495,2 – Moderne, Nouveau, Neuf / Ancien

– C’est en 1688 exactement que s’éleva la fameuse querelle des Anciens (héritiers de Boileau, de Racine, de Fénelon…) et des Modernes (Descartes, Malebranche, Fontenelle…)  Installation de la modernité comme rupture,  « L’analyse des modernes n’a cure de la mémoire, de l’érudtion, de l’antiquariat. » (Marc Fumaroli),  mais qui surtout consacra le contenu positif de la notion de moderne, notamment avec l’Encyclopédie de Diderot.  La querelle, il y a des divergences de fond quasi éternelles, continue de nos jours même si les modernes ont gagné sur toute la ligne. Mais, peu sûrs de leur cause, pour continuer à se convaincre et garder leur fructueuse domination, ils ne cessent de cracher sur les premiers même si ceux-ci écrasés sont devenus imaginaires ou, au mieux, ligotés. Fontenelle résumait bien leur stupide et nuisible   prétention « Eclairées par les vues des Anciens et par leurs fautes mêmes, il n’est pas surprenant que nous les surpassions … Il est évident que tout cela n’a point de fin, et que les derniers physiciens ou mathématiciens devront naturellement être les plus habiles … Les hommes ne dégénèreront jamais, et les vues calmes de tous les bons esprits qui se succèderont  s’ajouteront les unes aux autres. » Dommage que Fontenelle, pourtant centenaire, n’ait pas assisté à la suite, l’état éblouissant de sagesse des mondes modernes

– Tout nouveau, tout beau. La profession de foi du Gogo-Bobo. Ce qui vient après est forcément meilleur que ce qui venait avant. La proclamation sans réplique de l’excellence de la nouveauté est un phénomène qui ne date guère que des années 1950, 1960. Certitude nécessaire à l’imposition, de gré ou de force, d’un nouvel ordre des choses et qui n’a pas fini d’être utilisée par les pouvoirs dominants.

– Le terme moderne représente une grande simplification du langage. Il implique en effet non seulement les trois grandes qualités antiques de : Bon, Beau et Vrai, mais aussi, suivant le contexte, celles de jeune, dynamique, informé, libéré et donc ouvert, bienveillant, tolérant, joyeux, festif et cultivé (la nouvelle culture n’étant bien sûr pas celle de nos pauvres ancêtres)…  

– Le qualificatif nouveau signifie maintenant meilleur (comme celui de plus vite), même sottise.

– La stupidité de l’attrait pour le nouveau est le facteur primordial qui entraîne la réduction de la longévité des biens qui fait gémir les mêmes gogos.

– Machiavel parlait déjà de la fureur de la nouveauté, qu’il tenait pour un des grands mobiles de l’action.

– Péguy disait que ce qui caractérisait les modernes c’est « qu’ils faisaient les malins. »

– « L’immonde moderne. » (Jean-François Mattéi)

– « Être moderne, c’est ne jamais demander pourquoi. » (Hervé Juvin)

– « Une femme moderne. » (couverture d’un hebdo.) – Quel plus stupide hommage peut-on rendre à quelqu’un (madame Simone Veil) que de le qualifier ainsi, et totalement déplacé dans ce cas.

 ——————————————————————————————————————————-

« Le changement est devenu lui-même une valeur … Le résultat est que l’obsolescence des objets, des biens, des institutions, des idées… ne cesse de s’accélérer et se trouve ressentie comme un progrès. » (Jean Baechler) – Du moins par les imbéciles et les frustrés.

« Tout vieillit, mais tout ne se ride pas. » (Anne Barratin)

« Tout d’un coup, il m’est devenu indifférent de ne pas être moderne. » (Roland Barthes)

« A nouvelles marchandises, nouveaux besoins et désirs ; Nouvelles aventures, nouvelles sensations, nouvelles joies… » (Zygmunt Bauman – sur la société des consommateurs – S’acheter une vie)

« La supériorité du nouveau sur l’ancien est ton boniment de base. » (François Bégaudeau – évoquant le bourgeois moderne)

« Cette préoccupation de la nouveauté, le besoin de se mettre au goût du jour, la crainte de paraître dépassé, bref cette injonction au changement perpétuel … Le progressisme pense que tout changement est un progrès : parce que c’est nouveau, c’est forcément mieux. » (François-Xavier Bellamy – Demeure…)

« Ecrire à la main est une pratique qui territorialise ce que nous sommes en train de penser … Tout ce qui nous facilite la vie grâce à un outil numérique nous déterritorialise … Plus nous manipulons d’informations sauvegardées dans la machine, moins le cerveau se sculpte, moins il se développe … L’utilisation du GPS entraînera une sorte de dyslexie artificielle, par perte de référentiels spatiotemporels … Perte de l’expérience du trajet ou de sa simulation … Tout est ‘on-off’ … Soumis à un flot continu d’images, les enfants supportent mal la frustration provoquée par l’arrêt ou le ralentissement de cette cascade de stimuli … Vide angoissant… Ne sachant plus s’ennuyer (perte d’imaginaire et de créativité) …L’information ne façonne plus le cerveau, devenu une simple plaque de gestion de l’information …  parce qu’elle ne passe plus par le corps. » (Miguel Benasayag – Cerveau augmenté, homme diminué)

« L’innovation technique efface toute trace, dans une poursuite permanente de la nouveauté qui nous installe paradoxalement dans du même … en nous introduisant d’emblée dans un monde où le passé n’est qu’un état de privation par rapport à ce dont nous disposons aujourd’hui … en définissant le passé comme un état de manque … ‘tout est possible, ce qui n’est pas encore possible le deviendra’ … Or chaque culture, chaque époque, chaque civilisation se structure suivant l’agencement complexe entre ce qui est logiquement possible , expérimentalement réalisable et fondamentalement interdit. » (Miguel Benasayag – Plus jamais seul, avec mon portable)

« L’on touche bien cette soif gloutonne de l’immédiat qui caractérise les modernes. » (Julien Benda)

« Quel est le plus beau compliment que l’on puisse faire à une œuvre du passé, à l’action d’un mort ? La réponse va de soi : cette œuvre ou cette action est ‘étonnamment moderne’ … Les grands hommes d’hier ne valent que dans la mesure où ils pensent comme nous, où ils parlent comme nous. Au besoin, s’ils ne le font pas vraiment, il est toujours possible de réécrire leurs textes (voir les mises en scène de théâtre, de films historiques…). » (Philippe Béneton)

