285,4 – Mérite

« Mériter est inutile, plaire suffit au courtisan. » (Anne Barratin)

« On n’éprouve pas de la considération pour les mérites en raison d’une charge honorifique mais pour les charges honorifiques en raison du mérite … Si ces honneurs et ce pouvoir comportaient quelque bien qui leur soit inné et qui leur soit propre, jamais ils ne seraient exercés par des crapules. » (Boèce) – Quelle considération peut-on accorder, de nos jours, aux charges honorifiques, politiques, quand on voit ceux et celles qui les occupent ?

« Le mérite possède une dignité qui lui est propre et qu’il communique automatiquement à ceux qui en font preuve. Mais comme les honneurs décernés par le peuple ne peuvent avoir le même effet, il apparaît clairement qu’ils ne possèdent pas en propre la beauté de la dignité. » (Boèce)

« Dans les sociétés méritocratiques, il devenait possible de soutenir que la hiérarchie sociale reflétait rigoureusement les qualités de ses membres à chaque échelon … Comment expliquer que si on avait quelque qualité ou aptitude, on restait pauvre et n’arrivait à rien ? » (Alain  de Botton – Du statut social)

« On ne doit pas juger des mérites d’un homme par ses grandes qualités, mais par l’usage qu’il sait en faire. » (La Bruyère)

« Presque personne ne s’avise de lui-même du mérite d’un autre. Les hommes sont trop occupés d’eux-mêmes pour avoir le loisir de pénétrer ou de discerner les autres. » (La Bruyère)

« Piège de la société du mérite : celui qui n’y réussit pas, alors qu’en théorie chacun le peut, ne doit s’en prendre qu’à lui-même. » (Belinda Cannone) – Libéralisme. Terrible pression- dépression.

« L’importance sans mérite obtient des égards sans estime. » (Chamfort)

« Le côté faible du mérite c’est qu’il ne parvient pas toujours à préserver de la vanité. » (Hyacinthe de Charencey)

« La situation contemporaine où les candidats sont plus nombreux que les places libérées par les départs à la retraite, est propice au retour des ‘fils de’ et des ‘filles de’ … Aux inégalités aléatoires liées au fait de se trouver au bon moment à la bonne place s’ajoutent des inégalités très prévisibles où les rapports de travail laisseraient la place aux relations familiales … Doute profond quant à l’idée de méritocratie et sentiment aigu d’injustice sociale. »  (Louis Chauvel – sur la situation française) – Voir les descendants de politicards, de prétendus artistes, de vedettes, de people…

« Nous démêlons mal notre mérite de notre chance. » (Louis Dumur)

« La méritocratie exacerbée finit bien vite dans le  ‘darwinisme social’ … le plus fort devient le meilleur, un rapport de forces est érigé en norme morale. » (Jean-Pierre Dupuy – sur le modèle méritocratique)

« La démocratie a cessé de croire à la méritocratie. Le mérite, dont les premiers républicains faisaient si grand cas, lui apparaît désormais comme un piège, un mirage, une imposture … La volonté de conforter la démocratie par la sélection cède ainsi la place au grand réquisitoire démocratique contre la cruauté d’une école sélective … Pour ne pas reconduire l’ordre établi, on choisit de stigmatiser l’émulation … de généraliser les classes hétérogènes et d’intégrer peu à peu dans les programmes des ‘éléments mieux maîtrisés par les milieux populaires’ … Une sélection féroce et d’autant plus injuste qu’elle est clandestine … Le rejet de la sélection (officielle et publique) renforce l’arbitraire et débouche sur l’arrimage de la personnalité à l’appartenance, et de chacun à sa classe, à sa minorité, à sa communauté d’origine. » (Alain Finkielkraut) – Montrer ouvertement son mépris aux classes populaires et les empêcher de s’élever.

