200,2 – Imitation

– On ne peut découvrir par soi-même que si on a reçu préalablement. Nous ne pensons que parce que d’autres ont pensé avant nous. Avant de Faire il faut faire comme, faire semblant. Imitation et apprentissage sont indissociables, le jeu de l’enfant le révèle. Il n’y a que l’Education nationale pour ignorer cette évidence, avec les résultats que l’on sait.

– La créativité ( soit la capacité de s’extraire du cadre habituel, de rapprocher des éléments apparemment dépourvus de rapports entre eux ), se fait en prenant appui sur une culture, soit sur des choses déjà inventées, des concepts déjà établis, des connaissances déjà acquises et transmises par nos prédécesseurs. D’où la nécessité de la transmission aujourd’hui abolie. Les très grands créateurs sont des gens qui ont eux-mêmes d’abord beaucoup imité, beaucoup copié, les peintres, les écrivains, les bâtisseurs, les scientifiques, les ingénieurs…  Peu ont vraiment inventé. Ils ont présenté ou assemblé autrement des idées, des concepts déjà existants. En imitant, on apprend comment l’autre a créé, et, ce faisant, on apprend à créer.

– Toute filiation commence par une imitation, donc par l’acquisition d’une culture préexistante.

– « Qui veut apprendre doit croire » affirmait Aristote. C’est en comprenant la théorie de Newton qu’Einstein a forgé la sienne. Le second ne nie pas le premier, il fait un pas en plus. Darwin s’est appuyé sur les théories de Lamarck avant de s’en écarter. « Chaque homme profite des découvertes de ceux qui sont venus avant lui. Chacun se hisse sur les épaules de ses prédécesseurs » ( Jean d’Ormesson )

– Il n’y a pas de vie spirituelle et intellectuelle qui ne soit basée sur l’imitation de modèles, et de modèles stables.

– Mais il y a des imitations bénéfiques, d’autres nocives, et d’autres simplement moutonnières, frôlant la servilité pure et simple. Ainsi cet engouement pour les ronds-points qui a conduit nos édiles à en mettre partout, à la suite du premier Gogo (trois fois plus qu’en Grande Bretagne, pays d’origine de ces dispositifs, d’ailleurs sobres et non grotesques comme chez nous).

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« Un être humain ne devient vraiment humain qu’en imitant d’autres êtres humains. » (Theodor Adorno)

« Comprendre c’est imiter. » (Alain)

« Tout homme imite un homme plus grand que nature, que ce soit son père, ou son maître, ou César, ou Socrate ; et de là vient que l’homme se tire un peu au-dessus de lui-même. » (Alain)

« Qui n’imite point n’invente point. » (Alain)

« Tout le monde imite ; tout le monde ne le dit pas. » (Louis Aragon)

« L’homme diffère des autres animaux en ce qu’il est le plus apte à l’imitation. » (Aristote )

« Le Grand Concours de beauté de Keynes où toute la question consiste à deviner, anticiper, les anticipations des autres, à se singulariser en imitant tout le monde avant tout le monde … Choisir les plus jolis visages parmi une centaine, afin de s’approcher le plus de la sélection moyenne opérée par l’ensemble des concurrents. » (Gilles Châtelet) – Formule devenue un grand classique des jeux-concours. Le spéculateur ne raisonne pas autrement, même s’il agit a contrario.

« Il arrive un moment où on n’imite plus que soi. » (Emil Cioran)

« L’imitation est la plus sincère des flatteries. » (Charles Colton)

« Veblen disait que le train de vie de la classe supérieure définissait la norme d’honorabilité pour la société entière. » (Dostaler et Maris) 

« Le passé ne nous dit pas : ‘Imite, pour bien faire ce que j’ai fait’. Mais il nous dit : ‘Fais comme moi, cherche comme j’ai cherché, travaille’. J’avais aussi de grands modèles. Les ai-je copié servilement ? Non, car en ce faisant je me serais placé hors de la vie. J’ai pris ce qu’il y avait d’éternel dans les thèmes anciens et dans les caractères. Je les ai adaptés, et l’homme  de mon époque s’y est reconnu. » (Charles Dullin, homme de théâtre – cité par Marc Fumaroli) – Encore faut-il connaître et accepter le passé !

