690,1 – Souffrance, Douleur

– Il est plus question de la souffrance morale que de la souffrance physique, laquelle est encore moins communicable.

– Ne préjugeons pas de l’intensité de la souffrance morale pour celui qui l’éprouve. Le remords de dérober un morceau de chocolat peut être (presque) aussi pénible à une religieuse que le souvenir d’un meurtre ou le regret d’une vie gâchée à quelque autre. Même si celui-là dure généralement moins que ceux-ci.

-« Je souffre, donc je suis. » (fantasme actuel justifiant tous les pleurs, gémissements, plaintes et lamentations) – On se doute bien qu’il ne s’agit pas de vraies souffrances physiques ou morales, mais de plaintes narcissiques du type : je suis un garçon et je voudrais être une fille ou vice-versa, j’ai été violée (comme tout le monde) quand j’avais six ans (il y a de cela quarante ans) et je ne m’en remets pas. De nos jours les causes de souffrance sont devenues innombrables et éternelles

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« Dans ce nouvel âge des ‘siècles démocratiques’ qui ouvre la voie à la compassion généralisée, le risque est considérable d’une posture qui s’emparerait de la souffrance pour en faire l’argument pseudo-politique par excellence. Ce à quoi répond très précisément une certaine dérive de l’action humanitaire. » (Myriam Revault d’Allonnes)

« Prends la souffrance comme une information. Elle t’indique que tu ne vas pas dans la bonne direction. » (Paule Amblard) – Il s’agit de souffrance morale.

« Le plaisir est un mouvement ‘lisse’ et la souffrance  un mouvement ‘rugueux ». » (Aristippe – cité par Yves Michaud)

« La souffrance met hors de soi l’être qui l’éprouve et détruit sa nature. » (Aristote)

« Le bonheur ? C’est d’abord le silence des organes, la paix corporelle, quand nulle douleur ne se fait sentir. Mais de cela, on se rend compte toujours trop tard, quand le silence est rompu et que le corps fait entendre sa peine. » (Olivier Bardolle)

« La souffrance n’a pas beaucoup d’amis ; mais ceux qu’elle a sont sincères. » (Anne Barratin)

« Ce qu’on ne peut pas reprocher à la souffrance c’est le manque de variété. » (Anne Barratin)

« Chez les gens de valeur les souffrances, comme les enfants bien élevés, parlent d’elles seulement quand on le leur permet. » (Anne Barratin)

« Il y a le moi qui souffre et le moi qui détruit le moi qui souffre. C’est une échappatoire, un moyen d’échapper par la négation, de tenter de se mettre hors de l’abîme pour le condamner … Le mécanisme qui consiste à fuir dans la dépression autopunitive pour échapper à une souffrance insupportable. » (Lytta Basset)

« Nous retrouvons dans l’expérience de Job cette manière que nous avons parfois de décupler notre souffrance en nous autodétruisant ; pouvoir ultime et dérisoire pour faire face à une souffrance insupportable. » (Lytta Basset)

« La souffrance sans fond frappe notre passé entier d’irréalité, comme si nous n’avions rien vécu auparavant. De manière similaire, elle frappe d’interdit tout avenir autre qu’elle-même : elle est un absolu qui revendique toute la place. Nous ne pouvons même plus penser l’avenir. Cet enfermement dans un présent d’horreur clos sur lui-même… » (Lytta Basset)

« Le pauvre est contraint de lésiner sur sa douleur. Le riche porte la sienne au grand complet. » (Baudelaire) – L’obligée discrétion du pauvre.

