– Les études sur la modernité, ce que Gilles Lipovetsky appelle les temps hypermodernes, mettent en exergue le Présentisme actuel (la préoccupation de la jouissance du présent avec piètre considération du passé et de l’avenir ; consommation et plaisir d’abord). L’analyse est exacte, encore faut-il la pondérer (toujours suivant le même auteur) par des préoccupations émergentes récentes portant sur le moyen, sinon le long terme en aval : amour et sa durabilité, santé, soucis écologiques… ainsi que sur le passé, en amont : patrimoine, histoire, coutumes et terroirs, retour à…
– « Chargé du passé, gros de l’avenir. » (Leibniz)
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« Le présentisme est devenu à lui seul l’horizon du contemporain ‘sans futur et sans passé, il génère, au jour le jour, le passé et le futur dont il a, jour après jour, besoin et valorise l’immédiat’. Il n’y a plus que du présent … Présent perpétuel qui absorbe les autres dimensions et qui se caractérise à la fois par l’hypertrophie de l’instant et par sa vacuité. » (Myriam Revault d’Allonnes – citant François Hartog)
« Qu’il s’agisse d’une victoire militaire ou de l’écroulement d’un empire, on découvre toujours des raisons lointaines et valables qui, après coup, confèrent une apparent nécessité à l’issue effective. » (Raymond Aron) – « Le présent semble se déduire du passé, si bien que la tentation est grande d’oublier que ce passé à un jour été présent , c’est-à-dire fragile, aléatoire, riche de possibles, incertain de l’avenir. » (Alain Finkielkraut)
« Ce n’est ni le futur, ni le passé qui te sont à charge, mais toujours le présent. » (Marc-Aurèle)
« Le présent n’existe pas. Vouloir l’éterniser c’est éterniser le néant. » (René Barjavel)
« Le présent est entre deux voleurs : le passé et l’avenir. » (Anne Barratin)
« Le présent n’est pas un passé en puissance, il est le moment du choix et de l’action. » (Simone de Beauvoir)
« Nos sociétés vivent dans un temps transitif où tout est attente, et le présent, pas grand-chose. » (Miguel Benasayag – La fragilité)
« Nous dégradons en permanence le présent qui n’est plus que passage. » (Miguel Benasayag)
« Le présent finit par ne plus exister du tout … Suite sérielle de ‘maintenant’, il est ce moment négligeable qui, à force de se succéder, occupe toute notre vie » (Miguel Benasayag)
« Présent : Partie de l’éternité qui divise le domaine de la déception du royaume de l’espoir. » (Ambrose Bierce – Le dictionnaire du diable)
« Faire du temps présent la mesure de toute chose, contraindre la mémoire du passé par les normes morales du présent. » (Gérald Bronner – ou le délire des justiciers contemporains)
« Les enfants n’ont ni passé ni avenir, et ce qui ne nous arrive guère, ils jouissent du présent. » (La Bruyère)
« Prendre conscience de son présent c’est ne plus rien attendre. » (Albert Camus)
« ‘Carpe diem, cueillez le jour’. Conseil du plaisir à vingt ans, de la raison à mon âge. » (Chateaubriand)
« L’instant n’est pas synonyme du présent : le présent n’est qu’un chaînon ordinaire dans l’ordre chronologique ; l’instant, lui, constitue un moment saillant dans le déroulement de notre existence, une haute vague au-dessus des remous du temps. De manière fulgurante, au sein de notre conscience, l’instant cristallise nos vécus du passé et nos rêves du futur en une île surgie de la mer anonyme, une île soudain éclairée par un intense faisceau de lumière … Instance de l’être où notre incessante quête rencontre soudainement un écho, où tout semble se donner d’un coup, une fois pour toutes … ’Instant d’éternité’. » (François Cheng)
« Il n’y a pas un autre monde … incapable de vivre dans l’instant, seulement dans l’avenir et le passé, dans l’anxiété et le regret ! … Un homme sans présent. » (Emil Cioran)
« On ne peut annuler le temps qu’en vivant l’instant intégralement, en s’abandonnant à ses charmes. On réalise ainsi ‘l’éternel présent : le sentiment de la présence éternelle des choses … L’éternel présent est ‘existence’, car dans cette expérience radicale seulement, l’existence acquiert évidence et positivité … Production d’être, dépassement du rien. » (Emil Cioran)