« L’homme ne fait pas que penser, il agit. Il n’a pas seulement des idées, mais des valeurs. Adopter une valeur, c’est hiérarchiser, et un certain consensus sur les valeurs, une certaine hiérarchie des idées, des choses et des gens est indispensable à la vie sociale. » (Louis Dumont) – « L’indifférenciation, c’est aussi l’indifférence aux valeurs. Sans repères extérieurs objectifs à eux-mêmes pour orienter leurs regards et leurs actes, et sans obstacles culturels … pour les séparer, les hommes s’accrochent obstinément aux pas de leurs semblables. Tous avancent, pensant que l’autre sait où il va. » (Jean-Pierre Dupuy) 

« Jamais les hommes n’ont eu autant les yeux fixés les uns sur les autres. L’utopie égalitaire que nous nous sommes donnée…» (Jean-Pierre Dupuy)

« Le pouvoir d’attraction d’une opinion croît avec le nombre d’individus qui la partagent. » (Jean-Pierre Dupuy)

« ‘Pour accéder vous aussi à ce paradis où vous n’aurez plus à imiter les autres, mais où ce sont les autres qui vous imiteront, vous n’avez qu’une seule chose à faire … l’imiter’ (le personnage présenté par la publicité) … Le paradis de la non-imitation obtenu au prix de l’imitation. » (Jean-Pierre Dupuy – à propos de la publicité)

« Un homme a besoin de modèles, et non de leçons. On n’apprend que par l’imitation directe d’un être que l’on aime. » (Tony Duvert)

« Il faut se mesurer, la conséquence est nette – L’exemple est un dangereux leurre – Où la guêpe a passé, le moucheron demeure. » (La Fontaine – Le corbeau voulant imiter l’aigle)

« C’est assez qu’on ait vu par là qu’il ne faut point – Agir chacun de même sorte. » (La Fontaine – L’âne chargé d’éponges et l’âne chargé de sel)

« Celui qui agit comme tout le monde s’irrite nécessairement contre celui qui n’agit pas comme lui. »(André Gide)

« L’imitation ne se contente pas de rapprocher les gens, elle les sépare, et le paradoxe est qu’elle peut faire ceci et cela simultanément. » (René Girard)

« Si la société ne parvient pas elle-même à établir une hiérarchie entre le sujet désirant et ses modèles, l’imitation tend à devenir antagoniste. » (René Girard)

« Chacun imite chacun. Mon désir est déterminé par celui d’un autre, qui est lui-même déterminé par le désir d’un autre. »  (René Girard)

« Au-delà d’un certain seuil mimétique, l’objet de la réalité disparaît. » (René Girard)              

« Le désir mimétique est sans sujet et sans objet, puisqu’il est toujours imitation d’un autre désir et que c’est la convergence des désirs qui définit l’objet. » (René Girard)

« Le mimétisme engendre la rivalité, en retour, la rivalité‚ renforce le mimétisme. Les protagonistes d’un conflit ne voient pas qu’ils sont interchangeables, symétriques, des ‘doubles’. L’observateur extérieur voit que les hommes se battent littéralement pour rien. » (René Girard)

 « Aucun des rivaux ne possède plus l’objet, chacun redoute de le voir possédé par l’autre, désir négatif. » (René Girard)

« Le désir mimétique est une descente aux enfers, un mouvement vers toujours plus de servitude. » (René Girard)

« Au-delà d’un certain seuil mimétique, l’objet de la réalité disparaît …  Au-delà d’un certain seuil mimétique, l’objet de la réalité disparaît.  Le désir mimétique est orienté vers la folie et vers la mort. A force de voir se transformer les modèles en obstacles, le désir finit par prendre les obstacles eux-mêmes pour des modèles et par s’élancer vers les obstacles les plus infranchissables. Le “masochisme” est dans la logique du désir  mimétique … Les sociétés primitives interdisent les objets les plus susceptibles d’en- gendrer des rivalités mimétiques (femmes)… » (René Girard)

« Le désir mimétique est sans sujet et sans objet, puisqu’il est toujours imitation d’un autre désir

« Les rivaux mimétiques n’agissent pas, ils réagissent. Si l’action a un commencement, le mimétisme n’en a pas; il n’est pas une action, mais une réaction. Le processus mimétique est circulaire. » (René Girard)

