270,4 – Regrets, Remords, Repentir

– Vieillesse, temps des regrets, des rappels douloureux de ce qui a été par nous manqué, mal fait ou pas fait, de ce qui aurait pu être et n’a pas été. 

– « Se pardonner d’abord à soi-même. Nous l’oublions trop souvent. Trop souvent nous ruminons regrets et remords, nous nous en voulons de ne pas avoir été à la hauteur, d’avoir manqué à notre parole ou d’avoir commis une erreur ou une faute lourde de conséquences. » (Christine Ponsard) – Il faut commencer par là.

– Ne confondons pas le sain repentir d’une faute, ou même d’une simple erreur personnelle, avec la lamentable repentance actuellement imposée par la meute bien-pensante pour faire régner le conformisme des lâches et affermir son pouvoir en répandant l’humiliation.

-Repentir déplaisant pratiqué par de nombreux intellectuels quelque peu exhibitionnistes  (type Edgar Morin). Pour s’excuser, longuement, d’avoir été pendant des années et des années stalinien, maoïste… on s’étale sur des pages et des pages sur les raisons de ces abjections : on a été entraîné, on se posait déjà bien des questions (mais qu’on gardait soigneusement pour soi), etc. Combien serait-il préférable d’avouer tout simplement qu’on suivait la mode et ses exigences, qu’on  manifestait ainsi son opportunisme pour sa carrière.

– « Une logique de culpabilisation qui lamine l’estime de nous-même et nous désarme face à toute agression … Nous sommes arrivés à un point limite où la dénonciation et la réécriture de l’histoire sous l’angle du moralement correct participent d’une détestation mortifère. » (Jean-Pierre Le Goff) – Haine de soi, mépris de soi, jouissance morbide à se vautrer dans sa propre détestation. Voilà où en sont nos prétendues élites.

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« L’on éprouve davantage de regrets par rapport à des choses que l’on a faites que par rapport à des choses que l’on n’a pas faites … Pourtant, dans d’autres études, on s’aperçoit que les plus grands de nos regrets viennent des choses qu’on n’a pas faites … Ce que nous avons tendance à regretter dans l’immédiat, ce sont surtout les choses que nous avons faites, nos actions (lorsqu’elles ont échoué bien sûr). Et ce que nous avons le plus à regretter sur le long terme, avec du recul, ce sont plutôt les choses que nous n’avons pas faites, nos inactions et nos intentions d’action non concrétisées … Il semble d’ailleurs que le profil émotionnel de ces deux types de regrets soit différent : les regrets d’action à court terme ‘(je n’aurais pas dû faire cela…’), dits ‘regrets chauds’, sont en général plus intenses que les regrets  d’inaction (‘J’aurais dû…’), dits ‘regrets mélancoliques’ … Les regrets d’action sont davantage associés à des émotions intenses (colère, honte, culpabilité, frustration…) tandis que les regrets d’inaction sont eux plus fortement inducteurs d’émotions plus discrètes (mélancolie, nostalgie, désabusement…). » (Christophe André)

« Ouvre si tu peux sans pleurer ton vieux carnet d’adresses. (Louis Aragon)

« Deux sortes de nostalgies : celle qui porte sur le passé qu’on a vécu et celle qui porte sur le passé qu’on aurait pu vivre. La première se conjugue au conditionnel présent (j’aimerais retrouver ces jours…) ; la seconde au conditionnel passé (si j’avais osé…). La première se heurte à l’irréversibilité du temps. La seconde ne veut pas seulement revenir en arrière, mais changer l’histoire (si j’avais écouté… si j’étais parti, resté…). » (Marc Augé)  – Regrets alors sans sens moral.  

 « Le souvenir de tes péchés te rend à juste titre triste et inquiet, tristesse salutaire tant que le désespoir ne s’en mêle pas. » (saint Augustin ? – cité par Emmanuel Godo)

« Pourquoi les pleurs sont doux aux malheureux … Serait-ce que les larmes, chose amère, nous deviennent douces à cause du dégoût ressenti pour les plaisirs passés et tant que dure cette aversion ? » (saint Augustin) –   En contexte, entendre plutôt fautes que plaisirs.  

