760,1 – Voyages, Tourisme, Loisirs

-« Le mot tourisme vient du Grand Tour britannique ; voyage des jeunes gens de l’aristocratie anglaise, qui accompagnés de leur précepteur, cherchaient dans le voyage sur le Continent et en Italie la ‘finishing touch’ de leur éducation de futurs diplomates, hommes d’Etat, et membres de la ‘gentry’. » (Marc Fumaroli)

-Même le sommet de l’Everest est encombré. 

– Où est passé le touriste, l’herbe ne repousse plus.  (?) – Pire qu’Attila

– L’auteur de ce recueil se flatte de n’avoir jamais participé au ravage de la planète et au saccage de civilisations estimables au sein de hordes d’avides retraités, qu’il aurait eu honte de côtoyer, alors qu’il y  a tant à faire dans son quartier, parmi ses proches familialement ou dans l’espace à proximité, ou avec soi-même ainsi que l’avait compris Xavier de Maistre, l’auteur de Voyage autour de ma chambre.

-A l’origine du mot Tourisme, le  grand Tour sur le continent des très jeunes gens de l’aristocratie anglaise accompagnés de leur précepteur … voyage faisant partie du curriculum vitae de caste, à la fin de l’adolescence.

– Le touriste (dont l’espèce se répand désormais partout)  est l’antithèse absolue du voyageur (dont l’espèce a aujourd’hui presque complétement disparu).

– Certains vont à Bali, d’autres en Patagonie, d’autres encore en Thaïlande (chacun ses motivations et ses intérêts, sinon ses addictions).

– Les pays sont devenus des destinations. Ce qui compte c’est d’y être allé, mieux encore d’avoir fait.

– Les sages ou les radins, parisiens, utilisent la Régie Autonome des Transports Parisiens, RATP. Cette agence de voyages est la plus économique de la planète. Elle offre certes des paysages moins exotiques et assez monotones (pas plus que ans le monde mondialisé), mais elle permet déjà – à un prix imbattable donc, en un temps très court et sans vaccinations particulières – d’avoir un aperçu de toutes les cultures et de toutes les civilisations, et même un contact physique rapproché avec toutes les populations du globe.

– On peut aussi voyager sans se déplacer, en faisant les choses de manière moins bousculée, en prenant le temps de regarder, de contempler ce à côté de quoi on passe tous les jours et qu’on ne voit jamais. En procédant à des arrêts sur images.

– Si on persiste à vouloir se déplacer, savoir que le plus agréable dans le voyage, c’est de retrouver son lit au retour

-« Le touriste c’est l’autre. Les gens bien voyagent. » (Elisabeth Lévy)

– « L’entreprise de saccage festif » (Philippe Muray – sur le tourisme)  

« La touristisation du monde. »  (Denis Tillinac) 

-On savait le transport aérien dont l’extension est devenue démente responsable, en bonne partie, du désordre climatique, de l’agitation insensée de nos contemporains, de la destruction des civilisations, des cultures, des langues, des mœurs, et de sites irremplaçables. Entre autres méfaits, on peut aussi lui attribuer la diffusion des épidémies sous forme de pandémies. Bravo.

– Le Livre de Nicolas Bouvier, L’usage du monde, délicieux mode d’emploi de la planète, comme on ne la verra plus, depuis que les hordes bestiales l’ont dévastée.

« En 1960, un employé devait travailler 570 heures pour s’acheter un aller simple Paris New-York, ; en 2019, 15 heures auraient suffi … En 1950, on enregistrait 25 millions  de traversées de frontières pour des raisons touristiques. Elles étaient 280 millions en 1980 et un milliard en 2010. » (Jean-Baptiste Noé) – Transport aérien + tourisme de masse = destruction de la planète. 

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« Ce qui faisait la volupté du voyage, depuis le geste d’adieu par la fenêtre, l’attention de ceux qui empochaient joyeusement les pourboires, le cérémonial des repas, le sentiment constant d’un privilège qui n’enlevait rien à personne, tout cela a disparu en même temps que les voyageurs élégants qui se promenaient sur les quais avant le départ et que l’on cherche finalement en vain même dans les halls des hôtels les plus raffinés. » (Theodor Adorno)

« Pour mon goût, voyager c’est faire à la fois un ou deux mètres, s’arrêter et regarder de nouveau un nouvel aspect des mêmes choses. » (Alain)

« Comme lors des accidents de chemin de fer, c’est dans les premiers wagons que se trouvent la plupart des victimes, je propose qu’on supprime tous les premiers wagons. » (Alphonse Allais)

« S’il attache de la valeur à son voyage, ce n’est pas parce que la région, ou les lieux, l’intéressent, ce n’est pas pour l’expérience qu’il peut en retirer, mais pour satisfaire sa faim d’omniprésence et son goût pour la bougeotte. » (Günther Anders)

« Heureux le touriste qui a tout vu avant l’arrivée des touristes. » (Bernard Arcand) 

« Les villes dont on se souvient sont celles que les pieds connaissent par cœur. » (Hannah Arendt) 

« Le touriste qui ajoute des voyages à son palmarès comme autant de trophées de chasse. » (Marc Augé)

« Le touriste moderne, un consommateur qui se prend pour un voyageur. » (Marc Augé) 

« Ceux qui partent au loin, en groupes le plus souvent, faire provision de soleil et d’images, ils s’exposent, dans les meilleurs des  cas, à ne trouver que ce qu’ils attendaient : des hôtels étrangement semblables à ceux qu’ils fréquentaient l’année précédente, des chambres avec télévision pour regarder CNN, les séries américaines ou le film pornographique payant … des piscines au bord des plages et, pour les plus aventureux, quelques lions kenyans fidèles au rendez-vous que leur assigne chaque soir un guide avisé … quelques éventaires où les descendants des sauvages de jadis vendent leurs colifichets… » (Marc Augé)

« L’impossible voyage, c’est celui que nous ne ferons jamais plus, celui qui aurait pu nous faire découvrir des paysages nouveaux et d’autres hommes, qui aurait pu nous ouvrir l’espace des rencontres . » (Marc Augé) 

« Il faut, il faudrait voyager. Mais surtout ne pas faire de tourisme . Ces agences qui quadrillent la terre… » (Marc Augé)

« Pour se prouver qu’elle n’était simplement pas, comme les autres, en train de tout filmer, elle entreprit   de filmer ceux qui filmaient … Chacun de ceux qui filmaient ou photographiaient était lui-même filmé ou photographié filmant ou photographiant. On va à Disneyland pour pouvoir dire qu’on y est allé et en fournir la preuve … Montrer aux parents et aux amis, commentaires à l’appui,  les photos que le petit a  fait de son père en train de le filmer, puis le film du père, pour vérifier. » (Marc Augé)  

« Pour se prouver qu’elle n’était simplement pas, comme les autres, en train de tout filmer, elle entreprit   de filmer ceux qui filmaient … Chacun de ceux qui filmaient ou photographiaient était lui-même filmé ou photographié filmant ou photographiant. On va à Disneyland pour pouvoir dire qu’on y est allé et en fournir la preuve … Montrer aux parents et aux amis, commentaires à l’appui,  les photos que le petit a  faites de son père en train de le filmer, puis le film du père, pour vérifier … C’est l’absence d’instruments de prise de vue qui eût été suspecte … La densité de caméras était si forte qu’il était bien difficile de les exclure toutes du champ de la prise de vue.» (Marc Augé) – Et la folie de prise de vue ne s’exerce pas qu’à Disneyland, dans tous les lieux touristiques, la même frénésie d’avaler, de consommer…

« Le monde est un livre et qui ne voyagerait pas n’en lirait qu’une page. » (saint Augustin)

« Un voyageur est quelqu’un qui va chercher un bout de conversation au bout du monde. » (Barbey d’Aurevilly)

« Médiatisation des richesses du Nord auprès de populations miséreuses, comportements,  prédateurs et méprisants de hordes de touristes incultes et mal élevés, débauche alimentaire des buffets Club Med. et autres fiestas grotesques pratiquées par quelques blancs vieillissants en plein cœur de territoires à bout de souffle et peinant à assurer leur simple survie, mœurs occidentales obscènes et passablement débridées sans respect pour les cultures locales. » (Olivier Bardolle) – En un certain sens, heureusement que la pratique des prises d’otage est venu mettre un terme à ce flux obscène.

« Les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent pour partir. » (Baudelaire)

 « Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,

« Le cœur gros de rancune et de désirs amers,

« Et nous allons, suivant le rythme de la lame,

« Berçant notre infini sur le fini des mers …

« Pour ne pas oublier la chose capitale,

« Nous avons vu partout, et sans l’avoir cherché,

« Du haut jusques en bas de l’échelle fatale,

« Le spectacle ennuyeux de l’immortel péché. 

« Amer savoir, celui qu’on tire du voyage !

« Le monde, monotone et petit, aujourd’hui

« Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image :

« Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui ! » (Baudelaire – Le voyage – Les fleurs du mal)

« Nous avons vu des astres

« Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;

« Et, malgré bien des chocs et d’impérieux désastres,

« Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici. »   (Baudelaire, Le voyage)

« Une fois la terre circonscrite comme sphère, comme espace fini, par la toute-puissance des moyens de communication, il ne reste plus que la fatalité du tourisme circulaire, qui s’épuise dans l’absorption de toutes les différences, dans l’exotisme le plus trivial. » (Jean Baudrillard)

« Un long voyage finit toujours par tourner autour de la terre … circonvolution … Le rythme n’est plus la découverte, l’échange, mais c’est une sorte de déterritorialisation en douceur, une sorte de séduction par l’absence. Vous êtes pris en charge par le voyage lui-même, donc par l’absence, qui est une absence à vous-même également. A ce moment là, vous êtes dans un avion, vous n’êtes plus responsable de rien, y compris de votre propre mort … il y a une irresponsabilité totale, engendrant une forme de fascination très grande, un état second … Cela fait toujours du bien de distancer sa propre culture (ses côtés positifs comme sa bêtise à laquelle on est beaucoup plus sensible qu’à celle des autres ) … C’est peut-être cette forme là qui est plutôt celle de l’expulsion, de l’échappement à soi-même et à son propre désir qui l’emporte aujourd’hui sur le voyage de la découverte, sur le voyage classique. » (Jean Baudrillard)

« Il en est du voyage comme de la relation aux autres. Le voyage comme métamorphose. » (Jean Baudrillard) – Jadis, peut-être.

