130,1 – Communication, Conversation ; Accompagnement, Ecoute ; Moyens de…

 – Communiquer : l’acte de transporter un message dans l’espace. Transmettre : l’acte de transporter un message dans le temps.

-« Conversation : échange de propos sur tout ce que fournit la circonstance. » (dictionnaire) – Etymologiquement, le mot désigne l’intimité et la fréquentation.

– Avant d’émettre toute remarque (comme avant d’initier toute action) : penser au tamis de discernement de Socrate « Est-ce Vrai, Bien ou Bon, Utile ? » évite beaucoup d’erreurs et de nuisances, au moins superflues.

– Qui aujourd’hui se préoccupe du contenu ?

– « Jusqu’au XVIII° siècle, converser voulait dire fréquenter ses semblables, entretenir des relations avec eux, vivre avec eux, faire société. Le mot conversation avait le sens matériel de rapports humains et non pas le sens immatériel ‘d’activité langagière’. » (Michel Lacroix)

– « La communication à tout bout de champ assassine la conversation. » (Thomas Molnar)

– Parler c’est bien, si on a quelque chose à dire. « ça parle, mais ça ne communique pas. »  « La foire aux bavardages. » (saint Augustin) – Déjà.

– Ce n’est pas une question de technique, c’est une question d’existence, d’identité. Evidemment, c’est plus exigeant

-« Celui qui parle à toute allure n’a pas le temps de penser à ce qu’il dit, son cerveau n’est pas impliqué dans le processus de la parole, celle-ci ne s’effectuant qu’au niveau du larynx. » (Jacques Dewitte)

– 150 mots/minute, c’est, le rythme maximum de bons causeurs, lecteurs ou conférenciers et ceux-ci sont aujourd’hui assez rares pour être remarqués, en admettant en plus qu’ils daignent articuler. A 200 mots/minute, on commence déjà à parler vite – trop vite. A-delà de 250 mots/minute, personne ne vous suit, et vous-même ne savez plus ce que vous dites. Ce qui n’a d’ailleurs aucune importance, puisqu’un débit effréné (comme les gestes ponctuant ce torrent) manifeste la vacuité d’une pensée sinon sa fausseté. En effet, on peut soupçonner (simple soupçon) que les gens qui parlent nettement trop vite, non seulement ne savent pas ce qu’ils disent, mais accessoirement mentent sans en assumer la responsabilité. Moi ? J’ai dit ça !. Le même soupçon est valable face à un individu qui avale systématiquement ses mots. Pour s’approcher du pire,  écouter les commentateurs sportifs (en oubliant les innombrables fautes de français): débit haletant, bribes de phrases ni commencées, ni terminées, absence de sujet ou de verbe, incompréhensibilité totale jointe à un même mépris de l’auditeur. « Il y a des gens qui gesticulent de la voix. » (album Richepin)

– La communication se réduit maintenant à balancer des éléments de langage fournis par de jeunes gamins professionnels, baptisés communicants, aussi incultes et méprisants que les soi-disant officiels qui doivent les prononcer en public, et qui, malgré leurs prétendues hautes charges (et substantiels avantages) sont incapables d’avoir une idée à eux, de penser par eux-mêmes, d’avoir quelque vocabulaire et de sentir ce que ressent le public. Lamentable.

– Renoncez à cette facilité si vous n’avez pas les moyens de vous offrir une cellule de communicants, ou si le généreux contribuable ne vous en offre pas. L’inflation des communicants, et d’élégantes communicantes, prouve bien l’incapacité des dirigeants de tous bords à communiquer simplement et franchement ainsi que leur duplicité.

– Si la fameuse communication n’a rien résolu, elle a tout envahi ; avalanche de messages, de courriels, de SMS, de discours, d’interviews ! Elle a réussi à étouffer la culture, la réflexion, l’échange et la conversation. Essayez de converser dans un café où tout le monde est courbé sur son petit écran!

– Elle dévore l’énergie et le temps ; elle dispense d’agir puisque, panacée universelle, elle est censée tout résoudre. Le moindre groupuscule doit avoir son directeur de la Com. (une directrice étant préférable, pour le sourire, et pour le reste).

– La qualité étant toujours inversement proportionnelle à la quantité, on communique d’autant plus qu’on a moins à dire. Plus on communique moins on réfléchit. Deux vases vides mélangent leur contenu, obtient-on un vase plein ? Deux vases remplis d’eau trouble mélangent leur contenu, obtient-on un vase d’eau claire ?

– Converser n’est pas se noyer soi-même, et pire inonder autrui d’histoires personnelles  sans intérêt, garnies de détails lassants. Ce n’est pas s’apporter, c’est apporter.

– Un vrai dialogue consiste en une suite de monologues alternés construits et suivis dans lequel chacun se montre existant et responsable. Ce n’est ni de longues litanies ni une suite d’interruptions et de salves répétées, de : Oui, mais… Ainsi moi… (il paraît qu’on interromprait autrui toutes les dix-sept secondes – à la télévision, les participants à un débat et les présentateurs font mieux encore).

– Chez les civilisés, quand l’un parlait, les autres se taisaient. Et on attendait la fin du discours pour poser éventuellement des questions vraiment restantes. C’était avant la nervosité généralisée. D’ailleurs la conversation s’alimente de silences. Comment émettre quelque idée s’il n’existe aucune trouée pour l’insérer ?

– Acceptons que les femmes parlent beaucoup plus que les hommes (et parfois à une cadence qui relève de la performance sportive). Cet écart a ses raisons. Succinctement si l’homme mesure sa valeur et alimente son estime de lui-même en fonction de ses objectifs et des résultats qu’il obtient, la femme s’évalue, se situe, bien plus par rapport à ses relations avec les autres (famille, ami(e)s, collègues, voisin(e)s…). Pour lui c’est le domaine de l’action qui est primordial, pour elle c’est le domaine relationnel. Pour elle, la qualité des relations importe bien plus que d’atteindre un quelconque but ; cette priorité a  aussi sa valeur. « La femme très supérieure à l’homme sur le plan du verbiage émotionnel. » (Alain Soral)

– Ce ne saurait être une raison pour celles-ci de monopoliser la parole, soit de ne pas laisser le moindre intervalle de temps pour permettre à autrui de tenter de s’exprimer, soit d’interrompre tout échange un peu suivi par des remarques circonstancielles sur le plat qu’on déguste ou les derniers potins contés par la cousine, soit encore de pénétrer quelque part (‘c’est moi qui débarque’) en s’exclamant et ainsi de fracasser sans aucune gêne la conversation présente.  

-L’extraordinaire faculté féminine d’empêcher l’autre de s’insérer dans le flot ininterrompu d’une conversation féminine condamne les hommes à être accusés de mutisme.

– Procédé infaillible pour saboter un entretien qui vous ennuie et y mettre fin  : Votre interlocuteur transpirant en essayant de développer une question un peu difficile sur laquelle d’ailleurs vous l’avez sollicité en particulier, ou plus généralement par votre demande d’attention à votre égard, le désarçonner par une interruption la plus futile possible, par exemple : Attention, xxxx se prononce yyyy dans telle province … ou bien : On ne dit pas ceci mais cela (par exemple : extroverti, mais extrav.) … ou bien : Il fait chaud aujourd’hui, je suis trop couvert(e)… ou bien : Ce café est vraiment trop fort… Cela peut même vous permettre de manifester votre savoir linguistique, et de toute façon, on n’y verra que légèreté et insouciance et non pas muflerie, mépris affiché et sabotage délibéré.

– Que les toutes jeunes filles se méfient de l’abondance et de la bonne tournure des discours juvéniles des philosophes en herbe de terrasse de café. Ces attitudes, en plus de révéler une certaine suffisance narcissique, cachent souvent l’absence d’intérêt pour l’autre, de désir et d’esprit d’entreprise, enfin même, de virilité : – « Il est parfois difficile de distinguer l’adoration de l’être aimé de l’adoration de soi. » (Zygmunt Bauman) – « Il y a des gens si remplis d’eux-mêmes, que, lorsqu’ils sont amoureux, ils trouvent moyen d’être occupés de leur passion sans l’être de la personne qu’ils aiment. » (La Rochefoucauld) – « Le ventre d’une femme n’est pas fait pour remuer les imparfaits du subjonctif. » (Dominique de Roux) – « Les plus belles missives produisent le plus souvent les entrevues les plus froides. » (baron d’Hermenches) – « Amants de plume ne sont pas amants de peau. » (?), etc. etc.

– Essayez d’entretenir une conversation avec quelqu’un qui ne lit pas, et n’a jamais lu. Je pense à des citadins ; les paysans, eux, lisent encore dans la nature.

– La parole se libère : ouverture du grand déballage et du festival de délation – « Parole libérée, elle est libérée de tout scrupule livrant, le cœur léger, à la vindicte populaire tel homme et plus globalement les hommes … ce n’est pas une parole libre, elle est une parole immédiate, instinctive, une parole libérée du travail de mise en forme, dictée par les affects, soumise à eux. » (Bérénice Levet – sur les Balance ton porc et les Meetoo) – Soumise aussi à l’intérêt, narcissique et matériel, quand ce n’est pas au déferlement de haine-

-« La frénésie communicationnelle. » (Cédric Biagini)

-« Système de communication ou banquet des esprits. » (Marc Fumaroli à propos  de la conversation, dans les siècles précédents) – Jadis, on ne saurait qualifier de banquet ou festin les bafouillements informes d’aujourd’hui

– « La surproduction des signifiants. » (?) – Surtout eu égard à la vacuité des signifiés, bavardage mondain et intellectuel, le ‘parler pour ne rien dire’.

-«La banalité et l’insignifiance des conversations tendent à croître avec le nombre des participants . » (Raymond Boudon – citant le théorème de Georg Simmel)

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« Le sage ne dit pas ce qu’il sait, le sot ne sait pas ce qu’il dit. » (Alain)

« Dieu reste muet, si seulement nous pouvions convaincre l’être humain d’en faire autant. » (Woody Allen)

« S’il peut y avoir la moindre chance d’atteindre l’oreille de l’autre, ce n’est qu’en donnant le plus de tranchant possible à son propos. Voilà pourquoi le trait est ici accentué. Les temps heureux où l’on pourrait s’en dispenser, où l’on pourrait éviter l’outrance et faire dans la sobriété, ne sont pas encore venus. » (Günther Anders – cité et endossé, semble-t-il, par Jean-Claude Michéa)

« Il y a même des événements qui n’arrivent que parce qu’on a envie ou besoin de les retransmettre. On ne sait plus alors où s’arrête la réalité et où commence le jeu … La reproduction peut l’emporter sur le modèle … Conçues à l’origine pour ceux qui y prennent la parole ou pour ceux qui viennent les écouter, des manifestations sont désormais ‘conçues en amont’ pour les millions d’auditeurs ou de spectateurs de leur reproduction. Beaucoup de ces événements ne sont pas d’une importance telle qu’ils doivent être retransmis ; c’est parce qu’ils sont retransmis qu’ils deviennent importants et on ne les organise que pour cela … Ils ne deviennent réels qu’une fois reproduits, ils n’ont plus lieu qu’en vue de leur reproduction … produisant un monde qui ‘aille mieux’ à l’homme et un homme qui ‘aille mieux’ au monde (caractéristiques du conformisme) … L’esprit du consommateur est déjà préformé (comme dans ces disques qui ne nous restituent pas seulement la musique mais aussi les applaudissements dans lesquels nous devons nous reconnaître, nous dictant la façon de réagir – voir aujourd’hui les publics stupides d’émissions télévisées assemblés et guidés pour nous conditionner). » (Günther Anders – simplifié) – Rôle des Communicants.

« ‘Je n’ai rien à dire à tout le monde’ répondait Jean Anouilh à ceux qui le pressaient de paraître à la télévision. On ne communique vraiment que de personne à personne. » (Jean Anouilh – cité par Jean-Marie Domenach)

« Être sûr que si l’autre dit oui, c’est oui, et que s’il dit non, c’est non. » (Thomas d’Ansembourg)

« On appelle ‘double bind’ (double contrainte), deux messages contradictoires soumettant un individu à deux injonctions qui s’opposent ou se contredisent, de sorte que l’obéissance à l’une entraîne la transgression de l’autre … Accélérer et freiner en même temps ! … Procédé qui entraîne un mouvement de cisailles qui casse et broie l’élan de vie, une inhibition qui mène souvent à vouloir sans oser, à espérer sans entreprendre, à attendre sans transformer, à subir sans agir … C’est également parce que son intention est (très généralement) généreuse que cette double injonction s’imprègne en nous inconsciemment, fonctionnant comme un piège invisible. » (Thomas d’Ansembourg) – Exemple sur quelqu’un qui pouvait se révéler brillant et resta largement en-dessous de son potentiel : Tu réussis, c’est très bien…  mais veille bien à rester dans la moyenne à laquelle nous appartenons tous, on peut avoir besoin de tout le monde… Effet destructeur garanti sur l’ambition et le potentiel réalisé d’un jeune, et même sur son estime de soi.

« Ce que la langue dépense, l’action et la réflexion le perd. » (Lucien Arréat)

« Des hommes d’Etat, des soldats, des gens pratiques ont eu par surcroît de l’éloquence. Les purs orateurs ne sont que des joueurs de flûte. » (Lucien Arréat)

« Nous avons besoin de relations superficielles. Les mots échangés dans les conversations sont souvent plus importants par le fait d’être échangés que par leur contenu … Les relations de surface glissent aussi à la surface des choses. Les ignorent-elles pour autant ? ‘Comment ça va ?’, ‘Quoi de neuf ?’, ‘Heureux de te voir !’, ‘ça fait un bail !’ … Ces propos sont prononcés en principe sans attente d’une réponse véritable. Ils correspondent à l’assurance que tout va à peu près bien, normalement bien. Mais le moindre doute dans la réponse vaut signal d’alarme. S’ils n’expriment pas une pure et simple fin de non-recevoir, le haussement d’épaules, le soupir, les yeux au ciel, la réponse dubitative … peuvent devenir le point de départ d’une conversation sérieuse, d’une confidence qui s’exprimera plus facilement dans l’espace transitoire du bistrot que sur le lieu de travail ou dans la rue … En ce sens, le bistrot a l’indifférence lointaine de la nature, mais c’est une indifférence peuplée de présences humaines ; le brouhaha, comme le ressac de la mer, autorise des plaintes et des colères discrètes qui s’y essoufflent parfois avant  de s’apaiser … Les bistrots respirent. Les propos qu’on y échange sont pleins d’illusions et de désillusions, de désirs et de craintes, d’espoirs et de doutes, c’est-à-dire, au bout du compte, d’intelligence. » (Marc Augé – Eloge du bistrot parisien) – En ajoutant, ce que dit autrement l’auteur, la légèreté, convenue, inconséquente entre habitués.

« Ceux qui parlent avec éloquence sont écoutés avec plaisir et ceux qui parlent avec sagesse sont écoutés avec profit. » (saint Augustin)

« Tout se passe dans la conversation courante comme si  l’expression directe d’un sentiment, d’une émotion, d’une idée était devenue impossible, parce que trop vulgaire. Tout doit passer par le filtre déformant de l’humour. » (Olivier Bardolle)

« Les entendre ne pas s’entendre. » (ainsi Roland Barthes entendait-il les habitués d’un café)

« Nous avons à nous garder de toute généralisation systématique au plan réflexif ; et d’un autre côté, nous n’avons pas à nous noyer dans notre expérience (forcément parcellaire). » (Lytta Basset)

« C’est là que s’établit l’authentique communication, quand autrui ne peut plus distinguer ‘ce que je dis’ de ‘comment je le dis’, quand autrui renonce à démêler, à l’intérieur de mon témoignage, ce qui serait objectif de ce qui serait subjectif : mon témoignage ne lui apparaît ni comme un savoir extérieur ni comme quelque chose d’étranger parce que trop particulier. » (Lytta Basset)

« La communication des hommes entre eux demande la richesse, les hommes communiquent entre eux dans l’éblouissement … dans l’éblouissement de la fête, qui exige toujours, si je puis dire, que la richesse coule à flots. » (Georges Bataille)

« Une société communicationnelle n’a pas de sens, puisque la communication résulte précisément de l’incapacité d’une société de se dépasser vers d’autres fins. » (Jean Baudrillard) – D’un individu aussi bien que d’une société.