« Le temps des contes est terminé … Il n’y a plus de monde des esprits, l’univers lui-même n’est plus un conte ; l’Europe, la belle Europe, est morte ; voilà  la vérité et la réalité. La réalité, tout comme la vérité, n’est pas un conte … Il est plus difficile de vivre sans contes, c’est pour cela qu’il est si difficile de vivre au vingtième siècle … Nous avons des systèmes tout nouveaux, une conception du monde toute neuve … nous avons une morale toute neuve et nous avons des sciences et des arts tout neufs. Nous avons le vertige et nous avons froid  … Nous nous montrons désormais de plus en plus exigeants … aucune époque ne s’est montrée aussi exigeante que la nôtre ; notre existence même est empreinte de mégalomanie … La vie n’est plus que science, science issue des sciences. Nous nous sommes soudains résorbés dans la nature … Nous avons mis la réalité à l’épreuve. La réalité nous a mis à l’épreuve … Lorsque nous examinons la nature nous n’y voyons plus des fantômes … Cette clarté dans laquelle nous apparaît soudainement notre monde, notre monde de sciences, nous effraie ; nous avons froid dans cette clarté ; mais nous avons voulu cette clarté, nous l’avons provoquée, nous n‘avons donc pas le droit de nous plaindre du froid qui règne désormais. Le froid augmente avec la clarté. Ce sont cette clarté et ce froid qui règneront désormais. » (Thomas Bernhard)

« Nous nous voulions résolument modernes et, pour cette raison, rien n’était plus important à nos yeux que l’autonomie, par rapport aux autres, à la nature, à la tradition ou aux dieux. Il faut aujourd’hui surmonter la déception que l’histoire nous infligea. » (Jean-Michel Besnier)

« Ce n’est pas la nouveauté qui nous désenchante, c’est au contraire le règne fastidieux de l’innovation, de la confusion incessamment renouvelée, c’est ce kaléidoscope tournant d’instantanéités universelles qui nous fait vivre sans perspective de temps ou d’espace comme dans les rêves ; c’est l’autoritarisme du changement qui s’étonne de nous voir encore attachés à la nouveauté qu’il recommandait hier, quand il en a une autre à nous imposer et qui empile à la va-vite ses progrès techniques les uns sur les autres sans faire attention que nous sommes là-dessous. » (Baudouin de Bodinat) – Et s’il n’y avait que les progrès techniques ! Ajoutons la fureur réglementaire de politiciens dont l’objectif est de tout détruire, de nous décerveler tous pour nous rendre aussi soumis qu’impuissants.

« Sur combien de prétendues ‘nouveautés’ ne s’est-on pas extasié, dont le modèle avait été effrontément pillé ? » (Françoise Bonardel) – Surtout maintenant où l’inculture et la sauvagerie imposées permettent à n’importe quel minable plagiaire de passer pour un phénix.

« Indexer la valeur des œuvres sur leur nouveauté, sans plus, c’est rabattre le temps de l’art sur celui des infos. » (Daniel Bougnoux)

« Les Temps modernes se comprennent comme une rupture par rapport à une époque précédente. Avec eux, le sens même de l’adjectif moderne change. Il était relatif et désignait ce qui était plus récent que ce qui précédait ; il devient absolu et nomme ce qui s’arrache décisivement à un passé pour s’installer irrévocablement en sa propre et définitive actualité. On voit le paradoxe : l’ère du progrès commence par un arrêt. » (Rémi Brague)

« Le monde moderne est fondamentalement parasitaire, en ce qu’il exploite des idées prémodernes … Il ne conserve pas indemne le capital sur lequel il vit, mais l’altère. Car il tord chacun des éléments qu’il emprunte aux mondes antérieurs dans le but de le faire servir ses propres buts. » (Rémi Brague – évoquant Chesterton)

« On ne tire rien de rien. Le nouveau vient de l’ancien, mais il n’en est pas moins le nouveau. » (Bertolt Brecht)

« Le loisir moderne ; l’art de brasser du vent travesti en surmenage. » (Pascal Bruckner)

Devant la nouveauté (au moins technique) « la moindre nuance s’apparente à un blasphème, seule l’exaltation est autorisée. Il faut s’extasier ou périr. L’hystérie du nouveau… » (Pascal Bruckner)

« Si être moderne, c’est se montrer incapable de prendre parti du sort qui nous est fait, alors la démocratie devient le régime de la plainte autorisée : elle alimente un désir qu’elle ne peut assouvir, aiguise les impatiences, rend légitimes les envies les plus folles. …  On est plus tourmenté par les biens qu’on ne détient pas encore, les droits dont nous devrions bénéficier que par ceux que nous possédons. Ce qui est n’est jamais assez, le trop est encore trop peu. » (Pascal Bruckner) – Trouille de rester sur place. Ne pas rester ; avancer, n’importe où, n’importe quand, n’importe comment, avec n’importe qui… Le bougisme de Taguieff.

« Deux choses toutes contraires nous préviennent également : l’habitude et la nouveauté. » (La Bruyère)

« Nous, qui sommes si modernes, serons anciens dans quelques siècles. » (La Bruyère) – Et même dés demain.

« Alors se développa cette tendance désastreuse à parer de toutes les vertus le merveilleux et l’insolite considérés comme tels et qu’on se fit un métier de maintenir en cet état. » (Roger Caillois – réaction contre la tendance renforcée du positivisme du XIX° à écarter tout ce que l’expérience vécue offrait d’irréductible au cadre rationaliste) – Tendance proche  de l’adulation du moderne, lui aussi perçu comme merveilleux et insolite.

« L’inculture s’ennuie, par définition, donc elle a toujours faim de nouveauté, de nouveautés fussent-elles culturelles, s’il le faut, mais c’est alors le ‘nouveau’ qui est important, pas la culture. » (Renaud Camus)

« La grande tristesse actuelle est que les choses n’ont plus le temps de vieillir. » (Francis Carco)

« Le terme ‘moderne’ exprime une attitude profondément auto- (ou ego) centrique. La proclamation ‘nous sommes les modernes’ tend à annuler tout développement ultérieur. Ils étaient les ‘Anciens’, nous sommes les ‘modernes’. Comment faudra-t-il donc appeler ceux qui viennent après nous ? Le terme ne fait sens que dans l’hypothèse absurde que la période s’autoproclamant moderne durera toujours et que l’avenir ne sera qu’un présent prolongé. » (Cornelius Castoriadis)

« Être moderne, c’est bricoler dans l’incurable. » (Emil Cioran)

« Le besoin de nouveauté est le fait d’un gorille fourvoyé. » (Emil Cioran – à propos de l’étonnement d’un zoologiste quant au désœuvrement des gorilles) – A tout le moins, celui d’un agité.