« La notion de mérite, dans une philosophie de l’individu qui cherche d’abord son épanouissement dans sa période de formation, puis son intérêt quand il est adulte, n’a plus grand sens. » (Marcel Gauchet) – C’est le moins qu’on puisse dire !

« Le mérite cognitif règne en maître, parce qu’il est relativement facile à mesurer … Nous sommes arrivés à ce que j’appelle le ‘zénith de la tête’, , à une situation où il n’y a plus de places libres dans l’économie du savoir, mais où nos concitoyens ont grand besoin de trouver des emplois rémunérés … Nous surrécompensons les travailleurs de la tête aux dépens des autres … Deux groupes insatisfaits ; les ouvriers et les soignants qui sont sous-payés et sous-évalués ; et les diplômés qui ne trouvent aucun débouché à la hauteur de leurs attentes … Le rééquilibrage entre  la tête, les mains et le cœur nous sera imposé. » (David Goodhart)

« Les partisans de la mobilité sociale prennent trop rarement la peine de réfléchir à l’effet de leur discours sur ceux qui ne gravissent pas les échelons … A écouter les Partout (les anywhere) parler de mobilité sociale, on croit souvent entendre ceux qui ont pris l’ascenseur social réclamer que tout le monde devienne comme eux … ‘Avec la méritocratie, ceux qui ne sont pas au sommet, ceux qui se débattent au milieu, ou les pauvres et les impuissants tout en bas, comprennent que ce n’est pas par malchance, mais que c’est ce qu’ils méritent’ (Andrew Marr)  … Le principe omniprésent, sinon la réalité, de la méritocratie et de la mobilité sociale peut amener les gens à des comparaisons  défavorables entre leur vie et celle des plus brillants et des plus riches, plutôt qu’avec celle de ceux qui sont juste au-dessus ou en dessous d’eux. » (David Goodhart)

« Notre pays rejette toute inégalité, même quand elle sanctionne le mérite. Nous sommes pour la méritocratie, du moins tant que notre voisin n’en devient pas le bénéficiaire. » (Patrice Gueniffey)

« La méritocratie est le système scolaire le plus juste en même temps que le plus efficace, et les sociétés démocratiques lui sont restés longtemps fidèles. Mais elles ont fini par le rejeter … car il est vrai que la méritocratie n’est pas conforme à l’esprit démocratique conduit jusqu’au terme de sa logique égalitariste. » (Jean-Louis Harouel) – Le peuple peut remercier les pédagogistes, les Pierre Bourdieu, les Philippe Meirieu…

« Les moralistes ont sans doute été plus juste pour la dignité de l’Intention lorsqu’ils substituèrent à la Vertu – qui est un état – le Mérite, qui résulte d’un effort. » (Vladimir Jankélévitch)

« On apprécie le mérite non seulement d’après ce que l’agent a fait, mais d’après ce qu’il a dut faire pour le faire ; d’après les résistances qu’il a rencontrées, les obstacles qu’il a dû vaincre … Le mérite n’est pas un certain ‘quantum’ absolu, fini et assignable, une ration à déterminer, mais une valeur qui dépend, comme le plaisir, … de facteurs indénombrables dont il faut tenir compte …Le mérite est raison inverse de la perfection en acte, c’est-à-dire que plus l’agent est ‘vertueux’ moins il est vertueux. » (Vladimir Jankélévitch)

« Le mérite a besoin du voile de la modestie pour conserver son éclat. » (Jean-Benjamin de Laborde)

« La rétribution au mérite ne peut être juste que si les aptitudes héritées ne constituent qu’un faible apport aux performances … Tant que le lien les dons et les places reste masqué par l’idée que les performances sont dues à l’effort, le mérite fonctionne. Mais le mérite est devenu d’autant plus fragile que les performances cognitives apparaissent partiellement indépendantes des efforts. … à l’âge adulte les différences d’aptitudes cognitives imputables au milieu social sont très faibles en regard des héritages génétiques. » (Hugues Lagrange) – Origine des aptitudes cognitives ? Inné / acquis ?

