485,1 – Mémoire, Souvenir / Oubli

– Celui de mémoire est l’unique devoir subsistant – d’ailleurs souvent à juste titre, malgré : « Ce qu’on appelle ‘devoir de mémoire’ est le plus souvent l’imposition d’une histoire officielle où les rôles sont distribués d’avance, un savoir coagulé qui ressemble à de la propagande… Il n’est brandi chez les uns que pour susciter le devoir de pénitence chez les autres. » (Pascal Bruckner). Et « La prégnance croissante du devoir de mémoire et l’obsession du passé qui l’accompagne me paraissent la conséquence logique de notre impuissance face au présent et à l’avenir. » (Pierre-André Taguieff)  – Comme aussi le devoir de non-mémoire peut-il être souhaitable : « Ainsi, L’Edit de Nantes imposait-il pour les événements des guerres de religion quelque chose comme un devoir de non-mémoire. » (Rémi Brague).

– C’est une faculté qui présente des déficiences chez certaines personnes, lesquelles s’en plaignent à juste titre, malgré que les mauvaises mémoires alléguées, les fameux trous de mémoire semblent bizarrement fonctionner toujours dans le même sens recoupant les intérêts de ces personnes.

– « La bataille de la mémoire. » (titre d’un journal, à propos de je ne sais plus quoi) – Seulement à titre d’exemple d’enflure journalistique ; Austerlitz ou Waterloo, Verdun ou Stalingrad ?

– « La profusion des salisseurs de mémoire. » (?) – Mesure de la fin d’une civilisation.

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« La mémoire, si souvent invoquée aujourd’hui, doit servir à acquitter notre dette envers les morts, et non mettre le passé à disposition des vivants, flatter leur bonne conscience et conforter leurs certitudes. » (Charles-Henri d’Andigné – se référant à Alain Finkielkraut) – Imagine–t-on un contemporain, ce dieu grotesque, se reconnaître une dette quelconque.

« Si les hommes se donnaient pour oublier le centième du mal qu’ils se donnent pour se souvenir, je suis certain que le monde serait depuis longtemps en paix. » (Jean Anouilh – Pauvre Bitos)

« La mémoire est double, l’une qui n’est que gardienne de l’espèce, l’autre dont l’objet est le passé en tant que  passé. La première est une puissance purement cognitive, et en partie intellectuelle, mais la seconde ne se trouve que dans la partie sensitive. » (saint Thomas d’Aquin) – L’une pourrait être dite collective, l’autre individuelle. –  Aujourd’hui où l’espèce peut être altérée sans limite (et dit-on sans dommages !), et qu’il ne reste du passé qu’un devoir de mémoire normalisé et officiel, saint Thomas d’Aquin est dépassé. D’ailleurs qui connaît son nom ? 

« Une mauvaise mémoire, ça s’entretient, ça se cultive, ça rajeunit. » (Marc Augé – Les formes de l’oubli)

« Se souvenir ou oublier, c’est faire un travail de jardinier, sélectionner, élaguer. » (Marc Augé)

« L’oubli est la force vive de la mémoire, et le souvenir en est le produit. » (Marc Augé)

« Entre le niveau intime et le niveau historique (celui de la grande histoire), il y  a des niveaux intermédiaires : les histoires de famille, les histoires professionnelles, les nouvelles, les faits divers, la politique, le sport … D’autres récits, partagés, collectifs, entrelacés … récits intermédiaires (entre ce qui relève de la sphère privée et ce qui se rattache à la macro-société) qui passionnent ceux qu’ils impliquent (les amateurs, les collègues, les militants…) et laissent parfaitement indifférents, ceux qu’ils n’impliquent pas, qui n’ont pas ‘d’implication’» (Marc Augé)

« Deux sortes de nostalgies : celle qui porte sur le passé qu’on a vécu et celle qui porte sur le passé qu’on aurait pu vivre. La première se conjugue au conditionnel présent (j’aimerais retrouver ces jours…) ; la seconde au conditionnel passé (si j’avais osé…). La première se heurte à l’irréversibilité du temps. La seconde ne veut pas seulement revenir en arrière, mais changer l’histoire (si j’avais écouté… si j’étais parti, resté…). » (Marc Augé)

