180,3 – Livres, Littérature, Lecture

« ‘L’écrivaillerie, maladie contagieuse du siècle. » (Bruno de Cessole)

– Si tout le monde écrit puisque tout le monde a quelque chose de passionnant à dire, on ne lit plus. D’où l’isolement et l’inculture actuelles, et très bientôt, la sauvagerie, on ne lit que sous l’abri du refrain-alibi, connu et usé : Après le travail (épuisant), en vacances… pour me détendre… Plus c’est niais, plus nous prenons notre pied, et ainsi nos neurones peuvent-ils continuer à goûter un repos assurément mérité. « On lit aujourd’hui beaucoup trop de livres de pacotille, qui vous font perdre votre temps et dont on ne retire aucun fruit. » (Goethe) – Et pourtant du temps de Goethe il n’existait pas de phénomène comme ce qu’on appelle la rentrée et ses quelques 600 nouvelles publications !

– Donc, peut-être, au mieux, ou au pire, les mémoires ou les aventures de quelque requin des affaires ou de quelque louve à l’ego monstrueux, sur le thème alléchant de : ce qu’il, ou elle, n’avait jamais dit et que les masses laborieuses étaient impatientes de savoir ; ou bien les confidences d’une grand-mère qui entend apprendre au monde entier comment elle a vaincu à la fois son cancer, l’anorexie de sa fille, le dédain de son gendre, l’abandon de son mari, la violence de son dernier amant, son chômage, son surendettement, l’inondation de sa cuisine, ses tendances à l’alcoolisme, la perte des clefs de sa voiture, la disparition du chien… et, grâce à sa ténacité, a réussi à regagner l’estime, méritée, de ses voisins, de son village et même bien au-delà. « L’équivalent littéraire du ‘selfie’. » (Régis Debray)

– Les personnes plus jeunes ont certes moins à conter, mais leur propre être est si vaste ! Par exemple : les tourments existentiels et gynécologiques de mademoiselle Michu ou le soudain éblouissement métaphysique d’un descendant du pharmacien Homais.

– Critère de discernement pratique pour parisien (et sans doute en grandes villes) concernant les livres traitant de sociologie, de politique, d’histoire, de philosophie, de questions interdites, comme il en est tant en France… et qui ont réussi à trouver un éditeur. Si l’ouvrage est répandu dans quantité de bibliothèques (par exemple, 20, à ce jour pour La république bobo cité à la sous-rubrique Bobos, 370,1) il est fort probable qu’il appartient à la catégorie des bien-pensants (sauf classiques connus…) donc qu’il est généralement sans aucun intérêt, ce qui n’est exceptionnellement pas complètement le cas de celui que je viens de citer. S’il n’existe que dans 1 ou 2 bibliothèques (par exemple, Voyage au centre du malaise français, l’antiracisme et le roman national de Paul Yonnet, 1 exemplaire dans le XVIII° arrdt), on peut être quasi assuré que l’auteur ne pensait pas très bien mais qu’il était difficile (sujet, notoriété de l’auteur…) de l’éviter complètement, sa présence discrète relève de la fonction d’alibi. Si on ne le trouve nulle part, c’est très vraisemblablement que l’auteur pense systématiquement très mal, donc que l’auteur étant mis à l’index par la meute, l’ouvrage ne peut être qu’ intéressant. Idem pour les quotidiens et hebdomadaires. Bien sûr, on trouvera des exceptions. Comme le terme l’indique, il s’agit d’exceptions.

-Ne pas confondre chiffre des ventes et nombre des lecteurs. Rien à voir, le premier dépendant uniquement du battage médiatique (en proportion des copinages, des intérêts croisés et de la médiocrité), et n’ayant strictement rien à voir avec la lecture inexistante. Quel est le héros, (peut-être quelque héroïne) capable de lire une production de Christine Angot, par exemple ? 

– Heureusement, au milieu de toute cette production, un critique vigilant, aussi désintéressé qu’assurément cultivé, le premier ministre en personne, M. Valls, nous dit, non pas quoi lire, mais les auteurs à ne pas lire. Merci à lui qui, au milieu de tant de charges, inaugure cette nouvelle fonction d’élu-conseiller litteraire.

– « En 2002, avec tous les copains à servir : critiques–écriveurs à ne pas vexer, journalistes télé qui font vendre, actrices vieillissantes obligées de passer de la pellicule au papier, fils et filles à papa dans leur période bohême et qui ont tant de chose à nous apprendre, on en était à plus de 700 romans de rentrée – qu’évidemment personne ne lira sauf quelques agités et encore plus d’affolées. » (Alain Soral) – Vu un grand magasin oser afficher : Plus de 650.000 livres à disposition. Parmi certainement quelques joyaux, quel amoncellement d’âneries, de vulgarités, d’ignorance crasse, de mensonge intentionnel !    

– « Ne lis jamais une prose encore fraîche. Ne lis pas un livre qui vient de paraître. Mais laisse au temps, qui est le grand trieur, le soin de faire sa tâche silencieuse, qui est d’éliminer. Qu’est-ce qu’un ouvrage classique ? C’est un livre qui s’imprime encore et qui ne cesse de paraître … Ne lis donc, puisque tu a peu de temps, que les livres qui ont subi l’épreuve du temps … il y a trois années au moins. Puis ceux d’il y a trente ans. Puis ceux d’il y a trois siècles. Puis ceux d’il y a trente siècles,et tu trouveras Homère. » (Jean Guitton)

Ce que ce livre m’a appris, je le savais déjà, mais j’ignorais que je le savais. Ce que l’on peut s’entendre dire soi-même maintes fois. Grande joie que de trouver écrit par d’autres, souvent plus qualifiés, ce que l’on pensait, au moins confusément – « Quand nous lisons nous ne cherchons pas des idées neuves, mais des pensées déjà pensées par nous, qui acquièrent sur la page imprimée le sceau de la confirmation. » ((Cesare Pavese)

– « Tolle, Lege ! » – Prends et lis ! –  L’exclamation enfantine, anonyme,  venue du jardin d’à côté, qui fit basculer le quelconque Augustin en celui qui allait devenir le grand saint Augustin.

——————————————————————————————————————————-

« Bien seul est celui qui ne lit que ce qui lui plaît. » (Alain)

« Quand je lis Homère, je fais société avec le poète. » (Alain – cité par Alain Finkielkraut)

« Lecteur, fais attention – toi qui va lire ce livre – à la fin de l’ouvrage – tu ne seras plus le même. » (En-tête d’un livre d’enluminures du Moyen-Âge – cité par Paule Amblard) – Pourrait être dit de ceux qui nous ont appris, surpris, étonnés… N’est-ce pas pour cela que l’on lit ; en dehors de l’indispensable distraction-divertissement ?

« Je crains l’homme d’un seul livre. » (saint Thomas d’Aquin) – Idée unique, idée fixe…

« Ils disent qu’ils n’ont pas le temps de lire et nous les voyons faire des tours d’Europe en treize jours, avaler les messages commerciaux de la télévision, jouer aux cartes, commenter pendant des soirées entières des quart d’idées soi-disant politiques. » (Gilles Archambault)

« L’écriture est au service d’une plus ample connaissance. Lorsque je maîtrise le processus de pensée, je suis très contente et, lorsqu’il m’arrive ensuite de le transcrire de façon adéquate au moyen de l’écriture, je suis doublement satisfaite. » (Hannah Arendt)

« N’aie point souci de plaire à la foule des lecteurs. » (saint Augustin)

« Le plus simple est de ne pas lire l’œuvre et d’en parler comme si on l’avait lue, en affirmant qu’il s’agit d’une chose absolument formidable. » (Marcel Aymé – Le confort intellectuel)

« Les éditeurs devraient faire figurer une date de péremption sur la couverture, afin que le consommateur n’ait aucun doute sur ‘l’actualité’ qui lui est proposée. » (Olivier Bardolle) – Ainsi on ne lirait plus les grands, Céline, Proust, Bloy, même Cioran pourtant plus récent, on se contenterait des platitudes mal écrites honorées par les prix littéraires ou la publicité assourdissante (ce qui ne changerait rien puisque personne ne lit plus ou que des ‘petits romans’). D’ailleurs si les foules achètent n’importe quel livre pourvu qu’il n’ait pas plus de huit jours, rien ne permet d’affirmer qu’ils sont lus, ce qui après tout est souvent préférable.

Les vrais auteurs « se foutent de ce que pensent les lecteurs. Ils n’écrivent pas pour les lecteurs, ils n’établissent aucun dialogue avec eux. Nulle recherche pour coller aux idées du temps, aucune réflexion ni stratégie dans le choix des sujets, c’est bien pour cette raison qu’ils sont absolument créatifs, novateurs et bouleversants … On n’est pas chez Mazarine Pingeot, c’est certain … Animés par quelque colère, ils portent le fer dans la plaie, aussi sont-ils insupportables pour les douillets, les béats, les émerveillés à tout prix, qui se cramponnent à leurs illusions … Ne serait-ce pas la vérité qui suscite la ‘rage de ne pas lire’, la vérité mise à nu qui provoquerait tant de haine à l’égard de ces auteurs qui ‘réagissent’ ? La vérité est toujours scandaleuse et malheur à ceux par qui le scandale arrive … La littérature qui dit le vrai est anxiogène (‘Voyage au bout de la nuit’, ‘A la recherche du temps perdu’, ‘Plateforme’), la vérité est anxiogène, la vie est anxiogène, et notre époque ne veut plus être anxiogène, elle n’a de cesse de s’anesthésier, de s’exciter certes, mais sans rien ressentir. » (Olivier Bardolle)

« Le tragique constitue la toile de fond de la littérature, et les chansons douces font rarement de  grands textes. C’est un peu ce qui pose problème aux écrivains modernes. Ils vivent trop confortablement. Ils n’ont pas de vécu à raconter … Il ne leur est rien arrivé. » (Olivier Bardolle)

« La lectrice veut avant tout s’y reconnaître … ‘Ah dame ! C’est bien vrai !  de l’Angot … IL faut être résolument séculier, concret, présent, décrire le trivial, le réel bien actuel, la ‘tranche de vie’ saignante, aimante et palpitante … La littérature française s’est abîmée dans la contemplation de son nombril … où le ‘moi’ constitue le sujet unique du texte … Le processus accéléré de libération de l’homme à la fin du XIX° siècle, de la mort de Dieu à la perte de la foi en l’homme et au Progrès a débouché sur le vide.» (Olivier Bardolle)

« Comme ‘Le Voyage’, La Recherche’ n’est pas un livre à message, mais un livre d’artiste. Ce ne sont pas les idées ni les concepts qui importent mais les percepts … Céline, comme Proust ne se soucient jamais de plaire, ni même de savoir si leurs lecteurs sont contents de lire leurs textes. Ils se foutent de ce qu’ils pensent. Ils n’écrivent pas pour les lecteurs. Nulle recherche ni stratégie pour coller aux idées du temps … dans le choix des sujets … Et c’est pour ces raisons qu’ils sont absolument créatifs, novateurs et bouleversants … Céline, comme Proust, malgré son style, mais aussi Houellebecq, Cioran, l’imprécateur, ou Léon Bloy, l’atrabilaire, sont des hommes en colère» (Olivier Bardolle)

« La critique littéraire se transforme en une sorte de tribunal civique qui porte au pinacle des écrivains médiocres au nom de la conformité de leurs idées. » (David Barney) – C’est ainsi qu’on fait les gros tirages.

« Ecrire, c’est penser. L’écriture est la fin même de l’œuvre, non sa publication. » (Roland Barthes) – Sauf pour les célébrités (people, politicards…) qui font écrire en une semaine à l’usage des imbéciles quelque bouquin stupide consacrant leur gloire  et leur grand cœur. 

« L’incompatibilité de la littérature et de l’engagement qui oblige, est précisément celle de contraires. Jamais homme engagé n’écrivit rien qui ne fût mensonge  … C’est que l’engagement n’est pas le résultat d’un choix, qui répondît à un  sentiment de responsabilité ou d’obligation, mais l’effet d’une passion. » (Georges Bataille)

« D’après mon expérience, il est tout à fait possible de tenir une conversation passionnante à propos d’un livre que l‘on n’a pas lu, y compris, et peut-être surtout, avec quelqu’un qui ne l’a pas lu non plus … Les communications et les correspondances, c’est bien cela que doit chercher à connaître l’homme cultivé, de la même manière qu’un responsable du trafic ferroviaire doit être attentif aux relations entre les trains, c’est-à-dire à leurs croisements et leurs correspondances, et non au contenu individuel de tel ou tel convoi … La distinction entre le contenu d’un livre et sa situation est fondamentale, car c’est elle qui permet à ceux que la culture n’effraye pas de parler sans difficulté de n’importe quel sujet … Être cultivé, c’est être capable de se repérer rapidement dans un livre, et ce repérage n’implique pas de le lire intégralement, bien au contraire. Il serait même possible de dire que plus cette capacité sera grande, et moins il sera nécessaire de lire tel livre en particulier … ‘Je demeure peu lecteur, car je ne recherche dans un ouvrage que ce qui peut permettre ou interdire quelque chose à ma propre activité’ (Paul Valéry) … La culture porte en soi la menace d’enlisement dans les livres des autres, auquel il est indispensable d’échapper pour faire œuvre de créateur, toute lecture trop attentive est un empêchement à une saisie approfondie de son objet, la plupart du temps nous faisons avec les livres ce que Valéry recommande de faire avec Proust ; nous les parcourons (opinions sous-entendues de Paul Valéry) … ‘Pour apprécier la qualité et le cru d’un vin, point n’est besoin de boire tout le tonneau. Il est facile de se rendre compte, en une demi-heure, si un livre vaut quelque chose ou non, pourquoi patauger dans un lourd volume ? On y goûte, et c’est assez, plus qu’assez…’ (Oscar Wilde – ‘la critique est un art’) … Tenir l’œuvre à distance, leitmotiv de Wilde qui le conduit à cette formule provocante : ‘Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer’. » (Pierre Bayard – considérations éparses tirées de : Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ?)

