200,3 – Interdits

– Officiellement, terme ringard, ne s’applique plus guère qu’aux artères urbaines. D’ailleurs il fut « interdit d’interdire. » Si tout est permis, plus rien n’a d’importance.

– Qu’a fait la meute de nos flics du gang politico-médiatique du slogan soixante-huitard : il est interdit d’interdire ! Sinistre inversion.

– Dans les faits, l’interdiction est devenue la grande industrie de notre pays. On n’entend plus que le chœur, soit la meute, des lâches, des arrivistes, des sauvages forcenés et forcenées, des frustrés et frustrées, des impuissants et impuissantes, des voyeurs et voyeuses, des pleureurs et pleureuses, des porteurs et porteuses de haine, tous planqués et planquées derrière leur téléphone pour assassiner verbalement tout ce qui n’est pas encore devenu suffisamment servile. 

– Le toléré n’est pas pour cela légitimé. Distinction nettement trop subtile pour la barbarie actuelle.

– La célèbre formule de Freud : « Là où était le ça, le moi doit advenir (Wo es war, soll ich werden) » ne se comprend pas sans la fonction structurante de l’interdit. Aussi bien peut-on l’inverser aujourd’hui en affirmant que sans l’interdit : « Là où était le moi, le ça adviendra sûrement (Wo ich war, soll es werden). »

– Faire sauter un tabou. Prétention aussi fallacieuse que grotesque et idolâtrée aujourd’hui où il n’existe plus aucun tabou, aucune limite, aucune décence ni même aucun sens…

– « Frénésie normative. De caractère autoritaire On attend des interdits qu’ils règlent les mœurs. Par une grand hypocrisie, on annonce un progrès de la liberté de chacun au moment même où l’on prépare méticuleusement sa régression. » (Dominique Lecourt – sur la censure opérée par le politiquement correct, la multiplication des interdits et la judiciarisation, pour aboutir à l’engendrement d’une société de lâches)

– Dans le cadre de la lutte forcenée contre tout négationnisme, des furieux et des furies proposent d’interdire l’émission de propos climatonégationnistes. On n’arrête pas la nouvelle inquisition. Jadis, il fut un moment interdit d’interdire !

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« Il y a une fonction nécessaire de l’interdit, sans lui le chaos, pas seulement dans la vie sociale, mais dans l’intime de l’homme … sa fonction instaurante …  A qui l’interdit n’a pas été signifié, il ne reste qu’à errer jusqu’à le rencontrer, au besoin par provocation … Le don précède l’interdit, le père aime avant d’imposer sa loi … Dans l’Ancien Testament, la promesse est première et la loi seconde … ‘Tu ne tueras pas’ devient ‘tous les homme sont frères et la vie bonne est dans la reconnaissance de l’autre, quel qu’il soit’ » (père Maurice Bellet)

« La levée ou la disparition des interdits les plus anciens sont toujours compensées par la résurgence ou le renforcement d’autres tabous. » (Paul Bensussan, Florence Rault – à propos de la liberté sexuelle et du renforcement délirant de la présomption de pédophilie)

« A l’origine, l’idée du père (et elle seule) donne son sens et sa valeur vivante aux interdictions : la loi morale, le respect de l’homme, aucune de ces richesses idéales ne nous appartient vraiment, n’est tout à fait reconnue par nous, qu’à travers la relation première et privilégiée du fils au père. » (Pierre Boutang)

« L’interdiction assure une plus-value à tous les acteurs cherchant, d’une façon ou d’une autre, à capter un peu de temps de cerveau disponible. » (Gérald Bronner – sur l’effet dit effet Streisand où les efforts faits pour empêcher la diffusion d’une information y contribuent, au contraire)   

« On ne détruit des tabous que pour en forger de nouveaux. L’interdit se déplace, il ne disparaît jamais. » (Pascal Bruckner)

« Comment ne pas s’inquiéter de voir revenir la passion de l’interdit, surtout à gauche de la gauche, de voir se recréer un nouveau Saint-Office au nom des opprimés ?… » (Pascal Bruckner)

« La plupart des interdits en vigueur dans les sociétés dites primitives sont des interdits de mélange, mélanges qui tendent à apporter de la confusion et du désordre. » (Roger Caillois) – Cet apport négatif n’est d’ailleurs pas le privilège (si on peut dire) des sociétés primitives.