« Nous sommes tous sensibles à la splendeur des commencements, à la qualité rare des instants où le présent s’affranchit du passé sans rien laisser transparaître encore du futur qui le met en mouvement … Quant à l’oubli du passé, nécessaire à tout vrai recommencement, il est exclusif de toute préfiguration du futur … Incertitude fondamentale. » (Marc Augé – Les formes de l’oubli)

« Les vastes palais de la mémoire. » (saint Augustin – Les confessions)

« La mémoire les recueille toutes (sensations, impressions, faits, actes, paroles, pensées…) dans ses vastes retraites, dans ses secrets et ineffables replis pour les rappeler et les reprendre au besoin … L’entrepôt, l’immense palais de la mémoire … C’est là que se tiennent tous mes souvenirs … Du même dépôt je tire des analogies formées d’après mes expériences personnelles … Je dispose des images des réalités que j’exprime, issues du même trésor de la mémoire … J’évoque ma tristesse passée sans être triste, je me rappelle avoir eu peur sans avoir peur, le souvenir d’un désir de jadis ne s’accompagne pas de ce désir. Parfois, au contraire, je me souviens avec joie de ma tristesse ancienne et avec tristesse de ma joie … Ce qu’il y a dans ma mémoire : des champs, des antres, des cavernes innombrables, tout cela rempli à l’infini de toute espèce de choses, innombrables aussi … Des états affectifs que la mémoire conserve, alors que l’âme ne les ressent plus. » (saint Augustin – considérations éparses sur la mémoire)

« La mémoire collective, c’est-à-dire les événements réels remémorés de manière réaliste par une société, est à peu près fiable sur trois ou quatre générations … C’est aussi le nombre de relais exigés pour la création et la transmission d’un patrimoine culturel, comme, à l’inverse, autant de générations peuvent réussir une intégration complète à une culture étrangère. Il paraît raisonnable de retenir le siècle comme unité de compte du temps culturel primitif. » (Jean Baechler) – Seulement primitif ?

« Paradoxalement nous vivons à la fois dans un monde sans mémoire et dans un monde sans oubli, par l’acharnement à réactualiser de force ce dont nous ne nous souvenons même plus. » (Jean Baudrillard) – Voir nos commémorations grotesques, dont celle du bicentenaire  de la Révolution la ridiculisant fut l’exécrable modèle, en 1989.

« ‘Vivre dans la pure réalité impliquerait d’être toujours dans l’ici (le lieu où je me tiens) et dans le maintenant (le temps présent)’ (Clément Rosset) … Or tout être en même temps vit également ailleurs et naguère, pouvoirs de la mémoire et de l’imagination, soit les facultés de rendre présent ce qui est absent. » (tiré de Jean Baudrillard)

« La conscience du moi est liée à la mémoire … à laquelle est suspendue l’unité du moi. » (Nicolas Berdiaeff)

« Pas plus qu’on ne condamne des morts au nom d’idées et de valeurs qui se sont élaborées bien après eux. » (Emmanuel Berl) – Repentances et déformations de l’Histoire, entre autres… Nos contemporains, eux, sont admirables.

« Un homme sans mémoire est d’une plasticité absolue. Il est recréé à chaque instant. Il ne peut plus regarder en arrière ni sentir une continuité avec lui-même, ni conserver une identité propre. Il se greffe entièrement sur le présent absolu. » (Alain Besançon) – Voilà pourquoi l’effort de tout les démolisseurs à l’œuvre dans l’Education et dans la plupart des média, est  d’abolir le passé, ou au moins de le changer.

« Mémoire, manque de : Don de Dieu accordé aux débiteurs. » (Ambrose Bierce – Dictionnaire du diable

«C’est un savoir inutile que celui-là ; le devoir de mémoire ne nous a jamais rendu plus lucides sur le mal actuel, n’a empêché ni le Cambodge, ni le Rwanda…   Le devoir de mémoire n’est brandi par les uns que pour susciter le devoir de  pénitence chez les autres. On exalte moins les vertus pédagogiques de la connaissance que les vertus punitives de l’inculpation … Déterrer tous les cadavres, c’est déterrer toutes les haines, appliquer la loi du talion à des siècles de distance … Ce qu’on appelle ‘devoir de mémoire’ est le plus souvent l’imposition d’une histoire officielle où les rôles sont distribués d’avance, un savoir coagulé qui ressemble à de la propagande, paralyse la recherche, bloque l’investigation … Congélation. » (Pascal Bruckner) 

« La souffrance profonde de tous les prisonniers et de tous les exilés est de vivre avec une mémoire qui ne sert à rien. » (Albert Camus)

