310,1 – Extrémisme ; Fanatisme

– Terme servant souvent à disqualifier toute position qui ne se situe pas dans le marécage ambiant, ce qui se distingue de la médiocrité générale, donc ce qui ressort de ce qualificatif n’est ni convenable ni fréquentable. A prononcer sentencieusement, avec des larmes dans la voix si on est doué. Comme incantation n’a pas à se démontrer.

-Il suffit de qualifier d’extrême une personne, un mouvement, un parti… pour terroriser le Bobo, successeur du bourgeois en plus hypocrite, qui, lui, ne pousse l’extrémisme que dans la servilité.   C’est bien pratique 

– On trouve un exemple de caractère extrême dans la nature féminine (elle convenable et très fréquentable) ; beaucoup de bons auteurs l’ont constaté, La Bruyère… Il transforme aisément des collines en montagnes et des fossés en ravins. Il est extrême sous tous aspects, dans le Plus comme dans le Moins (écartons les notions de Bien et de Mal) en patience, franchise, capacité de sacrifice, comme en impulsivité violente, ruse ou rouerie, dans le meilleur comme dans le pire, dans le plaisir comme dans la peine, dans ses passions, dans ses actes de dévouement comme de détestation, dans l’amour infini comme dans la vengeance mesquine…

– Notre système politique est déséquilibré, s’il existe bien une extrême droite, que l’on voit partout, il n’y a pas d’extrême gauche, seulement une étrange gauche de la gauche, ce qui est nettement moins inquiétant..

– De même il ne saurait être  de fondamentalisme que religieux. Nul n’évoque le fondamentalisme démocratique, cependant mêlé, sinon à l’origine, des guerres les plus récentes : Balkans, Moyen-Orient surtout, Ukraine… « La démocratie serait en quelque sorte contagieuse et il suffirait qu’on la sème, par la force si nécessaire, pour qu’elle se diffuse … L’Amérique conscience démocratique de l’humanité en marche vers sa réconciliation. » (Mathieu Bock-Côté – sur l’invasion de l’Irak) – On a vu le résultat ! De même pour la stupidité de l’intervention déstabilisatrice de la France en Libye en 2011.

On peut aussi voir à la rubrique Mesure / Excès, 490,1.

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« Le préjugé ainsi appuyé sur de nobles passions, c’est le fanatisme.» ( Alain).

« Penser aux extrêmes. » (Louis Althusser)

« Trois dispositions, deux vices : l’un par excès et l’autre par défaut, et une seule vertu consistant dans le juste milieu. Et toutes ces dispositions sont d’une certaine façon opposées à toutes. En effet, les états extrêmes sont contraires à la fois à l’état intermédiaire et l’un à l’autre et l’état intermédiaire aux états extrêmes, de même que l’égal est plus grand par rapport au plus petit et plus petit par rapport au plus grand… » (Aristote – discussion sur les vertus) – Le juste milieu, la voie droite.

« L’éloge du fanatisme par le non fanatique, une philosophie de l’engagement qui se borne à interpréter l’engagement des autres et ne s’engage pas elle-même, laisse une étrange impression de dissonance. » (Raymond Aron) – Voir nos grands philosophes de Saint-Germain-des-Prés. Raymond Aron est bien gentil en n’évoquant qu’une impression de dissonance.

« Dans les époques de désagrégation, lorsque des millions d’hommes ont perdu leur milieu accoutumé, surgissent les fanatismes. » (Raymond Aron) – Merci la mondialisation et les stupides jeunes imbéciles qui se qualifient de citoyens du monde.

« Appelons de nos vœux la venue des sceptiques s’ils doivent éteindre le fanatisme. » (Raymond Aron)

« Qu’une particule de vie exsangue, non riante, renâclant devant des excès de joie … atteigne, ou prétende avoir atteint, l’extrême, c’est un leurre. On atteint l’extrême dans la plénitude des moyens : il y faut des êtres comblés, n’ignorant aucune audace. Mon principe contre l’ascèse est que l’extrême est accessible par excès, non par défaut. » (Georges Bataille)

 « L’illusion d’abolir les phénomènes extrêmes (Sida, terrorisme, krachs financiers, virus électroniques, catastrophes technologiques…) est totale. Ceux-ci se feront de plus en plus extrêmes à mesure que nos systèmes se feront plus sophistiqués … Heureusement d’ailleurs, car ils en sont la thérapie de pointe … Prophylaxie par le chaos contre une montée aux extrêmes  de l’ordre et de la transparence. » (Jean Baudrillard)

« La loi qui nous est imposée est celle de la confusion des genres. Tout est sexuel. Tout est politique. Tout est esthétique … Tout a pris un sens politique … tout est objet de désir, tout s’interprète en termes de fantasmes, de refoulements … la politique s’esthétise dans le spectacle, le sexe dans la publicité, l’ensemble des activités dans ce qu’il est convenu d’appeler la culture… » (Jean Baudrillard)

« Nous ne pratiquons pas l’intégrisme fondamentaliste dur, nous pratiquons l’intégrisme démocratique mou, subtil et honteux, celui du consensus. Cependant l’intégrisme consensuel (celui des Lumières, des droidlom, de la gauche au pouvoir, de l’intello-repenti, de l’humanisme sentimental ) est tout aussi féroce. » (Jean Baudrillard)

« Il vaut mieux périr par les extrêmes que par les extrémités. » (Jean Baudrillard)

« Suivant la citation de Talleyrand ‘tout ce qui est excessif est insignifiant’, le bourgeois voudrait bien que ‘lézextrêmes’ soient insignifiants …. ‘Lézextrêmes’ ont en commun des sentiments extrêmes. » (François Bégaudeau)