« Il n’y a que les vases qui communiquent. »(Jean Baudrillard)

« Nous aurons à souffrir de cette extraversion forcée de toute intériorité, de cette introjection  forcée de toute extériorité que signifie l’impératif catégorique de la communication. » (Jean Baudrillard)

« Et si la réalité, sous nos yeux, se dissolvait ? … Si l’univers moderne de la communication, de l’hypercommunication nous avait plongés, non dans l’insensé, mais dans une énorme saturation de sens, se consumant de son succès ; sans jeu, sans secret, sans distance ? » (Jean Baudrillard) – Il suffit de voir la fermeture autistique des adolescents, et de bien plus grands,  des heures durant courbés sur leur petit écran communicant.

« Dans une relation de type ‘deux bons copains’, ce ne sont pas les messages en tant que tels, mais le va-et-vient des messages, la circulation des messages, qui est le message ; peu importe le contenu. » (Zygmunt Bauman)

« Je ne dispute pas de ce que j’ignore. » (Beaumarchais)

« Essayons de converser sans nous exalter puisque nous sommes incapables de nous taire. » (Samuel Beckett – En attendant Godot)

« L’idiotie communicationnelle. » (Miguel Benasayag – Plus jamais seul, avec mon portable)

« La communication centre des images identificatoires, voilà le déplacement actuel … La communication, norme centrale, bien en soi … Communiquer, c’est bien. Développer des moyens de communication, c’est bien. Eradiquer toute opacité non communicante, c’est bien. On reproche aux hommes au pouvoir, non pas de faire ce qu’ils font (ou de ne rien faire), mais de ne pas communiquer. » (Miguel Benasayag)

« Ce n’est pas de ne pas parvenir à nous exprimer dont nous souffrons, mais de ne pas avoir quelque chose à dire. » (Miguel Benasayag – Plus jamais seul, avec mon portable)

« Le diktat de la communication est un diktat nihiliste et réactionnaire. Les gens font les choses en pensant d’emblée comment ils vont communiquer dessus. Les moyens de communication … nous mettent tous en série … Lorsque la communication devient un impératif, elle ne crée pas plus de commun mais détruit en outre celui qui existe. « (Miguel Benasayag)

 « Le portable permet une autre rupture, plus grave encore pour l’intériorité de chacun. Le fait de ne pas communiquer immédiatement ce que l’on a à l’esprit est fondamental pour la pensée : si je communique en permanence, je ne peux pas penser, la boucle de ma singularité est sans cesse rompue … C’est le temps d’élaboration, de digestion, de la sensation qui est perdu avec le portable … je suis sans cesse en rapport avec un semblable. » (Miguel Benasayag) – Une des raisons, en dehors de leur paresse et de leur immense inculture, pour laquelle nos clowns politiques ne pensent pas et foncent dans tous les pièges à cons. Malheureusement en nous y entraînant à leur suite. 

« La mort et la vie sont au pouvoir de la langue. » (règle de saint Benoît)

« Il avait une voix extrêmement prenante parce que très lente ; il pensait très lentement ; c’était sa force. » (Emmanuel Berl – sur Henri Bergson)

« Le discrédit d’une politique sera à mettre sur le compte d’une mauvaise communication plutôt que sur la réalité de ses effets contradictoires. » (Harold Bernat) – Nous n’avons pas assez fait preuve de pédagogie ; nos citoyens étant idiots, il fallait mieux leur expliquer…

« Que dites-vous après avoir dit : ça va ? » (Eric Berne – cité par Jean-Pierre Dupuy)

« Nous ne vivons pas dans un monde avec des écrans. Nous vivons dans le monde de l’écran. » (Gaultier Bès) – La rue offre maintenant le spectacle de hordes de zombies courbés sur leur doudou.

« Entre ces paysans et moi, dominait donc le genre de rapports qui est de rigueur dans les clubs, entre vieux gentlemen qui connaissent trop la vie pour souhaiter en parler. De même que dans les clubs, la conversation était remplacée par un système d’interjections et de formules convenues. » (Alain Besançon) – Discrétion réserve, respect d’autrui… Tout ce qui est perdu dans l’indécent et vulgaire exhibitionnisme actuel.

« ‘Vous êtes-il jamais arrivé de penser, Winston, qu’en l’année 2050, au plus tard, il n’y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ?’  La modernité aura écrasé les langues de tradition sous les langages techniques, les langues de service se seront substitué aux langues de culture, des mots auront été chassés ou trafiqués … ‘C’est une belle chose, la destruction des mots’ (le policier de ‘1984’), l’usage de la langue aura été limité au strict fonctionnement requis par une organisation sociale liberticide, le recours aux abréviations ou aux acronymes pour restreindre et changer la signification des mots, en leur ôtant leur connotation indésirable, en vidant les mots de leur substance. » (Jean-Michel Besnier, simplifié, à propos de 1984 – citant Geoge Orwell) – Le travail est largement commencé, à la fois par la collaboration des censeurs-inquisiteurs du microcosme politico-médiatique et par la technique des automates.

« Le règne de la ‘petite phrase’ (au format twitter), symptôme du formatage médiatique de la politique. » (Cédric Biagini) – Jusqu’où descendrons-nous ? Toujours plus bas.

« Conversation : foire où chacun propose ses petits articles mentaux, où chacun est trop intéressé par l’arrangement de sa propre marchandise pour s’intéresser à celle de ses voisins. » (Ambrose Bierce)

« Les multiples sollicitations de la quotidienneté, le bagage utilitaire et opératoire dans lequel la plupart allaient puiser leur subsistance : voitures, appartements, gastronomie, cuisine, vins … La passion de l’homme d’aujourd’hui tout empressé à se vautrer dans le contingent parce qu’il trouve que le fondamental (art, littérature, politique, justice, psychologie, analyse des êtres…) a un visage austère, presque rébarbatif … Echapper à la douce présence de la futilité. » (Philippe Bilger)

« Il y a un culte du verbe, parfois si pompeux, si solennel, si content de soi, qu’il manifeste bêtement l’arrogance simpliste et la croyance absurde d’une totale domination de celui qui parle sur l’expression dont il use. » (Philippe Bilger)

« Quel épouvantable et traumatisant barrage que celui qui sépare le monde en deux à partir de l’amour du langage ou de l’indifférence contrainte ou délibérée qu’on manifeste à son égard ! La sensation d’une impossibilité de communiquer, l’intuition d’une irrémédiable fracture, résulte de ce mur contre lequel la volonté d’échange se brise … Et pire, pour peu qu’un zeste de compréhension se glisse dans la relation, on s’aperçoit que la perception est totalement décalée entre ce qu’on avait signifié et ce qui avait été entendu. » (Philippe Bilger)

« Lien nécessaire entre la qualité de la parole et l’affirmation de la personnalité. … N’avoir à s’encombrer que de soi, s’exprimer en même temps qu’on élabore sa pensée, ne structurer son verbe que dans sa tête…  » (Philippe Bilger) – La parole-perroquet, celle des Bobos, des mannequins, des laquais, des paltoquets est effectivement dépourvue de consistance, du moindre intérêt. 

« Si vous n’avez rien à dire, ce n’est pas la peine de le faire savoir à tout le monde. »(Francis Blanche)

« Le dire ne console pas de ce qui reste à dire. » (Maurice Blanchot)

« La pluie et le beau temps, dit-on. – La pluie et le beau temps sont la ressource universelle et qui jamais ne s’épuise.  ‘Notre conversation est dans les cieux’, a dit saint Paul. Parole étonnamment prophétique, vérifiable, trente millions de fois par jour, après dix-neuf siècles… » (Léon Bloy – Exégèse des lieux communs – 1, L)

« De la discussion jaillit la lumière, dit-on. – Pénétrez dans un café d’habitués… » (Léon Bloy – Exégèse des lieux communs – 1, CIII)

« Je ne parle pas au hasard, dit-on. – C’est ce qui se dit ordinairement quand on veut appuyer du témoignage de sa conscience une abominable calomnie. On donne à entendre par là qu’on sait parfaitement à quoi s’en tenir et qu’on dit exactement ce qu’il faut dire, sans un mot de plus ni un mot de moins … A qui ou à quoi, je le demande, osera-t-on parler, si on ne parle pas au hasard ? Que restera-t-il aux orateurs parlementaires ou non parlementaires, aux prédicateurs de carême, aux avocats, aux conférenciers, aux professeurs de philosophie et de morale, aux historiens, aux savants, aux médecins, aux vétérinaires, aux psychologues, aux sociologues, aux pitres de foire, aux journalistes enfin sans lesquels nous ne pourrions pas vivre ?… » (Léon Bloy – Exégèse des lieux communs – 2, C)

« La parole est une denrée périssable, éphémère. Elle se teinte de toutes les circonstances de son apparition. Les mêmes mots, prononcés dans des lieux différents, ne sont pas les mêmes mots. » (Christian Bobin)  

« Ce qui est dit n’est jamais entendu tel que c’est dit … persuadé de cela, on peut aller en paix … sans plus d’autre souci que de tenir sa parole au plus près de sa vie. » (Christian Bobin)

 « Voici ce que j’ai constaté : les uns aux autres nous ne trouvons plus rien à nous dire. Pour s’agréger, chacun doit exagérer sa médiocrité : on fouille ses poches et l’on en tire à contrecoeur la petite monnaie du bavardage : ce que l’on a lu dans le journal, des images que la télévision a montrées, le film que l’on a vu, des marchandises récentes dont on a entendu parler, toutes sortes de ragots … et encore ces insignifiances sont à la condition d’un fond musical excitant, comme si le moindre silence devait découvrir le vide qu’il y a entre nous, la déconcertante évidence que nous n’avons rien à nous dire … La conversation suppose des expériences vécues dignes d’être racontées, de la liberté d’esprit, de l’indépendance et des relations effectives … La conversation aisée de la vie sociale d’avant le téléphone, d’avant l’automobile, d’avant les publicités radiophoniques. » (Baudouin de Bodinat)

« Des attentions extraordinaires sur des futilités, des véhémences et des controverses aux prétextes insignifiants, des ravissements, des révoltes, des toquades et des impatiences sans aucune suite sautant d’un sujet à l’autre comme des enfants incapables de se concentrer sur ce qu’ils font ; et toujours c’est un ton de familiarité malvenu, des propos incongrus, une incontinence émotionnelle, des calembours, des exclamations, des plaisanteries presque incessantes … le peu de raisonnement, dépourvu de bon sens, voire de simple logique, entaché d’erreurs factuelles,  d’identifications absurdes où le trouble du jugement est manifeste… » (Baudouin de Bodinat)

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. 

«  Et les mots pour le dire arrivent aisément. » (Boileau)

« Le moment où je parle est déjà loin de moi. » (Boileau – reprenant Virgile)

« Ceux, nombreux, chez qui la parole précède la pensée. Ceux qui savent seulement ce qu’ils pensent après avoir entendu ce qu’ils disent. » (Gustave Le Bon)

« Il y a mille inventions pour faire parler les femmes, mais pas une seule pour les faire taire. » (Guillaume Bouchet)

« Cette notion la ‘Com’, est, elle aussi, sans équivalent réel en anglais ou en allemand. Elle révèle le peu de considération que le monde politique français accorde au ‘spectateur impartial’, puisqu’elle est porteuse de la représentation du citoyen aussi méprisante qu’erronée selon laquelle il serait manipulable à merci. » (Raymond Boudon) – Se répandre dans la com remplace avantageusement l’action et sans aucun risque.

« Le message qui circule le mieux est celui qu’un récepteur peut facilement reprendre à son compte et coproduire. » (Daniel Bougnoux) – Du plus c’est simple, mieux c’est, au plus c’est con… Il n’y a qu’un pas, tout à fait à la portée de la sphère politico- médiatique.

« Une bonne information est en général précédée par une campagne de communication. Avant de toucher les gens avec une information, il faut avoir construit avec eux une sphère de communauté d’intérêts et de relations mutuelles. Si l’on veut argumenter auprès des gens … il faut d’abord les séduire. La communication répond à cette nécessité … capter la bienveillance, l’écoute, le regard. » (Daniel Bougnoux)

« L’information aujourd’hui disponible sur Internet accélère la décomposition d’un monde commun … en proposant à ses navigateurs des archipels inédits de mémoires, de savoirs et  de collectifs … La tornade ou l’essoreuse numérique appelée ‘Internet’, en hachant menu et en éparpillant l’information, précipite la fin d’une époque qui vit la lente construction du journal de papier avec ses titres, ses colonnes, ses rubriques hiérarchisant les genres … le ruissellement universel des ‘news’, info. en kit à monter soi-même … L’invasion dans le désordre des ‘petits faits’ vrais, d’un ‘universel reportage’ (Mallarmé) sans suivi, ni principes, ni opinion, ni style … A chacun d’édifier et de remembrer le ‘Lego’ des infos., d’éditer une version originale de son quotidien … Une part croissante de l’information sera bientôt produite à partir des données ou des éléments envoyés par les destinataires eux-mêmes sous forme de photos, d’éditos ou de vidéos. » (Daniel Bougnoux) –  Tout à fait vrai. Mais vu ce que sont devenus les média et le niveau d’inculture et surtout de servilité des laquais qu’ils emploient, ce ne peut pas être pire.

« La communication de masse est une imposture puisque personne n’entend la même chose de la même façon. » (Pierre Bourgault)

« Une conversation à deux, nulle, si elle n’est pas intime ; à trois, sérieuse et intéressante ; à quatre, nourrie ; à cinq, bruyante ; à six et au-delà, impossible. » (François Defay-Boutherque)

« Une phrase donnée peut être prononcée dans toutes sortes de circonstances différentes et dans un ‘état d’esprit’ à chaque fois différent : elle peut nous servir pour une question, une citation, une plaisanterie, un exercice d’élocution ou de grammaire … Nous avons le sentiment d’y avoir mis à chaque fois une intention particulière ; d’avoir conféré à chaque fois à notre énonciation une sorte de physionomie intérieure singulière. Mais, d’un autre côté, comment l’auditeur a-t-il pu reconnaître notre intention, si l’acte de parole dans sa matérialité et le contexte de l’énonciation au sens le plus large ne suffisaient pas à la révéler ? … Si notre auditeur a dû, pour nous comprendre, accéder d’une manière ou d’une autre, à cette partie de notre vouloir dire qui est restée secrète, comment  a-t-il pu nous comprendre ? … Relations entre ce qui est dit, ce que cela veut dire et ce que veut dire celui qui le dit. » (Jacques Bouveresse) –  « N’est-ce pas le fait que nous voulons dire quelque chose qui donne un sens à la phrase ? L’intention de signification est quelque chose qui réside dans la sphère mentale. Mais c’est également quelque chose de privé ! C’est quelque chose d’insaisissable, comparable seulement à la conscience elle-même. » (Ludwig Wittgenstein) – « Le sens d’un mot peut être étendu, restreint ou modifié. Si l’on désire être compris, alors il ne faut pas aller trop loin. »  (Paul Zief) – Difficultés de la communication.

