130,3 – Moyens de communication – (réseaux sociaux)

Les réseaux sociaux. « Déversoirs du tout à l’égo. » (Bruno de Cesssole

-« La calomnie, le mensonge et la guillotine à portée de tous. C’est ce qu’on appelle le progrès. » ( ?) 

-Si on veut se faire une idée du niveau du langage où nous a mené les destructeurs de l’Education nationale, regardez (un instant, avant écœurement) l’orthographe, la syntaxe, le sens (nous ne parlons pas de leur stupidité de fond si fréquente) des commentaires postés par notre brillante jeunesse sur les réseaux sociaux.

– Verbal direct, lettre, téléphone, courriel… je n’ose inclure les SMS dans une rubrique intitulée communication, plus d’un milliard de ceux-ci échangés au premier de l’an, record battu ! Applaudissons, on est vraiment les meilleurs.

– Il y a certainement un usage civilisé (adaptation par rapport au destinataire ou au sujet) et comme un ordre de dangerosité (risque de froissement des susceptibilités, de s’exprimer en aveugle, d’incompréhension), de chacun des moyens de communication. Y réfléchir avant usage. Déjà vu : l’envoi de condoléances par courriel (pire encore, par SMS), des vœux de bonne année envoyés, par un particulier, sur une liste de distribution de dizaines de personnes. Quelle chaleur humaine dans les deux cas !

– De plus, le courriel, fort utile, est aussi un important facteur de stress en accélérant notre rythme de vie. Il faut répondre de suite. Il arrive qu’un professionnel retrouve plus de cent messages dans sa boîte après deux jours d’absence !

– Suggestion : Si le message est de quelque importance, que ce soit par lettre ou par courriel, ne jamais l’envoyer dés rédaction terminée. Laisser passer au moins une nuit, et si possible bien plus, des jours, une semaine… On juge peut-être alors différemment de son opportunité, de sa pertinence, on juge certainement alors différemment de l’utilisation de certaines idées, de certains termes dictés par la fougue du moment.

– « Les conflits ont même plutôt tendance à s’envenimer par écrans interposés, par mail ou par SMS. » (Jean-Pierre Le Goff) – Tout le monde en a fait l’expérience, surtout avec l’envie, et parfois la contrainte, de répondre à chaud.

– Quand Internet est présenté comme un moyen de communication destiné à combler le rêve cosmopolite d’unité et de compréhension universelle, ne pas oublier qu’il en a été dit autant et avec autant d’emphase stupide lors de l’apparition des chemins de fer, du télégraphe, de l’aviation… On a vu l’écroulement de ces délires. Seules la stupidité et la prétention humaines peuvent autoriser à penser qu’un outil est voué à apporter exclusivement le bien.

– La soi-disant dématérialisation, l’inflation délirante des moyens de communication et leur utilisation non moins délirante par la meute des agité(e)s entraînent un phénomène de saturation, qui fait que tout se bloque, qu’on ne prend plus connaissance de ce qui est supposé vous être destiné, que l’on ne répond plus (ou au mieux à côté) – Et ce n’est qu’un début , voir le prochain foutoir que va entraîner l’imposition fiscale dite à la source.

– La révolution numérique tant vantée, la dématérialisation, eldorado des imbéciles : sait-on, qu’au niveau mondial, les seuls data centers (plus de 4.000 dans le monde) absorbent aujourd’hui plus de l’équivalent de la production de trente réacteurs nucléaires ; la consommation d’eau nécessaire pour la climatisation de ces monstres est inconnue mais énorme (une grosse sécheresse et internet est par terre, c’est demain), et les fameuses terres rares requises pour la fabrication des ordinateurs et des smartphones, et les questions liées au recyclage des déchets de cette industrie particulièrement polluante… Le gogo aussi ordinaire que progressiste, pense bien sûr que le SMS qu’il envoie, le blog qu’il tient ne coûte absolument rien ; Magie du miracle… Combien d’énormes data center faudra-t-il construire pour répondre au délire d’objets, maisons connectées, voitures autonomes… Sans oublier l’électricité nécessaire ? Et l’eau !

-« Ordinateurs, smartphones, data centers, réseaux et objets connectés absorbent déjà quelques 10 % de la consommation électrique mondiale (en 2018) … Plus de 5% des émissions de gaz à effet de serre avec une progression dépassant 9% par an … Désastre pour l’environnement … Consommation toujours plus folle de données … coût extrême de la vidéo … 20 milliards d’objets connectés en 2020 … Un téléphone portable, 60 métaux différents dont au moins 20 non recyclables … Exploitation de ressources naturelles rares, avec des méthodes d’extraction et de traitement excessivement polluantes … Ressources qui sont l’équivalent du pétrole et du charbon à l’ère thermique. » (Sylvain Rolland) – Sans compter la dissipation de chaleur des data centers (qu’il faut bien refroidir), la pollution extrêmement dangereuse des déchets et rebuts

–  « Le numérique est avant tout le lieu de l’excès : 450.000 applications pour iphone, dix-huit millions d’articles sur Wikipedia en 270 langues, 900 millions d’inscrits sur Facebook, quinze millions de livres numérisés par Google, quinze millions de chansons  disponibles sur Deezer, 113 millions d’articles mis en vente quotidiennement sur e-bay, quatre milliards de videos vues quotidiennement sur Youtube, cinq milliards d’abonnement à la téléphonie mobile, 644 millions de sites actifs sur le web, 156 millions de blogs, les data centers américains consomment le double de l’énergie consommée par Sao Paulo et sa banlieue … L’énergie nécessaire pour l’ensemble des data centers et tous les ordinateurs est responsable des émissions d’oxyde de carbone  à égalité avec le  trafic aérien mondial … Un million de kms de cables de fibre optique posés au fond des océans. » (Cédric Biagini) – chiffres datant des années 2010 d’après la date du  dépôt légal du livre !  

 -Mais « Nous courons sans souci vers le précipice, après que nous avons mis quelque chose devant nous pour nous empêcher de le voir. » (Blaise Pascal) – « Dès que quelqu’un se présente avec un sujet aussi grave que l’effondrement de notre civilisation, les gens préfèrent tirer sur le messager et pointer ses contradictions plutôt que de se remettre en question sur sa propre vie. » (Julien Wosnitza – Pourquoi tout va s’effondrer)

– « Je suis connecté, donc j’existe. » (Jeremy Rifkin) – L’addiction numérique.

– « La frénésie communicationnelle. » (Cédric Biagini)

– « Les ayatollahs de la dématérialisation. » (Cédric Biagini)

-« Système de communication ou banquet des esprits. » (Marc Fumaroli à propos du langage et de la conversation)

– « La fatigue d’être lecteur ne peut rivaliser avec la facilité d’être spectateur. » (Raffaele Simone)

On trouvera des extraits de l’ouvrage de Marshall Mcluhan, Comprendre les médias vers la fin de la rubrique Fins  / Moyens, 335, 1. Sachant que dans l’acception de l’auteur, média ne signifie pas simplement moyen de communication, mais tout moyen technologique (chemin de fer, avion, et même matière première).

Les rubriques  130,3, Moyens de communication – 130,4 Téléphone – et 130,5 internet sont, si je puis dire, à interconnecter..

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“Nous vivons depuis quelques années sous la domination morale de la génération très sensible et sûre d’elle des Milléniaux que l’auteur américain Bret Easton Ellis qualifie de ‘Génération dégonflée’ qui  ‘ont une tendance à sur-réagir et afficher une positivité passive-agressive’. » (Olivier Amiel – sur les excités sévissant sur les réseaux sociauxl – Si encore, on y trouvait un peu de vocabulaire et beaucoup d’orthographe.  