« Face à la querelle des Anciens et des Modernes, Swift compare les seconds à l’araignée, qui tire d’elle son fil, sans rien devoir, comme l’abeille, à ce qui lui préexiste ; l’abeille traversant indemne les toiles meurtrières de sa rivale. » (Marc Crapez)

« Le plus résistant chez un individu, comme dans un collectif, c’est ce qu’il y  a de plus ancien. » (Régis Debray – L’angle mort)

« Aimons les nouveautés en novateurs prudents. » (Casimir Delavigne)

« Le Moderne étant vu comme une indifférenciation, une déspiritualisation, une individualisation, une féminisation outrancières … Un univers de fade douceur moralisante et sans autorité. » (Chantal Delsol – par d’autres civilisations

« Entre deux guerres, les divers fascismes-corporatismes ont été des réactions conservatrices violentes à la modernité considérée comme une agression … ’Le phénomène fasciste du XX° siècle est l’expression d’une rébellion exaspérée et irrationnelle contre la tyrannie, actuelle ou future, du rationalisme radical-utopique ‘ (Irving  Kristol) … Le nazisme s’inscrivait dans le courant romantique d’une lassitude  de la rationalité … La vision du moderne inéluctable, irrésistible  contre lequel  on ne peut rien, sinon par la force, ,jointe à la conviction inébranlable que ce destin est mortifère engendre l’idée d’une fatalité mortelle, le désespoir et la violence, nihilisme  … Tout plutôt que cet absolu désastre … Mieux vaut tout détruire plutôt que d’affronter l’inéluctabilité de ce que les anciens appelaient l’Inique  …A l’extrême de ce comportement, chez les fondamentalistes, c’est le culte de la mort qui l’emporte …  L’idée d’un rempart à opposer à un progrès finalement pervers est largement développée depuis le milieu du  XIX° siècle. »  (Chantal Delsol – Le crépuscule de l’universel – sur les antimodernes effrayés par le processus de mondialisation et de libéralisme, par l’apparition d’une société entièrement ouverte) –  – textes regroupés, rien à voir avec une quelconque justification du fascisme.

« II n’y a pas que la bêtise par défaut, par blocage de la pensée, par préjugé … il y a la bêtise par ignorance et la bêtise savante, il y a la bêtise dépassée et la bêtise avancée. Cela recoupe en grande partie la bêtise conservatrice et la bêtise progressiste. » (Jean-Philippe Domecq)

« Le conformisme du nouveau, le contemporain pour le contemporain, qui n’admet de critique qu’approbative … Vous critiquez tels représentants connus de l’art contemporain, donc vous rejetez tout l’art contemporain, donc vous êtes comme ceux qui autrefois, etc. (ceux qui autrefois refusèrent Manet, les impressionnistes…) A chaque étape du raisonnement, l’aiguille du tourne-disque saute plusieurs sillons. Peu importe, du moment que ça dissuade …  L’effet de crécelle. »  (Jean-Philippe Domecq)

« L’illusion du ‘Désormais’, ce que j’appelle la ‘Pensée-Désormais’, ce narcissisme historique propre à notre époque qui se croit tellement nouvelle, tellement exceptionnelle … la religion du contemporain …  … tellement incommensurable aux précédentes que ‘désormais’ rien ne serait plus comme avant… » (Jean-Philippe Domecq)

« Quand l’Amérique se trouve devant l’apparition du même désir de renouveau millénariste et le voit dévié sous la forme asociale du suicide collectif, elle ne comprend pas que la promesse d’arriver un jour sur Saturne ne suffit pas. Alors elle dit qu’il est arrivé quelque chose ‘d’inconcevable’. » (Umberto Eco – à propos du suicide collectif des membres de la secte du Temple solaire de Jim Jones et des éternels rêves millénaristes  que ne sauraient combler le matérialisme ambiant.) 

Deux manières actuelles d’être au monde, d’ailleurs non contradictoires : « Le néo-individualisme et le néo-communautarisme. » (Alain Ehrenberg) – Chacune signifiant à sa manière le rejet du totalitarisme et de la corruption (au moins mentale) du politique.

« Dans nos sociétés, le désir de nouveauté peut s’exprimer même en l’absence de  toute sollicitation commerciale … Les modes investissent des domaines où l’éphémère n’est pas de mise : les prénoms, (un prénom, c’est pour la vie),  la propension en politique de ‘sortir les sortants’, les enfièvrements de la scène intellectuelle (du maoïsme au lacanisme…) … Toutefois il existe une tradition et des classiques permettant de distinguer un tube de l’été d’un opéra de Mozart. Dans le domaine de la de la de tels équivalents apparaissent introuvables. » (Guillaume Erner) – Il existe, plutôt il existait, le degré d’inculture, de stupidité et d’abrutissement de notre société empêche désormais de distinguer tube et œuvre, Mozart et un rappeur, Stendhal et Christine Angot…

« Si n’importe quelle nouveauté représente un plus et un mieux par rapport à ce qui l’a précédée, c’est la sanctification de tout changement destructeur et révolutionnaire. » (Julius Evola)

« Le moderne est animé par un véritable ressentiment contre le donné. » (Alain Finkielkraut – à propos des déconstructeurs d’identités)

« Être moderne, c’est se séparer, c’est surmonter, progresser, avancer, dépasser, transcender : mouvement actif, conquérant, volontaire… » (Alain Finkielkraut)

« Qu’est-ce qu’être moderne ? C’est être mécontent … » (Alain Finkielkraut – à propos de l’insatisfaction en démocratie)

« Fruste. – Tout ce qui est antique est fruste, et tout ce qui est fruste est antique. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)

 « Ce qu’on veut aujourd’hui ? On veut de la nouveauté. » (La Fontaine – préface de ses Fables) – Ce n’est donc pas un vice purement actuel.

« Une innovation constante du produit constitue le cœur du marchandisage de masse … Un nouveau jouet renouvelle l’opportunité qu’a l’enfant de dire : c’est le mien … Si les jouets deviennent plus fréquents, la valeur se transfère graduellement du jouet à la nouveauté du jouet. L’arrivée du jouet, non le jouet lui-même, devient l’événement … La valeur des actualités, comme celle de n’importe quelle autre marchandise, réside principalement dans leur nouveauté, plus que dans leur valeur informationnelle … Le besoin de nouveauté devient de plus en plus intense… » (Waldo Frank et Alfred Sloane)

« Au seul mot de moderne, on a appris en France à se mettre au garde-à-vous. Il suffit de prévenir qu’une idée, même saugrenue, un trait de mœurs, même odieux, un homme, même bas, un mobilier, même hideux, est moderne, et aussitôt personne n’ose plus élever le moindre murmure … et tout le monde applaudit. » (Marc Fumaroli)

« Définissons la gauche pour commencer. Disons, pour aller vite, qu’il s’agit du camp des progressistes c’est-à-dire tous ceux qui se sentent parfaitement à l’aise dans l’époque que nous vivons. Ils aiment le changement quel qu’il soit et applaudissent la transformation accélérée de la démographie, de la langue française, des paysages, des goûts et des saveurs. La seule mutation qui leur semble poser problème est celle du climat. Tout ce qui est purement français leur semble suspect. C’est le parti de ‘la mise à jour’ perpétuelle. Selon eux, l’ancien doit céder la place au nouveau qui est meilleur, par essence, et donc désirable. Le seul héritage qui trouve grâce à leurs yeux est celui qui peut être monétisé en tant qu’attraction touristique (Versailles) ou ‘exporté’ à l’étranger sous le format d’une franchise (Le Louvre à Abu Dhabi par exemple). »  (Driss Ghali)