« Entre un passé inavouable et un avenir forcément sombre, il reste à jouir du présent ; comme les Stoïciens de jadis. Ce qui explique l’impatience contemporaine. Ce qui ne s’obtient pas au moment présent n’a plus de sens. » (Chantal Delsol)
« L’illusion du ‘Désormais’, ce que j’appelle la ‘Pensée-Désormais’, ce narcissisme historique propre à notre époque qui se croit tellement nouvelle, tellement exceptionnelle … la religion du contemporain … … tellement incommensurable aux précédentes que ‘désormais’ rien ne serait plus comme avant… » (Jean-Philippe Domecq)
« L’imbécillité contemporaine détourne du temps présent les esprits délicats. » (Louis Dumur)
« L’attention au présent est le premier pas qui permet une ascension plus haute … Avant tout, il faut s’arrêter pour sentir le plus possible … En s’arrêtant, il contemple son chemin … Mais nous autres avons les yeux derrière la tête ; ce que nous voyons n’est pas ce qui va avoir lieu, mais ce qui a déjà eu lieu, la trace et non la piste, le chemin déjà parcouru. S’arrêter dans la contemplation, être attentif à ce qui est en train d’advenir, c’est se donner le moyen d’avoir … la vie devant soi. » (Nathanaël Dupré La Tour)
« La fidélité simple au moment présent est le trésor du cœur … On a tout ce qu’on veut, car on ne veut que ce qu’on a. Le moment présent est une espèce d’éternité… » (Fénelon)
« Pour établir quelque chose de durable, il faut une base fixe; l’avenir nous tourmente et le passé nous retient. Voilà pourquoi le présent nous échappe. » (Gustave Flaubert)
« Epoque (la nôtre). – Tonner contre elle. L’appeler époque de transition, de décadence. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)
« La remarquable amnésie qui accompagne cette noria des présents : ils sont conçus pour se supplanter l’un l’autre, pas pour se cumuler. D’où la non moins remarquable indifférence à l’intelligibilité de ce flux événementiel … c’est l’actualité sans l’histoire. » (Marcel Gauchet)
« Le moralisme ambiant qui isole notre monde dans la conviction de sa supériorité, autre visage de la prison du présent. » (Marcel Gauchet)
« Alors l’esprit ne regarde ni en avant ni en arrière. Le présent seul est notre bonheur. » (Goethe – Faust)
« Le présent est d’autant plus décevant qu’il ressemble davantage à ce que nous en avions imaginé. Tout y est alors comme on se l’était représenté, et rien n’y est pourtant comme on l’avait attendu … il suffit à l’avenir de devenir présent pour se désenchanter. » (Nicolas Grimaldi)
« Tout présent voit se chevaucher deux courants contraires : il est le croisement de deux extases ; une qui va du moment où je suis vers le passé et l’autre de ce moment vers ce qui n’est pas encore. Nous ne vivons jamais le présent en tant que tel. Nous vivons toujours dans ce qui n’est pas encore, dans ce qui va être. La substance du présent, c’est l’attente. » (Jean Guitton)
« La concentration sur le présent implique une double libération : du poids du passé et de la crainte de l’avenir … Passé et avenir sont presque toujours source de souffrance (l’un nous échappe, nous chagrine et nous donne l’impression d’une imperfection, l’autre nous inquiète parce qu’il est incertain et inconnu) … Nous ne pouvons plus rien changer au passé, nous ne pouvons pas non plus agir sur ce qui n’est pas encore … le présent est le seul moment où nous pouvons agir. » (Pierre Hadot)
« La tyrannie du présent … Nous exigeons du présent ce que nous ne sommes pas en mesure d’attendre de l’avenir … La ‘société de satisfaction immédiate’ impose une temporalité courte … Un présent fugace vécu comme source exclusive de satisfaction et d’intérêt. » (Daniel Innerarity)
« Les périodes électorales structurent le rythme de la démocratie représentative … On concourt pour obtenir l’approbation de ceux qui votent ici et maintenant, non de ceux … qui le feront dans le futur … Il n’existe aucun lobby pour articuler les intérêts des absents, les intérêts futurs … On cherche des solutions qui déchargent le présent et surchargent le futur (politique budgétaire, sociale, environnementale…). » (Daniel Innerarity)
