– Notion ancienne heureusement supprimée avec l’exigence salutaire du : Tout, tout de suite. Même la sanctification doit être immédiate : Le cri de la foule, Santo subito à la mort de Jean-Paul II.
– Qui, d’ailleurs, dans notre post-modernité angoissée oserait évoquer le long terme ?
– Le temps droit occidental, le temps biblique, rectiligne, fléché, irréversible, progressif, orienté vers l’accomplissement d’une promesse … « Dans la théologie chrétienne puis dans la philosophie issue de cette théologie, l’Histoire est le lieu du salut. Quand la pensée va se laïciser, l’histoire reste quand même le lieu du salut. Ce sera par la pratique politique que l’on se sauvera… » (Henri Atlan) – Seulement, et depuis fort peu, plus personne ne croit à cette progression vers un mieux ; existentiel, temporel, j’entends et précise.
– Le temps circulaire oriental, cyclique, sans raison ni finalité, sans commencement ni fin … la multiplicité des mondes, le cycle des saisons et celui des renaissances, l’éternel retour, le jeu hindouiste divin du Lila, la roue, la continuelle répétition (la roue de fortune), la symbolique de l’Ouroboros (le serpent en boucle qui se mord la queue), à l’opposé du temps linéaire judéo-chrétien. « L’avenir, il sera toujours du même genre … C’est une même chose de raconter la vie des hommes pendant quarante ans et pendant mille ans. Que verra-t-on de plus ? … Le retour périodique de toutes choses … La postérité ne verra rien de nouveau et nos ancêtres n’ont rien vu de plus. » (Marc-Aurèle)
– Selon les Grecs : le temps durée, chronos, le temps qui passe ; et le temps instant, Kaïros, le temps présent, le moment favorable.
– Deux façons de l’appréhender : comme une succession ou comme un état ; selon Bergson, l’espace-temps, le temps de l’actualité, ou la durée pure, temps subjectif, hors des apparences du monde, temps de l’intériorité, de la pensée… La durée n’est pas le temps. La durée, c’est la manière dont la conscience vit le temps.
– Le temps ne paraît long que quand on est jeune.
– Convenons que la transmission directe des événements peut parfaitement s’effectuer entre une personne de 75 ans et son descendant, ou tout autre, âgé de 15 ans, soit écart = 60 années. Les souvenirs, les racontars ou les vantardises de moins de 4 personnes imaginairement alignées à la file et se chuchotant à l’oreille de l’une à l’autre nous permettent d’assister en quasi direct à la Révolution française de 1789. Il suffit d’en rajouter même pas 2 pour parader à Versailles avec Louis XIV et ses courtisanes préférées, Il n’en faut guère plus de huit pour accompagner Christophe Colomb. On n’a à en aligner que quelques 34 pour recueillir les souvenirs d’un des bergers présent autour de la grotte de Bethléem, soit pour assister à la naissance de Jésus, début du décompte de notre ère.
– Relativité du temps : Si je projette la durée de mon existence à rebours à partir de ma date de naissance, j’aurais pu être l’ami du jeune Rimbaud et l’accompagner à la musique en contemplant les alertes fillettes sous les marronniers verts de Charleville, comme j’aurais largement pu participer à la guerre de 1870 (Bismarck l’a échappé belle). Chacun peut faire ses calculs. calculs. En suivant le même processus, mon père était né lors de la bataille de Waterloo !
– Combien d’événements ou de personnages (Rome, Charlemagne, les Croisades…) qui nous paraissent si lointains, sont en réalité tout proches ?
– Mais si l’une des ambitions progressistes délirantes d’aujourd’hui est de raccourcir le temps pour nous rendre encore plus actifs et plus suractifs, il faut accepter que c’est aussi tuer l’espace à petit feu (rapidité des voyages).
-Quelle meilleure démonstration de l’impuissance de cette grotesque commission européenne et de nos veules politicards que cette incapacité depuis des décennies d’abroger une mesure aussi simple que le passage à l’heure d’été qui nous fait vivre en avance de deux heures sur la nature, abrogation réclamée par quasiment tout le monde.
– Relativité du temps. Si je projette mon existence à rebours, en amont de ma date de naissance, j’aurais pu, bébé, assister de mon berceau à la révolution de 1848, jeune homme versifier avec Lamartine, assister au plébiscite qui consacra Napoléon III, et, bien sûr, faire la guerre de 1870 (nous l’aurions alors certainement gagnée !)
– « Le stupide. » (Léon Daudet – définissant laconiquement le XIX° siècle)
– « Quand c’est urgent, il est déjà trop tard. » (Talleyrand)
– « Temps cyclique (rotation de la planète, retour des saisons…), temps évolutif linéaire, non suivant une ligne droite mais suivant une ligne brisés (développement des espèces,, de l’organisme…). » (Jean-Bertrand Pontalis
– « Il y a un temps pour tout,
« Un temps pour toute chose sous le ciel ;
« Un temps pour déchirer et un temps pour coudre ;
« Un temps pour se taire, et un temps pour parler. » (Ecclésiaste, 3)
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« Si la représentation antique du temps est un cercle, l’image qui oriente la conceptualisation chrétienne est celle d‘une ligne droite … Malgré son apparent mépris du ‘siècle’, c’est le christianisme qui a jeté les bases d’une expérience de l’historicité … La conception moderne du temps est une laïcisation du temps chrétien rectiligne et irréversible, mais qui élimine toute idée de fin et ne conserve que le sens d’un procès structuré selon l’avant et l’après. » ( Giorgio Agamben)
« Je ne prendrai pas de calendrier cette année car j’ai été très mécontent de celui de l’année passée. » (Alphonse Allais)
« L’éternité c’est long, surtout vers la fin. » (Woody Allen)
« Le passé n’éclairant plus l’avenir, c’est à l’avenir qu’il revient de justifier le présent … Or dans la perspective d’un horizon d’attente privé de sa substance, le présent est paralysé. » (Myriam Revault d’Allonnes)
« Ne laissez jamais le temps au temps, il en profite. » (Jean Amadou)
« Le temps est un allié pour celui qui accepte de marcher avec lui. Il n’est pesant qu’aux impatients qui vivent dans l’illusion de tout maîtriser. Il n’est brutal qu’à ceux qui ont peur de vivre et qui le fuient sans cesse. » (Paule Amblard)
« L’année qui, pour un enfant de cinq ans, représente tout un cinquième d’existence, doit sembler beaucoup plus longue qu’elle ne le fera quand elle n’en sera plus que le vingtième ou le trentième. » (Hannah Arendt)
« L’histoire qui commence lorsque Adam est chassé du paradis, et se termine sur la mort et la résurrection du Christ, est faite d’événements uniques qui ne se répètent pas. Rupture avec le concept cyclique du temps, venu de l’Antiquité, et l’idée d’éternel retour qui l’accompagne. » (Hannah Arendt) – Le temps devenu rectiligne dont le trajet est progrès.
« Le hiatus légendaire entre un ne-plus et un pas-encore indiquait avec clarté que la liberté ne sortirait pas automatiquement de la libération, que la fin de l’ancien n’est pas nécessairement le commencement du nouveau, que la notion d’un continu temporel tout-puissant est illusoire. » (Hannah Arendt – commentant la marche dans le désert après l’Exode, les errances d’Enée et de ses Troyens, les vides post révolutionnaires…)
« ‘Il a deux adversaires : le premier le serre sur l’arrière, à partir de son origine, le second lui barre la route par l’avant’. L’homme vit dans cet entredeux, et ce qu’il appelle présent est la lutte de toute une vie entre le poids mort du passé qui le pousse de l’avant, aiguillonné par l’espoir, et la peur du futur (dont la seule certitude est la mort), qui le fait reculer vers le calme du passé, plein de nostalgie et de souvenir de la seule réalité dont il puisse être sûr … Un ‘ne plus’ qui le pousse de l’avant et un ‘pas encore’ qui le renvoie en arrière. » (Hannah Arendt partant d’une parabole de Kafka)
« Il n’y a pas de temps sans changement : en effet lorsque nous n’éprouvons aucun changement ou lorsque nous n’en avons pas conscience, il ne nous semble pas qu’ait passé aucun temps … Nous prenons conscience du temps lorsque, distinguant ce qui précède de ce qui suit, nous distinguons un mouvement. » (Aristote)
« Notre perception du passé et de l’avenir n’est qu’une distinction entre ce que nous percevons comme connu grâce à notre mémoire et que nous appelons ‘passé’, et ce qui nous est inconnu mais que nous imaginons, et que nous appelons ‘futur’. C’est pourquoi le temps vécu se raccourcit avec le vieillissement. Nous faisons l’expérience de moins en moins de choses nouvelles. Le rythme des informations acquises pendant l’enfance est beaucoup plus grand. Une année est alors ressentie comme une très longue durée, alors qu’elle devient courte avec l’avancement en âge. » (Henri Atlan)
« Prendre son temps… Oui, mais à qui ? » (Yvan Audouard)
« Nous sommes tous sensibles à la splendeur des commencements, à la qualité rare des instants où le présent s’affranchit du passé sans rien laisser transparaître encore du futur qui le met en mouvement … Quant à l’oubli du passé, nécessaire à tout vrai recommencement, il est exclusif de toute préfiguration du futur … Incertitude fondamentale. » (Marc Augé – Les formes de l’oubli)
« L’oubli nous ramène au présent, même s’il se conjugue à tous les temps ; au futur, pour vivre le commencement ; au présent, pour vivre l’instant ; au passé, pour vivre le retour. » (Marc Augé)
« Aucune dimension du temps ne peut se penser en faisant abstraction des autres … Le rite, exemplaire de la tension entre mémoire et attente qui caractérise le présent, dans la mesure où il organise le passage d’un avant à un après. » (Marc Augé)
« Trois figures ou formes de l’oubli, qui se conjugue au passé, pour vivre le retour ; au présent, pour vivre l’instant ; au futur, pour vivre le commencement : – Le Retour, retrouver un passé perdu en oubliant le présent et le passé immédiat pour rétablir une continuité avec le passé plus ancien, reprendre les choses où on les avait laissées, se retrouver soi-même inchangé, la force des sensations de celui qui revient sur les lieux, la ‘déflagration des souvenirs’ de Proust ; il y faut une grande force d’oubli – Le Suspens, retrouver le présent en le coupant provisoirement du passé et du futur, n’être plus ce qu’on était et oublier ce qu’on deviendra, esthétisation de l’instant présent, interrègne – Le Commencement, ou re-Commencement, retrouver le futur en oubliant le passé, nouvelle naissance ouverte à tous les avenirs sans en privilégier aucun, splendeur des commencements, qualité rare des instants où le présent s’affranchit du passé sans rien laisser encore transparaître du futur, oubli du passé exclusif de toute préfiguration du futur, l’initiation. » (Mar Augé – Les formes de l’oubli)
« Pour les historiens du contemporain, le siècle n’est plus un instrument de mesure pertinent. Il leur faudra bientôt découper des périodes de vingt ou même dix ans pour rendre compte de l’évolution du monde et de la science. » (Marc Augé) – A moins que le climat ne fasse descendre leurs examens à l’année, sinon moins encore.
« La différence entre ceux qui ont vécu un événement ou une période particulière et ceux qui ne les ont pas connus est toujours menacée de se muer en altérité non négociable, non transcendable, dès lors que le lien entre ce passé et le présent est refusé, oublié ou nié. Ce qui est vrai des événements l’est plus encore des symboles, des valeurs et des références intellectuelles ou morales qui leur sont associés. Il ne suffit pas de dénier le sens du passé pour donner un sens au présent. » (Marc Augé) – Extrême difficulté de se comprendre entre générations.
