010,1 – Adaptation

– S’adapter certes à l’esprit du temps et du lieu mais sans s’y confondre. Ou bien « Renoncer, abdiquer, se soumettre. » ( ?)

– Il existe une forme classique d’adaptation pour s’adapter au mieux à des circonstances contraires : le double jeu, mettant en œuvre la dialectique du Pont, qui relie, et de la Porte, qui enferme (Georg Simmel). « Il y a dans la ruse, la duplicité, l’ironie, la dérision et autres libertés interstitielles une véritable ‘stratégie d’adaptation’ … détourner l’attention des puissants afin de perdurer dans l’être … Le renchérissement sur les contraintes … L’acquiescement ‘qui n’en pense pas moins’ … Jusqu’au Carnaval. » (Michel Maffesoli)

Renoncer, abdiquer, se soumettre. » ( ?)

– Quant au « terme ‘Vivre ensemble’ il ne suscite plus que des rires entendus. » (Elisabeth Lévy)

– Mais «  Il faut bien vivre malgré son temps. » (Cyril Bennasar)

« Jusqu’à quand faudra-t-il s’adapter à quoi ? Au prix de quels renoncements supplémentaires ? » (Denis Tillinac)

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« A Rome, vis comme les Romains ; ailleurs vit comme on y vit. » (saint Ambroise de Milan – écrivant à saint Augustin) 

« La ‘mixophobie’ urbaine, réaction prévisible et répandue : partager l’espace avec des inconnus, côtoyer des individus indésirables, pêle-mêle chaotique … Tendance à créer des îlots de similitude au milieu d’une mer de différence, promesse de confort spirituel sans devoir faire l’effort de comprendre, de négocier, de trouver des compromis, de s’adapter, de faire l’effort qu’exige la vie dans la différence, attrait des communautés ‘d’identiques’, séparation territoriale … Mais, si elle repousse, la vie en ville fascine, les mêmes aspects repoussent et attirent, répulsif et aimant, vie urbaine ambivalente, la ville suscite la ‘mixophilie’ autant qu’elle sème et alimente la ‘mixophobie’. » (Zygmunt Bauman)

« Le surmenage permanent imposé par la contrainte de s’adapter. » (Baudouin de Bodinat)

« L’adaptation continuelle soutient la flexibilité nécessaire à l’environnement économique. » (Cabanas, Illiouz – Happycratie, l’idéologie du bonheur)

« Le premier effet d’une adaptation aux autres est qu’on devient ennuyeux. » (Elias Canetti)

« Source de la bêtise, la frayeur devant un danger périmé, à force de pourchasser le réactionnaire on ne voit pas le promoteur de l’adaptation qui, lui, nous ruine véritablement. » (Belinda Cannone) – La manipulation d’aveuglement est grossière. Elle marche avec les laquais.

« Cette fonction étrange, cet automatisme vigilant, rend possible l’existence humaine (notre corps décomposable en quelques heures, fait de matière molle, altérable, surmonte les difficultés et les dangers du milieu extérieur, dure plus longtemps que s’il était fait d’acier, au lieu de s’user, il change, il improvise) … Elle s’appelle adaptation … Mode d’être de tous nos processus organiques et mentaux … cependant dans l’organisation de la vie moderne aucun compte n’a été tenu de cette fonction si importante. On a supprimé presque complètement son usage. Il en est résulté une détérioration du corps, et surtout de la conscience. » (Alexis Carrel, médecin – sur l’excès de confort)

« Le ‘progrès’ détruisant sans arrêt ce qu’il établit, engendre un bouleversement accéléré impossible à maîtriser, car si la science avance en fusée, la connaissance de ses effets par la raison humaine suit à pied. Les sociétés de la vérité religieuse se voulaient immuables, la ruée des sciences vers une insaisissable connaissance engendre un changement qui laisse de moins en moins de temps de jouir de l’acquis et de s’adapter ; on en ressasse tant l’obligation que parce que l’on n’y arrive pas. » (Bernard Charbonneau) 

« Adaptation ; marque d’un esprit fluctuant qui ne poursuit rien de personnel. » (Emil Cioran)

« A l’entour de 1870, la France compte 1.665 ordres religieux dont 154 sont masculins, 1511 féminins. » (Jean-François Colosimo) – Cela ne vous dit rien sur la capacité féminine à se plier, à vivre ensemble, à rejeter l’affirmation d’un Moi  tout différent de celui de sa voisine… ? – « Je sais par expérience ce qu’il en est de beaucoup de femmes mises ensemble … On trouve plus d’accord et de quiétude lorsqu’elles sont peu nombreuses. » (sainte Thérèse d’Avila – sur la taille de ses couvents) – Mais on peut étendre hors des couvents.