« Il prenait ses remords pour des absolutions. » (Balzac)

« Nos regrets ne doivent pas se tourner en réclamations. »(Anne Barratin)

« Ne te laisse pas ronger par un regret ; c’est le travail du remords. » (Anne Barratin)

«  Une série de souvenirs s’éveillaient dans son imagination, coupés par ces grands élans qu’excitent dans une âme les approches de la mort … Vous ne pouvez pas savoir, mon ami,  les pensées qui assiègent le lit d’un mourant. Toute mon existence est présente devant moi … Comment n’ai-je pas vu que nous pouvions nous aimer ? Lui et moi. » (Maurice Barrès – La colline inspirée)

« La sottise, l’erreur, le péché, la lésine,

« Occupent nos esprits et travaillent nos corps,

« Et nous alimentons nos aimables remords,

« Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

« Nos péchés son têtus, nos repentirs sont lâches ;

« Nous nous faisons payer grassement nos aveux,

« Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,

«  Croyant par de vils pleurs laver nos taches. » (Baudelaire –Les fleurs du mal)

« Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane

« Noierons-nous ce vieil ennemi. » (Baudelaire)

« L’immense syndrome de repentir, de réécriture historique … qui s’est emparé de cette fin de siècle (le XX°) … Nous contrefaisons cette humiliation … dans le victimal, dans l’humanitaire, dans l’autodérision et l’autodépréciation, dans cet immense effort sacrificiel qui nous tient lieu de rédemption. » (Jean Baudrillard)

« Les musées, les jubilés, les festivals, les moindres fragments inédits, tout cela témoigne que nous entrons dans une ère active de ressentiment et de repentir. ». (Jean Baudrillard)

« Il céda par paliers, croyant naïvement qu’il était possible de ne se soumettre qu’à moitié. Il n’avait pas compris qu’une fois mis le doigt dans l’engrenage, le corps tout entier finit par y passer : la grande règle de la repentance, c’est qu’on ne se repent jamais assez. » (Alain de Benoist – sur quelqu’un poursuivi par la police de la pensée)

« Le pardonne remplace pas la justice. » (Benoît XVI)

« Que d’hommes qui crurent aussi en avoir fini pour toujours des entreprises de l’âme, s’éveillèrent entre les bras de leur ange, ayant reçu au seuil de l’enfer ce don des larmes, ainsi qu’une nouvelle enfance. » (Georges Bernanos – sur un repentir soudain)

« Il n’a pas su m’aimer, j’ai désiré me rapprocher de lui trop tard. » (Philippe Bilger – sur son père)

« Toute injustice commise, ou même seulement pensée, se vengera un jour sur notre âme, sans se préoccuper de savoir si nous avons ou non des circonstances atténuantes. » (Christian Bobin) – C’est croire que le remords est inéluctable, c’est bien optimiste !

« Ce qu’on cherche, c’est moins à être pardonné qu’à être consolé pour le mal qu’on a fait, pour pouvoir ensuite poursuivre. » (Christian Bobin)

« J’éprouvais du remords à ne sentir aucun remords. » (Jorge Luis Borges)

« Le remords est la conscience de l’irréparable ; il est toujours infiniment proche d’un  désespoir, et il désespère de ne pouvoir ôter l’inscription du mal dans la nature et dans l’histoire. Le propre du remords est son extraordinaire lucidité métaphysique : l’objectivité monstrueuse du mal qui lui est clairement révélée est le contraire d’une hallucination. Cette lèpre qui est survenue au réel n’est pas la projection d’une psychologie morbide ; elle a été, donc elle est. » (Etienne Borne)

« Est-il un seul homme de cœur qui n’ait pas au fond de sa conscience le remords d’une omission monstrueuse ? » (Henri Boucher)

« Ce qu’on laisse derrière soi ne vaut pas toujours d’être regretté. Mais, ce qu’on laisse derrière soi, c’est toujours sa jeunesse. » (Robert Brasillach)

« La repentance crée des gens qui s’excusent des délits anciens (ceux commis par leurs ancêtres) pour se défausser des crimes présents (ceux qu’ils commettent). » (Pascal Bruckner) – Hypocrisie bien digne de nos sociétés.

« La contrition ne saurait être réservée à quelques-uns et la pureté consentie comme une rente morale à ceux qui se disent humiliés. » (Pascal Bruckner)

 « Le repentir reconnaît la faute pour mieux s’en séparer … le remords s’y maintient par besoin maladif d’en éprouver les brûlures … il ne se repent pas du péché, il s’en repaît … Mélange de bonne volonté et de mauvaise foi : désir sincère de refermer les vieilles plaies, envie secrète de se mettre hors jeu. » (Pascal Bruckner) – « Ce qui doit être brisé, c’est la dette, non le souvenir. » (Olivier Abel)

« ‘Repentez-vous !’ Nous sommes dans un temps où les hommes, poussés par de médiocres et féroces idéologies, (qui ont surchristianisé le christianisme)  s’habituent à avoir honte de  tout. Honte d’eux-mêmes, honte d’être heureux, d’aimer et de créer … Il faut donc se sentir coupables. Nous voilà traînés au confessionnal laïque, le pire de tous. Cet usage répété du scalpel contre soi, nous l’appellerons le devoir de pénitence … Nous rivalisons dans les larmes et l’apitoiement. » (Pascal Bruckner)