« Lire est une conquête. Cet effort de déchiffrer un univers mental, plus personne ne va le faire avec une tablette … Lire, c’est résister. C’est même le dernier acte de résistance à un monde entièrement huilé autour de la consommation. » (Frédéric Beigbeder)

« J’aime quand les romans me permettent de connaître ce que je ne connais pas.  Il y a une relation très étroite entre le plaisir de la lecture et la tentation de l’illégalité. » (Frédéric Beigbeder)

« Les écrivains dont on finit réellement les livres sont les seuls qui durent. » (Frédéric Beigbeder)

« Les œuvres sont jugées pour leur utilité, leur résilience (quel horrible mot !) et sur des critères affreusement moraux. L’auteur doit se victimiser, souffrir ostensiblement et ‘témoigner’. Déballage. » (Frédéric Beigbeder) – Indécence et étalage de pourriture.

« Dans le culte de la spontanéité, un objet concentre à lui seul tout le rejet de la transmission : le livre est nécessairement, si la culture est la cause de l’aliénation, l’ennemi à abattre … Fixité, non participatif, non interactif donc inégalitaire… » (François-Xavier Bellamy)

 « Dans la course de vitesse actuelle, le livre a perdu d’avance. » (François-Xavier Bellamy) 

« J’ai toujours pensé que l’art, la littérature, la philosophie, etc., ne devraient pas constituer la principale source de revenus de ceux qui les pratiquent. Il serait souhaitable que celle-ci dépendit plutôt d’un travail socialement utile, accompli éventuellement à temps partiel. L’effet serait de ’normaliser’ un peu ces personnages, de contenir leur narcissisme, et surtout cela diminuerait considérablement la production obligée et la  diffusion d’œuvres inutiles … Spinoza continuât à polir des lentilles.» (Piergiorgio Bellocchio)

« Lire des livres, quels qu’ils soient, suppose un minimum de connaissances. » (Saul Bellow) – Minimum qu’on n’atteint pas courbé sur sa tablette.

« La lecture est d’autant plus nécessaire à une époque où les exemples vivants de valeur élevée sont rares. » (Saul Bellow)

« Au fond de ce goût de nos contemporains pour l’écrivain exempt d’idées claires et distinctes, sachons reconnaître quelque chose de plus profond et de commun, apparemment, à toutes les compagnies mondaines : l’attirance  pour l’intelligence faible, l’aversion pour l’esprit puissant. » (Julien Benda)

« J’ai toujours écrit pour essayer de mettre un peu d’ordre dans l’extrême confusion de mes idées. J’ai dit que j’écrivais non pas pour dire ce que je pense, mais pour le savoir. » (Emmanuel Berl)

« L’exercice de lecture profonde ne survit pas au zapping et l’idiotie menace donc … Trop long, trop compliqué, trop exigeant …Nous ne faisons que décoder de l’information, comme n’importe quel animal. » (Jean-Michel Besnier – à propos d’internet)

« Une littérature squalide et industrielle, effroyable tuméfaction de bêtise et d’ignominie, comme il n’en avait jamais poussé sur le ventre plein de sale engeance d‘aucune civilisation en décrépitude. » (Léon Bloy – sur la littérature de son temps) – Cité pour montrer que jadis, à tort ou à raison, on n’édulcorait pas ses sentiments dans la bouillie actuelle.

« On devrait fonder une chaire pour l’enseignement de la lecture entre les lignes. » (Léon Bloy)

« Que Dieu nous protège du feu, du couteau et de la littérature contemporaine. » (Léon Bloy) – Qui n’avait pourtant pas connu Daniel Lindenberg et Valérie Treirweiler et des dizaines d’autres.

« Je fais des livres qui vivront et qui ne me font pas vivre. » (Léon Bloy –allusion à la conspiration du silence dont il fut l’objet)

 « Un livre de chevet –Il s’agit de l’élite. Le commun des bourgeois ne lit rien du tout et, par conséquent, n’a pas de livre de chevet. Le seul livre capable d’intéresser un marchand de nouveautés ou un entrepositaire de vins en gros est le ‘livre de caisse’, énorme in-folio- à coins de cuivre qu’on ne se représente pas sous un traversin. » (Léon Bloy – 1, CLII)

« Une vie sans lecture est une vie qu’on ne quitte jamais, une vie entassée, étouffée de tout ce qu’elle retient. » (Christian Bobin)

« Il y a toujours dans un livre, même mauvais, une phrase qui bondit au visage du lecteur comme si elle n’attendait que lui. » (Christian Bobin)

 « ‘Il m’est arrivé peu de choses et j’ai beaucoup lu’ … Ma phrase de jadis est erronée. Puisque j’ai beaucoup lu, bien des choses me sont donc arrivées. Les lectures sont de véritables événements de la vie … La lecture d’un livre de Cervantès, de Flaubert, de Schopenhauer, de Melville, de Whitman, de Stevenson ou de Spinoza est une expérience aussi forte que de voyager ou d’être amoureux. » (Jorge Luis Borges)

« Les lecteurs créent à neuf l’œuvre qu’ils lisent. Shakespeare, par exemple, est plus riche aujourd’hui que lorsqu’il a écrit … Cervantés aussi. Cervantès a été enrichi par Unamuno, Shakespeare par Coleridge et Bradley. C’est comme ça qu’un écrivain grandit.. Après sa mort il continue de se développer dans l’esprit des lecteurs. » (Jorge Luis Borges – cité par Simon Leys) – Tant qu’il y a des lecteurs, aujourd’hui ?

« La passion d’avilir. » (David Bosc – chez de nombreux écrivains)

« Le repli sur le vécu, le témoignage ou le document ‘bouleversant d’authenticité’, la sincérité toujours avancée en excuse à la médiocrité, en bref le culte de l’émotionnel et du ‘proche’ contribuent à la glissade de la littérature vers le flot médiatique. » (Daniel Bougnoux)

« Il n’y a pas besoin de brûler les livres pour détruire une culture, juste de faire en sorte que les gens arrêtent de les lire. » (Ray Bradbury) – C’est fait.

« Il devient plus difficile de tirer sur son semblable pour qui a lu Dickens que pour qui ne l’a pas lu. » (Joseph Brodsky – cité par Tzvetan Todorov)

« Le titre de son premier livre commencera par ‘La fin  de…’. L’avantage du mot ‘fin’ réside dans sa finalité dramatique … ‘La Fin de l’Histoire et le Dernier Homme’ … Pour attirer le maximum d’attention, l’article devra contenir quelques inexactitudes. Les articles logiques sont lus et compris immédiatement. Mais un article inexact ou erroné incitera des douzaines d’autres auteurs à réagir et à répondre, faisant ainsi du battage… » (David Brooks – conseils à qui écrit)

« Voulez-vous ressembler aux muses ; « Inspirez, mais n’écrivez pas. » (un monsieur Le Brun– cité par Joseph Joubert) – On pourrait adresser ce conseil à beaucoup de nos écrivaines contemporaines. Encore qu’on imagine mal ces exhibitionnistes incultes dans le rôle de muses ! 

« S’ils parlent, les voilà critiqués et attaqués. Si, devenus modestes, ils se taisent, on ne parlera plus que de leur silence, pour le leur reprocher bruyamment. » (Albert Camus – sur les écrivains – Discours de Suède)

« Ce qu’il alu lui sert à capturer ce qu’il a vécu. Sans ce qu’il a lu, il n’aurait rien vécu. » (Elias Canetti)

« Les livres prêtés sont si vexés, qu’ils reviennent rarement à la maison. » (Alfred Capus)

« La critique contemporaine accomplit déjà massivement cette fonction de censure : elle enterre sous le silence tout ce qui n’est pas à la mode et tout ce qui est difficile. » (Cornelius Castoriadis)

« Toute littérature, si on en sait lire l’avers, est auto biographique. » (Jean Cau)

« La plupart des livres d’à présent ont l’air d’avoir été faits en un jour avec des livres lus de la veille. » (Chamfort)

« Ce qui fait le succès de quantité d’ouvrages est le rapport qui se trouve entre la médiocrité des idées de l’auteur et la médiocrité des idées du public. » (Chamfort)

« L’auteur va de la pensée à l’expression, le lecteur de l’expression à la pensée. »(Chamfort – sur des difficultés de compréhension)

« Je ne lis pas les livres dont je parle, cela pourrait m’influence. » (Chamfort – à propos des  critiques)

« J’avais devant moi un homme dont on rêve, si on est écrivain, sans le rencontrer jamais, et dont je croyais la race disparue : un lecteur. » (Jacques Chardonne)

« C’est un triste sort pour un livre que d’être dévoré par un jeune homme. » (Jacques Chardonne) – Manque de maturité ?

« Je n’ai pas envie d’avoir pour lecteurs des gens dont je ne voudrais pas pour amis. » (Jacques Chardonne)

« Tout à l’heure, j’ai vu sur le camion des éditions du Seuil, écrit en grosses lettres : ‘Tout Baudelaire en un volume’. Si Baudelaire avait prévu une telle horreur, celle qu’il éprouvait pour le monde moderne aurait dégénéré en fureur convulsive. » (Emil Cioran)

« …Il connaîtrait la malchance d’être compris, la pire qui puisse s’abattre sur un auteur. » (Emil Cioran)

« Un livre qui paraît, c’est votre vie ou une partie de votre vie qui vous devient extérieure, qui ne vous appartient plus, qui a cessé de vous harasser. L’expression vous diminue, vous appauvrit, vous décharge du poids de vous-même, l’expression est perte de substance et libération. Elle vous vide, donc elle vous sauve, elle vous diminue d’un trop-plein encombrant. » (Emil Cioran)

« Blanchot, l’auteur idéal pour apprendre à taper à la machine, parce qu’on n’est pas  ‘dérangé par le sens’. » (Emil Cioran – cité par Michel Houellebecq) – Blanchot n’est pas le seul, chez les modernes, à bénéficier de cet indéniable avantage. 

« On n’écrit pas parce qu’on a quelque chose à dire, mais parce qu’on a envie de dire quelque chose. » (Emil Cioran)

« C’est la consolation des mauvais écrivains, je ne veux rien prendre à autrui. » (Emil Cioran –sur les prix littéraires)

« Ecrire, c’est se défaire de ses remords et de ses rancunes, c’est vomir ses secrets. L’écrivain est un détraqué qui use de ces fictions que sont les mots pour se guérir. De combien de malaises, de combien d’accès sinistres n’ai-je pas triomphé grâce à ces remèdes insubstantiels ! » (Emil Cioran)

« Lire, c’est une façon agréable de ne plus se sentir seul au monde. » (Jean Clair)

« Pour la première fois, ces livres ouvraient une fissure dans mon bagne matérialiste. » (Paul Claudel) – A propos des Illuminations et d’Une saison en enfer de Rimbaud ; mais qu’importe, l’essentiel étant d’ouvrir un jour une brèche dans le vide du ronronnement.

« Lisez les pensées des autres, et il vous en viendra. » (Claude Michel Cluny)

« Un livre ne donne jamais ce qu’on en peut attendre. Il ne saurait répondre à votre attente. Il doit vous hérisser de points d’interrogation. » (Jean Cocteau)

«Je ne crois pas à l’évasion par le livre, je crois à l’invasion. Au lieu de s’évader par une œuvre, on est saisi par elle. » (Jean Cocteau)

« C’est à se demander si le rôle des livres, qui parlent tous pour convaincre, n’est pas d’écouter et d’opiner du bonnet. Dans Balzac le lecteur trouve sa pâture : ’c’est mon oncle, se dit-il, c’est ma tante, c’est madame x, c’est la ville où je suis né.’ Dans Dostoïevski que se dit-il ? ‘C’est la fièvre et ma violence, que mon entourage ne soupçonne pas.’ » (Jean Cocteau)

-Contrairement à l’ignorance générale, Les premiers autodafés de livres ne furent pas l’œuvre des nazis, « Mais au Moyen Âge, l’œuvre de sectes millénaristes, telles les Anabaptistes de Munster … l’acte symbolisant la rupture complète avec le passé, et surtout un rejet absolu de l’héritage intellectuel des générations précédentes. » (Norman Cohn) – Ou, dans ce cas, de l’autorité des clercs.