« L’insensibilisation à la cruauté qui peut résulter de l’énorme exposition, sans précédent, aux images de souffrance humaine. » (Zygmunt Bauman)

« ‘La souffrance nous menace de trois côtés : dans notre corps qui, destiné à la déchéance et à la dissolution, ne peut même se passer de ces signaux d’alarme que constituent la douleur et l’angoisse ; du côté du monde extérieur, lequel dispose de forces invincibles et inexorables pour s’acharner contre nous et nous anéantir ; la troisième menace enfin provient de nos rapports avec les autres êtres humains’ … Le principe constant de toutes les stratégies utilisées au cours de l’histoire pour rendre vivable la vie flanquée de la peur consistait à déplacer l’attention des choses pour lesquelles on ne peut rien, à celles que l’on peut bricoler ; et de faire consommer à ce bricolage assez d’énergie et de temps pour qu’il reste le moins de place possible pour les soucis concernant les choses qu’aucun bricolage ne peut changer. » (Zygmunt Bauman – citant Freud)

« Si, comme l’affirme Alain Ehrenberg, les souffrances humaines les plus courantes ont tendance à provenir d’un excès de possibilités, plutôt que d’une profusion d’interdictions, comme autrefois, et si l’opposition entre le possible et l’impossible a remplacé l’antinomie du permis et de l’interdit … on ne peut alors que s’attendre à ce que la dépression née de la terreur de l’inadaptation vienne remplacer la névrose causée par l’horreur de la culpabilité. » (Zygmunt Bauman)

« L’habitude est le grand anesthésiste de la souffrance humaine. » (Emmanuel Berl)

« L’action humanitaire … est aussi dénoncée en tant qu’elle donnerait à chacun la possibilité de cultiver son soi en s’émouvant de sa propre pitié au spectacle de la souffrance d’autrui. » (Luc Boltanski)

« On n’est pas sur la terre pour s’amuser, dit-on. – Pardon, voudriez-vous me dire pourquoi on y est, si ce n’est pas pour s’amuser. Serait-ce pour souffrir ? Oui et non, mais il faut s’entendre. La parole du Bourgeois est à deux tranchants. La souffrance est pour les autres et lui seul est sur la terre pour s’amuser. Aussitôt qu’on oublie cette loi tout devient obscur… (Léon Bloy –Exégèse des lieux communs – 1, XL)

« Les grandes douleurs sont muettes, dit-on. – Ce qui veut dire que le silence de M. Ignibus, chapelier célèbre qui vient d’enterrer sa femme dans un cimetière de banlieue, après l’avoir empoisonnée avec de la raclure de sombrero, exprime une bien plus grande douleur que les ‘Lamentations’ de Jérémie… » (Léon Bloy – Exégèse des lieux communs – 1, LXIX)

« L’homme a des endroits de son pauvre cœur qui n’existent pas encore, et où la douleur entre, afin qu’ils soient. » (Léon Bloy)

« Les sociétés démocratiques se caractérisent par une allergie croissante à la souffrance. Que celle-ci perdure ou se multiplie nous scandalise d’autant plus que nous n’avons plus le recours de Dieu pour nous en consoler. » (Pascal Bruckner)

« Ligues, fondations, institutions pullulent : tout ce qui fait souffrance génère un comité chargé de le combattre … Concours de bienfaisance, parrainages … Stars en mère Teresa … Plus-value du cœur, héros de la compassion… » (Pascal Bruckner – ajoutant cependant à une critique férocement lucide que « mieux vaut un bénévolat par vanité que pas de bénévolat du tout. »)

« Qu’est-ce que l’ordre moral aujourd’hui ? Non pas tant le règne des bien-pensants que celui des bien-souffrants. Le culte du désespoir convenu, la religion du larmoiement obligatoire, le conformisme de la détresse … Je souffre donc je vaux … Cette idolâtrie que nous vouons à la douleur va de pair avec une terreur de l’adversité ; ce n’est pas l’école de l’endurance mais celle de la douilletterie. » (Pascal Bruckner)

« La souffrance donne des droits, elle est même l’unique source du droit, voilà ce que nous avons appris depuis un siècle. Jadis, dans le christianisme,  génératrice de rédemption … elle est devenue génératrice de réparations … Quiconque s’empare d’elle s’empare aussi du pouvoir … L’aristocratie des réprouvés … La grande supériorité du malheur sur le bonheur, c’est qu’il procure un destin. » (Pascal Bruckner)

