le savoir, mais certains souvenirs viendront nous poignarder plus tard à l’improviste, en vieux compagnons bourrus, qu’il faut éloigner en haussant les épaules ; nous rappelant nos ingratitudes et nos légèretés, nos trahisons, les occasions ratées, celles où nous avons laissé tomber, déçu autrui, ou bien où nous nous sommes déçus nous-mêmes.

– L’oubli n’est jamais total. Le souvenir survient à l’improviste, brutalement, sans pitié. Le rêve des gens âgés se charge de le rappeler.

– « Lorsque nous sommes surpris par une apparition soudaine venue du monde souterrain des choses effacées et jetées aux oubliettes, ce que nous découvrons, que cela soit réjouissant ou non, revêt toujours une force et un pouvoir que ne possèdent pas les souvenirs que nous entretenons minutieusement. » (Hermann Hesse)

– Il vient un temps où les creux de notre existence nous reviennent en boomerang, (les sommets aussi, mais moins souvent et plus gentiment). Il faut vivre avec, comme avec de vieilles connaissances. Etait-ce bien moi qui ai fait cela jadis ? Je étais peut-être un autre alors, ou plutôt il est devenu un autre ; je ne reconnais plus cet étranger.

– « Il est souvent plus difficile d’oublier que de se souvenir. » (Jean d’Ormesson)

– Découverte ou nouvelle mode ? L’amnésie traumatique ou la mémoire traumatique retrouvée. Trente ans et plus après encore, des femmes qui furent jeunes se souviendraient subitement de violences (sexuelles évidemment) subies et enfouies dans leur inconscient. On ne peut écarter l’hypothèse de véracité même sans aucune raison explicable scientifiquement, pas plus qu’on ne peut écarter la bonne foi (le mécanisme de création de réalité étant alors proche du fréquent et connu déni de réalité, cf avec les remarques initiales aux rubriques Oubli, 485,3 et Réalité, 635, 1), pas plus qu’il est impossible de ne pas songer à la volonté de se valoriser soi-même en s’intégrant à la meute des victimes, à la jouissance morbide de salir gratuitement quelqu’un (et même de le pousser au suicide), au désir assez répandu de faire du fric.

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« Le souvenir commence avec la cicatrice. »(Alain)

« C’est dans le souvenir que les choses prennent leur vraie place. » (Jean Anouilh)

« Les souvenirs sont cors de chasse

« Dont meurt le bruit parmi le vent. » (Apollinaire)

« Ces souvenirs ! Va-t-il falloir les retuer ? » (Louis Aragon)

« Ouvre si tu peux sans pleurer ton vieux carnet d’adresses. » (Louis Aragon)

« Les images les plus tenaces, sinon les plus fidèles, sont souvent celles de l’enfance … tout le monde meurt jeune. » (Marc Augé)

« Il faut oublier le passé récent pour retrouver le passé ancien.. » (Marc Augé – Les formes de l’oubli) 

« Il me souvient d’avoir été joyeux sans que je le sois de nouveau, j’évoque ma tristesse passée sans être triste ; je me rappelle avoir eu peur une fois sans avoir peur encore ; le souvenir d’un désir de jadis ne s’accompagne pas de ce désir. Parfois, au contraire, je me souviens avec joie de ma tristesse ancienne et avec tristesse de ma joie. » (saint Augustin)

« Tout est éphémère, et le fait de se souvenir, et l’objet dont on se souvient. » (Marc-Aurèle)

« Ce souvenir ! D’où, diable, m’est-il tombé ! » (Barbey d’Aurevilly)

« Les souvenirs, ces éternels adversaires. » (Barbey d’Aurevilly)

« L’épaisse tristesse des souvenirs. » (Isaac Babel)

« Le souvenir fait tous les métiers : il insulte, il caresse, il honore, il blâme. » (Anne Barratin)

« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.

« Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,

« De vers, de billets doux, de procès, de romances,

« Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,

« Cache moins de secrets que mon triste cerveau.