« On peut être con, mais pas au point de voyager pour le plaisir. » (Samuel Beckett)

« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage

« Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,

« Et puis est retourné, plein d’usage et de raison,

« Vivre entre ses parents le reste de son âge !

« Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village

« ……………………………………………………. ;

« Plus me plaît le séjour qu’on bâti mes aïeux, 

« Que de palais romains le front audacieux. »

« Plus que le marbre dur, me plaît l’ardoise fine.

« Plus mon Loir gaulois que le Tibre latin.

« Plus mon petit Liré que le mont Palatin.

« Et plus que l’air marin la douceur angevine. »  (Joachim du Bellay)

« Pendant un demi-siècle, le bilan de cette belle invention ne s’exprime quasiment qu’en termes de mort, de dévastation et de misère. Le nombre des personnes transportées a été très inférieur au nombre des tués … C’est seulement au bout de cinquante ans que le nombre de gens tués par l’aéronautique décroit par rapport au nombre de voyageurs … mais étant donnée l’absence d’utilité sociale de 99% de ces voyages, le bilan continue d’être sinistrement négatif (gain de temps pour quelques milliers d’hommes d’affaires ou jouissance de vacances exotiques pour quelques millions de touristes) … s’il est vrai, comme l’affirme Lewis Mumford que ‘la production du fer a avancé au même rythme que le sang répandu’, que ne devrait-on pas dire de l’avion ? … Face à tous les gens qu’il a tués, combien de vies  a-t-il sauvées ? » (Piergiorgio Bellocchio – sur l’aéronautique et ses gigantesques  dégâts – par  bombardements et non pas accidents  – et le progrès en général)  

« Entre l’idée de repos et l’idée de déplacement, il n’y avait pas de lien, jusqu’à la diffusion de l’automobile. » (Emmanuel Berl)

« La plupart des Français à l’étranger semblent d’abord terriblement vulgaires, et ceux qui ne le sont pas font tout ce qu’ils peuvent pour en avoir l’air. » (Georges Bernanos) – Merci à la pandémie d’avoir obligé à vider les aéroports.

« Pour le week-end nous avons voulu faire les châteaux de la Loire ; malheureusement, ils étaient déjà faits. » (Francis Blanche)

« Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles. » (Christian Bobin)

« Auparavant, lorsqu’un pays sentait le renfermé, on pouvait l’aérer en ouvrant les fenêtres sur les pays voisins ; maintenant que par la civilisation unifiée c’est toute une vieille planète qui sent le renfermé… » (Baudouin de Bodinat)

« Ces retraités agrippés au volant de leur camping-car neuf, ou qu’on croise partout en troupes de randonneurs suréquipés, la peau bien tirée sur leur dentition neuve, en foules envahissantes du 3° âge piétinant tous les hauts lieux de l’histoire humaine pour les filmer au caméscope … participant eux aussi à l’excitation générale … Qu’on voit d’enfoncer dans la caducité et dépasser franchement la date de péremption. » (Baudouin de Bodinat – Au fond de la couche gazeuse)

« Une nouvelle pornographie a vu le jour depuis que des hordes de touristes débraillés peuvent tranquillement, au nom de la culture, défiler en mâchant leur chewing-gum devant la momie d’un pharaon. » (Françoise Bonardel)

« Voyageant pour acquérir sa formation, l’homme de culture tel que le conçut Goethe n’a rien du ‘nomade’ encensé par ceux qui transitent d’un aéroport à l’autre. » (Françoise Bonardel)

« Des Esseintes s’était trouvé dans la situation paradoxale de se sentir davantage en Hollande … quand il regardait des images choisies dans un musée que lorsqu’il voyageait avec seize bagages et deux serviteurs à travers le pays lui-même … Il concluait que ‘l’imagination lui semblait pouvoir aisément suppléer à la vulgaire réalité des faits’ » (Alain de Botton – citant Huysmans, l’auteur de A rebours où figure son personnage, Des Esseintes).

« Fait important, mais jusque-là négligé … je m’aperçus que je m’étais étourdiment amené avec moi dans l’île … Difficile de s’oublier soi-même … J’allais découvrir une continuité inattendue entre la personne mélancolique que j’avais été à Londres et celle que j’étais sur l’île, continuité qui contrasterait vivement avec le changement radical de paysage et de climat … Je compris que l’endroit où je me trouvais avait en fait peu d’influence sur ce qui se passait dans ma tête. » (Alain de Botton, à La Barbade)

 « Ce que nous trouvons exotique à l’étranger peut être ce à quoi nous aspirons en vain chez nous. » (Alain de Botton)

« Un des risques du voyage est que nous découvrons les choses au mauvais moment, avant que nous n’ayons pu acquérir la réceptivité nécessaire et donc lorsque les renseignements que nous lisons ou entendons  sont aussi inutiles et vite délaissés que des perles de collier sans fil … Risque aggravé par la géographie : les villes contiennent des édifices ou des monuments qui ne sont qu’à quelques centaines de mètres les uns des autres, mais à des lieux en termes de connaissances et qualités requises pour être appréciés … Le voyage soumet notre curiosité à une logique géographique superficielle. » (Alain de Botton)  

« Il y a des pensées et des sentiments qui semblent indécents en présence d’une falaise, d‘autres que la vue d’une falaise conforte naturellement. » (Alain de Botton) – Sorte de dépendance intellectuelle,  affective à l’environnement.

« Au lieu d’utiliser la photographie pour enrichir une vision active et consciente, ils s’en remettaient à elle et prêtaient moins attention au monde … convaincus qu’elle leur en assurait automatiquement la possession. » (Alain de Botton) – Les hordes d’abrutis qui photographient à tour de bras ce qu’ils ne regardent pas.  Les obsédés de la possession. 

« N’importe quel objet, lieu-dit ou itinéraire balisé par des dizaines de milliers de touristes perd tout intérêt. » (Daoud Boughezala – à propos de Vérone, Venise…)

« C’est le propre des grands voyageurs de ramener tout autre chose que ce qu’on allait chercher. » (Nicolas Bouvier – extrait d’un livre délicieux  : L’usage du monde)

« La vertu d’un voyage, c’est de purger la vie avant de la garnir. » (Nicolas Bouvier)

« Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait. » (Nicolas Bouvier – L’usage du monde) – Oui, mais en d’autres temps inorganisés. Encore vrai pour ceux qui suivent des chemins de pèlerinage, Compostelle…

« Les naïfs s’imaginent peut-être que notre temps a seul imaginé les voyages, et qu’il y faut pour cela les avions, les trains … Mais nos ancêtres parcouraient à pied les vastes étendues de l’Europe méridionale et orientale ; mais la route servait alors de communication entre tous les grands centres de la vie, la route était elle-même quelque chose de spirituel et de religieux, une sorte d’immense nef, où l’on s’avançait, et où l’on priait. » (Robert Brasillach – s’inspirant de Joseph Bédier)

« Voyager est un palliatif dérisoire à la routine. La vie est trop courte. C’est une erreur de croire qu’on peut l’étirer en transportant son ennui dans ses bagages. » (Robert Brisebois)

« Il existe un certain nombre de voyageurs sophistiqués qui exhibent leurs précédentes destinations comme autant de médailles … Quel que soit le pays que vous ayez visité, eux aussi, mais bien avant vous, à une époque où ça méritait vraiment le détour … Ils se dépeindront toujours comme le docteur Livingstone entrant dans un village indigène, mais vous pouvez vous les représenter comme de gros portefeuilles bourrés de dollars montés sur pattes. » (David Brooks)

« Le touriste ne croit aux choses qu’après les avoir transformées en clichés. » (Pascal Bruckner)

« Le meilleur vecteur de l’amitié entre les peuples, c’est encore le charter … Le voyageur a raison : il sait que la solitude dans l’échange vaut mieux que l’isolement dans le mépris mutuel ; qu’une communication imparfaite est préférable à un silence hostile … qu’il est plus utile de tout magnifier avec démesure que de tout démolir par rancœur. »  (Pascal Bruckner)

« N’est-ce pas au nom du multiculturalisme que chacun cherche et se trouve d’indécrottables racines ? Au nom d’une ouverture d’esprit universelle que le tourisme dévaste la planète ? » (Annie Le Brun)

« Il fut un temps où le voyage ne se cantonnait pas qu’aux halls d’aéroports … L’enchantement du monde est incompatible avec la fadeur de l’uniformisation des civilisations. Pour combattre l’aseptisation du monde. » (Alexis Brunet)

« Les vacances (leur nom même l’indique) apparaissent comme un vide, au moins un ralentissement de l’activité sociale. Elles sont du même coup impuissantes à combler l’individu. Elles sont dépourvues de tout caractère positif. Le bonheur qu’elles apportent est fait en premier lieu de l’éloignement des ennuis dont elles distraient, des obligations dont elles libèrent … fuir se soucis … s’isoler (et non communier, comme dans la fête). » (Roger Caillois)

« On aime la différence parce qu’elle est différente ; mais l’amour qu’on lui porte n’a de cesse de la réduire en similitude. A force de ‘faire’ la Birmanie, les Seychelles ou la Casamance, on commence à les faire ressembler dangereusement à la côte d’Azur, qui n’a de cesse, pour sa part, de pouvoir se confondre avec Malakoff ou Pantin. » (Renaud Camus)

« Nous vivons dans une société qui a instauré avec le passé un type de relation tout à fait original et inédit : le désinvestissement complet … Le rapport au passé est au mieux touristique. On visite l’Acropole comme on va aux Baléares. » (Cornelius Castoriadis)

« Voyager, c’est bien utile, ça fait travailler l’imagination. » (Louis-Ferdinand Céline)

« Les autres sont nos voyages. » (Père Michel de Certeau)

« L’apparition du tourisme est due, en même temps qu’au progrès technique, aux conséquences humaines qu’il entraîne : c’est un cataclysme spirituel, quelque part en profondeur, qui jette les hommes sur les routes … Forme moderne de l’inquiétude, le voyage est, dans l’espace, la réplique de la constante pérégrination de l’esprit individuel : de sa poursuite d’une transcendance, et de sa fuite devant lui-même. » (Bernard Charbonneau)

 « Le voyage n’a d’intérêt que par l’invention et l’effort. L’organisation l’annule. » (Bernard Charbonneau)

 « le touriste qui croit saisir une vierge n’étreint qu’une prostituée. » (Bernard Charbonneau) – En matière d’exotisme de tout ordre (paysages, coutumes, civilisations, cultures…)

« Les transports abolissent la distance’, dit-on. Mais la raison d’être du voyage est de prendre ses distances. » (Bernard Charbonneau)

« Voyageurs ? Plutôt voyeurs … nous voyageons parce que nous devons voyager, pour conquérir des mérites … La société fixe aussi les buts de nos pélerinages … A quoi bon aller à Thulé, il n’y a plus qu’un aérodrome… » (Bernard Charbonneau) – Nous voyageons aussi pour ramener des photos et les infliger à nos amis.