« Nous sommes des pèlerins du temps. » (saint Augustin)
« Qu’est-ce donc que le temps, si personne ne me le demande je le sais ; si je cherche à l’expliquer à celui qui m’interroge, je ne le sais plus. » (saint Augustin)
« Les temps sont mauvais ? Soyez bons et les temps seront bons. Car nous sommes le temps. » (Saint Augustin)
« La longueur du temps n’est faite que de la succession d’une multitude d’instants, qui ne peuvent se dérouler simultanément ; au contraire, dans l’éternité, rien n’est successif, tout est présent. » (saint Augustin)
« Ni l’avenir ni le passé n’existent … On dirait plus justement ‘le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur’. L’un c’est la mémoire, l’autre l’attention directe, enfin l’attente. Car ces trois sortes de temps existent dans notre esprit et je ne les vois pas ailleurs. » (saint Augustin)
« Comment donc ces deux temps, le passé et l’avenir, sont-ils, puisque le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas encore ? Ni l’avenir ni le passé n’existent … Quant au présent, s’il était toujours présent, s’il n’allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, il serait l’éternité. Si le présent, pour être du temps, doit rejoindre le passé, comment pouvons-nous déclarer qu’il est aussi, lui qui ne peut être qu’en cessant d’être ? Ce point vole si rapidement du futur au passé qu’il n’a aucune étendue de durée. Car s’il était étendu, il se diviserait en passé et en futur … Si bien que ce qui nous autorise à affirmer que le temps est, c’est qu’il tend à n’être plus. » (saint Augustin)
« C’est le souvenir et l’attente qui nous donnent conscience du temps. » (saint Augustin)
« Si rien ne passait, il n’y aurait point de passé ; si rien n’arrivait, il n’y aurait point de futur. » (saint Augustin)
« L’éternité est la pleine possession de soi en un seul et même instant. » (saint Augustin) – « Chacun, ne fût-ce qu’une seconde, une seule fois, a su qu’il approchait le souverain bien. Cette possession de soi qui dévoile une sérénité au-delà de tout. » (Louis Pauwels)
« Dieu a créé le temps avec le monde … Le monde a été créé non pas dans le temps mais simultanément …Y aurait-il eu une durée, si vous ne l’aviez créée … Les temps n’ont pas pu s’écouler avant que vous ne fissiez les temps … Il n’y avait pas ‘d’alors’ là où il n’y avait pas de temps … Ce n’est pas dans le temps que vous précédez le temps : autrement vous n’auriez pas précédé tous les temps. Mais vous précédez tout le passé de la hauteur de votre éternité toujours présente, et vous dominez tout l’avenir, parce qu’il est l’avenir et qu’à peine arrivé, il sera passé, alors que vous, ‘vous demeurez le même’… vos années ne vont ni ne viennent, elles demeurent … ‘Vos années ne font qu’un seul jour’, et c’est un perpétuel aujourd’hui … Qu’est cela que je sais quand personne ne me le demande mais si je veux l’expliquer à qui me le demande, je ne le sais pas ? … Ce qui nous autorise à affirmer que le temps est, c’est qu’il tend à n’être plus … Seul le présent existe puisque ni passé ni futur ne sont … Il y a trois temps : le présent du passé (la mémoire), le présent du présent (l’intuition directe), le présent du futur (l’attente) … Je mesure le temps, et j’ignore ce que je mesure. » (saint Augustin – Les Confessions, livre XI)
« Je sais, mon Dieu, je sais certainement que mort et naissance se limitent à ce qui n’est plus en ayant été, et ce qui est, alors qu’il n’était pas. Alors rien de ton Verbe ne procède ni ne succède puisqu’il est vraiment éternel et immortel. » (saint Augustin)
« Ce n’est ni le futur, ni le passé qui te sont à charge, mais toujours le présent. » (Marc-Aurèle)
« Qui a vu ce qui est dans le présent a tout vu, et tout ce qui a été de toute éternité et tout ce qui sera dans l’infini du temps ; car tout est semblable et de même aspect. » (Marc-Aurèle)
« Nous nous évertuons à tuer le temps qui nous tue. » (Kostas Axelos)
« Un des mythes les plus persistants … est le mythe de l’âge d’or disparu, du paradis perdu, d’un état précédant le malheur multiforme … Cet état sera retrouvé, métamorphosé … D’où une tripartition du temps au passé originellement bon, et à la suite d’un perpétuel présent mauvais, toujours en crise … pouvait correspondre un avenir annoncé comme avènement salvateur … Tout devenant ce qu’il était au début : esprit … Un commencement absolu … un développement linéaire et progressif, disons historique , qui implique une lutte contre la nature en général et humaine en particulier, et une fin spirituelle et éternelle. » (Kostas Axelos)
« La durée est faite d’instants sans durée comme la droite est faite de points sans dimension. » (Gaston Bachelard)
« Le temps n’est donc nullement une coulée uniforme, il connaît des moments mystérieux de concentration, des points culminants où l’homme se libère et se choisit lui-même. » (Père Hans Urs Von Balthasar)
« Le long terme n’est pas un temps hypermoderne. » (Olivier Bardolle) – Ni même demain.
« Dans l’impossibilité de bénéficier d’un avenir heureux elle se composait un passé heureux. » (Alessandro Baricco)
« Tuer ce monstre-là, n’est-ce pas l’occupation la plus ordinaire et la plus légitime de chacun ? » (Baudelaire)
« A chaque minute nous sommes écrasés par l’idée et la sensation du temps. Et il n’y a que deux moyens pour échapper à ce cauchemar, pour l’oublier : le Plaisir et le Travail. Le plaisir nous use, le travail nous fortifie. Choisissons. » (Baudelaire)
« Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
« Dont le doigt nous menace et nous dit : ‘Souviens-toi !’
« Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi
« Se planteront bientôt comme dans une cible ;
« ……………………………………………………………..
« Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
« ………………………………………………………………
« Souviens-toi que le temps est un joueur avide
« Qui gagne sans tricher ……………………. » (Baudelaire – L’horloge – Spleen et idéal)
« Il n’y a plus d’histoire ni de temps à proprement parler dés lors qu’il s’inscrit dans une comptabilité à rebours … Le temps ne se compte plus à partir d’une origine, mais se décompte à partir de la fin … Quand on compte les secondes qui vous séparent de la fin c’est que tout est déjà fini … Et cette fin n’est plus le terme d’une histoire, d’un déroulement progressif, mais la marque d’une somme nulle, de l’épuisement d’un capital-temps. » (Jean Baudrillard) – L’horloge de Beaubourg à la fin du XX° siècle.
« Nous vivons dans l’anxiété et le regret, c’est-à-dire dans l’avenir et le passé. » (tiré de Jean Baudrillard)
« Le résultat global (de l’obsolescence de tout..) est la fragmentation du temps en épisodes, tous coupés de leur passé et de leur futur, fermés sur eux-mêmes et indépendants. Le temps n’est plus un fleuve, mais un ensemble de mares et de flaques … Abolir toute forme de temps autre qu’un ensemble ou une séquence arbitraire d’instants présents ; soumettre le flot du temps en un présent continu. » (Zygmunt Bauman)
« La banalisation de formules linguistiques telles que ‘avoir le temps’, ‘manquer de temps’, ‘perdre du temps’ et ‘gagner du temps’ occupe la place d’honneur parmi nos préoccupations les plus fréquentes, les plus gourmandes en énergie et les plus angoissantes. » (Zygmunt Bauman)
« Ils se contentent de tuer le temps en attendant que le temps les tue. » (Simone de Beauvoir)
« Nos sociétés vivent dans un temps transitif où tout est attente, et le présent, pas grand-chose. » (Miguel Benasayag – La fragilité)
« Ce qu’Alain Finkielkraut a très justement appelé le ‘chauvinisme de l’instant présent’ : ingratitude vis-à-vis du passé, absence de curiosité vis-à-vis de l’avenir. Un temps sans qualités. » sur notre époque que « je caractériserais comme un mélange de correction politique, d’hygiénisme puritain et d’hédonisme débraillé … Triomphe de l’imposture et de l’inculture associant de façon assez typique, le nombrilisme, l’hypocrisie et la lâcheté. » (Alain de Benoist)
« Non seulement le passé n’est plus et le futur pas encore, mais le présent qui est, paraît-il, la partie la plus définie disparaît à chaque instant en se transformant en passé : bref, il est un point insaisissable. » (Nicolas Berdiaeff)
« Nul instant n’a de prix ni de plénitude en soi-même, on ne saurait s’y tenir. Il faut qu’il cède la place le plus vite possible à l’instant qui le suit. Chaque instant n’est qu’un moyen pour l’instant qui le suit … L’intégrité et l’unité du moi sont liées à l’intégrité et à l’unité de l’indécomposable présent, de l’instant en sa valeur plénière, qui n’est plus alors un moyen pour l’instant suivant … L’instant indécomposable est l’instant de la contemplation, sans laquelle il n’y a pas de concentration, d’approfondissement, d’intégrité du moi … rien que la tristesse de l’existence livrée au monde objectivé. » (Nicolas Berdiaeff)
« Le temps (comme l’espace) a lui aussi ses perspectives. La vitesse de son écoulement varie avec les époques et les lieux … Il raccourcit quand je m’amuse, s’allonge quand je m’ennuie et le vieillement, paraît-il l’accélère. » (Emmanuel Berl)
« Ce que j’aime dans le structuralisme (la synchronie) c’est qu’il m’a rendu le droit de regarder les choses comme elles sont. On voulait m’obliger à regarder les choses toujours comme le résultat d’un passé et l’amorce d’un devenir (la diachronie). Alors ça veut dire qu’on ne les regarde pas (que serez-vous dans vingt ans ? Qu’étiez-vous bébé ? Je veux vous voir dans votre structure, famille…, actuelle) … Mauriac disait : ‘nous sommes le fruit du christianisme’, Sartre, son esprit opposé, disait : ‘nous sommes l’annonce du progressisme’. » (Emmanuel Berl)
« Le temps est un grand maître, dit-on. L’ennui est qu’il tue ses élèves. » (Hector Berlioz)
« Gagner du temps n’est pas toujours un avantage. Lorsqu’on va vers l’échafaud, par exemple, il est préférable d’y aller à pied. » (Georges Bernanos)
« Le temps de l’histoire chrétienne contient le temps linéaire, tendu vers la parousie, le temps cyclique dans le retour liturgique des moments significatifs, et à chaque instant une échappée vers l’éternité. » (Alain Besançon)
« Pathologie du temps linéaire, à laquelle le temps juif et chrétien échappent, et à laquelle semblent fatalement succomber les idéologies révolutionnaires du progrès, notamment la plus perfectionnée, le marxisme. Elles ont voulu trouver dans l’histoire elle-même le principe de son mouvement. Elles attendaient de l’histoire qu’elle mette fin à elle-même. L’image du temps linéaire judéo-chrétien subit une profonde altération … en renversant le ‘Seigneur’ de l’histoire pour laisser celle-ci autonome. » (Alain Besançon)
« Il faut comprendre le présent par le passé et le passé par le présent. » (Marc Bloch)
« Rien n’est éternel, disent-ils. Cependant, ‘ Bourgeois, ta sottise a bien le caractère de l’éternité’. » (Léon Bloy)
« Tuer le temps, dit-on. – Dans la rhétorique du Bourgeois, tuer le temps, ai-je besoin de le dire ? signifie tout simplement s’amuser. Quand le Bourgeois s’embête, le temps vit ou ressuscite… »(Léon Bloy – Exégèse des lieux communs – 1, LXXXII)
« Le bon vieux temps, dit-on. – Quelques-uns disent qu’un temps nommé invariablement les ‘siècles d’ignorance’, par opposition au ‘siècle des Lumières’ qui est le nôtre ne peut pas être bon, et que plus il est vieux, moins il doit être bon … Mais allez dire à un avoué de première instance de recommencer la quatrième croisade ! … » (Léon Bloy –Exégèse des lieux communs – 1, CLX)
« L’heure digitale ne signifie à qui la consulte que l’instant ponctuel où il se trouve sans durée, ne contenant ni l’avant ni l’après … substituant ainsi à la durée psychique de la rotation des aiguilles (analogie avec la course du soleil, avec la succession des jours et des nuits) sa chronométrie d’instants égrenés au compteur du processus. » (Baudouin de Bodinat)
« Jusqu’au milieu du XIX° siècle (à peu près) une jeune fille de vingt ans et un homme de quarante … se trouvaient à exister dans un même monde, une même temporalité … Désormais c’est par demi-génération ou moins encore que chacun évolue dans son différentiel de classe d’âge comme dans un environnement discontinu du précédent. » (Baudouin de Bodinat)
« Le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes. » (Baudouin de Bodinat)
« Tout ce qui vit au présent dans le temps … n’appréhende pas encore demain qu’il a déjà perdu hier … Ce qui subit la loi du temps, même s’il ne commence ni ne cesse jamais d’être et que sa vie se déploie au rythme d’un temps illimité, ne mérite cependant toujours pas d’être jugé éternel … Il ne possède pas encore le futur et ne possède plus le passé … Ce qui appréhende et possède en une seule fois la totalité de la plénitude d’une vie sans limites, à quoi rien de futur ne manque et n’a échappé rien de passé, qui tient pour présent le temps illimité qui passe, ce qui possède la science d’une imminence qui jamais ne passe, c’est cela qui est considéré à juste titre comme éternel, … Nous dirions avec Platon que Dieu, bien sûr, est éternel mais que le monde est perpétuel. » (Boèce) – Platon, qui n’avait pas entendu parler du Big-Bang croyait à un monde sans commencement ni fin.
« Le temps respecte peu ce que l’on fait sans lui. » (Boileau)
« Hâtez-vous, le temps fuit et nous traîne après soi ;
« Le moment où je parle est déjà loin de moi. » (Boileau – cité par Richard Millet)
« Il y a beaucoup de gens qui ne savent pas perdre leur temps tout seuls. Ils sont le fléau des gens occupés. » (Louis-Ambroise de Bonald)
« Les hommes qui, par leurs sentiments, appartiennent au passé, et par leurs pensées à l’avenir, trouvent difficilement place dans le présent. » (Louis-Ambroise de Bonald)
« Nous avons bien raison de dire que nous passons notre temps ! Nous le passons véritablement, et nous passons avec lui. » (Bossuet)
« ‘Ne croire en rien’. La logique du nihilisme est celle d’un ‘présentisme’ absolu. Il vise à la destruction du passé et de l’avenir. Il épargne le présent tout simplement parce que celui-ci abrite le sujet de la destruction. » (Rémi Brague)
« Le respect du passé n’empêche pas de préparer l’avenir. Au contraire, il est ce qui permet qu’il y ait un avenir … Parce qu’il faut savoir que nous avons été l’avenir de notre passé pour pouvoir devenir le passé de notre avenir. » (Rémi Brague)
« La négation de l’origine et le refus de l’avenir, ou la négligence envers ces deux dimensions du temps forment un système étroitement cohérent. » (Rémi Brague) – C’est notre médiocre état d’esprit actuel.
« C’est un grossier paralogisme que de conclure de l’irréversibilité du temps à celle de ses contenus. Un retour en arrière est toujours possible. » (Rémi Brague) – C’est pourtant ce que font nos contemporains dans leur orgueil et leur inconséquence en dépit des leçons de l’histoire et de l’évidence. Combien de civilisations disparues dont nous ne savons rien ?