« Il n’y a pour l’homme, qu’un vrai malheur, qui est de se trouver en faute, et d’avoir quelque chose à se reprocher. » (La Bruyère)

« C’est notre nouveau sport national. La génération immaculée d’aujourd’hui face à votre génération coupable. Qui expiera les péchés de nos pères, même s’il ne s’agissait pas de péchés à l’époque. »  (John le Carré – sur la repentance masochiste exigée – L’héritage des espions)

« Un homme n’est pas rivière, pour pouvoir retourner en arrière. » (Miguel de Cervantès)

« Nous confondons volontiers le désappointement avec le remords et le regret avec le repentir. » (Hyacinthe de Charencey)

« On ne se repent bien que des fautes que l’on n’est plus en état de commettre. » (Hyacinthe de Charencey)

« S’il est bon de se prosterner dans la poussière quand on a commis une faute, il n’est pas bon d’y rester. »(Chateaubriand)

« La seule fonction de ma mémoire;  m’aider à regretter. » (Emil Cioran)

« La nostalgie, privilège de classe, est interdite au peuple ; d’un côté distinction sociale de l’élite, jouissance autorisée ; de l’autre, signe coupable des perdants et des ringards, dépossédés de leur présent comme de leurs souvenirs. » (Eric Conan – La gauche sans le peuple)

« J’ai voulu peindre le mal que font éprouver même aux cœurs arides les souffrances qu’ils causent, et cette illusion qui les porte à se croire plus légers ou plus corrompus qu’ils ne sont. A distance, l’image de la douleur qu’on impose paraît vague et confuse, telle qu’un nuage facile à traverser ; on est encouragé par l’approbation d’une société toute factice … On pense que des liens formés sans réflexion se briseront sans peine … Mais quand on voit ce douloureux étonnement d’une âme trompée, cette défiance qui succède à une confiance si complète … cette estime refoulée sur elle-même … on découvre combien sont profondes les racines de l’affection qu’on croyait inspirer sans la partager : et si l’on surmonte ce qu’on appelle faiblesse, c’est en détruisant en soi-même tout ce qu’on a de généreux, en déchirant tout ce qu’on a de fidèle, en sacrifiant tout ce qu’on a de noble et de bon. On se relève de cette victoire, à laquelle les indifférents et les amis applaudissent, ayant frappé de mort une portion de son âme, bravé la sympathie, abusé de la faiblesse, outragé la morale en la prenant pour prétexte de la dureté ; et l’on survit à sa meilleure nature, honteux ou perverti par ce triste succès … J’avais brisé l’être qui m’aimait ; j’avais brisé ce cœur, compagnon du mien, qui avait persisté à se dévouer à moi, dans sa tendresse infatigable ; déjà l’isolement m’atteignait … Vous regretterez ce cœur dont vous disposiez, qui vivait de votre affection, qui eût bravé mille périls pour votre défense, et que vous ne daigniez plus récompenser d’un regard. » (Benjamin Constant –  Adolphe – histoire d’une rupture)

« Le remords témoigne que l’acte a révélé non pas seulement une erreur, mais vraiment une faute ; une défaillance qui ne tient pas à l’acte, mais à la nature de celui qui l’a commis, et une nature dont il est paradoxalement responsable. ‘Pour le remords, le fait d’avoir transgressé un devoir suffirait-il à le susciter s’il ne se détachait pas sur le fond d’un sentiment de culpabilité plus originaire’. » (Alain Cugno – citant Jean Nabert)

« Les larmes de remords sont les plus douloureuses. Le pardon ne les sèche pas … Se sentir indigne de la lumière, d’avoir manqué sa vocation surnaturelle. » (Raphaël Debailiac – interprétant Gustave Thibon)

« La culpabilité collective croît au moment même où la responsabilité personnelle diminue. La première dédouane la seconde et nous fait apparaître parfaits face à des ancêtres à l’âme noire… La responsabilité personnelle … laisse place à  la responsabilité collective … Prix à payer pour la prétention à la morale totale qu’est l’humanitarisme … Henri IV, lui, exhortait à l’oubli  … Etrange de demander à ceux qui n’ont rien fait de demander pardon, à ceux qui n’ont pas subi de demander réparation. »  (Chantal Delsol)  – Mais on n’en est pas à une stupidité près, surtout quand s’y mêle le fric. 