« L’extrémisme … consiste à pousser jusqu’à l’absurde même les idées les plus justes. Il relève de l’excès, de la démesure, de la généralisation abusive, voire de l’idée fixe. Il est réducteur, simpliste, borné. Conduisant à raisonner de manière toujours prévisible, en employant des mots qu’on répète de manière fétichiste, il fossilise la pensée. » (Alain de Benoist)

« Quand on veut noyer son chien, on l’accuse de la rage. En amalgamant toutes les forces de contestation radicales à l’extrémisme le plus brutal, la société du spectacle neutralise les véritables radicalités : islamistes ou décroissants, tous dans le même sac ! Ce faisant, elle nous empêche de changer d’imaginaire et de structures et organise le statu quo. Dans ce jeu de dupes, le citoyen n’est plus qu’un électeur, la démocratie qu’une grande surface. » (Gaultier Bès) – L’oligarchie dominante, disposant des média, utilise l’amalgame, la pensée unique et le mythe de dangers imaginaires construits en …isme pour déconsidérer toute contestation et continuer la course à l’abîme.

« Cet argument sempiternel de l’extrémisme – dernière injure à la mode qui ne veut plus rien dire ! – est devenu le salut de ceux qui ne veulent plus argumenter ni contredire mais seulement se donner raison par l’invocation d’un prétendu excès que rien ne démontre. Cette notion d’extrémisme est un concept vague dont on ne connaît pas la référence – par rapport à qui, à quoi ? – et qui offre le grand avantage de ne jamais avoir à démontrer la validité de son reproche. » (Philippe Bilger)

« Les extrêmes se touchent, dit-on. – Lorsque vous êtes à bout de patience et sur le point de vous livrer à la colère, une lueur de bon sens vous montre que vous n’êtes pas le plus fort et que l’éclat de votre colère ne serait dangereux que pour vous-même. Alors subitement vous devenez semblable à un agneau … Par exemple, vous pouvez, madame, être extrêmement belle et extrêmement stupide… » (Léon Bloy – Exégèse des lieux communs – 2, LXXVIII)

« On peut être modéré avec des opinions extrêmes. » (Louis de Bonald) 

« Il est possible de croire des choses folles sans être fou soi-même … Des gens ordinaires, sympathiques et sincères intégrés dans un groupe bouddhiste croyaient que le gourou était capable de faire léviter des éléphants. »  (Gérald Bronner – Déchéance de rationalité)

« Un croyant peut endosser une croyance pour toute une série de raisons, il ne l’abandonnera pas pour autant si vous lui montrez une à une que ces raisons sont mauvaises … le cerveau mobilise des ressources impressionnantes pour ne pas renoncer à son système de représentation … N’aller chercher que des informations qui vont affermir sa croyance, ne mémoriser que les éléments qui lui sont favorables, oublier et transformer les faits qui pourraient l’affaiblir, discréditer ceux qui tenteraient de lui opposer des contre-arguments. »  (Gérald Bronner)

« Biais d’intentionnalité : des individus sont plus portés à attribuer des événements (par exemple, accident, incendie…) à des causes intentionnelles de préférence à des causes non intentionnelles … vers des intentions supposées … La logique conspirationniste est précisément celle qui ne parvient pas à se confronter à la complexité d’un monde beaucoup plus désordonné qu’elle ne l’imagine. »  (Gérald Bronner)

 « Il ne faut pas prendre ses désirs pour des réalités. » (adage) – Mais l’adage exprime « le biais  motivationnel, soit la contamination du croire par le désir …Le fait de laisser notre vision des faits ou des événements ou des prévisions être contaminés par notre désir … Engagé dans un processus de crédulité le croyant désire conserver ses croyances, en évitant ce que Léon Festinger appelait la ‘dissonance cognitive’ … Adhésion ou  rejet  d’une autre croyance selon qu’elle est en consonance ou en dissonance avec son système de représentation … L’être humain tente toujours de réduire les contradictions entre le système de représentation et les actes qu’il peut produire ou les informations tendant à invalider  ses croyances. »  (Gérald Bronner)

« La ‘sunk cost fallacy’ ou le  sophisme de la dépense gâchée : poursuite obstinée d’une ligne de conduite qui représente un investissement en argent, temps ou énergie … la difficulté de renoncer à un effort devenu inutile mais représentant une vie ou une tranche de vie, ou représentant une dépense importante. ‘je ne peux pas me permettre de reculer’, et aussi bien, ‘je ne peux pas me permettre de douter’. » (tiré de Gérald Bronner – sur la difficulté  de faire renoncer à une croyance ancrée, même devinée fausse par l’intéressé)

«  Lorsque des individus entretiennent un rapport inconditionnel avec des idées millénaristes, ils pensent qu’ils n’ont rien à perdre … Aucun sacrifice n’est excessif pour celui qui croit qu’il en sera bientôt infiniment récompensé … Et rien n’est plus grand que la réalisation d’un destin collectif, autorisant toute les exactions. » (Gérald Bronner – Déchéance de rationalité) – Terrorisme certes, mais aussi suicides collectifs au sein de sectes. 