« En l’absence de tics contractés au commerce des autres, l’homme peut spontanément se prononcer sur un petit nombre de sujets ; il n’a pas besoin pour cela de  ‘tourner sept fois sa langue’ ni de se formuler à l’avance quoi que ce soit. Qui a pu lui faire croire que  cette faculté de premier jet n’est bonne qu’à le desservir ? … Il n’est rien sur quoi il devrait se refuser à parler, à écrire. S’écouter, se lire, n’ont d’autre effet que de suspendre l’occulte … Je ne me hâte pas de me comprendre. Si telle ou telle phrase de moi me cause une légère déception, je me fie à la phrase suivante pour racheter ses torts, je me garde de la recommencer ou de la parfaire. Seule la moindre perte d’élan pourrait m’être fatale … Ce n’est pas à moi de favoriser des mots aux dépens d’autres. C’est à une mystérieuse compensation d’intervenir, si elle intervient. » (André Breton – Manifeste 1 du surréalisme )

La médiocrité de notre univers ne dépend-elle pas essentiellement de notre pouvoir d’énonciation. » (André Breton – cité par Annie le Brun)

« L’homme de la communication (le communiquant, chéri des politiques stupides), l’homme sans intérieur. » (Philippe Breton)

« L’outil pratique de cet idéal politique (la démocratie) est bien la parole … Deux promesses solidaires : d’une part, nous pouvons, ensemble, sur la base d’une égalité de parole, décider et discuter de notre destin ; d’autre part, nous pouvons pacifier la conflictualité tout en gardant la dynamique de nos différences. La démocratie est d’abord une pratique de la ‘prise de parole’, dans des dispositifs dont les normes sont régies par le principe de symétrie … Ce qui suppose que toutes les opinions soient également légitimes … ‘Ma parole vaut la vôtre’ … ce qui signifie, non pas équivalence des opinions, mais leur légitimité. » (Philippe Breton) – Rêvons, renonçons à l’insulte, à la calomnie, à la dissimulation, au mensonge, au lynchage, au mépris, à la censure, aux poursuites…

« Communication sans contenu qui devient à elle-même sa propre finalité … Affirmer que tout peut s’expliquer en termes de relations implique que tout est ‘à l’extérieur’ … Le credo initial de la communication : l’intérieur n’existe pas, c’est un mythe … ‘Tout est communication’ abolit la barrière classique qui sépare le naturel de l’artificiel … Plus d’étre humain, mais plutôt des ‘être sociaux’ définis par leurs capacités à communiquer … L’être n’est plus un centre d’où tout part et où tout revient … il n’est qu’un élément intermédiaire d’un vaste processus de communications croisées … Il n’agit pas, il réagit, et encore est-ce à une réaction … Homme sans intérieur, réduit à sa seule image, dans une société rendue transparente par la grâce de la communication … Tout relèverait de l’argumentation et pourrait être discuté … L’enjeu n’est plus le message, ‘le contenu n’a pas d’importance pourvu que ça communique’ … ‘La société de communication’ … qui veut faire croire au consensus politique, à la fin de l’histoire et à la mort des idéologies … dans laquelle les êtres sont faiblement rencontrants (société d’autistes) et fortement communicants (où est passée la personne ?) Un monde de socialité vide … Quatre idées directrices à l’appui : C’est nouveau, ça vient de sortir – Cet avenir est inéluctable – Mélange de ce qui existe réellement, de ce qui est probable, de ce qui est souhaité, et du reste – Les changements quantitatifs (toujours plus de com.) finiront par provoquer des changements qualitatifs (une société meilleure) … Chaque problème trouverait ainsi une approche rationnelle grâce à la communication, recours universel, qui apporterait à la fois la transparence dans l’analyse et le consensus dans la solution … Ce qui était gratuit jusque-là, échanger, devient aujourd’hui payant … La multiplication des moyens de communiquer va de pair avec le développement sans frein de l’espace public et du voyeurisme social et avec le progrès de l’individualisme et, souvent, de la solitude … ‘Parlez et tout ira mieux’ (voir les affiches sur les maux divers) … C’est sur cette illusion que prolifèrent actiuellement toutes les ‘formations’ qui proposent ‘l’épanouissement de soi’ par les ‘techniques relationnelles’. » (Philippe Breton) – Suite de considérations éparses sur l’utopie de la communication.

 « Le problème de l’interactivité est qu’elle s’est construite en opposition, sinon comme une machine de guerre, envers l’intériorité. Or les pratiques et la culture associées à l’intériorité sont … une condition essentielle au déploiement des compétences démocratiques … Chacun parle sans écouter les autres, on se coupe la parole à qui mieux mieux, on se provoque, on se répond, les paroles se chevauchent, le débit est invraisemblable … Il faut faire vite, pas de temps mort … Remplissage sonore et visuel … Avec le mode interactif, il n’y a plus de silence … L’animateur, s’il y en a un (média), se place sur le devant de la scène … il intervient, s’attribue la parole, conteste la compétence de ceux qu’il a invité, se fait ‘mousser’ … Ce que l’un dit doit s’enchaîner avec ce que l’autre vient de dire, la répartie est reine, les propos doivent se répondre … A force de se répondre, toute parole qui viendrait de l’intérieur se trouve disqualifiée … Le lexique doit être standardisé … le vocabulaire requis est celui du plus petit commun dénominateur … Le tout doit être plaisant, voire ludique, ‘pas chiant’ … L’interactivité, c’est l’impossibilité d’établir entre moi et l’autre, dans l’action ou la parole, une zone-tampon qui m’empêche d’être un pur réacteur, soumis à toutes les manipulations possibles comme au désir de vengeance. » (Philippe Breton – sur la fameuse interactivité) – D’où vacuité, insanité, profonde stupidité, vacarme, appel à la violence au moins verbale (pour le moment)…

« La communication tend plutôt à  redoubler les vices qu’à augmenter les vertus. » (Giordano Bruno)

« Grande misère que de n’avoir pas assez d’esprit pour bien parler, ni assez de jugement pour se taire. » (La Bruyère)

« L’esprit de la conversation consiste bien moins à en montrer beaucoup qu’à en faire trouver aux autres : celui qui sort de votre entretien content de soi et de son esprit, l’est de vous parfaitement. Les hommes n’aiment point à vous admirer, ils veulent plaire ; ils cherchent moins à être instruits, et même réjouis, qu’à être goûtés et applaudis ; et le plaisir le plus délicat est de faire celui d’autrui. » (La Bruyère)

« Nous avons remplacé le dialogue par le communiqué. » (Albert Camus)  

« L’art de la conversation, dans les époques ou les contrées où il fleurit, comme en la France du XVIII° siècle, interdit absolument que quiconque, à moins qu’un récit ait été demandé,  garde la parole plus de quelques secondes. Elle doit circuler comme un furet. Une demi-minute, passe encore. Une minute, c’est beaucoup. Deux minutes, c’est trop. Davantage, c’est une goujaterie. » (Renaud Camus) – La conversation n’est plus un art, mais un bavardage inconsistant, incohérent, sans sens, sans intérêt, sans vocabulaire, sans syntaxe…

« Un bon test de qualité de la communication, en général, c’est que l’autre reprenne les mots mêmes, ou les noms, lancés par l’un : qu’il ne se contente pas de les entendre ni même d’acquiescer, c’est qu’il les prononce. » (Renaud Camus) – Cela révèle également une homogénéité culturelle, mais comme celle-ci est condition de la qualité de la communication, on tourne en rond.

« A aucune époque, dans aucune civilisation …le trivial, le vulgaire, l’ordurier, le scatologique n’ont tenu, dans les conversations normales, la place qu’ils occupent parmi nous … Si la grossièreté est un trait d’époque répandu ailleurs, la scatologie, en revanche, et si j’ose dire,   nous est propre (chiant, chier…) … On souhaiterait que quelqu’un se chargeât de tirer quelquefois la chasse d’eau. » (Renaud Camus)

 « Je suis l’ensemble des mots dont je dispose, et mon univers n’a pas d’autre étendue que celle de mon vocabulaire, ni surtout d’autre relief que la subtilité dont je suis capable de témoigner dans l’agencement de mes phrases … C’est de la langue dont il s’agit, c’est-à-dire de l’être. Moins de mots et de formes verbales, moins de finesse dans l’appréhension du réel (et de l’imaginaire), moins de subtilités dans les attitudes sociales, moins de complexité dans la personne … mais complexité ni subtilité ne sont de précieuses valeurs pour l’époque, moins en tout cas que le bien-aimé ‘naturel’, que la sincérité du cœur ou l’authenticité des propos, dont il est à craindre que l’époque ne s’en fasse une idée plutôt simplette. » (Renaud Camus)

 « Ces mots si sales, ces expressions si bêtes et d’autant plus chéries qu’elles ont plus notoirement traîné partout, qu’elles sont mieux communes, ces phrases avachies comme des corps en vacances par le rejet de toute structure syntaxique, comment ne souilleraient-ils pas les lèvres qu’ils franchissent, comment ne tordraient-ils pas les bouches qui les évacuent, ni ne biaiseraient les regards et ne fausseraient les gestes ? » (Renaud Camus)

« Au téléphone … il faut couramment supporter des monologues de dix ou douze minutes, quand ce n’est pas beaucoup plus. » (Renaud Camus) – Muflerie.

« Il est des phrases qui ne jettent leur poison que des années après. » (Elias Canetti)

« L’homme moderne communique mieux avec sa souris qu’avec sa langue. » (Paul Carvel)

« Parler sans penser, c’est tirer sans viser. » (Miguel de Cervantès)

« Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu’on sait par des gens qui les ignorent. » (Chamfort)

« Les conversations ressemblent aux voyages que l’on fait sur l’eau : on s’écarte de la terre sans presque le sentir et l’on ne s’aperçoit que l’on a quitté le bord que quand on est déjà bien loin. » (Chamfort)

« S’étendre est plus facile que s’entendre ; s’étreindre est plus facile que s’atteindre. » (Maurice Chapelan)

« Comme il n’y a plus aujourd’hui de commune mesure, tout vrai débat devient un combat ; aussi … fuyons-nous d’instinct la discussion sérieuse. Il devient presque impossible d’interroger quelqu’un sur l’essentiel : sa foi ou son argent. Nous parlons de tout sauf de ce qui nous concerne … la conversation n’est ordinairement qu’un flirt avec le réel. » (Bernard Charbonneau)

« Les femmes ont une bonne place dans l’histoire des Français et de la littérature. Elles ont appris aux hommes à parler. Le goût de la conversation et son art sont choses françaises. » (Jacques Chardonne)

« Une conversation est lourde avec un homme dépourvu d’esprit, et qui ne saisit pas le sourire d’un mot ou sa gravité, les dessous, l’allusion, l’au-delà, et qui prend tout à la lettre. » (Jacques Chardonne) – C’est pourquoi les débats soi-disant menés par des présentateurs aussi constipés qu’incultes sont insupportables.

« Le privilège de ne pas savoir ce qu’elle disait. » (Jacques Chardonne) – Ou aussi bien Il. C’est une très grande force dont certains, et certaines, abusent. Paroles prétendues sataniquement sans conséquence ni responsabilité.

« Il est des paroles qui ne devraient servir qu’une fois. » (Chateaubriand)

« La crétinisation postmoderne par la communication remplace avantageusement la caporalisation perpétrée par les conservatismes d’autrefois, décrits par Ernest Renan » (Gilles Châtelet) – Il n’est que de voir, et hélas d’entendre, tous ces abrutis, la tête penchée,  l’oreille obstruée par une ferraille ou la tête courbée sur un écran.

« ‘Oui, enfin j’veux dire’ : moyen de se démarquer du bourgeois qui décide, du maître qui  énonce et qui explicite sans hésiter, de cette virilité péremptoire, bégaiement adolescent rejetant toute velléité de désaccord, manière de s’imposer par sa timidité même, d’accumuler toutes les fausses audaces en maquillant toutes ses gaffes en maladresses gracieuses et, en cas d’échec patent, de se replier sans trop de frais … Stratégie mondaine de gaucherie délibérée visant à gérer au mieux ce capital d’élégante timidité et de vanité craintive censées être les privilèges de l’adolescent, insolemment adolescent et piteusement adulte. » (Gilles Châtelet)

« C’est aux inconnus que l’on parle toujours des choses les plus importantes. » (Chesterton)

« L’effet oratoire le plus puissant provient d’un changement inattendu dans le ton. » (G. K. Chesterton)

« Une taverne où les hommes peuvent parler aux hommes. » (G. K. Chesterton) – Définition du bistrot.

« Il faut parler de manière à instruire, à charmer et à toucher … Instruire est une nécessité ; charmer, un agrément ; toucher, une victoire. » (Cicéron) – Instruire porte sur les idées que nous exposons, charmer et toucher sur la manière dont nous les exprimons

« Les orateurs doivent avoir une triple aptitude à démontrer (probare), à charmer (delectare)  et à persuader (flectere). » (selon Cicéron) 

« L’essentiel surgit souvent au bout d’une longue conversation. Les grandes vérités se disent sur le pas de la porte. » (Emil Cioran)

« On ne s’entretient avec profit qu’avec les emballés qui ont cessé de l’être, avec les ex-naïfs. Calmés enfin, ils ont fait, de gré ou de force, le pas décisif vers la connaissance. » (Emil Cioran)

« La force dissolvante de la conversation. On comprend pourquoi la méditation et l’action exigent le silence. » (Emil Cioran)

« La parole était chose trop précieuse pour qu’on en usât sans absolue nécessité. Elle était, comme l’eau du puits une réserve cachée dans laquelle il fallait puiser avec discrétion.  … Seuls, les gens de la ville pouvaient se laisser aller à des débordements de mots. Parler leur était un gaspillage naturel, et leur vulgarité à nos yeux se mesurait à leur jactance. Ici, on se taisait, gardant les mots, en attendant le grand moment qui les ferait sortir. » (Jean Clair – sur la sobriété paysanne) – On était alors loin de la légèreté inconséquente, de la stupidité bruyante et incessante d’aujourd’hui.

« La conversation est une recherche où les suggestions n’ont pas à être prises pour des thèses absolues et définitives. Souvent une idée sotte ou banale ou folle ou fausse est nécessaire parce qu’elle est une étape vers quelque chose de réellement important. » (tiré de Paul Claudel) – Que dire maintenant où l’inculte, et souvent haineuse, stupidité fait tout prendre au premier degré, notamment dans la corporation des journalistes aussi borné(e)s que serviles.

« En éradiquant (au bulldozer ou à la lime à ongles) ces valeurs étiquetées bourgeoises, on a fait disparaître le liant social. Plus de ‘codes’, donc plus de conventions, de ‘signaux’ lisibles par l’autre, de langage de vie compris et utilisé par tous, de communication possible, de  logiciel de base à maîtriser : ne reste qu’une juxtaposition d’individus qui ne se comprennent plus : hommes/femmes, autochtones/allochtones, parents/enfants, profs/élèves, etc…. » (Gabrielle Cluzel) – Des hordes de zombies, chacun dans sa bulle.

« De tous ceux qui n’ont rien à dire les plus agréables sont ceux qui se taisent. » (Coluche)

« Dis papa, c’est quoi un monologue – C’est un dialogue avec ta mère. » (Coluche)

« L’essentiel n’est pas de dire quelque chose, mais de trouver sa place au sein du groupe. Les ‘conseillers en communication’ ont élevé la vanité de ce système au niveau quasi scientifique où l’on oblige le candidat-communicant à proférer n’importe quoi, pourvu qu’il parvienne à l’imposer. »(Christian Combaz)

« Trois fautes : parler sans y être invité, impertinence ; ne pas parler quand on y est invité, dissimulation ; parler sans observer les réactions d’autrui, aveuglement. » (Confucius)

« Les anciens ne parlaient pas à la légère, craignant la honte qui résulterait pour eux si leurs actes ne se montraient pas à la hauteur de leur parole. » (Confucius) – Nos dirigeants, nos soi-disant élites se sont bien éloignés de cette constatation confucéenne. La honte n’existe plus.

« Un défaut dans un jade blanc, s’efface au polissage ;

« Un mot placé mal à propos ne peut se reprendre. » (Confucius)

« La forme de communication qui fonctionne sur un registre émotionnel n’est plus faite pour dire le vrai mais le vraisemblable. » (Jean- Marie Cotteret – essentiellement sur la communication politique) – J’ajouterais que ce registre autorise même les plus énormes mensonges.

« Ce qu’il faut relever, dans la technique de communication ciblée, c’est d’abord la perte de la notion d’intérêt général, et ensuite la multiplication des promesses contradictoires. » (Jean-Marie Cotteret – essentiellement sur la communication politique) – L’auteur est bien bon de supposer que la notion d’intérêt général existe encore dans les têtes et qu’elle puisse constituer un quelconque souci. D’ailleurs qui en parle ?

« L’inflation de communication décuple la défiance … et les gens se demandent ce que ‘cela peut bien cacher’. » (Marc Crapez)

« Ayez peu de conversations avec les gens, car s’entretenir avec le monde plus qu’il n’est nécessaire et que ne l’exige la raison n’a jamais été bon pour qui que ce soit. » (saint Jean de la Croix)

« Le bavardage tisse le lien, l’explication donne le sens. » (Boris Cyrulnik)

« Petite annonce : perdu hier une bonne occasion de me taire. » (Pierre Dac)

« Pourquoi ceux qui n’ont rien à dire s’obstinent-ils à le dire si longuement ? » (Pierre Dac)

« ‘Communiquer’ consiste à transporter une information dans l’espace – ‘Transmettre’ à transporter l’information une fois communiquée dans le temps. Dans un cas on met en relation un ici avec un ailleurs et on fait de la connexion (et donc de la société) – dans l’autre, on met en relation un jadis avec un maintenant et on fait de la continuité (et donc de la civilisation) …  La communication a rongé, harcelé, puis finalement phagocyté la transmission, comme l’esprit d’Amérique, l’esprit d’Europe.» (Régis Debray)

« Il y a un rapport inverse entre la valeur informative d’un message et sa communicabilité. Plus une pensée est démonstrative, plus coûteuse est sa transmission et aléatoire sa réception … Les mass-média assurent la socialisation maximale de la bêtise privée. » (Régis Debray)

« Pas de problème qui n’ait pour solution le ‘dialogue’ dûment appareillé et conseillé. » (Régis Debray- ironique évidemment) – Pourquoi nos communicants n’essaient-ils pas de dialoguer avec leurs collègues de l’Etat islamique par exemple ?