« Le désir mimétique est nécessairement conflictuel. Violence contagieuse, il ne structure pas la société, il la déstructure, la menace de mort : au lieu de rassembler les hommes, il les divise… La dimension conflictuelle de l’imitation. » (René Girard)

« Il ne faut pas triompher tout à fait du rival, pour ne pas faire perdre à l’objet toute valeur. Il ne faut pas posséder l’objet tout à fait pour ne pas faire perdre au modèle tout prestige ; valeur de l’objet et prestige du modèle sont solidaires … Quel éclat aurait une victoire que le rival favoriserait ? Quel prestige aurait un modèle vaincu ? Quel intérêt aurait un objet que nul ne nous disputerait plus ? » (René Girard)

« Cette fuite vers l’autre qui caractérise le désir mimétique et le porte vers les objets désirés par les autres est source inévitable et inépuisable de conflits. Tous les efforts pour vaincre la réciprocité ne feront que la renforcer. Les deux marcheurs face à face qui tentent de s’éviter. » (René Girard)

« C’est parce qu’ils deviennent semblables, interchangeables, que les individus modernes ne pourront se prendre les uns pour les autres pour ‘modèles’, sans s’éprouver comme ‘obstacles’ à la réalisation de leurs désirs. » (René Girard)

« Le jugement de Salomon : Deux prostituées, même condition, mêmes paroles, l’affrontement des ‘doubles’. L’une d’elle n’a même plus en vue l’objet de la dispute, elle n’obéit qu’à sa haine de la rivale. » (René Girard) – Rien d’exagéré. Où mènent les conflits de doubles.

« Vouloir que la nouveauté soit pure de toute trace d’imitation, c’est vouloir qu’une plante puisse pousser ses racines dans le ciel. » (René Girard)

« La double imitation est partout. Même sous sa forme la plus machinale, elle peut engendrer le même type de conflit que la rivalité fondée sur le désir mimétique. La concorde se mue en discorde par une suite continue de petites ruptures symétriques, d’aggravations insensibles … La cause principale est la tendance à surestimer l’hostilité présumée de l’autre et, ce faisant, à la renforcer toujours. » (René Girard) – On refuse de me tendre la main, je retire la mienne…

« La civilisation commence avec les instincts mimétiques de l’homme, mais il lui faut les transcender et les transvaloriser. Le progrès culturel, tout comme l’éducation individuelle … consiste, dans une large mesure, à convertir les attitudes mimétiques en attitudes rationnelles. » (Max Horkheimer) 

« N’imitez rien ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe. » (Victor Hugo)

« Des préceptes généraux empruntés à des prêtres ou à des philosophes, ou même à ses propres ressources, ne sont jamais aussi efficaces qu’un exemple de vertu ou de sainteté. » (Emmanuel Kant)

« Les besoins ne sont pas infinis. Au-delà d’un certain niveau, c’est le jeu social qui les stimule … Chaque couche cherche à imiter la couche supérieure. » (Hervé Kempf – s’inspirant de Thorstein Veblen, Théorie de la classe de loisir – sur la tendance à rivaliser, à se comparer à autrui, à se distinguer d’autrui…) – « Toute classe est mue par l’envie et rivalise avec la classe qui lui est immédiatement supérieure dans l’échelle sociale, alors qu’elle ne cherche guère à se comparer à ses inférieures, ni à celles qui la surpassent de très loin. » (Thorstein Veblen – La théorie de la classe de loisir est explicitée à la fin de la rubrique  Hiérarchie, Anarchie, 395, 1 )…

« Les psychologues et les sociologues constatent les attitudes, les comportements, les rôles ; ils les étudient de façon non critique, entérinant ainsi la ‘mimésis’ et le règne de la ‘mimésis’ sans discerner les fondements, donc sans expliciter ni expliquer. Ils acceptent donc sans autre forme de procès comme une exigence éternelle de la société la tendance générale à la stéréotypie et la tendance à viser pour les imiter les idoles et les Olympiens du monde moderne. » (Henri Lefebvre – cité par Harols Bernat)

« Faire exactement le contraire, c’est aussi imiter. »(Georg Christoph Lichtenberg)