« Parlons plutôt de ‘pensée extrême. La radicalisation n’étant qu’un des processus. Est extrême l’adhésion inconditionnelle à des idées radicales. » (Gérald Bronner)

« La spécificité de la pensée extrême tient au fait qu’elle adhère ‘radicalement’ à une idée ‘radicale’ … L’adhésion à des croyances dites peu ‘transubjectives’ (transubjectives : partageables…) mais dites peu ‘sociopathiques’ (sociopathiques : croyances impliquant lutte, rivalité) est celle des  collectionneurs extrêmes, ‘fans’ folkloriques, fondamentalistes, membres de sectes non agressives … L’adhésion à des croyances dites peu transubjectives mais très sociopathiques est celle de personnages messianiques, potentiellement terroristes. » (Gérald Bronner)

« Le vrai moteur de l’intégrisme, c’est moins le respect sourcilleux de la tradition que la terreur d’un mode d’existence fondé sur l’autonomie individuelle, l’innovation perpétuelle, la dislocation de l’autorité. » (Pascal Bruckner)

« On s’effraie des partis violents ; mais ils conviennent aux âmes fortes, et les caractères vigoureux se reposent dans l’extrême. » (Chamfort)

« La liberté poussée jusqu ‘au bout ramène à la haine, l’esprit critique total à la foi totalitaire, la négation du réel et de l’action à leur culte, pour peu que les circonstances y contribuent. » (Bernard Charbonneau)

« Notre société de la minceur et des régimes est aussi celle de l’obésité et du surpoids. » (Sébastien Charles) – Excès en tout.

« N’être plus tenté que par l’au-delà des… extrêmes. » (Emil Cioran)

« Faire la part des choses témoigne d’une perturbation inquiétante. Qui dit ‘vivant’ dit ‘partial’ : l’objectivité, phénomène tardif, symptôme alarmant, est l’amorce d’une capitulation. » (Emil Cioran)

« Celui qui, avant la trentaine, n’a pas subi la fascination de toutes les formes d’extrémisme, je ne sais si je dois l’admirer ou le mépriser, le considérer comme un saint ou comme un cadavre. » (Emil Cioran)

« Les idéologues s’inventent un paradis dans le temps situé soit aux origines, soit dans l’avenir, selon que l’on cultive la nostalgie du passé ou l’idolâtrie du progrès … Cette idée est liée à ce ‘grandiose non-sens’ de la perfectibilité humaine, et de cette illusion naissent tous les fanatismes. » (Emil Cioran)

« Le fanatisme est l’œuvre des sociétés de pensée en général. » (Augustin Cochin)

« Non seulement les extrêmes se touchent, mais ils se suivent. Une exagération produit toujours l’exagération contraire … L’ordre naturel des choses se venge des outrages qu’on veut lui faire, et plus la compression a été violente, plus la réaction se montre terrible. » (Benjamin Constant) – Et c’est bien par peur de cette réaction pressentie que tout totalitarisme (celui qui règne en France comme les autres) finit par se durcir jusqu’à la férocité.

« Pas de plus grande faute morale en démocratie que de se croire en situation de monopole sur le bien, le juste et le vrai … Au mieux on se passera de l’avis des simples mortels, au pire, on se permettra de les rééduquer, de les psychiatriser, ou même de les enfermer. L’histoire du XX° siècle l’a amplement confirmé … C’est la tentation du fanatisme … La démocratie ne saurait faire l’économie du conflit … Une société qui ne serait que conservatisme serait étouffante et vouée à la muséification, une société qui ne serait que progressisme  serait vouée à la dissolution et à la liquéfaction. » (Mathieu Bock-Côté)

« L’intégrisme est un choix personnel. » (Philippe Couillard, premier ministre du Quebec) – Comme la lâcheté et le goût du chocolat sans doute. Vive les assassins. Tolérable la seule condition de saboter l’harmonie de la société libérale.

« L’expression ‘extrême gauche’ est prohibée, on doit dire la ‘gauche de la gauche’. A l’inverse, les intellectuels sont propres à ‘extrême-droitiser’ tout ce qui déborde ‘à droite du centre-droit’, selon la formule de l’un deux. » (Marc Crapez) – En clair tous les extrémistes sont à droite, telle est la leçon officielle.

« Le fanatisme de la raison a profané non pas seulement la raison comme vérité, mais l’idée même de vérité. » (Chantal Delsol) – De 1793 à 1989 (chute du mur), les dogmatismes récents et le terrorisme de la vérité.

 « J’ai vu l’amour, la jalousie, la superstition, la colère portée dans les femmes à un point que l’homme n’éprouva jamais. » (Diderot – Sur les femmes) – Le dévouement aussi.

« L’hystérie de la modération confirme qu’elle résulte de la recherche systématique du consensus, qui n’admet effectivement qu’une gamme restreinte de choix de pensée et d’expressions. » (Jean-Philippe Domecq – sur l’invasion des modérateurs dans tout média) – Dont la fonction n’est autre qu’exercer la censure au profit du groupuscule dominant et empêcher le peuple d’’être informé autrement que par les canaux officiels.

« L’attaque contre les Etats-Unis a été la conséquence non seulement des réseaux terroristes  islamistes en réaction à toutes les humiliations … que l’Amérique a fait subir … mais aussi de l’exaspération croissante de tous les pays devant l’hégémonie, réelle ou supposée, des Etats-Unis … Baudrillard a raison de dire que le Bien ne peut éradiquer le Mal, car Bien et Mal ne s’opposent pas, ils croissent ensemble. Toute force engendre une force de sens opposé. Plus une nation devient riche, plus dans le même temps certains de ses ressortissants deviennent pauvres ; plus une institution grandit et se montre forte, plus elle se fragilise … Ce n’est dés lors pas un hasard que l’une des nations les plus civilisées (l’Allemagne) ait pu inventer les chambres à gaz … que deux vieilles nations (l’Angleterre et la France) ont pu parfois se comporter comme des colonisateurs barbares … Tout pouvoir finit par susciter une résistance pourvue d’une même force et parfois d’une force supplémentaire … Le  sens est qu’on ne peut rien pousser aux extrêmes sans provoquer un effet en retour … C’est la raison pour laquelle tout système social devrait être ‘approximatif’ ; que toute politique se devrait d’être précise, exigeante, mesurée limitée, débarrassée de ses tendances paranoïaques ou perverses… » (Eugène Enriquez)

« Ne nous réjouissons pas trop vite cependant : l’indifférence désinvolte aux grandes causes a pour contrepartie l’abdication devant la force, et le fanatisme qui disparaît des sociétés occidentales, risque bien de céder la place à une autre maladie de la volonté … : l’esprit de collaboration. » (Alain Finkielkraut) – Depuis le temps qu’on nous fait baigner dans la lâcheté. Voir le livre de Michel Houellebecq, Soumission.