« La passion d’interdire, de réprimer, d’empêcher l’autre de s’exprimer ou d’agir, est une des plus fortes qui soient, au cœur de l’homme et de ses communautés organisées … Du domaine de la chair la passion répressive est passée au domaine idéologique. » (Renaud Camus)

« Nous sommes devenus de purs individus (dit le sociologue), au sens où aucune loi morale ni aucune tradition ne nous indiquent du dehors qui nous devons être et comment nous devons nous conduire. Le couple autorisé-interdit qui organisait la société et les comportements jusque dans les années 50 a fait place au système possible-impossible, lequel ne relève plus tant de la loi que des aptitudes individuelles. » (Belinda Cannone)

« De nos jours, on appelle cela des interdits, et ils sont ‘balayés’. Certes, mais qui s’étonnera après ça, que s’éteigne la race aventureuse. » (Jean Cau – sur ceux qu’on appelait jadis : les poètes maudits, tenus hors des études, Baudelaire…) – Mais on peut extrapoler à tout les domaines, fin des interdits, plus d’aventuriers, plus de poètes, plus de précurseurs… tous pareils, tous médiocres…

« La multiplication  des interdits et obligations destinés à nous maintenir  ‘en forme’ ne traduit pas seulement la louable volonté de nous protéger. Les préoccupations de santé cachent une pulsion moraliste qui évoque les ligues de vertu d’antan. Il ne s’agit plus de nous inciter à faire ce qui est ‘bon’ pour nous, mais de définir pour nous ce qui est ‘bien’ … En quelques décennies, nous sommes passés de la protection à l’infantilisation. » (publication : Causeur)

« Le tabou de la censure appelle une question : Qui interdira l’interdit de censurer ? … L’interdit d’interdire est encore un interdit … Il n’y a pas de société, de civilisation sans interdits. L’interdit d’interdire est l’axiome principal d’entrée en barbarie. » (Guy Coq) – « Faire table rase de toute limite, c’est franchir une marge, celle-là même qui sépare la civilisation de la barbarie. Confondre la vraie liberté, garante de la dignité humaine, avec un laisser-aller qui serait régi par le seul principe de plaisir relève d’une méprise mortifère. » (François Cheng)

« Dans une société de tous les possibles, interdire quelque chose, c’est s’en prendre à la personne et non rappeler l’intérêt général. » (journal La  Croix)

« Partout, sans cesse, en tous domaines, ce qui a progressé c’est la restriction … C’est être atterré que de revoir en esprit le monde d’il y a moins d’un demi-siècle, des années Quatre-vingt … les engins qu’on pouvait piloter, les écrivains qu’on pouvait croiser, les rencontres qu’on pouvait faire, les objets qu’on trouvait et les  livres qu’on pouvait lire, les avions ou les trains qu’on prenait au vol sans réservation, les 22 long rifle et les cigarettes de tabac noir en vente libre, les gestes publics et intimes qui avaient droit de cité, les films qu’on pouvait voir, les baisers qu’on pouvait prendre, les religions qu’on pouvait dédaigner, les écrans qu’on pouvait éteindre, les secrets qu’on pouvait garder, etc. » (Luc Dellisse) – Et en négatif  la gigantesque stupidité actuelle, doublée de haine, qui n’existait pas alors.