«  La ferveur quasi-religieuse entourant cette prophétesse de la fin du monde est l’autre face d’une société qui est devenue, sous l’effet des réseaux sociaux, une sorte de théâtre hystérique enchaînant bûchers des vanités, tribunaux révolutionnaires et exécutions rituelles. » (Olivier Babeau – à propos de la vénération hystérique portée à une jeune écologiste suédoise, mais peut s’étendre à toutes nos extases frénétiques)

« Pourquoi avons-nous laissé le monde se transformer en foire aux vanités, en compétition de ‘j’aime’ (like), en course à la mythomanie, en affrontement de corbeaux ?… Instagram ‘loft-story’ géant pour Narcisses frustrés, Facebook, entreprise de crétinisation et Twitter, un recueil d’éructations aussi laides que banales … Frénésie de prétention creuse … Ce monde virtuel qui semble avoir été créé pour permettre à tous les haineux du monde  de se donner la main » (Frédéric Beigbeder)

« L’idiotie communicationnelle. » (Miguel Benasayag – Plus jamais seul, avec mon portable)

« La communication centre des images identificatoires, voilà le déplacement actuel … La communication, norme centrale, bien en soi … Communiquer, c’est bien. Développer des moyens de communication, c’est bien. Eradiquer toute opacité non communicante, c’est bien. On reproche aux hommes au pouvoir, non pas de faire ce qu’ils font (ou de ne rien faire), mais de ne pas communiquer. » (Miguel Benasayag)

« Les gens font les choses en pensant d’emblée comment ils vont communiquer dessus. Les moyens de communication … nous mettent tous en série … Lorsque la communication devient un impératif, elle ne crée pas plus de commun mais détruit en outre celui qui existe. (Miguel Benasayag)

« Imbéciles, ne voyez-vous pas que la civilisation des machines exige de vous une discipline chaque jour plus stricte ? Elle l’exige au nom du progrès … Comprenez donc que la civilisation des machines est elle-même une machine, dont tous les mouvements doivent être de plus en plus synchronisés. » (Georges Bernanos – La France contre les robots) – Cela s’applique tellement bien à la fameuse dématérialisation dont les laquais n’aspirent qu’à devenir esclaves et nous saturent les oreilles, sans rien savoir de son coût en ressources métalliques rares et dont l’extraction est terriblement coûteuse, y inclus dans le domaine environnemental, qui sont  nocives dans les décharges, de ses exigences en matière énergétiques et  de refroidissement, etc. 

« Le technolâtre est fragile, il s’angoisse rapidement : il faut que ça bouge tout le temps pour qu’il ait sa dose d’excitation … Il ne supporte pas la contradiction, toute réserve est un grief contre lui, héros de la science et de la puissance, et en plus martyr de l’incompréhension et de la réaction. » (Cédric Biagini)  – Le technolâtre halluciné (et hallucinant) sévit aujourd’hui principalement dans le domaine du numérique.

« Dans les rues et dans les transports tous ces gens occupés de ces petits appareils qu’ils ont avec eux, à en consulter les minuscules écrans, à y parler seul … dans la foule mouvante comme à entendre des voix et y répondre … chacun en colloque particulier avec le mince boîtier … Ce contact avec ce qui n’est pas là ne se maintient qu’aux dépens de son contact avec les choses, et par là, au préjudice de sa conscience particulière.» (Baudouin de Bodinat –  Au fond de la couche gazeuse)

« Chacun était enfermé dans la tour d’ivoire de son portable. Les technologies de la communication fabriquent de l’autisme aussi sûrement que Jean Foucambert et Evelyne Charmeux, les deux thuriféraires de la méthode idéo-visuelle, ont fabriqué des dyslexiques. » (Jean-Paul Brighelli) 

« En donnant la parole à tout le monde, l’informatique a transmué en intellectuels tout ce qui s’agite sur Tweeter, Facebook, TikTok et Instagram — et les autres. Sous prétexte que la parole lui était offerte, le premier crétin venu s’estime en droit de donner son avis. On écoutait jadis ce que disaient Bernanos, Sartre ou Camus ; on s’écoute désormais soi-même. » (Jean-Paul Brighelli)

« La doxa n’est plus ce qui émanait des castes supérieures, elle provient désormais de la lie de l’humanité, condensée dans sa jeunesse. La censure vient d’en bas. » (Jean-Paul Brighelli) – Merci les réseaux sociaux. 

«  La profusion de l’offre de communication sur le ‘marché cognitif’ n’incite pas au développement de l’esprit critique mais à l’intensification des préjugés. » (Gérald Bronner)

« Qu’est-ce qui peut concurrencer les écrans dans le domaine de l’attention, ces monstres attentionnels qui dévorent notre temps de cerveau disponible plus que n’importe quel objet présent dans notre univers ?   … Les humains passent 3,7 H par jour sur leur téléphone …  Ce qui est requis, c’est de chasser le vide. Ce qui est congédié, c’est le temps de l’attente, de l’ennui, de la rêverie, et donc en partie de notre créativité. » (Gérald Bronner)

« La peur, bon produit cognitif, très bon produit d’appel sur le marché hyperconcurrentiel de l’information (dérégulation du marché cognitif  dû à Internet) … Conspirationnistes, promoteurs de la peur (crainte des antennes-relais, des vaccins, du contenu de nos assiettes, de l’avenir en général) sont souvent plus motivés que la moyenne de nos concitoyens à faire valoir leur point de vue … l’asymétrie de motivation déterminante pour comprendre la diffusion de la crédulité … Certains votent mille fois dans Internet, d’autres jamais, les croyants et les militants votent beaucoup. » (Gérald Bronner)

« Se masquer pour faire mal. Peut-être, le fait de recourir à des identités de substitution permet-il plus facilement de lever les inhibitions vis-à-vis de la violence physique ou verbale en nous soulageant de la responsabilité de la conséquence de nos actes. … Sous le masque de l’avatar, le guerrier des forums et des réseaux sociaux répand son venin … » (Gérald Bronner- à propos des pseudos, des réseaux sociaux)

« La communication tend plutôt à  redoubler les vices qu’à augmenter les vertus. » (Giordano Bruno)

« Le ’déterminisme technologique’ (Thorstein Veblen). Le progrès technologique, force autonome, a été le principal facteur qui a influencé le cours de l’histoire (Marx : ‘Donnez-moi la force humaine et vous obtiendrez une société d’esclavage, le moulin à vent … une société féodale, la machine à vapeur … la société capitaliste industrielle’)  – A l’opposé les instrumentalistes minimisent la puissance de la technologie, jugeant que les outils sont neutres. » (Nicholas Carr) – « Nous ne choisissons pas d’utiliser des outils, essayez de se passer de cartes, d’horloges (plus récemment de cartes de crédit et, hélas, d’internet), il est encore plus difficile d’accepter l’idée que nous choisissons la myriade d’effets secondaires de ces technologies, dont les effets sont imprévus au départ. » (même auteur)

« ‘Les effets de la technologie ne se produisent pas au niveau des opinions ou des concepts … Ils altèrent peu à peu et sans la moindre résistance les schémas de perception’ (Marshall McLuhan) … Ce que ne voient ni les enthousiastes ni les sceptiques (les gogos béats), c’est que le contenu d’un média  a moins d’importance que le média lui-même pour son influence sur notre façon de penser et d‘agir … Fenêtre sur le monde, il façonne ce que nous voyons et notre façon de voir … L’attitude hébétée du crétin technologique est de dire que ce qui compte c’est la façon dont on s’en sert … ‘Nous façonnons nos outils, et, ensuite, c’est eux qui nous façonnent’ (John Culkin), ‘Ils finissent par engourdir la partie de notre corps qu’ils amplifient’ (McLuhan). » (Nicholas Carr – Internet rend-t-il bête ?)