« C’est une pyramide, un immense caveau,

« Qui contient plus de morts que la fosse commune. » (Baudelaire – Spleen et idéal)

Ceux qui aiment faire

« Passer sur leurs esprits, tendus comme une toile

« Les souvenirs avec leurs cadres d’horizon. » (Baudelaire)

 « Personne ne peut vivre sans traces, pas plus qu’on ne peut vivre sans ombre. » (Jean Baudrillard)

« La nausée particulière que donne le souvenir des actions mauvaises. » (Emmanuel Berl)

« L’éberluement d’avoir pu rester des mois, des années sans me souvenir d’elle. » (Emmanuel Berl – sur quelqu’un)

« Nous ne serions pas ébahis par les souvenirs qui nous reviennent si la règle générale n’était pas leur disparition. Sont-ce d’ailleurs bien eux qui ressurgissent ? … C’est à se demander si ma mémoire s’avère moins affabulatrice que mon imagination … Le domaine de la souvenance et celui du rêve tendent à se confondre. » (Emmanuel Berl) – Des images (d’un lieu, de personnes…) plus récentes se superposent aux anciennes … Des images autres non invitées viennent s’adjoindre …

« Le souvenir n’est qu’un regret apaisé. » (Francis Blanche)

« Qui ne se rappelle le bonheur qu’il a ressenti étant enfant d’avoir donné son argent de poche à un vagabond ? » (Ernst Bloch)

« Bouts de papiers, notes ou icônes de fichiers stockés sur le ‘bureau’ de l’ordinateur ou ‘biens personnels’ externalisés au hasard des fermes de stockage… » (Baudouin de Bodinat – différences – texte de l’auteur très simplifié)

« Non seulement le regret, mais le simple fait de se souvenir sans répréhension ou ironie ou dédain, sans apostasie ni dénigrement d’un aspect quelconque de l’antérieur vaut comme un avis de nostalgie, qui est une imputation disqualifiante … passéisme. » (Baudouin de Bodinat – Au fond de la couche gazeuse)

« Le phénomène des ‘souvenirs inventés’, greffés dans la mémoire d’une personne par un psy ambitieux ou un parent aigri ; y compris de faux souvenirs d’inceste. On peut de bonne foi raconter d’invraisemblables calembredaines. Les flics qui savent que des innocents s’accusent parfois de meurtres qu’ils n’ont pas commis prennent d’ailleurs ces accusations avec des pincettes, surtout des décennies après les faits. » (Jean-Paul Brighelli sur le cas Woody Allen) – Mais quand il s’agit d’accuser un mâle blanc, tout est bon, y compris les manipulations d’enfants. Je me souviens du vice extrême d’une séduisante personne dont j’avais eu le mauvais goût d’ignorer les avances manifestes.

« Lâche est celui qui redoute ses souvenirs. » (Elias Canetti)

« Le souvenir désire arriver sans qu’on le trouble, au moment qu’il choisit … et sans que personne ne vienne le déranger dans ses intentions. » (Elias Canetti)

« Les meilleurs sont ceux qu’on a oubliés. » (Alfred Capus)

« Nos souvenirs sont le revers de nos espoirs. » (Maurice Chapelan)

« Malheureux qui ne peut se réfugier dans ses souvenirs. » (Jacques Chardonne)

« Le ressouvenir n’est pas une forme de mémoire qui s’opposerait à l’oubli d’un quelconque passé ; Il est la redécouverte de l’être soi dans son intégrité, le déchirement d’un voile de méconnaissance et de méprise. Premier est l’oubli … Il se reconduit en chaque circonstance où nous nous méconnaissons nous-mêmes et nous égarons en poursuivant ce qui est moindre que nous-mêmes. » (Jean-Louis Chrétien)

« Il ne suffit pas de clore nos paupières pour instaurer le royaume des ténèbres. » (Jean-Louis Chrétien)

« Si tu ne veux pas crever de  rage, laisse ta mémoire tranquille, abstiens-toi d’y fouiller. » (Emil Cioran)

« Ces instants où il suffit d’un souvenir ou de moins encore, pour glisser hors du monde. » (Emil Cioran)

« Plus le temps s’avance, et plus l’envie de se retourner grandit, pour voir qu’ils sont toujours là, et même on les redécouvre, immobiles, plus graves, plus lourds, plus pesants, avec leur rictus de pierre et leurs crocs prêts à déchirer, pour nous rappeler que cela a bien eu lieu, irrémédiablement, et qu’on ne pourra  pas indéfiniment leur échapper. » (Jean Clair – sur les souvenirs douloureux, insupportables)

« L’existence n’attache que par le passé et n’intéresse que par l’avenir ! Le moment présent, transitoire et presque inaperçu,  ne vaudra que par les souvenirs dont il sera peut-être un jour l’objet. » (Aimée de Coigny)

« Le cuisant souvenir d’une action méchante,

« Soudain, au moindre mot, me donne l’épouvante. » (Pierre Corneille – La veuve)

« Je me suis rappelé mes souvenirs, et mon âme va défaillir de douleur. » (Jérémie – cité par saint Jean de la Croix)  – Souvenir, rappel de nos erreurs, de nos fautes, de ce qui n’aurait pas dû être.