« On sait d’expérience qu’on ne sort jamais indemne des livres importants. Quand on se lance dans Les frères Karamazov, on sait qu’on sera différent au bout. » (Antoine Compagnon) – C’est sans doute pourquoi tant de nos contemporains préfèrent ne rien lire ou lire des amusettes inodores, incolores et sans saveur.

« L’œuvre qui a franchi l’épreuve du temps est digne de durer, et son avenir est assuré. Nous pouvons faire confiance au temps pour déprécier l’œuvre qui complaisait au public facile (l’œuvre que Jauss disait de consommation ou de divertissement) … ‘Madame Bovary‘a peu à peu détrôné ‘Fanny’ de Feydeau … ‘La postérité, redresseuse de torts’ (Baudelaire) … le recul du temps débarrasse l’œuvre du cadre contemporain et des effets primaires qui empêchaient de la lire (ou de la voir) telle qu’en elle-même …Une autre sorte de recul propice à la sélection des valeurs peut être fourni par la distance géographique ou l’extériorité nationale, et une œuvre est souvent appréciée avec plus de sagacité, et moins d’œillères, hors des frontières nationales, loin de son lieu d’apparition L’argument de la postériorité ou de l’extériorité est rassurant : le temps, ou la distance, font le tri : faisons leur confiance. Mais rien ne garantit que la valorisation d’une œuvre soit définitive, que son appréciation ne soit pas elle-même un effet de mode. » (Antoine Compagnon)

« Mieux vaut écrire pour soi-même et n’avoir aucun public qu’écrire pour le public et n’avoir aucun soi-même. » (Cyril Connnolly – cité par Dominique Noguez) – Voir la horde des publié(e)s chaque année.  

« Dépasser l’individuel pour atteindre l’universel ; définition même de la littérature. » (Paulina Dalmayer)

« Les moments de lecture et d’étude ne s’apparentent pas à à une retraite hors du monde mais sont, au contraire, des moments d’importation du monde. » (Anne Dalsuet)

« Faire un roman s’apparente vraiment, comme le savait Flaubert, à un travail de maçonnerie. Après les fondations, les structures, le gros œuvre, la plomberie, l’électricité et les finitions, le plus difficile reste encore de se débarrasser de tous les gravats. » (Maurice G. Dantec)

« La littérature peut, et doit, accomplir deux choses simultanément : rendre étrange le plus familier, et rendre familier le plus étrange. » (Maurice G. Dantec)

« Quand l’horizon de la littérature se restreint aux moi des auteurs, c’est qu’elle se trouve déjà allongée dans le caveau de famille. » (Maurice G. Dantec)

« La vérité ou les honneurs … Ces écrivains bardés de prix et qui clament qu’ils sont libres ! » (Maurice G. Dantec)

« Ce qui compte dans un livre c’est ce qui se passe une fois que le lecteur ‘a refermé. » (Maurice G.  Dantec)

« Pour nombre de journalistes aujourd’hui, la possibilité d’interviewer l’auteur, c’est surtout celle de ne pas lire ses livres. » (Maurice G.  Dantec) – Le journaliste sait tout, de naissance. Arrogance.

« La vraie forme de la gloire est d’être admiré sans être lu, ce qui supprime les réserves et les réticences. » (Léon Daudet – A propos d’Ernest Renan)

« Un lecteur expérimenté hume dès le premier adjectif le livre faisandé .» (Nicolás Gómez Dávila.)

« La plupart des livres dont ‘on parle’ ne sont pas faits pour être lus, analysés, et encore moins archivés, mais pour s’imposer quelques semaines comme biens de consommation et d’ostentation … Pour les nouveaux politiques, philosophes, managers, maîtresses délaissées, le livre n’est qu’une tactique au service d’une stratégie … Ils ont pour fonction principale de nourrir des interviews, légender des photos, déclencher des ‘7 sur 7’. » (Régis Debray) – Destinés aux innombrables gogos, ceux-ci, obéissants, répondent en achetant.

« Dans une société zappeuse, un plaisir trop lent n’en est plus un. A tous les stades … le livre prend du temps. La jouissance littéraire est profonde mais à mèche lente et moins soudaine que le ‘raptus’ visuel ou musical … On ne craque pas devant un roman ou un poème comme on craque devant une photo, une chanson ou une chorégraphie … De Gaulle grand écrivain latin, Pompidou normalien lettres, Giscard d’Estaing Maupassant manqué,  Mitterrand grand liseur et chroniqueur subtil, Chirac déjà voué aux arts visuels mais donnant encore du cher maître au plumitif, et Sarkozy enfin, qui n’en a plus rien à cirer, et n’a d’yeux que pour Johnny. Pour cet art lent, côté Elysée, la pente du toit fut dévalée en cinquante ans. » (Régis Debray) – Dommage que l’auteur n’ait pas poursuivi jusqu’à ce monstre François Hollande.

« Deux conditions requises pour la lecture d’un gros livre, la solitude et le silence, deux choses tenues aujourd’hui pour insupportables. » (Régis Debray)

« L’aspiration démocratique  à transformer en conscience une expérience aussi mince que possible (divorce, amour de vacances, traversée d’une banlieue, partouze, crise de la quarantaine, bedon qui pousse, moustache coupée, etc.) … L’équivalent littéraire du ‘selfie’ … La biographie d’une célébrité, sujet annoncé, laisse vite transparaître l’autobiographie de l’auteur, le vrai sujet, faufilé sous l’étiquette ‘roman’, avec son cortège d’autocélébrations et d’autocitations, et le brouillon de soi s’étale en gloire, que le sujet s’appelle Jésus-Christ ou Chaplin, peu importe. L’important n’est pas d’ouvrir sa fenêtre sur un monde inconnu ou légendaire mais de se mettre soi-même tout nu à sa fenêtre, sans rien celer de ses amours, enfants, psychanalyse, déménagements, plats préférés, etc. » (Régis Debray)

« ‘L’œuvre est ce qui compte le moins dans le destin d’outre-tombe des écrivains’. Ce qui fut dit hier ne s’entendra demain que s’il se trouve des gens qui auront intérêt   à le redire. D’où la nécessité d’un ‘corps de rattachement’, , je veux dire d’une tribu ayant pignon sur rue capable de reprendre les paroles envolées d’un de ses anciens enterrés. » (Régis Debray – citant François Mauriac) 

« L’une des vraies tristesses de notre époque pour ceux qui aiment la littérature, tient aux parades dont bénéficient les bulles d’air, petits romans à scandale, bluettes pathétiques, récits d’aventures à fond plat, épopées du nombril au détriment d’œuvres poussées par le vent du large. » (Jean-Michel Delacomptée)

« Généralement de genre féminin, le Nombriliste Lexomilé a pour unique sujet lui-même. » (Chloé Delaume) – Thème aussi passionnant qu’inépuisable.

« La lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés. » (Descartes)

« Le texte dont on tombe amoureux est celui dans lequel on ne cesse d’apprendre ce qu’on savait déjà. » (Vincent Descombes) – C’est, en effet, une grande satisfaction que de trouver  élaboré chez un auteur ce qu’on avait pu déjà penser tout seul dans son coin.

« Impossible à relire … La lecture qui ne tient pas à la seconde lecture (test élémentaire) n’est pas de la littérature ; elle ne tient pas parce que le lecteur y avait déjà trouvé, à première lecture, ce qu’il savait et sentait avant lecture (‘j’aime le dernier  livre de X, c’est tout comme je pense et tout comme je suis…’). Pourquoi voulez-vous en plus qu’il se récite ce qu’il a eu plaisir à voir confirmé à la première lecture ? Déjà le premier plaisir n’était que plaisir du reflet direct, plaisir de s’y retrouver à l’identique, alors l’identique au carré … on appelle ça les plaisirs moroses. » (Jean-Philippe Domecq) – « Les classiques modernes : ils tiennent à la relecture. » (Octavio Paz)

« Aujourd’hui le débat sur les œuvres est tenu en mains comme rarement il le fut dans ce pays à forte tradition critique. Toute expression critique est immédiatement en butte à l’inversion symétrique des positions, la voix discordante traitée comme réactionnaire, ce qui crée un flou éthique d’un genre nouveau et bien propre par conséquent à laisser se développer une inédite confusion des idées. » (Jean-Philippe Domecq) – Dans notre régime totalitaire, la dictature de la pensée unique s’exerce sur les livres comme sur tout ; et fait payer très cher les déviants (quasi interdits d’édition à vie, expurgés de toutes les bibliothèques publiques…). 

Les quatre figures maniées par la meute des censeurs : – Réactionnaire, c’est l’intimidation politique – Aigri, c’est l’intimidation psychologique, fondée sur le binôme réussite/frustration – Incompétent, c’est l’intimidation méthodologique – Nombreux, c’est l’intimidation morale, on n’imagine pas que vous écriviez seul en fonction de vos convictions… » (Jean-Philippe Domecq – s’exprimant surtout en matière littéraire)

« Le récit des soi n’est pas gage de vérité, certains journaux prétendument intimes sont totalement superficiels, et les introspections qu’ils offrent sont tellement anodines et paresseuses (et flatteuses) qu’elles n’atteignent pas le niveau le plus commun ; ces livres-là se retrouvent plus mensongers que n’importe quel ouvrage de fiction. » (Christophe Donner) – Floraison de ces ouvrages exhibitionnistes de nos jours.

« Comment se débrouiller pour que la représentation de soi échappe au poison de l’imagination ? » (Christophe Donner )

« Les livres qui se vendent le moins ne sont pas les meilleurs, mais il y a plus de chance qu’ils le soient que ceux qui se vendent le plus. » (Louis Dumur)

« La vie est fastidieuse et interminable avec son monceau d’insignifiances, ses rabâchages, ses secrets qu’elle ne dévoile jamais qu’a demi, tandis que les livres vous mènent droit à l’essentiel. Ils vous enseignent les sentiments, les passions, les vertus, les excès, les folies salutaires et les folies funestes. » (Jean Dutourd)

« On reconnaît les mauvais écrivains à l’empressement qu’ils mettent à ne point étonner le lecteur, ni à lui déplaire. Ce sont des caméléons, qui croient que pour être entendu il faut parler le langage de son interlocuteur. » (Jean Dutourd)

« Il n’y a d’œuvres vraiment intéressantes que celles où, s’attendant à voir un auteur, on a le ravissement de trouver un homme. » (Jean Dutourd – s’appuyant sur Pascal)

« Beaucoup d’hommes politiques de la Révolution étaient des écrivains ratés, y compris Robespierre … Quand on sait ce qu’est un écrivain raté, on comprend la méfiance et le sarcasme de Rivarol. Un homme qui écrit mal est un homme qui pense mal. En outre, le bouleversement d’une société ne coûte rien à un écrivain médiocre qui se croit incompris par elle … Sainte-Beuve dit avec justesse que ‘Rivarol a trouvé une des causes profondes de la Révolution, et si bien dans le caractère français : la vanité’. » (Jean Dutourd – allusion à l’Almanach des grands hommes de Rivarol)

« Le profit que nous apporte l’étude d’un grand écrivain, le principal bien qu’on en retire, est celui-ci : grâce à cette étude nous acquérons une conscience plus claire non seulement de nous-même, mais aussi du monde extérieur dans toute sa diversité. » (Eckermann – Conversations avec Goethe) – Allez donc faire comprendre cela à des abrutis courbés sur leur petit écran !

« Ne lisez jamais un livre qui a moins d’un an. » (Ralph Emerson) – Et surtout les Prix !

« Tout le monde écrit son livre … Tout le monde a quelque chose à dire et le dit (Hélas) … ‘Les cons ça osent tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît.’ » (Eric de Ficquelmont – citant Michel Audiard)

« Le désir de garder les livres ou de les accumuler est très mystérieux : leur permanence et leur proximité nous rassurent, alors que nous pouvons ne jamais retourner vers eux. » (Michel Field)

« Dans les moments passés avec un livre préféré, on se repose de soi, on ne défend pas son image : la conversation alors est sans calcul, l’amour-propre ne pervertit plus l’amitié. » (Alain  Finkielkraut )

« Lire n’est pas faire acte de consommation culturelle, c’est converser. » (Alain Finkielkraut)

« La lecture est une passion cérémonieuse, un protocole intime, une rencontre ‘laïque’ puisque les livres y détrônent le Livre, mais aussi une manifestation sacrée, c’est-à-dire disjointe de la vie profane, soustraite au flot des informations quotidiennes, irréductible au monde du souci et à son agitation incessante … ‘Quand je lis Homère, je fais société avec le poète’ (Alain). » (Alain Finkielkraut) – Machiavel se changeait élégamment pour entrer en lecture.