« La coalition des vivants … Une complicité au sein du ‘nous’ s’établit au détriment d’un tiers : du ‘dehors’ dans le cas de l’impérialisme spatial, de ‘l’après’ dans le cas de l’impérialisme temporel, d’un ‘après’ qui assumera les coûts de notre préférence … Les révolutionnaires dénonçaient la continuité de la tradition, nous questionnons aujourd’hui notre manière de faire main basse sur le futur … est-il moralement acceptable de transmettre aux générations futures les déchets nucléaires, un environnement dégradé, une dette publique considérable ou un régime de retraites indéfendable ? » (Daniel Innerarity)
« Le futur projette son ombre dans le présent insouciant. » (Vladimir Jankélévitch)
« De même que chaque porte est à la fois entrée et sortie, on peut, selon la perspective qu’adopte l’observateur, concevoir le présent, et comme conséquence, et comme signe avant-coureur de l’événement en marche. » (Ernst Jünger)
« Nous traversons le présent les yeux bandés … Plus tard seulement, quand est dénoué le bandeau et que nous examinons le passé, nous nous rendons compte de ce que nous avons vécu et nous en comprenons le sens. » (Milan Kundera)
« Le présent a cessé d’être une brèche entre le passé et l’avenir. Il s’apparente désormais à une nasse décidée à s’affranchir symétriquement de ces deux bornes du temps. Il veut et prétend se suffire à lui-même … Mais il ne va de soi que par défaut. Il s’impose parce que le passé comme l’avenir se sont détachés de lui, le condamnant à l’autarcie temporelle. Celle-ci contraint l’homme à reconduire en permanence son présent … Submergé par la puissance de la contingence immédiate, il ne parvient plus à se penser sur le mode de l’intentionnalité … Et l’idée qu’il puisse avoir contracté une dette (au sens qu’en donne Heidegger) vis-à-vis de son passé lui est insupportable … L’obsolescence radicale du passé est la marque essentielle du temps mondial, d’une temporalité qui survalorise la raison instrumentale dans sa représentation du temps … La société de la satisfaction immédiate … L’individu submergé de possibilités est placé dans une logique de choix incessants à faire séance tenante … La perte de confiance dans notre capacité à faire œuvre nous conduisant à un sautillement permanent d’un instant à l’autre. » (Zaki Laïdi)
« Le centre de gravité temporelle de nos sociétés a basculé de l’avenir vers le présent … est né le sacre du présent. » (Gilles Lipovetsky)
« Ont pris pied des sociétés réagencées par la logique et la temporalité même de la mode, autrement dit le présent qui substitue les bonheurs privés à l’action collective, le mouvement à la tradition, l’extase du toujours nouveau aux espérances du futur … Satisfaction immédiate des besoins, stimulation de l’urgence des plaisirs … Consommer sans attendre, voyager, se divertir, ne renoncer à rien … Mais le climat du premier présentisme libérationniste et optimiste, empreint de légèreté, s’est effacé, au bénéfice d’une demande généralisée de protection. » (Gilles Lipovetsky)
« Défaillance du futur, comment vivre dans le présent, sans projet et sans fin dernière ?» (Yves Michaud)
« Le présent est haché, envahi, rempli par une masse d’informations … Cela veut dire concrètement que le présent est bouché, qu’il n’y a plus de place pour y faire entrer quoi que ce soit … Le sentiment corrélatif est d’être débordé, miné … poussé en avant … Le temps devient une suite d’urgences … Urgence généralisée qui tient avant tout aux moyens de communication et d’information à notre disposition … Ce temps saturé d’événements et d ‘informations tombe sous un présentisme qui ronge et fait disparaître les autres dimensions temporelles … Impossibilité de mettre les choses en perspective en les articulant et en les hiérarchisant … Ce qui se perd ainsi, c’est la réflexion, la réflexion comme arrêt de la pensée parce que l’expérience fait problème ou parce que l’on souhaite s’orienter en prenant le temps … L’urgence du présent débarrasse de la réflexion : il faut parer au plus pressé, traiter les urgences. » (Yves Michaud)
« Avant c’était mieux. Après ce sera mieux. Pauvre présent ! Toujours injurié, présent qui est nous, présent qui n’arrive jamais à se débarrasser du chewing-gum du passé et devant qui on agite en permanence le papier brillant d e l’avenir. » (Dominique Noguez)
« Le temps n’a qu’une idée : sauter l’étape du présent. » (Jean d’Ormesson)