 « Chaque nouveauté doit nous trouver toujours tout entiers disponibles. » (André Gide)

« Le véritable changement ne peut prendre racine qu’à une condition : il faut qu’il jaillisse de cette cohérence que seule la tradition nous offre. La tradition ne peut être défiée avec succès que de l’intérieur … Vouloir que la nouveauté soit pure de toute trace d’imitation, c’est vouloir qu’une plante puisse pousser ses racines dans le ciel. » (René Girard)

 « Notre époque tente de surmonter l’obsession moderne du ‘nouveau’ en se livrant à une débauche de piètre imitation, à une adoption de tous les modèles sans aucune discrimination. » (René Girard)

« Être moderne, cela signifie, à partir du XIX° siècle, ne plus devoir son sens au passé … lequel apparaît de plus en plus comme un fardeau dont il convient de se débarrasser.» (Christian Godin)

« Parce qu’il n’y a que le plus nouveau à ne pouvoir être soupçonné d’avoir été déjà vu, il est l’unique règle du snobisme. Tout nouveau, tout beau. » (Nicolas Grimaldi)

« Moderne a cessé d’exprimer un acte de foi dans l’humanité, une volonté d’émancipation et de progrès. Auparavant, moderne s’identifiait à un projet, aujourd’hui à une absence de projet. » (Henri Guaino)

 « La transe, c’est moderne, l’extase, c’est moderne, l’instinct, c’est moderne… La grande libération des pulsions, voilà désormais ce qui est moderne … La montée d’une idéologie régressive qui a choisi la nature contre la culture, l’instinct contre la maîtrise de soi, le délire contre l’estime de soi, le retour au grand Tout cosmique contre lequel l’homme avait conquis sa liberté et sa dignité. » (Henri Guaino)

« Parmi les traits caractéristiques de la mentalité moderne … la tendance à tout réduire au seul point de vue quantitatif … Notre époque ‘règne de la quantité’. » (René Guénon)

– « Ne lis jamais une prose encore fraîche. Ne lis pas un livre qui vient de paraître. Mais laisse au temps, qui est le grand trieur, le soin de faire sa tâche silencieuse, qui est d’éliminer. Qu’est-ce qu’un ouvrage classique ? C’est un livre qui s’imprime encore et qui ne cesse de paraître … Ne lis donc, puisque tu a peu de temps, que les livres qui ont subi l’épreuve du temps … il y a trois années au moins. Puis ceux d’il y a trente ans. Puis ceux d’il y a trois siècles. Puis ceux d’il y a trente siècles,et tu trouveras Homère. » (Jean Guitton)

« Le soleil est neuf chaque jour. » (Héraclite)

« L’obsession du nouveau accélère la désintégration des valeurs. La caractéristique du nouveau moderne est d’être fugace, artificiel, souvent sans lendemain … L’obsession du nouveau a des connotations secondaires. Elle est un bon terrain pour l’amnésie et donc pour les impostures de tous ordres. Le nouveau est rentable, de loin la plus grande industrie de la planète. » (Claude Jannoud)

« Selon la pensée occidentale dans sa phase moderne, tout progrès du savoir exige le recours exaspéré au doute et à la destruction de l’ancien. Elle est une formidable mathématique de la destruction destinée à créer le nouveau … Le doute a été le fer de lance de la modernité avant de l’accabler sous le poids de ses victoires. Le doute positif devint négatif. La volonté de savoir laissa libre cours au scepticisme, au soupçon, au relativisme. L’usage de la dialectique être-néant ne fondait plus des valeurs mais les détruisait. La maîtrise de la réalité se muait en déréalisation. » (Claude Jannoud)

« Une voix trompeuse a perdu le monde et les arts en nous criant : ‘Invente et tu vivras.’ Ce qui était ancien et connu n’a plus suffi au genre humain. Il a voulu des nouveautés et il s’en est forgé des monstres qu’il s’obstine à réaliser. » (Joseph Joubert)

« Il me semble beaucoup plus difficile d’être un moderne que d’être un ancien. » (Joseph Joubert)

« Être moderne, c’est ne jamais demander pourquoi. » (Hervé Juvin)

« Il se passe toujours quelque chose, de nouveau, le plus nouveau évince le nouveau … l’instant d’après il tombe en désuétude, dans ce courant incessant de nouveauté, rien de nouveau ne naît … tout est frappé d’inessentialité et de stérilité comme ce qui a précédé … L’essence de l’histoire moderne et de sa ‘fin’ est l’accroissement de l’inessentiel, l’évincement de l’essentiel par l’accessoire, la substitution de l’un par l’autre, la course à l’accessoire, l’accumulation du secondaire… ‘Sur nous déferlent des choses vides et indifférentes, des choses apparentes, des attrapes de vie’ (Rainer Maria Rilke). » (Karel Kosik)

« Être absolument moderne, c’est être l’allié de ses propres fossoyeurs. » (Milan Kundera – L’immortalité) – Manque de goût de l’auteur pour le Moderno-Gogo-Bobo-Zombie.

« La fascination systématique pour la nouveauté, fût-elle factice. Cela s’appelle paraît-il la ‘néophilie’. » (Pierre Lamalattie) – Jolie expression « Attrait pathologique pour tout ce qui est nouveau, exemple le ‘jeunisme’. » (Alain de Benoist)

 « La néophilie, l’amour du mouvement pour le mouvement, le culte du futur pour le futur : adaptation, plasticité, mobilité … Discrédit de toutes les acquisitions des valeurs culturelles antérieures. » (François Laplantine)

« A travers l’obsession frénétique de nos contemporains pour la nouveauté et la mode, comment ne pas discerner que ce qui s’exprime aussi, c’est un symptôme de répétition qui renvoie à la nostalgie de l’objet perdu. » (François Laplantine)

« Puisque tout ce qui passe est éliminé à jamais, les modernes ont le sentiment d’une flèche irréversible du temps, d’une capitalisation, d’un progrès … Ainsi que Nietzsche l’avait remarqué, les modernes ont la maladie de l’histoire. Ils veulent tout garder, tout dater, parce qu’ils pensent avoir rompu définitivement avec leur passé. Plus ils accumulent les révolutions, plus ils conservent ; plus ils capitalisent, plus ils mettent au musée. La destruction maniaque est payée symétriquement par une conservation aussi maniaque. » (Bruno Latour)