« Le fanatisme de la raison. » (Frédéric II) – « Lequel s’est manifesté avec éclat dans la Révolution française. » (Gustave Thibon) – Et depuis lors.

« Aucune guerre ne se gagne sans une dose de fanatisme. Le fanatisme est autre chose que l’extrémisme religieux ou la haine ethnique qui se manifeste parfois en Inde ou au Rwanda par exemple. Le fanatisme est avant tout l’attachement viscéral et exclusif à une cause au point de perdre amis, famille et situation. Un fanatique ne s’empêche plus. Il s’autorise à puiser au fond de lui-même les ressources que la civilisation a toujours utilisées pour provoquer le changement : la fureur, l’optimisme absolu et un certain grain de folie. Le fanatisme est l’arme des faibles et nous autres, adversaires du progressisme, sommes très faibles. » (Driss Ghali)

« Le culte de l’émotion n’a pas seulement pour victimes la raison et la réflexion. Il évacue cette  dimension affective, le sentiment … La victoire du sexe sur l’amour peut être comprise en ce sens … La vie émotionnelle est de nature addictive … elle obéit aux mêmes lois que la dépendance … Pour atteindre un état équivalent de jouissance l’individu doit recourir à des excitations toujours plus fortes. D’où cette montée aux extrêmes du sexe, de la violence et de la mort, observable au cinéma, dans les chansons, les jeux vidéo… On considérerait comme des malotrus des footballeurs qui ne s’embrasseraient pas ne monteraient pas les uns sur les autres après quelque phase de jeu… Lorsqu’il n’y a plus de sensation que dans le sensationnel la sensibilité disparaît. » (Christian Godin) – A ce dernier niveau de stupidité !

« Les intégrismes … fonctionnent comme des substituts d’identité sociale qui protègent l’individu contre les rapports sociaux de compétition et situent son identité sur un terrain abrité contre les valeurs, les pressions, les exigences changeantes de la société ambiante. » (André Gorz – Misère du présent)

« Le danger des opinions extrêmes c’est que, sorties du cerveau qui les engendra, comme d’une fleur où elles étaient gracieuses, elles s’en vont, germes insensés, se décomposer dans les terrains les plus revêches . » (Rémy de Gourmont)

« On précipitait ce mouvement de désespoir qui pousse à l’extrémité du mal quand on se sentait incapable de l’extrémité du bien. On absolvait l’un pour viser à l’autre et ne condamner que la foi moyenne. » (Jean Guitton – sur l’extrémisme cathare)

« C’est facile d’être contre tous les fanatismes lorsque soi-même on n’a pas d’Histoire ; je suis en quelque sorte acculé à la tolérance et obligée de me demander si ce n’est pas après tout, le fanatisme qui seul secrète l’intensité … Rien de plus facile, en effet, pour une jeune femme intellectuelle que de se déclarer apatride et antipatriotique … Le moi,, ça ne se trouve pas, ça se fabrique, et toujours de bric et de broc » (Nancy Huston – sur sa propre histoire et sa compréhension des rues du Marais (quartier parisien) striées de contradictions, où sont concentrées toutes les tensions du Moyen-Orient en plus de celles propres à l’Europe)

« Les utopismes nous proposaient une forme positive de l’absolu. Dans un monde où il n’est plus possible de croire en de tels ‘avenirs radieux’ (Holocauste, Goulag, Hiroshima et ce qui vient à grands pas…), nous sommes heureux, et désireux, d’en entendre la forme négative. Lumière éblouissante ou puissance infinie des ténèbres : ici et là, c’est toujours d’absolu qu’il s’agit ; c’est le caractère ‘illimité’ du phénomène qui nous attire, nous hypnotise, nous enchante littéralement. Il est peut-être impossible de vivre sans absolu sous une forme ou sous une autre, mais sommes-nous vraiment obligés de choisir entre ces deux extrêmes, le ‘y a qu’à’ et le ‘n’est que’ ? » (Nancy Huston) –  Les courbes des deux extrêmes se croisent et s’opposent,  l’une monte pendant que l’autre descend.

« Ridiculiser, ce n’est pas encore réfuter. Les beaux esprits inventent toutes sortes de prétexte pour ne pas choisir, pour renvoyer dos à dos les extrêmes. Ne pas choisir, c’est encore un choix. » (Vladimir Jankélévitch) – Une attitude très bourgeoise.

« Le vérisme qui prêche la vérité à tout prix sabote la vérité ; le libertaire qui préconise la liberté dans tous les cas la ridiculise et la rend contradictoire. » (Vladimir Jankélévitch)

« L’extrémisme est cette percée apparente à travers les remparts qui investissent notre finitude … Un purisme désespéré à la mesure de l’innombrable et inextricable pluriel … La ‘magie des extrêmes’, l’attirance de tout ce qui est premier ou dernier, extrême, suprême ou ultime, le tropisme du superlatif en un mot, sont parmi les symptômes les plus évidents de notre modernité, depuis la furie des records … etc … La grenouille inflationniste qui veut se faire aussi grosse qu’un mammouth devient tout simplement une grenouille monstrueuse. Et pourtant « Nous ne goûtons rien de pur » (Montaigne), « C’est sortir de l’humanité que de sortir du milieu » (Blaise Pascal), « Nous sommes entre les deux extrémités » (Baltasar Gracian) –  (l’ensemble étant de Vladimir Jankélévitch) – Il ne s’agit pas là de ce que les média qualifient méchamment d’extrémisme, mais justement de l’inflation grotesque à laquelle ces organismes se livrent pour traiter du plus minuscule événement.