« Le pouvoir politique, ne s’assumant plus, confie même les clés et la basse besogne de la censure à des entreprises privées, qui plus est étrangères (suppression de contenus, fermeture de comptes sur Internet). » (Anne-Sophie Chazaud)

« On ne comprend guère pourquoi le doute aurait été pendant des siècles une vertu philosophique cardinale pour devenir soudainement, lorsque le peuple s’en empare grâce aux réseaux sociaux, un abominable outil de mensonge et de faussetés … Les ‘in’fox’ dont d’abord à comprendre comme une réaction aux ‘euphémismes lénifiants et aux interdits sournois dictés par le moralisme officiel’. (Marcel Gauchet) … Quelques fake news sont-elles plus graves  qu’une fake démcratie ?  » (Anne-Sophie Chazaud) – Su les soi-disant fake news

«’La nouveauté c’est l’érosion des barrières qui empêchaient jusqu’à récemment les plus performants d’accéder à des marchés plus vastes’. Phénomène oligarchique découlant du fait que nous sommes entrés dans la ‘winner-take-all society’, une société où le gagnant prend tout et ne laisse rien aux autres. Dans ce monde-là, la meilleure soprano, le joueur de tennis le mieux classé, même si leur supériorité sur leurs concurrents est faible, raflent la mise. La méritocratie en sort en piteux état, puisque ce ne sont pas les compétences qui sont récompensées, mais le fait d’être, à un certain moment, considéré comme le plus fort dans sa catégorie. Les moyens de communication de masse ont beaucoup contribué à l’édification de cet univers. » (Sophie Coignard et Romain Gubert – citant et s’appuyant sur une thèse de Robert Frank et Philip Cook) – En fait les compétences sont bien récompensées mais dans des proportions telles que celles du meilleur à un moment excluent tous, et toutes, celles de second rang.

« Les médias sociaux ont redonné vie à la foule lyncheuse. » (Mathieu Bock-Côté) – « La tyrannie ne s’exerce désormais plus d’en haut mais se rapproche du despotisme horizontal que Tocqueville voyait poindre en son temps. » (?) –  Le domaine préféré de la horde haineuse des lâches, ou le buzz assassin.

« Quand l’homme abandonne le sensible, son âme devient comme démente. » (Nicolas de Cues)

« Les pouvoirs numériques, en partie émancipateurs, se payent d’une dévitalisation de nos puissances … Le smarrtphone, exemple, ne dépend plus de ce qu’on en fait. C’est plutôt nous qui dépendons de ce qu’il peut faire, et nous autorise à faire … La suspension de nos corps frôle la suppression avec la dématérialisation de la voix, de l’image, de la musique,  l’absence d’odeur et de goût,  la reproduction des visages et des sourires, l’abstraction de la présence corporelle … le connectif ne vaudra jamais le collectif. Aucun réseau ne dépassera jamais le stade d’un tissu de solitudes reliées … Cette appli, ce site ou ce jeu vidéo va maximiser mon addiction. Ce GPS détruit lentement mon sens de ma faculté d’orientation. » (Alain Damasio)

« Le dehors formate notre dedans et nos outils matériels (le virtuel en fait parti), notre outillage mental … L’automobile a œuvré pour le libéralisme en consacrant l’individu-roi. » (Régis Debray). 

« La communication, la ‘com.’ est devenue idéologie. Elle alimente les mythologies de l’écoute, de la transparence et de la compréhension mutuelle nécessaires au huilage des moteurs économiques et à la bonne conscience de tous. C’est d’évidence la Vulgate du libéralisme triomphant, notre ancienne ‘société de consommation’ s’étant d’ailleurs rebaptisée ‘société de communication’. » (Régis Debray)

« Les affaires extérieures, écrit Napoléon à un commis, sont des affaires qui doivent se traiter longuement ; vous devez toujours garder mes lettres trois ou quatre jours sous votre chevet avant de les faire partir … L’esprit de décision ne s’oppose pas à la lenteur de la conception, il la suppose. Plus longue la réflexion, plus prompte l’initiative … Aujourd’hui, la crise est du matin, l’échange téléphonique à midi, et l’arrivée sur place le soir, ce soir on improvise (Talleyrand mit huit jours pour rejoindre Vienne en septembre 1814) … La jet diplomaty est une diplomatie du spectacle, à l’estomac … la mobilité devient alors son propre motif … Se déplaçant pour un rien, il finit par se déplacer pour rien (le politique) … A la diffusion des communications correspond la multiplication des crises mondiales … Ce sont les immobiles, non les agités, qui mettent les hommes en mouvement. Bouddha est resté sept semaines assis sous son figuier … Accélération de la vie, pulvérisation des jours, désintégration de la personne ; l’aliénation n’est plus loin. » (Régis Debray – La puissance et les rêves)

« ‘Faire des choses avec des mots’’ –‘Les paroles qui ébranlèrent le monde’ – ‘Les idées qui ont changé l’époque’ –  ‘Les livres qui ont fait la Révolution’  – ‘La puissance matérielles des paroles’ (Edgar Poe) … Comment un placard affiché à la porte d’une église devient-il guerre de religion et Protestantisme ? Comment les quelques feuillets du ‘manifeste du parti communiste’ ont-ils pu se transformer en un système international couvrant un milliard de sujets ?…  Comment une représentation du monde (sonore, visuelle, ou les deux) devient-elle, dans certaines circonstances, une action sur le monde … Souci de l’efficacité symbolique, des embouchures (des résultats) plutôt que des sources (des origines, des raisons) … L’emballage, la découpe, l’énonciation plutôt que l’énoncé … Laconisme, densité du trait, brièveté ingénieuse, fulgurance … »  (Régis Debray – explication succincte de l’approche médiologique)

« Les réseaux sociaux, ces urnes funéraires de la pensée. » (Luc Dellisse)

« Avant, ils levaient la tête pour regarder le ciel, compter les étoiles, ou la tenaient droite pour regarder l’horizon. Aujourd’hui, ils ont la tête baissée. Leur seul horizon, c’est leur écran … Il ne reste plus de regards pour le monde d’alentour. » (Gérard Depardieu)

« Notre époque est celle de la résurgence des grands humiliations publiques collectives (comme au Moyen-Âge) sous l’effet d’Internet. Comment la honte est-elle devenue une arme de destruction sociale sur la Toile ? … Il est tragique de voir à quel point les médias se rendent les complices actifs de ce genre de lynchages. » (David Doucet)

« Aujourd’hui, l’oubli n’existe plus. » (David Doucet – à propose de Google et des réseaux sociaux)

« La montée des colères profitent aux géants du web qui ne cachent plus que la polarisation et la conflictualité font partie de leur ‘business mode’ … Cette atmosphère de fureur et d’indignation… »  (David Doucet)

« Les technologies ne peuvent qu’offrir un vecteur supplémentaire au lien social déjà existant, sans être aucunement capable de créer celui-ci. » (Gérard Dubey – cité Jean-Claude Guillebaud)

« Les lettres anonymes ont le grand avantage qu’on n’est pas tenu d’y répondre. »(Alexandre Dumas) – Ce genre, très particulier, d’antique correspondance sur papier sera sans doute le seul à subsister demain.