« Quelque chose entre dans le temps qui n’appartient pas au temps. » (Rémi Brague – Le sens de l’histoire – sur l’Incarnation)
« Notre pensée est incarcérée dans un présent éternel, et nous n’avons accès au passé que par reconstruction et au futur par spéculation. » (Gérald Bronner)
« A partir d’un certain moment le temps nous défait plus qu’il ne nous fait. » (Pascal Bruckner)
« On dénonce les racines et les horizons et l’on s’immerge dans un présent gonflé de bruits, de lumières, de sensations érotiques, de flashes organiques et de ‘défonce’. » (Jean Brun – évoquant, entre autres, les éclairages hallucinants, les sonorisations assourdissantes, les mises en scène audio-visuelles…)
« Le temps qui fortifie les amitiés, affaiblit l’amour. » (La Bruyère)
« Des gens qui ne regardent jamais en arrière vers leurs ancêtres ne regarderont jamais en avant vers leur postérité. » (Edmund Burke) – « Non seulement la démocratie fait oublier à chaque homme ses aïeux, mais elle lui cache ses descendants. » (Alexis de Tocqueville)
« Comment Dieu demeure-t-il Hors-du-Temps alors que Sa Création vit dans le Temps ? » (Question cabalistique) – Ne pas compter sur moi pour répondre.
« Le temps mythique apparaît comme revêtu d’une ambiguïté fondamentale : il se présente sous les aspects antithétiques du chaos et de l’âge d’Or, celui de l’enfance du monde comme celui de l’enfance de l’homme où tout est donné… » (Roger Caillois)
« Jouir du temps, et non lui tordre le coup. » (Renaud Camus)
« Passé et futur ne servent qu’à expliquer le présent, à ‘décrypter’ l’actualité. Défaut de tout extérieur. Périclès et Soliman le magnifique, nos frères, nos contemporains, ou, à défaut, nos précurseurs tâtonnants. » (Renaud Camus)
« Nous nous représentons à chaque génération notre avenir comme un présent mis au futur et nous ne devinons presque jamais les formes que cet avenir prendra. » (Albert Caraco)
« Changements dans la valeur du temps physique au cours de notre vie. Les jours de notre enfance nous paraissent très lents. Ceux de notre maturité sont d’une rapidité déconcertante. Ce sentiment vient peut-être de ce que, inconsciemment, nous plaçons le temps physique dans le cadre de notre durée. Et, naturellement, le temps physique nous semble varier en raison inverse de cette durée. Le temps physique glisse à une vitesse uniforme, tandis que notre vitesse propre diminue sans cesse. » (Alexis Carrel)
« Prends le temps avant qu’il ne te prenne. » (Paul Carvel)
« L’homme ne peut déterminer la forme du futur sans connaître les conditions de son présent et les limites de son passé … ‘Le chemin vers le haut et le chemin vers le bas sont un et même’ (Héraclite). » (Ernst Cassirer) – Ce qui condamne l’utopie révolutionnaire, et notamment la table rase.
« Le temps diminue chez nous l’intensité des plaisirs absolus, mais il paraît qu’il accroît les plaisirs relatifs ; je soupçonne que c’est l’artifice par lequel la nature a su lier les hommes à la vie, après la perte des objets ou des plaisirs qui la rendaient le plus agréable. » (Chamfort) – cité par Dominique Noguez)
« C’est avec la modernité qu’une rupture a eu lieu, non pas pour réinscrire le présent au sein des préoccupations de tous mais pour inverser l’ordre de la temporalité et faire du futur, et non plus du passé, le lieu du bonheur à venir et de la fin des souffrances. Rupture essentielle … qui s’est traduite sous la forme d’un discours radicalement opposé à celui de la décadence, vantant cette fois les conquêtes de la science et indiquant les conditions d’un progrès indéfini … Même si le sacre du présent n’est pas aussi évident qu’on le dit parfois. » (Sébastien Charles) – Ces illusions sur le futur étant maintenant terminées.
« Quand Dieu, pour des raisons qui nous sont inconnues, veut hâter les ruines du monde, il ordonne au temps de prêter sa faux à l’homme ; et le temps nous voit avec épouvante ravager dans un clin d’œil ce qu’il eût mis des siècles à détruire. » (Chateaubriand)
« A l’époque où nous vivons, chaque lustre vaut un siècle ; la société meurt et se renouvelle tous les dix ans. Adieu donc toute gloire universellement reconnue … Tous mes jours sont des adieux. » (Chateaubriand)
« Le temps fait pour les hommes ce que l’espace fait pour les monuments : on ne juge bien des uns et des autres qu’à distance et au point de la perspective; trop près on ne les voit pas; trop loin on ne les voit plus. » (Chateaubriand)
« Sociétés depuis longtemps évanouies, combien d’autres vous ont succédé ! Les danses s’établissent sur la poussière des morts, et les tombeaux poussent sous les pas de la joie … Où sont aujourd’hui les maux d’hier ? Où seront demain les félicités d’aujourd’hui. » (Châteaubriand – Vie de Rancé)
« Les sentiments de l’homme sont exposés à l’effet d’un travail caché : fièvre du temps qui produit la lassitude, dissipe l’illusion, mine nos passions, fane nos amours et change nos cœurs, comme elle change nos cheveux et nos années. » (Chateaubriand – Vie de Rancé)
« Je ne suis plus que le temps … Le temps a pris mes mains dans les siennes ; il n’y a plus rien à cueillir dans des jours défleuris. » (Chateaubriand – Vie de Rancé)
« Nous vivons tous dans le passé, car il n’est pas d’autre époque où nous puissions vivre. Vivre dans le présent revient à proposer de s’asseoir sur une épingle. Vivre dans l’avenir est une contradiction en soi. Le futur est mort, au sens qu’il n’est pas en vie. » (G. K. Chesterton)
« Il est toujours facile de laisser une époque en faire à sa tête. Ce qui est difficile c’est de garder la sienne. » (Chesterton)
« Ils étaient réellement attachés à une chaîne, la plus lourde de toutes, celle qu’on appelle la chaîne de montre. » (G. K. Chesterton – sur l’esclavage moderne)
« Ma mission est de tuer le temps et la sienne de me tuer à son tour. On est tout à fait à l’aise entre assassins. »(Emil Cioran)
« L’enfer est le lieu où nous sommes condamnés au temps pour l’éternité. » (Emil Cioran)
« Que signifie le temps libre, le temps nu et vacant, sinon une durée sans contenu ni substance ? La temporalité vide caractérise l’ennui. » (Emil Cioran)
« Il faudrait croire, avec l’esprit révolutionnaire, que le temps contient en puissance la réponse à toutes les interrogations et le remède à tous les maux, que son déroulement comporte l’élucidation du mystère et la réduction de nos perplexités ; qu’il est l’agent d’une métamorphose totale. » (Emil Cioran)
« On ne peut annuler le temps qu’en vivant l’instant intégralement, en s’abandonnant à ses charmes. On réalise ainsi ‘l’éternel présent : le sentiment de la présence éternelle des choses … L’éternel présent est ‘existence’, car dans cette expérience radicale seulement, l’existence acquiert évidence et positivité … Production d’être, dépassement du rien. » (Emil Cioran)
« Le temps est un éternel présent, qui fait oublier le passé et empêche de prévoir. Ce qui succède à l’actualité est l’actualité. L’existence est devenue immédiate par les médias. Elle n’est plus que la spatio-temporalité de ces médias, une actualité imagée. » (Michel Clouscard)
« O existence ! Tu n’attaches que par le passé, et tu n’intéresse que par l’avenir ! Le moment présent, transitoire et presque inaperçu, ne vaudra que par les souvenirs dont il sera peut-être un jour l’objet. » (Aimée de Coigny)
« Être prêts, tout au long de notre vie, à mesurer d’un trait la vanité de tout ce qui nous occupe, sans pour autant cesser d’en être occupés … Être prêts, c’est le précepte le plus général de toutes les religions, il est le seul qui soit totalement étranger à l’Occident moderne, dont le rapport au temps consiste plutôt en une mystique imbécile de l’avenir. » (Christian Combaz)
« Chaque époque rêve la suivante, quitte à ce que le rêve de l’une devienne le cauchemar quotidien de l’autre. » (C. N. I.)
« Le court-termisme plonge ses racines dans nos mentalités et nos sociétés. Il reflète nos aspirations et nos pratiques : fin du septennat en politique, cycle de rotation du management réduit à 3-4 ans, mémoire courte et raisonnements expéditifs … Le désir instantané prime le sens de la responsabilité et de la pérennité … Le rapport au facteur temps ne se caractérise pas seulement par un raccourcissement des horizons, mais aussi par un rétrécissement sur l’instant, une projection opportuniste dans le consensus immédiat. » (Marc Crapez)
« Qui inventera la passoire à passer le temps ? » (Pierre Dac)
« Quoi que vous puisiez imaginer, cela s’est déjà produit, ou le sera. » (Maurice G. Dantec)
« Un homme a des vues sur le futur dans la mesure où il en a sur le passé. » (Régis Debray)
« Nous ne sommes jamais tout à fait contemporains de notre présent. L’histoire s’avance masquée ; elle entre en scène avec le masque de la scène précédente, et nous ne reconnaissons plus rien à la pièce. » (Régis Debray)
« Les distances nous sont devenues indifférentes mais le moindre délai nous est douleur. On se localise de mieux en mieux, on périodise de moins en moins … Le ‘tout, tout de suite’, définition de la barbarie, ce totalitarisme de la pulsion … n’est pas un vice d’enfant gâté mais un réflexe d’obéissance aux sollicitations court-termistes… » (Régis Debray)
« L’immortalité, qui est en ultime instance, le procédé par lequel nous nous désenchaînons du temps ; passé et avenir, rétention et anticipation. » (Régis Debray – s’inspirant de Bernard Stiegler)
« Les sots parlent beaucoup du passé, les sages du présent, les fous de l’avenir. » (marquise du Deffand)
« On n’était pas pareillement dévoré par le temps, quand on prenait bourgeoisement l’heure au gousset. » (Philippe Delerm) – Et qu’on prenait soigneusement son temps pour sortir lentement et posément du dit gousset ce qu’on appelait l’oignon.
« Le temps est une promesse, non un destin. » (Chantal Delsol)
« Non seulement l’existence de notre contemporain s’est affranchie de la vision du temps ‘long’, espérances religieuses, espoirs sociaux, symboles communautaires de la durée ; mais elle s’est dépouillée de sa continuité propre … L’existence individuelle se parcellise … Il abandonne l’idée même d’une œuvre. La durée … éclate en multiples fragments. » (Chantal Delsol)
« La pensée auparavant toute entière tendue vers le futur se redéploye à présent vers les origines. » (Chantal Delsol)
« Le caractère cyclique du temps répond à la présence permanente du chaos. Le monde est considéré comme le terrain d’une lutte entre l’ordonnancement et le désordre, l’harmonie et la confusion, qui sans cesse se remplacent l’une l’autre, dans un mouvement d’allées et venues … Sans extérieur, le monde est voué à la répétition (du temps circulaire) … Pour la première fois, le zoroastrisme iranien amorce une transformation du temps cyclique en temps linéaire : Zoroastre annonce un combat qui sera le dernier, une victoire définitive sur le chaos. C’est le monothéisme juif qui va engager la civilisation européenne vers le temps fléché. » (Chantal Delsol)
« L’apparition du temps fléché façonne les sociétés où l’on attend quelque chose … Emergence de la croyance au progrès … En cela il est le principal vecteur du développement intense de l’Occident. » (Chantal Delsol)
« La Modernité : Maudit passé ! Le présent et le futur tout proches sont vus comme des transfigurations par rapport à des siècles précédents de vice et d’horreur … Seul le présent serait vertueux … N’y a-t-il pas là quelque chose de louche ? Rapport idéologique/utopique à l’Histoire» (Chantal Delsol) –Repentance, excuses et compagnie. Combien nous sommes meilleurs que nos salauds d’ancêtres.
« Il faut penser la trace avant l’étant. » (Jacques Derrida) – Et à plus forte raison avant l’avenir.
« Il n’y a de certain que le passé, mais on ne travaille qu’avec l’avenir. » (Auguste Detoeuf)
« Ce qui a détruit la capacité de percevoir le temps comme un temps cyclique (succession de retours), c’est que chacun, en tant qu’individu, parcourt un trop grand nombre d’années et peut constater sa propre usure, son propre manque de renouvellement … C’est pourquoi, à contrecœur, l’homme en vint à concevoir le temps linéaire, le temps accumulatif. » (Philip K. Dick)
« Lewis Mumford affirmait que l’horloge constituait un bien meilleur point de départ que la machine à vapeur pour comprendre la révolution industrielle à venir ; non seulement parce que leur fabrication est devenue l’industrie à partir de laquelle les hommes ont appris à fabriquer des machines … mais surtout parce qu’elle a été la première machine automatique qui ait pris une importance significative dans la vie des humains en la transformant profondément. » (Dany-Robert Dufour) – Le système des ‘heures légales’ date de 1400 environ. Auparavant on comptait douze heures pour la nuit et douze pour le jour. La durée des heures diurnes et des heures nocturnes variait suivant les saisons. (abrégé du même auteur).