« Après la malédiction qui pesait sur lui depuis le châtiment divin de la Genèse et l’esclavage gréco-latin, grâce au capitalisme qui en fit un droit et au socialisme qui en fit un devoir, le travail se sacralisa peu à peu, puis, la machine aidant, permit d’espérer le fruit de sa propre bénédiction : l’avènement des loisirs. Mais une évolution inverse ne risque-t-elle pas de rendre ces mêmes loisirs maudits, après qu’ils auront été pendant si longtemps considérés comme une béatitude ? … D’abord, travailler en proportion des vacances que l’on veut s’offrir, ensuite, plus ils deviennent importants dans la vie de la société, plus s’impose l’obligation de les organiser et, ce qui est plus grave, d’organiser la vie et la nature en fonction de leur déploiement. Ils entraînent dés lors tout un travail… » (Bernard Charbonneau)

« Avoir des loisirs … c’est voyager : partir ailleurs. Autrefois, s’en aller ailleurs n’avait aucun sens ; il n’y avait pas d’ailleurs, seulement un chaos monstrueux et hostile ou des mœurs répugnantes et absurdes. Les sociétés traditionnelles ignoraient le tourisme … Le voyage est un fruit de la paix, et de l’ennui qui l’accompagne ; quand le monde en mouvement, guerre ou révolution, vient trouver l’homme, alors il s’enracine. » (Bernard Charbonneau) – Maintenant, il migre !

« Une société condamnée aux loisirs le serait à la démoralisation ou à la folie … L’ennui la conduirait probablement à quelque explosion, interne ou externe : à une guerre, où elle retrouverait le sérieux et le travail. » (Bernard Charbonneau) – Perspective du chômage généralisé.

« L’humanisme technique (l’actuel) nous apprend que si on ne l’anime, l’homme n’a pas d’âme … Et s’il reste quelques familles créatrices de leurs jeux, on les inculpera s’il le faut d’exercice illégal de loisirs. » (Bernard Charbonneau – sur les animateurs et autres assistants culturels)

« La maladie du temps, c’est l’ailleurs. Toujours ailleurs. » (Jacques Chardonne) – On peut l’être aussi bien sans bouger.

« L’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir ; il porte avec lui l’immensité. » (Chateaubriand)   

« Tout se réduit souvent, pour le voyageur, à échanger dans la terre étrangère des illusions contre des souvenirs. » (Chateaubriand)

« Il se pourrait bien qu’il faille dire que ‘les voyages forment la seniorité’. » (Louis Chauvel) – A voir les hordes de retraités se bousculant pour voyager, du moins avant la Covid !

« Le voyageur voit ce qu’il voit, le touriste voit ce qu’il est venu voir. » (Chesterton)

« Le globe-trotter vit dans un monde plus restreint que le paysan. » (Chesterton) Quand on lit  Jacques Attali, on s’aperçoit de la pertinence de cette constatation.

« Il se sent partout chez lui ; c’est-à dire nulle part. » (G. K. Chesterton – sur les éternels voyageurs)

 « Le tourisme est un anti-voyage … Le tourisme est le produit d’une époque tandis que le voyage relève d’une dimension anthropologique de l’esprit. Une quête le motive. On ne le trouve plus qu’en creux, au hasard de certaines expériences. En revanche, le tourisme est un acte marchand aujourd’hui incontournable. Aucun voyageur n’y échappe et le voyage n’existe plus que dans le secret de la conscience.  (Rodolphe Christin – Manuel de l’anti-tourisme)

« Les grandes villes, Venise, Barcelone, Dubrovnik… sur-fréquentées … ou bien les lieux clos où l’on vit entre soi, à l’écart des autochtones qui ne peuvent intervenir que s’ils sont au service du touriste. »   (Rodolphe Christin – Manuel de l’anti-tourisme)

« Le tourisme est une manière de faire de l’argent qui intéresse autant les opérateurs privés que les pouvoirs publics. Il est d’ailleurs étonnant de voir comment l’argent du contribuable peut être mis au service d’intérêts particuliers, sans que cela ne provoque le scandale. Le tourisme suppose une modélisation des territoires de manière à les rendre touristiquement accueillants, c’est-à-dire rentables. Le tourisme exige donc un type d’aménagement du territoire adéquat, de manière à les rendre attractifs et achetables, fréquentables pour des nombres importants de visiteurs.»   (Rodolphe Christin – Manuel de l’anti-tourisme)

« Il ne suffit plus d’être en vacances ; il faut ‘partir en vacances’, ‘faire le Japon ou le Costa Rica’ pour être moderne. C’est une injonction ! Le tourisme est un  ‘parasite mondophage’, et le touriste un être paradoxal, qui  déclare son amour à cette planète qu’il visite dans ses moindres recoins et, ce faisant, qu’il contribue à épuiser impitoyablement. Le touriste un insatisfait perpétuel qui surfe, zappe, naviguant au gré de ses envies géographiques […] mu par le désir vague de renouveler ses sensations grâce au mouvement dans l’espace à condition que [la nouveauté] soit inoffensive. Il n’a pas fait progresser la paix entre les peuples, il n’a pas résolu les problèmes du monde. A-t-il seulement contribué à une meilleure compréhension interculturelle ? Pas sûr. » (Rodolphe Christin – Manuel de l’anti-tourisme)

 « De plus en plus d’associations et d’ONG manifestent leur mécontentement face aux hordes de touristes et autres fumées toxiques crachées par les navires … Le tourisme de croisière est une plaie dont les prisons flottantes émettent en moyenne, en une journée, autant de particules fines qu’un million de voitures, le soufre en plus. Bien entendu, les habitants des ports et les passagers sont les premiers à se laisser calaminer les bronches, avec le sourire du candide … Les avocats de l’industrie touristique ne sont ni les amis des peuples, ni les amis de la nature. Ils renforcent au contraire l’influence du lobby des acteurs du tourisme, quels qu’ils soient, grands pourvoyeurs de nuisances sociales et environnementales. Le seul tourisme qui vaille, à leurs yeux, est le tourisme de masse car toute activité économique rentable doit être développée autant qu’il est possible …Le tourisme est une dimension essentielle de notre mode de vie, méthodiquement dévastateur … Jusque-là la vacance était une denrée rare; seule l’aristocratie, puis la bourgeoisie, en bénéficiaient … Le peuple salarié a très vite été pris en main par diverses institutions qui se sont chargées d’organiser sa liberté, au nom de son bien-être, de sa culture et de son éducation. Le tourisme, le fait de partir en vacances, devint, à la manière d’une flaque qui s’étale dans le temps et dans l’espace, une norme de comportement qui n’était plus réservée à quelques privilégiés … Un progrès? Ainsi naquit le tourisme social qui ne dura qu’un temps, celui de développer la demande et d’amorcer une offre que le capitalisme, public comme privé, reprit à son compte avec l’efficacité qu’on lui connaît. Et le tourisme est devenu une manière de se détendre en consommant un monde organisé à cette fin. Les logiques d’aménagement du territoire furent guidées par l’impératif du développement touristique tous azimuts. Voilà pourquoi les vallées et les montagnes, les côtes et les arrière-pays, les villages et les quartiers touristiques des villes se transforment en haute saison en galeries commerciales à ciel ouvert. Voilà comment le béton a recouvert la terre pour y ériger des immeubles destinés à héberger des occupants temporaires au cuir bronzé, graissé par l’huile solaire, paressant de longues heures sous la corolle d’un parasol, ou bien dévalant des pentes de plus en plus souvent couvertes de neige artificielle. Le tourisme est une affaire de flux et d’embouteillages, de flots et de marées … En 2016, ils sont 1 milliard 235 millions à avoir sillonné la planète. » (Rodolphe Christin)

« Ce qui les rendraient fous c’est qu’on interdise le travail, qu’ils soient obligés de prolonger indéfiniment leurs vacances au soleil. » (Emil Cioran – sur les vacanciers – interprété par Roland Jaccard)

« Un ermite qui connaît l’horaire des trains. » (Emil Cioran – sur le poète Henri Michaux)

« Le seul voyage qui vaille n’est pas d’aller vers d’autres paysages, mais de considérer les anciens avec de nouveaux yeux. » (Jean Clair) 

« Ces touristes d’occasion qui, partout où ils se répandent, à Chartres comme à Padoue ou à Tolède, laissent derrière eux les marques de la désolation ; pas de monument désormais, dans toute l’Europe, qui ne porte les stigmates de graffiti, bris et dégradations… » (Jean Clair)

« Et toujours, partout, ce même débraillé, le ‘jean’ délavé et déchiré, la parka en hiver, le ‘marcel’ en été, l’inévitable casquette américaine à visière, et les baskets au pied … L’uniforme du pithécanthrope errant … Cette ‘touristocratie’ … Venise n’est plus que la petite annexe de son immense aéroport. » (Jean Clair) 

« Le contrat d’amabilité, de convivialité engage les deux partis. Le touriste apporte les devises, consent au ‘service’ et accorde même le pourboire. En toute bienveillance, amabilité, sincérité. Il vient consommer de la qualité de vie. C’est-à-dire les modalités ludiques, libidinales, marginales offertes par ce néo-colonialisme … Aussi ne veut-il pas être trompé sur la marchandise. Le service de l’indigène doit satisfaire son empathie touristique. L’indigène doit offrir les services adéquats : artisanat d’art, prostitution, spécialités culinaires, gentillesse, etc. D’une manière pittoresque et spontanée … La convivialité est la morale de la ‘société de consommation’. » (Michel Clouscard)