« Avec la vidéo sphère, tout ce qui n’est pas photographiable ou enregistrable sort de nos écrans radar. » (Régis Debray – L’angle mort) – Fin de l’écrit.

« La communication, la ‘com.’ est devenue idéologie. Elle alimente les mythologies de l’écoute, de la transparence et de la compréhension mutuelle nécessaires au huilage des moteurs économiques et à la bonne conscience de tous. C’est d’évidence la Vulgate du libéralisme triomphant, notre ancienne ‘société de consommation’ s’étant d’ailleurs rebaptisée ‘société de communication’. » (Régis Debray)

« Le dialogue est l’opium des peuples, en tout cas leur placebo, leur trompe-attente. » » (Michel Deguy) – A-t-on jamais vu quelque décision pertinente surgir d’un dialogue ? Piège à Gogos.

« Nous sommes responsables de parler ou bien de nous taire ; nous ne sommes pas responsables de l’efficacité de nos paroles. » (Madeleine Delbrel)

« Nous ne souffrons pas d’incommunication, mais au contraire de toutes les forces qui nous obligent à nous exprimer quand nous n’avons pas grand-chose à dire. » (Gilles  Deleuze) 

« Avant, ils levaient la tête pour regarder le ciel, compter les étoiles, ou la tenaient droite pour regarder l’horizon. Aujourd’hui, ils ont la tête baissée. Leur seul horizon, c’est leur écran … Il ne reste plus de regards pour le monde d’alentour. » (Gérard Depardieu)

« Et tout en mangeant, ils alimentaient la conversation. » (Raymond Devos)

« Moi, je ne fais pas comme tous ceux qui n’ont rien à dire et qui le gardent pour eux… Moi, lorsque je n’ai rien à dire je veux qu’on le sache ! Je veux en faire profiter les autres ! » (Raymond Devos)

« Monsieur, est-ce que les histoires que vous racontez ne vous empêchent pas de dormir ? – Si, mais comme ce sont des histoires à dormir debout, je récupère ! » (Raymond Devos)

« L’endoctrinement sans doctrine appelé ‘communication’, l’opium du ‘people’. » (Régis Debray)

« La conversation a une importance vitale qui manque dans les paroles fixées et gelées de l’écrit … Les liaisons de l’oreille avec la pensée et l’émotion vitales qui s’expriment sont immensément plus étroites et plus diverse s que celles de l’œil. La vision est spectatrice, l’ouïe est participatrice. » (Dewey – cité par Christopher Lasch)

« Il est presque impossible de penser sans parler. » (Jacques Dewitte)

– « Conversation : échange de propos sur tout ce que fournit la circonstance. » (dictionnaire) – Etymologiquement, le mot désigne l’intimité et la fréquentation.

« La communication est un système clos, qui a ses ingénieurs, ses industriels, ses pédagogues et qui se repasse, de média en média, les slogans, les vedettes et les thèmes qui font la mode d’une semaine ou d’un mois … Qui construit un monde dont la finalité n’est aucunement la recherche de la vérité, et où la controverse est réduite à un spectacle plus proche de la tauromachie que de la discussion raisonnable … La finalité de la communication est devenue la communication elle-même, le divertissement qu’elle apporte, le bruit qu’elle fait, l’argent et le pouvoir qu’elle procure … Cette ‘industrie du vide’ … Cette machine à broyer du vent … Bavardage, équivoque, conformisme, injection sournoise de l’idéologie dans la présentation de la réalité, le règne tonitruant du n’importe quoi. » (Jean-Marie Domenach)

« L’inutilité revient sous les formes les plus ostensibles envahir jusqu’à saturation les très complexes réseaux techniques de communication réalisés pour célébrer l’utilité … Satellites de communication lancés par des propulseurs spatiaux  d’une intense complexité pour assurer quoi ? La retransmission de masse d’insipides jeux télévisés … Le téléphone et notre incoercible babil … Le visiophone et l’échange de nos mimiques ponctuant notre bla-bla et nos grammaires ‘gestiques’… ou la gigantesque déperdition en utilités constitutives de nos processus de communication. » (Dany-Robert Dufour – Les mystères de la trinité)  

« Le monopole radical de la télécommunication sur les relations humaines est pire, par l’aliénation de la connaissance en ‘informations’ et les manipulations qu’il permet, que le plus exténuant des transports de personnes … Remplacement d’une demande globale de transport par une demande globale de télécommunication, c’est-à-dire d’un monopole radical par un autre, plus insidieux parce que plus ‘éthéré’. » (Jean-Pierre Dupuy, Jean Robert)

« Pour que vous vous intéressiez à moi il faut que je vous parle de vous. » (Marguerite Duras)

« Je trouve à Radio Courtoisie la conversation que je ne trouve nulle part ailleurs, car on ne prend plus le temps de causer. C’est du reste une des raisons pour lesquelles le XX° siècle est si ennuyeux. » (Jean Dutourd)

« Le premier pas vers la communication légère fut l’invention de la télécommande … Les téléspectateurs commencèrent à perdre le sens de l’ordre séquentiel … vite suivis en cela par les réalisateurs qui ne se sentirent plus obligés de construire des émissions dotées d’un sens global. » (Umberto Eco – Comment voyager avec un saumon)

« ‘Au commencement était le Verbe (la parole, et plus, de Dieu) … Et le Verbe était la Lumière du monde’. » Unité fondamentale. Union des deux. Parole et Lumière. » (Jacques Ellul – citant l’évangile de saint Jean)

« La ville est le lieu de la non-communication entre les hommes. » (Jacques Ellul – se référant à Babel)

« La parole n’est pas caractérisée par la transmission d’informations, elle est bien au-delà. Il y a une autre aire d’action de la parole, il y a réception d’autres informations dans la relation parlée, il y a d’autres émotions que réflexes. » (Jacques Ellul)

« Le primat du réel a prétendu contraindre la parole a la pure objectivité. Le XIX° siècle sous l’influence de la science … n’a voulu qu’une parole objective, c’est-à-dire séparée de la personne qui la prononce … La parole objective, abandonnée à soi-même, et en soi, n’a plus aucun poids … Parce qu’on a prétendu la séparer de la personne, elle a perdu sa relation avec la vérité. » (Jacques Ellul)

« Assez de ces discours électoraux et politiques qui ne disent strictement rien, de ces conversations fausses, et de ces livres tirage à la ligne … Du moment que personne n’ajoute le poids de sa vie à la parole qu’il prononce, quel sérieux pourrions-nous ajouter à cette parole ou à une autre. La rupture entre le parlant et sa parole est la cassure décisive. Si l’homme n’est pas dans sa parole, elle est un bruit. » (Jacques Ellul)

« ‘Le mot est une fuite. Le mot empêche le silence de parler’ (Ionesco) … ‘Il ne faut pas croire que la parole serve jamais aux communications véritables entre les êtres’ (Maeterlinck) … L’instinct … nous avertit qu’il est dangereux de se taire avec quelqu’un que l’on désire ne pas connaître, ou que l’on n’aime point, car les paroles passent, mais le silence, s’il a un moment l’occasion d’être actif, ne s’efface jamais. » (Raphaël Enthoven) 

« Sois le plus souvent silencieux. Ne dis que ce qui est nécessaire, et en peu de mots. S’il arrive, que s’offre l’occasion de parler, parle, mais que ce ne soit point des premières choses venues. Surtout, ne parle pas des hommes, soit pour les blâmer, soit pour les louer ou les mettre en parallèle. » (Epictète)

« La communication est devenue affaire d’images, c’est-à-dire d’apparences. ‘Est-ce bon ou est-ce mauvais pour mon image ?’ Telle est la question dont s’entretiennent les politiques entourés de conseillers en communication qui font leur métier et de journalistes qui font des heures supplémentaires … Il n’est pas question de la vérité mais seulement de l’apparence … Le récepteur n’est pas considéré comme un acteur rationnel mais comme un réceptacle passif, tout juste bon à applaudir ou à siffler … Il faut faire plaisir, au risque d’attiser les mauvais penchants, la haine, la facilité, la paresse, l’égoïsme … Il ne faut surtout pas jeter le trouble, ennuyer, contrarier, ni déranger … la communication occupe bien plus de temps qu’il ne faudrait. » (Alain Etchegoyen)

« On est bien à l’étroit quand on se renferme au-dedans de soi-même. » (Fénelon)

« Comme si, sous les coups de boutoir du modèle contemporain de société, chacun avait été contraint, par souci d’efficacité (toujours !) et par conformité à la pensée dominante, d’abandonner toute capacité à raisonner, à discuter et à critiquer. Comme si, après tout, nous pouvions convaincre avec cinq slogans et deux images. Comme si nous étions tous redevenus des enfants. » (Gilles Finchelstein – conclusion de son ouvrage, La pensée powerpoint, enquête sur ce logiciel qui rend stupide)

« Arracher la conversation au bavardage généralisé. » (Alain Finkielkraut)

« Notre époque est celle où tout le monde dit la même chose. Le révolté parle comme le ministre, qui parle comme le journaliste, qui parle comme le sociologue… » (Alain Finkielkraut) -Evidemment, puisqu’il est interdit  de s’écarter des opinions obligées

« Ce qu’on appelle aujourd’hui communication l’atteste : l’hémisphère non verbal a fini par l’emporter, le clip a eu raison de la conversation, la société est ‘enfin devenue adolescente’.  Sous l’influence de la jeunesse adulée, ‘l’univers du discours est remplacé par celui des vibrations et de la danse’. » (Alain Finkielkraut – citant Paul Yonnet)

« Si tout le monde est l’égal de tout le monde, on en vient à penser que tous les modes d’expression se valent. » (Alain Finkielkraut) – Et pire que toutes les âneries se valent.

« Adapter sans cesse son discours à l’auditoire qui vous écoute favorise certes la popularité mais ça ne peut servir de conviction. » (Jean-Paul Fitoussi)

« La conversation de Charles Bovary était aussi plate qu’un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rire ou de rêveries. » (Flaubert – anticipant notre Gogo-Bobo – Madame Bovary)

« Conversation. – La politique et la religion doivent en être exclues. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)

 « Laconisme. – Langue qu’on ne parle plus. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues) – Déjà alors ! 

« On reproche aux gens de parler d’eux-mêmes, c’est pourtant le sujet qu’ils traitent le mieux. » (Anatole France)

« Vous parlez tout le temps de vos problèmes de communication, mais ils vont être résolus de la manière la plus radicale qui soit, en ce sens que vous n’aurez bientôt plus rien à communiquer. » (André Frossard – faisant parler le diable)

« Il nous est enjoint de respecter non seulement les personnes, exigence‚ élémentaire, de la morale chrétienne, mais encore les idées, y compris les idées les plus contraires à nos convictions, comme si toute pensée, fût-elle inepte, avait quelque chose de sacré interdisant la contestation, attitude difficile à concilier avec la pratique du dialogue qui, dés lors, ne peut plus consister qu’à parler tout seul à tour de rôle ou à ne plus rien dire du tout. » (André Frossard)

« ‘J’existe dans la mesure où je suis branché avec d’autres’ … Cela se traduit par une attente, voire une addiction envers la communication, l’impossibilité de la solitude et l’incapacité absolue de se représenter autrement ‘qu’en rapport’ … l’idéal de l’humanité était de se posséder, c’est-à-dire d’être capable d’avoir la maîtrise de son rapport avec l’extérieur … De cette éthique de soi découlait la capacité de solitude, la valorisation de l’imaginaire et des activités intellectuelles comme activités fondamentalement solitaires, dont l’illustration concrète est la lecture silencieuse et personnelle … C’est l’explication avec l’autre qui était subordonnée à la capacité d’explication avec soi qui est mise à mal. » (Marcel Gauchet)

« Il faut que nous admettions que nous sommes devenus une collectivité de cerveaux reliés les uns aux autres. » (Thierry Gaudin cité par Philippe Breton – sur les formes de la nouvelle communication)

« Les femmes n’ont jamais rien à dire, mais elles ont tout à raconter. » (André Gide)

« On a dit de la bonne société : sa conversation est instructive, son silence est encore une leçon. » (Goethe)

« La vulgate de la communication manie les ‘petites phrases’ et les formules chocs qui font violence au langage et à la raison … De tels discours ne peuvent susciter l’adhésion pas plus qu’ils n’offrent de prise à la contestation et à la révolte. Nous sommes passés de l’époque de la propagande qui affiche idées et doctrines en cherchant à susciter l’adhésion au règne de la communication qui propage des messages insignifiants et agit par effet de déstabilisation. » (Jean-Pierre Le Goff)

« La parole a perdu de sa dignité, l’homme de parole de sa fierté. Cette dévalorisation continue de la parole s’est réalisée au profit de sa composante la plus technique, instrumentale et numérique ‘l’information’ … Cette transformation de la nature du savoir qui privilégie la part technique, instrumentale du langage, l’information, aux dépens de sa part fabulatrice, de ses fictions et  mises en récits. … Nous perdons le monde que nous avons en commun auquel nous substituons un monde virtuel … le virtuel a remplacé le rêve … La mathématisation du monde conduisant à laisser aux ‘spécialistes de la résolution des problèmes’ (issus de l’univers de l’économie) le soin de ‘décider’ à la place des politiques, des militaires et des citoyens … Il ne s’agit plus de savoir si un énoncé est vrai ou juste, mais seulement de savoir si son énonciation permet que ‘ça marche’ ou non, plus ou moins … Expurger le narratif selon les normes et les valeurs du savoir technicien (la qualité mesurée au nombre d’auditeurs, au nombre de visiteurs, au nombre de citations, à la tarification des actes…) … Le ‘technofascisme’ pressenti par  Pasolini, qui interdit moins qu’il n’oblige à parler, à penser et à vivre dans un nouveau langage … ‘L’art de conter est en train de se perdre. Il est de plus en plus rare de rencontrer des gens qui sachent raconter une histoire …  C’est comme si nous avions été privée de la faculté …  d’échanger des expériences’ (Walter Benjamin) … C’est la forme artisanale du récit qui se trouve aujourd’hui bannie des dispositifs d’évaluation (désaveu du caractère unique de l’acte professionnel au bénéfice des protocoles standardisés et du caractère reproductible)  … C’est un meurtre social et culturel de l’unique que ces protocoles d’évaluation tendent à accomplir. De l’unicité de l’acte à l’unicité de l’humain il n’y a qu’un pas … ‘Déposséder tout phénomène de sa singularité, de son unicité, en incitant à sa reproduction par standardisation’ (Walter Benjamin). » (Roland Gori – La dignité de penser)

« Parler net. Quelques uns conçoivent bien, et enfantent mal ; au contraire, d’autres en disent encore plus qu’ils n’en savent. Ce que la résolution est dans la volonté, l’expression l’est dans l’entendement. » (Baltasar Gracian)

« Les conversations avec des amis dont l’agrément se mesure à l’heure à laquelle on se couche. » (Baltasar Gracian)

« Derrière les apparences de la communication proliférante se cache son contraire : la non-communication, la solitude, comme la conscience de l’insignifiance de soi se cache derrière les apparences de l’individualisme. » (Marc Guillaume – cité par Dominique Mehl)

« En démocratie, on n’interdit pas la parole, on la délégitime … La délégitimation, voire la fascisation, des classes populaires, des représentants ou des intellectuels qui les défendent, est un exercice dans lequel excellentt les prescripteurs d’opinion … Substitution de la parodie de procès au débat contradictoire » (Christophe Guilluy)  – On finit quand même par l’interdire quand l’oligarchie n’arrive plus à la délégitimer.

« Il parle comme il pense, mais plus souvent. » (Lucien Guitry)

« La communication engourdit  l’intelligence. » (Serge Halimi)  – La com. moderne, pas la conversation. 

« Les politiciens ne font de petites phrases, que parce qu’ils sont incapables d’en prononcer une seule grande dont on se souvienne. » (Jean-Edern Hallier)

« Les voyous publics ont aboli la pensée et mis à sa place le bavardage, ce bavardage qui flaire le nihilisme partout où il sent son bavardage en danger. » (Martin Heidegger)

« Après l’objectivisme unilatéral de la science, s’impose celui des médias qui arrache l’homme à lui-même, produisant à chaque instant le contenu venu occuper son esprit, autorisant une manipulation idéologique sans précédent, sans limite … Ce bouleversement émotionnel en lequel quelqu’un se faisait le contemporain d’un autre, se ramène à l’apparition de messages objectifs sur un écran … Communication où personne ne communique avec personne, dont le contenu ne cesse de s’appauvrir avec la vitesse … Informations multiples, incohérentes, coupées de toute analyse, de toute critique, de leur histoire, de leur genèse, de tout principe d’intelligibilité, sans rime ni raison. » (Michel Henry – La barbarie)

 « Il est sage que ceux qui ont écouté non moi mais le discours conviennent que tout est un. » (Héraclite) – Ambition d’universalité en raison du détachement du discours.