« La mémoire, c’est toujours une espèce de culture, de dépôt, d’héritage, d’objet de transmission, de patrimoine culturel. Et de ce que la mémoire n’est pas le fort de la petite bourgeoisie (la classe non pas dominante, mais celle qui a tout avalé), qui n’a pas d’ancêtres, vient la nécessité sans cesse réitérée, réaffirmée … de faire d’elle un devoir, le fameux ‘devoir de mémoire’ … Le petit-bourgeois (nous le sommes tous, pas d’issue, on n’y échappe pas) est fils de personne. Il se réclame tel  … Tout ce qu’a su faire l’école c’est assurer qu’hérédité ni héritage il n’y ait plus, et que les héritiers soient incultes. Alors que sa mission véritable … devait être de faire en sorte qu’il y ait un héritage pour les non-héritiers, qu’ils en perçoivent une part intacte, qu’ils pourraient eux-mêmes élargir. » (Renaud Camus)

« Une mémoire désintéressée me semble le chef-d’œuvre de l’esprit humain … Et rien ne paraît aussi rare. Les hommes, pris en gros ne se remémorant que le détail propre à toucher leurs intérêts immédiats et restant insensibles à toute idée générale … Or seule une mémoire désintéressée ajoute à la puissance de l’entendement, les autres formes de remémoration ne servant qu’à le farcir de détails ou subalternes ou désordonnés dont l’esprit ne saurait que faire … Nos pareils vivent à la merci de leurs intérêts et de leurs inclinations … Ils ne s’attachent point aux vues abstraites. » (Albert Caraco)

« Tu ne peux te relire, mais tu peux signer. » (René Char) – Signer c’est à la fois assumer et se réconcilier. Avaliser ce qui s’est fait en amont.

« La mémoire est souvent la qualité de la sottise ; elle appartient généralement aux esprits lourds, qu’elle rend plus pesants par le bagage dont elle les surcharge. Et néanmoins, sans la mémoire que serions-nous ? Nous oublierions nos amitiés, nos amours, nos plaisirs, nos affaires ; le génie ne pourrait rassembler ses idées ; le cœur le plus affectueux perdrait sa tendresse … Notre existence se réduirait aux moments successifs d’un présent qui s’écoule sans cesse. » (Chateaubriand)

« Ma mémoire oppose sans cesse mes voyages à mes voyages, montagnes à montagnes, fleuves à fleuves, forêts à forêts, et ma vie détruit ma vie. Même chose à l’égard des sociétés et des hommes. » (Chateaubriand)

« Tout garder reviendrait à ne rien tenir ni retenir, et une mémoire totale, intégrale, au lieu de garantir l’intégrité du sens de notre vie, aboutirait au non-sens et au chaos. Il faut que disparaissent et s’effacent certains aspects du passé pour que le souvenir puisse apparaître … Toute appropriation suppose une exclusion. » (Jean-Louis Chrétien)

« Sa seule fonction est de nous aider à regretter. » (Emil Cioran)

« Si tu ne veux pas crever de rage, laisse ta mémoire tranquille, abstiens-toi d’y fouiller. » (Emil Cioran)

« A mesure que la mémoire s’affaiblit, les éloges qu’on nous a prodigués s’effacent au profit des blâmes. Et c’est justice ; les premiers ont été rarement mérités alors que les seconds jettent quelque clarté sur ce qu’on ignorait de soi-même. » (Emil Cioran)

« Le regret … essaie de sauver le passé. Il est l’unique recours que nous ayons contre les manœuvres de l’oubli. Le regret est la mémoire qui ‘passe à l’attaque’. » (Emil Cioran)

« Tout souvenir est un symptôme maladif. La vie … est actualité absolue. La mémoire est négation de l’instinct et son hypertrophie une maladie incurable. » (Emil Cioran)

« Il faut une bonne mémoire après qu’on a menti. » (Pierre Corneille – Le Menteur)

« La mémoire, c’est du souvenir en conserve. » (Pierre Dac)

« Dans les époques sans mémoire, la seule façon d’être révolutionnaire est d’être réactionnaire. » (Guy Debord)

 « L’Union européenne n’a pas trouvé son ‘il était une fois’, aussi tourne-t-elle en eau de boudin, comme notre pays a perdu ses légendes et ses fresques, aussi le voit-on décrocher. » (Régis Debray – sur l’indispensable ciment d’une communauté) – L’échec ou la dislocation, voilà ce qui attend qui rejette et méprise le passé.

