495,1 – Modernité, Modernisme ; Moderne, Nouveau, Neuf / Ancien

– Chaque époque a connu sa modernité.

– Le terme de modernité est dû à Baudelaire (vers 1850)

« La merdanité. » (Michel Leiris

-« La panmuflerie sans limites. » (Charles Péguy – définissant le monde moderne)

-« L’âge de la moyennisation. » (Henri Mendras)

« Le mouvement ininterrompu plus l’incertitude. L’orientation vers l’avenir plutôt que vers le passé» (Georges Balandier –reprenant Raymond Aron)

-« La culture du narcisisme. » (?)

-Nietzsche parlait de la modernité comme d’un carnaval, comme d’un chaos cosmopolite d’affects et d’intelligences.

– Caractéristique de la modernité : l’illimitation. (Serge Latouche)

– « Où fuyez-vous en avant, imbéciles ? » (Georges Bernanos)

– Toujours plus loin, plus haut, plus vite, plus grand… Pour l’époque moderne, époque d’aliénés, le but n’est rien, le mouvement est tout. La modernité, à l’encontre de toutes les vraies civilisations, place le jardinier, patient et attentif à toutes les conditions lointaines régissant son activité, au dessous de tous les excités affolés de vitesse incapables de voir au-delà de leurs godasses ; d’où les catastrophes économiques, techniques, écologiques, sociales… la sottise générale.

– Pour le modernisme « la fin n’est rien, le mouvement est tout, ou plus précisément : le but devenant de plus en plus brouillé, le mouvement lui tient lieu de succédané … Le modernisme clame haut et fort qu’il est porteur d’un ‘projet mobilisateur’, alors qu’il est symptomatique d’un vide culturel et politique que son activisme communicationnel ne parvient pas à masquer. » (Jean-Pierre Le Goff)

– Dans la modernité classique, le changement structurel et culturel se rapproche d’un rythme générationnel – Dans la modernité tardive (post…) le rythme du changement structurel et culturel est supérieur à celui de la succession des générations. » (Hartmut Rosa) – Désynchronisation, déstabilisation, impossibilité d’adaptation, dépression……

– La date de naissance de la modernité fut celle où se produisit l’émancipation du temps vis-à-vis de l’espace … Victoire du temps sur l’espace. » (Hartmut Rosa)

« Tout ce qui avait solidité et expérience s’en va en fumée. » (Manifeste du parti communiste)

L’homme moderne a rejeté la symbolique, celle qui exprimait notre nature divisée. Et c’est pourtant grâce aux symboles que l’homme sort de sa situation particulière et ‘s’ouvre’ vers le général et l’universel. Depuis des millénaires et plus : – L’eau, réservoir de toutes les possibilités d’existence, précédant toute forme, désintègre, abolie, purifie, fertilise, évoque la naissance mais détruit (baptême) – Le feu évoque l’illumination, purifie aussi mais par anéantissement – Le vent inspire ou rend fou, évoque l’Esprit ou bien les esprits mauvais – La terre, la Terre-Mère, est nourricière autant qu’ingrate, d’où sort la végétation est aussi le séjour des morts, tout ce qui vit est sorti d’elle et tout ce qui meurt y retourne – L’union fécondatrice du Dieu-Ciel et de la Terre-Mère – Le sexe comble et vide – La mort est une fin et un passage – La couleur verte renvoie à la nature, à la végétation, au printemps, à la croissance, à l’espérance ; Le jaune à la lumière, à la clarté, à l’éclat, à la richesse ; Le rouge au sang, à la violence, au sacrifice, au martyre ; Le bleu au ciel, au calme, à l’apaisement, au conformisme et à la passivité (ce pourquoi sans doute l’Europe l’a choisi) … Le caractère ambigu de la plupart des symboles, à la fois bénéfiques et néfastes, nous rappelle sans cesse notre double marque, divine et bestiale (limitée, animale…. pas forcément brutale). La symbolique nous introduit au processus dialectique de dépassement des contradictions qui nous sont imposées, ce, par dissolution de l’opposition figée entre des formes figées, et, par là, elle est élévation, libération par acquisition de distance, révélation de la condition humaine. Elle est langage pour s’adresser à notre inconscient et, par là elle est unificatrice de nous-mêmes. Elle est une voie d’accès vers l’unité par prise de conscience et acceptation de notre relativité, de notre dualité, de nos contradictions, donc une approche du sens, un enseignement pour le vivre, un pas vers la sérénité parce qu’elle est transfiguration d’un tangible médiocre en même temps que relation à sa nécessité. Notre société ne refuse pas la symbolique, elle ne la comprend plus – par inculture et ridicule prétention – c’est pourquoi le moindre choc la laisse affolée, pétrifiée, nue.  Elle a brisé le lien des représentations partagées, des valeurs acceptées, des alliances contractées. 