« On ne dit plus parler avec quelqu’un, mais dialoguer, comme si l’échange de propos avait une importance inconnue auparavant. » (Guy Hermet) – On reconnaît bien là grotesque enflure de notre époque.

« Le refus du dialogue est une façon de dire, sans l’exprimer directement avec des mots, que l’autre ne vous intéresse pas ou même qu’il n’existe pas … Se soustraire au dialogue est une façon habile d’aggraver le conflit, tout en l’imputant à l’autre. » (Marie-France Hirigoyen)

 « Dans le registre de la communication perverse, il faut avant tout empêcher l’autre de penser, de comprendre, de réagir … Une armure de sarcasmes (paroles qui rabaissent, qui humilient, qui tournent en dérision tout ce qui appartient en propre, attaques qui s’attachent et ergotent sur des détails microscopiques) protège le pervers de ce qu’il craint le plus, la communication. » (Marie-France Hirigoyen)

« La prédominance de types d’activité menées d’un point de vue instrumental risque de dissoudre la sphère de l’agir communicationnel. » (Axel Honneth – reprenant l’ancien  diagnostic d’Hannah Arendt) – Diagnostic en partie démenti : l’Occidental pendu à ses téléphones et conversant par écrans interposés ne sait plus que babiller sans cesse pour ne rien dire, fin de l’agir, et d’ailleurs de tout sens, vacuité.

« Sous l’action destructrice des média régulateurs de l’argent et du pouvoir bureaucratique qui pénètrent dans la culture quotidienne, le potentiel humain de l’entente au moyen du langage commence à se désintégrer. » (Axel Honneth – reprenant Jürgen Habermas)

« Plus le langage se fond dans la communication, plus les mots qui jusqu’alors étaient véhicules substantiels du sens se dégradent et deviennent signes privés de qualité. » (Max Horkheimer et Theodor Adorno) – Le but des communiquants, incapables suppléant leurs maîtres aussi incapables, serait-il de semer la confusion et de répandre l’imbécillité ? On n’ose y croire.

« Tout se passe, dans la conversation courante, comme si l’expression directe d’un sentiment, d’une émotion, d’une idée était devenue impossible, parce que trop vulgaire. Tout doit passer par le filtre déformant de l’humour … qui finit bien entendu par tourner à vide. » (Michel Houellebecq)

« Les femmes se prennent comme les lapins, par les oreilles. » (Victor Hugo)

« ‘Il faut que ça communique’ … Pratique qui en fait le ‘lubrifiant général des rapports sociaux’ … La libre expression (étroitement réglementée cependant) et la prise de parole comme remède à l’aliénation. » (François-Bernard Huyghe)

« Paradoxe d’une société qui a tant célébré l’idéal ou l’utopie  de la communication : elle prétend maintenant se purifier de sa négativité, corriger la circulation et l’expression de l’information, en rendre les mécanismes transparents et innocents. Il n’est plus question que des dangers du ‘tous crédules, tous irrationnels’ alors que l’on exaltait l’intelligence des foules en ligne ‘tous émetteurs, tous relais, il n’y a pas si longtemps. L’optimisme technologique se transforme en anxiété : la triple attaque contre les élites (populisme), contre l’expertise (complotisme et thèses alternatives) et contre le travail journalistique assume la dénégation. … Les vecteurs techniques qui devaient nous libérer (espace public de liberté et de débat garantissant la vérité par la pluralité et excluant la censure, sont maintenant suspects … L’hégémonie idéologique en est réduit à dénoncer ses opposants comme délirants… » (François-Bernard Huyghe – à propos des ‘fake news’)

« Aussi suspect qu’un amant bavard : celui qui parle trop s’aime lui-même et aime l’amour en croyant aimer son aimée. » (Vladimir Jankélévitch)

« On a le droit de tout dire à condition de dire la même chose. » (Claude Jannoud)

« N’usez que des pièces d’or et d’argent dans le commerce de la parole. » (Joseph Joubert)

« On peut bien dire à un homme sage qu’il est un fou. On peut bien dire à un homme d’esprit qu’il est un sot. Mais le moyen de dire à un sot qu’il est un sot et à un fou qu’il est un fou ? » (Joseph Joubert)

« Ces insupportables parleurs qui vous entretiennent toujours de ce qu’ils savent, mais jamais de ce qu’ils pensent. » (Joseph Joubert)

« L’un aime à dire ce qu’il sait ; l’autre ce qu’il pense. » (Joseph Joubert)

« A les entendre on croirait que rien n’est si aisé que de dire ce qu’on pense, alors qu’il n’est pas même aisé de le savoir au juste. » (Joseph Joubert)

« On entend dans leurs paroles le tintement de leurs cerveaux. » (Joseph Joubert)

 « Qui ne sait pas se taire n’obtient point d’ascendant. » (Joseph Joubert)

« Peut-être ne parle-t-on jamais si bien que lorsqu’on ne sait pas parfaitement ce que l’on va dire. » (Joseph Joubert)

 « Il faut savoir entrer dans les idées des autres et il faut savoir en sortir, comme il faut savoir sortir des siennes et il faut savoir y rentrer. » (Joseph Joubert)

« Chaque homme pense, non ce qu’on lui a dit, mais ce qu’il a compris. » (Joseph Joubert)

« Lorsqu’on parle de dialogue des cultures, il faut donner son sens propre aux deux composants du terme ‘dialogue’. Dia, c’est-à-dire qu’il faut de l’écart, du face à face, du vis-à-vis. Il faut du ‘dissensus’ … Ce qui est intéressant justement, c’est la possibilité d’écart et donc de fécondité : le ‘dia’ qui fasse aspérité. » (François Jullien, sinologue) – Aussi bien au sein d’une même culture.

 « Pour prétendre à la vérité, le discours-raison se détache en instance autonome affichant sa séparation avec le ‘moi’ qui l’exprime ; et doit valoir également pour tous, donc se poser à équidistance de chacun, y compris son auteur … coupant ascétiquement avec son enracinement intime … Philosopher, n’est pas se raconter … L’élévation de la pensée se confond avec l’accès à l’universalité. » (François Jullien) – Voir les vomissements exhibitionnistes de nos dignitaires via leurs tweets.

 « Un dialogue, nous ont appris les Grecs, est d’autant plus rigoureux et fécond qu’il met aux prises des thèses antagonistes … Si la communication se fait dans la langue de l’un des partenaires, ou sans que l’autre langue soit en même temps entendue, la rencontre de ce seul fait est biaisée, s’opérant sur le terrain, dans le jeu des implicites culturels, de l’un des deux. Les dés sont pipés. Si elle se fait dans une langue tierce, par exemple l’américain standardisé, ce sont alors les implicites de celle-ci qui préorienteront l’échange, et ce jusque dans son organisation thématique … sous prétexte d’apporter sa médiation elle s’interpose. » (François Jullien) – Ne pas croire un instant à la neutralité du langage utilisé.

« L’univers de la communication généralisée peut être à la fois un monde d’isolement épidémique et de censure globale. Nous en voyons les premiers symptômes. » (Hervé Juvin)

« Toute la vie de l’homme parmi ses semblables n’est qu’un combat pour s’emparer de l’oreille d’autrui : ‘C’est tout à fait comme moi, je…, Ainsi moi…, Par exemple, moi…’ » (Milan Kundera)

« Tant que les gens sont plus ou moins jeunes et que la partition musicale de leur vie n’en est encore qu’à ses premières mesures, ils peuvent la composer ensemble et échange des motifs, mais quand ils se rencontrent à un âge plus mûr, leur partition musicale est plus ou moins achevée et chaque mot, chaque objet signifie quelque chose d’autre dans la partition de chacun. » (Milan Kundera)

« Les paroles entraînent une dette ineffaçable. » (Jaques Lacan)

« S’il n’y avait pas le Verbe qui, il faut bien le dire, les fait jouir, tous ces gens qui viennent me voir, pourquoi est-ce qu’ils reviendraient chez moi, si ce n’était pas pour à chaque fois s’en payer une tranche , de Verbe ? … ça leur fait plaisir, ils jubilent. » (Jacques Lacan)

 « J’aime assez ce terme ‘colloque’. On parle ensemble, je veux dire dans le même endroit. Cela ne veut pas dire pour autant que ça pense. Chacun parle, et comme c’est dans le même endroit, ça colloque. ‘Colloque’ est un terme sans prétention, à la différence du terme ‘dialogue’. Dialoguer est une des plus énormes prétentions de notre époque. Vous avez déjà vu des gens dialoguer ? » (Jacques Lacan)

« De plus en plus, la conversation n’a pas de place, littéralement pas de lieu, dans la société américaine. En son absence, comment et où acquérir et parfaire des habitudes politiques ? … La musique de fond prend la place des conversations. » (Christopher Lasch) – Comme des laquais, nous suivons l’Amérique.

« Que le langage ait pour but premier d’établir une communication devrait être considéré comme une lapalissade. » (Jacques Laurent) – Mais pour communiquer, encore faut-il disposer d’un vocabulaire de plus de cent mots, connaître et respecter l’orthographe, la grammaire et la syntaxe. Ce qu’on n’apprend ni à l’école ni à l’université, ni en lisant les journaux ni en regardant la télévision ou en se courbant sur les réseaux dits sociaux, mais en lisant des livres.

« Quel besoin de communication incessante, comme s’il devenait impensable que l’homme supporte de rester une minute seul avec lui-même. » (Bertand Leclair)

« Substituant à la censure une incessante incitation à ‘communiquer’, ce renversement permet de poursuivre, par des moyens insolites, ce qui fut de tout temps le but élémentaire des pouvoirs constitués : contrôler une situation … dans une collectivité donnée. » (Bertrand Leclair) – Théorie de la déroute)

« Une fois le manège social lancé à toute allure autour de son axe économique, il n’est plus besoin d’arrimer les individus : la vitesse de rotation leur interdit de lâcher prise une seconde. » (Bertrand Leclair)

« L’obligation de communiquer … qui nous précipite dans des flots de bavardages quand elle ne nous soumet pas à d’incessants bombardements d’information, remplit avec une efficacité peut-être plus grande encore le même rôle que la censure hier : anesthésier la langue de chacun. » (Bertrand Leclair)

« Qu’elle se développe avec une prétention confondante au naturel et à l’évidence n’empêche pas l’idéologie de la communication, qui est consubstantielle au libéralisme économique, si elle n’en est pas le moteur véritable, de ne décréter la mort des idéologies que pour mieux se jucher en toute transparence sur les cadavres de celles qui l’ont précédée … Homogénéiser les individus au moyen d’une parole, non pas acquise ou construite, mais donnée voire imposée ; les déresponsabiliser. » (Bertrand Leclair)

« Le discours, en Occident et pour l’Occident, n’est plus au XX° siècle un moyen de communication, instrument de la conscience, mais le mode d’installation de l’homme dans le monde, donc son rapport au monde … Un tel discours ‘vaut’ par lui-même et pour lui-même, sans référentiel autre que soi … Il ne tient pas par une vérité ou une réalité extérieure, mais par sa cohérence … Le sens agonise, La rhétorique se déchaîne. Libérés de toute attache, les signifiants prennent leur vol. La pensée disparaît au moment où les penseurs croient penser en liberté. » (Henri Lefebvre)

« Seul le discours persiste, comme fondement des rapports sociaux. Sans critère, ni de véracité ni d’authenticité, pas même d’objectivité. Ce qui veut dire que les rapports perdent leur base. Le discours, forme de la communication, en devient aussi l’instrument et le contenu … Auparavant, le message se déchiffrait suivant un code connu en se rapportant à un référentiel accepté … La chute des référentiels et d’un code fournissant des ‘lieux communs’ facilite le décrochage des signifiants et des signifiés, le non apport d’un signifié (commun) au signifiant … Faute de référentiel, la marge d’incertitude se comble difficilement. On consomme des signifiants, massivement, indistinctement … L’accrochage se fait n’importe comment, n’importe où … L’accrochage, c’est l’autorité qui s’en charge, (autrement dit la ‘doxa’ férocement imposée), elle peut imposer n’importe quoi ou presque. » (Henri Lefebvre – traitant de la perte des référentiels : image et idée de la société comme totalité, des critères éthiques ou religieux, des absolus métaphysiques ou théologiques. Après le bon sens pratico-sensible, tous les autres référentiels vont disparaître : l’Absolu philosophique, le dogme religieux, l’impératif moral… Si les référentiels ont disparu, non leur souvenir (au moins pour deux ou trois générations) et l’exigence d’un système de références.)

« En aucune époque, on a autant parlé : le discours sur le social, servi par les moyens de diffusion modernes s’emballe ; il est pris d’un vertigineux amour de soi : rien, du conflit de génération à la circulation automobile, de la sexualité à la musique concrète, de l’exploration de l’espace à l’éducation n’échappe aux colloques, aux interviews, aux débats télévisés. » (Claude Lefort)

« Partout on le constate, au cours de notre histoire ensanglantée : là où les humains ne supportent plus la parole réapparaît le massacre. » (Pierre Legendre)

« Une argumentation ne pourrait jamais commencer, et encore moins se poursuivre, sans prémisses particulières, sans  accords tacites, sans références implicites, sans une manière particulière d’entendre les lieux communs, bref sans une culture, sans une tradition, sans une mémoire communes. » (Robert Legros)

« L’amabilité dans la conversation, c’est se sacrifier à l’amour-propre d’autrui. » (Giacomo Leopardi)

« Nous croyons vivre dans un monde où on peut dire n’importe quoi et nous nous en plaignons souvent. Mais déjà nous censurons instinctivement nos opinions les plus minoritaires … À accepter que la bienséance et la loi se mêlent chaque jour un peu plus de dire le licite et l’illicite en matière d’expression publique, nous finirons par nous réveiller dans un monde où il sera impossible de proférer quoi que ce soit de vaguement inconvenant, déroutant ou amusant. Nous pourrons alors nous dispenser de penser. » (Elisabeth Lévy) – Soumis à la furie législative dictée par la meute haineuse des dénonciateurs.   

« La communication de masse fait une chasse impitoyable au pédagogique, à l’instruction austère et fastidieuse, elle nage dans l’élément de la facilité et du spectaculaire (reportages courts, commentaires simples, entrecoupés d’interviews hachés, de vécu, d’éléments anecdotiques ; partout l’image doit distraire, retenir l’attention, faire choc), l’objectif fondamental est ‘d’accrocher’ le public. » (Gilles Lipovetsky)

« Plus nous prétendons à un échange vrai, authentique, riche, plus nous sommes voués au sentiment d’une communication superficielle ; plus les gens se livrent intimement et s’ouvrent aux autres, plus s’accroit le sentiment futile de la communication intersubjective … Turbulence et incommunication. » (Gilles Lipovetsky) – Les étalages  de tripes n’ont jamais apporté que dégoût et répulsion. L’exposition de la merde (et encore d’une merde truquée, frelatée, même pas d’origine) convient très bien à notre époque. Il ne manque que les méprisables selfies pour ravir les média.

« Chacun est incité à téléphoner au standard, chacun veut dire quelque chose à partir de son expérience intime, chacun peut devenir speaker et être entendu … plus ça s’exprime, plus il n’y a rien à dire, plus la subjectivité est sollicitée, plus l’effet est anonyme et vide … personne au fond n’est intéressé par cette profusion d’expression … à l’exception de l’émetteur … Narcissisme : expression à tout va, primauté de l’acte de communication sur la nature du  communiqué, indifférence aux contenus, communication sans but ni public, destinateur devenu son principal destinataire … D’où cette pléthore de spectacles, d’expositions, d’interviews, de propos totalement insignifiants. » Gilles Lipovetsky) – Exhibitionnisme.

« On est passé des médias émetteurs aux médias conversationnels (blogs, forums…) qui permettent aux individus du monde entier de partager, de discuter, de se divertir… Dans cette galaxie communicationnelle, tout le monde peut produire du contenu, chacun peut devenir photographe, vidéaste, journaliste même en diffusant de l’information. » (Gilles Lipovetsky, Jean Serroy) – Tant mieux. Il sera difficile à ces journalistes improvisés d’être plus serviles et plus incultes que beaucoup de professionnels.