« L’abolition de la souffrance sert d’abord la promotion des bienfaiteurs, lesquels se mettent en avant indépendamment des personnes à secourir. En s’adjoignant la publicité, la charité trahit son premier commandement : le tact et le secret … On se veut propriétaire de la souffrance de l’autre, on la recueille, on la distille comme un nectar qui vient nous consacrer. Il est une charité qui élève et qui prépare l’élévation de celui que l’on aide, il en est une autre qui le rabaisse, l’enfonce, lui demande de collaborer à sa propre inhumanité. Dès lors, le philanthrope se transforme non en ami des pauvres, mais en ami de la pauvreté. » (Pascal Bruckner) – Téléthon et autres exhibitions.

« Les maladies sont les batailles du citoyen moderne qu’il évoque et rapporte comme jadis le soldat ses campagnes … Elles nous pourvoient d’une histoire. » (Pascal Bruckner)

« Nos sociétés n’ont jamais autant parlé de souffrances depuis qu’elles s’occupent exclusivement du bonheur. » (Pascal Bruckner)

« Privée de ses alibis religieux, la souffrance ne signifie plus rien … Elle ne s’explique plus, elle se constate … Elle est devenue l’ennemie à abattre puisqu’elle défie toutes nos prétentions à établir un ordre rationnel sur terre. Elle était hier génératrice de rédemption, elle sera maintenant génératrice de réparation. » (Pascal Bruckner)

« On le sait depuis Tolstoï (la mort d’Ivan Illich), la souffrance est une saleté et la mort une contrariété nauséabonde ; le XIX° siècle la récusait au nom de la décence, le XX° l’a refoulée au nom de la jouissance. » (Pascal Bruckner)

« Deux manières de traiter un échec … : ou l’imputer à soi-même et en tirer les conséquences … ou en accuser un tiers, à désigner un responsable acharné à notre perte. ‘Je souffre : certainement quelqu’un doit en être la cause, ainsi raisonnent les brebis maladives’ (Nietzsche – Généalogie de la morale’). »( Pascal Bruckner)

« La souffrance connaît peu de mots. » (René Char)

« Dans les sociétés traditionnelles … la souffrance est beaucoup plus répandue que dans la nôtre ; mais la souffrance humaine n’existe vraiment qu’en devenant source d’angoisse … Si les sociétés anciennes connaissaient les malheurs, la nôtre connaît le malheur. Si la mort rôdait autrefois partout, elle n’était pas un absolu ; si la vie était précaire, vérités religieuses et traditions lui imposaient la marque de l’éternité. La société qui enfermait les individus, en bornant leur vue, leur dissimilait l’abîme. Ils n’étaient pas seuls dans l’univers, ils avaient des frères et un lendemain … Avant le mal du siècle, il n’y avait que des maux, tandis que, depuis, il y a le malaise … En devenant un idéal, le bonheur devient un absolu inaccessible qui se dissipe aussitôt qu’on l’atteint.  Dans une société qui en a fait une fin au lieu d’en bénéficier par surcroît, le bonheur devient déception, insatisfaction et frustration perpétuelle … Ils s’étaient voulus libres et se constataient seuls, ayant perdu Dieu et le cherchant quand même, traqués par la mort sans pouvoir renoncer à l’éternité … la misère moderne est celle de l’individu dont les cadres se sont effondrés, l’abandonnant à lui-même sans qu’il soit capable de se donner un sens et un ordre par lui-même. » (Bernard Charbonneau)

« Ne disputons à personne ses souffrances ; il en est des douleurs comme des patries, chacun a la sienne. » (Chateaubriand)

« L’esbroufe ne va pas de pair avec la douleur physique. Aussitôt que notre carcasse se signale, nous sommes ramenés à nos dimensions normales, à la certitude la plus mortifiante, la plus dévastatrice. » (Emil Cioran)

« Ecrire est la grande ressource quand on n’est pas un habitué des pharmacies, écrire, c’est se guérir. »(Emil Cioran)