« Cette utopie, ce non-lieu, cet au-delà du lieu et du moment constituaient sa vocation véritable : ne valaient que les œuvres dont la question ‘où ?’ et la question ‘Quand ?’ ne pouvaient pas totalement rendre compte. » (Alain Finkielkraut – sur une expérience de Goethe découvrant l’universalité de la littérature)

« Le pouvoir d’effraction de la lecture. Il est des livres, en effet, dont l’altérité fait mal, car elle ébranle les certitudes acquises, disloque les convictions les plus éprouvées et contraint à de pénibles remises en cause. Il est des œuvres rares qui nous déprennent de nous-mêmes. Il est des textes qui nous contestent sans prendre de gants et qui malgré nous, nous changent. » (Alain Finkielkraut)

« Nous sommes entrés dans l’âge de l’après littérature. Le temps où la vision littéraire du monde avait une place dans le monde semble bel et bien révolu. Non que l’inspiration se soit subitement et définitivement tarie. De vrais livres continuent d’être écrits et imprimés, mais ‘ils n’impriment pas’. Ils n’ont plus de vertu formatrice. L’éducation des âmes n’est plus de leur ressort. Ils s’adressent  à des lecteurs qui, avant même d’entrer dans la vie, refusent de s’en laisser conter et regardent l’Histoire et les histoires avec la souveraine intelligence que la victoire totale sur les préjugés leur confère … sinon pour le mettre au service de l’une ou l’autre des causes qui leur sont chères, ils n’ont plus besoin de Shakespeare. Et, rançon de cette outrecuidance, le faux prend possession de la vie. » (Alain Finkielkraut – L’après littérature)

« Comme l’on serait savant si l’on connaissait bien seulement cinq à six livres. » (Gustave Flaubert)

« C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar… » (Flaubert – première phrase de Salammbô : on est embarqué, et jadis et ailleurs, au-delà d’ici et maintenant)

« Il faut écrire pour soi, avant tout. C’est la seule chance de faire beau. » (Flaubert)

« On n’écrit pas avec son cœur, mais avec sa tête. » (Flaubert)

« La ‘personnalité sentimentale’ sera ce qui plus tard fera passer pour puérile et un peu niaise une bonne partie de la littérature contemporaine. Que de sentiment, que de sentiments ! que de tendresses, que de larmes ! Il n’y aura jamais eu de si braves gens. Il faut avoir avant tout du sang dans les phrases et non de la lymphe… La fable des deux pigeons m’a toujours plus ému que tout Lamartine … mais si La Fontaine avait dépensé d’abord sa faculté  aimante dans l’exposition de ses sentiments personnels, lui en serait-il resté suffisamment pour peindre l’amitié des deux oiseaux ? » (Gustave Flaubert) – La littérature actuelle, dégoulinante  de niaiseries.

« On doit juger de la qualité d’un livre à la vigueur des coups de poing qu’il vous a donnés et au temps qu’il faut pour s’en remettre. » (selon Gustave  Flaubert)

« Lire, c’est créer à deux. » (Anatole France)

« Le sentiment de la permanence fait partie de l’expérience de la lecture … Le fait que le livre me dise la même chose chaque fois que je l’extrais de l’étagère est rassurant. L’écran donne l’impression que tout pourrait toujours s’effacer, se modifier, ou être changé. » (Jonathan Franzen – cité par Bérénice Levet)

« L’avenir radieux que ce déchaînement de l’incuriosité prépare. » (Marcel Gauchet) – Sur le niveau de nos lectures.

« Un livre manqué est un livre qui laisse intact le lecteur … La littérature : une lecture qui ne vous laisse pas dans l’état où elle vous a  trouvé.  » (André Gide)

« C’est avec les beaux sentiments qu’on fait la mauvaise littérature. » (André Gide) 

« Certains livres n’ont été écrits non pour nous instruire mais pour que l’on sache que l’auteur savait quelque chose » (Goethe)

«  La lecture n’était pas seulement une échappatoire à la banalité de la vie quotidienne et de l’ennui, mais elle allait vite devenir la nourriture essentielle d’un dialogue intérieur et d’un imaginaire adolescent en proie aux interrogations et aux désirs les plus contradictoires … Elle me donnait accès et m’entraînait dans un monde ayant ssa  propre consistance qui, en même temps et en retour, éclairait la vie d’un jour nouveau. Elle conférait au monde épaisseur et densité. » (Jean-Pierre Le Goff – La France d’hier) – Aujourd’hui on a progressé, on ne nourrit plus son imaginaire avec Montaigne ou Stendhal, mais avec Léa Salamé, Cyril Hanouna ou copain/copines de même niveau que soi-même  !

« La littérature sérieuse ? Elle n’est pas là pour nous faciliter la vie, mais bien pour nous la compliquer. » (Witold Gombrowicz – cité par Bernard Pivot)

« Le talent d’un écrivain n’est souvent que la faculté terrible de redire en phrases qui semblent belles les éternelles clameurs de la médiocre humanité. » (Rémy de Gourmont)

« Nous nous trouvons menacé aujourd’hui de cette chose impensable : une littérature de magisters. » (Julien Gracq  La littérature à l’estomac

« On a rarement en France autant parlé de la littérature du moment, en même temps qu’on y  a si peu cru. » (Julien Gracq – La littérature à l’estomac)

« Pour l’écrivain français le public est une drogue, constamment à portée de sa main … L’écrivain français, quand il a commencé à publier, ne cesse jamais d’écrire, pas plus que l’acteur de jouer ; on n’a pas encore fini chez nous de s’ébahir du ‘scandale’ Rimbaud. » (Julien Gracq – La littérature à l’estomac)

« Le public français sait, lui, que sa destination de naissance est d’élire des présidents de la république des Lettres … L’écrivain français se donne à lui-même l’impression d’exister bien moins dans la mesure où on le lit que dans la mesure où ‘on en parle’ … ‘Je suis là ! … J’y suis … J’y suis toujours !’ … Ce n’est pas forcément qu’il n’ait plus rien à nous dire, mais c’est son ‘livre annuel’ : il s’agit à nouveau de donner le branle, d’empêcher qu’il y ait prescription. » (Julien Gracq – La littérature à l’estomac)

« Un écrivain américain a chaque ouvrage repart à zéro : le succès de l’œuvre précédente ne lui garantit nullement que son éditeur ne refusera pas un nouveau manuscrit trop faible. Quiconque en France s’est trouvé une fois édité, si son début a été seulement honorable, a toutes chances de l’être toujours : il y compte d’ailleurs et ne pourrait voir dans un refus qu’un affront ou une ‘ténébreuse manœuvre’. De même que l’éditeur sait qu’après un premier livre, inévitablement, bon an, mal an, il en viendra un autre, lui considère paisiblement qu’il a passé un contrat à vie avec le public ; il est entré dans le circuit légal avec les conséquences  irréversibles de l’adoption … Comme le fonctionnaire, l’écrivain aux yeux du public ne rétrograde qu’exceptionnellement … Chez nous une réputation se conserve presque indéfiniment par la force acquise ; à peine un léger effritement … Il n’y a guère d’autres pays où une carrière entière puisse se soutenir par la seule vitesse acquise d’un premier livre … C’est aussi le seul pays où on conserve jusqu’à dix ans de suite le bénéfice financier d’avoir été admissible ‘une fois’ à certains concours. » (Julien Gracq – La littérature à l’estomac)

« Ce n’est que durant notre enfance et notre adolescence que nous sommes totalement lecteurs. Après on développe un esprit critique, et cette innocence enchantée est irrémédiablement perdue. » (Graham Greene)

« En imaginant ce que nous lisons, nous devenons ce que nous imaginons. Ainsi la lecture nous fait-elle vivre mille fois, avant que la vie ne nous y invite, les attitudes par lesquelles s’exprime l’humanité de chacun. C’est dans la littérature que presque chacun a fait choix de son humanité … Car l’humanité n’a été donnée à aucun homme. C’est en imaginant ce qu’elle pourrait être que chacun choisit le modèle de la sienne. » (Nicolas Grimaldi)

« A quoi bon apprendre ce qui est dans les livres puisque ça y est. » (Sacha Guitry)  

« Quand nous découvrons une page qui plaît, c’est parce que nous nous disons : ‘Voilà ce que je pense, voilà ce que j’eusse aimé écrire’. » (Jean Guitton)

« Ne lis jamais une prose encore fraîche … un livre qui vient de paraître … Laisse au temps, qui est le grand trieur, le soin de faire sa tâche silencieuse, qui est d’éliminer. » (Jean Guitton) – Que vont devenir nos affolé(e)s ?

« Un ouvrage dont l’auteur est une sommité médiatique n’affrontera jamais une honnête critique, les cumuls de tribune et les ‘courtoisies croisées’ (Jean-Claude Guillebaud) lui serviront de parapet.. A la rigueur on entendra au loin quelques tirs  de francs-tireurs,, mais toujours recouverts par le tonnerre des applaudissements mercenaires. » (Serge Halimi)

« Le Tocqueville  de la Chine contemporaine. » (Georges Suffert) – « Un cerveau évoquant ceux de ‘Beethoven ou d’Einstein’ » (Pierre Chaunu) – « Le roman dont sans doute rêvait Spinoza. » (André Brincourt) – Elucubrations sur des ouvrages d’Alain Peyrefitte et de Franz-Olivier Giesbert cités par Serge Halimi – « Un responsable de journal qui laisse publier de telles calembredaines dans sa rubrique consacrées aux essais politiques, ne respectera pas davantage la vérité dans les autres pages. » (Serge Halimi)

« Les livres viennent de loin. » (Peter Handke) – De la mémoire parfois lointaine de leur auteur.

« Le livre demande un effort d’abstraction, de précision conceptuelle et terminologique, de réflexion ; mais il apporte à moyen terme l’enrichissement de l’esprit et la solidité de la culture. » (Jean-Louis Harouel)

« La culture ne s’atteint pas par le seul spectacle, fût-t-il celui de grandes œuvres … Il ne saurait à lui seul cultiver ceux à qui manque la pratique du livre … Dépasser l’émotion, la distraction qu’apporte le spectacle. » (Jean-Louis Harouel)

« Là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes. » (Heinrich Heine)

« Un auteur dont tout le monde parle mais que personne ne lit. » (Hemingway – définition d’un classique)

« Des ‘livres’ écrits non plus par les écrivains ou les penseurs, les savants ou les artistes, mais par des présentateurs de télévision, des politiciens, des chanteurs, des gangsters, des prostituées, des champions en tout sport et des aventuriers en tout genre. » (Michel Henry) – En somme des livres pour le public d’aujourd’hui !

« Il faut lire pour prendre solidement en main son propre destin avec une conscience et une maturité toujours plus grandes. » (Hermann Hesse)

« Un livre qu’on aime, c’est avant tout un livre dont on aime l’auteur, qu’on a envie de retrouver, avec lequel on a envie de passer ses journées. » (Michel Houellebecq)

« La première, et pratiquement la seule condition, d’avoir un bon style est d’avoir quelque chose à dire. » (Michel Houellebecq) – A part quelques exceptions, qu’on à dire les innombrables prétendus romanciers et romancières qui gaspillent du papier pour parler d’eux.

« Il y a des gens qui ont une bibliothèque comme des eunuques ont un harem. » (Victor Hugo)

« Les non-lecteurs sont potentiellement dangereux, car faciles à manipuler par les Eglises, les Etats, les médias, etc. … A la faveur de la lecture et de l’identification qu’elle permet aux personnages d’époque, de milieu, de culture autres, l’on parvient à prendre du recul par rapport à son identité reçue. Partant l’on devient plus à même de déchiffrer d’autres cultures, et de s’identifier aux personnes les composant. » (Nancy Huston – L’espèce fabulatrice)

« Ce que le lecteur doit chercher à reconnaître dans les personnages d’un roman, ce n’est pas l’auteur, c’est lui-même. » (Nancy Huston – L’espèce fabulatrice)

« Contrairement à nos fictions religieuses, familiales et politiques, la fiction littéraire ne nous dit pas où est le bien, ou le mal. Sa mission éthique est autre : nous montrer la vérité des humains, une vérité toujours mixte et impure, tissée de paradoxes, de questionnements et d’abîmes … Nous ne sommes pas menacés par ces êtres verbaux que sont les personnages. Nous les écoutons souvent, avec plus de tolérance, de curiosité et de bienveillance que les êtres de chair et de sang qui nous entourent, et non seulement nous leur pardonnons leurs faiblesses, mais nous leur en savons gré. » (Nancy Huston – L’espèce fabulatrice)

« Peu à peu, on s’est mis à confondre noirceur et excellence. Aujourd’hui, du moment qu’un livre proclame ‘Tout est de la merde’, il est quasiment sûr de devenir un best-seller. Plus besoin de savoir faire une phrase, construire, agencer, composer : non, on jette sur la page tout ce qui vous passe par la tête, y compris et surtout les fantasmes pornographiques les plus violents, et le public crie au génie … On doit chérir son malheur, choyer ses pulsions suicidaires, s’ériger en héros tragique de sa propre dépression. On doit entretenir sa souffrance, la nourrir et la pomponner, pour en faire une œuvre grandiose. » (Nancy Huston – Professeurs de désespoir, chapitre consacré à Sarah Kane et Christine Angot) – Compléments : le public ne crie pas de lui-même au génie, les laquais des média le font crier. On n’entretient sa prétendue souffrance que pour faire du fric, le reste est bidon.