 « Par l’adjectif ‘moderne’, on désigne un régime nouveau, une accélération, une rupture, une révolution du temps. Lorsque les mots ‘moderne’, ‘modernisation’, ‘modernité’ apparaissent, nous définissons par contraste un passé archaïque et stable … Le mot se trouve toujours lancé dans une polémique dans laquelle il y a des gagnants et des perdants, des Anciens et des Modernes … ‘Moderne’ désigne à la fois une brisure dans le passage régulier du temps et un combat dans lequel il y a des vainqueurs et des vaincus …  Nous, les modernes, nous semblons avoir quelque peu perdu confiance en nous …  Nous nous sentons moins assurés de maintenir cette double asymétrie : nous ne pouvons plus désigner la flèche irréversible du temps ni attribuer un prix au vainqueur … Dans les innombrables querelles des Anciens et des Modernes, les premiers gagnent maintenant autant de fois que les seconds … De là, le scepticisme appelé post-moderne. » (Bruno Latour – Nous n’avons jamais été modernes)

« Ce n’est pas parce qu’autrui est nouveau … qu’il signifie. C’est parce que la nouveauté vient d’autrui, et qu’il y a dans la nouveauté transcendance et signification. » (Emmanuel Levinas)

« Pourtant, s’il y a bien une chose que notre époque ne tolère pas, c’est qu’on ne l’aime pas. Pour la pensée dominante, que l’on disait hier de gauche et qui s’appelle aujourd’hui ‘progressiste’, toute innovation doit être un bienfait. Toute chose qui change se doit d’être quelque chose de bien, l’avenir est rose et souriant, à l’exception notable du changement climatique bien sûr. En conséquence, la nostalgie est un crime et l’approbation de ce qui se passe un devoir citoyen …  De quoi se plaignent-ils? Nous avons Greta Thunberg et le tri sélectif, les tablettes à l’école et bientôt la PMA pour toutes. Nous avons Twitter et le principe de précaution. Nous pouvons dénoncer quiconque fait une blague qui nous offusque, et obtenir le renvoi de n’importe quel dragueur lourd. Vous n’allez pas regretter ces temps obscurs d’avant la parité, la trottinette,  si ? » (Elisabeth Lévy)

« Le changement diminue le plaisir tout en augmentant le désir. Car l’amour de la nouveauté est, de par sa nature, sujet à la loi du rendement non-proportionnel … En outre le goût du nouveau coûte très cher et est, de ce fait, une cause de cupidité et de malheur … Par ailleurs, plus ce désir gagne en avidité, plus vite il engloutit tous les plaisirs innocents. » (C. S. Lewis – Tactique du diable)

« Ce qui est nouveau est rarement vrai ; ce qui est vrai est rarement nouveau. »(Georg Christoph Lichtenberg)

L’individu moderne est défini par « l’appel aux désirs immédiats, la passion de l’ego, le bonheur intimiste et matérialiste, le bien-être et la dynamique des droits subjectifs … espace flottant, sans dimension ni repère, disponibilité pure. » (Gilles Lipovetsky)

« Le code du Nouveau est l’instrument dont s’est dotée la société individualiste pour conjurer la sédentarité, la répétition, l’unité, la fidélité aux Maîtres et à soi-même. » (Gilles Lipovetsky) – Pour introduire le chaos.

« L’extase du nouveau est consubstantiel aux temps démocratiques … Avec l’avènement de la représentation de l’individu autosuffisant, plus aucune norme préexistante à la volonté humaine n’a de fondement absolu, plus aucune règle n’est intangible, les lignes et styles sont à inventer souverainement, conformément au droit moderne à la liberté. » (Gilles Lipovetsky)

 « La puissance culturelle du Nouveau. La concurrence des classes est peu de chose comparée aux effets de cette signification sociale impulsant d’elle-même le goût du différent, précipitant l’ennui du répétitif, faisant aimer et désirer ‘a priori’ ce qui change. L’obsolescence dirigée des produits n’est pas le simple résultat de la technostructure capitaliste, elle s’est greffée sur une société acquise, en très grande partie, aux frissons incomparables du neuf. » (Gilles Lipovetsky)

« Redevenir perpétuellement jeune. » (Gilles Lipovetsky)

« Heureux, celui dont le pied ne se pose pas deux fois dans la même empreinte. » (Franz Liszt)

« Ils veulent être les inventeurs de quelque opinion nouvelle afin d’acquérir par là quelque réputation dans le monde ; et ils s’assurent qu’en disant quelque chose qui n’ait point encore été dit, ils ne manqueront pas d’admirateurs. » (Malebranche – sur les ‘inventeurs de nouveaux systèmes’ – cité par Régis Debray)

« Au cours des derniers siècles, tout a à son tour été qualifié de ‘moderne’ : l’agriculture, l’art, la dévotion, l’industrie, la société… Rien qui ne soit capable d’accueillir l’épithète désignant et, le plus souvent, célébrant la glorieuse différence … L’épithète a-t-il perdu tout sens ? » (Pierre Manent)

« Notre conscience d’être modernes : le fait de nous sentir différents de ceux qui nous ont précédés et d‘adopter ainsi une posture réflexive. » (Pierre Manent)

« Ici nous n’avons pas l’emploi des vieilles choses – Même si elles sont belles ? – Surtout si elles sont belles, la beauté attire, et nous ne voulons pas qu’on soit attiré par les vielles choses. Nous voulons qu’on aime les neuves. » (dialogue de Thomas Mann dans La montagne magique – cité par Marc Crapez) – Sur la violence de la modernité.

 « Nous aimons le nouveau, mais à une condition, c’est que ce nouveau continue véritablement l’ancien et s’ajoute sans la détruire à la substance acquise. Discerner, pour l’accueillir et l’assumer, tout ce que le nouveau apporte de valeurs humaines authentiques mais ne jamais accepter ce qui, dans la nouveauté, voudrait rejeter l’acquis de l’ancien.  » (Jacques Maritain)

« Je suis dégoûté de la nouvelleté, quelque visage qu’elle porte et ai raison, car j’en ai vu des effets très dommageables … Le meilleur prétexte de nouvelleté est très dangereux … ‘Tant il est vrai qu’aucun changement apporté à l’usage ancien ne mérite approbation’ (adage latin). » (Montaigne)

« Le besoin de nouveauté, quelle qu’elle soit, et fût-elle bien pis que ce qu’elle remplace, est une des formes les plus caractéristiques de la bêtise humaine. » (Henry de Montherlant ou Michel Mohrt)

« La vraie nouveauté naît toujours dans le retour aux sources. »(Edgar Morin)

« A force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel. » (Edgar Morin)

« Le moderne est ce qui doit être subi de toute façon, sans possibilité de le critiquer et encore moins de le combattre. » (Philippe Muray)

« …C’est cela la véritable nouveauté de l’époque : l’existence d’une classe spécialisée dans l’éloge industriel et terroriste de la nouveauté … En chaque occasion il s’agit de présenter de monstrueuses nouveautés comme des reconquêtes, des retrouvailles, des résurrections, des victoires sur un passé honni … Il s’agit d’inspirer de la peur à ceux qui n’adhéreraient pas spontanément. A la valeur d’usage et à la valeur d’échange, se substituent ce que j’appelle la valeur d’éloge et la valeur d’effroi… » (Philippe Muray)