« La mémoire nous surprend dans sa capacité à se restaurer comme à s’effacer… » (Anne Dufourmantelle)

« La madeleine dans le thé est la découverte capitale de Proust … ‘Je sentais un bonheur qui m’envahissait, et que j’allais être enrichi d’un peu de cette pure substance de nous-mêmes qu’est une impression passée, de la vie pure conservée pure (et que nous ne pouvons connaître que conservée, car, au moment où nous la vivons, elle ne se présente pas à notre mémoire, mais au milieu des sensations qui la suppriment) et qui ne demandait qu’à être délivrée, qu’à venir accroître mes trésors de poésie et de vie … L’intelligence ne peut rien pour ces résurrections … Ces heures du passé ne vont se blottir que dans des objets où l’intelligence n’a pas cherché à les incarner … Une cuiller évoque un paysage … Une toile verte réveille un rayonnement d’été … A côté de ce passé, essence intime de nous-mêmes, les vérités de l’intelligence semblent bien peu réelles. » (Jean Dutourd – citant longuement Marcel Proust et la théorie de la madeleine) – Le Proust auquel le pavé tâté du pied rappelle celui de Saint-Marc à Venise et le Proust du Contre Sainte-Beuve.

« L’homme de l’actualité est un homme sans mémoire … de même que l’insertion dans l’actualité interdit la prévision … Cet homme est fort satisfait de lui-même, il est ‘de son temps’, il est ‘au courant’. » (Jacques Ellul)

« L’imagination est le matin de l’esprit, la mémoire en est le soir. » (Ralph Emerson)

« La mémoire devenue ‘doxa’, la mémoire moutonnière, la mémoire dogmatique et automatique des poses avantageuses, la mémoire de l’estrade, la mémoire revue, corrigée et recrachée par le Système. Ses adeptes, si nombreux et si bruyants … récitent leur catéchisme. Ils s’indignent de ce dont on s’indigne, ils se souviennent comme on se souvient. » (Alain Finkielkraut – sur les intellectuels-laquais si nombreux)

« Mémoire. – Se plaindre de la sienne, et même se vanter de n’en pas avoir. Mais rugir si on vous dit que vous n’avez pas de jugement. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)

« C’est du parfait oubli d’hier que je crée la nouvelleté de chaque heure … Je ne crois pas aux choses mortes et confonds n’être plus avec n’avoir jamais été … Joies de naguère, vues de dos. Je n’aime pas regarder en arrière. » (André Gide)

« Certes, nous entrons dans l’avenir les yeux bandés, mais il faut désobéir à sa propre nostalgie. » (Jean-Claude Guillebaud) – Sous peine de périr comme la femme de Lot ou bien de perdre Eurydice. « Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas digne du royaume. » (Evangiles)

« Le présent devient un éternel passé et le passé un éternel présent. » (Emmanuel Hoog – sur les rabâchages de l’hypertrophie mémorielle)

« Toute  chose qui avait lieu  avait lieu pour l’éternité, je le savais maintenant. » (Michel Houellebecq)

« Il est si facile de perdre la mémoire de soi-même. » (Henrik Ibsen)

« La mémoire, vaincue d’avance, ne peut opposer à la futurition qu’une défensive toujours provisoire et généralement désespérée. » (Vladimir Jankélévitch)

« Ce qui s’exténue, s’exténue et s’amenuise … c’est le retentissement de l’événement et son écho de plus en plus lointain, non pas le fait qu’il est une fois advenu. » (Vladimir Jankélévitch)

« La mémoire, veillant même chez l’homme oublieux, préserve la fidélité traditive et la conscience substantielle de la personne. L’oubli, guettant les hommes les plus fidèles, aère un présent trop chargé de souvenirs. » (Vladimir Jankélévitch)

« La mémoire est une glace, elle retient tout, rien ne s’y perd, rien ne s’y efface ; mais elle se ternit, on n’y voit rien. » (Joseph Joubert)

« La mémoire ne filme pas, elle photographie. » (Milan Kundera)

« Deux forces qui coopèrent nous séparent du passé : celle de l’oubli qui efface, celle de la mémoire qui transforme. » (Milan Kundera)