« Les marches de la souffrance ne montent pas, elles descendent ; elles ne conduisent pas au ciel mais en enfer. La souffrance sépare, dissocie ; force centrifuge, elle vous détache du noyau de la vie, du centre d’attraction du monde, où toutes choses tendent à l’unité. Le principe divin se caractérise par un effort de synthèse et de participation à l’essence du tout. A l’opposé, un principe satanique habite la souffrance, principe de dislocation et de tragique dualité … La séparation  d’avec le monde que produit la souffrance mène à une intériorisation excessive et, paradoxalement, relève le degré de conscience, si bien que le monde entier, avec ses splendeurs et ses ténèbres, devient extérieur et transcendant. » (Emil Cioran)

« Combien nous pouvons faire souffrir ceux qui nous aiment et quel affreux pouvoir du mal nous avons sur eux. » (Albert Cohen)

« A raconter ses maux, souvent on les soulage. » (Corneille)

« Les souffrances du cœur ne doivent faire crier qu’élégamment. » (Louis Dumur)

« La santé, comme l’argent, est un moyen, non une fin. » (Jean Dutourd)

« Douleur. – La véritable est toujours contenue. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)

« Malade. – Pour remonter le moral d’un malade, rire de son affection, nier ses souffrances. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)

« La douleur est toujours moins forte que la plainte. » (La Fontaine – La matrone d’Ephèse) 

« Le temps atténue la souffrance passée, mais il ne l’éloigne jamais beaucoup. Il suffit d’un rien pour que le souvenir revienne à l’improviste. Vous songerez alors que rien ne serait pire que l’oubli, que cette souffrance qui a jadis brisé vos limites est la preuve que vous avez aimé, que cette preuve est la justification de votre existence, votre bien le plus précieux, le seul que vous emporterez quand le reste retournera à la poussière. Vous ressentirez la connivence profonde de la souffrance et de l’amour dans votre nature périssable … Voyant comment, avec une puissance presque infinie, la souffrance vous aura en même temps lié indissolublement aux vôtres, ouvert à la pitié et rendu attentif à la plus anecdotique des larmes d’enfant, comment elle vous aura fait plus sensible à la peine et à la solitude des autres, comment enfin dés ce monde elle se change en charité…» (André Frossard)

« Un monde maniaco-dépressif. Une démocratie lacrymale où tout le monde pleurniche. Même les intellectuels de plateaux n’analysent plus grand-chose, inaudibles entre deux sanglots, entre deux délations tristes ou invectives au ras des chrysanthèmes … La conséquence morbide de cette démocratie lacrymale est que toutes les causes finissent par se valoir …nivelées par les larmes … Juste des gens qui pleurent, juste des pleurs, la flotte salée dégueulasse… Maman ! Regarde Maman ! Regarde comme j’ai bien geint ! » (Nicolas Gardères)

« Il n’y a qu’à la souffrance qu’on ne ment pas. » (Jean Giono)

« L’expression publique de la souffrance a lieu tous les jours à la télévision. » (Jean-Pierre Le Goff – sur l’abondance des émissions (renforcées d’images) mettant en scène le spectacle de gens confrontés à des situations plus ou moins dramatiques)

« ‘Si vous avez été victime d’inceste dans votre jeunesse faites-nous part de votre expérience’ (station de radio connue) … Dans la course à l’audimat, la souffrance fait recette. » (Jean-Pierre Le Goff)

« La souffrance est pire dans le noir ; on ne peut poser les yeux sur rien. » (Graham Greene)

« Si la conversion est pénible durant la vie, elle l’est plus encore à l’heure de la mort. Reconnaître que vous vous êtes trompé jusqu’au bout, accueillir  l’humiliation extrême d’avoir manqué votre existence de part en part. » (Fabrice Hadjadj) – Autant, et même plus,  que de conversion religieuse, l’auteur entend par conversion, le surgissement soudain et incontrôlable de la soudaine prise de conscience.

« La suprême douleur et la suprême volupté s’expriment tout à fait de la même manière. » (Hermann Hesse – Narcisse et Goldmund) – Dans l’univers féminin.            