 « Il n’y a plus d’autre crime que de ne pas être absolument moderne … Toutes les prétendues phobies se ramènent à une seule la ‘modernophobie’ … On peut définir le moderne comme tout ce qui tente d’imposer l’idée que la moindre aversion à son égard serait une maladie, une phobie … Cette fierté, qui se dit ‘Pride’ est la marque du moderne. Et il est désormais possible de dire que tout ce qui est moderne est fier, de même que tout ce qui est fier est moderne ; tandis que tout ce qui est ancien rase les murs. » (Philippe Muray)

« Personne n’a jamais mieux évoqué que Baudelaire la bestiale admiration des hommes modernes envers le ‘nouveau’. » (Philippe Muray)

« J’ai conjuré le terrible esprit de nouveauté qui parcourait le monde. » (Napoléon Bonaparte) – Que n’a-t-il pu réussir !

« La tâche suprême de délivrer l’homme moderne de la malédiction du moderne. » (Nietzsche – sur les établissements d’enseignement)

« Quand le jazz est là, la java s’en va. » (Claude Nougaro – cité par Régis Debray)

« Quand on apporte une mauvaise nouvelle, personne ne songe à vous offrir à boire. » (Marcel Pagnol)

« Il faut dire ‘moderne’. C’est le nom même dont ils se vantent, c’est le nom de leur orgueil et de leur invention : l’ère moderne, la science moderne, l’Etat moderne, l’école moderne… Il y en a même qui disent le christianisme moderne. Et il y en a un qui dit : le catholicisme moderne. » (Charles Péguy)

« Comme le chrétien se prépare à la mort, le moderne se prépare à la retraite … Toute leur vie n’est pour eux qu’un acheminement à cette retraite, une préparation de cette retraite, une justification devant cette retraite. » (Charles Péguy) – Ecrit il y a un siècle, quand on ne défilait encore pas à vingt ans pour l’exiger !

« Notre époque parce qu’elle est en tout domaine une époque de transition, vertigineusement aspirée par l’avenir, a le fétichisme de la nouveauté. » (Henri Perruchot)

« La nouveauté qui perdure, c’est celle qui a repris tous les fils de la tradition et les a tissés en un motif que la tradition ne pouvait tisser. » (Fernando Pessoa)

« C’est un spectacle lamentable que de voir jusqu’où vont les divagations de l’humaine raison dés que l’on cède à l’esprit de nouveauté. » (saint Pie X) – D’une époque à une autre, ce ne sont que les sujets sur lesquels porte la connerie qui changent, celle-ci reste toujours aussi conséquente.

« Les institutions de liberté permettent seules de préserver la possibilité de l’émergence du nouveau. » (Karl Polanyi)

« Toute notre société aboutit à ce que nous produisions une jeunesse hors sol, comme on produit des tomates, sans le moindre lien avec la civilisation qui l’a précédée. Les nouvelles technologies et l’accès qu’elles donnent à toutes les connaissances n’y changent rien : nos jeunes n’iront même jamais y voir de plus près puisque nous les confortons dans leur ‘culture jeune’, ce narcissisme simplet qui considère que tout ce qui est vieux est ringard, et qu’il faut être résolument moderne, autrement dit frénétiquement inculte … C’est la destruction de nos racines, et avec elles, de notre avenir. » (Natacha Polony)

« Nous ne connaissons vraiment que ce qui est nouveau, ce qui introduit brusquement dans notre sensibilité un changement de ton qui nous frappe, ce à quoi l’habitude n’a pas encore substitué ses fac-similés. » (Marcel Proust)

« Qui dit progrès, dit aussi culte du nouveau qui, aux extrémités qui sont les nôtres, se change en un vertige. » (Robert Redeker)

« Combien de choses ai-je vues là, dont je puis parfaitement me passer ! » (Ernest Renan – au sortir d’une exposition consacrée aux inventions)

« Qu’est-ce qu’une avant-garde qui n’a plus à combattre ? Qu’est-ce que le nouveau quand il n’y a plus d’ancien ? Le ‘moderne’ quand la tradition ne se défend plus ? » (François Ricard)

« La liberté des modernes, cet affreux soulagement d’être affranchi de l’histoire et de toute responsabilité par une éternelle ‘première fois’. » (René Riesel)

Tous les hommes devant mourir « ne regardent pas volontiers les choses dont l’ancienneté ou la décadence leur remet devant les yeux cette nécessité inévitable. » (Frédéric Rouvillois – citant ?)

« Être moderne, c’est céder aux circonstances. » (Dominique de Roux)

« On se dit ‘nouveau’ quant aux idées et à l’esprit, ‘ancien’ quant à l’ascendance et à la noblesse. » (Père Joseph Roux)

« Tout près de la ‘néophobie’, il y a, remarque Manès Sperber la ‘néomanie’. On redoute l’irruption de la nouveauté, mais on guette avec impatience ce qui pourrait apporter de l’inattendu, de l’insolite, du marginal, de l’étrangeté inquiétante mais nourrissante, de ‘l’intensité par transgression’ … Ce qui explique beaucoup plus que l’agressivité ou le sadisme, le goût pour les récits de crimes, d’accidents, de catastrophes, comme pour les détails des triomphes … des héros de l’actualité. » (Raymond Ruyer)

« Ils cherchent non le meilleur, mais le nouveau. » (Sénèque)

« Le héros de cet ouvrage est l’homme moderne, vivant dans un monde laïcisé, dans des temps démocratiques et désenchantés, ‘athée ou agnostique averti’, privé de mythes, affranchi de la superstition, n’ayant plus à obéir aux coutumes des anciens, refusant par définition l’argument d’autorité. Tout cuirassé de certitudes, l’homme moderne n’est pourtant pas sans éprouver l’absence de sens, la douleur du deuil, l’angoisse de la mort et surtout la déchéance de la vieillesse ; Quels recours lui reste-t-il ? : ‘chirurgie esthétique contre religion’, théologies ou psychologies ? La solution religieuse n’est plus possible, les autres recours paraissent dérisoires au regard de la gravité du désarroi. Le héros moderne est donc confronté à une crise structurelle, ‘historiale’ si l’on veut, puisqu’elle résulte de la façon dont l’univers laïc et démocratique abolit la religiosité traditionnelle. » (Monique Canto-Sperber – Sur le livre : L’homme-Dieu ou le sens de la vie de Luc Ferry)

« S’il y avait une caractéristique de l’homme moderne, elle serait de ne guère pouvoir savoir ce qu’il veut. » (Monique Canto-Sperber)