« Le temps procure la paix à l’homme ; mais il prend sa commission, l’usure. » (Louis Dumur)
« Ce monde vélociférique qui est le nôtre est, inévitablement, celui de l’émiettement du temps et, partant, de l’émiettement du moi, de cette dispersion mentale qui appelle les identités de substitution. » (Nathanaël Dupré La Tour)
« Le temps est ce qui altère l’être, entre ce qui était et ce qui est, il n’y a aucun lien de déduction, de dérivation, de détermination : ni causalisme ni finalisme. Le temps est création. » (Jean-Pierre Dupuy)
« Chacune des activités qui composent une journée, que ce soit les repas, les déplacements, les loisirs… ‘consomme’ à la fois des ressources matérielles et du temps … Elles sont plus ou moins ‘chronophages’ … Le temps devenant de plus en plus rare par rapport aux choses, les arbitrages se déplaceront au détriment des activités les plus chronophages … Il y a souvent possibilité de substituer des objets au temps (télévision contre lecture…) … Pour entretenir notre patrimoine, nous disposons de trois moyens de procéder qui font appel à des ressources différentes : l’entretenir nous-même en y consacrant notre propre temps, faire appel au service d’entreprises (se payer le temps des autres), ne pas entretenir nos biens et les remplacer à un rythme rapide … Quand la valeur du temps croît, le coût du premier moyen devient de plus en plus élevé par rapport à celui des deux autres, ainsi que celui du deuxième par rapport au dernier … Le résultat paradoxal (cas des Etats-Unis) est qu’une société où les gens accordent tant d’importance à leur niveau global de consommation est aussi celle où ils se désintéressent le plus de chaque consommation en particulier … On consacrera de plus en plus de temps à un nombre croissant de consommations avec de moins en moins de temps pour chacune d’elles … Le temps de sommeil est de plus en plus considéré comme du temps gaspillé … Les activités d’enrichissement personnel (méditation, réflexion, pratique des arts, ‘farniente’ même…) sont particulièrement chronophages … On achète certes des biens culturels (livres…) mais pour les collectionner plus que pour s’en imprégner, la possession a remplacé l’usage … Acquérir de l’information est coûteux … d’où le déclin de la qualité de nos décisions … L’encombrement du temps de non travail par les consommations arrive à gâcher complètement la qualité de l’usage qui est fait de ce temps. » (Jean-Pierre Dupuy, Jean Robert)
– « Il y a un temps pour tout,
« Un temps pour toute chose sous le ciel ;
« Un tems pour déchirer un temps pour coudre ;
« Un temps pour se taire, et un temps pour parler. » (Ecclésiaste, 3)
« L’homme de l’ère technique pourrait bien rater son futur s’il continue à se désintéresser de son passé. » (Mircea Eliade)
« Chaque Nouvel An, on réitère la cosmogonie, on ‘recrée’ le monde et, ce faisant, on ‘crée’ aussi le temps, on le régénère en le ‘commençant de nouveau’ … Inauguration d’une Ere … Répétition symbolique de la Création (l’année commençait en Mars, temps des semailles, dans de très nombreuses civilisations) … Régénération continue du temps … répétition infinie du même phénomène (création, destruction, création nouvelle) … Le temps cyclique, refus de l’histoire, annulation de l’irréversibilité du temps … La tendance vers la dévalorisation du moment contemporain ne doit pas être considérée comme un stigmate pessimiste. Elle traduit plutôt un excès d’optimisme, car, dans l’aggravation de la situation contemporaine, une partie des hommes voyaient les signes annonciateurs de la régénération qui devait nécessairement suivre. » (Mircea Eliade – sur les mythes du retour au commencement, de l’éternel retour…)
« Toute fête religieuse, tout temps liturgique, consiste dans la réactualisation d’un événement sacré qui a eu lieu dans un passé mythique, ‘au commencement’ … Participer religieusement à une fête implique que l’on sort de la durée temporelle ‘ordinaire’ pour réintégrer le Temps mythique (Temps circulaire, réversible et récupérable que l’on réintègre périodiquement par l’intermédiaire des rites) réactualisé par la fête même … La fête n’est pas la commémoration d’un événement mythique mais sa réactualisation … les participants sortent de leur temps historique et rejoignent le Temps primordial, qui est toujours le même et qui appartient à l’Eternité … Nostalgie de la perfection des commencements. Retrouver le monde fort, frais et pur, tel qu’il était in ‘illo tempore’. » (Mircea Eliade) – Excepté pour les religions monothéistes (Judaïsme, Christianisme, Islamisme) qui s’inscrivent dans un temps historique (manifestation de Jahvé, incarnation de Jésus, dictée à Mahomet), encore qu’il reste une nostalgie du Paradis terrestre.
« Le repos du sabbat reproduit le geste primordial du Seigneur, car c’est le septième jour de la création que Dieu se reposa … comme Ormazd, Dieu perse, à la fin de chaque période de création du cosmos» (Mircea Eliade)
« C’est l’observation des faits présents qui permet de mieux comprendre les phénomènes passés, et c’est l’approfondissement du passé qui ouvre l’accès à ce qui s’accomplit sous nos yeux. » (Norbert Elias)
« Un provincialisme non de l’espace, mais du temps, pour lequel le monde est la propriété des seuls vivants, propriété où les morts n’ont pas de part. » (T. S. Eliot –sur le mépris du sens historique)
« Les conséquences de la précipitation extrême sont écrasantes : tant le passé que le futur en tant que catégories mentales sont menacées par la tyrannie de l’instant … ‘L’instant présent’ lui-même est menacé dans la mesure où l’instant suivant arrive si vite qu’il devient difficile de vivre au présent … Des signes importants indiquent que nous sommes sur le point de créer un type de société dans laquelle plus aucune pensée ou presque n’a plus de quelques centimètres de long. » (Thomas Eriksen – cité par Zygmunt Bauman)
« Le respect du temps était le fondamental le plus ancré. Pas question… de brusquer ce dernier … Le zapping a transformé notre relation au temps … En allant plus vite, on a oublié en route quelques éléments essentiels. Moins de temps pour le recul et l’analyse, l’effort d’intelligence ou la réminiscence. » – Dans notre barbarie, ça signifie quoi : recul, analyse, intelligence, réminiscence ? « Tout s’est accéléré … tout est spontané …Pas besoin de lendemain ou d’avenir, surtout pas d’attente… Parce qu’il voulait tout tout de suite, le zappeur a contribué à l’importation de certains produits, au dérèglement de saisons de production. » (Eric de Ficquelmont – Zapping connection)
« Ce nouveau rapport au temps est une des causes les plus profondes de nos maux contemporains. Il place nos sociétés sous tension. Il délégitime le politique. Il risque d’aboutir au sacrifice des générations futures, bien au-delà de la dette et du réchauffement climatique. » (Gilles Finchelstein – La dictature de l’urgence)
« Subrepticement, imperceptiblement, le temps faisait son ‘travail de fossoyeur’ … Tout passe, aucun site, aucun séjour, aucun chez-soi ne déroge à la loi du temps. » (Alain Finkielkraut)
« Le malheur de la vie se passe à dire : ‘il est trop tôt’ – puis : ‘il est trop tard’. » (Flaubert)
« L’avenir est ce qu’il y a de pire dans le présent. » (Flaubert)
« Pour établir quelque chose de durable il faut une base fixe. L’avenir nous tourmente, le passé nous retient, et c’est pour ça que le présent nous échappe. » (Flaubert)
« Temps – Eternel sujet de conversation. Toujours s’en plaindre. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)
« Il n’y a pas de saint sans passé, ni de pécheur sans futur. » (pape François) – Le passé n’est pas un conditionnement. L’avenir est ouvert.
« Regarder le passé avec gratitude, vivre le présent avec passion et embrasser l’avenir avec espérance. » (pape François) – Beau programme
« Le temps n’a jamais travaillé pour personne. Il est à son propre compte. A la longue, il ne réussit à personne. » (André Frossard)
« Nous ne sommes pas spontanément présents à notre temps. Nous tendons à vivre ailleurs, en arrière, à côté, nous le traversons en somnambules. L’entreprise difficile est de devenir son propre contemporain. » (Marcel Gauchet)
« Si le passé n’est plus supposé nous contraindre, l’avenir ne constitue pas davantage un surmoi en mesure de nous dicter nos devoirs. » (Marcel Gauchet)
« Ne cherche pas dans l’avenir à retrouver jamais le passé. » (André Gide)
« Tout au long du XV° siècle face aux cloches des églises qui mesurent un temps variable avec la liturgie, les autorités urbaines créent un temps laïc mesuré et sonné par les horloges des beffrois … L’horloge apparaît, historiquement, comme la première machine du capital, celle dont le monopole d’emploi par une classe va régler l’usage des autres machines par une autre classe ; la mécanisation du temps est la condition première de la machinisation de la société. » (Jacques Le Goff – cité par Alain Gras)
« Qui dit le temps dit : le conseil, la prévoyance, l’occasion, la maturité des choses, etc. » (Baltasar Gracian)
« La béquille du temps fait plus de besogne que la massue d’Hercule. » (Baltasar Gracian)
« L’horloge apparaît, historiquement, comme la première machine du capital, celle dont le monopole d’emploi par une classe va régler l’usage des autres machines par une autre classe, la mécanisation du temps est la condition première de la machinisation de la société… C’est le fondement même de la transformation du travail en accumulation du capital. » (Alain Gras)
« La France tyrannisée par les horaires de la télévision. » (Alain Gras)
« Parce que nous ne pouvons rien changer au présent, alors que nous pouvons au contraire toujours changer l’image de l’avenir, nous percevons spontanément le présent comme une résistance, tandis que nous imaginons l’avenir complice de nos initiatives. » (Nicolas Grimaldi)
« Est-ce notre impatience de l’avenir qui nous fait éprouver l’indigence du présent, ou est-ce l’originaire carence du présent qui nous rend impatients de l’avenir ? » (Nicolas Grimaldi)
« Distinguer le temps, forme pure de l’attente, et le devenir, matérialité du changement. » (Nicolas Grimaldi)
« Nous faisons d’autant plus l’expérience du temps que nous faisons moins celle du mouvement ou du changement … C’est alors une même chose de sentir que plus rien ne se passe et de sentir passer le temps. » (Nicolas Grimaldi)
« Que pourrait être le temps, et serait-il même concevable, indépendamment d’aucune réalité qui dure, c’est-à-dire qui devient, qui vieillit et qui change ? »(Nicolas Grimaldi)
« Le temps est à la fois cette incorporation du passé et cette agitation de l’avenir dans le présent : continuité et changement, tradition et innovation, conservation et aventure. Inséparablement. » (Nicolas Grimaldi)
« L’attente est constitutive de la conscience que nous avons du temps. » (Nicolas Grimaldi)
« Les Occidentaux confondent l’éternité, qui réside essentiellement dans le ‘non-temps’, avec la perpétuité qui n’est qu’une extension indéfinie du temps. » (René Guénon – démontrant, une fois de plus, la vacuité bornée des conceptions occidentales)
« Le progrès procédait d’une interprétation judéo-chrétienne du temps ; le temps défini comme une ‘flèche’ orientée par opposition au temps cyclique et circulaire (le temps de l’attente et de l’espérance s’opposant à celui de l’éternel retour) des cultures païennes … Ce temps rectiligne, cette continuité orientée – salut pour les uns, progrès pour les autres –orientait notre histoire et lui donnait sens … justifiait l’organisation volontariste de nos sociétés et de nos vies… La thématique du temps droit rend les hommes coresponsables de la marche du monde … L’idée que les hommes sont engagés dans une ‘histoire’ et que cette dernière est chargée de promesses eschatologiques, cette idée fut ‘inventée’, si l’on peut dire, par le prophétisme juif il y a vingt-cinq siècles» (Jean-Claude Guillebaud) – Le ‘temps droit’ des prophètes.
« A l’époque des Lumières, on idéalisait volontiers l’Antiquité gréco-romaine. Au XIX°, c’était plutôt le monde féodal et courtois … mais on comptait encore en siècles. Entre les deux guerres, on idéalisa les années folles du début du même siècle. Hier encore les années 60 du baby boom, des scooters, des robes en Vichy et des Beatles. Aujourd’hui la décennie précédente, les années 80 … A ce rythme, on évoquera bientôt l’avant-dernier semestre en y voyant un âge d’or disparu. Ce prodigieux raccourcissement du passé replie le temps sur lui-même et le segmente en intervalles minuscules. Il n’a d’égal que l’imprévisibilité du futur le plus proche … Le réel change si vite qu’il nous paraît maintenant insaisissable. Le présent nous glisse entre les doigts comme une poignée d’eau avant même que nous ayons pu l’explorer et le comprendre … Nos ordinateurs sont périmés en un trimestre… » (Jean-Claude Guillebaud)
« Le présent a pris toute la place. Le passé, c’est-à-dire la mémoire humaine n’a plus la même emprise, au point que nos sociétés sont livrées à la versatilité de l’opinion, à l’émotion changeante, à l’urgence, toutes trois instantanées … Symétriquement la part du futur, c’est-à dire du projet, est réduite à peu de chose … Le futur ne vaut plus ce qu’il valait, il est dévalué … nous avons chassé son image de notre présent. » (Jean-Claude Guillebaud)
« On ne possède rien, jamais qu’un peu de temps. » (Eugène Guillevic)
« Le moment qui sème n’est pas celui qui moissonne. » (Jean Guitton)
« Il aurait moins perdu son temps s’il l’avait davantage donné. » (Fabrice Hadjadj – empruntant à Emmanuel Levinas ?)
« La concentration sur le présent implique une double libération : du poids du passé et de la crainte de l’avenir … Passé et avenir sont presque toujours source de souffrance (l’un nous échappe, nous chagrine et nous donne l’impression d’une imperfection, l’autre nous inquiète parce qu’il est incertain et inconnu) … Nous ne pouvons plus rien changer au passé, nous ne pouvons pas non plus agir sur ce qui n’est pas encore … le présent est le seul moment où nous pouvons agir. » (Pierre Hadot)
« La chouette de Minerve (l’oiseau de la sagesse qui voit dans l’obscurité) ne prend son envol qu’au crépuscule. » (phrase célèbre et énigmatique de Hegel) –« Le soupçon de Hegel : la perception de la réalité, apparaît seulement lorsqu’elle a accompli et terminé son processus de formation. » (Enrique Valiente Noailles) – Le retard pris par la conscience sur l’action. On ne comprend qu’après l’Idée qui agissait dans l’homme d’action. C’est au soir de la vie qu’on commence à penser en se détachant, ou bien la réflexion, méditation est nocturne, ou bien la philosophie est discrète, à l’écart de l’action, ou bien encore la conscience, l’esprit, n’émerge qu’au moment où tout va finir (catastrophisme actuel), la connaissance doit attendre pour la comprendre que la réalité soit réalisée ou en passe d’être, etc. etc.