« Qui trop imite affaiblit sa propre imagination. » (Georg Christoph Lichtenberg)

« Qui a le droit d’imiter imite à contrecœur. » (Georg Christoph Lichtenberg)

« Faire l’inverse est aussi une forme d’imitation. » (Georg Christoph Lichtenberg)

« A la loi verticale de l’imitation (de Gabriel Tarde)  s’est substituée une imitation horizontale conforme à une  société reconnue d’égaux. » (Gilles Lipovetsky – à propos du système de la mode)

« La mode et la coutume sont les deux grandes formes de l’imitativité permettant l’assimilation sociale des personnes. Lorsque l’influence des ancêtres cède le pas à la soumission aux suggestions des novateurs, les âges de coutume font place aux âges de mode … Pour la première fois l’esprit de mode l’emporte à peu près partout sur la tradition, la modernité sur l’héritage … Prééminence du présent sur le passé … amour des nouveautés.. » (Gilles Lipovetsky) – Avec la disparition de tout lien stable, de toute cohérence, pour finir dans la dépression générale. Nous y entrons.

« Il est plus facile de faire ce que l’on est que d’imiter ce que l’on n’est pas. » (Louis XIV)

« Les diverses émissions télévisuelles ou radiophoniques, les pages culturelles des quotidiens ou hebdomadaires constitueront pour les ethnologues à venir, un champ d’observation des plus passionnant. Le mimétisme qui y sévit, l’aspect moutonnier présidant aux multiples ‘talk show’ n’a rien à envier au conformisme logique des tribus primitives. Et la plupart du temps, ce sont les plus ‘progressistes’ qui cèdent aux délices de l’imitation clanique ou animale. » (Michel Maffesoli)

« Parlant de la mode qui sévit au sein des ‘groupes étroits’, Georg Simmel remarque qu’il s’agit là d’une ‘violence brutalement faite à l’individualité’ … Il n’est aucun domaine qui lui échappe : du plus frivole à celui réputé le plus sérieux, on retrouve le besoin de s’identifier. Modes vestimentaires bien sûr, mais aussi culinaires, langagières, musicales, sportives … jusqu’aux idées. » (Michel Maffesoli) – Conformisme.  

Exemple d’imitation conjuguée à l’ignorance : « Ce général romain qui fit enlever un cadran solaire à Syracuse, et le fit placer à Rome sans s’inquiéter le moins du monde de la latitude. » (cité par Joseph de Maistre)

« L’imitation est un lien social … Il y en a de toutes sortes : imitation-coutume ou imitation-mode, imitation-sympathie ou imitation obéissance, imitation-instruction ou imitation-éducation, imitation naïve ou imitation-réfléchie… L’imitation ne se conçoit pas sans invention, sans initiatives individuelles. Le plus imitateur des individus est novateur par quelque côté, même à son insu. » (Armand Mattelart)

 « Le désir de distinction n’opère pas seulement entre classes populaires et classes dirigeantes, mais de proche en proche dans la stratification sociale (dynamique d’imitation et alignement sur les modèles de la catégorie immédiatement supérieure) … L’envie qui, au lieu de se propager sagement de bas en haut en fonction d’une ostentation imposée de haut en bas, part dans tous les sens et toutes les directions … N’étant personne, l’individu n’a d’autre ressource que de s’affirmer comme riche, inoccupé, heureux, et surtout visible … Moins l’individu a de substance, plus il a besoin d’ostentation et d’authenticité pour exister, pus il a besoin de sensations pour se sentir exister.» (Yves Michaud – traitant du luxe)

« Celui qui laisse le monde choisir pour lui sa manière de vivre n’a besoin que de la faculté d’imitation des singes. » (John Stuart Mill) – Les sociétés de prétendue sécurité, précaution, de prévention,

« Quand sur une personne on prétend se régler,

« C’est par les beaux côtés qu’il faut lui ressembler. » (Molière – Les femmes savantes)

« Il est de la race de ceux qui se couchent quand les autres sont malades. » (Paul Morand)

« Elle nous pousse à posséder ou désirer des objets possédés par un autre. » (Christine Orsini – sur les thèses de René Girard)

« Il croit que l’imitation voyage du haut vers le bas. » (Mona Ozouf – résumant David Hume sur la société d’Ancien Régime et le rôle alors civilisateur des femmes) – Non pas des valeurs hautes aux valeurs basses, mais des classes dites supérieures vers les classes dites inférieures. Processus qui permet aux soi-disant élites d’aujourd’hui de tout pourrir, à leur exemple.