« La souffrance des riches est la consolation des pauvres. » (Victor Hugo)

« Le récit de souffrance psychique transforme des récits de réussite en biographies dans lesquelles le moi lui-même n’est jamais vraiment ‘fini’ et dans lesquelles  les souffrances de l’auteur deviennent constitutives de son identité (multiples exemples de personnalité connues) … La réussite n’est pas le moteur du récit … Ce récit explique des sentiments contradictoires : excès ou manque d’amour, excès d’agressivité ou manque … utilise le modèle culturel du récit religieux, régressif car concernant des événements passés encore à l’œuvre et progressif parce que le but est de permettre une rédemption (la santé effective) …  fait de nous les responsables de notre bien-être psychique, ce en éliminant toute faute morale  … Récit performatif car il réorganise l’expérience en même temps qu’il la raconte … structure culturelle contagieuse parce qu’il peut être reproduit et étendu à des collatéraux, aux petits-enfants (exemple des descendants de victimes de la Shoa – maintenant des descendants à ‘n’ générations de prétendus esclaves) … Presque une marchandise idéale, peu d’investissements … Enfin, peut-être le plus important,  le récit thérapeutique vient du fait que l’individu baigne dans une culture saturée de droits et que les individus aussi bien que les groupes ont de plus en plus soif de ‘reconnaissance’ . » (Eva Illouz – sur le discours thérapeutique ; culte de la victime et culture de la lamentation, culture de la ‘confession’ dans laquelle règne la ‘démocratie de la douleur’) – Epoque  de petitesse, de faiblards, de gémissants, de pleurnichards, de médiocres pour tout dire – « Les féministes, les psychologues, l’Etat et ses bataillons de travailleurs sociaux, les universitaires travaillant dans le champ de la santé mentale, les compagnies d’assurance et les compagnies pharmaceutiques ont récupéré le discours thérapeutique parce que tous avaient intérêt à promouvoir et à diffuser un récit dans lequel le moi se définit par sa pathologie… Pour mieux aller, il faut commencer par être malade … Ainsi, en même temps que ces acteurs promouvaient la santé, le ‘self-help’ et la réalisation de soi ils favorisaient et étendaient aussi par nécessité, le domaine des problèmes psychiques.. » (Eva Illouz)

« Si le plaisir n’est pas le bonheur, la souffrance, à son tour, n’est pas le malheur, mais bien plutôt la cautérisation et la guérison violente du malheur … Fonction réparatrice … Purgatoire salutaire. » (Vladimir Jankélévitch – traitant du remords)

 « Il est dans la nature d’être soulagé de nos maux quand nous leur avons donné un nom, quel qu’il puisse être. Je ne sais pas au juste si cela est utile en soi et par soi, mais je sais que cela est très naturel et par conséquent très raisonnable. » (Joseph Joubert)

« ‘Je pense donc je suis’ est un propos d’intellectuel qui mésestime les maux de dents. Je sens donc je suis’ est une vérité de portée beaucoup plus générale. Le fondement du moi n’est pas la pensée mais la souffrance, sentiment le plus élémentaire de tous. Dans la souffrance, même un chat ne peut douter de son moi unique et non interchangeable. Quand la souffrance se fait aiguë le monde s’évanouit et chacun reste seul avec soi-même. La souffrance est la grande école de l’égocentrisme. » (Milan Kundera)

  • « ‘Je pense donc je suis’ est un propos d’intellectuel qui mésestime les maux de dents. ‘Je sens donc je suis’ est une vérité de portée beaucoup plus générale et qui concerne tout être vivant. Le fondement du moi n’est pas la pensée mais la souffrance, sentiment le plus élémentaire de tous. Dans la souffrance, même un chat ne peut douter de son moi unique et non interchangeable. Mon moi ne se distingue pas essentiellement du vôtre par la pensée, nous pensons tous à peu près la même chose … Mais si quelqu’un me marche sur le pied, c’est moi seul qui sens la douleur. Le fondement du moi n’est pas la pensée, mais la souffrance.Quand la souffrance se fait aiguë le monde s’évanouit et chacun reste seul avec soi-même. La souffrance est la grande école de l’égocentrisme. » (Milan Kundera)