« Il y a un lien secret entre la lenteur et la mémoire, la vitesse et l’oubli … Un homme marche dans la rue. Soudain il veut se rappeler quelque chose, mais ce souvenir lui échappe. A ce moment, machinalement, il ralentit son pas. Par contre, quelqu’un qui essaie d’oublier un incident pénible qu’il vient de vivre accélère à son insu l’allure de sa marche comme s’il voulait vite s’éloigner de ce qui se trouve, dans le temps, encore trop proche de lui … Deux équations élémentaires : Le degré de la lenteur est directement  proportionnel à l’intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l’intensité de l’oubli … On peut dire que notre époque s’adonne au démon de la vitesse et que c’est pour cette raison qu’elle s’oublie elle-même, mais plutôt que  notre époque est obsédée par le désir d’oubli et que  c’est afin de combler ce désir qu’elle s’adonne au démon de la vitesse ; elle accélère le pas parce qu’elle veut nous faire comprendre qu’elle ne souhaite plus qu’on se souvienne d’elle ; qu’elle se sent lasse d’elle-même,  écœurée d’elle-même… » (Milan Kundera – La lenteur)

« L’avenir prend racine dans la mémoire. » (Père Lebouteux)

« Les groupes identitaires autodénommés ‘victimes des vainqueurs’ prétendent l’exiger pour leurs ancêtres, mais tirent un profit personnel de cette rente morale. On est désormais victime par héritage … Qu’exigent-ils ? Reconnaissance et indemnisation, pénitence éternelle des descendants des vainqueurs … La ‘guerre civile des mémoires’» (Barbara Lefebvre – sur le devoir de mémoire) – « Tel un aimant, la Shoa est bien devenue le référent autour duquel se structurent toutes les revendications mémorielles … L’institutionnalisation du ‘devoir de mémoire’ et le culte mémoriel qui en a découlé à partir du discours de jacques Chirac en 1995 auront aiguisé toutes les jalousies. » (même auteur)  

« Un homme, une nation sont-ils possibles sans histoire, sans tradition, sans mémoire, sans continuité historique ? » (Bérénice Levet) – Mais si, mais si ! Il suffit de considérer les sociétés occidentales.  Evidemment, ce ne sont plus des nations, mais des conglomérats informes de zombies hystériques.  – « Nos sociétés n’explosent pas dans un cataclysme, elles pourrissent lentement, inexorablement, elles se décomposent d’elles-mêmes. » (Jean Duvignaud)

« La capacité permanente et implacable d’absolue souvenance est une malédiction : elle exclut toute possibilité de réflexion. Car la pensée requiert un espace où l’on peut oublier, choisir, effacer, isoler, éliminer, mettre en valeur. Si vous ne pouvez rien rejeter du grenier de la mémoire, vous ne pouvez ni abstraire ni généraliser. Sans abstraction ni généralisation, il ne peut y avoir de pensée. » (Simon Leys)

« Quand j’ai été assez heureux pour rendre service, on ne m’en a pas voulu à la vérité et c’est beaucoup, mais j’ai remarqué qu’on n’a jamais eu l’air de s’en souvenir. » (prince de Ligne)

« ‘La mémoire est un obstacle à la compréhension de ce qui est … Une nouvelle pensée, un nouveau sentiment ne se produisent que lorsque l’esprit n’est pas pris dans le filet de la mémoire’ … Un homme débarrassé de tout cet échafaudage statique du ‘moi’ retrouverait un perpétuel état de naissance consciente, l’état plastique, souple de l’être qui perçoit la présence de l’instant, et cet état qui ne serait plus étouffé à tout moment par les dépôts cristallisés du Temps … ‘Ce qui est continu emprisonne’ … La presque totalité des êtres humains est prisonnière de l’étau de la continuité de la conscience, du temps et de la durée … ‘Sache être vide, afin d’être rempli’. » (Robert Linssen – citant et interprétant Krishnamurti) – Faire le vide, facile à dire !

« Rien ne se conserve intact sans effort. La répétition des formules n’assure pas la transmission de la pensée. »(cardinal Henri de Lubac)

« Un vaste tiroir à casiers numérotés d’où étaient tirés suivant le cours de la conversation ce qui s’y trouvait en réserve. » (Joseph de Maistre) – Sur sa mémoire (et sa culture !)