« Il n’est pire misère qu’un souvenir heureux dans les jours de douleur. » (Dante)

« La révision des lieux d’hier ne sert qu’à honorer l’image de ce qu’on croit être, aujourd’hui, devenu. » (Jean Duvignaud) – Vains retours sur ses pas.

« Qui met la main à la charrue et regarde en arrière est impropre au Royaume de Dieu. » (Evangiles) – En matière profane les derniers termes équivaudraient à grandir.

« Nous nous débattons, comme des barques contre le courant, sans cesse repoussés vers le passé. » (Scott Fitzgerald – Gatsby…)

« Quelle nécropole que le cœur humain ! Pourquoi aller aux cimetières ? Ouvrons nos souvenirs, que de tombeaux ! » (Flaubert)

« Les souvenirs oubliés ne sont pas perdus. » (Sigmund Freud)

« Le temps atténue la souffrance passée, mais il ne l’éloigne jamais beaucoup. Il suffit d’un rien pour que le souvenir revienne à l’improviste. » (André Frossard)

« Le souvenir est un poète, n’en faites pas un historien. » (Paul Géraldy)

 « Nous ne supportons que les souvenirs avc lesquels nous puissions vivre … C’est la limite de la fidélité. » (Jean Guéhenno) – Hélas, il en est d’insidieux qui forcent les murailles.

« Les images que nous retrouvons du passé sont toutes en charpie, isolées, séparées, successives … Proust a donc bien raison de parler d’une recherche, car, à la différence de ce que nous avions vécu, nos souvenirs ne nous sont pas donnés d’un seul coup. Nous lisons le présent. Mais nous épelons le passé. » (Nicolas Grimaldi)

 « La volupté et la douleur ne sont pas égales devant le souvenir. Nous nous sentons toujours prêts à souffrir ; tandis que la jouissance exige des conditions beaucoup plus complexes où nous ne pouvons que difficilement nous replacer par la pensée. » (Jean-Marie Guyau)

« Les choses se déforment facilement quand on regarde en arrière. » (Hermann Hesse)

« Les souvenirs revenaient sans discontinuer. Ce n’est pas l’avenir, c’est le passé qui vous tue, qui revient, qui vous taraude et vous mine. » (Michel Houellebecq)

« Comme le souvenir est voisin du remords.

« Comme à pleurer tout nous ramène. » (Victor Hugo)

« Mes souvenirs actuels sont un événement de la journée d’aujourd’hui. » (Vladimir Jankélévitch – se référant à saint Augustin)

« A mesure que la nuit descend sur nous, le souvenir remonte en nous comme une prière. » (Vladimir Jankélévitch)

« Ce sont parfois les souvenirs les plus insignifiants, les plus gris, les plus quelconques qui éveillent inexplicablement en nous la nostalgie la plus inapaisable ; et il n’est pas rare que nous pleurions de nostalgie au souvenir d’une médiocre petite ville de province… » (Vladimir Jankélévitch)

« Le souvenir est une fiche de consolation … Une fleur séchée comme ce myosotis … qui, dans presque toutes les langues, s’appelle ‘Ne-m’oubliez-pas’. » (Vladimir Jankélévitch)

« La réminiscence qui évoque tout un passé à partir de presque rien (une odeur de campagne ou de pain, une madeleine …) … la brèche fugitive dans le présent n’est pas richement ‘connotée’, elle n’a pas besoin pour être réminiscence, d’un décor sublime (tel que les canaux de Venise…) ou de femmes sublimes dans ce décor sublime. Elle n’a que faire des souvenirs distingués … La réminiscence n’implique que le fait d’avoir été, ce fait tout simple dont il n’y a au fond rien à dire et qui exhale un indicible vague à l’âme, souvent le trouble ne dure que quelques secondes… » (Vladimir Jankélévitch)

« Longtemps avant que d’arriver, j’ai senti que je n’aurais pas dû revenir. D’un coup, la peur m’a pris de gaspiller bêtement une image fragile qui me restait encore, de m’en priver pour toujours. J’aurais dû la laisser dormir, cette image, la laisser reposer dans sa lumière d’époque, si chaude, si dorée. » (Lucien Jerphagnon) – Danger des retours trop concrets sur soi, sur ses souvenirs.