« Rien n’est plus long à voyager que l’âme, et c’est lentement, s’il se déplace, qu’elle rejoint le corps. » (Jean Cocteau)

 « Le voyage n’est utile qu’aux imaginations courtes. » (Colette)

« Tous pensaient, conversaient, plaisantaient ou se disputaient, comme ils avaient coutume de le faire chez eux, aussi stupidement fermés à toute impression nouvelle, que les malles déposées dans leurs chambres à l’étage. Dorénavant, ils seraient étiquetés comme des gens ayant visité tel ou tel lieu, exactement comme leurs bagages. Ils seraient enchantés de ce signe distinctif attachés à leurs personnes, et garderaient les étiquettes collées à leurs valises comme un témoignage, comme l’unique trace permanente de leur tentative d’enrichissement personnel. » (Joseph Conrad)

« En ce siècle de foules transhumantes qui profanent tout lieu illustre, le seul hommage qu’un pèlerin respectueux puisse rendre à un sanctuaire vénérable est de ne pas le visiter. » (Nicola Gomez Davila)

« Sous-produit de la circulation des marchandises, la circulation humaine considérée comme une consommation, le tourisme, se ramène fondamentalement au loisir d’aller voir ce qui est devenu banal. L’aménagement économique de la fréquentation de lieux différents est déjà par lui-même la garantie de leur équivalence. La même modernisation qui a retiré du voyage le temps, lui a aussi retiré la réalité de l’espace … Le rôle du touriste est d’aller vérifier sur place si ce que dit le dépliant est vrai. » (Guy Debord – La société du Spectacle)

« Le stéthoscope s’étant avéré plus d’une fois maillon intermédiaire entre le missel et le missile … Nos premiers ethnologues, géographes… furent des religieux chrétiens, s’immergeant dans  la société indigène, apprenant les langues locales, enquêtant sur les mœurs … Nos volontaires en rotation passent deux mois là où le Pére blanc passait vingt ans (quand les conditions le permettaient) … Restant en contact avec le siège parisien, les infos et les préjugés des siens, en 4 x 4 climatisé, avec ordinateur portable, logeant dans le beau quartier de la ville avec un traitement dix ou cent fois supérieur à celui des ‘partenaires’ locaux, tributaires et victimes du satellite, du GPS et de l’Airbus, difficile de s’acculturer, ou même de rencontrer et d‘écouter l’autre … L’humanitaire de crise et l’aide d’urgence … ne peuvent échapper aux plis et contraintes d’un tourisme devenu la première industrie mondiale. » (Régis Debray) – L’humanitaire, nouveau touriste.

« Le voyage relate davantage qu’une exploration des confins. Il réalise le passage d’un ordre à l’autre : errance métaphysique, errance spirituelle, par laquelle le monde quotidien se juge insuffisant, mais par laquelle aussi des mondes autres se trouvent analysés, mesurés, explorés… » (Chantal Delsol) – Du temps où on pouvait, et voulait, recourir à l’aventure, à plus qu’à la simple connaissance des terres.

« Pourquoi faudrait-il que le voyage soit confortable ? » (Gérard Depardieu)

« Il n’y a plus de surprise. De plus en plus de huloteries … Quand on part avec une idée de ce qu’on va trouver, c’est déjà mort … Il faut au contraire arriver à poil, comme un innocent. Sans rien. » (Gérard Depardieu)

« C’est quasi le même de converser avec ceux des autres siècles que de voyager. » (Descartes – à propos de la lecture)

« Lorsqu’on passe trop de temps à voyager on devient étranger en son propre pays. » (Descartes)

« Rouler çà et là dans le monde, en tâchant d’y être spectateur plutôt qu’acteur en toutes les comédies qui s’y jouent. » (Descartes) – Clair refus du voyeurisme des hordes actuelles, ou pire, de l’interventionnisme destructeur des pouvoirs moralisateurs soumis aux incendiaires type Bernard-Henri Lévy.

« Il déteste les étrangers ! Il déteste à tel point les étrangers que lorsqu’il va dans leur pays, il ne peut pas se supporter ! » (Raymond Devos)

« Quand on sort des lieux de l’obligation, c’est pour aller tous vers les mêmes lieux considérés comme ‘d’évasion’ … comme les vacances … cela veut dire que sortir de l’ordinaire est à part de la vie quotidienne, n’a pas de conséquence sur la vie ordinaire, soit les neuf dixièmes de notre temps, cela veut dire que notre capacité d’éveil nous la réservons à des lieux et moments ‘réservés’, comme il y a  des réserves naturelles et des d’animaux que l’on parque. » (Jean-Philippe Domecq) 

« La soumission de l’homme aux véhicules signifie qu’il ne se sent chez lui nulle part, ou presque … ‘Les usagers briseront les chaînes du transport surpuissant lorsqu’ils se remettront à aimer comme un territoire leur îlot de circulation, et à redouter de s’en éloigner trop souvent’ … La société capitaliste a brisé la connexité … Les espaces personnels sont éclatés en morceaux disjoints, éloignés les uns des autres : le domicile, le lieu de travail, quelques espaces publics de la ville, les commerces et le mythique ‘ailleurs’ des loisirs et de l’évasion. Entre ces domaines des déserts de sens … que l’on vise à franchir le plus efficacement possible en se livrant au système de transport. » (Jean-Pierre Dupuy – citant Ivan Illich)

« L’accès au monde et aux autres dépend autant du libre développement des affinités électives entre prochains que du pouvoir de voyager à peu de frais et ‘rapidement’ au-delà de l’horizon familier, jusqu’aux confins du monde. » (Jean-Pierre Dupuy)

« Pour les déplacements de tourisme, une plus grande facilité et une plus grande rapidité pour se rendre à des distances moyennes dévalorisent ces dernières en tant que signes ; Acapulco détrône TorreMolinos, et le temps de transport ne change guère. » (Jean-Pierre Dupuy, Jean Robert)

« Des millions de passagers accomplissent chaque année des itinéraires touristiques qui leur permettent de retrouver les mêmes produits partout dans le monde. » (Benoît Duteurtre)

« On ne va jamais chercher assez loin l’envie de rentrer chez soi. » (Georges Elgozy)

« Voyager, c’est changer de chair. » (Saint-Exupéry)

« De plus en plus nombreux sont les sites à éviter sous peine de participer à l’invasion et au saccage … nous ne pouvons maintenir la beauté vivante qu’à condition de ‘ne pas y aller voir’, et souvent il est trop tard : le mal est fait, la cohue a dévasté ce qu’elle était venue admirer … Dans ces expéditions d’un nouveau type, l’intensification de la vie prend le pas sur la découverte des choses … marque de cette intensité, le tapage … Tous les week-ends, dans les plus belles villes d’Europe centrale,  les braillards internationaux sont rois … les voyages ne forment plus la jeunesse mais contribuent puissamment à l’uniformisation et à l’enlaidissement du monde. » (Alain Finkielkraut) 

« Voyageur. – Toujours intrépide. Toujours précédé de ‘Messieurs’, en style  de chemin de fer :  ‘Messieurs les voyageurs’. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues) – Aujourd’hui, on est plus galant et on dit :’ Mesdames, Messieurs…’.

« Hôtels – Ne sont bons qu’en Suisse. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)

« L’un d’eux s’ennuyant au logis – Fut assez fou pour entreprendre – Un voyage en lointain pays – L’autre lui dit : ‘qu’allez-vous faire ?’ – L’absence est le plus grand des maux. – Amants, heureux amants, voulez-vous voyager?  – Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste. »  (La Fontaine – Les deux pigeons)

« L’homme peut s’expatrier, mais il ne peut pas se dépatrier. » (Roger Martin du Gard)

« La perception commence au changement de sensation ; d’où la nécessité du voyage. » (André Gide)

« Un gai compagnon de voyage à pied vaut un carrosse. » (Goethe)

« Pourquoi aller toujours plus vite si ce n’est pour aller plus loin, et pourquoi s’en aller si c’est ailleurs comme ici ? » (Nicolas Grimaldi)

« Tous les voyageurs et tous les ambitieux connaissent ce pincement d’arriver, cette menue déception de découvrir chaque fois cette disproportion entre la banalité de cet instant et l’intensité du temps passé à l’attendre. » (Nicolas Grimaldi)

« Les voyages, ça sert surtout à embêter les autres, une fois qu’on est revenu. » (Sacha Guitry)

« Le voyage crétinisant est devenu un phénomène de masse des sociétés démocratiques à haut niveau de vie et forte égalité sociale. Les foules de touristes tournant sans cesse autour du globe … Cela se réduit à une consommation frénétique d’images … Beaucoup ne voient les pures merveilles qu’à travers l’objectif de leur appareil, et appuyer sur un bouton les dispense de regarder, d’apprendre, de réfléchir. » (Jean-Louis Harouel)

« Les horreurs de l’activité touristique effrénée qui se déploie aujourd’hui … Cette frénésie absurde. » (Hermann Hesse) – Déjà, en 1904 ! Bien avant le déferlement sauvage des hordes vulgaires.

« Il choisit Rome parce que c’est culturel. Mais il part surtout parce que ses cousins et ses voisins le font, parce qu’on peut ensuite parler de ses voyages et s’en vanter, parce que c’est à la mode et qu’on se sent si bien une fois rentré à la maison. » (Hermann Hesse)      

 « A quoi bon bouger, quand on peut voyager si magnifiquement sur une chaise ? … Une immense aversion pour le voyage, un impérieux besoin de rester tranquille s’imposaient avec une volonté de plus en plus accusée, de plus en plus tenace. Pensif, il laissa ainsi s’écouler les minutes, se coupant ainsi la retraite, se disant : Maintenant il faudrait se précipiter aux guichets, se bousculer aux bagages ; quel ennui ! quelle corvée ça serait ! » (Joris-Karl Huysmans – A rebours)

« Les usagers briseront les chaînes du transport surpuissant lorsqu’ils se remettront à aimer comme un territoire leur ilot de circulation, et à redouter de s’en éloigner trop souvent. » (Ivan Illich – Energie et équité)

« Le tourisme, domaine par excellence de la marchandisation des émotions. » (Eva Illouz) 

« Le modèle du club Med : Relaxation (produit phare, le délassement) – Différenciation spatiale (espaces fermés, différents du monde réel, sérénité, innocence, tranquillité, hors de la réalité) – Brouillage des aspects socio-économiques (homogénéité, communion, familiarité, convivialité, contribution à la production du délassement) – Célébration de l’individu (notamment par la participation active des clients à la production de leur expérience). » (Tiré d’Eva Illouz – Les marchandises émotionnelles)

« Être qualifié de touriste est devenu une honte. Rares sont ceux qui y échappent, à moins d’être homme d’affaires ou migrants. Une des caractéristiques du touriste c’est qu’il aime mépriser les touristes, les blâmer et qu’il ne veut en aucun cas être confondu avec eux … Il n’aspire qu’à être un citoyen du monde, sans renoncer pour autant à ce qu’il chérit le plus, sa singularité. » (Roland Jaccard)

« Je commence à devenir honteux de cette perpétuelle attitude de curiosité stérile. » (un personnage d’Henry James, visitant une enième église) – Beaucoup de touristes pourraient le dire (s’ils étaient un peu plus conscients) et pas seulement lors de visites d’églises.