« La souffrance aiguë disperse nos possibilités et réduit en parcelles notre être moral. » (Augusta Amiel-Lapeyre)

« Souffrir est une faiblesse, lorsqu’on peut s’en empêcher et faire quelque chose de mieux. » (Lautréamont)

« Il me semble que l’ennui soit de même nature que l’air, qui remplit tous les espaces entre les objets matériels et tous les vides présents en chacun d’eux … De même pour la vie, les intervalles entre les plaisirs et les déplaisirs sont occupés par l’ennui … Quand il souffre l’homme ne peut pas s’ennuyer. »  (Giacomo Leopardi)

« On se demande ce qui est arrivé à l’espèce humaine, en particulier à sa partie féminine, pour que quelques mots plus hauts que les autres ou un regard un peu suggestif venant d’un inconnu ou d’un compagnon d’émission puissent causer tant de malheurs … La souffrance n’est plus muette, elle parle haut et fort. Elle ne se cache plus, elle se brandit comme une identité … C’est sur la scène publique que la faiblesse, réelle ou supposée est devenue une force et même une arme que l’on peut pointer sur la tempe d’un contradicteur. Retenez-moi ou je pleure … C’est d’autant plus tentant que le titre de victime est en quelque sorte performatif : si vous souffrez, vous êtes une victime (qui commente abondamment son calvaire, que dis-je, sa tragédie). Le délit est constitué. » (Elisabeth Lévy- sur la sensiblerie contemporaine)  – « On ne se contente plus de ne pas heurter les sensibilités, il faut ménager les susceptibilités. » (Cyril Bennasar) – D’où la platitude sinistre des propos, propos d’impuissants.

« Toute souffrance est unique, et toute souffrance est commune. Il faut me redire la seconde vérité quand je souffre, et la première quand je vois souffrir les autres. » (cardinal Henri de Lubac)

« Quand la douleur veut prendre possession d’un être, elle attaque sur tous les fronts à la fois, et ses armées, par une manœuvre convergente, pénètrent jusqu’au cœur de la place. » (cardinal Henri de Lubac)

« Quand on croit avoir enfin chassé cette bête féroce, on la retrouve tapie dans un coin obscur du logis, prête à bondir de nouveau sur sa proie. » (cardinal Henri de Lubac)

« Celui qui se prend trop au sérieux ne dominera jamais sa douleur. C’est sa douleur qui le domine, même s’il paraît en avoir eu raison. Elle le tend, le durcit, le flétrit. Elle lui impose une philosophie sévère. » (cardinal Henri de Lubac)

« La souffrance n’est pas imaginaire, même quand c’est l’imagination qui fait souffrir. Mais on peut être responsable de l’état de son imagination. » (cardinal Henri de Lubac)

« L’égoïsme entretient la douleur et, en même temps le désintéressement l’amplifie. L’individu souffre de l’injure qui lui est fait, mais plus encore, en lui, l’esprit, du désordre objectif qu’il perçoit dans cette injure. » (cardinal Henri de Lubac)

« Comme le même feu liquéfie certaines substances tandis qu’il en solidifie d’autres, il est des âmes que la douleur durcit, d’autres qu’elle désagrège. » (cardinal Henri de Lubac)

« La souffrance est partout. Il faut partout la respecter si l’on ne peut la panser partout. Il faut d’abord savoir la deviner, mais sans affecter de la voir. » (cardinal Henri de Lubac)

« L’animal ne souffre pas vraiment, parce qu’il ne se fait pas lui-même souffrir. Il n’ajoute pas au choc subi la double réaction de ses souvenirs et de ses prévisions. Ici, comme partout, la grandeur de l’homme fait sa misère … L’homme empoisonne spontanément sa souffrance en vivant le souvenir dans le ressentiment et l’anticipation dans la crainte ou le souci. L’art de souffrir est dans une large mesure l’art d’assainir le passé et l’avenir vécus dans l’instant de la douleur… » (cardinal Henri de Lubac)