« L’inutilité revient sous les formes les plus ostensibles envahir jusqu’à saturation les très complexes réseaux techniques de communication réalisés pour célébrer l’utilité … Satellites de communication lancés par des propulseurs spatiaux  d’une intense complexité pour assurer quoi ? La retransmission de masse d’insipides jeux télévisés … Le téléphone et notre incoercible babil … Le visiophone et l’échange de nos mimiques ponctuant notre bla-bla et nos grammaires ‘gestiques’… ou la gigantesque déperdition en utilités constitutives de nos processus de communication. » (Dany-Robert Dufour – Les mystères de la trinité)  

« Les réseaux sociaux donnent le droit de parler à des légions d’imbéciles qui, jusque-là, ne parlaient qu’au bar après un verre de vin, sans causer de dommages à la collectivité. On les faisait taire aussitôt, alors que désormais ils ont le même droit à la parole qu’un prix Nobel. C’est l’invasion des imbéciles. » Umberto Eco)

« Nous vivons dans un monde où les réseaux sociaux encouragent ce qu’il y a de pire chez l’être humain … Ces bouilloires de haine et de ‘fake news’. » (Luc Ferry)

« Le sentiment de la permanence fait partie de l’expérience de la lecture … Le fait que le livre me dise la même chose chaque fois que je l’extrais de l’étagère est rassurant. L’écran donne l’impression que tout pourrait toujours s’effacer, se modifier, ou être changé. » (Jonathan Franzen – cité par Bérénice Levet)

« L’empire des écrans. » (Jacques Gautrand) 

« Les moyens de communication et les industries de l’imaginaire ont peut-être fait de la terre un village global, mais pour chaque habitant l’autre est devenu plus ou moins une fiction. Chacun communique certes, mais surtout sur un registre de simulation même quand la rencontre a lieu. L’autre réel est prudemment tenu à distance, voire nié. Les média sont les moyens de cette solitude construite à partir d’un Autre fictif. » (Marc Guillaume)

« L’idéologie dominante ne se reconnaît pas au fait que tout le monde y adhère (elle peut même être assez minoritaire) mais à sa position hégémonique qui lui permet de réclamer le monopole de l’évidence morale et factuelle. Elle se reconnaît souvent aussi à son programme d’en finir avec toutes les idéologies (puisqu’elle possède le vrai). L’hégémonie intellectuelle ne consiste pas à imposer un credo, mais un vocabulaire, une hiérarchie, des grilles d’interprétation de la réalité. Ce régime se détraque (avec l’intrusion des  réseaux sociaux). » (François-Bernard Huyghe – à propos des ‘fake news’) – D’où la frénésie actuelle de censure de la part des dominants.

« Paradoxe d’une société qui a tant célébré l’idéal ou l’utopie  de la communication : elle prétend maintenant se purifier de sa négativité, corriger la circulation et l’expression de l’information, en rendre les mécanismes transparents et innocents. Il n’est plus question que des dangers du ‘tous crédules, tous irrationnels’ alors que l’on exaltait l’intelligence des foules en ligne ‘tous émetteurs, tous relais, il n’y a pas si longtemps. L’optimisme technologique se transforme en anxiété : la triple attaque contre les élites (populisme), contre l’expertise (complotisme et thèses alternatives) et contre le travail journalistique assume la dénégation. … Les vecteurs techniques qui devaient nous libérer (espace public de liberté et de débat garantissant la vérité par la pluralité et excluant la censure, sont maintenant suspects … L’hégémonie idéologique en est réduit à dénoncer ses opposants comme délirants… » (François-Bernard Huyghe – à propos des ‘fake news’)

« A chaque génération, depuis l’invention du télégraphe, la naissance du chemin de fer, l’arrivée du téléphone, de la radiophonie e de la télévision, l’illusion de la paix, de l’amitié universelle, du désarmement des passions par les grandes agoras communicationnelles est de retour. A chaque saut technique, à chaque invention majeure, la paix universelle, l’amitié entre les peuples et le désarmement des passions sont annoncées ; elles ne l’ont jamais été avec autant d’assurance qu’à la veille de la Grande Guerre, avec autant de conviction qu’au cours des années 1920… » (Hervé Juvin)

« Le temps consacré aux médias digitaux a réduit les interactions en face à face, or celles-ci produisent plus de proximité interpersonnelle et protègent du sentiment d’être isolé, d’où accroissement des symptômes dépressifs alors que les effets de la sociabilité en face à face les réduisent. (Hugues Lagrange)

«De la navigation sur les mers et les fleuves jusqu’aux médias moderne en passant par les chemins de fer et par les transports aériens, est-ce que la capacité créatrice de la communication et de l’information s’accroît ? … Tout se passe comme si la production et la création variaient en sens inverse, l’une déclinant pendant que l’autre grandit. Les chemins de fer ont introduit plus de changements et de nouveautés que les autoroutes. » (Henri Lefebvre)

« Les nouvelles technologies nous placent dans un environnement de réponses rapides … Dans la rapidité nous risquons d’agir par des réactions immédiates qui ne nous permettent pus de mesurer la portée de nos paroles, écrits ou gestes … C’est le risque de ne fonctionner que sur un registre sensible, comme dans le monde animal. … Laisser passer du temps (une nuit) avant de donner une réponse, ou de poser un acte important. »  (sœur Marie-Anne Leroux)

« Les réseaux sociaux ont réussi ce que n’avaient jamais imaginé dans leurs rêves les plus fous les polices politiques de tous les régimes ; des gens qui se fichent eux-mêmes. La réussite est totale, c’est l’humanité elle-même qui devient une police politique autogérée. » (Jérôme Leroy)

« Cet outil qui devait favoriser le brassage et l’échange harmonieux entre les cultures, devient un lieu de ralliement et de mobilisation pour nos ‘tribus’ globales … L’une des conséquences les plus néfaste de la mondialisation, c’est qu’elle a mondialisé le communautarisme. La montée des appartenances religieuses au moment même où les communications se globalisaient a favorisé le regroupement des hommes en ‘tribus planétaires’ » (Amin Maalouf)

« La modernité numérique berceau du conformisme inintellectuel …  L’ignorantisme prégnant comme fabrique à geignards indignés …  Une jeunesse innombrable et boursouflée d’inculture se croit libre et éveillé. » (Esteban Maillot) – Sur le rôle des réseaux sociaux et des  Gafam

« Des agents de publicité façonnent l’univers de communication dans lequel s’exprime le comportement unidimensionnel. Son langage va dans le sens de l’identification et de l’unification, il établit la promotion systématique de la pensée positive, de l’action positive, enfin il s’attaque systématiquement aux notions critiques et transcendantes … Plus généralement, avec le nouveau style, la structure de la phrase est abrégée et condensée de manière à ce qu’aucune tension, aucun ‘espace’, ne soient laissés entre les différentes parties. Cette forme linguistique s’oppose au développement du sens … Le fait que le nom spécifique soit toujours accouplé aux mêmes adjectifs, aux mêmes attributs ‘explicatifs’ transforme la phrase en une formule hypnotique qui, répétée sans fin, fixe le sens dans l’esprit de celui qui la reçoit … Ce langage exerce le contrôle en opérant une réduction sur les formes et les signes linguistiques de la réflexion, de l’abstraction, du développement, de la contradiction ; il les réduit en substituant les images aux concepts. Il nie ou il absorbe le vocabulaire transcendant ; il ne recherche pas le vrai et le faux, il les établit, il les impose … On ne peut pas dire que les auditeurs croient ou qu’ils sont forcés de croire ce qu’on leur dit … et pourtant ils agissent en conséquence. » (Herbert Marcuse – L’homme unidimensionnel)

« La multiplication des écrans a provoqué un développement inquiétant de l’anxiété, car elle place le jeune dans une forme de dictature de l’émotion : il doit réagir du tac au tac à un mail, post, SMS … L’échange instantané empêche le discernement et le recul. » (Père Geoffroy de Marsac)

« Il faut rappeler que les opinions, les débats, les prises de décisions même, en politique, se jouent davantage au niveau des représentations que des réalités. Marx nous enseigne la façon dont nos sociétés se construisent et évoluent. Les infrastructures déterminent les superstructures, c’est-à-dire que les conditions concrètes, économiques, technologiques de nos existences matérielles conditionnent la morale, les façons d’être et de penser, et surtout les modalités des relations sociales. » (Maurice Merchier) – Le dieu-smartphone fait maintenant quasiment partie du corps même de l’individu. Les réseaux sociaux fournissent l’information (c’est-à-dire, pour le moins pire, les élucubrations dues à la subjectivité des individus) à de plus en plus de gens. 