« Par le souvenir on remonte  contre le temps, par l’oubli on en suit le cours. » (Joseph Joubert)

« Ceux-là seront les plus heureux, qui n’auront pas eu dans toute leur durée un seul moment que leur mémoire ne puisse se représenter distinctement et avec plaisir. Là nos souvenirs feront la meilleure partie de nos biens ou de nos maux. » (Joseph Joubert – à propos de la vieillesse)

« Pour qu’un souvenir persiste, l’information qui arrive doit être traitée entièrement et en profondeur. Cela se fait par l’attention qu’on lui prête et par l’association …  que l’on établit avec des connaissances déjà bien installées dans la mémoire. » (Eric Kandel – cité par Nicholas Carr sur les méfaits du Net)

« A quoi bon se fatiguer à ranimer un passé perdu. Qui regarde en arrière finira comme la femme de Loth. » (Milan Kundera)

« Celui qui veut se souvenir ne doit pas rester au même endroit et attendre que les souvenirs viennent tout seuls jusqu’à lui. » (Milan Kundera)

« Notre esprit peut revivre toute une époque avec un débris de souvenir. » (Augusta Amiel-Lapeyre) – La madeleine de Proust.

« Rien n’est plus vivant qu’un souvenir. Ils finissent par nous rendre la vie insupportable. » (Federico Garcia Lorca)

« Le souvenir est le signe que quelque chose s’est réellement passé dans notre existence …  notre cœur a gardé l’empreinte d’autrui. » (Hélie de Saint Marc)

« Rien ne distingue les souvenirs des autres moments : ce n’est que plus tard qu’ils se font reconnaître, à leurs cicatrices. » (Chris Marker – cité par Pierre le Vigan)

« Plus une information est récente, plus elle a besoin d’énergie pour être conservée. » (Sébastien Martinez) – Explication de la perte de mémoire des faits récents, du moins chez les personnes âgées ?

« A quoi bon découvrir les ressorts secrets de ce qui est accompli. » (François Mauriac – le personnage cité songeant à l’introspection)

« Les longs souvenirs font les grands peuples. La mémoire du passé ne devient importune que quand la conscience du présent est honteuse. » (Charles de Montalembert)

« J’ai su que vous m’étiez quand vous n’avez plus été là. » (Henry de Montherlant)

« Le passé existe encore quelque part : il existe dans la pensée. Et il n’existe que dans la pensée … Sans pensée, pas de souvenir. Mais sans souvenir, pas de pensée. » (Jean d’Ormesson)

« Un souvenir est souvent le père d’une idée. » (Erik Orsenna)

« Lorsque nous nous servons du souvenir comme d’un matériau parmi d’autres pour reconstruire intellectuellement la réalité, nous ne prenons que le morceau de réminiscence qui nous est utile et, sans le laisser croître suivant sa propre loi, nous poussons plus avant … Dans le raisonnement et dans la simple association d’idées, notre âme exécute une trajectoire, elle avance d’une chose à une autre et l’attention progresse moyennant un déplacement successif … Se souvenir n’est pas, comme raisonner, cheminer dans l’espace mental, c’est la croissance spontanée de l’espace même … Ainsi, Proust renonce avec un soin scrupuleux à imposer au passé l’anatomie du présent et pratique un non-interventionnisme rigoureux, guidé par la ferme volonté d’éviter toute construction. Il inhibe tout désir de restauration. » (Ortega y Gasset)

« Les désirs ne sont pas les seuls à être des souvenirs : les notions, les informations, les nouvelles, les expériences, les idéologies, les logiques le sont. Tout est souvenir. Tout instrument intellectuel qui permet de vivre est un souvenir. » (Pier Paolo Pasolini)

« On ne se rappelle pas les jours, on se rappelle les instants. » (Cesare Pavese)

« Ce regard avec lequel un jour de départ on voudrait emporter un paysage qu’on va quitter pour toujours. » (Marcel Proust)

« Vivre avec ses souvenirs, c’est en général une assez lugubre compagnie. » (Charles Régismanset)

« Le plus grand malheur qui puisse arriver aux particuliers comme aux peuples, c’est de trop se souvenir de ce qu’ils ont été et de ce qu’ils ne peuvent plus être. » (Rivarol)

« Ils prenaient leurs souvenirs pour des droits. » (Rivarol – sur les nobles émigrés)

« Autrefois, avant la grande guerre, la vie ou la mort d’un homme n’était pas encore chose indifférente. Quand quelqu’un disparaissait du nombre des vivant, un autre ne prenait pas immédiatement sa place pour faire oublier le mort, il restait un vide où il manquait … Il en était ainsi en ce temps-là … Les maçons travaillaient lentement … Tout ce qui grandissait avait besoin de beaucoup de temps pour grandir, tout ce qui disparaissait avait besoin de beaucoup de temps pour se faire oublier. Tout ce qui avait existé un jour avait laissé des traces et l’on vivait alors de souvenirs comme l’on vit aujourd’hui de la faculté d’oublier vite et définitivement. » (Joseph Roth – La marche de Radetzky)