« L’attention, les perceptions, l’imagination et l’observation, les quatre qualités fondamentales de la mémoire … Mémoriser consiste à créer du lien entre une information nouvelle et une information connue … Apprendre à créer des liens (il a le même prénom que X … Si vous avez senti le froid du carrelage sous vos pieds, l’odeur de la ratatouille dans la Cocotte, le goût de la tomate cuite, la rugosité du mur du couloir, il vous sera infiniment plus simple de vous remémorer les lieux où vous avez pioché ces sensations) … A vous de travailler vos associations pour y disposer les informations que vous souhaitez retenir … Exercice : revivre sa journée. » (Sébastien Martinez – considérations sur la mémoire) – Proust est parti de l’odeur et du goût de la Madeleine pour rechercher … et retrouver… 

 « Qui a gardé le réflexe de s’interroger soi-même avant de chercher la réponse sur internet ? » (Sébastien Martinez) – Internet destructeur de mémoire ? Comme, mais à une bien moins grande échelle, les dictionnaires, encyclopédies…

 « Le devoir de mémoire ne consiste pas à perpétuer les drames, à attiser les haines qui ont dressé les uns contre les autres les fils d’un même pays.  Ce devoir, c’est d’apaiser les discordes et de rassembler ceux que la mort a déjà unis. » (Michel Mohrt – cité par Pierre le Vigan – sur l’épuration)

« Les mémoires excellentes se jugent volontiers aux jugements débiles. » (Montaigne)

« Il faut avoir une mémoire très ferme pour exercer dans le mensonge. » (Montaigne)

« Une tête sans mémoire est une place sans garnison. » (Napoléon Bonaparte)

« Il est possible de vivre sans se souvenir ; il est impossible de vivre sans oublier. » (Nietzsche)

« L’avantage d’une mauvaise mémoire c’est qu’on jouit plusieurs fois des mêmes choses pour la première fois. » (Nietzsche)

« La mémoire dit : ‘J’ai fait ceci’, ‘Je n’ai pas fait ceci’ dit l’orgueil.  La mémoire finit toujours par céder. » (Nietzsche)

« La France est de toutes les démocraties la seule qui pratique ce sport législatif … Victimisation générale du passé. » (Pierre Nora – à propos des lois mémorielles, Juifs, descendants d’esclaves et déportés africains, Arméniens… Nous y mettons toute notre lâcheté. 

« J’ai connu beaucoup de gens qui se plaignaient de leur mémoire, jamais de leur intelligence. » (Jean d’Ormesson)

« L’homme n’est jamais un premier homme ; il ne peut commencer à vivre qu’à un certain niveau de passé accumulé. Voilà son seul trésor, son privilège, son signe … C’est la mémoire des erreurs qui nous permet de ne pas commettre toujours les mêmes … Nietzsche définit l’homme supérieur comme l’être ‘à la plus longue mémoire’ … Rompre la continuité avec le passé, vouloir commencer de nouveau, c’est aspirer à descendre et plagier l’orang-outang (qui, semble-t-il, ne diffère pas de l’homme par ce que, rigoureusement parlant, nous nommons intelligence, mais plutôt parce qu’il a bien moins de mémoire que nous.) » (José Ortega y Gasset)

« Les livres sont des ‘discours écrits’ (Platon) …Le discours est du temps, et le temps est suicidaire. Grâce à la mémoire, l’homme peut sauver son discours, ou celui qu’il a écouté … L’invention de l’écriture a renversé ce monopole de la mémoire, mettant fin par là même occasion à l’autorité des anciens … le livre en devenant une incarnation de la  mémoire, en la matérialisant, la rend, en théorie, illimitée, donnant accès à tous aux discours des siècles passés … Mais pour redonner vie à la pensée, le livre ne suffit pas. Il convient qu’un homme reproduise en lui la situation vitale à laquelle cette pensée peut correspondre. » (Ortega y Gasset) – C’est beaucoup demander, bien trop, aux incultes, notamment historiques  d’aujourd’hui. 

« ‘Lorsque quelqu’un n’a pas de points extérieurs à quoi se référer, le tracé même de sa propre vie perd de sa netteté … Celui qui a le contrôle du passé a le contrôle du futur, celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé’. » (George Orwell – cité par Jean Sevillia) – Qui contrôle le temps et le langage contrôle les esprits.