« Les mortels dans ce siècle de fer laissent le soleil couchant pour n’adresser leur culte qu’au soleil qui se lève. » (Jonathan Swift – cité par Frédéric Rouvillois)

« Le présent est supérieur au passé simplement parce qu’il vient après lui … Tout mouvement est un bon mouvement … Le jeune meilleur que le vieux … Ce qui est de ‘fraiche date’ est préférable … Le successeur est le meilleur … Le dernier venu est le mieux venu … Les fils supérieurs aux pères, les enfants aux parents … Tout justifiant la mobilité permanente. » (Pierre-André Taguieff – sur le progressisme)

« La néophilie est partout dominante … La ‘modernité’ à définition fluctuante  a été d’hier et d’avant-hier. Elle est d’aujourd’hui. Elle sera de demain et d’après-demain. Toujours la même et toujours autre … Le moderne équivaut au simplement contemporain (‘être de son temps’) ou au confusément futur (‘être en avance sur son temps’). Exhorter à être moderne, c’est exhorter à devenir toujours plus moderne, c’est-à-dire à se montrer toujours plus contemporain ou toujours plus ‘en avance’. » (Pierre-André Taguieff)

« Un monde affligé de néopathie. » (François Taillandier)

« A peine la nouvelle déité …  a-t-elle commencé à se répandre comme un lierre, qu’on nous annonçait déjà que ce serait fatal, qu’on y passerait tous et de toutes façon, que cela n’appartiendrait à personne (contrevérité), qu’aucune loi ne pourrait en encadrer les développements ni l’usage. » (François Taillandier – sur la grotesque expression fracture numérique, l’horreur de transformer l’école en atelier d’informatique, lâcheté, lâcheté, et corruption mentale  toujours)

« Rien ne vieillit plus vite que la nouveauté recherchée comme telle. » (Gustave Thibon)    

« La crédulité et la surenchère à propos de n’importe quelle nouveauté : ‘le livre du siècle’, un ‘tournant de l’histoire’… » (Gustave Thibon)

« L’extraordinaire fortune du mot ‘évasion’ montre à quel point l’homme moderne se sent prisonnier, de tout (travail, proches, lieu…). D’où cette névrose de changement et de nouveauté. » (Gustave Thibon)

« L’obsession du progrès manifestée par une inlassable recherche du changement, de la nouveauté … La religion du progrès, pratiquée sans véritable joie,  est une école du mépris. » (Pierre Thuillier) – Du passé, des attardés, etc.

‘Moderne’ c’est-à-dire vacants, sans arrimages, neutres. » (Denis Tillinac)

« Souvent précédées du qualificatif ‘nouveau’ : nouvelle histoire, nouvelle archéologie, nouvelle géographie, nouvelle philosophie… » (Shmuel Trigano – sur les sciences dites post-modernistes) – De quoi éblouir l’imbécile, le gogo, et, en même temps de s’offrir la jouissance de cracher sur ses ancêtres.

 « Il faudra pourtant aller au-delà des incantations et des revendications ébahies devant l’innovation. Le nouveau, le neuf, ça ne fait pas un programme ! »  (Laurence Trochu)  – A propos du délire des laquais sur l’intelligence artificielle .

« Le meilleur dans le ‘nouveau’ est qu’il correspond à un désir ‘ancien’. » (Paul Valéry)

« L’étrange impression de la monotonie de la nouveauté éteint en nous le goût et jusqu’au besoin du sens. » (Paul Valéry)

« Le nouveau, qui est cependant le périssable par essence, est pour nous une qualité si éminente que son absence nous corrompt toutes les autres et que sa présence les remplace. A peine de nullité, de mépris et d’ennui, nous nous contraignons d’être toujours plus avancés dans les mœurs … et nous sommes formés à ne plus priser que l’étonnement et l’effet de choc. » (Paul Valéry)

« La modernité est par principe le privilège du nouveau, du toujours nouveau, de l’aujourd’hui sur le passé. » (Pierre le Vigan)

« Rien n’est aussi dangereux que d’être trop moderne. On a tendance à devenir vieux jeu sans s’en rendre compte. » (Oscar Wilde)

« Nouvelle cheminée est bientôt enfumée. » (proverbe)     

« Tout nouveau, tout beau. » (proverbe)

« Le monde répond aux problèmes du monde par des mesures qui détruisent le monde. » (?)

« Le Pont-Neuf, dans mille ans, s’appellera toujours Pont-Neuf. » (?) – à propos d’une ex-beauté âgée ne renonçant pas.

« Il n’y a de nouveau que ce qui a vieilli. » (?)

« L’hystérie du nouveau. »(?)

« L’homme moderne rejette les vertus païennes au profit des valeurs chrétiennes en en même temps rejette les vertus chrétiennes au nom des valeurs païennes. » (?)

——————————————————————————————————————————-

– Ci-dessous, une suite de considérations éparses de Jean-Pierre Le Goff sur modernisation et totalitarisme.