« On se repent d’une mauvaise action lorsqu’elle a été inutile. » (Louis Dumur)

« L’offensé doit accorder son pardon du fond du cœur, mais la manifestation du pardon dépendra de la situation entre les deux personnes … On n’est pas obligé de dire à la personne qu’on lui a pardonné. Elle ne sait pas toujours qu’elle nous a offensé. Et ce n’est pas parce que nous sommes prêts à faire cette démarche de purification qu’elle l’est aussi. Si elle n’est pas capable de l’entendre, mieux vaut ne rien  lui dire. » (des ecclésiastiques)

« La manière de mourir dépend de la question de savoir si le mourant a le sentiment, et dans quelle mesure, que sa vie a été bien remplie, pleine de sens, ou au contraire vide de contenu et de signification … Il est permis de supposer que la mort sera plus facile pour celui qui a le sentiment d’avoir accompli sa tâche, plus difficile pour celui qui sent qu’il a perdu sa vie. » (Norbert Elias) – Et même avant, plus difficile sera celle de vieillir. – « C’est de la manière dont on a employé la jeunesse que dépend le sort de l’extrême vieillesse. » (Stendhal) – « Heureux celui qui n’aura pas à se repentir de son fragment de vie ! » (Johann Gottfried Herder)

« Ernest s’asseyait, alignait quelques phrases bouffies d’orgueil, puis s’en allait … Après son départ, les parents restaient interdits, comme s’ils venaient de subir un cambriolage d’une extrême violence’ … J’avais le verbe facile et il m’est arrivé, non seulement, de me disputer avec mes parents mais, fort de la stupide supériorité de l’éloquence, de les engueuler. Lue après coup, la phrase d’Appelfeld est restée fichée en moi comme un remords. » (Alain Finkielkraut – se rappelant et citant une phrase d’Aharon Appelfeld) – Sur la  visite d’un fils encore prétentieux et vindicatif à ses parents ; évitons ce genre de remords, irrattrapable.

« Il émane beaucoup moins d’humilité que de fatuité de l’actuel climat de repentance. » (Alain Finkielkraut)

« C’est ainsi que nous nous débattons, comme des barques contre le courant, sans cesse repoussés vers le passé. » (Francis Scott Fitzgerald – Gatsby, le magnifique)

« Va, recueille un autre enfant, occupe-t-en et aime-le. » (le mahatma Gandhi – à un émeutier qui se torturait au souvenir qu’il avait tué un enfant)

« La fonction première de la repentance est de désarmer l’Europe Occidentale en tant que civilisation. La repentance est une grande machine à détruire les mythes et les croyances collectives qui permettent à un peuple de se regarder dans la glace sans vouloir se trancher les veines par honte et dégoût de soi.  En installant un complexe d’infériorité au plus profond des peuples, elle accomplit sa mission qui est d’étouffer à la racine toute velléité d’affirmation de soi. Elle a remplacé le péché originel d’Adam et Eve par une série de crimes inexpiables qui servent de prologue à une descente aux enfers de la civilisation européenne dont la seule vocation devient alors de réparer les offenses (donc de passer à la caisse) avant de laisser la place aux autres. » (Driss Ghali)

« Notre passé n’est plus composé que de fautes inexpiables appelant une réparation infinie envers les peuples. » (Jean-Pierre Le Goff) – Qui peut respecter ce pays qui ne cesse de traîner ses ancêtres dans la boue ?

« Si le regret ‘surgit du fond des eaux’, n’est-ce pas que notre cynisme, notre égoïsme et notre mauvaise foi avaient noyé ces mauvaises actions que nous ne voulions plus voir ? En ressurgissant, elles prouvent que rien ne meurt jamais, que le passé est toujours là, mais secrètement. Et en souriant, le regret témoigne de l’immense compassion, de la profonde indulgence de la vie. » (Nicolas Grimaldi – citant Baudelaire)

« L’avantage de la foi, c’est le repentir. Comme le plein d’essence il donne de nouvelles forces pour rouler. Les athées ne savent pas ce qu’ils perdent. »  (Jean-Edern Hallier)

« Qui n’a a pas dans sa jeunesse fait endurer de pénibles journées à son prochain, rejeté l’amour qu’on voulait lui donner et méprisé la bienveillance d’autrui ; qui n’a pas négligé de saisir le bonheur qui se présentait par défi et par orgueil ; qui n’ a pas  un jour blessé quelqu’un dans son honneur, qui ne s’est pas déshonoré, qui n’ a pas manqué à un ami par une parole insensée, une promesse non tenue, un geste vil et cruel ? » (Hermann Hesse) 

« J’aurais pu rendre une femme heureuse … Tout était clair … dès le début ; mais nous n’en avons pas tenu compte. Avons-nous cédé à des illusions de liberté individuelle, de vie ouverte, d’infini des possibles ? Cela se peut, ces idées étaient dans l’esprit du temps ; nous ne les avons pas formalisées, nous n’en avions pas le goût ; nous nous sommes contentés de nous y conformer, de nous laisser détruire par elles ; et puis, très longuement, d’en souffrir. » (Michel Houellebecq)