« La ‘communion’ des esprits ne s’opère que par ce qu’ils ont de plus ‘personnel’, et l’on pourrait dire par ce qu’ils ont de plus incommunicable : car on communie réellement en ce qui ne se communique point à l’extérieur. » (cardinal Henri de Lubac)

« On n’atteint pas vraiment les hommes, si d’abord on n’atteint l’homme. »(cardinal Henri de Lubac)

« Rien d’excellent ne peut sortir de celui qui vise d’abord un ‘public’. Le ‘public’ n’est pas un interlocuteur. En  s’adressant au ‘public’ on ne parle pas à quelqu’un. Dans toute recherche du ‘public’ il y a un artifice, une insincérité foncière qui vicie d’avance l’œuvre entreprise. » (cardinal Henri de Lubac)

« Si l’on veut absolument atteindre un public, c’est une mauvaise manœuvre que d’en viser un autre que l’élite la plus spirituelle et la plus exigeante. Il n’est pas en cela question de technicité, ni de langage abstrait, de doctrine ésotérique ou de problématique subtile, mais de qualité spirituelle et de pureté. » (cardinal Henri de Lubac)

«…En tant qu’ils forment un ‘public’, les hommes sont extérieurs à eux-mêmes. Penser aux hommes à travers la catégorie du ‘public’, c’est donc s’interdire de pénétrer jusqu’à l’humain. C’est fatalement méconnaître la valeur et les besoins de ceux que l’on désire atteindre. »(cardinal Henri de Lubac)

« Le message qui nous arrive par l’oreille est chaud et plus chargé d’émotion que celui qui vient de la vue … Le média sonore susciterait une affectivité directe à laquelle ne peuvent prétendre ni l’image ni  le texte. » (d’après Marshall Mac Luhan)

« La parole quotidienne, la circulation de la parole, accordent beaucoup plus d’importance à cette circulation, au signifiant qu’au signifié lui-même. Cet acte essentiel qu’est l’échange repose avant tout sur le jeu et le factice … Redondances, exagérations, discussions de café du commerce, banalités de voisinage, bons mots et salutations, corpus de sentences et de proverbes … Tout cela ne repose nullement sur la hantise de la vérité, sur la recherche tétanique d’un processus dialectique … mais présente au contraire une bonhomie de bon ton qui sait que face à la déréliction de la finitude il y a mieux à faire que de miser sa vie sur des idées. » (Michel Maffesoli – sur la rhétorique populaire) – Ce pourquoi, notamment, ne pas (trop) se moquer des bavardages féminins ; ils maintiennent la sociabilité.

« ‘Le seul endroit où la communication résiste c’est le bistrot’ … Loin des structures économique ou politique, la communication … s’inscrit dans les lieux les plus humbles, dans les situations les plus banales … Il est bien connu que quand dans un village ou un quartier un bistrot ferme, c’est un peu de vie qui cesse. » (Michel Maffesoli)

 « En phase avec la nappe phréatique que sont les masses populaires.  Mais qui ne correspond en rien à ce que les élites, dans leur grande majorité, ont envie d’entendre, de comprendre, d’interpréter … pressentant la fin de leurs privilèges, pressentiment à partir duquel l’intelligentsia française, pâle de dépit et panurgique par nécessité, va, telle une horde sauvage, car elle chasse toujours en meute, s’acharner sur un homme qui de fait a décidé de ne pas respecter les codes du milieu … C’est parce qu’il est en phase avec le peuple (au moins, parfois, qu’il sait le comprendre et s’exprimer comme lui) que Sarkozy est autant détesté par l’opinion publiée, l’opinion officielle. » (Michel Maffesoli – Sarkologies,  Pourquoi tant de haine(s) » – On sait l’énorme mépris de nos prétendues élites pour tout ce qui est peuple, tout ce qui fait peuple.

« Le ‘droit de tout dire’ s’est peu à peu mué en ‘droit de s’indigner contre tout’ … Le cléricalisme sans transcendance des ‘social justice warriors’ donne le  la d’une idéologie ne souffrant aucune contradiction ni contradicteur … Révolu le temps où la libre communication permettait encore de faire société. » (Vitaly Malkin)

« La transformation de la conversation publique en une querelle de pleureuses. » (Pierre Manent)

« L’homme qui se tait refuse ; la femme qui se tait consent. » (Louis Massignon)

« Quand on n’a rien à dire, on parle de tout ; ça compense. » (Renaud Matignon – sur Philippe Sollers)

« Moins les gens ont d’idées à exprimer, plus ils parlent fort. » (François Mauriac)

« Un homme bien élevé tient ses croyances hors de la conversation. » (André Maurois)

« Il y a des contradicteurs nés qui cherchent toujours l’erreur dans ce qui vient d’être dit. La conversation est un édifice auquel on travaille en commun. Les interlocuteurs doivent placer leurs phrases … en concourant à l’ensemble comme des maçons leurs pierres. » (André Maurois)

« La conversation exige qu’on y soit présent tout entier ; la plupart des hommes sont absents d’eux-mêmes. » (André Maurois)

« Aimer mieux écouter les autres que de parler vous-même ; cependant, parlez à propos, évitant également comme excès, le trop parler qui empêche les autres de dire leurs pensées, et le parler trop peu qui dénote une insouciance blessante pour ce qu’ils disent. » (cardinal Mercier)

« C’est chose qui moult me déplaît, quand poule parle et coq se tait. » (Jean de Meung) – Le poète vivait aux temps obscurantistes où on pouvait tout dire, même des énormités, heureuse époque.

 « Il est possible que la formidable sentimentalité de notre temps, cette disposition à être affecté et même submergé par des vagues d’émotion superficielle (la mort de Diana, le tsunami en Asie du sud-est, la mort du pape Jean-Paul II…), soit indissociable de la pauvreté communicationnelle et relationnelle de la plupart des échanges. » (Yves Michaud) –  Le troupeau ne sait plus que pleurnicher ensemble où et quand lui disent les média.

« J’étais une parole qui tentait d’avancer à la vitesse de la pensée … Avec chaque nouvelle arrivée de vocables, je prenais un nouveau retard et un surcroît d’éloignement. » (Henri Michaux – cité par  Georges Poulet)

« Prendre le temps de la réflexion (même par de simples silences) c’est prendre l’ascendant psychologique. C’est aussi se prémunir contre des émotions parasites … Celui qui vous presse est un bluffeur. » (Elodie Mielczareck – sur la communication) 

« Le silence est un atout trop souvent oublié, ou pas assez exploité … C’est une arme redoutable, souvent négligée … C’est un espace de projection, votre interlocuteur y projettera ses représentations, ses envies, ses incertitudes, ses angoisses. » (Elodie Mielczareck – sur la communication)

« La conversation est morte avec le souci de soi, la recherche désespérée de l’authenticité, l’hystérisation du romanesque. » (Richard Millet) – Et aussi avec l’inculture phénoménale que nous devons à notre système de déséducation.

« Les grandes âmes ont disparu avec les grandes phrases. » (Richard Millet)

« Soirée avec des trentenaires : gentils, moraux, soucieux de questions sociales, de ‘qualité de vie’, d’amour … s’écoutant à peine les uns les autres, incapables de nourrir une conversation, parlant pour ne rien dire… » (Richard Millet) – Hélas généralement vrai. Mais comment étais-je, était-il, à trente ans ?

« Il faut frotter sa cervelle à celle des autres. » (Montaigne)

« Le silence et la modestie sont qualités très nécessaires à la conversation. » (Montaigne)

« J’observe en mes voyages cette practique pour apprendre toujours quelque chose par la communication d’autruy … de ramener toujours ceux avec qui je confère aux propos des choses qu’ils sçavent le mieux. » (Montaigne)

« De même que notre esprit devient plus fort grâce à la  communication avec les esprits vigoureux et raisonnables, de même on ne peut pas dire combien il perd et combien il s’abâtardit par le commerce continuel et la fréquentation que nous avons des esprits bas et maladifs. » (Montaigne)

« Ce qui manque aux orateurs en profondeur, ils vous le donnent en longueur. » (Montesquieu)

« L’esprit de conversation est un esprit particulier qui consiste en des raisonnements et des déraisonnements courts. » (Montesquieu)

« Moins on pense, plus on parle, ainsi… » (Montesquieu)

« Plus une tête est vide, plus elle cherche à se désemplir. » (Montesquieu) – Voir Télévision.

« Elle prononce si bien que l’on apprend l’orthographe. » (Montesquieu) – Il ne parlait certes pas de nos journalistes.

« Lorsqu’on a rien à dire aux êtres, la plaisanterie occupe et déguise l’indifférence. » (Montherlant – Fils de personne)

« Napoléon n’est pas bref parce qu’il est empereur, il est empereur parce qu’il est bref. » (Paul Morand)

« La pauvreté ou la richesse du discours de celui qui parle m’apprend aussitôt dans quelle mesure il a déjà vécu. » (Paul Morand)

« Qu’avons-nous à nous communiquer ? Des cotes de la Bourse, des résultats de football, et des histoires de couchage. L’homme résistera-t-il à l’accroissement formidable de puissance dont la science moderne l’a doté ou se détruira-t-il en la maniant ? » (Paul Morand) – A l’époque de Morand on n’avait pas encore inventé les polémiques grotesques, les dénonciations vertueuses, les traques meurtrières, l’épandage généralisé de la stupidité et de la saleté. D’où son catalogue d’âneries est plus limité.

« Non seulement je suis sûr que ce que je vais dire est faux, mais je suis sûr aussi que ce qu’on m’objectera sera faux. Et pourtant, il n’y a pas d’autre choix que de parler… » (Robert Musil – cité par Christiane Singer)

« On parle trop, plus il faut de mots, plus c’est mauvais signe. » (Robert Musil – cité par Maurice Blanchot)

« Ne vous échauffez jamais dans une discussion ; laissez à l’autre ses idées. » (Alfred de Musset)

« Il y a un moi verbal et un moi réel ; et le moi qui parle n’est pas le moi qui vit et qui agit. » (cardinal Newman)

« Il est honnête parce qu’il se parle à lui-même et pour lui-même. » (Nietzsche  – sur Schopenhauer)

« Au commencement était le Verbe ; c’était déjà mal parti. » (Roger Nimier)

« L’hyper communication est en vérité, une déliaison, un enfermement ! Toujours plus de relation virtuelle, toujours moins de lien réel … La puissance de l’opinion publique amplifie le conformisme ordinaire, propre à chaque société … La puissance de la société numérique décuple la pression exercée sur ceux qui en deviennent les cibles (tribunal du buzz dont les sentences sont sans appel). Ces dernières sont alors conduites à des exercices de contrition qui rappellent les formes médiévales d’humiliation publique ou les séances maoïstes d’autocritique. Pour n’avoir pas … on s’excuse par avance, on s’exprime par périphrase, on parle dans les catégories autorisées. » (Denis Olivennes)

« Substituer le mot de communication à celui de propagande… » (Michel Onfray)

« Une écriture qui soit à la fois agréable à regarder et facile à lire est devenue une rareté. » (George Orwell)

« Personne ne parle de nous en notre présence comme il en parle en notre absence. » (Blaise Pascal)

« Voulez-vous qu’on croie du bien de vous ? N’en dites pas. » (Blaise Pascal)

« L’homme est entré, pour son plus grand malheur, dans l’ère de la communication, ce qui signifie très concrètement que les gens ont de plus en plus de mal à s’adresser la parole. » (Alain Paucard)

« Fuyez l’homme qui ne peut pas parler sans discuter. » (un Père du désert)

« Conférer aux déclarations un caractère solennel et fortement ritualisé afin d’assigner à leur contenu une force d’autorité maximale visant à garantir l’effet performatif escompté … L’effet performatif de la formule déclamatoire a valeur d’exorcisme, il contribue à chasser les démons à travers son rituel incantatoire … Le décalogue, la déclaration d’indépendance des Etats-Unis, la déclaration française des droits de l’homme et du citoyen, repris par la déclaration onusienne des droits de l’homme en 1948 et… » (Perrot, Rist, et Sabelli) – Liste d’un amas de déclarations onusiennes, jusqu’à celle du déficient mental (20.12.71) – Reconstitution du sacré. Les interventions télévisées de nos présidents semblent bien pales à côté, même si elles poursuivent le même but, masquer l’impuissance. 

« Si les naïfs peuvent croire qu’une discussion vise à résoudre un problème ou à éclaircir une question difficile, en réalité sa seule justification est d’éprouver la capacité des participants à désarçonner l’adversaire. L’enjeu n’est pas de vérité mais d’amour-propre. » (Georges Picard)

« Tant que vous la fermez, on vous ignore ou on vous crédite d’une vigilance critique. » (Georges Picard)

« Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts. » (Père Daniel Pire)

« Si ce que tu as à dire est moins beau que le silence, alors tais-toi ! » (Platon)

« On peut en savoir plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de conversation. » (Platon)

« Si la parole s’est libérée, cela ne vaut que pour la ‘parole conforme’. » (Natacha Polony, Jean-Michel Quatrepoint) – Le prix est la mise dans les chaînes de la parole libre, personnelle

« La conversation sans objet, quel luxe ! » (Jean-Bertrand Pontalis)

« Quand vous citez un texte con n’oubliez pas le contexte. » (Jacques Prévert)

« Sa conversation était comme les journaux de province qui, sans citer leurs auteurs, sont faits avec des extraits des journaux de Paris. » (Marcel Proust)

« La conversation qui  est le mode d’expression de l’amitié est une divagation superficielle qui ne nous donne rien à acquérir … Il y a manque de tact chez les gens qui cherchent dans leur conversation non à plaire aux autres mais à élucider, en égoïstes, des points qui les intéressent ; La conversation exige une abdication de soi-même au nom du plaisir de ses compagnons. » (Marcel Proust)  – «  Elle ne sert pas à clarifier égoïstement ses propres centres d’intérêt, mais surtout à échanger chaleur et affection. » (Alain de Botton)

« La vie moderne tend à faire de nous les photos-reporters de nos propres vies. Grâce à nos téléphones portables – toujours à portée de main, sinon perpétuellement dégainé. », (Sylvain Quennehen)

« Car oui, ne nous méprenons pas, notre pratique des réseaux sociaux est une mendicité ontologique ; on y part en quête des piécettes d’Être que nos semblables veulent bien nous jeter … A grands coups de stories, par liasses de confessions intimes, on livre à la planète entière ce qu’on ne consentirait pour rien au monde à confier à la seule oreille du prêtre de sa paroisse. Comment comprendre, décidément, cette apparente schizophrénie de l’exhibitionnisme 2.0 ? » (Sylvain Quennehen)

« Pendant longtemps la communication a libéré … diffusion du savoir … Désormais, en s’imposant comme obligation absolue, en inondant tous les aspects de la vie sociale, politique, économique et culturelle, elle exerce une tyrannie. Elle est probablement devenue la grande superstition de notre temps. » (Ignacio Ramonet)

« La conversation est un art difficile. Quand on parle, on ennuie les autres, et quand on prête l’oreille, c’est soi-même qu’on ennuie. » (Paul Rée)

« Il est bien rare qu’on n’ait pas à regretter ses confidences. » (Charles Régismanset)

« Le malheur d’autrui, sujet de conversation inépuisable. » (Charles Régismanset)

« Si de la discussion pouvait jaillir la moindre vérité, on discuterait moins. » (Jules Renard)

« Il y a deux ans que je n’ai pas parlé à ma femme ; c’était pour ne pas l’interrompre. » (Jules Renard)

« Si l’homme a été créé avant la femme c’était pour lui permettre de placer quelques mots. » (Jules Renard)

« La conversation ressemble à l’emploi du sécateur, où chacun taille la voix du voisin aussitôt qu’elle pousse. »(Jules Renard)

« Être clair, nous sommes si peu capables d’efforts pour comprendre les autres. » (Jules Renard)

« Ecrire, c’est une façon de parler sans être interrompu. » (Jules Renard)

« Le supplice d’écouter jusqu’au bout une phrase qu’on a déjà comprise. » (Jean-Michel Ribes)

« Quand on dit ce que tout le monde pense et désire, on est toujours vivement applaudi. La véritable éloquence consiste à s’opposer au torrent des idées et des passions. » (Rivarol) – Surhumain et inutile en régime démagogique. Passible du lynchage médiatique.

« Il a fallu faire du bruit plutôt que du bien. » (Rivarol) – Sur la politique de l’Assemblée constituante de 89. L’auteur avait deviné l’extraordinaire avenir de la Com. en politique.