«  Le voyageur du périple clos … ne voyage que pour rentrer et ne part que pour revenir … Pourquoi ce détour stérile et négatif dont le seul but est de boucler la boucle et de revenir au point de départ, c’est-à-dire d’annuler toute finalité … Mais … on ne revient jamais ! Celui qui revient, comme le Fils prodigue ou comme Ulysse, est déjà un autre. » (Vladimir Jankélévitch)

« Le nostalgique oscille entre deux regrets : le regret, au loin, de la patrie perdue ; le regret, au retour, des aventures manquées … Le lendemain même du retour la déception a supplanté la nostalgie (de la patrie perdue). La nostalgie fait face à l’amertume de l’échec. » (Vladimir Jankélévitch – s’inspirant des détours et flâneries d’Ulysse, pressé de rentrer en même temps qu’appréhendant la monotonie du  retour)

« Qui voyage uniquement pour revenir est un mauvais voyageur; qui part uniquement pour rentrer est un faux aventurier ! Le voyageur-casanier, au moment même du départ, pense déjà au plaisir du retour. » (Vladimir Jankélévitch)

« On ne voyage pas pour voyager, mais pour avoir voyagé. » (Alphonse Karr) 

« Avec la démocratie on étend à tous le privilège d’avoir accès à des choses qui ne sont plus là. Il en va de même du tourisme. » (Karl Kraus)

« Au cours de leurs voyages, ils consomment le calme, le climat, le paysage et la culture des autres. Puis ils rentrent chez eux pour braver le quotidien pendant quelque temps. » (Jost Krippendorf)

« Notre société projette vers l’extérieur les besoins de repos et a fini par trouver évidente la polarisation ‘travailler et habiter ici – se reposer ailleurs’ … Nos joies sont ailleurs, nos espoirs sont ailleurs, nos désirs ont émigré. » (Jost Krippendorf)

« Le droit au voyage a succédé, en le complétant, au droit aux vacances … On ne dit pas ‘Que fais-tu pendant les vacances ?’ Mais ‘Où pars-tu en vacances ?’ » (Jost Krippendorf)

« Le voyage est motivé bien plus par un désir de quitter quelque chose que d’aller vers quelque chose. » (Jost Krippendorf) 

« Prenons-notre-pied-demain-nous serons-partis. » (Jost Krippendorf – sur la conduite de certains Occidentaux)

« C’est quand le corps est entre quatre murs que l’esprit fait ses plus beaux voyages. » (Augusta Amiel-Lapeyre)

« L’industrie des loisirs complète l’industrie culturelle en proposant des plans de voyage, de tourisme, que l’on achète comme on achète une armoire ou un appartement clés en main … On achète la ‘découverte’, le dépaysement, le départ et l’évasion. » (Henri Lefebvre) 

« Pourquoi les  gens ‘aisés’ se précipitent-ils vers les antiquités, les meubles de style ? Et pourquoi les foules dans les cités italiennes, flamandes, espagnoles, grecques ? L’organisation touristique comme modalité de la consommation et de l’exploitation des loisirs, le goût du pittoresque et du ‘produit de qualité’ ne suffisent pas à tout expliquer. Il y a autre chose. Quoi ? Les nostalgies, la rupture du quotidien,  l’abandon de la Modernité et du spectacle qu’elle se donne d’elle-même à elle-même, le recours au passé… » (Henri Lefebvre)

« Le touriste à Venise ne dévore pas Venise, mais des discours sur Venise : ceux des guides (écrits), ceux des conférenciers (oraux), magnétophones et disques. Il écoute et regarde. La denrée à lui fournie moyennant paiement, la marchandise, la valeur d’échange, c’est le commentaire sur la place saint-Marc, sur le Palais des Doges, sur le Tintoret… La valeur d’usage, la chose elle-même (l’œuvre) échappe à la consommation dévorante, limitée au discours. » (Henri Lefebvre) 

« L’émotion parfaitement artificielle que cet incendie a produite dans les médias disait moins, en tout cas chez les politiques, le chagrin de voir fondre la mère des cathédrales du pays que celui de perdre une fraction de ces dizaines de millions de touristes sans lesquels la France ne serait plus le bronze-cul de l’Europe et le musée du monde. D’ailleurs, l’attentif aura remarqué que, dans la langue politico-journalistique, Notre-Dame était appelée ‘monument’ ; sa qualité d’église était secondaire et même accessoire ; à travers ce spectaculaire brasier, c’étaient pour les revenus tirés du patrimoine qu’éditocrates, économistes et parlementaires pleuraient. » (Nicolas Lévine)

« La transformation de la planète en ‘univers excursionnaire’ et celle de nos vieux pays en parcs d’attractions où le touriste vient contempler les vestiges de ce que le tourisme saccage, ou plutôt pour ceux qui viennent s’admirer chez elle, car dans le fond, Versailles, Notre-Dame ou les gorges du Verdon ne sont que des décors à selfies, ceux-ci étant le véritable but du voyage. » (Elisabeth Lévy)

 « Arpenter la planète pour en tirer des selfies au risque de la dévaster est devenu un droit de l’homme. » (Elisabeth Lévy) –  « moi et les pyramides, moi et le Parthénon, moi et le Colisée, moi  et les cocotiers… Le monde n’existe que pour servir d’écrin à ma personne ; les pyramides m’attendaient… » (Michel Onfray)

« Rien ne ressemble plus à une foule hagarde descendant d’un autocar à Rome, à Saint-Pétersbourg ou à Etretat … ‘C’est tout le paradoxe morbide de notre temps : effacer ‘l’ailleurs’ par l’uniformisation mondialiste et ensuite vendre cet ‘ailleurs’ détruit (devenu incarnation uniforme du même) en tant ‘qu’ailleurs’ authentique, certifié’ … A l’ère du ‘low-cost’ et d’internet, arpenter la planète est devenu un droit de l’homme. » (Elisabeth Lévy – citant Philippe Muray)

« Après avoir mesuré le rayonnement d’une nation à l’aune de ses victoires militaires, de sa production artistique, ou encore de ses réalisations technologiques, nous le comptons désormais en nombre de touristes attirés et en profits engrangés sur nos terrasses. » (Elisabeth Lévy) – On a les réussites qu’on peut. 

 « Que notre grande ambition soit d’être le lieu de villégiature privilégié de salariés fatigués est un résumé du déclin français. » (Elisabeth Lévy – sur la France première destination touristique !)

« D’après le catéchisme en vogue du ‘Guide du routard’, le touriste responsable et citoyen est à la recherche de l’Autre. Raison, sans doute, pour laquelle il collectionne passionnément les selfies, ‘moi devant le Parthénon ‘» (Elisabeth Lévy)

« Seules des images ‘self-made’, avec tous leurs défauts, attestent que l’on s’est rendu en personne sur les lieux … Le propos de l’image n’est pas de capter la chose, mais de garder trace que l’on a été en présence de la chose. Enfin, en présence… Thorstein Veblen, dans sa ‘théorie de la classe de loisirs’ (1899 !) appelait cela la ‘consommation ostentatoire’ … Pour remplir correctement la fonction sociale qui est la sienne, le voyage touristique se doit d’avoir été une réussite et de laisser de merveilleux souvenirs. » (Elisabeth Lévy)

« L’espace ne transforme pas, n’enrichit  pas. » (Simon Leys) – « Ceux qui traversent les océans changent de cieux, mais non d’idées. » (Horace)

« Un savant se plaignait du fait qu’il avait perdu deux années de sa vie : celles qu’il dépensa en voyages. » (Georg Christoph Lichtenberg)

 « Partout dans le monde s’élèvent de nouveaux musées qui rivalisent en gigantisme, en architecture innovante, en image choc … Le secteur touristique a annexé l’art et la culture comme un élément marchand qui doit être, à ce titre, traité comme els autres : marketing, publicité, offres promotionnelles. » (Gilles Lipovetsky, Jean Serroy) – Attirons le péquenot.

«  Le tourisme qui ne voit partout que des paysages à admirer et à photographier comme des décors ou des tableaux, » (Gilles Lipovetsky, Jean Serroy)

« Il viendra un temps où la terre sera bien ennuyeuse à habiter, quand on l’aura rendue pareille d’un bout à l’autre, et qu’on ne pourra même plus essayer de voyager pour se distraire un peu. » (Pierre Loti) – C’est en route.

« Dans un âge où l’homme, en récompense de ses efforts titanesques, conquiert enfin quelques loisirs, il ne sait plus s’accorder le loisir essentiel qui le sauverait de lui-même et en même temps le ferait se trouver. » (cardinal Henri de Lubac)

« Le voyageur ne commence vraiment son voyage qu’après avoir atterri. » (Marshall McLuhan)  – Fin du voyage proprement dit.