 « En Occident il n’existe plus aujourd’hui, fondamentalement, ni de Bien ni de Mal. Pour notre société moderne il n’y a plus désormais, en matière de règle, que du permis ou de l’interdit… » (François Dubreil)

« Une espace sans obstacle à l’accessibilité ne peut être qu’un vide informe, l’image du désert. Le premier acte fondateur d’un lieu est un interdit : c’est le premier mur qui coupe une piste, mais crée un chemin et, orientant l’espace, le rend lisible. Une ‘liberté’ est ainsi supprimée pour que toutes les autres prennent un sens. » (Jean-Pierre Dupuy, Jean Robert)

« Le slogan soixante-huitard, ‘Il est interdit d’interdire’ est dangereux parce qu’il nous prive de la désobéissance en personne. Si les règles sont indispensables, c’est paradoxalement, par que, sans les règles, l’idée même de transgression n‘a pas de sens … A qui désobéir quand personne ne vous contraint ? Qui combattre quand tout vous est permis ? » (Raphaël Enthoven)

« Les interdits sont nécessaires parce que certaines personnes et choses ont en propre une force dangereuse qui se transforme, par contact avec l’objet ainsi chargé, presque comme une contagion. » (Sigmund Freud – sur ce qu’on appelle le narcissisme des petites différences, la compétition, la concurrence… parfois sources de racisme explicite) 

« Le sauvage vainqueur doit expier ses meurtres guerriers par de longues pénitences avant de rentrer dans son village… Il n’est (lui, contrairement aux guerriers ‘civilisés’) pas un meurtrier impénitent … Le caractère insistant du commandement : ‘tu ne tueras point’, nous donne la certitude que nous descendons d’une lignée infiniment longue de meurtriers (hasard, si Caîn est le fils d’Adam et d’Eve, donc dés la deuxième génération ?)… Nous avons acquis ce ‘bien’ par héritage … Un interdit si puissant ne peut se dresser que contre une impulsion d’égale puissance. Ce qu’aucune âme humaine ne désire, on n’a pas besoin de l’interdire, cela s’exclut de soi-même. » (Sigmund Freud) – Cet interdit ne milite nullement en faveur de la force de nos notions morales, bien au contraire, dit Freud explicitement.

« Le soulèvement libertaire (des années 1970) s’est montré d’une efficacité aussi inattendue que ravageuse. Il est venu à bout avec une facilité déconcertante des interdits et des devoirs qui ne tenait plus que par inertie. La simple dénonciation de son anachronisme a suffi à le faire s’écrouler. L’hédonisme pratique s’est révélé incomparablement plus convaincant que l’athéisme théorique. Le droit des désirs individuels et la norme de l’accomplissement personnel ont installé leur règne sans coup férir … Effacement du parti de la réaction (au sens religieux) et du parti de la révolution, effacement de ce couple aussi solide que tumultueux. » (Marcel Gauchet – Le nouveau monde)

 « L’interdit est la première condition de l’existence de liens sociaux, et c’est également le premier signe culturel. » (René Girard)

« L’interdit : barrière contre les objets et les comportements susceptibles de déclencher la violence mimétique. La société moderne supprime ces barrières et libère le désir. Elle place d’emblée les individus dans la situation la plus favorable au ‘double bind’ mimétique, soit face à l’impasse de la voie d’une imitation qui se retourne contre l’imitateur. » (René Girard)

« Les interdits religieux et au premier chef l’interdit de l’inceste, jouent un rôle évident dans la construction et le maintien de l’ordre culturel. Sans rien pour la guider, la tendance mimétique va s’exercer sur toutes les conduites humaines sans distinction, sur celles qu’il convient d’imiter et sur celles dont l’imitation est source de violence. Il faut donc dresser des barrières et interdire strictement les comportements et les objets susceptibles de déchaîner les conflits mimétiques … La société moderne diffère essentiellement des sociétés religieuses, puisqu’elle tend à supprimer toutes les barrières à la ‘liberté’ du désir. » » (René Girard) – Pas besoin d’être prophète pour savoir vers quelles catastrophes se dirigent nos sociétés qui ne limitent plus rien.