« La vie est un livre suffisant. » (Max Jacob)

« Quel bonheur d’entendre Montaigne vous faire des confidences. » (Albert Jacquard) – Et Chateaubriand, et…

« Auprès des campagnes visant aujourd’hui à discréditer et à ridiculiser la philosophie, les bûchers de livres organisés par l’inquisition hitlérienne paraissent comme du travail artisanal … La technique du terrorisme contemporain est autrement efficace. Elle obtient, sans bûchers, le rabougrissement mortel de la philosophie … L’antiphilosophie risque, par la stérilisation et le tarissement à la source, de fabriquer une génération d’abrutis manipulables et parfaitement dociles, incapables non seulement de réagir, mais de comprendre l’enjeu. » (Vladimir Jankélévitch) – Et c’est bien l’objectif de la modernité anglo-saxonne.

« Un gamin qui jubile avec un livre est un gosse vacciné contre l’échec scolaire. » (Alexandre Jardin)

« Si j’étais critique je ferais une recension de tous les ‘pas vu à la télévision : pas lu dans la presse’, et j’expliquerais pourquoi. Je n’aurais aucun mal à alimenter ma chronique. » (Maxime Benoît-Jeannin) 

« Vous voulez vous refaire une santé littéraire et vous montrer en très bonne compagnie, celle d’un des plus grands écrivains (ou personnage célèbre) du XX° siècle dont personne ne met en doute le génie littéraire ou philosophique ? Vous choisissez pour cela un auteur qui est votre antithèse (ce qui en plus exhibera votre honnêteté  intellectuelle).  C’est ce qu’a  fait  Bernard  Henry-Lévy avec Sartre, mettant de plus Sartre à son service, le désignant comme son alter ego.  »(  Maxime Benoît-Jeannin) 

 « Être ‘anonyme’, c’est-à-dire dans le vocabulaire actuel ne pas disposer d’un capital de notoriété,  de relations, ne pas être héritier ou fruit d’une carrière antérieure,  un handicap … Ce pourquoi il faut supporter le romancier Bernard Tapie ou Christine Deviers- Joncour, la vestale de la République dont le sacrifice personnel méritait d’être romancé en plusieurs volumes … Ce qui intéresse les éditeurs, ce sont les noms illustres, ou puissant (Alain Minc)… Lesquels pratiquent le hold-up intellectuel soit le fait de puiser sans scrupules dans les travaux d’inconnus, et qui le resteront) … La réputation tient lieu de  talent » (Maxime Benoît-Jeannin)

« Ce premier roman de X est à parcourir d’un derrière distrait. » (Henri Jeanson)

« Le grand inconvénient des livres nouveaux est de nous empêcher de lire les anciens. » (Joseph Joubert)

« Lire n’est pas une chose passive. Il y faut de l’activité, de la coopération. J’entends de la part du lecteur. » (Joseph Joubert)

« En littérature, rien ne rend les esprits si imprudents et si hardis que l’ignorance des temps passés et le mépris des anciens livres. » (Joseph Joubert)

« N’écrivez jamais rien qui ne vous fasse plaisir. » (Joseph Joubert)

« Tous ces mots répétés ressemblent aux coups que l’on redouble parce qu’on n’a pas porté celui qui serait décisif. » (Joseph Joubert) – Les avalanches d’adjectifs. Autant pour moi.

« Avec la médiatisation de la littérature, avec la peopolisation de la littérature, Gracq le disait déjà, on consomme de la personnalité, on consomme des accessoires, on ne consomme pas du texte. » (Pierre Jourde)

« Il me semble qu’on ne devrait lire que les livres qui mordent, qui piquent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d’un bon coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? … Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous  »  (Franz Kafka)

« La graphomanie (manie d’écrire des livres) prend fatalement les proportions d’une épidémie lorsque le développement de la société réalise trois conditions fondamentales : – Un niveau élevé  de bien-être général qui permet aux gens de se consacrer à une activité inutile – Un haut degré d’atomisation de la vie sociale et, par conséquent, d’isolement des individus – Le manque radical de grands changements sociaux dans la vie interne de la nation … absence de contenu vital, de vide … L’isolement général entraîne la graphomanie et la graphomanie généralisée renforce et aggrave à son tour l’isolement » (Milan Kundera) – A transposer dans la floraison de blogs ; y inclus mon présent recueil de citations.  

« La fortune d’un livre dépend de la capacité de ses lecteurs. » (un Latin – cité par Ernst Cassirer)

« Que ne puis-je regarder à travers ces pages séraphiques le visage de celui qui me lit. » (Lautréamont)

« Faciliter ‘l’accès à la culture’, l’accès à la culture, ce leitmotiv du décervelage, comme si la culture était une accumulation de connaissances au grand supermarché du savoir. ‘Passez au guichet, parlez dans l’hygiaphone… ‘» (Bertrand Leclair)

« Le premier principe veut qu’on parle d’un livre ou qu’on en fasse parler, plus que le livre lui-même ne parle ou n’a à dire – Le second que le même livre ou le même produit ait plusieurs versions pour convenir à tout le monde : une version pieuse, une athée, une heidegerrienne, une gauchiste, une centriste… » (Dominique Lecourt – sur le marketing littéraire et philosophique) – Le deuxième principe est d’autant plus facile à respecter que, très généralement, l’auteur n’a aucune opinion personnelle sauf celle de complaire aux puissants et d’attirer le maximum de Gogos, deux objectifs qui requièrent les mêmes piètres moyens.

« Le pouvoir émancipateur de la littérature fait peur dans nos sociétés de formatage idéologique. » (Barbara Lefebvre) – S’agissant de littérature, il ne s’agit évidemment pas de la masse des romans type têtes de gondoles publiés chaque année, eux générateurs non d’émancipation mais d’abrutissement.

« On ne lit pas (ou on ne devrait pas) lire des livres de Proust, Céline, Perros, Martinet, Déon, on devrait lire Proust, Céline, Perros, Martinet, Déon. On lit des sensibilités, des rapports au monde plus que des livres. La nuance évite, par exemple, de juger des livres comme on juge une soupe (trop salée ou pas assez), elle évite de confondre l’auteur et son propos. » (Jérôme Leroy – à propos de l’expression stupide appliquée à feu Jean d’Ormesson, qualifié d’écrivain du bonheur)

« Aujourd’hui on censure les écrivains de manière subtile. Il devient très compliqué, désormais, de tenir un discours, même de l’ordre de la fiction, sur le présent, le passé, l’avenir. Sur l’amour, le sexe, la politique ou la viande rouge … Tel personnage ne choquerait-il pas telle partie de l’opinion ? » (Jérôme Leroy) – La meute haineuse, dénonciatrice, cupide et pleurnicharde des flics-médiatiques et des associations veille jour et nuit.

« Un gros livre est un grand malheur. » (G. E. Lessing)

« C’est aux romanciers  que l’Occident, et singulièrement la France, ‘confia la garde de son humanité’  selon la belle et profonde expression de Marc Fumaroli, c’est à l’autorité de la littérature, que la civilisation européenne s’en remit ‘pour se reconnaître, se comprendre et s’orienter’. Or, c’est cette page qu’on voit se tourner, c’est cette histoire, longue de plusieurs siècles, qu’on voit s’achever. Oh, assurément, il y a toujours des livres et de  ‘vrais livres ‘ qui s’écrivent, qui sont publiés et même, pourquoi pas, plébiscités, mais ceux-ci  ‘n’impriment plus’ selon le mot de Finkielkraut. Ils demeurent sans effet. Philip Roth, Milan Kundera, Michel Houellebecq, Yasmina Reza et quelques autres peuvent bien peindre une réalité complexe, ambivalente, chatoyant de mille facettes, irréductible à l’affrontement de deux forces, mais à peine leurs romans ou leurs pièces de théâtre sont-ils refermés que la machine à fabriquer des généralités, du mélodrame, de l’idéologie se remet en marche, que les catégories forgées dans l’arsenal du féminisme, de l’antiracisme indigéniste et décolonial reprennent tranquillement leur carrière, que chacun se remet à parler la langue du wokisme – diversité, minorité, visibilité, patriarcat, racisme et sexisme systémiques. »  (Bérénice Levet)

« Nous lisons pour savoir que nous ne sommes pas seuls. » (C. S. Lewis)

« Ceux d’entre nous qui ont été de vrais lecteurs toute leur vie réalisent rarement cette énorme extension de leur être qu’ils doivent aux auteurs. » (C. S. Lewis)

« Tout ouvrage littéraire … est œuvre d’imagination (et même s’il ne l’est pas au départ, placé en bonnes mains, il ne tarde pas à le devenir : l’annuaire du téléphone était une lecture favorite de Simenon). Les distinctions de genres : romans et histoire, prose et poésie, fiction et essais… sont conventionnelles et n’existent que pour la commodité des bibliothécaires. » (Simon Leys) – L’annuaire téléphonique fournissait aussi une lecture régulière à ma propre mère !

“Les premières lignes qui suscitent une excitation immédiate, qui frappent le lecteur et qui enlèvent d’assaut son imagination … L’attaque en coup de trompette … Quelques exemples : ‘Un spectre hante l’Europe, le spectre du communisme’ (Karl Marx, Manifeste du PC) – ‘Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme….’ (J. J . Rousseau, Confessions) – ‘L’homme est né libre et partout il est dans les fers’ (J. J. Rousseau, Le contrat social) –‘Les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à sa façon’ (Tolstoï, Anna Karénine) – ‘C’était le meilleur des âges, c’était le pire des âges’ (Dickens, A tale of two cities) – ‘La bêtise n’est pas mon fort. J’ai vu beaucoup d’individus ; j’ai visité quelques nations…’ (Paul Valéry, Monsieur Teste) … Mais la fin est aussi difficile à réussir que le commencement. » (Simon Leys)

« Lire, c’est emprunter ; en tirer profit, c’est rembourser. » (Georg Christoph Lichtenberg)

« Il y a une manière de lire où l’esprit ne s’enrichit pas et, plutôt, s’appauvrit : il s’agit de cette lecture qui ne puise pas dans la culture du lecteur et qui ne s’unit point à sa philosophie. » (Georg Christoph Lichtenberg)

« Combien la Bible peut-elle avoir nourri de gens ? commentateurs, imprimeurs, relieurs… » (Georg Christoph Lichtenberg)

« J’oublie presque tout ce que j’ai lu, tout comme j’oublie presque tout ce que j’ai mangé. Mais je sais bien que ces lectures et ces nourritures n’en contribuent pas moins à l’alimentation de mon esprit et de mon corps. » (Georg Christoph Lichtenberg)

« Quand un livre et une tête se heurtent et que cela sonne creux, cela vient-il toutes les fois du livre ? » (Georg Christoph Lichtenberg)

« Il y a beaucoup de gens qui ne lisent que pour être dispensés de penser. » (Georg Christoph Lichtenberg)  1

« Tiens, voilà des choses que je ne sais pas, il faut donc que je fasse un livre là-dessus ! » (prince de Ligne, par dérision sur d’autres) – Ce ne sont pas les cibles qui lui manqueraient  aujourd’hui où l’escroquerie intellectuelle tient le haut du pavé.

« Aujourd’hui, le plus déterminé des ennemis de la littérature, c’est le féminisme, celui qui prétend la décontaminer du machisme, des préjugés multiples, des immoralités, c’est le féminisme. » (Mario Vargas Llosa) – « On ne brûle plus les livres (cela rappellerait trop les ‘heures les plus sombres’), mais on les réécrit, on les remise au placard, on en proscrit la lecture, on les censure (et évidemment on ne les réédite plus). » (Bérénice Levet)

« M. Henri Troyat a bien analysé, nous semble-t-il, le procédé par lequel le romancier nous éclaire sur le fond de nous-mêmes en animant des personnages qui, au premier abord, paraissent si lointains. » (cardinal Henri de Lubac) – C’est cette connaissance que doit apporter le roman.

« Il y a une règle sûre pour juger les livres comme les hommes, même sans les connaître : il suffit de savoir par qui ils sont aimés et par qui ils sont haïs. » (Joseph de Maistre)

« Défiez-vous surtout d’un préjugé très commun, très naturel et très faux : celui de croire que la grande réputation d’un livre suppose une connaissance très répandue et très raisonnée du même livre … L’immense majorité ne jugeant que sur parole … un assez petit nombre d’hommes fixent d’abord l’opinion. » (Joseph de Maistre – s’exprimant surtout sur les ouvrages de philosophie ou à thèse) – D’où l’intérêt de disposer de la servilité des média (ou même d’un seul prestigieux et recopié par les autres).

« Un grand écrivain se remarque au nombre de pages qu’il ne publie pas. » (Stéphane Mallarmé)

« Le but poursuivi n’était pas l‘informatisation d’une bibliothèque, mais bien plutôt de construire de toutes pièces un système informatisé destiné à ‘supplanter’ la bibliothèque en se substituant à elle pour, à terme, la faire disparaître après l’avoir rendue totalement obsolète. » (Jean-Marc Mandosio – L’effondrement de la très grande bibliothèque de France – cité par Annie Le Brun) – Un des innombrables méfaits du mégalomane Mitterrand.   