« Le mérite se cache de peur de n’être pas reconnu. » (Charles Lemesle)

« Le mérite, le travail, l’effort ont fait retour dans le discours politique et dans l’opinion … Mais ce retour est bizarre. Non seulement il se produit au milieu de revendications égalitaires toujours fortes, mais c’est aussi un drôle de mérite qui revient. Pas question de valeurs morales, d’accomplissements humains, de bonnes actions, de vertu. On parle de travail, d’efforts , et surtout de rémunérations. Le mérite semble une sorte de droit à récompense financière ; en tout cas quelque chose qui doit payer … Cette conception n’a plus d’horizon éthique, mais elle est strictement individualiste … ‘Parce que je le vaux bien’ (dit une pub.) … On attend le salaire, dont le nom est : argent, reconnaissance, renommée … Du monde de la foi, de la grâce et de la vertu, on est passé au monde des accomplissements et des performances. Du monde de la gratuité, on est passé à celui du calcul. D’un monde de rites, on est passé à un monde de normes. » (Yves Michaud)

« Même si l’on admet que les capacités d’effort, la tenacité, l’obstination, l’endurance, les capacités de caractère ont à voir avec l’hérédité et l’éducation reçue … il est couramment admis que ce qui fait la différence entre les individus du point de vue du mérite, c’est la qualité de l’effort … Avoir du mérite aujourd’hui, c’est donner le spectacle de ses efforts ; c’est plus encore avoir de l’argent et, par-dessus tout, être reconnu … On prend les critères les plus couramment reconnus dans la société et ces critères vont devenir… des mérites … travail, argent, célébrité … Le mérite ‘bling-bling’, la célébrité ‘people’ … Finis les ‘hommes illustres’ de Plutarque et les ‘personnes de mérite’ de La Bruyère … Être méritant, dernière métamorphose, c’est être visible … Le mérite s’exprime alors en jet privé, parures et gardes du corps. » (Yves Michaud)

 « Deux composantes : la rétribution et la louange … Jusqu’à quel point peut-on les dissocier ? » (Yves Michaud)

 « Qu’est ce que le mérite si on ne sait plus ce que sont les vertus ? Comment établir la valeur des hommes quand on ne sait plus ce que sont les valeurs ? Sauf celles qui nous restent : l’argent… » (Yves Michaud)

 « Jadis, la valeur était inhérente à la personne en raison de sa naissance … Dans notre société égalitaire, les origines opèrent toujours, mais hypocritement à travers les hiérarchies de la ‘bonne société’ et des ‘élites’ qui se traduisent concrètement par des effets de réseaux… Plus l’accès différent à l’information, l’importance attachée à l’ancienneté … La méritocratie restreinte n’évalue que des capacités déterminées parmi des populations réduites, ne les évalue qu’une fois et fige cette discrimination. » (Yves Michaud – simplifié) – Mais une méritocratie généralisée, basée sur des évaluations et des réaffectations permanentes entraînerait une instabilité telle que ! (dû à l’auteur mais très simplifié).

 « L’idéal est celui du mérite, mais la réalité est celle des avantages acquis et des statuts protégés … L’égalité comme principe, le mérite comme idéal et les droits comme remède au mauvais sort. » (Yves Michaud)

 « « La notion de mérite entretient des relations difficiles avec les croyances démocratiques en la justice et l’égalité … L’idéologie du mérite, même vaine, surtout vaine, continue à tourner à vide en opérant comme un lien social fictif dissimulant des différences de statut qui sans cela sont inacceptables. » (Yves Michaud)