« Est-ce que tout ce qui nous pesait dans ce monde ou nous était hostile ne disparaissait pas et ne se surmontait pas dés qu’on avait vaincu le temps, dés que par la pensée on pouvait faire abstraction du temps. » (Hermann Hesse)
« Le passé prend une grande importance par rapport au présent et le futur ne nous intéresse plus vraiment. » (Hermann Hesse ) – Sur la vieillesse .
« Le présent devient un éternel passé et le passé un éternel présent. » (Emmanuel Hoog – sur les rabâchages de l’hypertrophie mémorielle)
« Toutes les fois que nous n’avons pas de perceptions successives, nous n’avons pas de notion du temps. » (David Hume) – L’homme endormi ou inconscient.
« La tâche principale de la politique démocratique est d‘établir une médiation entre l’héritage du passé, les priorités du présent et les défis du futur. » (Daniel Innerarity)
« La logique de l’urgence destructure notre relation au temps, en le subordonnant toujours au moment présent. » (Daniel Innerarity)
« Comment des années si courtes se fabriquent-elles avec des journées si longues ? » (Vladimir Jankélévitch)
« Il mobilise toutes les idées fixes, console les chagrins les plus inconsolables, conjure les remords obsessionnels, dégèle enfin les rancunes tenaces. Il liquide en liquéfiant. » (Vladimir Jankélévitch)
« Le temps qui décolore toutes les couleurs et ternit l’éclat des émotions … amortit la joie comme il console la peine … endort la gratitude comme il désarme la rancune … sèche nos larmes mais éteint aussi la flamme de la passion … L’enthousiasme est voué à l’ossification, à la minéralisation, à la fossilisation … Ce temps-là est dégradation bien plus que maturation : car si l’évolution prévaut sur l’involution pendant la première partie de la vie, c’est finalement la dissolution qui a le dernier mot. » (Vladimir Jankélévitch)
« Un deuxième voyage à Taormina ne me donne pas l’éblouissement que le premier m’avait laissé … comment suppléer à ce charme inexplicable et rétrospectif de la première fois … La seconde fois ne sera jamais la répétition littérale de la première. » (Vladimir Jankélévitch) – Il faut être bien audacieux, ou bien inconscient, pour revenir sur ses pas.
« La nostalgie n’est-elle pas provoquée par l’irréversibilité du temps qui s’oppose irréductiblement à la rétrogradation. » (Vladimir Jankélévitch)
« L’éternité n’annihile pas le temps, elle en nihilise la possibilité … Elle n’est pas le ‘néant’ d’un temps aboli, mais le ‘rien’ d’un temps qui n’a jamais existé … La temporalité dure imperturbablement sans que nos passe-temps puissent rien pour hâter son cours … ‘Il faut attendre que le sucre fonde’ dit Bergson. » (Vladimir Jankélévitch)
« Une vie sans traces ni souvenirs ne se confondrait-elle pas avec la bienheureuse innocence (de la prime enfance). » (Vladimir Jankélévitch)
« Le futur du futurisme est plus abstrait que le passé du passéisme ; ce futur n’est pas tant une fresque émouvante et poétique à contempler qu’une construction morale et sociale à édifier ; c’est pourquoi le monde de l’eschatologie futuriste et de la fin des temps est une ville … au lieu que le paradis des origines est un jardin. » (Vladimir Jankélévitch)
« ‘Trop tôt’, l’intempestivité n’est pas incurable, il est encore temps, il y aura d’autres occasions ou l’occasion se reproduira. ‘Trop tard’, l’occasion perdue est perdue à jamais. » (Vladimir Jankélévitch)
« Le futur projette son ombre dans le présent insouciant. » (Vladimir Jankélévitch) – Lui enlevant ainsi son insouciance.
« L’altération, c’est-à-dire le temps, nous fait continuellement devenir autres, comme l’aliénation nous fait dépendre d’un autre. » (Vladimir Jankélévitch)
« J’ai réalisé que j’étais stupide, toujours de m’efforcer de gagner du temps, rien que pour pouvoir en perdre sans remords par la suite, Seulement, voilà, quand est venu le moment de le perdre, je me dis que c’est quand même dommage, et je m’ingénie à conserver mon avance, à gonfler mon capital. Qui, comme tous les capitaux, se dévalue. Je fais des économies de bouts de durée. Si je comprends bien je mourrai en avance. » (Lucien Jerphagnon – L’astre mort)
« Je sens qu’il me faudra compter sur rien de précis pour me distraire, que je devrai m’en charger seul, heure après heure … Je passe l’année à maudire les journées chargées, et quand je n’ai plus rien à faire, elles me manquent. Ou le temps me tue, ou je tue le temps. » (Lucien Jerphagnon)
« Songe au passé quand tu consultes, au présent quand tu jouis, à l’avenir dans tout ce que tu as à faire. » (Joseph Joubert)
« Les temps sont pour nous comme les lieux ; nous vivons dans les uns comme dans les autres ; nous en sommes environnés ; ils nous touchent, nous emboîtent, et font toujours sur nous quelque impression. Des lieux malsains et des temps corrompus nous infectent de leur contagion. » (Joseph Joubert)
« Imitez le temps. Il détruit tout avec lenteur. Il mine, il use il déracine, il détache et il n’arrache pas. » (Joseph Joubert)
« L’occupation de regarder couler le temps. » (Joseph Joubert)
« Le temps ne fournit pas seulement le cadre de la vie ; il est aussi le vêtement du destin. Il ne marque pas seulement ses limites à la vie, il est aussi sa propriété. A la naissance de chaque homme surgit le temps qui est le sien. » (Ernst Jünger)
« A quoi bon parler de ‘jamais’ et de ‘toujours’ ?
« Quand nous mourons, l’univers reste temporaire. » (Omar Khayyam)
« Ce long terme est un guide qui ne peut que nous égarer là où il s’agit d’affaires en cours. A long terme, nous sommes tous morts. » (Lord Keynes) – Fameux précurseur, dans les années 1930, de notre modernité.
« Ne vaudrait-il pas mieux désirer être contemporain de soi-même ! Qu’il est rare, en effet, le véritable contemporain de soi-même ; car la plupart sont à des centaines et des milliers de lieues en avant d’eux- mêmes. » (Kierkegaard)
« Le facteur temps ne sonne jamais deux fois. » (Etienne Klein)
« Le temps apparaît comme un continuel perfectionnement qui n’aboutit jamais à aucune perfection ; mais un perfectionnement sans fin suscite nécessairement le sentiment de vivre sur un mode provisoire, et au-delà : un sentiment de vide et de perte du sens. Un tel temps évoque l’image d’une voracité sans fond et d‘un gouffre insondable. » (Karel Kosik)
« Décaler l’heure, avec l’horaire d’été, sans tenir compte de l’horloge biologique, c’est un signe du mépris que l’on a pour le temps. » (Emmanuel Le Roy-Ladurie) – Mépris de tout ce qui ne se réduit pas à la contemplation de notre nombril.
« L’espace, signe de notre puissance, le temps signe de notre impuissance. » (Jules Lagneau)
« L’urgence et sa propension à envahir le champ social et à gagner l’ensemble des activités. L’urgence est passée du statut de temporalité exceptionnelle et confinée au statut de temporalité ordinaire et généralisée … L’urgence est passée du régime de l’action (‘agir dans l’urgence’) à celui de la représentation (‘ne penser le temps qu’au travers de l’urgence’). » (Zaki Laïdi)
« L’urgence, l’occultation des fins au profit des seuls moyens, l’exacerbation de la tension entre le court terme, sur lequel on se concentre, et le long terme, que l’on expulse, la création d’une ‘demande d’urgence’ par l’existence même d’une offre d’urgence croissante et professionnalisée, voire étatisée … L’urgence mobilise une ressource décisive : l’émotion. Et, par le jeu des média, elle renforce à l’échelle mondiale la sentimentalisation des sociétés modernes … laquelle émotion légitime l’action immédiate et disqualifie par avance toute contestation de cette immédiateté … Absolutisation de la ‘morale du présent’ (Luc Boltanski) … Les professionnels de l’urgence sont amenés à susciter les demandes d’urgence. » (Zaki Laïdi) – Le soi-disant humanitaire.
« L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
« Il coule, et nous passons ! » (Lamartine)
« ‘Ô temps, suspends ton vol ! – Je veux bien dit le Temps, mais combien de temps ? » (réponse à l’apostrophe Lamartinienne – citée par Marc Augé)
« Le temps cyclique combat l’horreur du temps. » (Gilles Lapouge)
« Vivre au présent, rien qu’au présent, et non plus en fonction du passé et du futur, perte de sens de la continuité historique. » (Christopher Lasch)
« Le refus du passé, attitude superficiellement progressiste et optimiste, se révèle … la manifestation du désespoir d’une société incapable de faire face à l’avenir … Nous sommes en train de perdre le sens de la continuité historique, le sens d’appartenir à une continuité de générations qui, nées dans le passé, s’étendent vers le futur. Déclin du sens du temps historique… » (Christopher Lasch)
« L’humanité vit tout entière dans l’ère chrétienne et sur la base de l’heure GMT … Au Moyen Âge la datation variait d’un pays à l’autre, le début de l’année commençait ici ou là le jour de Noël, le 1 mars à Venise, le 25 mars en Angleterre, tantôt le 25 janvier, tantôt le 25 mars à Rome, en Russie à l’équinoxe de janvier, en France le jour de Pâques, le jour d’une fête mobile, les années françaises variaient de 330 à 400 jours !, la Russie n’est passée du calendrier julien au calendrier grégorien… qu’en devenant l’Union soviétique… » (Serge Latouche)
« L’être malheureux est celui qui louche toujours vers le passé ou vers l’avenir, l’être heureux, celui qui cherche non point à s’évader du présent, mais à le pénétrer et à le posséder. » (Louis Lavelle)
« Le passage de la montre traditionnelle à la montre digitale qui n’indique plus que l’instant actuel sans référence ni au passé ni à l’avenir. » (Jean-Pierre Lebrun – donnant un exemple anodin de substitution, par la science, de la temporalité historique par une temporalité purement opératoire)
« Nous étions accoutumés à l’idée que le temps va quelque part. » (Emmanuel Levinas – sur le progrès)
« Le temps est comme l’argent. N’en perdez pas vous en aurez assez. » (duc de Lévis)
« Passé inculpé, présent disculpé. Le fanatisme moderne prône donc un irrespect barbare pour toute forme d’héritage. » (Elisabeth Lévy) – Si tout était mal (la France moisie de Philippe Sollers, celle de Vichy, le Moyen Âge, la royauté…) tout est donc forcément bien.
« Les gens qui n’ont jamais le temps sont ceux qui en font le moins. » (Georg Christoph Lichtenberg)
« L’automne raconte à la terre les feuilles qu’elle a prêtées à l’été. » (Georg Christoph Lichtenberg)
« L’homme qui vit en trois lieux, le passé, le présent et l’avenir, peut être malheureux quand l’un de ces trois lieux ne sert plus à rien. » (Georg Christoph Lichtenberg)
« Quand le futur apparaît menaçant et incertain, reste le repli sur le présent, qu’on ne cesse de protéger, aménager et recycler dans une jeunesse sans fin. Simultanément à la mise entre parenthèses du futur, c’est à la ‘dévaluation du passé’ que procède le système, avide de larguer les traditions … et d’instituer une société sans ancrage ni opacité. » (Gilles Lipovetsky)
« D’un monde centré sur l’organisation du temps de travail, on est passé à un univers marqué par la démultiplication des temps sociaux, par le développement de temporalités hétérogènes (temps libre, consommation, loisirs, vacances, santé, éducation, horaires variables, temps de la retraite…). D’où l’accumulation des problèmes d’organisation et de gestion du temps social … Il n’y a pas seulement accélération des rythmes de la vie, il y a conflictualisation subjective de la relation au temps … Que privilégier et comment ne pas regretter telle ou telle option lorsque le temps est détraditionnalisé, livré au choix des individus ? » (Gilles Lipovetsky)
« Notre société-mode a liquidé définitivement la puissance du passé s’incarnant dans l’univers de la tradition, elle a également infléchi l’investissement sur l’avenir qui caractérisait l’âge eschatologique des idéologies. Nous vivons dans les programmes courts, le changement perpétuel des normes, la stimulation à vivre tout de suite : le présent s‘est érigé en axe majeur de la durée sociale. » (Gilles Lipovetsky)
« Alors que dans la conception qu’on vient de voir (cycles sans fin, éternel retour, rythme du yin et du yang, aspir et respir de Brahma, danse de Siva…) ‘le déroulement des temps n’est qu’un devenir sans substance où rien ne se passe parce que tout y passe’, selon le christianisme au contraire la durée est quelque chose de bien réel. Elle n’est pas un éparpillement stérile … Les faits ne sont plus seulement des phénomènes, ils sont des événements. » (cardinal Henri de Lubac – citant Jean Guitton)
« Le temps s’exprime au travers de trois modalités : passé, présent et avenir. Et, suivant les époques, c’est telle ou telle modalité qui sera privilégiée … L’époque qui caractérise la culture occidentale, la sensibilité par laquelle celle-ci s’exprime, met essentiellement l’accent sur l’avenir … Le processus de représentation : grands systèmes philosophiques, projets politiques, n’est que la traduction de cette modalité du temps. » (Michel Maffesoli)
« L’instant, l’opportunité, le moment vécu représentent l’alternative absolue à la philosophie de l’histoire ou du progrès qui s’est lentement élaborée tout au long de la modernité. » (Michel Maffesoli)
« L’Homme est assujetti au temps ; et, néanmoins, il est par nature étranger au temps, il l’est même au point que l’idée du bonheur éternel, jointe à celle du temps, le fatigue et l’effraie. » (Joseph de Maistre)
« Quelle illusion que le temps ! Nous pensons être assis sur le rivage à le regarder passer alors qu’il est en fait immobile et que c’est nous qui passons. » (Francis Malka) – « Le Temps ne passe pas, c’est nous qui passons. » (Ronsard)
« Le temps est essentiellement affectif. » (Stéphane Mallarmé)
« II ne faut pas neuf mois pour faire un homme, mais 77 ans. » (André Malraux – Les conquérants)
« On doit donc conclure qu’il existe dans la nature humaine une disposition qui lui donne perpétuellement la force d’immoler le présent à l’avenir, et par conséquent la sensation à l’idée … La nature de l’homme est tellement disposée au sacrifice que la sensation présente est presque infailliblement sacrifiée lorsqu’elle est en opposition avec une sensation future, c’est-à-dire avec une idée. » (Pierre Manent – cité par Zaki Laïdi)
« Tout homme avancé dans son âge sait que le temps ne s’écoule pas de manière uniforme. Certaines périodes disparaissent d’un bloc dans l’oubli. A l’inverse, d’autres séquences de la vie, parfois remarquablement brèves, prennent une place écrasante au soir de l’existence. » (Hélie de Saint Marc)
« Le cours du temps est l’allié le plus naturel de la société dans l’effort pour maintenir la loi et l’ordre, le conformisme, et les institutions qui relèguent la liberté au rang des utopies perpétuelles ; le cours du temps aide les hommes à oublier ce qui était et ce qui peut être : il leur fait oublier ce qui était meilleur dans le passé, et ce qui peut être meilleur dans l’avenir. » (Herbert Marcuse)
« Il importe de s’élever au-dessus du temps, non pour abandonner les choses du temps mais pour arracher la pensée aux images univoques qui la tiennent dans l’illusion. C’est le premier moment. Au second moment, on reviendra au siècle avec une pensée purifiée, capable de respecter à la fois l’éternel et le changeant, de faire elle-même dans le flux du devenir et du nouveau un ordre qui soit le reflet passager des vérités immobiles. » (Jacques Maritain)
« Privés de retour éternel aussi bien que d’éternité, les Modernes se meuvent dans un temps vide et chaotique qui vient de nulle part et ne mène nulle part. » (Jean-François Mattéi)
« Le cœur du marché bat à la Bourse, or la Bourse vit dans l’immédiat ; nous n’avons de ce fait plus aucune perspective temporelle. » (Bertrand Méheust) – Aucune prévision, aucune raison, aucune limite.