« Un Français à l’étranger se reconnaît à deux signes : il parle bien français, il ne parle nulle autre langue. » (Paul Masson)

« Le voyage est une espèce de porte par où l’on sort de la réalité comme pour pénétrer dans une autre réalité inexplorée qui semble un rêve. » (Maupassant) 

« Le tourisme est la première industrie du monde, avant celles du pétrole, du nucléaire ou de l’automobile … Il a un impact énorme sur de très nombreux aspects de la vie : transports, construction, hôtellerie, restauration, emploi, loisirs, communication, situation écologique, sexe, santé, et bien sûr, arts et culture … Les migrations de population touristique ne laissent et ne laisseront rien en l’état … Les retombées, transferts de richesses  comme pollutions immenses … Monde mis en valeur autant que dévasté par un processus de touristification auprès duquel l’industrialisation victorienne aura été une bluette. » (Yves Michaud) –Les pandémies, conséquences elles aussi de la bougeotte de masse, freineront peut-être cette démence hystérique

« Partout le tourisme apporte avec lui le développement économique et l’ouverture mondiale.  Partout aussi il transforme la vie, l’art et la culture en marchandises, la tradition en folklore maquillé, les paysages en cartes postales, les petites plages isolées en dépotoirs, les animaux en figurants protégés et déprimés de réserves et de zoos, les lieux de piété en marchés aux colifichets. Les mœurs, les croyances et la culture sont les domaines les plus atteints … Le tourisme sexuel est une dimension essentielle du tourisme. » (Yves Michaud) – Un de nos ministres de la culture a fort bien exprimé ce dernier aspect pour son propre compte !

« L’exotisme sera toujours le signe de la décomposition d’une société. » (Richard Millet)

“Voyager à l’étranger pour un suicide assisté est une excuse raisonnable.” (ministre britannique de la santé pendant le confinement Covid)- – Tout est prévu !

« Car j’ai de grands départs inassouvis en moi. » (La Ville de Mirmont)

« Le tourisme est l’industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux. » (Jean Mistler)

« Je sais bien ce que je fuis mais je ne sais pas ce que je cherche. » (Montaigne – sur ses voyages)

« Je sais bien qu’à le prendre à la lettre, ce plaisir de voyager porte témoignage d’inquiétude et d’irrésolution. » (Montaigne)

« Le vain travail de voir divers pays. » (Montaigne) 

« Le voyage, qui habitue à appréhender les objets rapidement et en surface, et à s’en contenter, convient aux superficiels ; il fait horreur aux âmes bien nées. C’est pourquoi on voyage tan de de nos jours. » (Montherlant – Un voyageur solitaire est un diable) – Ecrit dans les années 1920 !

« Un abrutissement prodigieux sur le visage des touristes dans le patio. Tous, sans exception, songent :’ Ah ! Quand je serai de retour à Paris, à Londres…’. » (Montherlant – Un voyageur solitaire est un diable)

« On croit gagner parce qu’on gagne en étendue, et on perd en profondeur. Et on revient gonflé d’une demi connaissance pire que l’ignorance parce qu’elle prétend.  … En voyage, on doit presque forcément s’intéresser à ce qui n’est pas de son domaine. » (Henry de Montherlant  – Un voyageur solitaire est un diable)

« L’utilité des voyages, c’est d’élargir sur la carte les terres où nous n’avons plus envie d’aller. » ( ? – cité par Montherlant)

« Le plus beau voyage ici-bas, c’est celui que l’on fait l’un vers l’autre. » (Eugène Morand, père de Paul)

« Voyager c’est demander d’un coup à la distance ce que le temps ne pourrait nous donner que peu à peu. » (Paul Morand)

« Un bon voyageur ne doit pas se produire, s’affirmer, s’expliquer mais se taire, écouter et chercher à comprendre. » (Paul Morand)

« Si les gens, actuellement, se déplacent tant, c’est qu’ils sont malheureux : d’où les voyages d’agrément … On veut échapper au ‘spleen’ ; on cherche à se fuir soi-même … Cette nouvelle conception romantique du voyage où il ne s’agit plus de découvrir mais de se perdre. » (Paul Morand)

« On ne saurait aller chercher trop loin le plaisir de rentrer chez soi. » (Paul Morand)

« Ces Leica, ces Zeiss ; les gens n’ont-ils plus d’yeux ? » (Paul Morand)

« S’en aller, seul moyen de parvenir. » (Paul Morand)

« Voyager, c’est être infidèle ; soyez-le sans remords, oubliez vos amis avec des inconnus, trompez vos maîtresses avec des monuments … dites-vous que votre livre d’adresses est un cimetière ; mettez-vous en friche… » (Paul Morand)

« Nous croyons que le voyage, cette fuite à travers l’espace, nous empêchera de sentir la fuite du temps. » (Paul Morand)

 « Maman, puis aller aux Indes ? Vas-y mon petit, répondait la mère, mais n’oublie pas ton goûter. » (Paul Morand – souvenir d’enfance) – Alchimie entre audace et réalisme.

« La grande vacance des valeurs fait la valeur des grandes vacances. » (Edgar Morin – cité avec une commisération compréhensible par Bernard Charbonneau) – Jeu de mots certes, mais qui dit bien l’ambition des loisirs d’aujourd’hui et de leurs thuriféraires.

« Les voyagistes … planéticides. » (Philippe Muray)

« Le voyage dévastateur du touriste moderne se soutient d’une image de vertu qui n’est que l’autre nom de la mise à mort de l’altérité … L’Afrique ou la Chine à travers laquelle pérégrine ‘homo festivus’ ne doivent plus être l’Afrique ou la Chine selon les Africains ou selon les Chinois, mais l’Afrique ou la Chine selon lui-même ; et selon sa morale. » (Philippe Muray)

« Le siècle qui commence, et l’Empire qui le domine, ne se connaissent pas d’autre devoir que de transformer le monde en un espace de libre circulation pour cet individu qui incarne au plus haut point le marché universel : le touriste. Le touriste en rotation perpétuelle, dévastatrice et absurde, dans des espaces sans obstacle (sans populations réfractaires)… La touristosphère. » (Philippe Muray)

 « Ce grand mouvement de propagation du Bien en charter et de la philanthropie en camping-caravaning. A ceux qui naguère déclaraient refuser de ‘bronzer idiots’, répondent les nouvelles générations de zélotes qui ont résolu de ‘bronzer vertueux’ … de chanter à travers tous les pays les acquis occidentaux les plus incontestables … Le prix du ‘tourisme responsable’ aux éditeurs de guides touristiques … Il ne s’agit plus seulement de voyager loin ; il s’agit, lorsque l’on sera loin, de marcher dans le Bien … que loin et Bien soient enfin synonymes …. Le retournement de la prédation touristique en catéchèse des droits de l’homme est le tour de force par lequel le touriste contemporain assoit sa légitimité. » (Philippe Muray)

« Les pays ne sont même plus des pays mais des destinations. La fin de l’histoire est aussi celle de la géographie. » (Philippe Muray)

 « L’activité photographique ou caméscopique du touristanthrope, où se résume presque toute la justification de sa malheureuse présence quelque part. » (Philippe Muray)

« Personne n’est jamais davantage anti-touriste qu’un touriste … Il ne souhaite jamais photographier ou camescoper un monument que dégagé de sa lèpre déambulante, photographiante et camescopante, donc libéré de lui-même. L’idéal qu’il nourrit est fondé sur une perpétuelle dénégation de sa propre présence, qu’il est le mieux placé pour savoir désolante … S’il y a quelque chose que le touriste a en horreur, c’est de se voir et d’être vu comme un touriste. Le propre du touriste est de passer sa vie à déplorer la présence de touristes sur les sites qu’il visite … Il cherche à voir les choses comme elles étaient ‘avant le tourisme’, autrement dit ‘avant lui-même’. » (Philippe Muray)

« Le touriste lui-même, ce véritable tueur en série du monde nouveau, cet authentique ‘criminel de paix’ toujours impuni, se retrouve nimbé de l’auréole citoyenne, ce qui le met au-dessus de toute critique et le charge d’une pseudo-mission civilisatrice capable de voiler ses fatales exactions. » (Philippe Muray)

« Un genre nouveau de touropérateurisme, ‘Cap sur la cata’ se propose de promener les amateurs de catastrophes partout où il s’en produit une … Ebauche de slogans : ‘Fouler enfin les sentiers battus par le malheur, par la misère et par la guerre’ – ‘S’éclater dans les pays éclatés’ – ‘Risquer sa peau à Kaboul’ – ‘Marre de bronzer idiot ? Pourquoi ne pas s’exposer au pire ?’ – ‘Les psy sont déjà sur place, ne les laissez pas seuls’ … Le label ‘Vacancier curieux de tout’, attribué aux sites répondant à différents critères de drame, tragédie, etc., selon leur de gré de gravité et d’attractivité … tant d’atrocités perdues pour tout le monde, sauf bien sûr pour les médias audiovisuels, l’industrie touristique aurait fort à y gagner. » (une géniale suggestion de Philippe Muray) – Si on osait, très juteuse vu le nombre de sadiques cachés, de voyeurs et voyeuses eux et elles non caché(e)s sauf derrière, ou devant, leur Télé.

« Un pays qui s’ouvre au tourisme se ferme métaphysiquement. Il n’offre désormais qu’un décor. » (Gerhard Nebel – cité par Pierre le Vigan) – Que vaut la métaphysique et la fierté d’être quelqu’un ou quelque chose par rapport aux cris de triomphe à la prise de connaissance des statistiques sur l’avalanche de badauds pollueurs.

« Il n’y a de voyage qu’intérieur. » (d’après Gérard de Nerval) – « Et c’est dans l’écriture qu’il a vraiment lieu. » (Richard Millet)

« Avec le temps, la passion des grands voyages s’éteint. » (Gérard de Nerval) – Citation sans grand intérêt, sauf pour culpabiliser nos agité(e)s de retraité(e)s occidentaux qui dévastent le monde.

« Autrefois, le touriste était le spectateur admiratif du monde. Désormais, le monde est le décor laudatif de l’amour de soi. » (Denis Olivennes)

« Il y avait dans les déplacements quelque chose d’agité et d’imperceptiblement vulgaire. » (Jean d’Ormesson) – Jadis, dans certains milieux. Il y a toujours, au moins dans cette frénésie contemporaine.

 « Les modes de vie et la vision du monde des ‘élites’ américaines et d’Europe occidentale sont comparables à ceux de touristes. La mobilité est leur idéal, le multiculturalisme leur projet. » (Laurent Ottavi) – Le saccage leur occupation principale.

