365,1 – Gestes, Mains

– Leur observation, à la portée de tout un chacun, donne une idée précieuse de l’ordre mental. Celui-ci ne se divise pas, il est révélé sûrement par un certain ordre comportemental. Et, c’est bien justement pour cela que le comportement gestuel est terriblement révélateur de l’ordre mental (comme d’ailleurs la précision des mots employés – à niveau culturel correct bien sûr).

– Un bon recruteur ne se trompe pas sur le diagnostic, l’abus, et même l’usage modéré, de gestes, notamment des mains, est éliminatoire  .

– Exemples simplistes : portes, lumières, robinets, démarrage d’une voiture et conduite… Manipulation des objets : débranchement  des prises de courant en tirant sur le fil, vacarme causé par le heurt bruyant des ustensiles de cuisine… Ce n’est pas parce qu’il y a un interrupteur qu’on est censé appuyer dessus, tel l’enfant ancré dans sa stupidité native. Un robinet ne doit pas forcément être ouvert en grand pour fournir un verre d’eau ou laver une petite cuiller.

– Le désordre dans les gestes, dans les mains, reflète le désordre dans la tête. Des mains incontrôlées révèlent un esprit confus ou absent, inapte à l’action ordonnée, parfois rétif – futur candidat pour la communauté fondée par monsieur Alzheimer ? On dira : ce n’est que de la nervosité, en croyant se dédouaner en accusant celle-ci. C’est invoquer le pire, car alors c’est avouer que ce n’est plus seulement le corps qui est en cause, mais la tête, ce qui est plus grave. On dira : c’est machinal, c’est avouer qu’on fonctionne comme une machine, belle excuse.

– Nul ne se sent en sécurité, sur tous les plans y inclus l’affectif, avec un hypernerveux, comme avec un hyperémotif – les mêmes généralement. Le mépris pour les choses, pour l’environnement, vaut dédain pour les gens. La brutalité avec les objets vaut brusquerie avec les gens. L’une suit l’autre. Regardez comment il, ou bien elle, ouvre et ferme un robinet, manipule un interrupteur, un bouton, une télécommande, un levier de vitesse, utilise un moteur (la voiture est un excellent révélateur), claque une portière et vous serez renseigné sur la douceur (prétendue) de la personne en question.

– Le travail manuel peut se révéler une aide considérable pour discipliner son comportement et ordonner sa réflexion (les deux vont de pair). La matière n’obéit qu’aux gestes justes ; on ne la trompe pas.

– Quand on voit un (ou une) orateur, tribun, locuteur, les journalistes de télévision étant les grands pratiquants de ces gesticulations insensées, scander sans cesse leur discours de gestes continuels, souvent répétitifs et symétriques, accompagnés de martiaux mouvements de menton si le thème s’y prête, on peut être assuré qu’ils (ou elles) ne croient guère à ce qu’ils disent et qu’ils essayent ainsi de faire passer, par l’impression, une conviction qu’ils n’ont nullement dont ils tentent peut-être même de se persuader eux-mêmes, tout en s’efforçant de restreindre le plus possible  l’attention que pourrait porter de l’auditeur au contenu de leur dire. « Il y a des gens qui gesticulent de la voix. » (album Richepin) – «  Conspiration entre la parole et le geste pour duper l’entendement. » (Ambrose Bierce – Le dictionnaire du diable)

– Pour un individu ordinaire, l’abus de gestes avoue un manque de sureté de soi et de son argumentation (excepté pour certains méditerranéens). On peut même, si on en a quelque autre raison, renforcer le soupçon de mensonge délibéré. 

« A la langue de bois correspond fréquemment le ‘corps de bois’, une gestuelle particulière, sorte de litanie rythmique … mouvements répétitifs, respectant un rythme uniforme et le plus souvent symétriques … Monotonie que l’on retrouve dans le timbre de la voix, ainsi que dans les constructions linguistiques (diarrhée verbale, abus d’adverbes, franchement, honnêtement, réellement, forcément…) … Les mains qui scandent et qui moulinent ensemble dans un même rythme sont une des composantes les plus perceptibles du ‘corps de bois’ … Alors que les ruptures de rythme (corporelles et langagières) sont synonymes de bonne foi. » (Elodie Mielczareck – Déjouez les manipulateurs)

Quelqu’un qui croit à ce qu’il dit se dispense, sobrement, de ces gestes d’intimidation, il a tué la marionnette (Paul Valéry).