« ‘Fanatique’ et ‘fanatisme’ sont des mots qui sont toujours employés dans un sens extrêmement réprobateur … Le mot ‘fanatique’ est toujours pourvu d’une forte charge négative, il désigne un attribut menaçant, répulsif … Toute connotation péjorative a disparu dans l’usage courant que la langue du III° Reich fait de ce mot … Superlatif, il signifie une surenchère par rapport aux concepts de témérité, de dévouement et d’opiniâtreté, il amalgame glorieusement toutes ces vertus … Il remplace et se substitue au mot ‘passionnément’. » (Victor Klemperer)

« Ni la seconde Mouchette ni aucun des personnages de Bernanos ne font leur salut en obtenant la moyenne. » (Sébastien Lapaque – à propos de Georges Bernanos)

« Caractéristiques les plus indésirables et les plus inquiétantes  du comportement en situation extrême (de crise, de péril, de désastre…) : observation de soi ironique, individualité changeante, anesthésie émotionnelle, concentration sur les petits obstacles immédiats, sur le présent et l’environnement immédiats, l’individu passant du Moi assiégé au rôle d’observateur détaché, perplexe et ironique, en recherche de l’invulnérabilité …. En rejetant l’espoir le survivant rejette aussi le désespoir. » (Christopher Lasch – Le Moi assiégé) – « Affirmation existentielle de l’individualité comme  la seule réponse valable à des situations extrêmes’ (Bruno Bettelheim)

« Enthousiasme et fanatisme. L’un appartient à la grandeur de l’âme, et l’autre à la petitesse de l’esprit : l’un enflamme pour la gloire, et l’autre pour une secte, une façon de penser ou un personnage qui ne le mérite pas. » (prince de Ligne)

« Chaque domaine (de la société moderne), livré à une dynamique illimitée, présente un versant en quelque sorte excroissant, démesuré, hors limite (volume de capitaux en circulation, hypermarchés de plus en plus gigantesques, la galaxie internet et ses millions de sites, de pages, mégalopoles asphyxiées, hypersurveillance de chacun et de tous) … L’escalade paroxystique du ‘plus vite’, ‘toujours plus’ … Même les comportements individuels sont pris dans l’engrenage de l’extrême (frénésie consommatrice, dopage, sports extrêmes, tueurs en série, boulimie, anorexie…) … Qu’est-ce qui n’est plus hyper : hypercapitalisme, hyperclasse, hyperpuissance, hyperterrorisme, hyperindividualisme, hypermarché, hypertexte, hypersurveillance … Tout ne fonctionne pas à l’excès, mais plus rien ne se trouve épargné … par les logiques de l’extrême … L’hypercapitalisme se double d’un hyperindividualisme détaché, législateur de lui-même, tantôt prudent et calculateur, tantôt déréglé, déséquilibré, chaotique … Par ses opérations de normalisation technique et de déliaison sociale l’âge hypermoderne fabrique dans le même mouvement de l’ordre et du désordre, de l’indépendance et de la dépendance subjective, de la mesure et de la démesure. » (Gilles Lipovetsky)

« Personne n’a le monopole du fanatisme et personne n’a, à l’inverse, le monopole de l’humain. »  (Ain Maalouf) – Suffit de voir combien les adorateurs des vertueuses démocraties jouissent en bombardant femmes et enfants, depuis les Anglo-américains sur Hambourg, Dresde et la moindre bourgade allemande jusqu’à nos jours avec l’hypocrite droit d’ingérence.

« Face à un modèle sans repères et dénué de sens, l’extrémisme est venu occuper la place laissée vacante par un modèle traditionnel et séculaire abandonné ou ringardisé. ».(Sonia Mabrouk – à propos du fondamentalisme islamique et de notre abandon)

« L’emballement et la montée aux extrêmes qui caractérisent le monde moderne, la surenchère dans tous les domaines. » (Bertrand Méheust)

« Baudrillard n’avait pas hésité à rapprocher, en mots et en pensées, notre concept ‘intégral et intégriste’ du monde et des droits de l’homme et l’intégrisme fondamentaliste ; deux faces de la même pièce ? » (Yves Michaud) – Dans  L’Echange impossible.

« Les extrémismes de gauche ont joui, et continuent à jouir un peu partout, mais en particulier en France, d’une belle tolérance et d’une belle reconnaissance marquée le plus souvent par de superbes primes dans les alliances électorales, Europe Ecologie-Les Verts…. » (Yves Michaud) – Et à bénéficier de tous les privilèges et places juteuses.