« Les ressources sacrificielles sont épuisées, il n’existe plus d’interdits qui puissent faire obstacle aux contagions catastrophiques du désir et de la violence. » (René Girard)

« Au lieu de cet obstacle inerte, passif, bénévole et identique pour tous, donc jamais vraiment humiliant ou traumatisant, que leur imposaient les interdits religieux, les hommes, de plus en plus, ont affaire à l’obstacle actif, mobile et féroce du modèle métamorphosé en rival, un obstacle activement intéressé à les contrecarrer personnellement et merveilleusement équipé pour y réussir. » (René Girard – Des choses cachées depuis la fondation du monde)

« Il y a des interdits animaux, par exemple, l’interdit de tuer le vaincu dans les combats de dominance. Vous savez pourquoi le loup qui tient l’autre loup à la gorge ne le tue pas alors qu’il aurait la possibilité de le faire ? » (René Girard) – La soumission suffit à des animaux plus raisonnables que leurs confrères humains.

« L’interdit d’aujourd’hui est l’autorisé de demain et l’obligatoire d’après demain. » (Christian Godin)

« Continuer à affirmer que la société oppose ses interdits aux désirs sexuels humains, c’est préserver son Moi d’avoir à faire face à sa propre insuffisance. » – (Béla Grunberger, Janine Chasseguet-Smirgel) – Discours d’impuissant.

« C’est l’interdit qui structure l’humanité d’un homme. Aucune société, sauf à accepter de retourner à la barbarie, ne peut vivre sans édicter d’interdits. » (Jean-Claude Guillebaud) – Nous y retournons donc à grands pas.

« En démocratie, on n’interdit pas la parole, on la délégitime … La délégitimation, voire la fascisation, des classes populaires, des représentants ou des intellectuels qui les défendent, est un exercice dans lequel excellentt les prescripteurs d’opinion … Substitution de la parodie de procès au débat contradictoire » éChristophe Guilluy)  – On finit quand même par l’interdire quand l’oligarchie n’arrive plus à la délégitimer.

« Une société sans interdits explicites s’enfonce dans l’angoisse. » (Claudine Haroche) –  Le seul interdit subsistant est qu’il est déplacé, sinon  interdit, de faire ce rapprochement.

« Les règles de juste conduite sont généralement des prohibitions  de conduite injuste … Pratiquement elles sont toutes négatives, au sens de n’imposer normalement aucune obligation positive à quelqu’un, à moins qu’il ne s’y soit assujetti par ses propres actions … Le positivisme juridique est simplement l’idéologie du socialisme, forme la plus influente et la plus respectable du constructivisme, idéologie  enfantée par la volonté d’acquérir le contrôle complet de l’ordre social et par la croyance qu’il est en notre pouvoir de déterminer tous les aspects de cet ordre le  pouvoir nécessairement illimité de quelque autorité, l’Etat omnipotent … Le libéralisme exigeait des individus qu’ils agissent justement, la ‘nouvelle société’ charge du devoir de justice des autorités ayant pouvoir de commander aux gens ce qu’ils ont à faire. » (Friedrich von Hayek – Le mirage de la justice sociale

« Sous prétexte de tolérance, les sociétés occidentales renoncent peu à peu à leurs propres interdits … Mais, à trop accepter, elles laissent se développer en leur sein des fonctionnements pervers. » (Marie-France Hirigoyen) – C’est le moins qu’on puisse dire !

« Les tabous sont eux aussi des fictions, inventées pour structurer la vie en société. Ils varient énormément d ‘une société à l’autre ; l’essentiel, c’est qu’il y en ait. » (Nancy Huston – L’espèce fabulatrice) – On voit aujourd’hui ce qui arrive quand il n’y en a plus.

« Nos sociétés libérales ont développé une formidable capacité à nous faite intérioriser des interdits. Surmoi, auto-examen et casuistique reviennent : politiquement correct (ne pas prononcer un mot qui risquerait de blesser des sensibilités), sexuellement correct ( (ne pas prendre pour une séduction ce qui serait éprouvé comme une violence), écologiquement correct (prendre soin de la planète, ne pas gâcher, etc.), psychologiquement correct (être transparent…), s’abstenir des attitudes qui choquent, des idées qui discriminent, des soupçons qui divisent … Avec le ‘fake’ nous savons maintenant non seulement qu’il est immonde de croire certaines contre-vérités mais qu’il est dangereux de consulter certaines sources … L’épidémie de faux est surtout une épidémie de signalement des faux. II s’agit de ramener le peuple au cercle de la raison … On interdit au nom d’un système de liberté (chasse, repérage et dénonciation). » (François-Bernard Huyghe – à propos des ‘fake news’) – Evidemment ces interdits ne s’appliquent pas aux minorités excitées qui ont le droit de tout dire, tout faire, tout haïr ( (Metoo, etc.)