« Un peuple qui ne lit pas est un peuple au cerveau mort, à l’action morte. » (Marcel Martinet)

« En littérature pas plus qu’ailleurs l’inflation n’est un signe de prospérité, mais bien plutôt une marque de décivilisation. » (Marcel Martinet) – Des dizaines de milliers de titres chaque année en France (68.000 ?  107.000 ?), n’importe quel imbécile prétendant raconter sa passionnante existence.    

« Je trouve que la télévision est très favorable à la culture. Chaque fois que quelqu’un l’allume chez moi, je vais dans la pièce d’à côté et je lis. » (Groucho Marx)

« Après tant de siècles de vie intellectuelle très raffinée, une haute classe française qui n’aime plus à lire me semble près de son déclin. » (Charles Maurras) – C’est fait.

« Le livre sert en quelque sorte d’excuse à la surmédiatisation des médiatisés … Vous aviez Villepin dans la rubrique Politique, on vous le resservira dans la rubrique Littéraire. » – Sur la manie de toute célébrité de faire écrire un livre par quelque nègre, pour montrer qu’il en est capable, qu’il réfléchit… « Des faux-livres, des quasi-livres ou des non- livres font l’objet de recensions et de comptes rendus … comme s’il s’agissait effectivement de productions de l’esprit, font événement. L’auteur naïf qui sort au même moment un ‘vrai’ livre se voit opposer que l’actualité est chargée… » (Yves Michaud)

« Cette manière d’opérer (la censure par le silence) est, depuis assez longtemps, la marque de fabrique du paysage intellectuel français et tout livre qui dérange réellement l’ordre établi et sa bonne conscience ‘citoyenne’  est ordinairement condamné à paraître soit dans un silence de plomb soit sous un déluge de calomnies … Le silence médiatique qui accompagne cet ouvrage  est, du reste, et comme toujours, un des critères les plus sûrs de sa valeur réelle. » (Jean-Claude Michéa – à propos d’un livre de Bruno Viard, Les trois neveux, ainsi que d’un livre de Philippe Chanial, Justice, don et association) – Les tambours de la pub. médiatique sont faits par des laquais pour les laquais, surtout en matière politiquement sensible, comme le domaine culturel. Les gogos suivent.

« D’autres, écrivains, qui vivons dans la haine médiatique sont désormais voués à publier chez de petits éditeurs (les grands ne prenant plus aucun risque) ou à se publier eux-mêmes. La liberté d’expression est donc infiniment surveillée et mesurée. » (Richard Millet) – C’est peu dire.

« La plus simple raison (pas même une justification) qu’on puisse trouver au fait d’écrire est d’oublier qu’on est mortel. » (Richard Millet)

« S’il se confirme que la pratique de la lecture est appelée à décliner, la langue héritée est ébranlée en l’un de ses fondements matériels. » (Jean-Claude Milner) – Notre jargon de barbare confirme.

« Qui lit de mauvais livres est semblable à un homme qui passe sa vie en mauvaise compagnie. » (Montesquieu)

« L’étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts de la vie, n’ayant jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture ne m’ait ôté. » (Montesquieu)

« Le grand tort qu’ont les gens de lettres c’est qu’ils ne parlent que des livres nouveaux ; comme si la vérité était jamais nouvelle … Jusqu’à ce qu’un homme ait lu tous les livres anciens, il n’a aucune raison de leur préférer les nouveaux. » (Montesquieu)

« Quand je suis avec Tite-Live, avec Marc-Aurèle, avec Démosthène, avec Périclès, ils sont tellement plus réels pour moi que mes contemporains. » (Henry de Montherlant – Malatesta)

Les fameux « romans-événements de la rentrée. » (Philippe Muray) – Devant lesquels tout le monde se pâme suite au vacarme des éditeurs et des média, surtout si écrit par un membre de la nomenklatura.

« On se vante de cette énormité éditoriale comme on se vante des nouvelles immatriculations de voitures. » (Philippe Muray)

« Les relations incestueuses entre auteurs et critiques. » (Eric Naulleau) 

« Les quatre figures d’intimidation culturelles rhétoriques. – Le binôme réussite/frustration : le contestataire ne peut être qu’un aigri, un envieux, un raté.  Un critique un peu mordant ne peut qu’être le jouet de la jalousie ou de la vanité, ses critiques proviennent nécessairement de l’aigreur, provincial (ou parisien), il s’agit de se placer, d’obtenir la place de celui qui est critiqué. Tout propos discordant, non consensuel est l’aveu d’une frustration, d’un sentiment d’échec, du ressentiment et de l’envie … Donc seuls ont droit de critique ceux qui ne sont pas soupçonnables de frustration, donc ont seuls droits de critique ceux qui ont la notoriété, notoriété vaut compétence … Il est inimaginable qu’on puisse prendre sur soi d’exprimer une position juste par conviction quoi qu’il doive en coûter sur le plan de l’intérêt, ‘ça cache quelque chose…’  – La logique de ligue : le contestataire participe d’un vaste complot qui dépasse de loin les enjeux apparents de ses prises de position,  le contestataire vit en réseaux, en ligues d’influence, en lobbies culturels. Il faut être mafieux dans l’âme pour s’imaginer qu’on puisse ne pas l’être – La diabolisation politique : le contestataire est un poujadiste, un réactionnaire, un lepéniste, un fasciste, qui peut-être s’ignore. Ainsi le ‘culturellement correct’ se dévoile comme ‘politiquement correct’. Faire le tri dans l’art et la littérature contemporaine est effectivement fasciste puisque le fascisme traita l’art moderne de ‘dégénéré’, donc refus d’évaluer. La succession des avant-gardes artistiques et littéraires serai à défendre en bloc parce qu’elle engagerait une conception progressiste de l’histoire humaine – La disqualification du travail sur les textes : Détourner l’attention du texte, rester sur le hors-texte, soit par le procès d’intention psychologique, soit par la logique ligueuse, soit par la diabolisation politique. Le contestataire n’étant pas de bonne foi, nulle nécessité de contre-argumenter, mieux vaut essayer de percer à jour ses intentions cachées, traiter de polémique toute argumentation décrivant une situation inadmissible ou des comportements douteux. L’hystérie de la modération confirme qu’elle résulte de la recherche systématique du consensus, qui n’admet effectivement qu’une gamme restreinte de choix de pensée et d’expressions. » (Eric Naulleau et Pierre Jourde – reprenant la classification de Jean-Philippe Domecq) – « Pour être un bon critique, la méthode est simple : il suffit de faire l’éloge d’auteurs à succès, et de démolir les écrivains méconnus. Après tout, c’est de leur faute, ils n’avaient qu’à ne pas être méconnus. » (Pierre Jourde) – « Notre époque semble plus incapable que les époques antérieures d’interpréter un propos dissensuel autrement qu’en termes d’intérêt personnel … Cette psychosocialisation qui conduit à n’envisager pour tout motif à nos actes qu’arrière-pensées intéressées. » (Jean-Philippe Domecq) – « Des critiques qui se font à l’occasion commissaires politiques et jugent les œuvres du passé à l’aune de la morale du moment discernent entre les lignes, dans l’indifférence aux postures humanistes, quelques germes de cette maladie grave qu’on appelle ‘l’anarchisme de droite’. » (Jérôme Leroy) – Tous ces procédés étant valables universellement, et ne s’appliquant pas qu’aux écrivains ou critiques.

« Jacques Attali qui n’a pas toujours le temps de lire les livres qu’il publie. » (Michel Onfray) – Il n’est pas le, ou la, seul(e).

« La grandeur des livres, qu’on peut prendre ou laisser, reprendre indéfiniment, consulter, discuter, rejeter et reprendre encore, est de ne pas imposer le spectacle qu’ils proposent. On peut rêver longtemps, un livre sur les genoux. » (Jean d’Ormesson)

« La médiocrité est portée aux nues, les navets sont célébrés comme des chefs-d’œuvre. Ce qui sera oublié dans trois ans est l’objet d’un tintamarre qui finit par rendre insignifiant pêle-mêle le meilleur et le pire. Les œuvres dignes de ce nom ne manquent pas autour de nous. Elles sont emportées dans les flots de la nullité acclamée. » (Jean d’Ormesson)

« Le flot pratiquement ininterrompu des ouvrages imprimés, renforcé stupidement à la saison des prix, comme le métro aux heures de pointe, déroute, affole et dégoûte non seulement le grand public égaré mais les critiques épuisés et écœurés. » (Jean d’Ormesson) – Ce qui n’empêche pas les hordes asservies de se précipiter sur ces innombrables nullités que, d’ailleurs, elles ne liront jamais.

« Ne lis pas n’importe quoi. Lis plutôt les grands livres dont tout le monde parle sans les lire. » (Jean d’Ormesson)

« Avant de périr … les livres auront été la vie même. Ils auront recueilli des paroles choisies entre toutes pour leur sens et leur son, pour leur force, pour leur beauté. Ils auront constitué le savoir, assuré le pouvoir … transporté des millions, des milliards de lecteurs. Ils auront donné, pendant quelques millénaires, l’image de la dignité et de la puissance de l’homme … Ils auront fait son bonheur. » (Jean d’Ormesson)

« Dans une civilisation abrutie par une musique débile, débitée comme du saucisson à longueur de journée, et par une télévision la plupart du temps consternante, lire et écrire restent parmi les activités les plus capables d’élever des hommes au-dessus de la banalité quotidienne … Ce sont surtout des questions qu’on va chercher dans les livres … Le monde moderne a été construit par les livres : La’ Bible’ est un livre. Le ‘Coran’ est un livre. Le ‘Discours de la méthode’ est un livre. Le ‘Capital’ est un livre. » (Jean d’Ormesson)

« L’homme actuel ne reprend pas son métier à zéro, il hérite de formes d’existence, d’idées , d’expérience vitales de ses ancêtres . ‘Nous sommes comme des nains assis sur les épaules de géants.’ (Bernard de Chartres). Il part d’un niveau correspondant au passé humain accumulé dans ses fondations … Il faut donc compléter cet instrument, qu’est l’idée, par un autre qui développerait notre aptitude à conserver toutes les idées. Cet instrument, c’est le livre … Indépendamment de son créateur, il possède une existence propre … mais l’abondance nuit à l’homme ; si un excès de facilités, de possibilités, se présente à lui, il est incapable de choisir la plus adéquate et, croulant sous les possibles, perd le sens du nécessaire … Il y a déjà trop de livres … une forêt de livres … le bibliothécaire de demain devra pouvoir aiguiller le lecteur néophyte … le bibliothécaire filtre … On lit trop, sans aucun effort, et l’homme s’habitue aux innombrables idées offertes dans les livres et les journaux lesquelles ont déjà formaté l’individu moyen, qui ne remet plus en question ce qu’il lit, condition indispensable à une véritable assimilation … les cerveaux sont donc encombrés, par inertie, de pseudo-idées. » (Ortega y Gasset – conférence donnée en 1935)

« Les livres sont des ‘discours écrits’ (Platon) …Le discours est du temps, et le temps est suicidaire. Grâce à la mémoire, l’homme peut sauver son discours, ou celui qu’il a écouté … L’invention de l’écriture a renversé ce monopole de la mémoire, mettant fin par là même occasion à l’autorité des anciens … le livre en devenant une incarnation de la  mémoire, en la matérialisant, la rend, en théorie, illimitée, donnant accès à tous aux discours des siècles passés … Mais pour redonner vie à la pensée, le livre ne suffit pas. Il convient qu’un homme reproduise en lui la situation vitale à laquelle cette pensée peut correspondre. » (Ortega y Gasset) – C’est beaucoup demander, bien trop, aux incultes, notamment historiques  d’aujourd’hui. 

« On ne saurait accepter une discipline politique, quelle qu’elle soit, et conserver son intégrité d’écrivain. » (George Orwell) – Oui, mais cela permet de passer à la télévision donc de vendre son infâme salade à des imbéciles.

« L’extraordinaire capacité de connaître par l’imagination ce qu’il ne peuvent connaître par l’observation. » (George Orwell – sur les écrivains, et surtout sur les romanciers)

« Une écriture qui soit à la fois agréable à regarder et facile à lire est devenue une rareté. » (George Orwell)

« Les romans ont la vertu salubre de mettre leurs lecteurs devant les faits, de les garantir à la fois de l’abstraction des discours et des illusions qu’ils engendrent … … laissant de côté notre dévotion aux idées générales … Elle aurait mieux su déchiffrer la tromperie si elle avait lu des romans . » (Mona Ozouf – évoquant le romancier Henry James)

« Comment penserait-on quoi que ce soit si on ne sait plus lire ? » (Paul-François Paoli)

« Qui veut se connaître, qu’il ouvre un livre. » (Jean Paulhan)

« Une lecture bien menée sauve de tout, y compris de soi-même. » (Daniel Pennac)

« Un type qui écrit deux cents pages sur sa veulerie, sa saloperie, sa médiocrité, son néant, allez, on lui file le prix Goncourt. » (Georges Perros) – Vu de notre temps.