«  Le touriste contemporain participe à l’uniformisation du monde et à la destruction des ressources … Le touriste contemporain est un consommateur en puissance qui traverse un monde débarrassé de ses négativités, transparent et par là exploitables. » (Laurent Ottavi)

« Curiosité n’est que vanité. Le plus souvent on ne veut savoir que pour en parler. Autrement on ne voyagerait pas sur la mer, pour ne jamais en rien dire, et pour le seul plaisir de voir, sans espérance d’en jamais communiquer. » (Blaise Pascal)

« Tout le malheur des hommes vient de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre. » (Blaise Pascal) 

« Ces voyageurs barbouillés de fatigue et de routine. » (Georges Picard)

« Les dictionnaires sont les meilleures agences de voyages au monde. » (Bernard Pivot)

« Le voyage … a cédé le pas au déplacement, qui n’est que le passage d’un lieu à un autre, et dont la réussite résidera donc dans la grande rapidité avec laquelle il sera effectué. » (Natacha Polony)

« Le véritable voyage de découvertes ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. » (Marcel Proust) 

« Les voyages sont amers et vains. Je fixerai ma vie comme on attache une bête à son pieu. » (Charles-Ferdinand Ramuz)

« Les imbéciles se sentent partout chez eux, c’est pourquoi ils aiment tant voyager. » (Charles Régismanset)

« Ceux qui ont fait le tour du monde peuvent faire durer la conversation un quart d’heure de plus. » (Jules Renard)

« A qui revient de voyage, je fais une telle tête qu’il n’a plus envie de me dire que telle chose lui advint. » (Jules Renard) – Bravo, enfin une technique pour se débarrasser des importunités de ces importuns.

« Tout en prétendant voyager pour se faire plaisir, le touriste moderne tente désespérément d’affirmer son statut social dans un monde où les modes de consommation sont le seul vecteur de reconnaissance. Radiographie du mensonge touristique. (Olivier Rey)

« J’irais loin pour ne pas voir des choses qui font haleter mes contemporains. » (Jean Rostand)

« Le tourisme, le voyage sont des garants de la démocratie. Parce que les touristes, ce sont des témoins. C’est très important. » (fondateur des guides du Routard) – Sacralisation suprême de cette activité arrogante et prédatrice. .

« Touriste : habite une tour. » (Erik Satie)

« On fit comme toujours un voyage au loin de ce qui n’était qu’un voyage au fond de soi. » (Victor Segalen)

Les Loti et Cie « ont dit ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont senti en présence des choses et des gens inattendus dont ils allaient chercher le choc. Ont-ils révélé ce que ces choses et ces gens pensaient en eux-mêmes, et d’eux ? Car il y  a peut-être du voyageur au spectacle, un autre choc en retour. » (Victor Segalen – cité par  Simon Leys) – Du moins encore du temps de l’auteur, avant que la mondialisation ne rabote tout et tous au même plat niveau.

« L’imaginaire déchoit-il ou se renforce quand il se confronte au réel ? Le réel lui-même n’aurait-il pas sa grande saveur et sa joie ? Car ces deux mondes, si étranges l’un à l’autre,  s’attribuent tour à tour la seule existence … L’épisode et la mise en scène du voyage, mieux que tout autre subterfuge, permettent ce corps à corps rapide, brutal, impitoyable et marquent mieux chacun des coups … Par le mécanisme quotidien de la route, l’opposition sera flagrante entre les deux mondes : celui que l’on pense et celui que l’on heurte, ce que l’on rêve et ce que l’on fait, entre ce qu’on désire et ce que l’on obtient … Afin de chercher en quelles cavernes de l’humain ces mondes divers peuvent s’unir et se renforcer, ou bien, si décidément ils se nuisent, se détruisent jusqu’au choix impérieux de l’un d’entre eux, sans préjuger duquel d’entre eux, et s’il faut, au retour de cette équipée dans le Réel, renoncer au double jeu plein de promesses sans quoi l’homme vivant n’est plus corps, ou n’est plus esprit. » (Victor Segalen) – Evidemment il ne s’agissait pas des voyages actuels qui n’impliquent ni efforts ni contraintes ni servitudes.

« C’est d’âme qu’il faut changer, non de lieu. » (Sénèque)

« Tu veux savoir pourquoi cette fuite n’est d’aucun réconfort ? Tu fuis avec toi-même … Ce qui compte c’est l’état dans lequel tu te trouves et non pas ta destination. » (Sénèque)

« C’est n’être nulle part que d’être partout. Ceux dont la vie se passe à voyager finissent par avoir des milliers d’hôtes et pas un seul ami. » (Sénèque – Lettres à Lucilius – cité par Jean-Claude Michéa)

« L’une des nombreuses erreurs des imbéciles : ils n’en finissent pas de commencer à vivre … Des vieillards avides comme jamais d’honneurs, de grands voyages, de nouvelles affaires. » (Sénèque) – Encore Sénèque ne connaissait-il pas les vagues de retraités dévastant la planète.

« Dans le monde carnavalesque, les lieux (villes, sites naturels, réserves, pays entiers) sont restructurés et refaits pour attirer les touristes … Mais on invente aussi des non-lieux comme des aéroports et des villages, des villes à thème, des parcs et d’autres espaces factices pour paraître ce qu’ils ne sont pas … Pour les besoins du ‘fun’, l’ensemble du globe peut être soumis à des métamorphoses … La nature utilisée de façon violente, réduite à un spectacle, à un ‘gadget’, les villes historiques mises sens dessus dessous, les monuments exposés au risque d’être endommagés, des villes factices crées pour offrir des parcours ‘à thème’ …  Les étés constellés de festivités, d’événements, de dates, de rendez-vous, de festivals, de concerts, de compétitions, sur les vieilles places, dans les ruelles, les monuments, les pyramides … Les villes transformées en scènes de théâtre où le faux surgit dans le vrai,, la fiction dans la vie, l’irréel dans le réel (nuits blanches…) … Plus de ‘villégiature’ ou ‘d’estivants’, les termes appropriés sont : ‘fun’, ‘enjoyment’, ‘wellness’, ‘resort’… » (Raffaele Simone)

« Le tourisme moderne et sa conception du monde comme salle d’embarquement et comme piste d’atterrissage. » (Peter Sloterdijk) 

« ‘Touriste, voyageur qui n’associe pas d’objectif particulier, par exemple scientifique, à son périple, mais ne voyage que pour avoir fait le voyage et pouvoir le décrire ensuite’ … Le touriste stoïque préfère voyager fenêtres fermées.  » (Peter Sloterdijk – citant Brockhaus)

« Calculé en kilomètres, de nombreuses personnes parcourent de grandes distances, mais le nombre de ceux dont on peut dire qu’ils ont été ailleurs demeure immuablement bas. On le voit très bien avec ces cirques itinérants  …  qui parcourent le monde entier mais ne sortent jamais de leur milieu. Pour ce genre de personnes, la globalisation produit le ghetto mobile, l’hôtel standard, la plage standard, le terrain de sport standard, la salle de conférences standard, et le pidgin cosmopolite pour accompagner le tout. » (Peter Sloterdijk)

Socrate disait de quelqu’un que les voyages n’avaient pas amélioré : « Qu’il s’était emporté avec lui. »

« Voyager n’était plus vivre en chemin ni en commun, mais partir et arriver. » (Emile Souvestre – Le monde tel qu’il sera)

« Cet empressement, cette hâte pour arriver là où personne ne vous attend, cette agitation dont la curiosité est la seule cause, vous inspire peu d’estime pour vous-même. » (madame de Staël)

« C’est là le danger d’acheter des gravures des tableaux que l’on voit dans ses voyages. Bientôt la gravure forme tout le souvenir, et détruit le souvenir réel. » (Stendhal) – De même pour les obsédés de photographie qu’évoque Paul Morand plus haut.

« L’important ce n’est pas la destination, c’est le voyage. » (Stevenson)

« Je hais les voyages et les explorateurs. » (Claude Lévi-Strauss)

« Ce que d’abord nous nous montrez, voyages, c’est notre ordure lancée au visage de l’humanité. » (Claude Lévi-Strauss – sur l’exportation des techniques et des pollutions des civilisations dites avancées)

« Voyages, coffrets magiques, vous ne livrerez plus vos trésors intacts. » (Claude Lévi-Strauss) 

« Le voyageur est ce qui importe le plus dans le voyage. Tant vaut l’homme tant vaut l’objet. » (André Suarès)

« Le tourisme, ce n’est pas la rencontre de l’autre, c’est le spectacle de l’autre. » (François Taillandier)

« Il répondait … que la fascination pour les voyages était le trait le plus éclatant de la connerie contemporaine. » (François Taillandier) – Vus certains troupeaux, entendus certains racontars de chevaux de retour, on approuve.

« On voyage pour changer non de lieu mais d’idées. » (Hippolyte Taine)

« On ne peut mieux dire que ‘le temps gagné ne se rattrape pas’. Un véritable voyage exige un rythme, où soient sensibles le changement d’horizons, le passage à d’autres climats. Tandis que l’avion… » (Gustave Thibon – citant Alexandre Vialatte)

« Ce qu’il y a de meilleur à l’étranger ce sont les compatriotes qu’on y rencontre. » (Jean-Paul Toulet)

« Le monde s’est rétréci, terriblement rétréci, on ne voyage plus on se déplace. » (Yves le Toumelin

« Plus on voyage au loin moins on se connaît … Plus on va loin, moins on apprend. » (Lao Tseu)

« Le vrai voyageur n’a pas de plan établi et n’a pas l’intention d’arriver. » (Lao Tseu) – Ce qui le différencie du touriste.