 « La loi d’élimination des non-conformistes … application de la loi de solidarité … Une société a tendance à s’asservir non seulement les corps, mais les intelligences et les volontés … mimétisme psychique … ‘ Il y a des animaux qui prennent la couleur des milieux végétaux et minéraux où ils vivent ; il y a des hommes qui prennent la couleur morale de leur groupe’ (Sighele). » (Georges Palante)

 « Cette puissance du ressentiment, comment ne pas la voir à l’œuvre dans un monde dominé par le désir mimétique et la revendication victimaire ? Comment ne pas la voir cheminer à travers ces aspirations qui ont moins à voir avec la justice qu’avec le besoin de reconnaissance identitaire ? … Notre époque est habitée par la loi du même et de la copie, du sur-mesure, des parités et des quotas. Le désir de reconnaissance est moins habité par la justice que par une sorte d’esprit de vengeance … Ce que l’autre a, j’y ai droit aussi. Ce que l’autre est, je le suis aussi … Là où l’égalitarisme, le besoin d’instaurer la loi du Même, cet universel du pauvre, est de mise, nul doute que le ressentiment, et sa puissance mimétique, sont, eux aussi à l’œuvre … La haine s’accroît avec la promiscuité même que l’indistinction engendre. » (Paul-François Paoli)

« ‘L’imitation joue le rôle du grand agent de la contrainte sociale’. Elle se propage à la fois par ‘nécessité instinctive’ pour survivre dans un groupe aux valeurs et au cursus commun, et par ‘devoir et obligation’ pour s’illustrer au milieu d’une cour de courtisan. » (Natacha Polony et le comité Orwell – sur le bloc que constitue l’oligarchie et ses laquais – citant Pierre Bovet)

 « L’imitation est un signe d’estime ; le désir d’égaler est une jalousie. » (Alexander Pope)

« Surveillons nos pensées, mesurons nos gestes. Tant d’êtres inintelligents, et surtout impersonnels, sont prêts à les imiter. » (Charles Régismanset)

 « Toute résolution suppose de renoncer à d’innombrables possibilités, d’où la crainte permanente de faire le mauvais choix.. Comment apaiser cette anxiété ? En regardant et en imitant ce que font les autres. Le conformisme calme la peur de se tromper. » (Olivier Rey)

« Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres … Ce manque à être de l’identité personnelle trouve son palliatif le plus ordinaire dans l’acquisition d’une identité d’emprunt. L’imitation de l’autre permet seule à ma personnalité de se constituer (manque d’autonomie du désir, manque d’autonomie tout court : la ‘mimésis’ décrite par René Girard, ‘Mensonge romantique et vérité romanesque’). Incapable d’exister par moi-même, j’emprunte son identité à un autre, dont l’étayage assure l’éclosion et la survie du moi. Le ‘Je’ tire toute sa substance du ‘Tu’ qui la lui alloue (Lacan) … Ce que je prends pour mon ‘moi’ est un moi d’emprunt. » (Clément Rosset – Loin de moi)

« Imiter est un besoin de nature : jeunes, nous imitons autrui ; vieux, nous nous imitons nous-mêmes. » (Père Joseph Roux)

« On aime beaucoup mieux ceux qui tendent à nous imiter que ceux qui tendent à nous égaler, car l’imitation est une marque d’estime et le désir d’être égal aux autres est une marque d’envie. » (marquise de Sablé)

« L’imitation délivre l’individu des affres du choix, le signale comme la créature d’un groupe, comme le réceptacle de contenus sociaux. » (Georg Simmel – sur la mode)

« C’est la victoire de la mode sur les mœurs et les coutumes. Les coutumes éternelles sont nécessairement les perdantes dans un monde d’imitation simultané. » (Peter Sloterdijk – sur la dictature du jeunisme)

« En matière culturelle, trois facteurs de changement de mimétisme : – L’abandon de ses propres traditions sur la base du rattachement à une civilisation supérieure (œcuménisme) – La participation forcée à une hybridation venue d’en haut (impérialisme) – La sécession d’une culture partielle, qui rompt avec la culture directrice sous prétexte de retour aux vrais sources (Réforme et Renaissance). » (Peter Sloterdijk) – Le premier facteur ressemble fort à notre lamentable conversion à la soi-disant culture américaine. Dans son recensement l’auteur oublie une quatrième possibilité, aussi actuelle, l’abandon de toute culture pour le retour à la sauvagerie.