« Les lecteurs ont tout à gagner à aborder les livres sur le mode érotique, c’est-à-dire avec une passion sincère et inspirée. La première lecture me semble d’autant plus prometteuse qu’elle se place sous le signe exclusif du plaisir non prévenu. Lecture naïve, libre, jouissive : la lecture consacre la pénétration d’une intimité par une autre. » (Georges Picard)

« La littérature de jeunesse (‘Harry Potter’ ou l’un de ses nombreux avatars) … c’est bel et bien lire. Mais l’histoire qu’on lit et les mots qui la racontent sont ceux de l’enfance et de l’adolescence. C’est justement pour cela que ces ouvrages attirent tant les jeunes : on leur y parle du seul sujet qui les intéresse, eux-mêmes. » (Natacha Polony) – Y-a-bon narcissisme prolongé jusqu’à 80 ans.

« La lecture encourage la rationalité (âge de la raison, âge du livre). » (Neil Postman)

« Orwell craignait ceux qui interdisaient les livres. Huxley redoutait qu’il n’y ait même plus besoin d’interdire les livres car plus personne n’aurait envie de lire … Orwell craignait qu’on nous cache la vérité. Huxley redoutait que la vérité ne soit noyée dans un océan d’insignifiances. Orwell craignait que notre culture ne soit prisonnière. Huxley redoutait que notre culture ne devienne triviale. Huxley avait compris qu’il n’était pas nécessaire de cacher quoi que ce soit à un public insensible et anesthésié par les divertissements technologiques. » (Neil Postman) – C’est Huxley qui a gagné. Même s’il subsiste quelque poussière qu’il vaut quand même mieux dissimuler en la mettant sous le tapis.

« On écrit pour soi, on publie pour gagner sa vie. » (Pouchkine)

« On ne comprend pas un livre profond avant d’avoir vu et vécu au moins une partie de ce qu’il contient. » (Ezra Pound)

« La lecture est une amitié, et une amitié sincère. » (Marcel Proust)

« Un livre est le produit d’un autre ‘moi’ que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. » (Marcel Proust)

« La lecture est au seuil de la vie spirituelle, elle ne la constitue pas. » (Marcel Proust)

« Chaque lecteur est quand il lit le propre lecteur de soi-même … La reconnaissance en soi-même, par le lecteur, de c que dit le livre   est la preuve de la vérité de celui-ci  …  Nous pouvons y trouver avec plaisir toutes celles de nos réflexions que nous avions méprisées, des gaietés, des tristesses que nous avions contenues, tout un monde de sentiments dédaignés par nous et dont le livre où nous les rencontrons nous apprend subitement la valeur. » (Marcel Proust) – «  Ce que tous les livres devraient faire pour leurs  lecteurs, c’est-à-dire ramener à la vie, sortir de la désuétude causée par l’habitude et le manque d’attention, des aspects de l’expérience précieux mais négligés. » (Alain de Botton) 

« Il n’y a pas de meilleure manière d’arriver à prendre conscience de ce qu’on sent soi-même que d’essayer de recréer en soi ce qu’a senti un maître. Dans cet effort profond c’est notre pensée elle-même que nous mettons, avec la sienne, au jour. » (Marcel Proust – à propos de la lecture, mais on peut étendre)

« Il y a dans lire une attente qui ne cherche pas à aboutir. Lire c’est errer. La lecture est l’errance. » (Pascal Quignard)

« La lecture pour être salutaire, doit être un exercice impliquant quelque travail. » (Ernest Renan)

« On n’écrit bien que lorsqu’on pense pour soi-même. » (Ernest Renan) – Ce qui n’est pas une raison pour s’exhiber, comme trop le font aujourd’hui.

« Ecrire, c’est une façon de parler sans être interrompu. » (Jules Renard)

« Je voudrais être lu par la minorité, et connu par la majorité. » (Jules Renard)

« On a tout lu, mais ils ont lu un livre que vous devriez lire, qui leur donne une supériorité et qui annule toutes vos lectures. » (Jules Renard – évoquant certains interlocuteurs)

« Tel est devenu fat à force de lecture, qui n’eût été qu’un sot en suivant la nature. » (abbé du Resnel)

« Cette malhonnêteté doucereuse qui consiste à éreinter un livre sans souffler mot de ce qu’il contient, et même en lui attribuant ce qu’il ne contient pas. » (Jean-François Revel) – En attribuant des arrières-pensées à l’auteur.

« La question n’est pas de savoir si l’on doit ou non disposer des textes de Cochin (historien) pour éventuellement les réfuter ; le mieux est encore qu’ils n’existent point, qu’ils demeurent introuvables. Faire disparaître, tel est l’argument souverain de la pensée. » (Jean-François Revel) – Processus généralisé par la censure féroce existant en France. 

« L’idéal des écoles … promouvoir ce rapport aux œuvres littéraires où la lecture n’est pas un moyen d’information ou de divertissement, mais le lieu d’un engagement à la fois esthétique, éthique et spirituel. Un chemin vers la vérité et vers soi-même. Avec les grandes œuvres il s’agit moins de lire que d’être lu par elles, de se découvrir et de se constituer en elles. » (Olivier Rey) – Allez raconter ces balivernes à des ministres qui savent à peine lire, et s‘en vantent !

« Il est dur d’être obligé d’écrire des livres idiots, mais plus dur encore d’être obligé de lire des livres idiots. » (Jean-Paul Richter) – Ce ne doit cependant pas être trop dur à voir les hordes qui se précipitent sur les têtes de gondoles, sur les autobiographies et autres Mémoires du dernier (ou souvent de la dernière) des imbéciles ; à moins qu’on ne les achète que par mimétisme et qu’on ne les lise pas, ce qui ne serait qu’une moindre perversion.

« Les grandes œuvres littéraires, et celles des autres disciplines, ne sont pas purement et simplement l’expression de leur temps. Ce qui fait leur grandeur, c’est leur capacité à être décontextualisées et recontextualisées dan de nouveaux cadres … Si nous pouvons lire une tragédie grecque, c’est précisément parce qu’elle n’est pas simplement l’expression de la cité grecque. » (Paul Ricœur)

« Quand il s’agit de commenter un ouvrage, le journaliste s’en tient à la partie essentielle de sa mission : il nous dit ce que nous devons en penser. » (Ingrid Riocreux)

« Moins un homme a lu, plus il croit les livres dangereux, et plus il est tenté de mettre tout le monde à son régime. » (Rivarol)

« Un livre qu’on soutient est un livre qui tombe. » (Rivarol)

« Que l’on ait abandonné la question du réel est somme toute logique à une époque où le conte de fées se vend très bien … Voilà qui confirme la béatitude dans laquelle nous plonge le conte de fées moderne. » (Oliver Rohe)

« On ne lit pas les livres, on se lit à travers les livres. » (Romain Rolland) – On se découvre, et ce n’est pas toujours plaisant.

« On récompense parfois des écrivains pour leur œuvre, pourquoi n’en punit-on jamais ? » (Jules Romain)

« Il aura reçu l’habitude de confronter des points de vue divers et des argumentations possibles, rencontré des questions nombreuses, perçu la variété des solutions possibles et la richesse des raisonnements qui les étayent, qu’il y a des arguments de part et d’autre, il aura gardé un peu de cette prudence grave qui va avec l’expérience, aura fait connaissance avec des personnages du passé, avec toutes les émotions possibles, tous les bonheurs et tous les malheurs, toutes les causes d’indignation ou de gratitude et toutes les aventures, compréhension des êtres et des sentiments, des situations et des passions, reçu un monde de sensations , d’idées et de savoirs fruit de siècles multiples et de civilisations diverses, appris à voir les choses, à voir le monde, l’esprit évitera les leurres des idéologies séduisantes. » (Jacqueline de Romilly – sur la lecture et les bénéfices reçus de la pensée des autres)

« Il y a les livres d’un moment et les livres de toujours. » (John Ruskin)

« La littérature … rend assimilable, dans l’imaginaire, une dose qui, dans la réalité, serait trop forte pour être aisément supportée. » (Raymond Ruyer)

« C’est extraordinaire comme cela vous vide de vos humeurs, la composition d’un roman ! On y sue ses amertumes exactement comme on transpire ses acidités en faisant de la culture physique. C’est sans doute pour cela que tout le monde écrit de nos jours : par hygiène. » (Maurice Sachs – Le sabbat

« Quand on sort de son petit milieu d’intellectuels, on s’aperçoit qu’il y a si peu de gens qui lisent et parmi ceux-ci, tellement qui ne savent pas lire. » (Maurice Sachs) 

« Ceux à qui les livres ont manqué, il leur manquera toujours la pensée –  Le livre est l’autre nom du procès d’humanisation de l’homme. » (Danièle Sallenave) – Alors que pourront bien penser nos adolescents connectés vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

« Le plus sectaire chef de parti rêve de la sanctification par les lettres et y va de son livre, lui qui en lit si rarement. » (Michel Schneider) – Tous, même les plus incultes arrivent à se payer un laquais scribouillard.

« Le style n’est après tout que la silhouette de la pensée … La première règle d’un bon style … c’est qu’on ait quelque chose à dire, paraître avoir quelque chose à dire, c’est la cause du style forcé, vague, équivoque. » (Schopenhauer ?)

« L’art de ne pas lire est très important. Il consiste à ne pas s’intéresser à tout ce qui attire l’attention du grand public à un moment donné. Quand tout le monde parle d’un certain ouvrage, rappelez-vous que quiconque écrit pour les imbéciles ne manquera jamais de lecteurs. Pour lire de bons livres, la condition préalable est de  ne pas perdre son temps à en lire de mauvais. » (Schopenhauer) – Et se pourrir l’esprit.

« Avoir ainsi, dans les moments de dépression intellectuelle ou spirituelle, ses auteurs favoris, ses pages entraînantes, les tenir sous la main, toujours prêts à vous inoculer leur bonne sève, c’est une ressource immense. » (père Sertillanges – En annexe, honte à lui, le religieux belliqueux sanguinaire de 1917)

 « La fatigue d’être lecteur ne peut rivaliser avec la facilité d’être spectateur. » (Raffaele Simone)

« Le livre n’est plus l’unique, ni même le principal emblème du savoir et de la connaissance. » (Raffaele Simone)

« Tout ce que j’ai lu sur la jalousie, le pouvoir, le désir m’aide à vivre et me rend moins pénible pour les autres. Je mets des mots sur mes pensées, mes sentiments, mes émotions, mes sensations, et je peux les différencier. Cela accroît mon expérience de la vie. » (Christiane Singer)

« Pendant vingt ans j’ai travaillé à me délivrer de ce que j’avais reçu de mon éducation ; j’ai promené ma curiosité à travers les livres, moins pour apprendre que pour nettoyer ma mémoire des idées qu’on lui avait imposées. » (Georges Sorel) – Du temps où les gens lisaient autre chose que le journal.

« Juges et parties, une trentaine de caciques, sur la place de Paris, font la loi, en amont et en aval de la publication d’un livre, mettant à profit  leur position sociale stratégique pour percevoir ce que les économistes appellent une ‘rente de situation’. » (Morgan Sportès – cit par Maxime Benoît-Jeannin – sur les fameux prix littéraires de la rentrée)

« Le caractère imprimé, le besoin de silence qu’il commande exigent un isolement farouche. Ce dont la sensibilité moderne se méfie comme de la peste. » (George Steiner – sur les livres)

« Comment est-il possible que des traits sur une tablette d’argile, des coups de plume ou de crayon souvent à peine lisibles sur un bout de papier fragile, constituent une ‘persona’, une Béatrice, un Falstaff, une Anna Karénine … Cette énigme de la ‘persona’ fictive, plus vivante, plus complexe que l’existence de son créateur et de son ‘récepteur’ ; quel homme ou quelle femme est aussi beau qu’Hélène, aussi complexe qu’Hamlet, aussi inoubliable qu’Emma Bovary ? » (George Steiner)

« Le peuple du livre …  Notre vraie patrie n’est pas un bout de terre … Notre vraie patrie a toujours été, est et sera toujours un ‘texte’. » (George Steiner – considération sur la judéité)

« A différents moments de la vie du lecteur, un livre suscitera des réflexes entièrement différents. » (George Steiner)

 «Il y a dans le texte écrit, qu’il s’agisse de la tablette d’argile, du marbre, du papyrus ou du parchemin, d’un os gravé, d’un rouleau ou d’un livre, une maxime d’autorité … Le simple fait de l’écriture et de la transmission écrite implique une prétention au magistral et au canonique … Dans son essence même, l’écriture est normative, elle est prescriptive, ce qui est ordonner, anticiper, circonscrire… … Les actes d’écriture et leur consécration dans des livres manifestent des rapports de force … L’autorité qu’implique le texte, la possession et les usages d’un texte par une élite lettrée sont synonymes de pouvoir … C’est en écrivant un autre texte qu’on s’efforce de questionner, de réfuter ou d’infirmer un texte … Le texte écrit règle la question … alors que l’échange oral permet, voire autorise un défi immédiat, des contre-déclarations et des corrections. Il permet à l’interlocuteur de corriger ses thèses, au besoin de les retourner. » (George Steiner – Les logocrates)

« Jamais, jusqu’à ce jour, tant d’étudiants et d’amateurs éclairés, n’ont consommé une telle masse d’articles ‘traitant de’, au lieu et place des œuvres elles-mêmes, ou avant d’être arrivés à une opinion personnelle. » (George Steiner) – D’où il est facile à la propagande de leur mentir et de les intoxiquer.