 « Que serait une relation à autrui où le mérite n’aurait pas sa place … aucune n’est facile à penser en pratique : Fatalisme, ce qui arrive devait arriver et personne n’y est pour rien – Amoralisme, l’agent ne tient tout simplement pas compte des conséquences de son action pour autrui, l’insouciant ou l’imprudent oublient autrui, n’y pensent pas – Morale du devoir (Kant avec réserves), faire ce qu’on doit faire sans égard aux conséquences ni à la manière dont autrui est affecté, aucun mérite à faire ce qu’on doit – Morale héroïque, faire ce qu’on a à faire compte tenu de ses engagements de valeur quels que soient les conséquences ou l’impact sur autrui, au nom de l’accomplissement humain par delà le mérite et le démérite, domaine du héros. » (Yves Michaud – simplifié) – L’individu moderne penche vers l’amoralisme. Quant à la morale héroïque, elle peut devenir la justification de l’horreur (type Khmers rouges).

 « L’égalité complexe devient la source d’une demande incessante et toujours plus complexe d’égalité, mais cette égalité est condamnée à être frustrée face à toutes les demandes concurrentes … On est passé au corporatisme des droits … au guichet des droits … La maxime reine est désormais ‘à chacun selon sa revendication’ ; Le mérite dans tout cela ? vaporisé, évaporé ! » (Yves Michaud)

 « Quand la presse et les moyens de communication de masse deviennent le lieu de la reconnaissance du mérite et de la vertu… » (Yves Michaud) – A chacun d’imaginer la suite.

« Si les vertus pouvaient revivre, nous pourrions effectivement nous dispenser du mérite. Nous n’aurions rien à mesurer. » (Yves Michaud) – Rêvons.

« Le seul frein à ces dérives (pillages à la moindre occasion) était la ‘méritocratie’, l’idée que les hommes sont égaux, mais qu’ils obtiennent rétribution et honneurs en fonction de leur mérite, c’est-à-dire de leurs efforts. Au motif que le principe était dévoyé par la fameuse ‘reproduction des élites’, des sociologues et des politiques nous ont expliqué depuis des années que la méritocratie républicaine était l’horreur absolue. Nous en payons aujourd’hui le prix. » (Natacha Polony) – Et ce n’est qu’un tout petit début !

« Il n’y a aucun mérite à être doué, et personne n’a jamais songé à le décréter. Le mérite désigne l’effort, la lente domestication d’un talent pour l’extraire de sa gangue et le faire advenir … La destruction minutieuse de la notion de mérite fut l’œuvre la plus achevée de tous les théoriciens de l’école depuis quarante ans. » (Natacha Polony)

« Le mérite n’a de véritable approbateur que le succès. Sans lui, il perd son éclat, on le méprise comme inutile ou on le plaint comme malheureux. » (Alexander Pope)

« Le monde récompense plus souvent les apparences du mérite que le mérite même. » (La Rochefoucauld)

« Il y a du mérite sans élévation, mais il n’y a point d’élévations sans quelque mérite. » (La Rochefoucauld)

 « La marque d’un mérite extraordinaire est de voir que ceux qui l’envient le plus sont contraints de le louer. » (La Rochefoucauld)

« On fait mieux son chemin avec de l’agrément sans mérite qu’avec du mérite sans agrément. » (Père Joseph Roux)

« Le succès dans le monde se mesure moins au mérite qu’à l’intrigue. » (Baron de Stassart)

« Les effets pervers de l’obsession égalitariste. Le vainqueur du concours méritocratique est légitimement convaincu de devoir sa réussite à ses seules qualités : son intelligence, son énergie, son endurance, son caractère. Il n’a que mépris pour ceux qui n’ont pas atteint son niveau social. L’ancienne noblesse savait qu’elle devait son statut davantage à ses parents et à sa naissance qu’à ses propres vertus. Cette fragilité la rendait moins présomptueuse et plus attentive au sort des plus modestes. » (Eric Zemmour)

« Il faut cacher son vrai mérite à ceux qui ne le peuvent apprécier. » (?)

« Pesant fardeau que d’être d’un grand mérite. » (?)

« Le mérite appartient à celui qui commence, même si le suivant fait mieux. » (?)

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