« La structure de l’âme humaine est ainsi faite qu’elle ne saurait se passer d’interdit, ni se constituer sans lui … Supprimez-vous le mariage, les notions de fidélité conjugale, l’ordre, la décence, la chasteté dans leurs aspects représentatifs, qui orientent notre vouloir et stimulent nos désirs – et l’interdit n’est jamais qu’une digue, un réservoir d’énergie – alors tout se disperse, se dégrade, s’anéantit dans une amorphie totale. » (Pierre Klossowski)

« Dans le processus de perfectionnement, la différence entre le possible et l’impossible est évacuée, tout est possible, tout n’est qu’une question de temps … Et comme l’on a supprimé la différence entre ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, et que tout est par principe possible, un jour viendra où, une fois créée les conditions techniques requises, la différence entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas disparaîtra aussi. » (Karel Kosik) – Même pas question d’attendre, d’ores et déjà tout est permis, comme l’annonçait Dostoïevski il y a déjà plus d’un siècle  « Si Dieu n’existe pas, tout est permis. »

« Chacun se rappelle le slogan de mai 1968, ’Il est interdit d’interdire’. Un demi-siècle plus tard, quelle déconvenue ! Aujourd’hui le temps est à interdire le plus de choses possibles : les opéras comme Carmen qui finissent par la mort d‘une femme ; les statues de pape surmontées d’une croix ; les films où des cow-boys blancs tuent des indiens basanés ; les héros de légende qui fument des cigarettes ; les automobiles qui roulent au gazole ; les crèches de Noël dans les lieux publics ; les animaux dans les cirques ; les humoristes qui chambrent les homos ou les femmes battues ; les sifflements admiratifs dans la rue… C’est comme si la société avait vu fondre sur elle un déferlement de menaces nouvelles … auxquelles les pouvoirs publics débordés répondent par l’avertissement, l’interdiction, la punition, l’opprobre, l’exclusion, la mise au pas, la contravention, la prison. Oserai-je avancer que cette prolifération des interdits est le propre des sociétés post-démocratiques où l’Etat, par ses lois, prétend suppléer le ‘sens moral’, ce consensus universel qui a longtemps défini le bien et le mal et auquel chacun se conformait grosso modo, sauf à se trouver fautif aux yeux de tous ? … Certains se demandent même s’il ne faudrait pas revenir en arrière, et prôner, comme naguère, que ‘tout ce qui n’est pas interdit est permis’. Mais revenir en arrière, de nos jours, c’est défendu ! » (Bernard Lecomte)

« Avec quel acharnement les hommes de l’Etat, un peu partout, rognent ce qui dépasse, détruisent ce qui ne rentre pas dans les normes imposées … Il ne se contente plus de ‘surveiller et punir’, d’élaguer l’inutile, d’éliminer l’anormal. Aujourd’hui, l’Etat gère le quotidien, soit directement soit indirectement. Directement, par les règlements et les lois, par les interdits multipliés, par l’action tutélaire des institutions et des administrations. Indirectement, par la fiscalité, par l’appareil de la justice, par l’orientation des médias … jadis, ce qui n’était pas interdit était autorisé. Aujourd’hui, tout ce qui n’est pas autorisé est interdit.  » (Henri Lefebvre) – L’Etat devenu fou, confié à des pitres incultes et barbares.