« Toujours en train de fuir, à la limite, le présent est plus absent que le passé qui n’existe plus et que l’avenir qui n’existe pas encore. C’est que le passé a existé et que l’avenir existera. Le présent, lui, a du mal a jamais exister … marge, frange, écume, éclair dans une longue nuit : c’est une abstraction. Il n’a aucune réalité. » (Jean d’Ormesson)
« Aujourd’hui est une passerelle qu’il ne faut pas charger des regrets d’hier ni des soucis de demain sous peine de la voir s’écrouler et nous de perdre pied. Hier ne m’appartient plus, demain ne m’appartient pas. » (prière trouvée sur une religieuse, Odette P. – assassinée dans les années 90 en Algérie)
« Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir … Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l’avenir. » (Blaise Pascal)
« Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir ou nous rappelons le passé … Nous errons dans des temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient … Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé ou à l’avenir …Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. » (Blaise Pascal)
« Compression du présent : diminution générale de la durée pendant laquelle règne une sécurité des attentes concernant la stabilité des conditions de l’action. » (Hartmut Rosa) – Instabilité professionnelle et familiale et …
« A la détresse qui consiste à contester ce qui est au nom de ce qui était (et pourtant tu m’aimais, nous nous aimions naguère !), il convient d’ajouter l’espoir tout aussi dérisoire qui consiste à contester le ‘il est’ au nom de ce qui sera ou pourra être … Hallucination symétrique … Tout comme la projection dans le passé des attributs de l’existence aboutissait à faire douter du présent au bénéfice des certitudes du passé, leur projection dans le futur aboutit à ce paradoxe que le présent devient incertain et le futur assuré. » (Clément Rosset)
« Rien de plus difficile que de trouver en quoi consiste le présent de notre temps. Ce que tout le monde en dit, loin de l’éclairer, le recouvre et le cache. Les média répètent inlassablement ce que disaient ceux qui les tiennent aujourd’hui, quand ils avaient vingt ans. Ils retardent donc d’une génération, de deux parfois. Il faut chercher ce que vous êtes, et non ce qu’on dit que vous êtes. » (Michel Serres)
« La forte propension à la consommation comporte une concentration extrême sur le présent, sur le fait d’avoir et d’agir rapidement, sur l’acquisition pour consommer, avant que ne cesse la mode qui justifie cette consommation … Ainsi que la tension vers un horizon de transformation n’apparait plus dans les propositions politiques … ‘Les violentes passions politiques ont peu de prise sur des hommes qui ont ainsi attaché toute leur âme à la poursuite du bien-être. L’ardeur qu’ils mettent aux petites affaires les calme sur les grandes’. » (Raffaele Simone – citant Alexis de Tocqueville) – Tout, et tout tout de suite.
« Ce présent situé entre un ‘no past’ et un ‘no future’ et qui se laisserait décrocher du train comme un wagon, n’existe pas. Vouloir isoler cette séquence factice… » (Christiane Singer)
« C’est par la mémoire que le présent devient réellement présent . » (Gustave Thibon – se référant à Proust)
« Pour connaître son présent, la société industrielle se tourne de moins en moins vers son passé car la part du transmis ne cesse de diminuer. » (Alain Touraine) – Les individus aussi.
« L’état des choses tel qu’il ne s’est jamais présenté jusque-là. » (Paul Valéry)
« Pour un progressiste, le présent est le point zéro du temps, le point de départ pour l’avenir (glorieux, bien entendu). Pour un conservateur, le présent n’est que le point d’aboutissement (provisoire) du passé. » (Jean-Philippe Vincent)
« L’analyse de ce que nous appelons le ‘présent’ révèle qu’il ne s’agit pas d’un moment ponctuel, vidé de toute temporalité, mais d’une structure temporelle contradictoire, faite d’un peu de passé et d’un peu d’avenir. » (Karine Winkelvoss)
« Aujourd’hui est le premier jour du reste de votre vie. » (adage)
« Le présent est la seule chose qui n’ait pas de fin. » (adage)
« La vie, comme l’univers sont des machines à transformer le présent, cet instant fugitif, en passé. » (?)