« Je dormais ; l’évêque dit à cette dame : laissons-le dormir, ne parlons plus. – Je lui répondis : Si vous ne parlez plus, je ne dormirai pas. » (Rivarol)

« Je vous écrirai demain sans faute. – Ne vous gênez pas, lui répondis-je, écrivez-moi comme à votre ordinaire. » (Rivarol)

« La communication devient la dernière pensée d’un monde qui n’a plus rien à dire » (Philippe de Saint-Robert)

« Quand la vanité ne fait point parler, on n’a pas envie de dire grand-chose. » (La Rochefoucauld)

« Il n’y a quasi personne qui ne pense plutôt à ce qu’il veut dire, qu’à répondre précisément à ce qu’on lui dit. » (La Rochefoucauld)

« La véritable éloquence consiste à dire tout ce qu’il faut, et rien que ce qu’il faut. » (La Rochefoucauld)

« La confiance fournit plus à la conversation que l’esprit. » (La Rochefoucauld)

« Chacun songe plus à ce qu’il a à dire qu’à ce que les autres disent. » (La Rochefoucauld)

« Il n’y a presque personne qui ne pense plutôt à ce qu’il veut dire qu’à répondre précisément à ce qu’on lui dit. Les plus habiles et les plus complaisants se contentent seulement de montrer une mine attentive, en même temps que l’on voit, dans leurs yeux et dans leur esprit, un égarement pour ce qu’on leur dit et une précipitation pour retourner à ce qu’ils veulent dire.» (La Rochefoucauld)

« Phénomène de duplication propre au discours crapuleux. ‘Un certain art de former des concepts contradictoires, c’est-à-dire qui unissent en eux une idée et la négation de cette idée’(Jean-Paul Sartre – L’être  et le néant). »  (Clément Rosset) – Le discours présidentiel du   en même temps ressortirait-il pas de cette forme de crapulerie  à l’usage des Gogos-Bobos ?

« Le règne de l’anecdote s’étend à tous les domaines de la communication comme forme exclusive de discours. » (Christian Salmon) – Permet de ne rien expliquer, de ne rien justifier, de ne rien contredire, de ne s’engager en rien et sur rien, de traiter son public comme un enfant (ce dont celui-ci raffole). Le storytelling américain est au fond ce que la langue de bois est à la forme.

« La répugnance à parler dans un groupe met à mal le lien social … Jamais nous ne remettons en cause cette étrange obligation de prendre part à une conversation …  La relation authentique implique une certaine réciprocité, même si l’un a l’initiative, encore faut-il que l’autre manifeste de quelque manière qu’il a été attentif … Elle (la conversation) ne croit pas bon de charger de nos tourments les épaules de nos semblables … Une conversation  réussie sera enjouée avec un mélange de légèreté (hors de la frivolité) et de gravité (hors de la fébrilité) …  Les êtres légers se reconnaissent à la fluidité de la parole … S’ils pèsent si peu c’est pour ne pas nous embarrasser par une présence trop insistante … Sentiment agréable d’être ensemble et de nous enrichir mutuellement … Plaisir de se confronter, de s’estimer, de se quitter plus riches et plus amis … La douceur d’une certaine forme de conversation, c‘est de nous entretenir avec des personnes amicales sans souci de briller ou de dire des choses particulièrement intelligentes … Occasion d’entrelacer notre existence à d’autres existences que la nôtre, elle nous assure de notre similitude avec tous nos semblables … La confiance fournit plus à la conversation que l’esprit … L’émotion n’est pas à exclure, il convient cependant qu’elle ne nous convulse pas (cris, sarcasmes, interjections, larmes, insultes…), qu’elle ne nous engloutisse pas dans les profondeurs de l’intime … Si l’information doit être rapide, claire, éclairante, la conversation, elle, si elle se pliait à de tels impératifs, s’abolirait : aussitôt commencée, aussitôt terminée. Elle doit s’accorder à nos respirations, comme des nœuds, des stases, des reprises, égrenées … Il est presque aussi malaisé de mettre fin à une conversation qu’à une liaison qui nous pèse. Le silence que nous attendions est colmaté avant que nous ayons ouvert la bouche …Le pire, dans la modernité, qui ne ressort plus de la conversation : chaque parole, chaque évocation devient à leurs yeux un problème qui mérite une réponse rapide et précise, si je me livre au bonheur d’associer des mots, de dire une chose et son contraire, de mêler le réel et l’imaginaire, le vrai et le faux, elles (ou ils) se rebiffent. Elles exigent que moi aussi, je me montre efficace et claire, elles font le tour dans leur esprit des avantages et des inconvénients (d’une solution). » (Pierre Sansot – considérations éparses sur la conversation – Le goût de la conversation)

«  – L’ironiste cherche à déplaire plus qu’à plaire, il tient les autres à distance, il enfreint la règle élémentaire de tout jeu : la réversibilité, il risque de nous glacer – Le suffisant n’écoute pas, il rompt le pacte tacite de réciprocité et de solidarité – Le sérieux nous dissuade de jouer, il prend à la lettre des propos que nous voulions plaisants – Le bavard est un infatigable du verbe, il ignore l’hospitalité, le respect, la gratitude, il instaure la dissymétrie, pas plus qu’il ne fait circuler la parole, il ne songe à partager une idée, partie de son temps, de son intimité ; son for intérieur, s’il en a un, nous demeurera inconnu, il corrompt, il abîme, il délave tout ce qu’il prononce, il se vautre dans la narration des petits riens ou il s’y complait puisqu’il allonge son temps de paroles à la mesure de leur insignifiance – Le causeur (celui du coin du feu, pas le conférencier), badin, il est celui qui tient sous le charme, celui qu’on  suit comme on entend les chuchotis d’une rivière – Le conférencier, un homme abandonnant son enveloppe charnelle, un organisme composé de chair, d’os et de beaucoup d’eau pour n’être qu’un esprit pur – L’orateur, le débatteur, combat pour convaincre l’auditeur et vaincre l’opposant, utilisation de la performance pour aider dans cette tâche, la ‘gueule’, largement et franchement ouverte  (coup de…) (Pierre Sansot – Le goût de la conversation)

« La communication entraîne l’homogénéité et l’homogénéité entraîne la mort … Contacts et échanges sont la condition  du progrès culturel. Une culture isolée meurt. » (Dominique Schnapper – reprenant la position de Claude lévi-Strauss)

« Pourquoi ce besoin, moins de faire, que de faire savoir ce qu’on fait, voire de faire croire à ce qu’on ne fait pas, l’effet d’annonce dispensant de toutes mesures réelles ? » (Michel Schneider) – Telle est la com., drogue pour Gogos.

« Je me relie, donc je suis. La relation précède toute existence. » (Michel Serres – saisi d’extase communicationnelle)

« On reconnaît le sage à la sobriété de son langage. » (Sextus, Pythagoricien)

« ‘Communiquer’ est le mode symbolique privilégié des sociétés à ‘politique éclatée’. Ce mode est propre à un corps sociale en voie de dispersion, qui trouve son origine dans la société américaine du Nord sans mémoire, où le ‘melting pot’ est roi … Pour assurer leur cohésion, les sociétés à mémoire se servent de l’histoire, les société sans mémoire de la communication … L’envahissement de la communication  depuis dix ans : dans l’entreprise, le secteur ‘relations humaines’ devient prééminent ; le marketing concernait le produit, aujourd’hui il travaille l’image de la firme elle-même ; dans les milieux politiques, dans l’audiovisuel, dans l’édition, dans la sphère religieuse, dans les sciences exactes elles-mêmes contaminées par le vocable ‘communication’ » (Lucien Sfez)

« « On se parle de plus en plus, et on se comprend de moins en moins. On ne parle jamais autant de communication que dans une société fermée qui ne sait plus communiquer avec elle-même, dont la cohésion est contestée, dont les valeurs se délitent, dont les régulations s’effacent. Dieu, l’histoire, les anciennes théologies  fondatrices des grandes figures symboliques telles que l’Egalité, la Nation, la Liberté ont disparu en tant que moyen d’unification. Or ces figures permettaient d’y voir plus clair, de se situer dans le monde, d’agir sciemment. Dans le creux laissé par leur faillite se développe la communication, entreprise désespérée pour relier entre elles des analyses spécialisés et des milieux cloisonnés à l’extrême … Nouvelle théologie, celle des temps modernes, fruit de la confusion des valeurs et des fragmentations imposées par la technologie. » (Lucien Sfez)

« Prête l’oreille à tous, mais tes paroles au petit nombre. » (Shakespeare – Hamlet)

« Quand vous dites quelque chose, si vous ne le dites pas d’une façon qui irrite, vous pourriez aussi bien vous taire. » (G. B. Shaw)

« D’une conversation dans laquelle nous n’avons rien dit, l’interlocuteur sort généralement content de nous. » (André Siegfried)

« La toile donne à ceux qui la fréquentent l’impression de pouvoir ‘prendre la parole’, de ‘se faire entendre’, d’avoir ‘voix au chapitre’, en somme d’exister ou même de compter. » (Raffaele Simone) 

« On peut sans trop de risques dire n’importe quoi puisque personne n’écoute personne. » (Christiane Singer) – Hélas, ce n’est plus vrai. Aujourd’hui, et en France particulièrement, la meute des délateurs, la tribu des envieux, la horde des sadiques, est à l’affût de tout ce qui peut détruire quelqu’un, de tout ce qui peut valoir dommages et intérêts.

« Mieux vaut encore mettre l’autre à dure épreuve que lui manifester une bienveillance de bon aloi qui n’engage à rien … La relation falote, tout occupée à éviter la friction, mène au néant. » (Christiane Singer)

« Davantage de communication signifie surtout davantage de conflit. » (Peter Sloterdijk)

« Ce que je me propose de faire ou de dire est-il Vrai ? Bon ? Utile ? » (le filtre ou tamis de Socrate)

« Je viens d’un monde où il est interdit de parler ; j’arrive dans un monde où on peut tout dire mais où ça ne sert à rien. » (Alexandre Soljénitsyne – Discours de Harvard) – Le vide de l’Occident.

« En Occident, tout le monde parle, mais personne n’écoute. » (Soljénitsyne) – Et en France, on est champion

« On a souvent tort de la façon d’avoir raison. Toute parole a une coloration affective : douceur ou intolérance, respect ou désir de convaincre… c’est le ton employé qui pourra faire admettre ou rejeté ce qui est dit. » (Père Denis Sonet)

« La communication verbale est beaucoup plus facile que la communication écrite, parce que la parole agit sur les sentiments d’une manière mystérieuse et établit facilement une union sympathique entre les personnes. » (Georges Sorel)

« Les gens n’entretiennent plus des ‘relations’ les uns avec les autres, mais procèdent à des ‘transactions’. » (George Soros – cité par Richard Sennett)

« Comprendre c’est traduire … La traduction est, formellement et pragmatiquement, présente dans tout acte de communication, dans l’émission et la réception de tous les modes de sens … Comprendre, c’est déchiffrer. Entendre une signification, c’est traduire … La traduction entre des langues différentes n’est qu’une application particulière d’une configuration et d’un modèle fondamental au langage humain, lors même qu’il est monoglotte. » (George Steiner)

« On fait dans les discussions comme dans les armées, où le plus faible allume de grands feux et fait un grand bruit pour tromper l’ennemi sur son nombre et sur sa force. » (Jonathan Swift)

« On ne court aucune danger à se taire. » (Publius Syrus)

« Pensée unique, parti unique, journal unique … Une nouvelle forme de despotisme symbolique se profile à l’horizon : le totalitarisme communicationnaire. L’impératif de communication totale … s’y noue avec l’obligation de transparence absolue … Que tout du social soit visible, clair et net ; que tout dans l’humain soit parfaitement intelligible, que tout ce qui est humain s’épuise dans une compréhension rationnelle. Que rien n’échappe à l’espace public. Toute information doit être enregistrée, stockée et ses traces disponibles à chaque instant. » (Pierre-André Taguieff) –  Big brother  actuel !  

« S’exercent désormais quasi exclusivement trois ou quatre dispositifs techniques créés et imposés en moins de quarante ans : la télévision, l’internet, les baladeurs et le téléphone mobile … De haut en bas de l’échelle sociale, et encore plus en bas, ce sont les plus violemment désirés. Ce sont eux qui organisent l’espace de ce qu’on n’appelle plus ‘lire’, ‘écrire’, ‘parler’, ‘s’exprimer’, ‘écouter’, mais d’un seul mot, ‘communiquer’. » (François Taillandier)

« Si le dressage par voie d’écrans et de manettes n’a fait que se perfectionner, le moins qu’on puisse dire est que la tendance n’est guère à l’affinement de la parole articulée. » (François Taillandier)

« La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée. » (Talleyrand) – Un expert.

Si vous devez avoir une parole qu’elle ne soit pas : « Insignifiante à force de circonspection, zélée à confondre la prudence avec la pusillanimité, préférant le silence au risque, le conformisme à la contradiction, la certitude de décevoir au péril de déplaire… qu’elle ne soit pas toujours prête à dire ce qu’il ne faut pas penser, mais jamais ce qu’elle pense, elle, ce qui serait d’ailleurs inutile pour une parole qui s’exprime toujours à l’unisson de la vulgate médiatique. » (abbé Guillaume de Tanoüarn).

« Celui qui sait ne parle pas. Et celui qui parle ne sait pas. » (Tao) – Evident quand on regarde la télévision.

« Par conversation, j’entends tout dialogue sans utilité directe et immédiate, où l’on parle surtout pour parler, par plaisir, par jeu, par politesse. » (Gabriel Tarde)

« Le vœu du silence, la renonciation à toute conversation inutile a toujours été considérée comme la mortification la plus dure, la règle la plus rigoureuse et la plus souvent enfreinte, que l’imagination des fondateurs d’ordres monastiques ait pu inventer. Cela prouve à quel point le besoin de causer est général et irrésistible. » (Gabriel Tarde)

« Les hommes incultes, entre égaux, sont portés à parler tous à la fois et à s’interrompre sans cesse. » (Gabriel Tarde) – Ce n’est plus réservé aux hommes incultes. Au contraire ce sont ceux-ci qui savent encore écouter. Imagine-t-on le Bobo parisien, le bourgeois averti, écouter, avant de s’insurger en récitant  le journal des bien-pensants ?

“Qui garde sa bouche garde sa vie, qui ouvre trop ses lèvres se perd. » (Ancien Testament – Livre des Proverbes)

« Les conversations avec les créatures, même les conversations pieuses, me fatiguaient l’âme. Je sentais qu’il valait mieux parler à  Dieu que de parler de Dieu, car il se mêle tant d’amour-propre dans les conversations spirituelles ! » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)

« Là où il n’y a plus de solitaires il n’y a plus que des isolés. »(Gustave Thibon – sur ceux qui ne savent pas se taire)

« Un des signes les plus sûrs de l’épuisement affectif, c’est de n’être plus capable d’une communion infra-humaine (avec la nature) ou supra-humaine (avec Dieu) de ne pouvoir vivre et s’épanouir qu’au contact des hommes, d’avoir constamment besoin de ce contact pour échapper à l’isolement et à l’ennui. » (Gustave Thibon)

« L’incohérence du discours a pour analogue l’effritement des responsabilités ; les actions, comme les idées, perdent toute cohérence interne : on fait écho à tout, on ne répond à rien et de rien. » (Gustave Thibon)

« Les gens n’ont plus de conversation. Ils s’ennuient en société et ne savent que se dire. C’est précisément parce qu’ils ne savent plus se taire. Le silence seul féconde le verbe. » (Gustave Thibon)

« Il n’y a pas ici-bas de communication horizontale : tout échange implique une ascension ou une chute. On communique avec un être soit par en haut … soit par en bas… » (Gustave Thibon – s’exprimant en matière spirituelle) – Mais on peut élargir à tout niveau. 

« La politesse et la sympathie nous gâtent. Une conversation vraie est impossible tant les gens sont résolus à tomber d’accord avec vous. » (Henry David Thoreau)

« Des systèmes de communication, très bien ; mais si les gens n’ont rien à se dire ? » (Henry David Thoreau) – Pour se convaincre de la pertinence de la remarque, écouter la pauvreté générale des vagissements de portables sur les trottoirs.

« L’homme qui sait penser et ne sait pas exprimer ce qu’il pense est au niveau de celui qui ne sait pas penser. » (Thucydide)

« Malgré tous les défauts qu’on attribue aux Français, c’est en France … qu’il faut chercher le talent de la conversation ; il est plus commun et plus estimé chez eux que chez tout autre nation. Le même tempérament qui la leur fait aimer, les dispose à y réussir … Le plaisir de la conversation chez les Français, se mêle à tous les autres plaisirs et quelquefois paraît presque les exclure. Ils vont au spectacle plutôt pour causer, que pour voir le spectacle même… » (l’abbé Trublet) – Faut-il préciser que l’abbé n’est, et de loin, pas notre contemporain. !