« Nous sommes submergés par l’art de la transmission, on n’a qu’à voir les fanatiques des hi-fi, plus intéressés par la machine et par sa perfectibilité que par ce qui est transmis. » (Thomas Molnar)

« La réponse stéréotypée courante est qu’un système de communication plus parfait conduit à des contacts plus fréquents ; ces contacts conduisent à leur tour à une meilleure connaissance réciproque ; cette meilleure connaissance conduit enfin à des rapports plus amicaux … On pourrait aussi bien dire qu’une multiplication des contacts procure autant d’occasions de se manifester à l’antipathie qu’à la sympathie, à la méchanceté qu’à la bonté … Intensifier les sentiments réciproques peut-être pour le meilleur comme pour le pire. » (Thomas Molnar) – Certes. Mais la doxa des imbéciles dominants interdit de le dire. Il est obligatoire de rêver.

« Ceux-ci n’ont cessé de raréfier les occasions de rencontre et de discussion … Désaffection pour les lieux publics …Les foules passent d’un état rassemblé à un état dispersé … la communication fait d’elles des publics, elle rabaisse les individus en les immergeant dans des foules à domicile … Les communications se polarisent, elles sont de plus en plus à sens unique, de moins en moins réciproques … Avec vingt journalistes dévoués ou achetés on peut gouverner des dizaines de millions d’hommes (jadis un bon orateur ne pouvait en diriger que quelques petites centaines) … les moyens de communication augmentent fabuleusement le pouvoir du meneur, puisqu’ils concentrent le prestige à un pôle et l’admiration à l’autre. » (Serge Moscovici – évoquant plus les média, radio, télévision, internet ? que le téléphone)

« Les outils de la communication mobile se multiplient ! … De nouvelles opportunités se précisent ! … Tous les esclaves sautent de joie … Demain chacun de nous sera joignable, où qu’il se trouve, à tout moment ! » (Philippe Muray) – Dont on devine l’enthousiasme.

« L’hyper communication est en vérité, une déliaison, un enfermement ! Toujours plus de relation virtuelle, toujours moins de lien réel … La puissance de l’opinion publique amplifie le conformisme ordinaire, propre à chaque société … La puissance de la société numérique décuple la pression exercée sur ceux qui en deviennent les cibles (tribunal du buzz dont les sentences sont sans appel). Ces dernières sont alors conduites à des exercices de contrition qui rappellent les formes médiévales d’humiliation publique ou les séances maoïstes d’autocritique. Pour n’avoir pas … on s’excuse par avance, on s’exprime par périphrase, on parle dans les catégories autorisées. » (Denis Olivennes)

« La promiscuité démocratique diffuse l’envie comme on le vérifie aujourd’hui avec la banalisation du lynchage médiatique sur les réseaux sociaux, où chacun exprime ses sentiments et ses frustrations à volo. » (Paul-François Paoli) 

« Y a-t-il plus goujat que la rupture par mail ? Oui, les condoléances. Y a-t-il plus goujat que la rupture et les condoléances par mail ? Oui, par SMS. » (Bernard Pivot)

« Les réseaux sociaux ont représenté un formidable espoir, celui de l’ouverture au monde, de l’accès à la connaissance… Le rêve tourne au cauchemar… Ces réseaux et leur anonymat, permettent un défoulement, un déferlement de haine et de violence verbale et détruisent les barrières, les règles de vie en commun … Tous les bas instincts ressortent sans contrainte … Tribunaux de l’instant, où l’on peut lyncher gratis n’importe qui, n’importe quand, n’importe comment. » (Natacha Polony, Jean-Michel Quatrepoint) – Enfin des facilités pour la délation, sport favori des français.

« L’exercice de la pensée est un exercice solitaire … le contraire absolu de la connexion permanente à laquelle incite les technologies numériques. » (Natacha Polony)

« Les moyens de transmission de l’information … ont une influence déterminante sur la formation des préoccupations intellectuelles et sociales d’une civilisation, sur la structure du discours, sur les utilisations de l’intellect et de l’intelligence … ‘The medium is the message’ (Mac Luhan) … Avec l’écriture, le traitement du langage est passé de l’oreille à l’œil … Le télégraphe a fait de l’information une marchandise … L’authenticité prise par l’écrit par rapport à la parole (primauté entraînant une certaine dévaluation de la mémoire) … L’audiovisuel a besoin d’un langage simple (finies les péroraisons construites, argumentées et envoûtantes) … La lecture encourage la rationalité (âge de la raison, âge du livre) … Différence dans la manière de penser dans une civilisation axée sur les mots ou dans une civilisation axée sur l’image (‘Einstein’ : ce qu’on ‘voit’ c’est un visage, une tête… ; une photo ne parle pas des arbres mais d’un arbre) … Les mots ont besoin d’être compris, les images ont besoin d’être reconnues. L’image présente le monde en tant qu’objet, isolé, démembré, le langage le présente en tant qu’idée dépendante du contexte … Voir et non pas lire devient la base de toute croyance … Chaque événement fait son entrée en scène à toute vitesse et disparaît aussitôt pour laisser la place à un autre … Maintenir que la technique est neutre, penser qu’elle est toujours l’amie de la culture est, à cette heure tardive, de la stupidité pure et simple. » (Neil Postman – considérations éparses sur la communication et l’impact de ses moyens)

« Car oui, ne nous méprenons pas, notre pratique des réseaux sociaux est une mendicité ontologique ; on y part en quête des piécettes d’Être que nos semblables veulent bien nous jeter … A grands coups de stories, par liasses de confessions intimes, on livre à la planète entière ce qu’on ne consentirait pour rien au monde à confier à la seule oreille du prêtre de sa paroisse. Comment comprendre, décidément, cette apparente schizophrénie de l’exhibitionnisme 2.0 ? » (Sylvain Quennehen)

« ‘Quand aujourd’hui dévore hier et doit être dévoré par demain, l’ère des livres est fermée, c’est l’ère des journaux qui s’ouvre’ (Louis Blanc). Le changement d’échelle en vitesse, comme en grandeur, est un changement d’auditoire. C’est en même temps un changement de catégorie sociale. L’imprimé  a consacré les opinions savantes. La presse de masse consacre les opinions populaires. L’espace public de l’imprimé assure le triomphe des clercs. L’espace public médiatique assure le triomphe de l’opinion publique. » (Dominique Reynié) – Et les réseaux sociaux assurent le triomphe de la boue, des ignorants, des dénonciateurs…

« Je suis connecté, donc j’existe. » (Jeremy Rifkin) – L’addiction numérique.