« La souffrance ne peut avoir de sens que quand elle ne mène pas à la mort ; et elle y mène presque toujours. » (André Malraux)

« Tous souffrent … et chacun souffre parce qu’il pense. Tout au fond l’esprit ne pense l’homme que dans l’éternel, et la conscience de la vie ne peut être qu’angoisse. Il ne faut pas penser la vie avec l’esprit, mais avec l’opium. Que de souffrances éparses dans cette lumière disparaîtraient, si disparaissait la pensée. » (un personnage d’André Malraux – La condition humaine)

« Je pense que, dans votre vie, vous avez dû beaucoup souffrir ; la dureté c’est presque toujours une revanche. » (André Maurois)

« Je ne souffre pas des hommes qui m’insultent, je souffre des hommes qui m’indignent. » (Henry de Montherlant)

« La souffrance ne fait pas par elle-même une personne meilleure … N’importe qui  peut être aussi malhonnête, fourbe et grossier que n’importe qui d’autre. » (Douglas Murray – à propos des victimes ou prétendues telles)  

« Le non-sens de la souffrance, et non la souffrance, est la malédiction qui a pesé jusqu’à présent sur l’humanité. » (Niezsche)

« Devant la douleur il n’y a pas de héros. » (George Orwell – 1984)

« La santé, c’est comme la liberté, ça n’existe que quand on en manque. » (Georges Perros)

« Je faisais ce que nous faisons tous une fois que nous sommes grands, quand il y avait devant moi des souffrances et des injustices, je ne voulais pas les voir. » (Marcel Proust)

« Douter de l’amour et de l’amitié c’est s’épargner bien des souffrances, et peut-être un jour se ménager une heureuse surprise. » (Charles Régismanset)

Dans toutes les douleurs de l’existence « il y a toujours un certain guichet à passer, après lequel on se trouve mieux qu’on ne s’y était attendu. » (madame de Rémusat – citée par Mona Ozouf)

« Lorsqu’on souffre une vraie souffrance comme on regrette même un faux bonheur. » (Armand Salacrou)

« La souffrance physique, on la subit. La souffrance morale, on la choisit. » (Eric-Emmanuel Schmitt) – Bien vite dit !

« Le président de la république (comme tous ses comparses politiciens) ne cesse de se pencher sur les plaies et bosses des Français. Or, ce triomphe du thérapeutique a des effets désastreux : abdication de l’autonomie, dépression, régression. » (Michel Schneider) – Infantiliser pour régner en paix.

« On a raison parce qu’on souffre … On m’a fait du tort et je veux être reconnu. Je suis malade ou exclu, donc je n’ai plus que des droits, victime je ne suis ni coupable ni responsable de rien … Quels bénéfices secondaires tirez-vous de votre souffrance ? Qui culpabilisez-vous en vous déclarant innocent ? Quand vous vous plaignez, contre qui portez vous plainte, et n’est-ce pas votre plainte qui vous porte ? … On ne s’aime jamais tant que lorsqu’on se prend pour l’idéal. Or, aujourd’hui, la bonne place, c’est la mauvaise, celle où l’on souffre. » (Michel Schneider)  

« C’est la souffrance seule qui révèle le rang d’un être humain : sous les coups du destin, dans la détresse, sur les ruines de ses plans et de ses espoirs. » (Oswald Spengler)  

« La souffrance cesse d’être souffrance sitôt que l’on s’en forme une idée nette et précise. » (Spinoza) – Spinoza devait ignorer le mal de dents, et quelques autres maux.