« Un homme sans souvenirs est un homme perdu. » (Armand Salacrou)

« Sur les lèvres des femmes, le sourire du souvenir ne s’éteint jamais tout à fait. » (Arthur Schnitzler – cité par Roland Jaccard)

« Les choses qui n’ont pas été à leur place : méprises, incertitudes, compréhensions tardives, remords inutiles, souvenirs trompeurs, erreurs stupides et irrémédiables. » (Antonio Tabucchi – sur les rappels déplaisants)

« Je ne reconnais plus mes souvenirs. » (Yves Theriault)

« A cette montée du passé en moi, j’ai reconnu que j’avais atteint le deuxième versant de l’existence et que je commençais à descendre chez les morts. » (Gustave Thibon)

« Emotion à retardement.  On revit à fond ce qu’on n’avait vécu qu’en surface. » (Gustave Thibon)

« Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? » (Paul Verlaine)

« Cette façon magique de se tromper soi-même qu’on appelle le souvenir. » (Stefan Zweig)

« Nos œuvres sont nos compagnons de route. » (proverbe)

« Pourquoi courez-vous tant, inutiles pensées,

« Après un bien perdu qui ne peut revenir ?

« Quoi ! Vous ne savez pas, chimères insensées,

« Que d’un plaisir perdu triste est le souvenir ? » (?)

« Nous avons les souvenirs que nous méritons. » (?)

Ci-dessous extraits simplifiés et remaniés de l’excellent ouvrage de Jacqueline de Romilly, Le trésor de savoirs oubliés, traitant de la masse informe de nos souvenirs et de leur surgissement .

 « L’oubli n’est presque jamais complet. La connaissance laisse toujours une trace, une marque ; et, même sans revenir à la conscience, elle constitue comme un repère et une référence, qui nous aident à penser et à vivre …  Il y a des moments qui, on ne sait pourquoi, se sont inscrits dans notre conscience, qui nous ont frappés, et se sont ainsi, bizarrement, gravés pour toujours. Ces souvenirs-là, coupés de tout, et sans rapport vrai avec notre vie, peuvent cependant surgir à nouveau au moindre rappel, souvenirs frappants par leur caractère  concret et complet, comme  si un moment de notre vie nous revenait avec toutes  les circonstances qui l’ont accompagné … Il semble bien que ces images privilégiées, qui restent comme des bouées à la surface de notre vie intérieure, soient liées à quelque aspect de notre vie affective … D’ordre affectif et non pas intellectuel (pitié, agacements, admirations, affections, angoisses, sympathies…) …   ‘La mémoire est toujours aux ordres du cœur. ‘ (Rivarol)  … Le jaillissement du souvenir se fait rarement à notre initiative … associations toutes sages, par catégories (couleurs, formes….), il y en a qui semblent fonction d’une localisation dans l’espace (nom propre associé à une  région…), multiplicité de liens où se mêlent des rapports de sens, de sonorité, de domaines géographiques, etc. Complexité sans limite … Joie, délivrance de retrouver un mot, joie de la réussite… Il y a celui qui ignore vraiment et celui qui ne peut pas trouver la réponse mais en possède en lui les éléments, qui a de quoi chercher, une trace, un indice, qui, à une réponse proposée, peut dire ‘Non, ce n’est pas cela’, ‘non, pas exactement’, c’était un nom plus long ou très court ou en deux mots, ou étranger avec plein de z ou de…  celui qui a conservé quelque chose à quoi se raccrocher, de vague, de peu utilisable, de peu disponible, mais encore présent … Plus les mots dont on dispose seront nombreux, plus on aura de chances d’atteindre ces souvenirs confus et profondément enfouis … Par comparaison ou en rappelant un souvenir, les mots peuvent indirectement en attirer à eux toute une suite (‘révocation’ : Edit de Nantes, protestants, Cévennes, dragonnades, Saint-Barthélémy…) … Repères pour le jugement. Comment jugerait-on, en effet, si ce n’est par comparaison et en situant tout problème toute expérience, par rapport à une masse de souvenirs plus ou moins conscients qui se sont amassés en nous ? …  Repères pour moins errer (si notre ère commence avec Jésus-Christ, il y a eu des siècles auparavant, avant la Révolution était la monarchie, etc.). Mais là  si souvenirs, même confus,  il y a, on aborde la culture. »

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