« La course à la suppression des tabous dans la civilisation du droit civil est une fuite en avant, annonciatrice des violences de demain, car l’humanité ne saurait vivre sur ce pied-là … Aujourd’hui, sous l’effet de la démagogie du sujet-Roi et de propagandes biomédicales insensées, appuyées par la nouvelle idéologie du marché (toute demande, même folle, doit être satisfaite) … On fait du ‘social’ dans le sens de l’aplatissement du jeu normatif (l’enjeu de Raison), conformément aux propagandes anti-tabou qui promeuvent le sujet-Roi, sujet fondateur de lui-même … Toute société notifie au sujet la dimension de la séparation sous la forme d’un discours du ‘non-disponible’, de ce qui est, pour lui sujet, hors d’atteinte. Cela veut dire : le sujet n’est pas tout … Comment réinventer indéfiniment la fonction du Tiers séparateur, mettre en scène de façon symboliquement opérante la catégorie de la négativité, nécessaire à l’entrée du sujet dans l’humanité ? … Les religions classiques développaient autrefois des procédés institutionnels propres à notifier au sujet son statut ‘d’être séparé’, séparé des choses et séparé du fantasme d’être tout. » (Pierre Legendre – psychanalyste – considérations éparses sur l’interdit)

« Il ne s’agit pas de faire triompher un discours du Bien contre un discours du Mal, il s’agit de préserver l’Interdit, en tant que bouée de sauvetage de l’humanité. L’interdit est par hypothèse la problématique de la limite. » (Pierre Legendre – cité par Jean-Claude Guillebaud) – Sans limites, chaos, désespoir, folie, au bout suicide…

 «  Il s’agit maintenant de censurer sans entraves et de jouir d’interdire. » (Jérôme Leroy) – Fini de rire. Les constipé(e)s, les harpies, les frustré(e)s sont au pouvoir. 

« Chaque jour apparaissent de nouveaux vides juridiques qu’il convient de combler sans délai en créant à tout va de nouveaux interdits et les châtiments afférents … causes à défendre, discriminations à combattre, oppressions à dénoncer … (Elisabeth Lévy) – Noble peur du vide – « Même, d’après le site Atlantico, les ‘menstruations sont un tabou qui discrimine encore la moitié de l’humanité’. » – Il faut que cela cesse !

« Parler, c’est, inévitablement, dire et articuler la loi. Il n’y a pas de parole pleine qui ne soit pleine d’interdit. » (Bernard-Henri Lévy) – Puisse t-il s’interdire alors d’enfoncer des portes ouvertes ou d’inventer une France qui ne convient qu’à lui.

« Malheureusement, si l’époque où tout était permis est heureusement révolue, celle où rien n’est autorisé pointe le bout de son nez. Chaque idéal a désormais ses bigots rigidement drapés dans leur inattaquable humanisme, censés protéger ‘leur’ faible, dont la caractéristique principale est d’être tellement bête qu’il ne sait jamais ce qui est bon pour lui. » (Jean-Paul Lilienfeld – sur l’interdit féroce de toute critique, de tout humour…) – Sur l’abrutissement généralisé imposé.

« Il semblerait que l’administration (peut-on encore dire ‘l’État’?) ne cesse d’en rajouter sur ce qui exaspère et paralyse le pays, pour le bien de tous, évidemment. On se demande comment cette politique consistant à dire non à pratiquement tout va cesser » (Sophie de Menthon – Sur les innombrables et contradictoires interdictions promulguées par le monstre sans tête)

« La logique d’illimitation libérale (et l’inévitable tendance à légiférer sur tout qui l’accompagne) ne peut que déclencher, à terme, une réaction en chaîne non maîtrisée dont la conséquence la plus probable (comme on ne le voit déjà que trop) est la multiplication indéfinie des interdits et le rétrécissement inexorable des libertés individuelles. » (Jean-Claude Michéa)

« Dans la culture de gauche, toute porte fermée constitue, par définition, une provocation intolérable et un crime contre l’esprit humain … L’impératif catégorique est d’ouvrir et de laisser ouvertes … (même si elles donnent sur la voie et que le train est en marche) …Tel est … le fondement métaphysique de cette peur d’interdire quoi que ce soit d’un si grand nombre d’éducateurs et de parents. Il convient d’ajouter que, selon le circuit classique des compensations de l’inconscient, cette peur d’interdire se transforme assez vite en besoin forcené d’interdire (par la pétition, la pression de la rue, le recours au tribunal, la menace physique…) tout ce qui n’est pas politiquement correct … Triste et contradictoire psychologie de ces nouvelles classes moyennes dont la Gauche moderne est devenue le refuge de prédilection. » (Jean-Claude Michéa) – Gogos et Bobos, stupides, serviles et lâches.