« Je vous écrirai demain sans faute – ne vous gênez as, lui répondis-je, écrivez moi comme à votre ordinaire. » (Rivarol)

« L’innovation numérique qui aura fasciné la planète …  aura été le vecteur principal d’un double phénomène engendrant d’un côté, le mirage d’une souveraineté et d’un autre côté, œuvrant à un assujettissement  sans appel à des règles hétéronomes et à la perte d’estime de soi. » (Eric Sadin) 

« Le connectif remplace le collectif. » (Michel Serres)

« La démocratie d’opinion est le règne de l’expert en communication … L’électorat réagit comme le public à une offre. » (Dominique Schnapper) – Les fameux communicants dictant aux politiques ce qu’il faut dire.

« Monde de sensations rapides et violentes, où l’on est seul, et où l’on éprouve un sentiment de toute-puissance : par là, et par l’accoutumance qu’il crée, il se rattache à la drogue. » (Jaime Semprun –  sur le monde fictif qu’organisent les technologies du virtuel)

« On ne peut pas introduire un nouveau médium pour l’esprit sans produire des effets sur ce dernier lui-même. » (Raffaele Simone) – Voir  l’extrait du livre de Raffaele Simone, Pris dans la toile  à la  rubrique Connaissance, Savoir, 155, 1

« La toile donne à ceux qui la fréquentent l’impression de pouvoir ‘prendre la parole’, de ‘se faire entendre’, d’avoir ‘voix au chapitre’, en somme d’exister ou même de compter. » (Raffaele Simone) 

« La médiasphère fait prévaloir le papillonnage sur la concentration. » (Raffaele Simone)

« La menace à l’indépendance que représente la nouvelle électronique en cette fin de XX° siècle pourrait se révéler supérieure à celle du colonialisme lui-même. Nous commençons à comprendre qu’avec la décolonisation et la montée des  entités supranationales on n’a pas mis le point final  aux relations impériales, mais bien jeté un filet géopolitique qu’on tisse depuis la Renaissance. Les nouveaux médias peuvent pénétrer plus profondément une ‘culture réceptrice’ que n’importe quelle technologie occidentale antérieure. Le résultat pourrait être un immense chaos, une exacerbation des contradictions sociales actuelles au sein des sociétés en développement. » (Anthony Smith – cité par Edward W. Said) – L’envahissement par la médiocrité anglo-saxonne, qu’il est bien emphatique  de qualifier du terme de ‘culture’.

 «Il y a dans le texte écrit, qu’il s’agisse de la tablette d’argile, du marbre, du papyrus ou du parchemin, d’un os gravé, d’un rouleau ou d’un livre, une maxime d’autorité … Le simple fait de l’écriture et de la transmission écrite implique une prétention au magistral et au canonique … Dans son essence même, l’écriture est normative, elle est prescriptive, ce qui est ordonner, anticiper, circonscrire… … Les actes d’écriture et leur consécration dans des livres manifestent des rapports de force … L’autorité qu’implique le texte, la possession et les usages d’un texte par une élite lettrée sont synonymes de pouvoir … C’est en écrivant un autre texte qu’on s’efforce de questionner, de réfuter ou d’infirmer un texte … Le texte écrit règle la question … alors que l’échange oral permet, voire autorise un défi immédiat, des contre-déclarations et des corrections. Il permet à l’interlocuteur de corriger ses thèses, au besoin de les retourner. » (George Steiner – Les logocrates)

 « A quel point le journal a transformé, enrichi à la fois et nivelé, ‘unifié dans l’espace et diversifié dans le temps’ les conversations des individus, même de ceux qui ne lisent pas les journaux … Une plume met en mouvement des millions de langues … La presse unifie et vivifie les conversations, les uniformise … Similitude croissante des conversations simultanées dans un domaine géographique de plus en plus vaste … Tous les matins, les journaux servent à leur public la conversation de la journée. » (Gabriel Tarde) – Et maintenant ! Uniformisation, dictature de la bêtise et de la servilité.

« La lettre  familière, personnelle, développée a été tuée par le journal … celui-ci nous dispensant d’écrire à nos amis une foule de nouvelles intéressantes sur les événements du jour, qui remplissaient les lettres des siècles passés … Si saint Paul avait eu à sa disposition une ‘semaine religieuse’ quelconque, ce sont des articles qu’il eût écrits. » (Gabriel Tarde) – L’auteur écrivait vers les années 1900. De toute façon, de nos jours, on ne sait plus écrire (essayez de lire les journaux ! ou les bandeaux d’information de la télé !). De ce point de vue nous avons presque atteint le fond. Merci l’Education nationale.

« En nous rapprochant du plus lointain, nous nous éloignons de ce qui nous est le plus voisin et le plus intérieur. » (Gustave Thibon) – Rester plutôt connecté avec ses proches et surtout avec soi-même, sans prothèses.

« Le perfectionnement indéfini des moyens de communication ne peut que généraliser le mensonge et changer l’ignorant en dupe. » (Gustave Thibon)

« Des systèmes de communication, très bien ; mais si les gens n’ont rien à se dire ? » (Henry David Thoreau) – Pour se convaincre de la pertinence de la remarque, écouter la pauvreté générale des vagissements de portables sur les trottoirs.

« Nous sommes très pressés de construire un télégraphe du Maine au Texas. Mais il se pourrait fort bien que le Maine et le Texas n’aient rien d’important à se dire. » (Henry David Thoreau) – Si on généralise, bonne question, qu’aucun décideur ne se pose jamais.

« Le numérique renforce l’individualisme et plus les moyens de communication se développent, plus l’homme se recentre sur lui-même. » (Pierre de Villiers)

« Finis les rêveries passagères et les ennuis féconds. On tapote sur un clavier dans l’illusion de rentabiliser chaque instant. » (Pierre de Villiers)

« L’instantanéité des moyens de communication, de la transmission de l’information, a un rôle éminent dans l’établissement de la peur au rang d’environnement global puisqu’elle permet la synchronisation de l’émotion à l’échelle mondiale. » (Paul Virilio) 

« La première façon de s’aimer c’est la parole. Cette nécessité sociale est grandement menacée par les technologies de l’information, par le délire de l’information … C’est Babel, et Internet en est déjà un signe. » (Paul Virilio) – Tous courbés sur nos écrans.

« La tâche du journal revient  à l’art en dire de moins en moins à  de plus en plus de gens … De même pour la radio, la télévision et même pour  la librairie … Nous voici à une époque où l’énorme masse de communication par habitant rencontre un courant toujours plus mince de communication globale. De plus en plus, il nous faut accepter un produit standardisé, inoffensif et insignifiant … Quand il y a communication sans besoin de communication, simplement pour permettre à quelqu’un de  gagner le prestige social et intellectuel d’un ’prêtre de la communication’, la qualité et la valeur communicative du message tombe comme un fil à plomb … Les gens qui ont choisi pour carrière la communication n’ont souvent rien à communiquer. » (Norbert Wiener – prémonitoire – sur la monstruosité de nos moyens de communication) – Tout le monde sait que la quantité fait disparaître la qualité, mais on fait comme si on ne le savait pas. Tout le monde sait qu’un communicant (et celui qui recourt à ses services) est une outre vide, mais on fait au moins semblant de les écouter.

« Seul le livre permet : ‘Arrête, attends une minute, répète ça, laisse-moi le temps de réfléchir’. » (Théodore Zeldin) – Ou toute forme d’écrit, soit de support dont on maîtrise le rythme.

« Notre génération n’eût aucun moyen de se dérober ou de se mettre à l’abri dont disposèrent les générations précédentes. Du fait de notre nouveau régime de la simultanéité nous étions constamment impliqués dans l’époque … Ce qui se produisait à mille lieux au-delà des mers nous sautait physiquement dessus en images. Rien ne nous protégeait, ne nous mettait à l’abri. Il fallait constamment que nous fussions informés et impliqués … Aucune tranquillité que l’on pût acheter. » (Stefan Zweig – à la jonction des XIX° et XX° siècles – Le monde d’hier) –  Les tout débuts de la généralisation du stress par les moyens de communication.