« Son regard est plein d’amour, mais aussi d’indulgence et de tristesse parce qu’elle a déjà probablement compris que je vais la trahir, et que l’histoire va se terminer … Sur le quai …  mise à pleurer, pas vraiment à pleurer, quelques larmes ont coulé, elle me regardait … jusqu’au départ du train son regard ne m’a pas quitté une seule seconde … d’autres larmes se sont mises à couler, et je n’ai pas bougé, je n’ai pas sauté sur le quai, j’ai attendu que les portes se referment … Pour cela je mérite… » (Michel Houellebecq) – Infinie tristesse.

« Comme le souvenir est voisin du remords.

« Comme à pleurer tout nous ramène. » (Victor Hugo)

« Et si nous devions revivre tout ce que nous avons fait du point de vue de ceux auxquels nous l’avons fait. » (Roland Jaccard)

« Le pardon brise la clôture du remords. » (Vladimir Jankélévitch)

« Le remords, crise aiguë de l’irrévocable … impuissant parce que la révocation de l’irrévocable est impossible … On peut défaire la chose faite, mais non pas défaire le fait d’avoir fait, qui est indéfaisable … on peut annihiler ou anéantir la chose, mais non point nihiliser son essence … Le supplice de l’irréversibilité consiste … dans l’impuissance à réparer … Echanger la brûlure du remords, le mal de l’irrévocable, contre l’amertume du regret, la misère de l’irréversible… » (Vladimir Jankélévitch) – Défaire, peut-être ; Infaire, non.

« Le remords est le regret navrant d’avoir mésusé d’une liberté presque infinie. » (Vladimir Jankélévitch)

« Quand le remords a retrouvé, dans la confession et dans le ‘mea culpa’, l’accès au langage parlé, il est déjà presque guéri ; et il s’appelle, dés lors, repentir. » (Vladimir Jankélévitch)

« Après coup, après l’occasion manquée, commence le chapitre du regret et de la souvenance. Il est vrai que ce chapitre là commence aussi le lendemain de l’occasion capturée. Mais si le regret a dans le premier cas toute l’amertume navrante de l’échec et de la déception, il est dans le second cas enveloppé par la douceur nostalgique de la mélancolie. » (Vladimir Jankélévitch)

« Le remords voudrait anéantir, il déplore un passé qui n’est que trop présent … C’est le passé qui de lui-même et objectivement s’alourdit sur nos épaules … Le parasitisme du remords ; le remords vit de nous … il habite notre présent comme un intrus, un visiteur indiscret qui épie… L’amer ‘j’aurais pu’ devient un incosolable ‘j’aurais dû’. » (Vladimir Jankélévitch)

« Le remords est l’acte en personne et, pour ainsi dire, en chair et en os. Le regret est le mal d’une mémoire qui a gardé le goût du passé en en perdant la présence. » (Vladimir Jankélévitch)

« Le remords est bien plus que le souvenir, il est le passé, complet, littéral, ‘textuel’, il est présence réelle, survivance intégrale. » (Vladimir Jankélévitch)

« D’absurdes préjugés pastichent souvent les avertissements de la conscience ; toute balourdise ou bévue laisse après soi une sorte de rancœur ; ce sont là remords de pauvres, remords au rabais et pleins d’indulgence pour eux-mêmes, regrets apitoyés enfin, mais non remords. » (Vladimir Jankélévitch)

« Le repentir est une solution, l’accent ici se déplace de la faute proprement dit sur le moi fautif … Le repentant se sépare de sa faute … Entre le sujet et sa faute il y a désormais la place pour un verbe : on dit : ‘se repentir’, car maintenant nous avons quelque chose à faire ! … Les bonnes œuvres de la conscience repentante qui attendaient derrière la porte close du remords … Car le remords est une maladie désespérée. Avec le repentir … nous avons de quoi nous occuper. » (Vladimir Jankélévitch) – Les religions ont bien compris ce soulagement nécessaire.

« Le remords ne nous punit pas pour nous perfectionner, ni pour décourager le crime, ni pour acquitter une dette, ce n’est ni un exemple, ni une initiation, ni un règlement de comptes. Et pourtant le remords nous punit… » (Vladimir Jankélévitch)

« Le ‘mea culpa’ signifie que nous avons échappé à la solitude monstrueuse de la mauvaise conscience … On n’exprime que les choses qui sont à bonne distance du moi … Mais s’ouvrir de ses péchés à tous ses amis et ajouter des fautes imaginaires aux fautes réelles pour trouver dans le bavardage un soulagement … c’est plutôt complaisance que repentir, cette indiscrète verbosité si répandue dans les ‘journaux intimes’ d’aujourd’hui. » (Vladimir Jankélévitch) – Et à travers ces lamentables scènes d’exhibitionnisme qu’affectionnent les média et surtout la télévision.