« Le présent est haché, envahi, rempli par une masse d’informations … Cela veut dire concrètement que le présent est bouché, qu’il n’y a plus de place pour y faire entrer quoi que ce soit … Le sentiment corrélatif est d’être débordé, miné … poussé en avant … Le temps devient une suite d’urgences … Urgence généralisée qui tient avant tout aux moyens de communication et d’information à notre disposition … Ce temps saturé d’événements et d ‘informations tombe sous un présentisme qui ronge et fait disparaître les autres dimensions temporelles … Impossibilité de mettre les choses en perspective en les articulant et en les hiérarchisant … Ce qui se perd ainsi, c’est la réflexion, la réflexion comme arrêt de la pensée parce que l’expérience fait problème ou parce que l’on souhaite s’orienter en prenant le temps … L’urgence du présent débarrasse de la réflexion : il faut parer au plus pressé, traiter les urgences. » (Yves Michaud)
« Le temps, élément premier dans lequel peuvent se construire des relations humaines véritables … Dés lors que la mobilité perpétuelle des individus devient l’impératif anthropologique premier d’une société, c’est, par conséquent, la possibilité même de nouer des liens solides et durables qui disparaît. » (Jean-Claude Michéa)
« Volonté politique de contrôler le temps de cerveau disponible par la propagande publicitaire et l’industrie du divertissement (fêtes et jeux, entre autres). » (Jean-Claude Michéa) – Nos politiciens n’auront même pas la clarté du patron de TF1 reconnaissant que ce ce qu’il vendait à Coca-Cola c’était du temps de cerveau disponible (intervalles de publicité).
« L’idée, hélas encore trop répandue de nos jours, selon laquelle nous serions réellement en ‘2018’ ne peut évidemment avoir de sens que dans une perspective outrageusement chrétienne (voire islamophobe) et relève donc, à ce titre, d’un préjugé typiquement postcolonial et ethnocentrique … sans se cacher qu’il est toutefois peu probable que les élites religieuses de la planète réussissent à s’accorder pacifiquement sur le principe d’une divinité commune. » (Jean-Claude Michéa) – Heureusement, l’habile auteur a une autre solution… Trouver une date de départ de l’ère de la mondialisation heureuse. Bravo et merci à lui – qui plaisantait dans un cadre plus large.
« Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui. » (Paul Morand)
« Le vrai luxe, et que personne ne pense plus à s’offrir, c’est de prendre son temps. » (Paul Morand)
« On a l’âge de son temps bien plus que de ses artères. Le nôtre est encore plus ridicule que puéril ; mais il est ridicule d’abord par l’entrain qu’il met à se puériliser sans retour. » (Philippe Muray)
« La mémoire et l’imagination sont toutes deux des négations du temps. » (Vladimir Nabokov)
« Le temps ne peut plus être circulaire. Il n’y aurait pas de sens, en effet, à se donner pour programme de lutter contre le mal, si l’on pensait que le futur ne peut pas être différent du passé. » (Philippe Nemo)
« Ils sont d’avant-hier et d’après-demain. Ils n’ont pas encore d’aujourd’hui. » (Nietzsche) – sur ses compatriotes, les Allemands. Mais on peut étendre.
« Les humains choisissent le proche contre le lointain, de même qu’ils choisissent le présent contre l’avenir. » (Jean-Luc Nancy)
« Le temps est le capital le plus précieux, l’usage qu’on en fait la pratique la plus sérieuse. Pas de duplication, pas de répétition, chaque seconde est unique et ne se répètera pas. L’éternel retour se fait sur le mode de l’universel, jamais du particulier. La douleur reviendra… (toutes choses reviendront), mais les moments d’incarnation subjectifs et singuliers n’auront qu’une seule et définitive occurrence … ‘Jamais on ne descend deux fois dans le même fleuve’ (Héraclite). » (Michel Onfray)
« J’aime le passé, c’est tellement plus reposant que le présent et plus rassurant que l’avenir. »(un personnage de Max Ophüls)
« Personne ne sait qui c’est. Il n’a ni taille, ni forme, ni odeur, ni saveur. Il est dissimulé et secret. Aussi présent que l’espace, il n’est pourtant jamais là. Il est toujours ailleurs. Il a quelque chose d’un voyou. Comme la pensée et l’esprit, il est subtil et inquiétant. » (Jean d’Ormesson)
« Avec son passé qui n’est plus, son avenir qui n’est pas encore et son éternel présent toujours en train de s’évanouir entre souvenir et projet, le temps est la plus prodigieuse de toutes les machineries … Comment expliquer cette transformation d‘un avenir en passé à travers un présent qui nous semble si simple et si évidente ? » (Jean d’Ormesson)
« Nous ne pouvons pas échapper à son passage implacable. Mais nous ne le connaissons pas. Nous ignorons tout de son origine, de sa nature et de sa signification. Il est le plus proche et le plus profond des mystères qui nous entourent. » (Jean d’Ormesson) – Nous en parlons sans cesse, il nous enveloppe, nous fait et nous défait et nous ne savons rien de lui, même s’il est vraiment.
« Nous sommes vainqueurs de l’espace, forme de notre puissance. Nous sommes vaincus par le temps, forme de notre impuissance. Nous ne pouvons agir sur l’avenir qu’à partir du présent. Nous ne pouvons nous souvenir du passé qu’à partir du présent. Nous sommes prisonniers d’un présent qui n’existe pas. » (Jean d’Ormesson)
« L’avenir n’a de sens que parce qu’il sort d’un passé. » (Jean d’Ormesson) – Et comme on a aboli le passé, il n’y a plus d’avenir, plus d’espérance.
« Qui a confiance dans le passé n’est pas effrayé par l’avenir, car il est assuré de trouver dans le passé la tactique, la voie, la méthode pour se soutenir dans le lendemain problématique. Le futur est l’horizon des problèmes, le passé la terre ferme des méthodes, des chemins que nous croyons avoir sous nos pieds. » (Ortega Y Gasset) – « Aristote affirme qu’en matière de délibération politique l’argument qui convient est celui de l’exemple tiré de l’histoire, qui pourra par comparaison éclairer le présent et l’avenir. C’est en raisonnant sur les stratégies mises en œuvre par le passé, dont on a le loisir de mesurer l’échec ou la réussite dans telle situation qui ressemble à la nôtre, puisque du passé on a cette chance de connaître la suite, qu’on pourra décider de l’action la plus utile à entreprendre. Les militaires, qui étudient les batailles de leurs prédécesseurs avec la plus grande attention, le savent mieux que quiconque : l’histoire est un modèle riche d’enseignements » (Laurence Simon) .– C’est bien pour amener les hommes vers encore plus de soumission abêtie que les déconstructeurs de tous poils s’efforcent de vomir et d’annuler le passé.
« Celui qui contrôle le présent, contrôle le passé, mais celui qui contrôle le passé contrôle le futur. » (George Orwell – 1984)
« Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir ou nous rappelons le passé … Nous errons dans des temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient … Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé ou à l’avenir … Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; Le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. » (Blaise Pascal)
« Celui qui n’a a pas de veille, comment lui fera-t-on un lendemain ?» (Charles Péguy)
« De circulaire le temps est devenu linéaire, de mythique il est devenu historique. » (Evelyne Pewzner)
« La conception linéaire du temps donne à la frustration et à l’échec une dimension dramatique et à la faute la marque de l’irréparable … rendant sans doute plus aiguë l’angoisse du temps qui passe, plus âpre le désir d’appropriation, plus radicale et désespérante toute séparation. La représentation de la mort se rattache en Occident à toute la pensée dualiste : Vie et mort sont antagonistes. » (Evelyne Pewzner)
« Le commencement est comme un Dieu qui, aussi longtemps qu’il séjourne parmi les hommes, sauve toute chose. » (Platon – cité par Gustave Thibon)
« Nous n’avons conscience du temps que par les seuls événements. C’est la raison pour laquelle nous le définissons comme une succession d’événements. » (E. A. Poe)
« Une époque qui adule le présent au point d’interdire à quiconque de regretter ne serait-ce qu’une part infime du passé est une époque totalitaire. » (Natacha Polony) – Diffuser l’inculture et la sauvagerie.
« Chaque nuit, dans nos rêves … notre âme n’a pas d’âge et l’irréversibilité n’est pas ce qui caractérise le temps. » (Jean-Bertrand Pontalis)
« C’est l’horloge qui a fait de nous des gardiens du temps, puis des gens soucieux de gagner du temps et maintenant des esclaves du temps. » (Neil Postman)
« Les moments de jachère de l’esprit ou des mains sont des moments privilégiés pour l’assimilation de l’expérience vécue, qui passent progressivement de la surface au cœur. Le temps perdu féconde notre réflexion en nous faisant sortir du ‘court-termisme’ et de l’efficacité à tout prix. Il faut donc l’accueillir … en acceptant de ne rien faire d’autre. » (un prêtre)
« Le temps mène la vie dure à ceux qui veulent le tuer. » (Jacques Prévert)
« Je vous fait perdre votre temps, Céleste – Monsieur, mon temps n’est pas si précieux. Celui qui l’a fait ne nous l’a pas vendu. » (Proust, dialogue avec sa servante – cité par Philippe Delerm)
« Le déroulement du temps n’affecte plus ici la figure d’un cercle mais celui d’une ligne droite, finie à ses deux extrémités, ayant un commencement et une fin absolus, et au nom de laquelle, voulue par Dieu, se déploie le devenir total du genre humain. » (Henri-Charles Puech – cité par Alain Finkielkraut – sur la conception du temps apportée par la Bible)
« Aujourd’hui est une passerelle qu’il ne faut pas charger des regrets d’hier ni des soucis de demain sous peine de la voir s’écrouler et nous de perdre pied. Hier ne m’appartient plus, demain ne m’appartient pas. » (prière trouvée sur une religieuse, Odette P. – assassinée dans les années 90 en Algérie)
« Qui s’embarrasse à regretter le passé perd le présent et risque l’avenir. » (Francisco de Quevedo)
« Le temps et moi nous valons deux hommes. » (Charles Quint)
« L’éternité n’est pas ce qu’il y a de plus ancien, ce qui était avant le temps, mais ce qui est tout autre ; elle est pour chaque moment du temps qui passe l’aujourd’hui, elle est pour lui présent, elle n’est pas enfermée entre un ‘avant’ et un ‘après’, elle est au contraire puissance du présent en tous les temps. L’éternité n’est pas à côté du temps, elle est la force créatrice qui porte tous les temps, qui englobe le temps qui passe en son unique présent et lui permet d’être. » (cardinal Joseph Ratzinger)
« L’effacement du monde commun s’est effectué en deux temps. Le présent a commencé par pencher du côté de l’avenir, à repousser la tradition, à congédier le passé pour construire un monde meilleur. Ensuite, peu à peu, on a cessé de se préoccuper de l’avenir. L’évolution a sa logique : l’avenir ayant été identifié au progrès, quand les événements ont mis à mal la croyance en ce progrès on n’a plus su que faire de l’idée d’avenir, vidée de tout contenu … Mais le congédiement du passé a produit autre chose qu’un nouveau monde, il a ouvert sur un monde en changement perpétuel. » (Olivier Rey) – Donc sur le désordre et l’horreur.