« La mémoire, c’est l’imagination à l’envers. » (Daniel Pennac)

« Rien ne sert de se tourmenter d’une chose quand elle est faite, sinon de l’empirer. » (Bonaventure Des Periers)

« Le biais de disponibilité. Nous évaluons la probabilité ou la fréquence d‘un événement à l’aune de la facilité avec laquelle des occurrences nous viennent à l’esprit. (Ex : il y  a trois fois plus de mots anglais qui comportent la lettre ‘k’ en troisième position, mais à la question de fréquence tout le monde répondra que les mots anglais qui commencent par cette lettre sont les plus nombreux, car nous accédons aux mots à partir de leur son initial et ceux-ci sont plus susceptibles de se présenter à nous quand nous sollicitons notre mémoire) … Des événements fréquents laissent des traces plus profondes dans notre mémoire. Mais à chaque fois que le souvenir d’un événement apparaît en bonne position dans la liste de résultats fournie par le moteur de recherche mental pour des raisons autres que la fréquence – parce qu’il est récent, vivace, sanglant, spécifique ou douloureux – les gens surestiment la probabilité qu’une telle chose se produise dans le monde … Les accidents de voiture tuent plus, mais beaucoup de gens ont peur de prendre l’avion, et presque personne n’a peur de conduire … Le ‘biais de disponibilité’, attisé par la tendance qu’ont les médias à privilégier le principe ‘plus ça saigne, plus c’est porteur’, peut alimenter le sentiment que l’état du monde est désolant. » (Steven Pinker)

« Elle n’est jamais chronologique. Elle est vagabonde, capricieuse. Elle ne livre que ce qu’elle veut, quand elle le veut. Elle admet la sonde, la pioche, jamais la charrue ou le râteau. Alors, on en retire des mots auxquels sont souvent accrochés des os et de la chair, des grimaces ou des rires. » (Bernard Pivot)

« L’avantage de la mauvaise mémoire est qu’on jouit plusieurs fois des mêmes choses pour la première fois. » (Bernard Pivot)

« Dans une civilisation purement orale, la mémoire est une faculté hautement prisée. » (Neil Postman)

« Si notre vie est vagabonde, notre mémoire est sédentaire. » (Marcel Proust)

« J’ai une mémoire admirable. J’oublie tout. » (Jules Renard)

« Bergson distingue deux sortes de mémoire : la mémoire-habitude et la mémoire-souvenir. La première conserve le passé, mais fondu dans le présent, identifié à l’usage machinal que nous en faisons tous les jours. La seconde conserve le passé en tant que tel, le passé situé dans le temps, le souvenir de l’événement unique et original survenu à tel moment de notre vie, sa tonalité affective, heureuse ou douloureuse. Avec la mémoire-habitude, nous parcourons sans erreur une ville familière, en pensant à autre chose. Avec la mémoire-souvenir, nous évoquons les premiers jours de notre contact avec cette ville … quand elle était nouvelle pour nous, quand nous en faisions l’apprentissage. » (Jean-François Revel)

« Il n’y aura pas de mémoire équitable, donc pas de mémoire du tout, car la mémoire volontairement tronquée est par là même inexistante, aussi longtemps que gauche et droite réunies traiteront différemment les criminels vainqueurs et les criminels vaincus. » (Jean-François Revel) – Pas besoin de préciser.

 « La mémoire est toujours aux ordres du cœur. » (Rivarol) 

« Les méthodes sont les habitudes de l’esprit et les économies de la mémoire. » (Rivarol)

« Tout le monde se plaint de sa mémoire, et personne ne se plaint de son jugement. » (La Rochefoucauld)

« La mémoire loge dans la tête, le souvenir dans le cœur. » (Père Joseph Roux)

« Notre cerveau fonctionne sur des classifications et sur des vocabulaires qualitatifs. Notre mémoire d’abord. Nous allons à la recherche d’un nom oublié en passant par des couloirs qui ne portent pas un numéro de code … SX420 … mais une certaine expressivité, une certaine couleur mentale-locale indéfinissable. Quand les classifications qualitatives deviennent insuffisantes et qu’il faut numéroter les avenues … la vie devient déplaisante, et bientôt la vie cesse … La qualité de la vie c’est d’abord l’usage du qualitatif … La Révolution française, dit-on, a horrifié l’Europe encore plus par le découpage barbare des Provinces en départements, que par la décapitation des aristocrates et autres liberticides. ‘C’est la première fois qu’on voit des hommes mettre en morceaux leur patrie d’une manière aussi barbare’ (Edmund Burke) … ‘Nous quittons l’ère du Corbeau rouge pour entrer dans celle du Rat’, n’est-ce pas plus éloquent ? » (Raymond Ruyer) – Le monde numérique qui enthousiasme tant les imbéciles et les laquais nous promet donc bien des charmes.