« Les possibilités de dialogue  entre deux humains sont proportionnelles à la liberté qui s’exprime en eux. » (Philippe Val) – Soit, dans l’acception de l’auteur, de leur non-aliénation à ce qui ressort de l’espèce mais est issu de l’affirmation individuelle.

« Parler au-dessus de sa pensée. » (Paul Valéry)

« L’homme d’aujourd’hui ne cultive point ce qui ne peut point s’abréger. De fait il est parvenu à abréger même le récit … On dirait que l’affaiblissement dans les esprits de l’idée d’éternité coïncide avec le dégoût croissant des longues tâches. » (Paul Valéry – sur la conversation) – Encore du temps de l’auteur arrivait-on à s’exprimer autrement que par borborygmes et gloussements, que par SMS.

« Prends l’éloquence, et tords-lui le cou ! » (Paul Verlaine)

« L’information immédiatement disponible est confondue avec la culture et sa circulation sous le nom de communication est considérée sans examen comme un progrès. » (Pierre le Vigan) 

« La meilleure école d’expression et d’idées qu’ait connue le monde moderne car elle reposait sur la croyance qu’il n’y a pas de conversation plus stimulante qu’entre hommes et femmes intelligents qui s’y fréquentent assez régulièrement pour avoir une relation d’amitié franche et aisée. »  (Edith Wharton – citée par Alain Finkielkraut) – Sur la France, pas si lointaine, des salons. C’était avant les glapissements hystériques du féminisme, la vulgarité médiatique, la sauvagerie généralisée et l’inculture invraisemblable dispensée par ce qu’on appelle l’éducation nationale.

« La tâche du journal revient  à l’art en dire de moins en moins à  de plus en plus de gens … De même pour la radio, la télévision et même pour  la librairie … Nous voici à une époque où l’énorme masse de communication par habitant rencontre un courant toujours plus mince de communication globale. De plus en plus, il nous faut accepter un produit standardisé, inoffensif et insignifiant … Quand il y a communication sans besoin de communication, simplement pour permettre à quelqu’un de  gagner le prestige social et intellectuel d’un ’prêtre de la communication’, la qualité et la valeur communicative du message tombe comme un fil à plomb … Les gens qui ont choisi pour carrière la communication n’ont souvent rien à communiquer. » (Norbert Wiener – prémonitoire – sur la monstruosité de nos moyens de communication) – Tout le monde sait que la quantité fait disparaître la qualité, mais on fait comme si on ne le savait pas. Tout le monde sait qu’un communicant (et celui qui recourt à ses services) est une outre vide, mais on fait au moins semblant de les écouter.

« Silence et secret paraissent les antinomies des valeurs actuelles de la communication. » (Michel Wieviorka et Dominique Wolton)

« Communication et secret sont contradictoires dans les termes. Mais l’une n’existe pas sans l’autre, nous vivons dans une société qui en valorisant à l’extrême la communication rejette le secret, ne l’admet pas et le dévalorise … Rarement dans l’histoire des sociétés le secret n’a eu un statut aussi dévalorisé, le sentiment dominant étant que l’information et la connaissance en feront sans cesse reculer les frontières. » (Michel Wieviorka et Dominique Wolton) – Enfin le voyeurisme à la portée de tous.

« La conversation doit toucher à tout et ne tenir à rien. » (Oscar Wilde)

« Comme tous ceux qui essayent d’épuiser un sujet, il épuise ses auditeurs. » (Oscar Wilde)

« Ce que nous disons reçoit son sens du reste de nos actions. » (Ludwig Wittgenstein)

« Ce qu’on ne peut pas  dire, il faut le taire. » (Ludwig Wittgenstein – Tractatus)

« La langue est un sabre qui peut transpercer le corps. » (prince Yonsan)

« La vitesse de sa langue est mal réglée ; cette vitesse doit être toujours en retard d’un peu moins d’une seconde sur la vitesse de la pensée et ne doit, en aucun cas,  la devancer. » (Eugène Zamiatine) – On peut même se demander parfois1si, même en large retard, il y avait une pensée embryonnaire pour soutenir l’expression.

« Ce qui importe, c’est d’être disposé à penser par soi-même et à dire ce qu’on pense. » (Théodore Zeldin)

« La seule sorte de conversation intéressante est celle dont, au départ, on est disposé à sortir légèrement différent. » (Théodore Zeldin)

« Parler avec des gens qui n’ont apparemment rien de commun avec nous me semble une expérience qui vaut la peine d’être poussée plus loin. » (Théodore Zeldin)

« Le sabir des gens qui font habilement passer les idées, la vision du monde, de leur caste sociale pour celles de la société tout entière. » (Eric Zemmour – sur la caste des Communicants en particulier et l’esprit Canal + en général)

« C’est si bon, n’est-ce pas, de ne plus rien entendre et de se taire. » (un moine)

« Fuyez l’homme qui ne peut pas parler sans discuter. » (conseil monastique)

« Fuis la compagnie où tu n’auras rien à apprendre de bon. » (proverbe)

« Entendre premier, parler dernier. » (proverbe)

« Langue sensée est toujours modérée. » (proverbe)

« Longue langue, courtes mains. » (proverbe)

« Dieu nous a donné deux oreilles et une bouche pour nous conseiller de ne dire que la moitié de ce que nous entendons. Pour moins parler qu’écouter. » (proverbe)

« Qui parle sème, qui écoute récolte. » (proverbe)

« Une bougie ne perd rien de sa lumière en la communiquant à une autre bougie. » (proverbe)

« Il ne faut pas compter les paroles, il faut les peser. » (proverbe)

« Qui garde sa bouche garde son âme. » (proverbe)

« Il ne faut pas parles latin devant les clercs. » (proverbe) – Parler d’un sujet devant des gens qui le connaissent mieux que nous.  

« Quand le mot que tu vas prononcer est moins important que le silence que tu va quitter, alors tais-toi. » (proverbe)

« Quand on se parle à demi-mots, on ne se comprend qu’à moitié. » (dicton)

« L’art de la conversation s’est formé dans les ‘salons’ des XVII° et XVIII° siècles, clarté, mesure, élégance, culture, respect de l’autre, traits d’esprit… salons toujours tenus par des femmes. » (?)

« Une discussion n’est vraiment possible qu’entre gens qui sont du même avis. » (?) 

« Les grands esprits discutent des idées, les esprits moyens discutent des événements, les petits esprits discutent des gens. » (?)

  « Pour qu’il y ait échange, encore faut-il avoir quelque chose à échanger. » (?) – le terme d’échange implique une notion de troc condamnant la parole personnelle et vraie.

« Mieux vaut rester silencieux et passer pour un imbécile que parler et n’en laisser aucun doute. » (?)

« Ne tenez pas de longs discours avec les personnes qui sont au-dessus de vous. » (?)

« Je ne puis m’empêcher de craindre, chaque fois que j’ouvre la bouche, de m’engager dans une opération infinie. » (?)

« L’obligation qui peut nous être faite, pire, le devoir de ’tout dire’, conduit au totalitarisme. » (?) – C’est bien le but recherché par les voyeurs exigeant  la prétendue transparence (pour les autres bien sûr).

« La conversation comporte un risque majeur, celui de démasquer très vite l’imbécillité. » (?)

« Toute parole que tu libère, enchaîne. » (?)

« Penser toujours ce qu’on dit n’implique pas que l’on dise tout ce qu’on pense. » (?)

« L’un parle comme il pense, mais plus souvent. L’autre ne dit rien et n’en pense pas plus. » ( ?)

« Si ce que vous voulez dire n’est pas meilleur que le silence, taisez-vous. » (?)

« Mieux que savoir parler, savoir se faire écouter. » (?)

« La crétinisation postmoderne par la communication remplace avantageusement la caporalisation perpétrée par les conservatismes d’autrefois. » (?)

Quelques aperçus d’un ouvrage de Marshall Rosenberg, Les mots sont des fenêtres, ou bien ce sont des murs (sur la C. N. V., communication non violente). A vrai dire j’ai été réticent à mentionner ce livre tant il émane d’américanisme déplaisant, avec ce que le terme comporte de guimauve bien-pensante, infantile, donneuse de leçons, moralisatrice et par l’évidente motivation de faire du fric  sous l’habit des bons sentiments. Au-delà de banalités, très américaines et fin du vingtième siècle,  quelques remarques utiles.

 « D’abord et avant tout : laisser s’exprimer. Trois composantes qui nous permettent de nous exprimer clairement et sincèrement : – Observer sans juger ni évaluer, que ressentons-nous en présence de ces faits (quels sont ceux que nous apprécions ou n’apprécions pas) – Que ressentons-nous en présence de ces faits (tristesse, joie, inquiétude, amusement ennui…) – Quels sont nos besoins à l’origine de ces sentiments. Trois niveaux d’écoute qui se superposent (pour essayer d’atteindre à la pratique de ce qu’on appelle l’empathie) : auditive, intellectuelle et en esprit; lequel requiert un état de vacuité de toutes les facultés, c’est l’être tout entier qui est à l’écoute, en évitant de donner son avis, des conseils, d’exposer notre propre opinion ou sentiment  …  La quatrième et dernière composante d’une communication réussie est l’expression de notre désir, d’une demande précise et concrète … un des modes de communication qui ‘coupent de la vie’ est le recours à des jugements moralisateurs envers l’autre, dont nous avons tendance à dire qu’il est dans le faux ou qu’il est mauvais lorsque ses actes ne correspondent pas à nos valeurs … Les reproches, insultes, dénigrements, étiquetages, comparaisons et diagnostics sont autant de jugements portés … Avoir son vocabulaire affectif permet de décrire nos émotions et d‘établir plus facilement un lien avec autrui ; les mots désignant des émotions particulières sont plus utiles pour exprimer les sentiments que les mots vagues ou trop généraux (‘je suis content, enthousiaste, soulagé’, mieux que ‘je me sens bien’) … Un  mode de communication aliénante consiste à nier ses responsabilités (se retrancher derrière :  l’autorité, les circonstances, une pulsion, l’acte d’autrui…) … un autre est d’exprimer ses demandes, ses désirs sous forme d’exigences, en faisant planer la menace de reproche ou de punition sur le destinataire … … Exprimer ses besoins sous forme de jugement sur un comportement, de critique, est contre-productif … Comme il est inutile sinon nocif de parler par allusions, de tourner autour du pot, être précis  … Bien séparer ce qui est observation et ce qui est évaluation, fonder des évaluations sur des observations correspondant à un moment et à un contexte donnés … Dire ce qu’on veut plutôt que ce qu’on ne veut pas, en utilisant un langage d’action clair, positif, demander des actes concrets … L’emploi d’un langage imprécis, vague et abstrait masque souvent un type de jeux oppressifs entre individus … L’autre ne porte en rien la responsabilité de nos émotions, de notre colère … Il peut en être le déclencheur, l’événement déclenchant par son comportement, il n’en est pas la cause … La colère indique que nous avons fait appel à notre intellect pour analyser et juger l’autre, pour l’estimer en tort, au lieu de nous focaliser sur nos besoins insatisfaits (en raison de l’attente, je me suis senti négligé, j’ai perdu mon temps…) … Réfléchir posément avant de parler, et souvent prendre une profonde respiration et ne rien dire du tout … Plus généralement, les actes des autres ne sont pas la cause de nos sentiments … Manifester sa reconnaissance : des actes concrets et du besoin satisfait chez nous et du plaisir obtenu … Recevoir un remerciement avec simplicité, sans suspecter une autre demande … Savoir simplement donner et recevoir ; ce qui n’est pas si simple dans notre culture mercantile, d’échanges, de gains ou de pertes. »

Ci-dessous, extraits de l’ouvrage de Marc Fumaroli, La République des Lettres, traitant de l’extraordinaire internationale des lettrés et savants qui ont littéralement créé l’Europe et son jaillissement civilisationnel, culturel et scientifique dès avant même la Renaissance, à partir de Florence, Venise, Amsterdam, puis des salons parisiens. Il nous a semblé plus adapté d’inclure ces remarques avec les rubriques traitant de Communication, Conversation (130,1) et de Connaissance, savoir (155,1) plutôt que de Culture pure .

 « République des Lettres, expression utilisée par les lettrés prenant conscience de l’aventure de l’esprit, de leur société contemplative (dès le XV° siècle : Erasme, ‘pape littéraire’ admonestant les Etats laïques, flagellant la Rome pontificale, polémiquant avec Luther…) … Unité des lettrés, critique à l’égard des Etats et des Eglises, pierre angulaire de l’unité européenne … Culte de l’amitié (‘ni la parenté, ni la consanguinité ne joignent les âmes par des liens d’amitié plus étroits que ne le fait la communauté des études’) … Pouvoir de l’esprit organisé et articulé qui assume toute l’autorité que le Moyen Âge avait réservé à ses universités … Pouvoir résumé plus tard dans la personne et l’œuvre de Voltaire …  Substitut politique de la chrétienté religieuse … Régénération passant par un retour aux auteurs et aux modèles de l’Antiquité gréco-latine et chrétienne antérieure à la ‘barbarisation’ de l’Europe, légitimant ces études … Coopération, transmission, sociabilité et apparition des Académies’ réunissant des groupes stables de lettrés, sociétés mondaines érudites du loisir noble, avant que d’être officialisées par la Cour de France … Chaînes de solidarités personnelles et privées entre doctes conjurant les rivalités nationales et les disputes théologiques … Salons mondains, cercles érudits, cercles scientifiques, lieux de l’éloge de la vie lettrée et comme signe de ralliement et de reconnaissance des lettrés entre eux … Elite internationale de ‘pairs’, liée par un réseau de correspondance (‘conversations par écrit’) et de publications, diplomatie parallèle adepte des solutions de prudence et de compromis (Edit de Nantes…) … Ethique humaniste, idéal encyclopédique des académies … Le loisir studieux du lettré peut être un lien social exemplaire, une discipline qui exige et encourage l’amitié, la bienveillance, cette politesse et cette douceur que les lettres obtiennent de la nature humaine mieux que n’ont su le faire les préceptes impérieux de la morale et de la religion révélée … Souci extrême de la conversation qui ‘apprend bien plus que la lecture de livres’ et constitue un véritable ‘être ensemble’, une coopération sociale et sociable, art de dialoguer, en particulier au cours d’une promenade, qui crée un ‘monde’ échappant à la confusion du monde, évitant l’ennui de la solitude ou l’accablement de la multitude  … Et par certains côtés soin de l’érémitisme et de la méditation solitaire … Par le recours à la langue  française qui est en train de s’imposer, la France d’Henri IV s’affranchit de l’imitation maniériste et savante de l’Antiquité destinée à un public confirmé et les Mersenne, Descartes, Pascal cessent de se réclamer de l’autorité antique … L’aristocratie, évidée par l’Etat monarchique de tous les pouvoirs ‘vulgaires’ il ne lui restait que l’insigne supériorité du goût et des manières. Cela ne suffisait pas pour faire d’elle le rempart d’une monarchie discréditée et qui avait été la première à condamner à l’impuissance sa noblesse d’épée … Les ‘Lettres familières’ du président de Brosses, ou le voyage en Italie comme exercice du loisir lettré , de hauts magistrats installés partant en Italie par luxe, non pour apprendre mais pour vérifier, approfondir, soumettre à l’expérience des sens (comme un dévot en pèlerinage). »

– Quel haut fonctionnaire trentenaire atteindrait aujourd’hui au niveau de culture atteint par ces gens en des temps où l’accès à cette culture était autrement plus difficile, exigeant et laborieux. Ce n’est pas à la gloire de notre temps !

« Communauté universelle des lettrés européens, lieu commun de leur solidarité et de leur coopération au service de l’esprit … ‘Ni la parenté, ni la consanguinité ne joignent les âmes par des liens d’amitié plus étroits que ne le fait la communauté des études’ (Erasme) … Ces lettrés, comme auparavant les clercs médiévaux, forment une aristocratie de l’esprit … Placés dans une position critique à l’égard des Etats et des Eglises … L’Europe peut alors se convaincre qu’elle abrite à côté de ses pouvoirs religieux (sacerdotium), politiques et militaires ( imperium), un pouvoir de l’esprit (studium), fortement organisé et articulé et qui assume toute l’autorité que le Moyen Âge avait réservé à ses universités … Cette république des lettres n’est enchaînée à aucun territoire, elle est chez elle partout … Elle n’a pas de ‘tête’, au sens de souverain absolu … Mais à partir de la mi XVII° siècle, l’Europe va apprendre à se rallier à une République des lettres largement française. »

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