« Un organisme parfaitement adapté s’éliminerait à la moindre variation du milieu. » (Boris Cyrulnik)

« S’adapter ! Coller aux circonstances ! Epouser son temps ! S’adapter, sous l’Occupation, c’était collaborer. » (un interlocuteur de Régis Debray)

« La moitié des gens me détestent, et c’est très bien comme ça. » (Gérard Depardieu)

« Aller à la rencontre de qui, si on est tous les mêmes ? Si on est tous les mêmes, il n’y a plus d’autre … Il devient de plus en plus compromettant d’être soi-même, de ne pas être comme tout le monde.  » (Gérard Depardieu)

« Faire des efforts sincères pour se sentir bien, pour s’adapter aux changements exigés par la société, pour suivre les modes philosophiques, économiques, hygiéniques et morales du moment, bref pour prendre le train de la  modernité, ‘en marche’ et rester, toujours, dans la ligne du Parti unique européen où il faut être libéral et ‘en même temps’ solidaire, partisan de la croissance et ‘en même temps’ écologiste, où il faut déréguler l’économie et ‘en même temps’ réguler les comportements … ‘Une économie ouverte et une vie réglementée’ (?). » (Benoît Duteurtre)

« On a voulu croire que, pour obtenir la paix, il fallait lisser les aspérités, écraser les nuances et éviter les disputes, or c’est exactement le contraire : une société qui redoute les désaccords ou les affrontements … est une société en danger, qui se censure elle-même … Le vivre-ensemble n’est qu’une modalité coercitive de la volonté générale : quiconque refuse d’y obéir ‘y sera contraint par tout le corps social, on le forcera d’être libre.’ » (Raphaël Enthoven – citant J. J. Rousseau)

« Quand on ne peut pas entraîner la société derrière soi, on se met à sa remorque comme les chevaux du roulier lorsqu’il s’agit de descendre une côte ; alors la machine en mouvement vous emporte, c’est un moyen d’avancer. On est servi par les passions du jour et la sympathie des envieux. C’est là le secret des grands succès et des petits aussi. » (Flaubert)

« L’adaptation est déjà une soumission aux automatismes, une mort symbolique qui entrave le sujet dans le plein exercice de ses pouvoirs … le droit au fantasme. » (Roland Gori)

« La personnalité ‘as if’, ‘comme si’ c’est le sujet débarrassé de toute subjectivité, de toute histoire, parfaitement syntone aux milieux dont il épouse la forme, les couleurs, les valeurs et les attentes … Très malléables, extrêmement doués pour tous les apprentissages … Sans la moindre trace de ‘la plus petite empreinte personnelle’ … Adaptation sans expérience d’affects … Extrême porosité aux signaux du monde extérieur et adaptation totale à ce milieu. » (Roland Gori) – Fantôme très répandu aujourd’hui. Produit des média.

« Il importe de remarquer que le coaching participe à une civilisation des mœurs doublée d’une médicalisation de l’existence … corrélatif d’une nouvelle pratique de normalisation sanitaire et sociale … normalisation des styles de vie … L’intériorisation des normes produisant des autocontraintes en série qui déterminent l’individu soit comme segment de population sous contrôle soit comme un exemplaire de l’espèce humaine néolibérale, autonome et éclairée … Le coaching permet un refoulement des manifestations subjectives considérées comme socialement indésirables, tout ce qui est improductif, économiquement inexploitable est chargé d’un coefficient de gêne, d’angoisse, de culpabilité, d’inadaptation (que le sujet, même seul, évitera de lui-même), sorte de cahier des charges des droits et obligations morales. » (Roland Gori et Pierre Le Coz)  – Sur  cet outil d’adaptation, on pourra voir le compte rendu de l’ouvrage  de Roland Gori et Pierre Le Coz, L’empire des coachs, à la rubrique Personnes signifiantes, 560 1 