Ci-dessous, extraits simplifiés et remaniés du livre d’Olivier Babeau, Le nouveau désordre numérique, comment le digital fait exploser les inégalités.

 « Le numérique abolit les dernières barrières physiques à la création de firmes réellement mondiales : plus de frein géographique ou temporel … Les barrières traditionnelles aux effets de concentration  et d’excès systémiques en tous genre se sont effondrées … Le coût marginal pour servir un client de plus est infime … L’utilité d’un réseau est  proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs (2 téléphones ne permettent qu’une connexion, 12 téléphones en permettent 66…) … La valeur d’une plateforme est d’autant plus grande qu’elle a plus d’utilisateurs  (conséquence, le premier prend tout) … La plateforme est biface, gardienne de l’entrée et de la sortie,  intermédiaire entre annonceurs et consommateurs, soit deux types de clients complémentaires, accès du  monde au consommateur et accès du consommateur au monde ; il s’agit d’intermédiation et non plus de désintermédiation (comme on le prétendait) … Certes, il faut attirer une audience massive, mais la deuxième étape est d’atteindre le plus haut degré possible de connaissance des consommateurs … Les moteurs de recherche, machines radicales à barrer la route aux petits (ou aux indésirables !), qui va voir au-delà de la deuxième page de résultats présentés par Google ? (deuxième, et encore) … Un simple changement d’algorithme, décidé unilatéralement,  et l’entreprise disparaît (ou tout comme) … Ségrégation cognitive : le curé et l’instituteur vivaient dans des communautés en décalage avec eux-mêmes, désormais chacun peut être en contact permanent avec son semblable, intelligents avec intelligents … Hier, au moins, l’ignorant savait qu’il ne savait pas. Aujourd’hui, l’ignorant a cette force extraordinaire, d’ignorer même qu’il ignore. A présent il est prêt à arpenter toutes les estrades virtuelles pour asséner ses opinions … Notre cerveau étant en permanence en mode zapping, la capacité d’attention décline fortement  … Les réseaux sociaux ont fait exploser la machine à fabriquer du consensus. La chute des barrières à l’entrée sur le marché des idées a balkanisé les représentations cristallisant une segmentation entre les communautés qui ne peuvent plus se parler … ‘L’invasion des imbéciles’ (un journaliste québécois) . On a assisté à un tsunami de bêtise. On pensait voir surgir une fontaine de bon sens, on a été douchés par un déluge de stupidité … La maximisation  du temps d’attention sur laquelle repose l’économie des réseaux dope les contenus les plus  segmentant, accentue les bulles cognitives et favorise l’agglutination des opinions autour de pensées extrêmes. »

 « Une société brisée en deux : les ‘techno-leaders’ dominants et les ‘techno-largués’ paumés … espoir de mobilité quasi nul … Quand bien même on dispose de l’accès, et sait même remplir un formulaire en ligne, l’usage suppose un pas à franchir, on  a trop souvent imaginé que l’accès valait compréhension (accéder à une bibliothèque n’a jamais signifié, être capable de comprendre tous les livres y contenus) … Application de l’effet Matthieu, effet d’accumulation  (‘on donnera à celui qui a’…Voir à la rubrique Admiration, 065, 2 et  à la rubrique Jeunesse, 020,, 3  le livre de Louis  Chauvel, Le destin des générations)… La polarisation des emplois, l’économie hyper-concentrée  des plateformes est devenue le royaume de la sous-traitance, (General Motors en 1973 : 853.000 employés –  Facebook en 2016 : 15.000 employés – WhatsApp rachetée en 2014 pour 19 milliards de dollars comptait seulement 32 employés). »

C’est avec honte que nous introduisons un minimum de réflexions tirées de l’ouvrage de Michel Desmurget, La fabrique du crétin digital.                     Honte, non pas pour le sujet ni le travail de l’auteur, mais de devoir rappeler à quel degré d’inculture, d’imbécillité, et très certainement de handicaps purement physiques, cette obsession maladive des écrans va conduire les générations qui viennent. Effets déjà dûment constatables dans l’agitation ou au contraire l’apathie, la déconcentration l’irréflexion, la violence stupide trop souvent.

« Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais sans doute, dans l’histoire de l’humanité, une telle expérience de décérébration  n’avait été conduite à une aussi grande échelle échelle. »                                                       Même dans le domaine informatique, et contrairement à la légende, on constate « un état d’incompétence généralisée, tant les ‘digital natives’ présentent, en matière de numérique, une liste d’usage limitée. Le menu de nos petits génies s’articule prioritairement autour d’activités récréatives pour le moins basiques : jeux vidéo, fréquentation de sites marchands, échange de SMS, visionnage de clips musicaux, vidéos, films et séries … Seulement 3% du temps consacré par les enfants et adolescents aux médias digitaux est utilisé à la création de contenus (tenir un blog, écrire des programmes, créer des vidéos ou autres …) … Croire que les ‘digital natives’ sont des ténors du bit, c’est prendre ma charrette à pédale pour une roquette interstellaire. » – Les fameux écrans qui envahissent nos écoles servent évidemment aux mêmes usages aussi récréatifs qu’abrutissants, à une utilisation purement ludique. Il n’y a que les parents d’élèves pour l’ignorer (sauf les parents travaillant avec les boîtes de la Silicon valley qui mettent leurs enfants dans des écoles refusant l’entrée d’un seul écran) – Il n’y a qu’à voir opérer un technicien chevronné lors d’un dépannage quelconque : réflexion : zéro, mais clic et clic et défilés d’écrans et de fonctions sans aucun rapport entre eux et elles, et clic, et reclic, aucun suivi, aucun raisonnement, ou si peu… S’il y a une part d’esbroufe pour éblouir le client, il y a surtout une incapacité de raisonner issue d’années passées devant des écrans.  « Il faut vraiment être rêveur, candide, insensé, irresponsable ou stipendié pour laisser croire que l’orgie d’écrans récréatifs auxquels sont soumises les nouvelles générations peut s’opérer sans conséquences majeures. » – Il suffit d’être soumis, asservi aux média et au progrès indispensable au capitalisme mondial.                                                                                                                               « Plus les applications (du smartphone notamment) deviennent ‘intelligentes’, plus elles se substituent à notre réflexion et plus elles nous permettent de devenir idiots. » L’impotent qui ne sait même plus lire une carte, par abus de GPS, en étant le prototype déjà ancien.                                  « La littérature scientifique est sans appel. Plus les Etats investissent dans les technologies de l’information et de la communication (les fameuses TICE), plus la performance des élèves chute … Plus les élèves passent de temps avec ces technologies, plus leurs notes baissent. » – Voir la France dégringolant sans cesse au classement PISA, la gigantesque pauvreté et le massacre orthographique de l’énorme majorité des C.V et lettres de motivation émanant de titulaires de Bac + des siècles, de l’expression des présentateurs, trices des média…

Extraits de l’ouvrage de Philippe Breton, L’utopie de la communication, le mythe du ‘village planétaire’.