« Il faut être prêt à prendre de grands risques pour bien lire. Prêt à sacrifier son moi, le contrôle qu’on a sur lui. » (George Steiner) 

« La politique dans une œuvre littéraire, c’est un coup de pistolet au milieu d’un concert. » (Stendhal)

« Le lecteur est sans doute… en tant qu’ayant encore la capacité et l’envie de lire un ouvrage tel que ‘L’individu hypermoderne’, un représentant d’une catégorie sociale à présent très limitée, et vraisemblablement en voie d’extinction … ‘Nous’, ‘vous’, qui lisez ce livre, ‘moi’ qui l’écris , nous qui accédons à ces œuvres humaines dont Kant disait qu’elles étaient le fruit de l’esprit, nous devenons une infime minorité. » (Bernard Stiegler)

« Il faut qu’un auteur nous en dise assez pour que nous puissions prolonger nous-mêmes sa pensée sans nous mettre en frais de divination, mais non pas pour que nous n’ayons plus rien à trouver par nos propres forces. Il faut qu’il s’arrête à ce ‘demi-mot’ subtil, à partir duquel la compréhension d’autrui revêt les charmes d’une découverte personnelle. Il doit illuminer et non démontrer, nous donner une impulsion … entrouvrir une porte que nous achevons de pousser. » (Gustave Thibon)

« On n’apprend pas à vivre en lisant (tant d’érudits ne sont que des embaumeurs ou des jongleurs du savoir), on apprend plutôt à lire en vivant. » (Gustave Thibon)

« Simone Weil disait qu’il fallait lire comme on mange ; que la lecture réponde à une faim. » (Gustave Thibon)

« La lecture complexifie la vie intérieure et transforme la personnalité de l’enfant, elle change son rapport au monde, la lecture intensive structure le cerveau à une certaine époque de la vie , question d’agilité intellectuelle  (perturbation par l’arrivée de la télévision bien avant celle des tablettes et écrans, le développement de l’univers avant tout visuel (vidéos) d’Internet n’a rien arrangé.) … Lire un mauvais roman fait plus de bien au cerveau que regarder un chef-d’œuvre au cinéma. » (Emmanuel Todd)

« Un livre a toujours deux auteurs : celui qui l’a écrit et celui qui le lit. » (Michel Tournier)

« On se demande pourquoi les gens ont appris à lire. » (Bertrand Vac)

« J’aurais bien peu profité de mes livres si je n’avais appris à m’en passer. » (Sieur de Valincour) – Admirable.

« Tout le monde ne tend à lire que ce que tout le monde aurait pu écrire … Songez à ce qu’il faut faire pour plaire à trois millions de lecteurs. Paradoxe : il en faut moins que pour ne plaire qu’à cent personnes exclusivement. » (Paul Valéry) – Ce qui explique les ventes de n’importe quelle insanité ; plus c’est faible, plus c’est bas, plus ça se vend.

« La seule règle est de choisir ce qui tire vers le haut en éprouvant du plaisir au texte … Accepter d’être guidé n’est pas superflu … Pierre Hadot pour Epictète ou Marc-Aurèle, etc. » (Dominique Venner)

« On a tout essayé pour trouver du nouveau : le roman sans histoire, le roman sans personnage, le roman ennuyeux, le roman sans talent, peut-être même sans texte. La bonne volonté a fait rage, peine perdue ; on n’est parvenu à créer que le roman sans lecteur, genre éprouvé depuis longtemps. »(Alexandre Vialatte)

« Un livre est une bouteille jetée à la mer avec cette étiquette : attrape qui peut. » (Alfred de Vigny)

« Parmi les gens qui lisent il y en a beaucoup qui ne se servent que de leurs yeux. » (Voltaire)

« J’ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain. On n’a jamais employé tant d’esprit à nous rendre bêtes ; il prend envie de marcher à quatre pattes, quand on lit votre ouvrage. » (Voltaire – s’adressant à Jean Jacques Rousseau)

« Il n’existe pas de livre moral ou immoral. Un livre est bien écrit ou mal écrit, c’est tout. » (Oscar Wilde) – Mais alors, de quoi va s’occuper la meute haineuse des moralisateurs- censeurs-dénonciateurs-inquisiteurs ?

« Ce que ton lecteur peut faire lui-même, laisse-le lui. » (Ludwig Wittgenstein) 

« Le véritable lieu de naissance est celui où pour la première fois on a porté un coup d’œil intelligent sur soi-même : mes premières patries ont été les livres. » (Marguerite Yourcenar)

« Dans le marketing philosophique ‘un livre vaut moins que l’article de journal que l’on fait sur lui ou l’interview à laquelle il donne lieu’. » (Yves-Charles Zarka – citant Gilles Deleuze) – Copinage et corruption.

« Le livre permet : ‘Arrête, attends une minute, répète ça, laisse-moi le temps de réfléchir’. » (Théodore Zeldin)

Pour Goethe « ne valaient que les œuvres dont la question ‘où ?’ et la question ‘quand ?’ ne pouvaient pas totalement rendre compte » (?) – Valeur de la dimension d’universalité.

« Il y a des gens qui mettent leurs livres dans leurs bibliothèques, mais X met sa bibliothèque dans ses livres. » (?) 

« La littérature d’une nation est l’expression de ses mœurs. » (?)

« Je n’aime pas les lecteurs qui se situent du côté du manche, ceux qui font la police dans les bibliothèques, les intellectuels du gouvernement, les dispensateurs nationaux du sens… » (?) – Les censeurs du politiquement correct.

« L’important n’est pas ce qui est dans les livres, mais ce qu’on dit de leurs auteurs. » ( ?)

« Qui croit que les best-sellers sont écrits par ceux qui les signent ? » (?)

« Ceux à qui les livres ont manqué, il leur manquera toujours la pensée. » (?) – Un peu exclusif et arrogant !

Ci-dessous, quelques extraits d’un petit ouvrage grinçant de Jules Barbey d’Aurevilly, Les quarante médaillons de l’Académie.

« Tournant le dos au talent, toute sa vie. Il ne s’est jamais retourné. » (sur le duc de Broglie)        

 « On ne les estime qu’à la pesanteur. » (sur les livres du comte de Carné)

  « Marionnette effrénée, aux grands gestes télégraphiques. » (sur Victor Cousin)                

  « Pair de France dès sa naissance. Le cadre a fait la fortune du portrait. » (sur M. de Montalembert)

« Retombé au  style de son tempérament qui ne lui permet pas les excès. » (sur M. de Rémusat)                                                                                                                                                       « La petite vérole est la seule ressemblance qu’il ait avec Mirabeau … de l’Académie française, et il ne sait pas un mot de français. » (sur M. Dupin)

                                                                                                               

  « Son vrai public … les âmes des modistes lui appartiennent. Son talent leur rappelle les gravures de leurs petits journaux. » (sur Octave Feuillet)

« M. Vitet a eu du bonheur, s’il n’en a pas donné aux autres … C’est en troupe que M. Vitet est arrivé … parce qu’il était dans le rang. » (sur ce M. Vitet)

« Nullité couronnée par cette grande bête d’Opinion publique. Homme politique nul, qui pouvait tout faire et qui n’a rien fait … Pantin de chaque événement qui passe et qui, en passant, lui tire la ficelle qui le fait saluer. Niché sur les faits colossaux de ce temps, le petit homme a paru aussi grand que ces faits. » (sur Adolphe Thiers)                                     

« Disproportion du contenu au contenant, quand on voit M. Hugo à l’Académie. » (sur Victor Hugo – épargné par Barbey d’Aurevilly)

« Il a plus les attitudes du pouvoir que les aptitudes. » (Jules Barbey d’Aurevilly – surFrançois Guizot)                                                                                                                                                           

« Il est fin … il embrouille et embarbouille son talent de réserves, de sous-entendus, d’insinuations prudentes ou perfides, de précautions chattemites et traîtresses. Il a inventé les ‘peut-être’, les ‘il me semble’, les ‘on pourrait dire’, les ‘me serait-il permis de penser’ … Il n’en a pas (des principes) et se glorifie de n‘en pas avoir. Il a fait la théorie de son indigence … Toujours entre un engouement  et un ressentiment, ce n’est qu’un système nerveux … Il a fait du joli et du petit, et même il en a trop fait, mais du grand et du fort, jamais ! » (sur Sainte-Beuve)

Ci-dessous, extraits remaniés de l’ouvrage de Pierre Jourde, La littérature sans estomac ; dans lequel l’auteur étrille avec humour et légèreté les mécanismes de l’édition, de la critique et un certain nombre d’auteur(e)s, que la sagesse  de l’auteur du blog (sauf exceptions) a su éviter.

« On se bouscule aux expositions et dans les musées. On s’arrache le Goncourt qu’on ne lit pas, ou qu’on offre. Il s’agit donc de fournir à un public élargi, qui désire pénétrer dans le cercle des amateurs cultivés, quelque chose qui puisse passer pour de la vraie littérature (en fournir vraiment serait plus compliqué. Un auteur au sens plein du terme met du temps à se faire admettre, il ne rapporte pas vite). Il n’est pas nécessaire que de tels textes soient lisibles. Il faut simplement que les livres soient achetés. Le public n’a pas nécessairement besoin (ni l’envie) de lire les livres qu’il a acquis : il suffit, par une promotion adroite, de le convaincre qu’il est devenu détenteur d’une valeur symbolique, qui se nomme littérature. On s’emploie donc à lui fournir, non pas  de la littérature, mais une image de la littérature. Il y a des écrivains pour fabriquer ces textes médiocres qu’éditeurs et journalistes ont habitué le public à considérer comme de la création … Le résultat est parfois distrayant, parfois navrant ; littérairement, cela donne quelque chose comme un éditorial de ‘Elle’ ou un article de fond de ‘Marie-Claire’, plus le courrier du cœur et éventuellement l’article culturel : ‘Un week-end à Athènes’, mais en deux cent cinquante pages … niaiserie … prototypes du crétinisme de la confidence …  Une grande partie de la littérature d’aujourd’hui peut se ranger dans la catégorie ‘document humain’, n’importe quoi est bon, suivant l’idéologie moderne de la transparence et de l’individualisme … Les confidences d’Untel sont intéressantes, parce que Untel est intéressant dans sa singularité … Pour créer la surprise et alimenter la copie journalistique, le texte doit en outre présenter une apparence d’audace, dans le fond comme dans la forme, qui fournit le bonus, la garantie littéraire … L’audace consistant à faire toujours la même chose. Du témoignage, et aussi de la violence ou du sexe. Si possible les trois … Certains se demandent si ‘on peut tout dire’ …  le ‘tout’ n’étant qu’un argument publicitaire,… alors que les limites ont été franchies depuis longtemps …  et que ce ‘tout’ dont on fait si grand cas, s’avère n’être qu’une anodine histoire de fesses … On accepte de prostituer sa personne privée à sa notoriété, mais on se scandalise si on est attaqué sur celle-ci, ‘manque de respect !’ …Le fait qu’on ne puisse pas toucher à un livre illustre la gélatineuse pensée contemporaine : tout est sympathique. Le consentement mou se substitue à la passion … Lâcheté d’un monde intellectuel, où l’on préfère éviter les ennuis et où l’on ne prend de risque que si on en attend un quelconque bénéfice, où dire du bien peut apporter beaucoup, et dire du mal, guère … Le sang et la merde ont certes leur dignité littéraire, à condition toutefois qu’ils ne figurent pas dans le texte pour faire bien, qu’ils ne soient pas les alibis de petites bourgeoises littéraires propres sur elles, qui cherchent à se donner des airs sulfureux et à permettre aux critiques de jouer la vieille comédie de l’effarouchement (article sur Marie Darrieusecq) … Rien de plus chic, quand on est une intellectuelle, que de manifester son mépris et sa honte de l’intelligence, c’est acquérir de l’authenticité. Double bénéfice : on est l’écrivain et on cause bien et on démontre qu’on peut se fondre dans le cerveau obtus du peuple. On est la brute et l’esprit (article idem) … Il n’est pas sûr qu’on puisse faire de la bonne littérature en accouplant les titres de  ’Libération’ et les trouvailles d’un créatif de chez ‘Publicis’ ; calembours (article sur Philippe Delerm, par ailleurs disant des choses  fines). »

Ce contenu a été publié dans 180, 3 - Livres , avec comme mot(s)-clé(s) . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.