 « La moyenne région loge les tempêtes ; les deux extrêmes, des hommes philosophes et des hommes ruraux, concourent en tranquillité et en bonheur. » (Montaigne) – « La perfection, dit Kleist, est l’absence de conscience ou la conscience confondue avec l’acte ; être une marionnette ou un dieu, aucune conscience ou une conscience infinie. » (Olivier Rey)

« Les hommes ne paraissent jamais plus outrés que lorsqu’ils méprisent, ou lorsqu’ils admirent : il semble qu’il n’y ait point de milieu entre l’excellent et le détestable. » (Montesquieu)

« La crise vécue par la génération des Barrès et des Maurras s’est posée en ces termes : dans la confusion des cultures, des styles, des philosophies qui encombrent l’intelligence moderne, est-il possible de retrouver la force nécessaire aux actes virils, qui supposent jugement, choix, affirmation souveraine, sans tomber dans le fanatisme ? … Un Drieu la Rochelle ou un Paul Nizan, pour ne citer que deux morts, qu’ont-ils demandé à leurs politiques extrêmes et peut-être secrètement fraternelles, sinon la solution de doutes  que l’intelligence solitaire était incapable de fournir ? … ‘Il n’importe ce que vous chanterez, mais comment vous chanterez’. » (Michel Mourre – résumant, et citant, Charles Maurras)

« Le fanatisme est la seule forme de volonté qui puisse être insufflée aux faibles et aux timides. » (Nietzsche)

« Veille en combattant un monstre à ne pas devenir un monstre toi-même. » (Nietzsche)

« L’extrême esprit est accusé de folie, comme l’extrême défaut. Rien que la médiocrité est bon … C’est sortir de l’humanité que de sortir du milieu. » (Blaise Pascal)

«  Nos sociétés sont-elles guettées par le collectivisme ? Il y a des prémices troublantes. La repentance, la haine de soi, les excuses publiques, les projets de rééducation du peuple, l’admonestation des adultes par les jeunes façon Thunberg, le divorce d’avec la réalité, le dirigisme d’État, l’obsession égalitaire et son corollaire, la suppression des privilèges (le privilège blanc est en vogue, qui établit la culpabilité sans procès) : le climat actuel ne présage rien de bon.  » (Sylvie Perez –à  propos d’un musée de la terreur communiste) – A Londres, pas à Paris, ne rêvons pas.

« L‘imbécillité et le génie, ces deux tentations extrêmes de l’esprit. » (Georges Picard)

« Crains les extrêmes ; en quelque chose que ce soit, la beauté résulte de la justesse des proportions. » (Phocylide)

« Les esprits extraordinaires tiennent grand compte des choses communes et familières, et les esprits communs n’aiment et ne cherchent que les choses extraordinaires. » (Rivarol)

« La foi sans culture est une figure de ce qu’on appelle le fanatisme. » (Olivier Roy)

« Les fanatismes studieux, les utopies longuement caressées, les déductions dans l’abstrait, les dialectiques livresques, précèdent les fanatismes déchaînés, les violences, les régimes de terreur, ou les refuges écœurés dans la drogue, l’érotisme … ou la guitare universelle. » (Raymond Ruyer)

« Les extrémismes, les surenchères, les concurrences libres, les emballements unilatéraux ne sont utiles que momentanément, et ils sont dangereux s’ils restent incontrôlés au-delà d’une phase ou d’une plage limitée. » (Raymond Ruyer)  

 « L’orgueil dogmatique préfère la révolution à l’aménagement, les tables rases aux cotes mal taillées, l’ordre rationnel à l’ordre organique, la rupture à la continuité… » (Raymond Ruyer)

« Notre pays n’est pas submergé par le fanatisme mais par la tolérance du n’importe quoi. » (Père Fulton Sheen – sur les Etats-Unis) – Mais s’applique à n’importe quel pays occidental.

« Aucune situation n’est plus explosive que celle qui consiste à opposer l’aberration au ‘bon sens’, le ‘mauvais choix’ au ‘bon choix’ et à faire l’amalgame de tout ce qui ne se situe pas au centre pour l’exclure du jeu politique. Voilà comment on crée les conditions du ressentiment et de la révolte … En assimilant l’un à l’autre les extrêmes de droite et de gauche, en rejetant tout ce qui n’est pas ‘raisonnable’ dans les ténèbres de ‘l’impensable’ … ‘L’extrême centre’, poison subtil qui frappe lentement d’asthénie les sociétés démocratiques … Irénisme caricatural et piège du consensus. » (Alain-Gérard Slama) – Le centre grand-maman pour faiblards impuissants.

« Même quand la poursuite de l’unité (le rêve unitaire)  n’a d’autre but que l’apaisement des conflits, la limitation des choix qui lui est implicite, entraîne inéluctablement la montée de l’intolérance … La castration est le stade suprême de l’apaisement des conflits … La majorité consensuelle dicte la norme et quiconque semble suspect de s’en écarter est soit identifié aux extrêmes, soit considéré comme inaudible … diabolisation ou néantisation … Plus le centre se radicalise, plus les extrêmes prospèrent ; plus les extrêmes prospèrent, plus le centre se trouve fondé à présenter ses choix comme non négociables.  » (Alain-Gérard Slama)

« L’esprit peut bien recracher les tièdes, la sagesse affirme, contre lui, que la tiédeur est la température de la vie … Pendant des  décennies, le ‘monstrueux’ a été présent dans la situation mondiale que constituait la guerre froide (par le jeu des puissances nucléaires) … Aujourd’hui, la situation pourrait dégénérer en une prise d’otage des sociétés par leur propre technologie avancée (par la biologie…) aboutissant à la vulgarisation du monstrueux  … Une partie du genre humain actuel, sous la direction de la fraction euro-américaine, a intenté avec son entrée dans l’ère hautement technologique une procédure sur elle-même et contre elle-même dont l’enjeu est une nouvelle définition de l’être humain» (Peter Sloterdijk – Règles pour le parc humain)

« Comme la beauté selon Oscar Wilde, l’extrémisme est dans l’œil de celui qui regarde. » (Pierre-André Taguieff)

 « L‘expression extrême droite continuera à être utilisée parce qu’elle est la seule à pourvoir remplir deux fonctions idéologico-polémiques à la fois : – Permettre aux gauches de diaboliser les droites en les assimilant à leurs franges extrêmes – Permettre aux droites  qui veulent se présenter comme modérées ou respectables de se démarquer de leurs concurrents. » (Pierre-André Taguieff)