« Le chat n’est pas tenu de vivre selon les lois du lion. » (Spinoza)

« Chacun est prié d’ajouter foi à ce qui est dit, d’aimer ce qu’il faut aimer, de trouver enthousiasmant ce qui veut être trouvé enthousiasmant ; et à tout le moins de faire semblant. » (François Taillandier)

« La société c’est l’imitation, et l’imitation c’est une espèce de somnambulisme  … Les croyances, les opinions procèdent d’un hypnotisme collectif à mille lieues de l’autonomie individuelle. » (Gabriel Tarde)

« Tension entre deux dynamiques : la tendance à l’imitation dont tous les processus tendent à une égalisation comme condition de la paix et de la sociabilité ; et celui, aléatoire, de l’innovation et de l’initiative, qui recharge sans arrêt le monde en inégalités. » (tiré de Gabriel Tarde)

« Tout ce qui est social, et non vital ou physique, dans les phénomènes des sociétés, aussi bien dans leurs similitudes que dans leurs différences, a l’imitation pour cause. » (Gabriel Tarde)

« De même que, chez l’individu, ce qui a fini par être une inconsciente habitude a commencé par être un acte voulu et conscient … dans la nation, tout ce qui se fait, tout ce qui se dit par tradition ou par usage, a commencé par être une importation difficile et discutée. » (Gabriel Tarde)

 « L’Être social est imitateur par essence, et l’imitation joue dans les sociétés un rôle analogue à celui de l’hérédité dans les organismes ou de l’ondulation dans les corps bruts … Une invention inaugure dans le domaine social un nouveau genre d’imitation, ouvre une nouvelle série … analogue à la formation d’une nouvelle espèce végétale ou minérale. » (Gabriel Tarde) – Invention peut signifier groupe d’inventions accumulées (poudre à canon, télégraphe, chemins de fer…

 « Toute répétition … imitative, héréditaire ou vibratoire, procède d’une innovation ; et ainsi le normal … paraît dériver de l’accidentel. » (Gabriel Tarde) – Soit de ce que l’auteur appelle une invention.

 « L’invention est imprévisible. Alors que l’imitation est constitutive du groupe social, l’invention est pure manifestation individuelle … L’invention … naît de la rencontre heureuse du génie individuel d’un courant d’imitation soit avec un autre courant d’imitation qui le renforce, soit avec une perception extérieure intense, qui fait paraître sous un jour imprévu une idée reçue … Mais ces éléments (génialement assemblés) eux-mêmes se résolvent presque entièrement, et de plus en plus  à mesure que la civilisation avance, en éléments psychologiques formés sous l’influence de l’exemple. (prisme de la langue, de la religion, d’une préoccupation dominante, d’une théorie scientifique régnante). » (Gabriel Tarde)

 « Formes d’imitation : imitation-coutume ou imitation-mode, imitation-sympathie ou imitation-obéissance, imitation naïve ou inspiration réfléchie, imitation rayonnante ou imitation diffuse (du roi aux courtisans et des courtisans au roi, à son insu), et même, ‘magnétisation’ à sens unique ( celle qu’exerce des êtres naturellement prestigieux, ces sortes de rois-dieux qui polarisent l’âme de leur peuple, Ramsès, Alexandre, Mahomet, Napoléon…) … La coutume, imitation exclusive, la mode, imitation prosélytique … Plus de dissemblance entre les gens du peuple restés fidèles à leurs vieilles coutumes qu’entre des personnes des classes supérieures, touchées les premières du rayon de la mode envahissante … Plus une nation ou une classe se civilise, plus elle échappe aux bords étroits où la servitude des besoins corporels … enserrait son développement » (Gabriel Tarde)  – L’auteur ne pouvait prévoir en 1890 que cette imitation de mode poussée à l’activisme obsessionnel mènerait à la folie et à la servilité actuelles de nos élites, au déracinement général, à la catastrophe imminente. D’ailleurs « Cette opposition entre la coutume et la mode donne naissance, selon Tarde, à l’opposition centrale de la politique entre le parti des conservateurs et le parti des novateurs. » (Vincent Coussedière) – Or si des novateurs pondérés sont bienvenus, les agités incultes et parfois corrompus actuels nous mènent non pas dans le mur mais dans tous les murs.