« Une fois qu’on admet le principe qu’il est du devoir du gouvernement de protéger les individus contre leur propre stupidité, l’on ne peut plus avancer d’objections contre de nouveaux empiètements. » (Ludwig von Mises – cité par Zygmunt Bauman) – De la prohibition de l’alcool et de la nicotine à l’obligation du port du masque et, au pire, à la censure des opinions qui déplaisent, il n’y a qu’un petit pas. 

« Il revenait à notre temps, lequel se vante si fort d’avoir naguère proclamé qu’il était interdit d’interdire, de porter aux nues, et sans y voir la moindre contradiction, les demandeurs, les préparateurs, les réclameurs, les concocteurs et les fomentateurs de répression ou de dénonciations. » (Philippe Muray)

« La seule, la bonne question désormais, est de savoir s’il est encore possible de ne pas tout interdire absolument. « (Philippe Muray)

« Les interdits religieux, et au premier chef l’interdit de l’inceste jouent un rôle évident dans la constitution et le maintien de l’ordre culturel. Sans rien pour la guider, la tendance mimétique va s’exercer sur toutes les conduites humaines sans distinction, sur celles qu’il convient d’imiter et sur celles dont l’imitation est source de violence. Il faut donc dresser des barrières et interdire strictement les comportements et les objets susceptibles de déchaîner les comportements mimétiques … La société moderne diffère essentiellement des sociétés religieuses, puisqu’elle tend à supprimer toutes les barrières à la ‘liberté’ du désir. » (Christine Orsini – reprenant les thèses de René Girard) – On voit le tout début des résultats de cette inconscience.

« Comment une société qui n’a que le mot ‘liberté’ à la bouche, ou sous la plume, peut-elle produire autant d’interdits, de restrictions, de suspicions ? » (Natacha Polony, Jean-Michel Quatrepoint) 

« Les plaisirs interdits perdirent leur attrait dés l’instant où ils ne furent plus interdits. Même poussés à l’extrême et infiniment renouvelés, ils semblent fades, parce qu’ils sont tous finis et qu’il y a en nous une faim d’infini. » (cardinal Joseph Ratzinger)

« Ce qui est interdit, ce n’est pas ceci ou cela mais une qualité d’autonomie qui ferait de l’homme le créateur de la distinction du bien et du mal. » (Paul Ricœur – sur l’interdit fondamental)

« Est souverain celui-là seul qui maîtrise le champ symbolique des interdits ; est souverain celui qui dicte le licite et l’illicite. » (Carl Schmitt)

« Dans la société de tous les possibles, interdire quelque chose, c’est s’en prendre à la personne et non rappeler l’intérêt général. » (Jean Sévillia)

« Dans un temps qui déclarait ‘interdit d’interdire’, il était déjà devenu infamant et grotesque de n’être pas d’accord avec tout. » (François Taillandier)

« Rien n’empêche les parents d’interdire ce que tout le reste du  monde cherche à imposer. » (François Taillandier – ironiquement – Les parents lâcheurs)  – Tout seul contre la marée poussant à la pourriture.   

« Jadis, l’homme intérieurement libre manifestait son indépendance en violant les interdits sociaux. Aujourd’hui, la même liberté se traduit, non en enfreignant des défenses, mais en refusant des licences. Tout se permettre étant devenu la loi, l’ennemi des lois n’a plus qu’une issue : recréer au-dedans ces mêmes lois que rien ni personne ne lui imposent plus du dehors. Au vieux briseur de tabous, succède le néophyte du sacré. » (Gustave Thibon)

« Il est interdit de croire en rien. » (?) – C’est la seule interdiction subsistante.

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