« La diversité permet aussi à la nouvelle bourgeoisie d’invisibiliser sa position sociale en mettant en scène sa supériorité morale … L’ouverture de façade permet à la bourgeoisie cool de masquer ses pratiques mais aussi sa représentation raciale de la société … La promotion de la diversité et de la mixité par ceux qui ne la pratiquent jamais est une arnaque … Ce concept religieux (catholique) de ‘vivre-ensemble’ de la bourgeoisie dite progressiste est bien, comme l’écologisme, un enfumage destiné à dissimuler la violence des rapports de classe et son refus réel dudit ‘vivre-ensemble’ … Le progressisme de pacotille des élites n’est qu’un vernis idéologique visant à masquer une position de classe. L’antiracisme, l’écologisme ou le féminisme ne sont en réalité que des codes culturels, l’essentiel est ailleurs : préserver son patrimoine, faire de l’argent, garder le pouvoir.» (Christophe Guilluy)

Une adaptation dont on ne parlera jamais, mais qui ne peut que s’accroître. « Une adaptation qui conduit parfois certains jeunes à s’assimiler à la culture majoritaire, par exemple en se convertissant à l’Islam. Ces conversions offrent la possibilité de sortir de la marginalité d’une ‘communauté qui n’en est pas une’ (celle des ‘petits blancs’) pour intégrer la culture structurée du groupe majoritaire et dominant. » (Christophe Guilluy – sur de plus en plus de territoires en France) – Et de là à partir au Djihad (un millier de titulaires de passeports français).

« Tout advient par discorde et par nécessité » (Héraclite)  – Le consensus ne mène jamais qu’à la stagnation, c’est-à-dire à la soumission à la dominance telle qu’actuelle.

« Les individus ont été requis de se présenter comme des sujets capables de s’adapter et d’accepter les changements de vie pour assurer leur succès professionnel et social. » (Axel Honneth)

« Le sujet doit consacrer toutes ses énergies à être ‘dans le mouvement des choses’ … Auparavant, la réalité était confrontée, opposée à un idéal … Elle était censée être façonnée conformément à cet idéal … Aujourd’hui, la pensée progressiste facilite, à son insu, l’élévation de la réalité à la dignité d’idéal … L’adaptation devient la mesure de tout type concevable de conduite. » (Max Horkheimer) 

« Plutôt que d’adaptation, ne vaut-il pas mieux parler de soumission. » (Roland Jaccard)

« ‘Les premiers jours à l’école, comme les premiers jours à l’armée, se passent en efforts frénétiques pour découvrir ce que l’on est censé faire’ … L’homme se trouve de la même manière dans un labyrinthe quand il entre dans une profession, est recruté dans une firme, est reçu dans un corps, prend une situation, est admis dans un club ou dans un cercle … Chaque homme commence à agir à l’intérieur d’un milieu bien établi, où il se trouve face à des prédécesseurs et où il rencontre un ensemble de manières et de relations arrêtées … On s’attend à ce que l’individu entrant dans un nouveau cercle résolve de lui-même le problème de son adaptation, opération de longue haleine, qu’il manque souvent de parfaire avec succès … Le pouvoir capital sur sa vie, ce sont  les ‘Autres’ … Le monde des ‘Autres’ est déconcertant pour le nouveau par son caractère de totale non-familiarité … Il ne dispose pas de précédents pour tirer des conclusions de comportement, de clef adaptée pour déchiffrer les messages … L’Ego rétracté occupera le moins de place possible afin de réduire sa surface de contact – L’Ego conformiste s’emboîtera sans difficultés – L’Ego opportuniste tirera avantage de toute fissure et se répandra par infiltration et contorsion – L’Ego solide campera sur sa forme rigide, quitte à se heurter – L’Ego impérieux entreprendra de modifier le milieu … Tout milieu social a son système de prix à payer … dans la monnaie qui a cours dans ce milieu … Les hommes acceptent de très bon cœur les supériorités de situation acquises en payant un prix qu’ils ne peuvent pas payer, dans le cadre d’un système de prix qui a leur aveu. Mais, au contraire, le ressentiment causé par une situation supérieure est tout naturel chez un sujet qui conteste la validité du système de classement régnant, si, notamment, le milieu méprise le genre de talent qu’il possède. » (Bertrand de Jouvenel – citant C. S. Lewis) – Déclassement classique, douloureux et risqué, par changement brutal de milieu, qu’il soit supérieur ou inférieur…