 « Comment avons-nous imaginé que la société de demain serait une ‘société de communication’, véritable idéal utopique, une société idéale, ‘transparente’ ? Cette nouvelle utopie génère aujourd’hui une illusion majeure, celle de la toute-puissance libératrice de la communication … Comment ‘l’outil’ qui devait être simplement un média, un ‘milieu,’ par où transitent les messages, est-il devenu un ‘centre’ qui, au mieux, les déforme et au pis les absorbe ? Le système de valeurs qui s’est construit autour de la communication s’est affirmé comme une alternative possible aux idéologies … L’homme nouveau est ‘dirigé de l’extérieur’, vers des modèles de comportement qui sont autant de boussoles … L’Etat mondial (de Norbert Wiener) … L’extension de l’espace de l’argumentable (tout est discutable) … la communication, recours majeur contre tous les dysfonctionnements de notre société … Que veut-encore dire le mot ? … L’outil (médias) finit par ne plus fonctionner que pour lui-même … Fait réel ou représentation … L’homme moderne croit avoir accès à la signification des événements simplement parce qu’il est informé sur eux … Information n’est pas connaissance …Les médias, chargés de ‘composer la vérité’ à partir des différents points de vue qu’ils ont charge de mettre en scène, premiers destructeurs de l’idée de ‘vérité’ (et encore à condition de les présumer honnêtes, ce qui est une illusion de Bobo) … Les médias … directement liés à l’état singulièrement dépressif du lien social … Une société fortement communicante mais faiblement rencontrante. »

Extraits du livre de Sherry Turkle : Seuls ensemble, de plus en plus de technologies, de moins en moins de relations humaines. En vrac, garanti sur le fond, non sur la forme.

« L’ultra connectivité s’accompagne de comportements compulsifs qui mettent en péril les bienfaits d’une certaine solitude, nécessaire à la construction de soi … Dépendance accrue des adolescents aux smartphones et leur tendance à préférer les interactions médiatisées à celles en tête à tête, considérées comme trop risquées et trop exigeantes (et il ne s’agit pas seulement des adolescents) … Nous craignons les risques et les désillusions auxquels nous exposent les relations avec autrui. Nous attendons plus de la technologie et moins des autres … Les connexions numériques et les robots sociaux nous donnent l’impression d’être entourés sans avoir à subir les contraintes de l’amitié. Notre vie en réseau nous permet de nous cacher les uns des autres, tout en étant étroitement connectés … Les adolescents évitent de passer des coups de fil, craignant ‘d’en dire trop’. Ils préfèrent envoyer des textos plutôt que parler … Nous ne posons plus de questions ouvertes, comme : ‘Comment vas-tu ?’, mais des questions plus restreintes comme : ‘Tu es où ?’ ou ‘Tu fais quoi ?’ … Nous affadissons nos propos avec des abréviations réductrices … Nous sommes fatigués de la compagnie des humains, l’idée des compagnons robotiques nous offre un certain sentiment de maîtrise, une substitution bienvenue … Dans les maisons de retraite, les hôpitaux, on attend des robots qu’ils se comportent de façon neutre, ni sèchement comme il arrive, ni trop familièrement (des ‘ma chérie’, ‘ma belle’ se voulant chaleureux peuvent être perçus comme dégradants) … J’envoie des textos pour ne pas passer des appels contraignants … Au réveil, je consulte mes mails, avant de dormir, je consulte mes mails … Une gare, ou un café, un aéroport, un parc, n’est plus un espace commun, mais un endroit où les gens sont rassemblés mais s’ignorent. Chacun est relié à un appareil mobile, ainsi qu’aux contacts et aux lieux auxquels il donne accès … Tout le monde est ailleurs … le voisin qui téléphone ou pianote sur quelque clavier me traite comme si je n’étais pas là … Nous transportons partout nos maisons avec nous (les élèves ne découvraient pas l’Espagne, ils passaient leur temps libre sur Facebook, à ‘chatter’ avec leurs amis restés en Amérique) … Nos tête-à-tête sont constamment interrompus par les appels et les messages reçus, nous sommes mis sur ‘pause’, il est normal de se détourner de la personne qui est en face de soi pour … le multitâche a changé progressivement d’image : de négatif, il en est venu à désigner quelque chose de positif et de vertueux … Nouvelle conception du temps, nos appareils portent en eux la promesse de toujours pouvoir en faire plus, en moins de temps … Nous communiquons par le biais de techniques qui requièrent des réponses dans l’instant … Le gens envoient un texto et un mail, puis appellent et laissent un message vocal, communiquer rassure ses clients (un avocat) … Les échanges de mails tendent à être interminables, sans jamais répondre à quoi que ce soit, ils sont souvent source de malentendus … Plus le malentendu est grand, plus les mails se multiplient … On accepte de moins en moins les exigences en temps réel que requièrent les appels téléphoniques, l’attention qu’exige toute communication vocale … Texto ou portable, on doit répondre, sinon la panique atteint vite l’émetteur (parent inquiet, ami frustré) … On en dit plus sur soi lorsque l’on est caché (technique psychanalytique) … Par texto, par message, on peut se présenter comme on désire être vu, ne dire que ce que l’on veut dire et cacher le reste … Un profil Facebook est un ‘avatar de soi-même’. »

Ci-dessous, extraits simplifiés et remaniés de l’ouvrage de Raffaele Simone, Pris dans la toile, l’esprit au temps du web.

 « Les sens ont des fonctions différentes dans l’acquisition de la connaissance.  La vue est liée à l’espace, elle nous montre plusieurs choses les unes à côté des autres, les signes sont simultanés.  L’ouïe est liée au temps, les signes sont successifs … On écoute en société, on lit dans la solitude … Avec la naissance de l’écriture on était passé de la prédominance de l’oreille à celle de l’œil et peu à peu à une vision alphabétique. Aujourd’hui, c’est la vision non alphabétique qui prédomine … Aujourd’hui, en augmentant de manière énorme les ‘stimuli’ auditifs ainsi que la culture auditive et visuelle, on a rabaissé l’importance de la vision alphabétique et de son support, le texte …  La télévision produit des images et efface les concepts ;  mais elle atrophie ainsi notre capacité d’abstraction et avec elle notre capacité de compréhension …. La lecture, ou l’écriture (codes alphabétiques) favorise une intelligence ‘séquentielle’, un pas à la fois. La vidéo (au sens large, codes iconiques, basés sur l’image) favorise un autre type d’intelligence, que j’appelle ‘simultanée’,  donc, le mode d’acquisition des connaissances influe sur notre forme d’intelligence, On ne peut pas introduire un nouveau médium pour l’esprit sans produire des effets sur ce dernier lui-même  … Entre ‘lire’ et ‘voir’ : différences de rythme (lenteur / rapidité), de possibilité de correction (possible / impossible), de renvois encyclopédiques, soit d’appel à des connaissance supplémentaires (possible / impossible), de convivialité (solitaire / possible en groupe), de multisensioralité soit d’appel à différents sens (non / oui), de degré d’iconicité soit de ressemblance du signifiant et du signifié (on peut ne pas comprendre un texte / on comprend plus ou moins une image), de la  possibilité de citer, de raconter, à autrui (oui, aisément / difficilement) … Mais  la fatigue d’être lecteur ne peut rivaliser avec  la facilité d’être spectateur … La vision d’images ne suppose pas d’apprentissage (La Bible statuaire ou en peinture pour la masse analphabète de jadis) … Le texte rend la connaissance accessible plus tard à volonté, il formule avec précision (comment exprimer autrement les mathématiques), il peut être corrigé et contrôlé pendant son élaboration. Produit, il est stable et permanent. Ce qui n’est pas valable pour le texte numérique, continuellement modifiable, altérable, manipulable et falsifiable, lequel, de plus, est immatériel, ne porte pas la trace physique de son auteur, est dépourvu de lieu, est diffusable sans limite, il devient en quelque sorte irresponsable. »

 

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