« Changement d’horizon temporel. La modernité se déployait sur fond d’avenir infini, la postmodernité ne sait pas s’il y a un avenir. » (Olivier Rey)
« L’homme passe sa vie à raisonner sur le passé, à se plaindre du présent, à trembler pour l’avenir. » (Rivarol)
« Tout passe devant lui, et nous croyons que c’est lui qui passe … La plus grande illusion de l’homme est de croire que le temps passe. Le temps est le rivage ; nous passons, il a l’air de marcher. » (Rivarol)
« Nous n’avons plus de temps alors que nous en gagnons de plus en plus. » (Hartmut Rosa)
« Le temps s’en va, le temps s’en va, ma dame,
« Las ! Le temps non, mais nous nous en allons. » (Ronsard)
« Le présent actuel est bref, l’avenir est douteux, et le passé certain. » (Clément Rosset)
« A la détresse qui consiste à contester ce qui est au nom de ce qui était (et pourtant tu m’aimais, nous nous aimions naguère !), il convient d’ajouter l’espoir tout aussi dérisoire qui consiste à contester le ‘il est’ au nom de ce qui sera ou pourra être … Hallucination symétrique … Tout comme la projection dans le passé des attributs de l’existence aboutissait à faire douter du présent au bénéfice des certitudes du passé, leur projection dans le futur aboutit à ce paradoxe que le présent devient incertain et le futur assuré. » (Clément Rosset)
« C’est quand il n’y a rien à faire que le temps devient perceptible … Le temps comme durée pure, source d’ennui et d’angoisse. Or il n’y a jamais rien de sérieux à faire … Il est donc toujours urgent de ne pas laisser le temps s’écouler à vide, d’improviser dans l’instant … une occupation de rechange telle que le temps puisse s’écouler sans dommage … Le problème du temps est qu’il ne ‘passe’ (c’est-à-dire s’oublie) que si on a quelque chose à faire … Les trous d’air doivent être constamment amortis par les manœuvres du pilote, s’il veut éviter que son appareil ne s’écrase à terre … Le mieux est d’agir et le pire de réfléchir … jouer au philosophe contribue à aggraver le mal plutôt qu’à l’apaiser. Bref, il faut combler le trou et peu importe avec quoi, pourvu que ce quoi soit un tant soit peu matériel … L’ennui, donnée fondamentale, puisque c’est lui qui déclenche la parade, si dérisoire soit-elle, destinée à suspendre l’effet corrosif du sentiment du temps. » (Clément Rosset)
« Ce qui vient occuper le temps, l’emploi du temps justement, est aussi ce qui rend le temps imperceptible, insensible, hors conscience et comme hors champ … Il est urgent de ne pas laisser le temps s’écouler à vide, d’improviser dans l’instant … une occupation de rechange telle que le temps puisse continuer à s’écouler sans dommage … L’expression ‘Passer le temps’ signifie principalement qu’on a trouvé un investissement tel que précisément le tems ne passe plus, ou plutôt qu’on a trouvé le moyen d’oublier que le temps passait … Car le temps ne ‘passe’ (c’est-à-dire s’oublie) que si on a quelque chose à faire. » (Clément Rosset)
« J’ai fini par acquérir durablement le sentiment de l’éphémère. » (Jean Rostand)
« Il te restera toujours assez de temps à perdre si tu n’en donnes pas à des sottises. » (Jean Rostand)
« Autrefois, avant la grande guerre, la vie ou la mort d’un homme n’était pas encore chose indifférente. Quand quelqu’un disparaissait du nombre des vivant, un autre ne prenait pas immédiatement sa place pour faire oublier le mort, il restait un vide où il manquait … Il en était ainsi en ce temps-là … Les maçons travaillaient lentement …Tout ce qui grandissait avait besoin de beaucoup de temps pour grandir, tout ce qui disparaissait avait besoin de beaucoup de temps pour se faire oublier. Tout ce qui avait existé un jour avait laissé des traces et l’on vivait alors de souvenirs comme l’on vit aujourd’hui de la faculté d’oublier vite et définitivement. » (Joseph Roth – La marche de Radetzky)
« Il est un événement qui assure l’unicité du temps et lui confère un sens : c’est la venue sur terre et le sacrifice du Fils de Dieu, la Rédemption … le temps linéaire. » (Frédéric Rouvillois)
« Il est toujours affecté d’un signe : créateur pour les progressistes, destructeur pour les tenants de la décadence. Il n’épargne rien et anéantit tout. » (Frédéric Rouvillois – interprété)
« Les Almanachs, les Calendriers, les Riches Heures font aimer le grand ennemi de toute vie, le temps … Les clergés, autrefois, étaient des groupes d’experts dans la science du temps, des dates de fêtes. » (Raymond Ruyer)
« L’abandon du temps par la civilisation est frappant en Occident. Ce qu’on appelle ‘l’accélération de l’histoire’, c’est plutôt le raccourcissement de l’envergure temporelle dans la vie sociale … Cette accélération est surtout celle des ‘usures’ … On peut organiser avec beaucoup plus de fantaisie ce qui n’est pas destiné à durer … Pour un ‘renonçant’ du temps, une foule de dissipations, de libérations, de transgressions, de gaspillages et de libertinages, d’imprévisions, d’extravagances cessent d’être insensés et dangereux pour l’avenir, puisqu’il n’y a plus d’avenir. … Des décors de théâtre pour un petit nombre de représentations n’ont pas besoin d’être solide. » (Raymond Ruyer)
« Le respect de la discipline du temps fut imposé … bien avant le machinisme industriel … Mais le changement technique et la propagande puritaine ont eu partie liée pour ajouter au temps de travail mesuré par l’horloge l’adoption généralisée de ‘l’horloge morale intérieure’, qui enjoint de bien employer son temps, de ne pas le gaspiller, de le gérer comme une monnaie … Le dressage moral et physique de la main-d’œuvre à l’âge du capitalisme industriel trouve dans la mesure scientifique du temps à la fois sa référence, son étalon, sa valeur et sa sanction ; le modèle de la discipline du travail et d’une morale de la discipline. » (Jean-Jacques Salomon)
« Le temps ronge et creuse, il sépare, il fuit. Et c’est encore à titre de séparateur – en séparant l’homme de sa peine ou de l’objet de sa peine – qu’il guérit. » (Jean-Paul Sartre)
« Vivre dans le symbolique, c’est avoir le temps. Avoir avec le temps d’autres rapports que ceux de l’homme pressé de l’Occident. » (Michel Schneider)
« Le temps démocratique est un temps court, le temps médiatique l’abrège encore. » (Michel Schneider)
« Prédire le futur et récrire le passé. Leur idéal serait sans doute de prédire le passé. » (Michel Schneider – sur les socialistes, pris au sens générique, idéologique, non politique, plutôt les progressistes)
« Les mères aimeraient arrêter le temps, ramener l’espace de l’enfant au temps de leur corps … Elles voudraient que seuls comptent le présent des soins et des soucis. » (Michel Schneider)
« L’homme ordinaire se préoccupe de passer le temps, l’homme de talent de l’employer. » (Schopenhauer)
« Les heures de l’enfant sont plus longues que les journées du vieillard. » (Schopenhauer)
« La capacité d‘adaptation par la perte de l’expérience continue du temps … Le temps vécu en une poussière d’instants … L’aptitude à vivre dans un monde fictif, où rien n’assure la primauté de la vérité par rapport au mensonge … Celui qui vit dans un tel temps discontinu est délivré de toute responsabilité vis-à-vis de la vérité, mais aussi de tout intérêt à la faire valoir. Si le sens de la vérité se perd, tout est permis et c’est bien ce que l’on constate … ‘Agis comme s’il ne devait jamais exister de futur.’ (Raoul Vaneigem). » (Jaime Semprun – Sur « Le trait principal du gauchisme, véritable avant-garde de l’adaptation, préfigurant ce qui allait devenir la mentalité dominante des nouvelles générations, reconnu comme caractéristique de la mentalité totalitaire. »
« Seuls s’accrochent à l’avenir ceux dont le présent est stérile … Tu seras moins dépendant de demain si tu t’empares d’aujourd’hui … On remet la vie à plus tard, pendant ce temps elle passe. » (Sénèque)
« Le régime temporel du néocapitalisme a créé un conflit entre le caractère et l’expérience, l’expérience d’un temps disjoint menaçant l’aptitude des sens à se forger un caractère au travers de récits continus. » (Richard Sennett) – « L’homme-réseau est pris dans un flux où il ne peut ni commencer ni finir … Nœud de passage entre ce qui lui est transmis le plus rapidement possible et ce qu’il a pour charge de convertir et de transmettre de même à son tour … Les termes d’avant et d’après prennent un caractère plus topographique qu’historique. ‘L’avant’ correspond à l’amont du réseau et ‘l’après’ à l’aval de ce même réseau. » (Zaki Laïdi)
« Toi-même tu crées le temps, tes sens le forme
« Laisse l’inquiétude et le temps sera aboli. » (Angélus Silésius)
« L’événement et l’état comme les deux formes catégorielles des contenus de nos vies et de l’Histoire. Quiconque a un destin extérieur ou une histoire intérieure un peu mouvementée éprouve peut-être l’existence d’un tournant dans sa vie qui la partage durablement entre un avant et un après (conversion, mariage…), points de coagulation du temps qui passe … Un point culminant qui organise l’informe du flux temporel en traçant une ligne de partage … Nous posons certains événements, certaines personnes, certaines époques comme des points fixes pour désigner les processus historiques comme ayant eu lieu avant ou après eux (en histoire : fondation de Rome, naissance du Christ, Révolution française…) … Dans le courant de la vie qui progresse, nous posons des jalons en désignant un moment dans le temps comme déterminant, de sorte qu’à partir de là nous pouvons compter en avant et en arrière …. Mais une autre cristallisation saisit à son tour des laps de temps plus étendus, le concept d’état reflétant l’atmosphère générale de périodes où l’on voit les réalités, les événements singuliers, comme formant une totalité de ton relativement homogène (en histoire : Moyen- Âge, Renaissance…). » (Georg Simmel – simplifié, interprété) – Deux appréhensions du temps.
« Il est devenu difficile, inutile et peut-être aussi absurde de se représenter un futur au sens propre, à savoir distant et projeté, parce que le futur aujourd’hui est surtout un immense agrégat d’inquiétudes (les ‘insécurités que nous nous sommes nous-mêmes fabriquées’ selon la formule d’Anthony Giddens) dont il est préférable de s’éloigner … La forte propension à la consommation comporte en revanche une concentration extrême sur le présent, sur le fait d’avoir et d‘agir rapidement, sur l’acquisition pour consommer, avant que ne cesse la mode qui justifie cette consommation. » (Raffaele Simone)
« A partir du milieu du XVIII° siècle … réinterprétation du rapport entre passé et futur … ce sont les fins et non plus les commencements qui décideraient du sens des épisodes survenant au milieu. Ce seraient les futurs qui compteraient réellement et non les origines. » (Peter Sloterdijk)
« Temps circulaire oriental, considéré comme une transposition du retour des saisons à l’échelle de la durée du monde … celle-ci constituée de cycles identiques qui se succèdent et se répètent et temps rectiligne occidental, développement continu d’un passé insondable vers un avenir indéfini où chaque événement est singulier, situé … Il n’est pas sans conséquence que le temps soit tenu pour linéaire ou pour circulaire. Une histoire considérée comme cyclique … tend à exclure la notion même de progrès puisque tout s’y répète indéfiniment à intervalles fixes … La chronologie n’est pas sentie comme une succession indéfinie, pratiquement imprévisible, mais comme une totalité close qui se répète indéfiniment dans un ordre immuable. » (Peter Sloterdijk)
« Au commencement de la pensée historiale chrétienne, la transformation du temps du monde en un temps d’attente qui rétrécit l’horizon à la courte période qui sépare la crucifixion de la réapparition du Messie. Ce minimum qui a dû servir de point de départ aux élargissements ultérieurs de l’horizon qui sont devenus nécessaires quand on commençait à ne plus pouvoir accomplir dans son existence l’attente du retour … Sans le christianisme il n’y aurait pas de périodisation de l’histoire … Devenue encombrante, non plausible, la pensée d’une fin dernière est cachée par la philosophie d’un progrès infiniment perfectible … Ainsi depuis le XVIII° siècle, des idées chrétiennes agissent contre le christianisme traditionnel … en donnant naissance à des philosophies de l’histoire résolument postchrétiennes ou antichrétiennes … L’impulsion des Lumières, puis du marxisme qui rend à la conception moderne du progrès la perspective messianique d’un commencement de la fin … Jamais l’abandon de l’histoire linéaire et le retour à un ordre cyclique des choses n’a été aussi invraisemblable que maintenant. » (Peter Sloterdijk)
« Le grand art c’est de vivre au moment présent sans s’enfermer dans l’instant présent. C’est-à-dire en ayant toujours le sentiment d’un avenir, d’un temps long, du passé, de tout cela, tout en étant pleinement dans l’instant présent. » (Marc de Smedt – sur le Zen de maître Deshimaru)
« Que signifie la disparition des horaires fixes dans la vie d’un famille, voire à l’échelle de la société ? … Plus aucun domaine n’échappe à la désynchronisation des horaires. » (Géraldine Smith)
« Lorsque la périodisation de l’existence (un temps pour se former, un temps pour travailler, un temps pour se distraire..) n’a plus cours, c’est l’existence même qui est affectée. » (Paul Soriano)
« C’est ainsi que se dessine un monde sans durée, où seraient progressivement marginalisées les activités dont l’essence même requiert la durée, celles qui ne peuvent s’exercer qu’à l’abri des événements, en mode ‘déconnecté’ : lire, écrire, parler (ce qui s’appelle ‘parler’), étudier, penser, prier, délibérer, légiférer, gouverner… » (Paul Soriano) – A propos de l’idéologie et de la pratique du Just in time.