« L’oubli sans le repentir est un remède paresseux, trompeur et superficiel, et qui cache la maladie plutôt que la guérir … On reconnaît un esprit bien portant à son pouvoir de ‘tourner la page’, d’en finir avec la douleur, avec le repentir, avec les regrets interminables, avec l’idée fixe de la faute. » (Vladimir Jankélévitch – citant Pierre Janet)

« ‘Trop tard’ : toute la profonde amertume du regret tient dans ces deux mots … Car c’est la finitude de la carrière vitale qui rend tellement irrémédiables et incompensables le gaspillage des opportunités et la fuite des instants bénis. » (Vladimir Jankélévitch)

« Le regret ne diffère pas essentiellement du désir, mais il désire une chose passée. » (Vladimir Jankélévitch) – Regret indépendant de toute moralité.

« Le remords n’a rien de commun avec le repentir par lequel on est censé s’acheminer vers le salut en cheminant peu à peu et par étapes dans la voie de ce salut ; le remords dans la nuit ne nous montre pas une voie … Le remords initie le coupable à une sorte de rédemption qui lui donne tout en un instant. » (Vladimir Jankélévitch)

« Le temps du repentir et celui de la faute sont-ils les mêmes ? Le temps de nos corruptions et celui de nos innocences ? » (Joseph Joubert)

« Prends garde de laisser peines d’amour en route,

« Car tu ne reviendras jamais ici, demain. » (Omar Khayyam)

« Les regrets de ce qui n’est plus sont presque toujours des plaintes de ce qui est. » (Jean-Benjamin de Laborde)

« L’enfance du monde a l’accent du bonheur … De Dante à Cervantès, et des légendes aux bergeries, le regret emporte tous les hommes … Ce ton est aussi celui de tous les textes consacrés à l’âge d’or … ‘Jadis, au temps de nos premiers pères et de nos premières mères, comme en témoignent les écrits des Anciens, on s’aimait de fin et loyal amour, non par convoitise et désir de rapine, et la bonté régnait sur le monde. La terre n’était pas alors cultivée mais elle était comme Dieu l’avait faite et portait d’elle-même ce dont chacun tirait sa subsistance … Cependant, la tromperie vint, la lance en arrêt ; avec Péché et Malheur … Orgueil … Convoitise, Avarice, Envie et tous les vices à sa suite’ (Jean de Meung Le roman de la rose) … ‘Tous ainsi qu’il leur était bon, ils œuvraient en paix au milieu des prospérités’ (Hésiode) Il s’agit de ‘retrouver la clef du festin ancien’. » (Gilles Lapouge) – L’universel et l’intemporel regret d’un Paradis, d’un âge d’or, précédant une Chute.

« Le temps le plus mal employé est celui que l’on donne aux regrets. » (duc de Lévis)

« Pourtant, s’il y a bien une chose que notre époque ne tolère pas, c’est qu’on ne l’aime pas. Pour la pensée dominante, que l’on disait hier de gauche et qui s’appelle aujourd’hui ‘progressiste’, toute innovation doit être un bienfait. Toute chose qui change se doit d’être quelque chose de bien, l’avenir est rose et souriant, à l’exception notable du changement climatique bien sûr. En conséquence, la nostalgie est un crime et l’approbation de ce qui se passe un devoir citoyen …  De quoi se plaignent-ils? Nous avons Greta Thunberg et le tri sélectif, les tablettes à l’école et bientôt la PMA pour toutes. Nous avons Twitter et le principe de précaution. Nous pouvons dénoncer quiconque fait une blague qui nous offusque, et obtenir le renvoi de n’importe quel dragueur lourd. Vous n’allez pas regretter ces temps obscurs d’avant la parité, la trottinette,  si ? » (Elisabeth Lévy)

« La pire chose que l’on peut faire est de penser et réfléchir avec angoisse sur ce qu’on aurait pu faire. » (Georg Christoph Lichtenberg)

« On croit regretter beaucoup de ses anciens amis qu’on a vus disparaître avec assez de sang-froid. C’est soi-même qu’on regrette. » (prince de Ligne) 

« Un remords vaut mieux qu’une hésitation qui se prolonge. » (Henry de Montherlant)

« J’ai su que vous m’étiez quand vous n’avez plus été là. » (Henry de Montherlant)

« Les remords poussent à mordre. » (Nietzsche)

« Quand une mauvaise action nous harcèle, ce n’est pas la douleur infligée à autrui qui nous déplaît, mais le malaise causé à nous-même. » (Cesare Pavese)

« Il se peut aussi qu’avoir au fond du cœur un remords, la plaie d’une vilenie commise dans le passé, augmente la conscience que l’on a de soi-même, nous rende intéressant pour nous-mêmes, occupe beaucoup de nos minutes désolées qui autrement s’écouleraient à vide. » (Cesare Pavese) – Combien sommes-nous impurs !  