« Les corps ronds sont enclins à dévaler la pente (donc à suivre le mouvement tel que l’impose la situation), alors que les corps cubiques restent bloqués. » (François Jullien – sur la pensée chinoise et l’adaptabilité, la souplesse requise pour s’adapter à n’importe quelle situation et à son évolution)

« Dans le long terme, nous sommes tous morts. » (John Maynard Keynes – justifiant ses conceptions économiques) – Ou l’acceptation du n’importe quoi. Nous avons bien suivi son inconscience.

« Le dragon (chinois) est le symbole de ce qui est fluide, pénétrant et omniprésent, de l’éternel renouvellement, de la perpétuelle transformation… » (Hermann von Keyserling) – Voir Le Traité de l’efficacité de François Jullien à la rubrique Action, 005, 1

« Croyant toujours marcher dans la direction d’une émancipation, la modernité pourrait avoir tendu la corde à l’excès et conduite … à outrepasser les limites de l’adaptabilité individuelle. » (Hugues Lagrange) 

« Le vivre-ensemble, c’est chacun fait ce qui lui plaît. A condition de ne jamais déplaire. » (Elisabeth Lévy)

« L’eau épouse instantanément la forme d n’importe quel récipient sans jamais abdiquer un seul atome de sa nature intime, et finalement a raison de tout. » (Simon Leys – sur l’adaptabilité chinoise – symbolisée par les mouvements sinueux et ondulants du dragon)

« Adapte-toi au monde, car ta tête est trop petite pour que le monde s’y adapte. » (Georg Christoph Lichtenberg)

« Plus l’adaptation est spécifique – autrement dit plus le chemin qui a mené, au travers d’une succession de processus de mutation et de sélection, à l’état actuel de l’espèce en question est tortueux – moins il y a de chances pour que l’adaptation soit réversible … Plus une adaptation spécifique a été poussée, moins elle est apte à supporter une modification de son objet. » (Konrad Lorenz) 

« On se demande comment être ‘adapté’. Il faudrait d’abord savoir comment ‘être’. » (cardinal Henri de Lubac)

« Qui veut trop s’adapter risque de se mettre à la remorque. » (cardinal Henri de Lubac)

« L’adaptation trop recherchée ne peut aboutir qu’à l’actualité de la mode. Elle est toujours superficielle, et, au surplus, elle vient toujours en retard. Ce n’est point qu’il n’y ait pas à s’adapter … Mais l’adaptation essentielle est spontanée, incontrôlable et préalable. Quant à l’adaptation immédiate, elle ne demande que l’effort du dernier instant. » (cardinal Henri de Lubac)

« Il ne s’agit pas d’abord d’un ‘comment présenter’, mais d’un ‘comment voir’ et d’un ‘comment penser’. Faute de quoi la présentation ne peut être qu’artificielle ou mensongère. » (cardinal Henri de Lubac – sur l’évangélisation)

«Je n’aime pas beaucoup l’air du temps, je ne sais pas bien ce que c’est que la force des choses … Dégageons nos esprits de ce fatalisme mystique. » (Charles Maurras)

« Ne te hâte point vers l’adaptation ; garde toujours en réserve de l’inadaptation. » (Henri Michaux – cité par Roland Jaccard)

 « Le passage de la cueillette à la chasse peut être comparé au passage de la production artisanale à la production manufacturière … la chasse est une occupation collective, tandis que la cueillette demeure largement individuelle … Les liens entre hommes ont tendance à se resserrer et à s’institutionnaliser, les liens entre femmes restent lâches et épisodiques. » (Serge Moscovici) – Explication fort lointaine des prééminences.