« Plus la souffrance est intime, moins elle paraît aux yeux des créatures. » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)

« Les plus grandes souffrances parmi toutes celles qu’éprouvent les animaux domestiques est peut-être la souffrance toute morale d’être si peu compris par nous ; eux qui nous comprennent si bien. » (Edmond Thiaudière)

« La souffrance a ceci de vrai et de profond qu’elle nous fait nécessairement ou monter ou descendre ; elle ne connaît pas de ‘statu quo’ ni de ligne horizontale, elle mène au ciel ou en enfer. Celui qui marche dans la douleur ne marche jamais en plat pays. » (Gustave Thibon)

« Toujours essayer de réduire mes propres souffrances à ce qu’elles ont d’universel et d’anonyme et considérer celles des autres comme uniques et irréductibles. » (Gustave Thibon)

« Ne t’incline pas de tout ton poids sur les tombes, ne fouille pas, ne flatte pas ta détresse. Pour être parfaitement pure, il faut que ta douleur soit parfaitement involontaire. » (Gustave Thibon)

« Deux locutions populaires expriment à merveille le caractère actif du péché et le caractère passif de la souffrance : si nous disons de quelqu’un : ‘il en a fait’, c’est toujours de mauvaises actions que nous voulons parler, tandis que si nous disons : ‘il en a vu’, c’est toujours d’épreuves, de souffrances qu’il s’agit. » (Gustave Thibon)

« Souffrir, c’est donner à quelque chose une attention suprême. » (Paul Valéry)

« Qui sait tout souffrir peut tout oser. » (Vauvenargues)

« Le monde contemporain souffre de la politisation du malheur. Car, depuis que celui-ci a été politisé, il existe une attitude proprement névrotique à rejeter la société tout en attendant tout de celle-ci … favorisant une logique de suspicion, d’accusation et d’inquisition … tendance à vouloir désigner nommément des responsables . Nietzsche y a vu une forme de haine ayant besoin de boucs émissaires afin de soulager sa hargne contre sa propre impuissance. » (Bertrand Vergely) – « Je souffre, certainement quelqu’un doit en être la cause. » (Nietzsche – La généalogie de la morale)

« La peur de souffrir et l’ivresse technologique ont, à l’évidence, conclu un pacte ensemble. Le délire technologique utile la caution de la santé qui, en retour, active le délire technologique. » (Bertrand Vergely)

« Si la lutte contre la souffrance se met à servir la logique du marché, tôt ou tard cette logique du marché va reproduire le système de la souffrance qui sert sa logique, pour son plus grand profit … Qu’un homme politique poursuivi par la justice décide de s’abriter derrière une action humanitaire afin de faire diversion est révélateur quant à l’’utilisation cynique de la souffrance pour se bâtir une image. Qu’un autre homme politique prétende inventer la charité parce qu’il se fait filmer en train de pratiquer celle-ci en dit long sur la façon … dont on manipule la générosité … Entremêlons la dénonciation du mal ainsi que la charité à nos stratégies de vente, ainsi nous serons inattaquables … je ferai de la publicité à ta souffrance si ta souffrance fait de la publicité à ma publicité. » (Bertrand Vergely) – Je n’ai pas identifié le premier homme politique (il y en a tellement dans ce cas), dans le deuxième, tout le monde  a reconnu ce pantin arriviste richissime   de Bernard Kouchner – « Quand tu fais l’aumône ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle … pour obtenir la gloire qui vient des hommes … afin que ton aumône reste dans le secret. » (Evangiles)

« Dites aux prêtres de n’en rien dire, nous ignorons ce qu’elle est. » (Louis Veuillot)

« Le caractère irréductible de la souffrance qui fait qu’on ne peut pas ne pas en avoir horreur au moment où on la subit a pour destination d’arrêter la volonté comme l’absurdité arrête l’intelligence, comme l’absence arrête l’amour, afin qu’arrivé au bout des facultés humaines l’homme tende les bras, s’arrête, regarde et attende. » (Simone Weil)

« Ne pas chercher à ne pas souffrir ou à moins souffrir mais à ne pas être altéré par la souffrance. » (Simone Weil)

« Mieux vaut porter sa croix que la traîner. » (proverbe)

« La confusion de la souffrance et de la punition est une des plus vieilles idées humaines. » (?)

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