 « Des contritions plus sales que des fautes. » (Charles Péguy)

« Un jour nous sommes conduits à aimer morts ceux auxquels, vivants, notre affection ainsi libérée aurait pu causer une immense joie. Mais nous ne les connaissions pas, ni nous-même, ni personne. » (Robert Poulet) – Vains regrets.

« Le regret est un amplificateur du désir. » (Marcel Proust)                           

« On ne peut regretter que ce qu’on se rappelle. » (Marcel Proust)

« Il n’y a pas d’homme si sage soit-il qui n’ait à telle époque de sa jeunesse prononcé des paroles, ou même mené une vie, dont le souvenir lui soit désagréable et qu’il souhaiterait être aboli. » (un personnage de Marcel Proust)

« Sensation de blâme et de réprobation à l’encontre de soi … Différence dans la mesure où le sentiment satisfaisant d’avoir fait ce qui est bon et louable est ressenti au moment même où la bonne action est accomplie, tandis que le  sentiment douloureux d’avoir fait ce qui est mauvais et blâmable suit la mauvaise action. A l’instant en effet où nous agissons mal, notre instinct égoïste (avidité, soif de vengeance, ambition…) nous occupe si complètement que le sentiment de ce que l’action a de condamnable ne trouve plus place en nous et reste latent. » (Paul Rée)

« Je veux vivre avec des regrets et non des remords. » (Jules Renard – citant une Anglaise)

« Le temps efface le souvenir des malheurs, jamais celui des fautes. La morsure d’un remords se ravive chaque jour plus cruelle dans notre conscience, à mesure que la vie passe. » (Jean-François Revel)

« Si nous n’étions pas libres de faire ce que nous pouvons, nous ne connaîtrions ni regrets ni remords … Le regret et le remords tombent toujours sur ce qu’il y a de libre dans nos actions : le regret quand l’action est indifférente, le remords, lorsqu’il y a moralité. » (Rivarol)

« Notre repentir vient moins de nos actions que des dommages qu’elles nous causent. » (La Rochefoucauld)

« Notre repentir n’est pas tant un regret du mal que nous avons fait, qu’une crainte de celui qui nous en peut arriver. » (La Rochefoucauld)

 « La vie est vite finie ; on en arrive bientôt à l’époque des conséquences et de l’irréparable. » (Pierre Drieu la Rochelle – Le feu follet)

« Il y a des regrets qui qui portent du fruit quand ils nous invitent à des démarches de pardon ou de réparation. Mais il y a des regrets qui sont stériles, des nostalgies qui nous retiennent en arrière. » (Sœur Marie-Anne Le Roux)

« Après des décennies de refoulement, quel débordement d’aveux, quelles cohortes de pénitents. La France (l’Eglise aussi), qui longtemps s’est vue toute victime et innocente, se rue dans une culpabilité aussi globale que confuse. Tant d’insistance à clamer ses fautes cache une secrète propension à battre sa coulpe sur la poitrine des autres … Que refoule-t-on sous le discours dominant ?» (Michel Schneider) – Là, dans le cas de la France, il s’agit principalement, de la jubilation qui consiste à cracher sur ses pères, donc indirectement à faire savoir combien, nous, nous sommes bons et leur sommes supérieurs. Qu’on sache bien que ce n’est pas nous qui aurions fait cela ! 

« Le remords est une seconde faute. » (Spinoza)

« Les choses qui n’ont pas été à leur place : méprises, incertitudes, compréhensions tardives, remords inutiles, souvenirs trompeurs, erreurs stupides et irrémédiables. » (Antonio Tabucchi – sur les rappels déplaisants)

« Si j’avais su ! … Mais tu ne pouvais pas savoir ! C’est uniquement ton expérience présente qui crée ton regret du passé. » (Gustave Thibon)

« Ce qui fut jadis objet de confidence (ou de confession) s’étale au grand jour et l’exhibition entraîne non seulement la justification mais la consécration. Mythe de la transparence qui tient lieu de pureté. Plus de pudeur ni de secret : le  mal, la honte ne sont plus dans la chose, mais dans le voile dont on la recouvre, l’aveu sans repentir rendant l’innocence baptismale. » (Gustave Thibon)