« Quant à l’extrême droite, elle s’avère aujourd’hui plus proche de la gauche, voire de la gauche révolutionnaire, que de la droite libérale ou de la droite conservatrice. » (Pierre-André Taguieff)

« Le fanatisme répond à deux instincts très profonds de l’être humain : le besoin de sécurité et la tendance agressive. Il rassure la faiblesse et il justifie la violence : il fournit à la fois la cuirasse et le glaive. » (Gustave Thibon)

« Deux besoins essentiels et contradictoires de l’homme. Celui d’une certitude invariable, terme ultime de l’intelligence et foyer définitif de l’amour. Et celui du changement, aiguillon de l’action et moteur du progrès. Aux deux extrêmes : ‘Il faut un point fixe’ (Pascal) et ‘Il faut que tout change’ (slogan moderne). » (Gustave Thibon)

« Fanatisme des jeunes gens. La jeunesse n’est pas l’âge de la liberté, c’est celui de la ferveur. Des passions violentes au service d’idées étroites. Quand les idées s’élargissent – et jusqu’au point où, littéralement, on ne sait plus que penser face aux aspects contrastés du réél – la ferveur tombe en proportion. Et, de cet abîme de scepticisme, émerge une liberté sans limite, mais sans danger : toute menace d’incendie étant conjuré, car les vents intérieurs n’agitent plus que des cendres. » (Gustave Thibon)

« L’extrémisme anti-extrémiste est aussi un extrémisme. » (Tzvetan Todorov)

« Le monde ne vaut que par les extrêmes et ne dure que par les moyens. Il ne vaut que par les ultras et ne dure que par les modérés. » (Paul Valéry)

« L’interprétation de l’histoire et de la politique en termes de morale (le bien contre le mal) est la source des fanatismes et des totalitarismes. » (Dominique Venner) – Comme on le voit en France aujourd’hui.

« Je crois aux effets positifs d’une pensée radicale. En dépit de tous ses travers, elle favorise la rupture avec le conservatisme. Je crois également aux bienfaits formateurs d’un militantisme un peu dangereux. » (Dominique Venner)

« A côté des intégrismes mystiques et des drames qu’ils provoquent, il y a le drame de l’intégrisme technique. » (Paul Virilio)

« C’est dans les situations extrêmes que l’on se révèle à soi-même. » (?)

« Au fanatisme islamique, la France et l’Europe répondent par le nihilisme égalitaire. » (?) – La réponse du bisounours au guerrier. 

L’extrémisme, le fanatisme idéologique ne sont pas toujours là où on les situe. A ce sujet, rien de pire qu’un soi-disant centriste ; de Jacques Chirac (jouissant de bombarder la petie Serbie), à Nicolas Sarkozy et Tony Blair (à la botte de Bernard-Henri Lévy pour démanteler sauvagement la Lybie), aux présidents américains guerroyant partout, à l’exception de Donald Trump (du moins jusqu’à présent).

« Une démarche idéologique se reconnait à plusieurs caractères : des idées trop simples, comme par exemple la suppression de la propriété privée ou le libre-échange universel, avec souvent des effets collatéraux désastreux : l’oppression totalitaire ou la régression économique dans le cas du libéralisme européen … Mais il est un caractère de l’idéologie qui, plus que les autres, ne trompe pas, c’est l’intolérance, le refus de conférer quelque respectabilité que ce soit aux positions adverses. Car toute idéologie est un projet messianique : l’ambition de transformer radicalement  la condition humaine, par la suppression de tel ou tel fondamental anthropologique : la propriété, la nation, ou l’instauration de la démocratie libérale. L’opposition aux idéologies n’est pas une opinion parmi d’autres ; elle est tenue par ses partisans pour un obstacle à une ambition  mirifique. Les ennemis du communisme  étaient des ‘vipères lubriques’. Ceux du libéralisme, assimilé à tort ou à raison aux constructions supranationales sur lesquelles repose l’Occident : Otan, Union européenne, etc. sont relégués dans les ténèbres extérieures où ont sombré  les gens infréquentables. Infréquentables, c’est-à-dire qu’aucun débat n’est permis avec elles. Dix prix Nobel d’économie ont contesté la pertinence de l’euro, il  n’est néanmoins pas permis d’en débattre ; sur l’euro, l’intimidation des opposants est telle que le Parti communiste  et le nouveau Front national (Rassemblement national) n’osent plus le remettre en cause … L’idéologue a besoin d’adversaires diaboliques. Porteur d’une vision eschatologique qui doit faire passer des ténèbres à la lumière, il ne supporte pas d’être mis en échec. La moitié néo-conservatrice (ou ultralibérale) de l’opinion américaine, qui a  soutenu Hillary Clinton, n’a toujours pas digéré la victoire de Trump, voué aux gémonies. La même véhémence a aussi un volet  international : porteuse d’un projet universel, l’idéologie ne supporte pas non plus les résistances extérieures à son projet universel. A intervalles réguliers, l’idéologie dominante occidentale désigne un bouc émissaire tenu pour l’ennemi de l’humanité et lui fait la guerre ; elle a besoin de produire des monstres pour se justifier : de Bachar el Assad à Vladimir Poutine, pour ne prendre que de récents exemples … Le bilan des guerres des vingt dernières années est accablant : elles ont fait des centaines de milliers de morts. Aucune pourtant n’a été déclarée par des extrémistes, presque toutes par des idéologues du ‘mainstream’. En tous les cas, en Europe au moins, elles ont reçu le soutien de courants centristes et le désaveu de ceux que l’on taxe d’extrémisme. A l’inverse, les présidents américains qui sont passés pour des hommes de la droite dure, Nixon, Reagan et jusqu’ici Trump n’ont, à la différence des précédents,  déclenché aucune guerre mais, au contraire, en ont terminé plusieurs … Quand la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright dit en 1996 que le renversement de Saddam Hussein méritait qu’on lui sacrifie la vie de plus de 500 000 enfants irakiens, elle exprime l’opinion d’une centriste. » (Roland Hureaux)

Ci-dessous, extraits du livre de Gérald Bronner, La pensée extrême, comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques.