« L’homme n’a d’autre recours, s’il veut survivre, que de se réconcilier avec sa nature animale, d’en respecter les exigences génétiques permanentes et de modifier en ce sens les choix qu’il fait dans la société. » (Serge Moscovici) – Ce n’est guère le chemin qu’on prend.

« Ce nouvel individu flexible, ce merveilleux homme-caoutchouc, ce personnage élastique, malléable et pliable. » (Philippe Muray)

« Dynamique constitutive de l’être, tension constructive … Au fil des passions singulières, l’âme passe à des degrés supérieurs de perfection. ‘Chaque chose, autant qu’il est en elle, s’efforce de persévérer dans son être’. » (Antonio Negri – interprétant et citant Spinoza  et  l’Ethique)

« Je vais bientôt avoir l’air moins con de ne pas avoir éprouvé l’urgent besoin de lire Marx, Freud, de ne pas avoir été stalinien, maoïste, Giscardien … vive la plèbe ! » (Georges Perros) – Suivant les époques … de ne pas lire Bourdieu, Badiou, Bernard Henri-Lévy, Alain Minc … ne pas avoir été socialiste, humanitaire, mondialiste, Bobo…

« S’adapter, c’est-à-dire : renoncer, abdiquer, se soumettre. » (Ignacio Ramonet – sur l’attitude  en fin de XX° siècle (mais c’est encore pire au XXI°) des dirigeants et des intellectuels sociaux démocrates (ceux dont les pères voulaient transformer le monde !)

« C’est un grand problème que de savoir si l’homme pourra indéfiniment s’adapter à ce qu’il s’ajoute. » (Jean Rostand)

« Dans la Russie stalinienne, la biologie fantaisiste et anti scientifique de Mitchourine  de Lyssenko croyant en la toute puissance de l’adaptation et du milieu. » (Raymond Ruyer) – On connaît les résultats. En biologie aussi il y a des lois.

« La capacité d‘adaptation par la perte de l’expérience continue du temps … Le temps vécu en une poussière d’instants … L’aptitude à vivre dans un monde fictif, où rien n’assure la primauté de la vérité par rapport au mensonge … Celui qui vit dans un tel temps discontinu est délivré de toute responsabilité vis-à-vis de la vérité, mais aussi de tout intérêt à la faire valoir. Si le sens de la vérité se perd, tout est permis et c’est bien ce que l’on constate … ‘Agis comme s’il ne devait jamais exister de futur.’ (Raoul Vaneigem). » (Jaime Semprun – Sur « Le trait principal du gauchisme, véritable avant-garde de l’adaptation,  préfigurant ce qui allait devenir la mentalité dominante des nouvelles générations, reconnu comme caractéristique de la mentalité totalitaire. »

« Véritable avant-garde de l’adaptation, le gauchisme (et surtout là où il était le moins lié au mensonge politique) a prôné à peu près toutes les simulations qui font maintenant la monnaie courante des comportements aliénés. Au nom de la lutte contre la routine et l’ennui, il dénigrait tout effort soutenu, toute appropriation nécessairement patiente de capacités réelles : l’excellence subjective devait, comme la révolution, être instantanée. Au nom de la critique d’un passé mort et de son poids sur le présent, il s’en prenait à toute tradition et même à toute transmission d’un passé historique. Au nom de la révolte contre les conventions, il installait la brutalité et le mépris dans les rapports humains. Au nom de la liberté des conduites, il se débarrassait de la responsabilité, de la conséquence, de la suite dans les idées. Au nom du refus de l’autorité, il rejetait toute connaissance exacte et même toute vérité objective … Bref, il travaillait à liquider toutes ces composantes du caractère qui, en structurant le monde propre de chacun, l’aidaient à se défendre des propagandes et des hallucinations marchandes. » (Jaime Semprun)

 « L’accélération de la productivité industrielle a été si vertigineuse que le rythme du renouvellement des choses et de la transformation du monde matériel n’a plus rien à voir avec celui de la vie humaine, avec son écoulement trop paresseux. » (Jaime Semprun)