« Les théologiens ne s’y sont pas trompés … L’éternité, n’est pas un temps infini (quoi de plus insupportable qu’un paradis sans fin, sans issue,), mais l’absence de temps, l’absence de passé et d’avenir, un présent qui reste présent, aussi impossible à mesurer qu’à diviser … ‘Dans l’éternité, rien n’est successif, tout est présent.’ (saint Augustin). » (André Comte-Sponville)
« Le passé s’embellit à nos yeux des ennuis du présent. » (baron de Stassart)
« Il y a quelque chose de comique dans les obligations que le siècle présent impose aux siècles futurs : ‘les siècles futurs en parleront encore’, ‘à l’avenir on se souviendra…’ La postérité sera comme nous, elle n’emploiera ses pensées et son temps qu’aux choses présentes. » (Jonathan Swift)
« La société libérale-démocratique est bien ‘coincée sur la mince passerelle du temps’ (Milan Kundera), et l’homme moderne … en ce qu’il est ‘coupé de tout projet comme de tout héritage’ (Jean Chesneaux), ‘éprouve de plus en plus de difficultés à se penser dans la dimension du temps’ (Georges Balandier). Un temps sans horizon dans un monde sans avenir, un vécu temporel emprisonné dans le précaire et l’éphémère … L’expérience de cette temporalité rétrécie, tronquée, mutilée, c’est aussi l’expérience de l’insignifiance. » (Pierre-André Taguieff)
« Le temps est une porte qui claque derrière notre dos. » (François Taillandier)
« La reddition au temps actuel, au désir de courte portée, à l’absence du temps qui demeure le rêve totalitaire par excellence, le rêve de ‘Big Brother’. » (François Taillandier)
« Homme d’un autre temps, je me sens devenir étranger à celui-ci. » (Talleyrand)
« Deux attitudes contradictoires, mais secrètement identiques : l’attachement au temps (refus névrotique de la mort) et le viol de tous les rythmes du temps (prurit de la vitesse et de la nouveauté). » (Gustave Thibon)
« L’homme moderne souffre d’une nouvelle disette, celle du temps. La chasse au temps a remplacé, pour beaucoup, la chasse aux aliments qui tourmentait nos aïeux. » (Gustave Thibon)
« Nous nous donnons à peu de frais bonne conscience en stigmatisant les horreurs du passé, ce qui nous permet de mettre entre parenthèses les horreurs du présent. » (Gustave Thibon) – Mais quand même pas les horreurs du passé qui apparaîtraient comme politiquement incorrectes.
« Vous avez toujours le passé à la bouche : vous y mettez tout ce qui vous gêne comme vous projetez dans l’avenir tout ce que vous espérez. Vous êtes incapable de sortir du temps. » (Gustave Thibon – Vous serez comme des dieux)
« Le temps humain était accordé au temps du cosmos : l’angélus du matin était sonné plus tôt en été, plus tard en hiver. Avec l’horloge s’imposait un autre temps temporel, plus rigoureux, mais beaucoup plus abstrait … les heures elles-mêmes allaient changer de statut. Autrefois, elles étaient variables, douze heures pour la nuit, douze heures pour le jour. En hiver, une heure diurne était donc plus courte qu’en été. Les heures ‘légales’ apparurent vers 1400. » (Pierre Thuillier – s’inspirant de Jacques Le Goff)
« Le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres … La trame des temps se rompt à tout moment … On oublie aisément ceux qui vous ont précédé, et l’on n’a aucune idée de ceux qui vous suivront. Les plus proches seuls intéressent … non seulement la démocratie fait oublier à chaque homme ses aïeux, mais elle lui cache ses descendants et le sépare de ses contemporains ; elle le ramène sans cesse vers lui seul et menace de le renfermer enfin tout entier dans la solitude de son propre cœur. » (Alexis de Tocqueville)
« Dans la société traditionnelle, c’est le passé qui est source de légitimation ; dans le monde totalitaire, c’est l’avenir … La place qu’occupe l’individu dans ce projet social : d’un côté libre, d’un autre soumis. » (Tzvetan Todorov) – De ce point de vue, il n’y a plus que des sociétés plus ou moins totalitaires, ce dont on se doutait.
« Trimestre : unité de temps pour enseignant. » (Michel Tournier)
« On peut tuer le temps ou soi-même, cela revient au même. » (Elsa Triolet)
« Toujours et jamais ; l’un est aussi léger que l’autre. » (Elsa Triolet)
« La terre nous rappelle que nous avons une origine. Le ciel, que nous avons un devenir. Si le devenir sans une origine est vide, une origine sans devenir est aveugle. » (Bertrand Vergely)
« En faisant de l’année 1792 l’an I non seulement de la république mais de l’histoire du monde, symboliquement la bourgeoisie destitue l’origine qui était ontologique en la remplaçant par un commencement historique qui la met à mort … Montée de la morgue … Les révolutionnaires deviennent ceux qui créent l’humanité. Ils deviennent Dieu. Avant eux, il n’y a rien eu. A part eux il n’y a rien. Folle solitude de l’homme moderne, fantasme de l’homme autocréé, homme sans mémoire aucune, sans dette à l’égard du passé … Qui venant de rien, ne va vers rien … En changeant le rapport à l’origine, on change évidemment le rapport à la destination. » (Bertrand Vergely) – Similitude exacerbée avec le grotesque et profondément pernicieux mouvement woke.
« Si ces hiers allaient manger nos beaux lendemains. » (Paul Verlaine)
« De quoi voulez-vous donc que je cause ?
« Du passé ? Cela vous ennuierait, et pour cause,
« Du présent ? A quoi bon puisque nous y voilà,
« De l’avenir ? Laissons en paix ces choses-là. » (Paul Verlaine)
« On ne peut savoir qu’après coup si le temps est perdu ou non. La pomme de Newton est fille du temps perdu. » (Alexandre Vialatte)
« Le plus clair de mon temps je le passe à l’obscurcir. » (Boris Vian)
« Notre société ne connaît plus la médiation du temps. La disponibilité immédiate est devenue le concept vendeur par excellence … L’information immédiatement disponible est confondue avec la culture et sa circulation sous le nom de communication est considérée sans examen comme un progrès. » (Pierre le Vigan)
« Regarde attentivement, car ce que tu vas voir n’est plus ce que tu viens de voir. » (Léonard de Vinci)
« Les sociétés anciennes ont vécu des chrono-politiques diverses et variées : calendaires, liturgiques, naturelles (les saisons), civiles ou religieuses (les fêtes), professionnelles … Nos sociétés ne connaissent plus qu’un seul rythme, celui de l’accélération continue, jusqu’au crash, et au krach systémique … Le temps présent est marqué par l’accélération du réel : nous atteignons les limites de l’instantanéité, la limite de la réflexion et du temps proprement humains … L’impact de l’accélération du réel sur les rythmes sociaux est considérable et commence de faire des ravages … ‘Time to move’, programme de management … Avec le passage du rythme artisanal au rythme industriel et du rythme industriel au rythme postindustriel caractérisé par les logiques de synchronisation, nous vivons en direct la perte de la rythmologie sociopolitique qui a gouverné les hommes depuis toujours … La liberté de choix et d’intelligence en commun est contestée par l’exigence, en tous domaines, de réponses immédiates. Désormais, la vitesse est vraiment devenue notre milieu ; nous n’habitons plus la géographie, mais le temps mondial. » (Paul Virilio – suite de considérations sur l’accélération du temps et la vitesse)
« Le temps réel ou le temps mondial risque de nous faire perdre le passé et le futur au profit d’une présentification, qui est une amputation du volume du temps … et de la liquidation de la multiplicité des temps locaux. » (Paul Virilio)
« La tyrannie du temps réel n’est pas très éloignée de la tyrannie classique, parce qu’elle tend à liquider la réflexion du citoyen au profit d’une activité réflexe … L’homme a besoin de réfléchir avant d’agir. Or le temps réel et le temps mondial exigent du téléspectateur un réflexe qui est déjà de l’ordre de la manipulation. » (Paul Virilio) – Aucune raison de limiter au téléspectateur.
« A la peur de l’avenir vient à succéder la peur du passé. Phénomène panique analogue au remords, ce qui devient alors ‘fautif’, ce n’est plus tellement la personne, l’individu isolé, c’est la société et son environnement immédiat … Coexistence d’un passé non seulement présent mais omniprésent et qui fait obstacle à l’avenir … Travelling-arrière, le recul de l’histoire entraîne le retrait des acquis, la retraite du progrès … Soudain, tout fuit. Les idéaux éthiques et politiques, la pérennité des sociétés et la stabilité de l’unité de peuplement démographique … Répulsion de l’être ici présent. A l’instar de l’effroi qui produit le retrait du corps, l’effacement de l’espoir en l’avenir provoque la régression de l’esprit, le ressentiment permanent. » (Paul Virilio) – Ce qui nous arrive avec les vagues de repentance délirantes.
« Le renoncement au passé et à l’avenir est le premier des renoncements. » (Simone Weil)
« Le temps fait violence; c’est la seule violence. Le temps mène où l’on ne veut pas aller. » (Simone Weil)
« Le présent nous y sommes attachés, l’avenir nous le fabriquons dans notre imagination, seul le passé, quand nous ne le refabriquons pas, est réalité pure. » (Simone Weil)
« L’opposition entre avenir et passé est absurde. L’avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien. C’est nous qui, pour le construire, devons tout lui donner … mais pour donner, il faut posséder. Et nous ne possédons d’autre sève, d’autre vie que les trésors hérités du passé et digérés, recréés, assimilés par nous. Il n’y a pas de besoin plus vital que le passé. » (Simone Weil)
« Seul celui qui pouvait regarder l’avenir sans appréhension jouissait du présent avec sérénité. » (Stefan Zweig – Le monde d’hier) – Le grand bordel a mis définitivement fin à cette quiétude.
« Laisser du temps au temps. » (axiome)
« Toutes nous blessent, la dernière nous tue. » (à propos des heures. Sentence gravée sur les cadrans solaires de jadis)
« Sois ami du présent qui passe, le futur et le passé te seront donnés par surcroît. » (adage)
« Tous les blancs ont une montre mais ils n’ont jamais le temps. » (dicton africain)
« Le plus beau lendemain ne nous rend pas la veille. » (proverbe)
« Qui prend son temps n’en manque jamais. » (proverbe)
« Point de cordeau pour amarrer le temps. » (proverbe)
« On croit user le temps, c’est le temps qui nous use. » (proverbe)
« Un homme a des vues sur le futur dans la mesure où il en a sur le passé. » (?)
« La vie, comme l’univers sont des machines à transformer l’avenir, et le présent, cet instant fugitif, en passé. » (?)
« L’étendue est la marque de ma puissance. Le temps est la marque de mon impuissance. » (?)
« Les humains disent que le temps passe, le temps dit que les humains passent. » (?)
« Nous autres les modernes, nous ne croyons plus au cycle, mais à l’évolution. » (?)
« Il n’y a guère de poésie du présent, car le présent nous ébranle et nous captive, il n’y a guère d’épanchement que dans l’absence. Il n’y a de retour sur soi ou de sortie de soi que vers l’avenir ou le passé. » (?)
« Passer le temps ou l’employer ? » (?)
« Le temps, voilà l’ennemi. Il s’agit de le ‘tuer’. » (?)
« Il y a autant de temps qu’il y a d’âges. » (?)
-Ci-dessous, quelques extraits d’un livre d’Hartmut Rosa, Accélération, une critique sociale du temps.
« Les structures temporelles de la modernité sont essentiellement placées sous le signe de l’accélération … Les groupes et groupements se définissent comme ‘mouvements’. … Victoire du temps sur l’espace … Nous n’avons pas le temps, alors même que nous en gagnons toujours plus … Plus le degré d’habitude et de routine diminue, plus le temps devient alors un problème … ‘Notre temps’ quotidien est perçu comme enchâssé dans le temps de son époque … ‘Nous dansons de plus en plus vite uniquement pour rester au même endroit’ (?) … Plus on dispose d’objets, moins on a de temps à consacrer à chacun (‘je devrais faire’, ‘il faudrait que je fasse’…) … Nous sommes constamment occupés à éteindre le feu (à venir à bout des problèmes urgents) … – Accélération technique (on n’a mis que quatre ans pour passer de la première à la cinquante millionième connexion Internet) – Accélération du rythme de vie, soit augmentation du rythme de vie par l’augmentation du nombre d’épisodes d’action et / ou de vécu par unité de temps – Accélération de la vitesse des transformations sociales et culturelles, impossibilité de maintenir l’ambition de préserver la synchronisation et l’intégration sociales (la démocratie et les rythmes électoraux, eux-mêmes facteurs d’accélération) … Il faut planifier sa vie à long terme, mais une telle démarche rationnelle est rendue impossible par la contingence croissante des condition sociales … De plus, plus la durée de coïncidence entre espace d’expérience et horizon d’attente (le présent) est brève, plus le nombre d’épisodes de vécu par unité de temps est élevé, et plus la transformation du vécu en expérience devient improbable … Le temps de la modernité est un temps privé d’expériences qui consiste en un enchaînement non cumulatif de vécus-chocs non reliés entre eux, dont ne résulte aucune expérience … ‘Tout ce qui avait solidité et expérience s’en va en fumée’ (Manifeste du parti communiste) … L’ethos Capitaliste (issu de l’éthique protestante) exige de mettre le temps à profit … ‘C’est assez désagréable de ne pouvoir plus rien apprendre pour toute la vie’ (Goethe déjà – ‘Les affinités électives’) … Le fait que chacun sait que les autres font les choses différemment contraint à trouver des justifications pour son propre mode de vie ou à changer par conformité. »