– Sur l’équilibre, la douceur et l’harmonie des gestes, Joseph Joubert plaisantait, peu galamment : « Soyez certain que, quand vous en voyez qui prennent tout à poignée, qu’il n’est rien au monde qu’elles refusassent d’empoigner. »

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« Le geste disait, engageait. » (Paule Amblard) – Avant que l’écrit ne l’emporte.

« Une démarche lente est généralement regardée comme la marque d’un homme magnanime, ainsi qu’une voix grave et un langage posé … Une voix aiguë et une démarche précipitée sont l’effet d’un tempérament agité et excitable. » (Aristote)

« Rien ne révèle et ne modifie davantage le caractère de l’homme que son rapport avec l’environnement. » (Emmanuel Berl) – Lequel commence avec les poignées de porte, les robinets et les interrupteurs.

« Ce n’est pas Dieu qui est au centre de l’univers, ce n’est pas nous non plus, ce sont nos gestes quand ils sont appliqués au simple et à l’utile. » (Christian Bobin)

« Il n’y a rien de si délié, de si simple et de si imperceptible, où il n’entre des manières qui nous décèlent. Un sot ni n’entre, ni ne sort, ni ne s’assied, ni ne se lève, ni ne se tait, ni n’est sur ses jambes, comme un homme d’esprit. » (La Bruyère)

« Tous les gestes engagent ; surtout les gestes généreux. » (Roger Martin du Gard)

« La civilisation médiévale est une civilisation du geste. Tous les contrats et les serments essentiels s’accompagnent de gestes, se manifestent par eux. Le vassal met ses mains dans celles du seigneur … on prête serment sur un livre sacré … on jette un gant par défi … Il est plus important encore dans la vie liturgique. – Gestes de foi : signes de croix – gestes de prière : mains jointes – gestes de pénitence : on bat sa coulpe – gestes de bénédiction : imposition des mains – gestes d’exorcismes : encensements … Le genre littéraire  féodal par excellence, c’est la chanson de gestes … Le geste signifie et engage.» (Jacques Le Goff) – On comprend que dans nos sociétés modernes où aucun engagement ne vaut, ou la possibilité de trahir doit rester ouverte, le geste consécrateur, soit oublié, rejeté.

« Il n’est nulle part deux mots semblables, pas plus qu’il n’est deux gestes identiques. » (Henri Gougaud)

« Tous les gestes sont bons quand ils sont naturels, ceux qu’on apprend semblent toujours faux. » (Sacha Guitry)

« Imitez le temps. Il détruit tout avec lenteur. Il mine, il use, il déracine, il détache et il n’arrache pas. » (Joseph Joubert)

« ‘Le geste est la seule chose qui soit accomplie en elle-même’. Le geste est cela même qui ponctue l’animation des rues, le rite des sociétés de cour et même l’activité du monde de la production et des services … Le geste est là pour rappeler que la théâtralité est le dénominateur commun des situations de l’ensemble de l’existence … Le geste se suffit à lui-même, il est accompli en lui-même, il s’épuise dans son actualisation. Il est éphémère et insignifiant comme un jeu, mais il en a également toute la gravité. » (Michel Maffesoli – citant Georg Lukàcs)

« Pour persuader la multitude, il ne faut que des cris et des gestes. Le peuple n’écoute pas, il regarde parler. » (Paul Masson)

« Un changement d’état corporel correspond à un changement d’état mental … Les gestes sont les indices de l’état d’esprit de votre interlocuteur. » (Elodie Mielczareck)

« Les structures figées que l’on retrouve dans la langue de bois (répétitions, tournures désincarnées, occupation de l’espace sonore avec du vide sémantique, etc.), se retrouvent dans le corps : gestes monotones,, répétitifs et vides (mains qui balaient ensemble, qui moulinent ensemble, regard fixe, etc.) » (Elodie Mielczareck)

« Il n’est mouvement qui ne parle. » (Montaigne)

« Sans vos gestes, sans la manière que vous avez de vous mouvoir, j’ignorerais tout du secret lumineux de votre âme. » (José Ortega y Gasset)

« La posture et l’esprit peuvent être en unité. Si la posture est juste, l’esprit est juste. Si la posture ne bouge pas, l’esprit ne bouge pas. Si la posture est tranquille, l’esprit est tranquille. Posture, attitude, comportement influencent l’esprit. » (Marc de Smedt – sur le Zen de maître Deshimaru)

 « Le comportement l’emporte sur le discours. Les gestes de la vie priment les mots. » (Raoul Vaneigem)

« L’âme n’a pas de secret que la conduite ne révèle. » (proverbe)

« Réduisez vos gestes. » (?)

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