« Imposant au nom de cette guerre (la guerre économique globale) l’adaptation, c’est-à-dire le renoncement à la normativité et à l’individuation … Le règne de l’adaptation, c’est-à-dire du ‘faux soi’, du devenir flexible et, selon le mot de Zygmunt Bauman, de la ‘société liquide’ : la liquidation de toutes les relations de dépendance qui étaient établies par les organisations de la fidélité est devenue le mot d’ordre du libéralisme. » (Bernard Stiegler)

« Le modèle de l’adaptation en général est profondément entropique et démotivant : c’est celui du renoncement à toute vision d’avenir et, en conséquence, au nivellement de toutes différences … L’adaptation est ce qui conduit à cette absence de conscience que constitue le renoncement à toute capacité de décider qu’il est possible de penser autrement … C’est la généralisation de la disponibilité des cerveaux … C’est ce qui nie toute possibilité d’agir et de vouloir un avenir, c’est ce qui fait de l’injustice et du hasard la loi de toutes choses, et c’est ce qui est vécu comme une décadence insupportable qui pousse les personnalités les plus fragiles dans les extrémités mortifères et suicidaires. » (Bernard Stiegler)

« On se prononce vertueusement pour une ‘mondialisation ordonnée et solidaire’ … on y rêve de ‘réguler les dérégulations en cours’, de ‘réglementer les déréglementations’ … mais que peut signifier l’appel à s’adapter à l’imprévisible, à l’incertain, au chaos ? L’irrationnelle rationalité techno-scientifico-informationnelle et l’irréligieuse religiosité de la Flexibilité, de la Mobilité et du Changement indéfinis additionnent leurs effets nihillisants. » (Pierre-André Taguieff)

« Le ‘bougisme’, le dernier avatar historique de la ‘religion du Progrès’ dans la société communicationnaire … La pensée-slogan … Culte du mouvement pour le mouvement, du changement (sans contenu, forme vide susceptible d’être remplie par n’importe quel contenu idéologique) pour le changement … Changer est bon en soi … le changement incarne une valeur intrinsèque … ‘Adaptez-vous !’ ou le degré zéro de la pensée normative … La réforme perpétuelle comme suite indéfinie d’adaptations et de réadaptations dues à de fatales inadaptations … Les néoprogressistes n’osant plus employer le mot ‘progrès’ recourent à des mots idéologiquement plus neutres : changement, développement, croissance, transformation, innovation, avancée ou réforme, disruption (un nouveau)  qu’ils opposent à : immobilisme, stagnation, résignation, etc.,   et à condition, certes de ‘penser ensemble’ de ‘vivre ensemble’, de ‘réussir ensemble’ … Il s’agit toujours d’aller vers le mieux … Invention du concept creux de ‘start-up nation’. » (Pierre-André Taguieff)

« Refuser les lieux communs du temps, ne pas se plier aux génuflexions d’usage. » (François Taillandier) – C’est encourir la fureur de la horde médiatique chargée de promouvoir l’imbécillité.

« Il imaginait ou prévoyait une situation qui pourrait advenir, où il serait trop tard pour expliquer quoi que ce soit, où celui qui tenterait encore de prendre le temps de l’intelligence passerait pour retardataire, irresponsable, aveugle à l’urgence : celui qui lève la main et réclame ‘un instant, je vous prie, un instant…’ dans la foule qui déjà s’est mise à courir. » (François Taillandier)

« On (ses dirigeants et ses élites) ne lui adresse (à la France) pas d’autre message que la consigne de s’adapter. » (Paul Thibaud) – A la dégringolade. Enthousiasmant.