« L’instabilité permanente et la loi du mouvement, ainsi que certains traits du discours de la modernisation ne sont pas sans rappeler certaines caractéristiques du totalitarisme décrites par Hannah Arendt. Au lieu d’être un facteur de stabilité, la loi devient ‘l’expression du mouvement lui-même’, qui est mise au service d’un mouvement d’adaptation déstabilisant … La ‘matrice idéologique’ du système totalitaire, celle de la ‘création sociale historique permanente’ (Claude Lefort) est également proche de l’idéologie de la modernisation … Rupture radicale et construction d’une société et d’un homme nouveaux, société ressemblant à un vaste chantier pressé par les échéances, ‘chartes et projets’ … Le discours de certitude reflète une nécessité irréfutable inscrite dans le réel, imperméable à toute contradiction, comme aux démentis de l’expérience, énonçant ‘le vrai sur le vrai’, affirmant ‘l’identité de la représentation et du réel’ … Nouvelle langue de bois et création d’un monde fictif isolé du monde extérieur et protégé de ‘l’impact des faits’ construit par la propagande qui ‘insulte outrageusement le sens commun’ et décrivant une société en état permanent d’évaluation et de mobilisation (la modernisation ne recourant guère à la propagande mais plutôt à la ‘communication’ qui prétend informer sans esprit partisan)… Intense activité communicationnelle du pouvoir … Absence de tout principe d’autorité et de hiérarchie clairement identifiable, destruction de toute médiation, compétence et responsabilité, contournement des hiérarchies intermédiaires, le pouvoir est à proprement parler informe permettant l’absolu monopole du pouvoir par le chef, groupes de travail, experts, personnalités extérieures… Indistinction société Etat … Les individus sont maintenus dans un état de déstabilisation et d’ignorance quant au lieu du pouvoir réel … Qui décide ? … Recherche fantasmatique d’une unité indifférenciée … L’idéologie de la modernisation n’est pas une ‘idéologie de granit’, c’est une idéologie molle favorisant plutôt la confusion et le relativisme … Cependant, si la modernisation construit un monde fictif, en perpétuel mouvement, coupé du réel et du sens commun, brouillant les distinctions et s’appuyant sur un pouvoir informe, le discours de la modernisation ne prétend pas maîtriser les lois du mouvement historique, incertain, pragmatique et gestionnaire, il n’affiche pas un savoir omniscient … La dénégation de la division et du conflit n’est pas placée sous le signe de la totalité et de l’unité (du chef), elle est au contraire porteuse d’une vision chaotique et éclatée de la société … Cela nous oblige à penser le fait qu’il est possible de s’en prendre à la liberté, à l’autonomie et au pluralisme, tout en ne cessant de les mettre en valeur et de les exalter … Le  développement proliférant de la communication célèbre constamment le dialogue et la concertation tout en les rendant impossible par la dérobade qu’elle opère … D’autant que l’angélisme et la douceur du langage ne peuvent longtemps faire illusion … L’agressivité peut s’exprimer de façon ouverte quand le travail de séduction a échoué … Le nouveau discours, dialogue incessant (incorporant le contradicteur), ‘ne parle pas de haut ; il a fait l’économie des majuscules’ (Ordre, Progrès, Nation…) … On n’y trouve pas de ‘Grand Savoir’, mais une logique d’évitement qui à la fois tente de conjurer le vide et l’entretient … La spécificité de la logique de la modernisation est de pousser à l’extrême les caractéristiques de la démocratie, non pas dans l’optique totalitaire visant à recouvrir l’indétermination par un discours de certitude, mais au contraire en accentuant cette indétermination à un point tel que la démocratie verse dans l’insignifiance (questionnements et débats sans limites et totalement désarticulés de l’engagement et de l’action … Pas un domaine qui ne soit  exhibé, interrogé et soumis à controverse, sans que cela ait un quelconque effet sur le cours des choses. Débats et commentaires sans fin affichés comme les signes ostentatoires de la démocratie. Aspects formels et spectaculaires de l’information constamment mis en exergue, de telle sorte qu’on en oublie le contenu. » (Jean-Pierre Le Goff – traitant des similtudes entre totalitarisme et idéologie de la modernisation et s’appuyant sur Hannah Arendt et Claude Lefort – La démocratie post totalitaire)

——————————————————————————————————————————-

-Ci-dessous, extraits du livre de Kristin Ross : Aller plus vite, laver plus blanc, la culture française au tournant des années soixante, qui, s’appuyant notamment sur la filmographie très révélatrice de l’époque, montre la spectaculaire et profonde transformation de la société française en très peu d’années. Ceux qui ont vécu cette période ne peuvent qu’approuver ces considérations, et même parfois les trouver au-dessous de la réalité telle qu’alors vécue. Ouvrage qui corrobore très bien la réflexion (émise avec quelque exagération et sans mépris aucun pour la période citée)  d’Alexandre Sanguinetti suivant laquelle la France était sortie du Moyen Âge en 1950.

« Après 1945, la modernisation de la France fut accomplie avec une stupéfiante rapidité … impétueuse, dramatique, accomplie à un rythme haletant … D’un pays catholique foncièrement rural et impérialiste à un pays urbanisé, pleinement industrialisé et privé de ses colonies … Rapidité qui opposait l’expérience française à la lente et régulière modernisation rationnelle accomplie par la société américaine tout au long du XX° siècle … Regain d’énergie et lassitude que peut entraîner la nécessité d’affronter de nouvelles situations, sans disposer d’habitudes ou de comportements appropriés … En une dizaine d’années, une paysanne dut intégrer l’acquisition de l’électricité, de l’eau courante, d’une cuisinière, d’un réfrigérateur, d’une machine à laver, d’une voiture, d’une télévision, ainsi qu’une nouvelle perception de l’espace intérieur … La décennie qui précéda 1968, période de croissance sans précédent du capitalisme en France, apogée des trente années de prospérité de l’après-guerre, expérience extraordinairement volontariste et douloureuse … au prix du démantèlement acharné de l’espace urbain préexistant, notamment à Paris (comparable aux bouleversements du temps d’Haussmann), au nom de l’hygiène et de la modernité furent rasés des quartiers entiers (Montparnasse, Belleville, Bercy, les environs de la place d’Italie…), 19% de la population parisienne éliminée par expulsion, apparition du nouveau personnage du ‘promoteur’ … Traumatisme (à surmonter) dû à l’effondrement de l’empire colonial, aux guerres et aux violents clivages induits dans l’opinion … Américanisation de la France … et importation du fantasme de la croissance équitable, illimitée et régulière … Discours des années cinquante sur l’hygiène … la ‘fringale de propreté’ (Roland Barthes) …La modernisation exige la création de larges couches privatisées et dépolitisées d’une classe moyenne nationale (futurs Bobos) … La cuisine modernisée, centre du foyer, devint le point focal de la vie familiale (avec sa carrosserie d’acier trempé et sa finition, le réfrigérateur, symbole de propreté et d’hygiène) … Le salon des arts ménagers et la maîtrise de la sphère domestique … ‘Lorsque Martine vit pour la première fois la baignoire’ … L’automobile, instrument et véhicule privilégié de la modernisation au XX° siècle … Structurant un nouvel espace-temps, faisant disparaître un monde et une société traditionnelle … L’automobile devenue objectif, ni chimérique rêve de luxe, ni bien de première nécessité, le prochain achat sur la liste … L’apparition au cinéma de personnages à peine adultes (début du mythe de la jeunesse) … Proclamation de l’excellence de la nouveauté (‘Nouvelle vague’, déferlement d’objets) … Le nouveau style de vie décontracté, américanisé, du magazine ‘L’Express’, du livre ‘Le défi américain’, du couple J. J. Servan-Schreiber et Françoise Giroud (renvoyant aux oubliettes le couple J. P. Sartre et Simone de Beauvoir) … Les magazines féminins (‘Madame Express’…) jouèrent un rôle déterminant dans la propagation et la normalisation de l’effort de modernisation entrepris par l’Etat) … L’apparition des experts … L’appartement en propriété ou en co-propriété, fonction sécurisante, donc identitaire … L’explosion du phénomène ‘résidence secondaire’ jusqu’alors quasi inconnu hors de l’aristocratie … La vogue des sciences humaines (là, importation directe de l’influence culturelle américaine) … Exode rural, plus rapatriement d’un million de ‘pieds noirs’, plus début de l’immigration de masse (maghrébine, mais également espagnole et portugaise avant les débuts plus tardifs, décalage d’une quinzaine d’années par rapport à la France, de la modernisation de ces deux pays). Le tout et subi et nécessité par le développement au galop et la gigantesque transformation de ce pays.  »

Ce contenu a été publié dans 495, 2 - Moderne, Nouveau, Neuf / Ancien, avec comme mot(s)-clé(s) , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.