« On emploie fréquemment regret pour remords … Le regret concerne le passé, un passé que dans certains cas l’on pourrait aimer revivre … le remords concerne le mal, un mal que l’on aimerait ne pas avoir fait … Le regret nous met en face du temps sur le mode du souvenir, le remords en face de la morale sur le mode de la honte. » (Bertrand Vergely)

« Nous sommes la totalité de ce que nous avons vécu … Il n’y a rien de négatif à se culpabiliser quand on a mal agi. Il n’est pas vain de s’adresser des reproches. On préserve la dignité que l’on possède en ayant honte de basculer dans l’indignité, quand il arrive que l’on chute. » (Bertrand Vergely)

« A la peur de l’avenir vient à succéder la peur du passé. Phénomène panique analogue au remords, ce qui devient alors ‘fautif’, ce n’est plus tellement la personne, l’individu isolé, c’est la société et son environnement immédiat … Coexistence d’un passé non seulement présent mais omniprésent et qui fait obstacle  à l’avenir … Travelling-arrière, le recul de l’histoire entraîne le retrait des acquis, la retraite du progrès … Soudain, tout fuit. Les idéaux éthiques et politiques, la pérennité des sociétés et la stabilité de  l’unité de peuplement démographique … Répulsion de l’être ici présent. A l’instar de l’effroi qui produit le retrait du corps, l’effacement de l’espoir en l’avenir provoque la régression de l’esprit, le ressentiment permanent. » (Paul Virilio) – Ce qui nous arrive avec les vagues de repentance délirantes.

« Dieu fit du repentir la vertu des mortels. » (Voltaire) 

« Il vaut mieux s’endormir avec un regret que se réveiller avec un remords. » (proverbe)

« Les regrets de ce qui n’est plus sont presque toujours des plaintes de ce qui est. » (?)

« Les seuls regrets viennent des choses qu’on n’a pas pu accomplir. » (?)  

« On n’échappe pas aux remords par une légèreté apparente. » (?)

Ci-dessous, extraits simplifiés de l’ouvrage de Jean Delumeau, L’aveu et le pardon, la confession ressortant parfaitement de l’acte de regret-repentir.

« La confession a voulu être et a certainement constitué souvent l’un des lieux de la bienveillance paternelle … Combien les ‘conseils aux confesseurs’ firent progresser dans la psychologie collective l’image ‘moderne’ du père … Extraits d’un manuel du XV° siècle : ‘bienveillance, douceur, affection, pitié, aide et consolation’, ‘Qu’il participe à la peine (le confesseur) s’il veut partager la joie’, soit recommandation d’être partie prenante à l’aveu, que le confesseur soit ‘affable, bienveillant, prompt  et charitable, prudent et discret , soutenant et encourageant’ … Insistance sur l’apaisement consécutif à l’aveu, la confession pour tranquilliser … Consigne de croire les pénitents … D’accorder des peines ou pénitences légères et faciles (tenant compte de l’état du pénitent, vieillesse, faiblesse, autres mérites, et même environnement social, ces éléments se rajoutant à la crainte qu’un châtiment trop lourd soit rejeté) … Si grandes sont l’humiliation et la honte inhérentes à l’aveu que l’Eglise catholique vit dans celui-ci l’expiation principale de la faute et, le plus souvent, accorda son absolution aussitôt après cette ‘confession’ … Les casuistes ont certainement aidé à faire pénétrer dans les mentalités la notion de ‘circonstances atténuantes’, les ‘accidents et conditions’ qui accompagnent l’acte du péché mais n’en constituent pas la ‘substance’. On parlait de circonstance ‘diminuante’ … La distinction entre contrition et attrition ou le motif du repentir : – La contrition, l’amour de Dieu, le regret des péchés motivé par la charité envers Dieu, ‘Qu’il faut pour être absous d’un crime confessé, Avoir pour Dieu au moins un amour commencé’ (Boileau) – L’attrition, la laideur du péché et la peur de l’enfer, le regret motivé par la peur des châtiments mérités (seconde facilité que récusât Pascal dans sa dixième Provinciale, comme les Jansénistes et Boileau, les rigoristes), cette peur qui ‘retient la main, non le cœur’, ‘la peur de l’enfer qui n’a rien de surnaturelle’ (Jansenius), ‘Je pécherais s’il n’y avait pas d’enfer’. » (Jean Delumeau – L’aveu et le pardon) – Cette distinction entre contrition et attrition peut être transposée dans le domaine profane : – Positivité des regrets d’un côté (avoir nui à autrui, à la collectivité…) – Négativité de l’autre (simple trouille du châtiment). On sait ce qu’il en est advenu de l’aspect positif dans notre société sans foi ni loi, sans respect de rien.

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