 « La mémoire est déléguée de manière sans cesse croissante à un support externe inanimé … Avec les calculatrices, quel est le jeune qui sait encore faire une division, extraire une racine carrée. » (Raffaele Simone) – Sait même ce qu’est une racine carrée !

« La mémoire est en quelque sorte la bête de somme de notre esprit. Il ne faut la charger que d’objets utiles à conserver. Trop de bagage l’écraserait avant la fin du voyage. » (baron de Stassart)

« Le fait de cultiver et d’entretenir des souvenirs communs permet à une société de conserver un contact naturel avec son passé. Qui plus est, la mémorisation assure la sauvegarde du noyau de l’individualité. » (George Steiner) – D’où la nécessité contemporaine d’oublier, de dévaluer, de salir le passé.

« L’enjeu autour de la mémoire s’est transformé en business de la mémoire, et c’est dans cette veine que s’est inscrit tout le combat de l’antiracisme qui empoisonne littéralement la société française et rend impossible toute éclosion d’une fraternité. » (Malika Sorel-Sutter) – L’objectif est toujours de diviser, de fomenter des haines…

 « Homme d’un autre temps, je me sens devenir étranger à celui-ci. » (Talleyrand)

« M. Ribot fait remarquer que la mémoire des sentiments est bien plus persistante que celle des idées. Nous en dirons autant de l’imitation des sentiments comparée à l’imitation des idées. » ( Gabriel Tarde)

« Je ne veux ni de la résurrection ni de l’éternité s’il faut les payer par l’oubli. Je refuse une béatitude qui me ravirait la mémoire. Une éternité sans passé serait comme amputée d’elle-même. » (Gustave Thibon)

« Ce siècle amnésique est accablé de souvenirs, nous passons notre temps en célébrations et reconstitutions … On peut même dire que nous vivons notre présent au passé … Toute notre mémoire est en dehors de nous-mêmes, hier dans les livres, aujourd’hui dans les ordinateurs … Elle est devenue simple  décor de théâtre, magasin d’accessoires, ‘culture’ … A proportion que grandissait cette mémoire mécanique, la mémoire vivante s’érodait … Cette érosion est la plus visible conséquence de l’usage généralisé et intempérant des instruments que nous avons créé pour remplacer la mémoire. La tradition orale avait une vigueur et une continuité dont nous sommes aujourd’hui bien incapables, dépendants que nous sommes de nos prothèses informatiques. » (Gustave Thibon)

« Nous nous donnons à peu de frais bonne conscience en stigmatisant les horreurs du passé, ce qui nous permet de mettre entre parenthèses les horreurs du présent. » (Gustave Thibon) – Mais quand même pas les horreurs du passé qui apparaîtraient comme politiquement incorrectes.     

« J’ai pratiquement reeoncé à faire l’effort de me rappeler quoi que ce soit, car je peux immédiatement retrouver l’information en ligne. » (Clive Thompson – cité par Nicholas Carr sur les méfaits du Net) – « La mémorisation est une perte de temps » (un autre olibrius)

« La mémoire n’est jamais la restitution intégrale du passé, mais toujours et seulement une construction … Certaines utilisations de la mémoire sont plus nobles que d’autres … Fonctions de répétition ou de transformation, conservatrice ou émancipatrice, ce qui ne revient pas au même. Tout un chacun a le droit de se souvenir comme il le souhaite, certes ; mais la communauté valorise certains usages de la mémoire et en réprouve d’autres, elle ne saurait pratiquer un culte de la mémoire indifférencié. » (Tzvetan Todorov) – En d’autres termes, seuls les vainqueurs y ont droit.

« Ils n’ont rien appris, rien oublié. » (le Tsar Alexandre III – sur les Bourbons rentrant d’exil)

« Cette horrible mémoire des femmes ! Quelle chose effarante ! » (Oscar Wilde)

« Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,

« Les souvenirs et les regrets aussi. » (chanson) – Triste privilège d’un âge où, lancinants,  ils se bousculent.

« Qui ne sait par où il est venu ne saura par où s’en aller. » (proverbe)

« L’avantage de la mauvaise mémoire est qu’on jouit de la même chose plusieurs  fois. » (?)

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