« Quelle que soit l’organisation de la société, la marche de l’imitation suit toujours la même loi : elle va du supérieur à l’inférieur, et, dans celui-ci, elle opère du dedans au dehors …  Elle se propage toujours de haut en bas …  L’imitation, grâce à l’invasion de la mode, descend toujours de l’Etat (au sens nation) momentanément supérieur aux Etats momentanément inférieurs, comme elle descend des plus hauts aux plus bas degrés de l’échelle sociale. » (Gabriel Tarde)

« De tout temps les classes dominantes ont été ou ont commencé par être les classes modèles … L’imitation marche du dedans de l’homme au dehors … de la chose signifiée au signe … Un peuple ou une classe qui en imite un autre ne commence pas par copier son luxe … avant de se pénétrer de ses goûts, de ses idées et de ses desseins, de son esprit en un mot … Ce qui signifie que l’imitation des idées précède celle de leur expression, que l’imitation des buts précède celle des moyens … Encore faut-il que le supérieur soit le voisin, que la supériorité ne soit pas trop grande pour décourager l’imitation Les idées et les dogmes se répandent plus aisément que les usages et ceux-ci ne s’assimilent que lentement à la suite de ceux-là … La fusion des croyances, toujours et partout, s’est accomplie longtemps avant celle des mœurs et des arts (extension des religions sur une multitude d’Etats minuscules, Delphes et Olympie malgré le morcellement des cités grecques). » (Gabriel Tarde)

 « Le penchant à imiter l’étranger ou le voisin ne va pas croissant continuellement … Sans doute, quand ces relations sont à peu près nulles on ne saurait tendre à l’imiter … Mais, à l’inverse, quand on le connaît trop pour pouvoir continuer à l’admirer ou à l’envier, on cesse de prendre modèle sur lui … Il y a  donc un point entre le défaut et l’excès de communication … On peut dire que c’est le point optique où l’on est assez rapproché pour avoir toute l’illusion du décor et pas assez pour apercevoir les coulisses. » (Gabriel Tarde)

 « M. Ribot fait remarquer que la mémoire des sentiments est bien plus persistante que celle des idées. Nous en dirons autant de l’imitation des sentiments comparée à l’imitation des idées. » (Gabriel Tarde)

 « Des lois de l’imitation découle la nécessité d’une marche en avant vers un grand but lointain … à savoir … la naissance, la croissance, le débordement universel d’une société unique … Ce qu’il y a d’invincible et d’irrésistible, en vertu des lois de l’imitation, dans l’immense poussée universelle vers l’uniformité. » (Gabriel Tarde)

« Il faut beaucoup se méfier des unanimités ; rien ne dénote mieux l’intensité de l’entraînement imitatif. » (Gabriel Tarde)

« Triomphant sur tant de points importants, grâce à l’anglomanie, l’imitation-mode s’est déchaînée, a débordé sur tout et produit le plus grand cyclone social jamais vu … Il fallait trouver la force destructrice du passé français, et c’est à cela qu’a servi l’esprit de dénigrement du passé français, inspiré par l’anglomanie. » (Gabriel Tarde) – La prostitution de nos élites depuis avant même la Révolution de 89, avec en apothéose : la boucherie de 1914, en aboutissement : la soumission actuelle au mondialisme destructeur.

« Quand le modèle est le raider, le golden boy, le publicitaire ou le pitre télévisuel, quand la réussite s’autolégitime, le mimétisme fabrique des fauves. » (Denis Tillinac)

« Le génie commence par le pastiche. » (?) – Les plus grands génies ont commencé par imiter.

« Les génies ne sont créateurs que pour avoir observé. » (?)

« Prends garde : à jouer au fantôme, on le devient. » (?)

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