« Première question : le croyant adhère-t-il vraiment à sa croyance ? … Comment le croyant en est-t-il arrivé à croire ce qu’il croit ? … On néglige trop le caractère graduel de l’adhésion à des idées qui paraissent relever de l’irrationalité. Or, chaque moment, chaque étape,  de l’adhésion peut être considéré, dans son contexte, comme raisonnable … il faut voir le processus de constitution … L’extrémisme, quelles que soit les forme qu’il revêt, satisfait les critères de la rationalité, cognitive comme instrumentale : parce qu’il énonce des doctrines cohérentes … sans accepter toutes les  sortes de compromis du  citoyen ordinaire et, parce qu’une fois cette doctrine admise, il propose des moyens en adéquation aux fins poursuivies … Rationalité mécanique n’acceptant aucun compromis, appliquant jusqu’au terme de leur logique des prémisses que n’importe quel croyant pourrait admettre … L’action toute entière est mise au service d’un système de valeurs sévèrement hiérarchisé et cohérent une fois qu’on  en a admis les prémisses … Le biais de confirmation est sans doute le mécanisme le plus élémentaire et le plus fondamental de la pérennité de toute croyance (d’autant plus chez l’extrémiste qui a besoin constamment d’être rasséréné en raison des coûts psychologiques  et sociaux de son adhésion, d’où aussi ‘l’entre-soi’, l’enserrement dans un oligopole cognitif) –  Le biais de confirmation : ‘Les hommes, infatués des apparences vaines, prêtent attention aux événements, quand ils remplissent leur attente ; mais, dans les cas contraires, les plus fréquents, ils se détournent et passent outre’ … Nous cherchons en général des informations pour affermir une croyance… Beaucoup de nos idées fausses nous paraissent confirmées par notre expérience … Nous ne cherchons pas à tester ces idées en recueillant des contre-exemples, mais nous captons et mémorisons facilement tout ce qui affermit nos croyances … qui nous apporte un confort cognitif … D’autant plus si nous y avons intérêt … Lorsque vous êtes en quête de signes ils finissent toujours par arriver … et peuvent être interprétés comme des injonctions à s’engager  » (Gérald Bronner – citant Francis Bacon et le Novum Organum) – Les coûts de l’action peuvent être minimisés par la victimisation identitaire des auteurs d’attentats  et la culpabilisation des victimes … L’extrémisme, quelles que soient ses expressions, me paraît impliquer des postures mentales communes. Il qualifie une adhésion inconditionnelle à des croyances faiblement transsubjectives (la transsubjectivité d’une idée se mesurant à sa capacité à s’exporter vers d’autres esprit) et/ou ayant un potentiel sociopathique (affection du sociopathe,  difficultés à nouer des relations avec autrui ; comportement antisocial, impulsif et dénué de culpabilité) … mais évidemment et à différents degrés  quand on passe du collectionneur au militant forcené, au membre d’une secte fermée, au terroriste en devenir… »

« L’extrémiste met en demeure, par ses actions ou par ses reproches, les individus plus tièdes que lui, mais partageant ses mêmes valeurs, croyances, de se mettre en conformité avec elles. Il nous enjoint d’être aussi logiques que lui … Fier d’exhiber sa certitude comme un défi face à la confusion mentale environnante … Epaulé par d’autres individus, il lui est facile de défendre une position maximaliste (rares cas d’extrémistes totalement isolés) … La mort demeure un argument supplémentaire et semble jouer un rôle important dans le sacrifice de l’extrémiste islamique … elle ne représente plus un coût exorbitant  (elle peut être interprétée comme le résultat d’un calcul plutôt rationnel) … L’adhésion peut se faire par un ‘escalier dont les marches sont toutes petites’, par une mécanique incrémentielle (processus de séduction des mouvements sectaires), progression proche de la montée d’une passion ordinaire … L’adhésion peut se faire par transmission, enfermement dans un oligopole cognitif, liens sociaux exerçant un monopole (famille, groupe d’amis…) … exerçant un filtre cognitif conjugué avec des effusions émotionnelles … isolement mental … ‘entre-soi’ … ressassement sans concurrence d’autres idées … L’adhésion peut se faire par frustration, ressentiment qu’on mérite mieux (lequel ne peut que s’accroître dans les sociétés démocratiques fondées sur le mérite et l’égalitarisme, plus d’aspirations, mêmes satisfactions – Alexis de Tocqueville), destin détourné par la perversité de la société, discrimination non personnelle mais pire due à la communauté d’appartenance, acquisition d’une nouvelle virginité, parfois aussi désir d’accès à la notoriété … L’adhésion peut se faire par révélation, dévoilement, frappé par une coïncidence, un événement, interprété comme une injonction à s’engager, lorsqu’on est en quête de signes, ils finissent toujours par arriver … Faire changer d’avis un extrémiste : maintenir, ou introduire, une situation cognitive concurrentielle, stimuler l’esprit critique de l’individu en l’interrogeant ingénument sur les points les plus contestables de la doctrine , de la politique générale du groupe, des comportements et en l’incitant à en parler aux responsables du groupe, ce qui sera certainement mal accepté et l’isolera peu à peu. »

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