« Les hommes vraiment méchants sont aussi rares que les hommes vraiment bons. Mais il y a beaucoup d’impuissants qui miment, suivant le souffle extérieur qui les agite, tantôt le bien et tantôt le mal. C’est le même besoin universel de plaire, inhérent à toute impuissance, la même incapacité de s’affirmer, de s’opposer, de dominer les influences, la même absence d’opinion et de passions personnelles, en bref le même phénomène ‘d’adaptation au milieu’ qui dicte ses flatteries en notre présence et ses médisances dans une assemblée qu’elles réjouissent ( Il ) est également sincère dans les deux cas, si l’on entend par sincérité cette absence de préméditation et de fraude, cette spontanéité adaptative des miroirs et des girouettes, et il est également hypocrite, si l’on entend par hypocrisie le manque de tout sentiment certain, profond et durable. Le caméléon est gris tant qu’il marche sur le sable ; s’il passe sous un arbre, il se colore en vert. Il n’est ni plus sincère ni plus hypocrite dans un endroit que dans l’autre : il n’est partout qu’un caméléon.» (Gustave Thibon)

« La moralité moderne veut que l’on adopte les normes de son époque. Qu’un homme cultivé puisse accepter les normes de son époque me semble la pire des immoralités. » (Oscar Wilde) – C’est pourtant le cas de tous les nouveaux bien-pensants, les gogos, fidèles lecteurs du même journal lui-même bien-pensant, fidèles auditeurs du Journal télévisé. A leur décharge on ne peut les qualifier de cultivés.

« Les hommes se font à tout, y compris au pire. » (?)

« L’adaptation ou la mort. » (?) – Tel est le discours dominant de la modernité arrogante et triomphante à l’intention des petites communautés, des villages, des paysans, des mineurs, des sidérurgistes, des nations…

Ci-dessous, extraits simplifiés et remaniés du livre d’Harold Bernat ; Vieux réac ! Faut-il s’adapter à tout ?

« Une fois acceptée l’hypothèse que l’homme doit toujours s’adapter à ses conditions d’existence, il est encore raisonnable de croire que ce n’est pas le même homme qui peut vivre à la fois la Révolution française, prendre la Bastille et celui des forfaits ‘free’ à 19,99 euros tout compris … L’adaptation, vertu cardinale … ‘Surtout, ne jugez pas, avancez’ … Entasser de la matière, bouger, consommer, éliminer … Se libérer des ‘anciens carcans’ (ils sont forcément anciens) … S’il vous prend l’envie de juger, de critiquer, de contester ‘ce qui est parti pour durer’, votre discours est réactionnaire … Toute pensée qui ne répètera pas ce qui se dit partout à propos de ce qui se fait déjà globalement dans le monde sera disqualifiée en tant que pensée réactionnaire … La question n’est plus de savoir si une chose est intrinsèquement condamnable au regard de principes moraux supérieurs … mais de mesurer sa conformité à ‘ce qui se fait’, à ‘ce qui ne se fait pas’, à ‘ce qui se dit’, à ‘ce qui ne se dit pas’ … Adaptation et exigence morale ne font pas bon ménage … La réaction, autrement dit la critique des impératifs de l’adaptation qui soumettent l’homme à la force des choses et à la logique du fait accompli … Réaction à l’insignifiance (avènement de discours et de pratiques qui ne signifient plus rien, qui ne renvoient plus à rien), retour de la réalité … Dans l’ancienne logique (en cours de liquidation), pour ne pas être n’importe qui, il s’agissait de ne pas faire n’importe quoi, de prouver, dans un faire conséquent … la valeur de son être, sa réalité propre … les nouvelles logiques, économiques, publicitaires, festives, ne pouvaient se contenter trop longtemps de cette preuve par le faire, inadaptée  au marché. Elles se sont mises à promouvoir un autre type de preuve de l’être : ‘je suis parce que je peux aussi faire n’importe quoi’ … surcroît d’adaptabilité … C’est à la destruction permanente qu’on donne le nom de changement … Renouvellement perpétuel au moyen d’une destruction perpétuelle … Dans une telle logique, l’adaptation, cette vertu fonctionnelle de la planification de l’obsolescence, n’est pas seulement souhaitable, mais absolument nécessaire … Le psychologisme est l’idéologie par excellence de l’adaptation. L’inaptitude à suivre la marche des choses et l’avancée progressiste, la résistance à la flexibilité … sont à mettre sur le compte d’une rigidité psychologique ou d’une angoisse … ‘d’autres, plus solides, plus outillés psychologiquement ont fait mieux que vous’ »

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