« Un voyage de mille lieux commence par un pas. » (Lao-Tseu)

 « Cette topophobie, si caractéristique de maints esprits modernes qui passent leur vie à courir à toute allure d’un endroit à un autre, non pour l’amour de celui vers lequel ils se dirigent, mais par haine de cet autre d’où ils viennent, les fuyant tous. Ce qui est une des formes du désespoir. » (Miguel de Unamuno) – On fuit le lieu, mais aussi le présent, le monde tel qu’il est (le succès des jeux sur internet)

« Les voyages nous changeaient. Ils ne nous changent plus. Nous ne voyageons plus, nous bougeons. » (Pierre le Vigan) 

« La fuite en avant des nantis dont la démence ambulatoire et touristique n’est jamais que le symptôme clinique d’une perte de repères, d’une désorientation soudaine. » (Paul Virilio)

« Jadis le voyage comportait trois étapes : le départ, le trajet et l’arrivée. Aujourd’hui, l’arrivée  domine tous les départs. » (Paul Virilio)

« Un voyage : le risque d’un gros ratage, la chance d’une immense révélation. Voilà le tourisme originel … Jadis, la grande négociation de soi avec le monde, qui réussit ou qui échoue. » (Marin de Viry)

« Par Thomas Cook, on passe de Baltasar Gracian à Jacques Séguéla. L’élévation personnelle, que Gracian nommait le ‘rehaut’, cède le pas à la compétition statutaire, et avec elle, sort des eaux cet immense continent que Stendhal appelait la ‘haine impuissante’, c’est-à-dire le désir constant d’avoir la même gamelle que son voisin, ce qui suppose de l’observer en permanence avec envie. » (Marin de Viry)

« Le nouveau tourisme respectueux … et qui aurait même un rôle réparateur des dégâts … Il s’agit de transformer le bon vieux touriste, destructeur sans malignité, en réparateur socioculturel … Comment créer une nouvelle race de pèlerins du Bien, du Mieux ? … Ne s’agirait-il pas de créer une chaleureuse ‘équipe du bien’ ? … Il s’agit de nous expliquer bêtement qu’il y a un tourisme moralement et intellectuellement chic, et un tourisme ‘plouc’. » (Marin de Viry) – Toujours le mépris du peuple.

« L’importance accordée par les sociétés de tourisme à la pression sociale en tant que déclencheur de la nécessité de faire du tourisme … Deux axes : je suis autonome versus je suis pris en charge – Je me repose versus je visite, donc je me fatigue. » (Marin de Viry)

« A l’aller, le touriste moyen mondial déclare que réussir un voyage, c’est avoir un rapport personnel avec les gens sur place ; au retour, le même déclare ne pas avoir atteint l’objectif de communiquer intensément avec la population locale. » (Marin de Viry)

 « Taine développait l’idée, à propos de Benvenuto Cellini, que la sauvagerie, ou le caractère de l’instinct si l’on préfère, permettait un accès direct à la beauté. Il ne s’agissait pas de récuser la culture, il s’agissait de définir une hygiène du moment de la rencontre avec la beauté : savoir qu’on ne sait rien, ne rien vouloir savoir … Si vous voulez savoir d’avance quelque chose de ce que vous voyez, vous raterez la sidération … Avoir cet air sérieux, un peu myope, extrêmement attentif et pas très cultivé qu’on voit aux nourrissons, ils sont encore très proches de l’infini, il faut leur faire confiance. » (Marin de Viry) – Proscrire les guides de voyage, avant !

« Au touriste il faudrait expliquer une chose simple : il est plus exotique de se trouver soi-même en restant sur place que de se trouver vide en se déplaçant. Il est même peu recommandable de chercher à se vider en se déplaçant … Bougisme rieur, décervelé, dont l’inspiration profonde serait la peur panique de l’ennui, le dégoût de la vie ordinaire, la récusation du mystère. » (Marin de Viry)

« Ce n’est plus le moi qui part en voyage comme au XVIII° siècle, c’est le surmoi qui court le monde, à partir de la fin de la deuxième moitié du XIX°. Le surmoi, c’est-à-dire l’exemple que l’on veut imiter, l’image que l’on veut renvoyer, la pénible contrainte identitaire qui structure nos choix, tout en nous empêchant de choisir vraiment. » (Marin de Viry) – Et elle ne s’exerce pas seulement en matière de voyages.

« Cet individu contemporain qui accompagne son camescope à l’étranger. » (Marin de Viry)

« Le vrai secret pour avoir de la santé et de la gaieté, est que le corps soit agité et que l’esprit se repose : les voyages donnent cela » (Vincent Voiture) 

« Les gens qui demandent sans cesse ‘pourquoi’ sont comme ces touristes plongés dans leur Baedecker (guide touristique) au pied d’un édifice et qui, à force de lire l’histoire de sa fondation… sont empêchés de le voir tout simplement. » (Ludwig Wittgenstein) – Comme les photographes impénitents.

« Moi, le seul voyage qui m’intéresse c’est la mort, parce qu’on ne rapporte pas de diapos. » (Wolinski)

« Ceux qui parcourent les mers à la recherche de la sagesse verront le ciel changer et non pas leur esprit. » (maxime latine)

« Les sombres soucis montent en croupe derrière le cavalier. » (maxime latine)

« On gagne peu à courir le monde. » (proverbe)

« Jamais méchant homme ne s’amenda pour être allé à Rome. » (proverbe)

« Qui bête va à Rome, tel en retourne. » (proverbe)

« Il n’y a que les fous et les Européens qui voyagent. » (proverbe chinois) – Doit dater quelque peu si on regarde, en Europe justement, ou alors les Chinois sont devenus fous ?

 « L’industrie du bois travaille le bois. L’industrie des métaux travaille les métaux. L’industrie du tourisme travaille les touristes. » (?)

« Le meilleur qu’on puisse ramener des voyages, c’est soi-même, sain et sauf. » (?)

« Nous tenons plus à voyager qu’à arriver quelque part. » (?)

« Les Français : les pires touristes du monde. » (?)

« Voyager est une œuvre de solitaire. » (?)

« On investit une énergie psychique de plus en plus grande dans les loisirs, qui ne sont plus perçus comme un divertissement ou une détente … mais comme une occasion de tester les contours de son propre soi. » (?)

« Le tourisme contemporain est l’accomplissement du divertissement pascalien, c’est-à-dire le désir d’être hors de soi plutôt que celui de s’accomplir … C’est une des modalités de destruction de la vie intérieure. » (?)

« Voyager. ‘Je ne suis pas assez con pour cela’,  disait Gilles Deleuze. D’ailleurs, pourquoi aller chercher ailleurs, ce que l’on ne trouvera qu’en soi ? » (?) 

Ci-dessous extrait d’un ouvrage de Mathias Debureaux dont le titre se suffit à lui-même, De l’art d’ennuyer en racontant ses voyages.

 « Chiant qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage… le voyageur dispose d’une inépuisable pharmacopée. Mais rien n’est prévu pour nous immuniser contre les récits de voyage. Il faudrait imposer une quarantaine au voyageur qui revient. Au moins une douzaine d’heures en cellule de dégrisement … Au voyageur qui avouait partir pour se changer les idées, Jules Renard répliquait mielleusement : ‘lesquelles’ … Quelques recommandations au voyageur : Laissez vos souvenirs se télescoper en attendant vos bagages. Le soir même de votre retour, organisez une prise d’otages pour le récit intégral. Appâtez-les en promettant une avalanche de cadeaux … Par politesse, chaque fois qu’un nouvel invité survient, reprenez votre récit depuis le début. Les premiers arrivants pourront ainsi réentendre les passages durant lesquels ils n’étaient pas très attentifs … Convaincu de captiver vos amis, soyez intarissable, allongez votre temps de parole à l’infini ; il n’y a pas de temps imparti pour un récit qui se mérite … Dénigrez les touristes. Fouettez la ‘bronzaille’. Martelez que vous préférez voyager ‘intelligent’ … Clamez votre soif de l’autre … Précisez que vous voyagez comme les ‘locaux’. Vous prenez votre bus comme eux, vous mangez comme eux … Réhabilitez le mythe du ‘bon sauvage’, là-bas les gens sont les plus aimables du monde … Insistez sur l’hospitalité légendaire de la population locale, spontanée, sans contrepartie et sans convoitise (‘Where you from ?’ What your name ?’, ‘First time in… ?’) … Vous étiez toujours au bon endroit au bon moment … d’heureux hasards ont ponctué chaque étape … Dramatisez et contez tout ce qui ‘a failli’ vous arriver, mettez en valeur les risques encourus (‘vous n’oublierez jamais…’) … mettez des ‘ing’ à toutes vos activités (‘canyoning’, ‘trainsurfing’…) … Votre leitmotiv : ‘imprégnation’ … Détaillez les prix dérisoires, déplorez la détresse économique … Rétablissez la vérité, même dans des pays instables, prétendez n’avoir ressenti aucune once d’hostilité … ‘Ville grouillante’, ‘nature exubérante’. Mais le code de ralliement sera le terme ‘sympa’, très efficace pour définir un peuple, un parc, un continent, un chef d’œuvre du Quattrocento ou un fromager sicilien… » 

Portraits de voyageurs modernes, suivant Tzvetan Todorov  : L’assimilateur, universaliste, en mission, celui qui veut modifier les autres pour qu’ils lui ressemblent (prosélyte), les convertir, (missionnaire chrétien, marxiste) – Le profiteur, utilise les autres (homme d’affaires, colon, coopérant), fait des affaires – Le touriste, visiteur pressé de monuments, photographe d’abord, l’ayant tous pratiqué, on sait de qui il s’agit – L’impressionniste, recherche d’expérience, de perceptions, de sensations (Pierre Loti, les hippies à Katmandou), jouit des différences sans chercher à universaliser – L’assimilé, l’immigrant désireux de s’intégrer, le voyageur qui ne le sera plus, pénètre une culture et un mode de vie, l’expert étudiant une question – L’exote, observe en restant distancé, ou en essayant de, (l’ethnologue, les Persans de Montesquieu), et en se délectant de la différence – L’exilé, à la fois immigrant ne recherchant pas l’assimilation et exote, par choix ou par force (Descartes choisit la Hollande pour travailler, Joyce fuit l’Irlande comme Rilke ne peut écrire que hors d’Allemagne) – L’allégoriste, parle d’un peuple pour débattre d’autre chose, ne se déplace pas forcément (Diderot et les Tahitiens), reste centré sur sa propre culture, l’autre pays lui sert d’allégorie, de figure, pour émettre un jugement – Le désabusé, le casanier et l’éloge du chez-soi et des proches après avoir fait le tour du monde (Chateaubriand), ne voyage que pour vérifier la supériorité de sa propre culture – Le philosophe, universaliste, observe les différences pour découvrir les propriétés des choses, des êtres, des situations ou institutions, pour émettre des jugements (Montaigne) et tenter de concilier tout ce fatras dans une vision universelle.

 

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