– Même l’être le plus obtus sait qu’il est esprit et matière. La modernité s’est obnubilée sur ce dernier domaine où elle a choisi le « toujours plus. » (François de Closets) – Ce qui permet de compenser le toujours moins dévolu au premier domaine.

– Succinctement, on distingue trois modernités : celle qui débute à la Renaissance, la modernité scientifique et industrielle des XVIII°, XIX° et début du XX°, puis l’épanouissement de celle-ci en société de production, consommation et abondance relative. Ensuite, beaucoup distinguent cette dernière Modernité et l’Hypermodernité ou la Surmodernité ou encore la Postmodernité. Qu’importe ces termes où on se confond aisément. La rupture (plus exactement, l’exacerbation, la radicalisation de la simple modernité) ayant eu lieu entre les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt, quatre-vingt- dix, avec la fin non seulement de Dieu mais des idéologies soutenantes (l’abandon des grands récits : celui de l’émancipation humaine, du progrès, de l’importance de l’Etat ou de la religion comme lien social ou moral prépondérant), l’effondrement de l’idée de progrès, l’excès et la surabondance  événementielle, la difficulté de penser le temps, la dictature de l’image et la restriction paralléle du sens (du pourquoi), la disparition des repères, des structures institutionnelles ou traditionnelles d’encadrement et de sociabilité, le flux ininterrompu, la fragmentation de la vie, l’incertitude quant à la définition de soi, les terreurs qui apparaissent, la flexibilité, la mobilité, la variabilité… (dû à Nicole Aubert)

– « L’hypermodernité, dominée par les néolibéraux et les individualistes libertaires, accouplement faisant la synthèse de l’esprit de 68 et de la vague d’assaut libérale … autrement dit une génération qui a admirablement su faire fusionner les impératifs culturels de mai 68, l’aversion pour l’autorité … avec ceux de l’évolution économique mondiale à laquelle les valeurs traditionnelles, nation ou religion, contrevenaient … Convergence riche en ententes douteuses entre libertaires ennemis de ‘l’ordre moral’ et néolibéraux amis du libre choix. » (Paul-François Paoli – simplifié)

On pourra voir aussi à la rubrique Mondialisation, 500,1, notamment les remarques de Hermann von Keyserling à la section  Occidentisme et Orientalisme, les remarques de Jean-Pierre Le Goff (La barbarie douce) à la section Barbarie de la rubrique Civilisation, 115,1 et les extraits de l’ouvrage de Pierre Dardot et Christian Laval, La nouvelle raison du monde à la rubrique Libéralisme, néolibéralisme, 175, 10    

A la fin de la rubrique Personne, Individu…, 290, 2, et de la sous-rubrique L’homme moderne. On trouvera l’analyse de l’homme de la post-modernité suivant l’ouvrage de Dany-Robert Dufour, L’art de réduire les têtes.

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« Alors que la modernité désenchantée erre dans le présent de ses réussites immédiates … Une modernité qui sécularise ses propres fondements en déconstruisant ses valeurs a besoin d’un témoin des certitudes anciennes. Il lui faut conserver une relation critique avec la matrice dont elle est issue, pour savoir d’où elle vient à défaut de savoir où elle va, pour envisager des possibilités qu’elle a du mal à penser tant elle doute d’elle-même. » (Paul Airiau – sur les relations ambigües et conflictuelles avec la religion et l’Eglise)

« La modernité se caractérise massivement par un mouvement d’arrachement au passé et à la tradition .. Parce qu’elle se donne comme une rupture qui a touché aux fondements mêmes du savoir et de l’autorité, elle a engagé un interminable questionnement sur sa légitimité … Entre crise et modernité, le lien est consubstantiel. » (Myriam Revault d’Allonnes)

« Les attentes ne sont plus eschatologiques (provenant d’un événement qui doit advenir de l’extérieur dans l’histoire) ni même u-topiques ou u-chroniques : elles sont projetées dans l’immanence du réel et liées à la réalisation d’un projet. Il s’agir de ‘faire l’histoire’. » (Myriam Revault d’Allonnes)

« On peut parfaitement concevoir que l’époque moderne, qui commença par une explosion d’activité humaine si neuve, si riche de promesses, s’achève dans la passivité la plus inerte, la plus stérile … Il y a d’autres signaux d’alarme … pour indiquer que l’homme accepterait, qu’il est même peut-être sur le point, de se changer en cette espèce animale dont, depuis Darwin, il s’imagine qu’il descend. » (Hannah Arendt)

 « Trois grands événements dominent le seuil de l’époque moderne et en fixent le caractère : la découverte de l’Amérique suivie de l’exploration du globe tout entier ; la Réforme qui, en expropriant les biens ecclésiastiques et monastiques, commença le double processus de l’expropriation individuelle et de l’accumulation de la richesse sociale ; l’invention du télescope et l’avènement d’une science nouvelle qui considère la nature terrestre du point de vue de l’univers (qui décentra l’homme par rapport à son environnement aussi bien microscopique que macroscopique), en nous posant en êtres ‘universels’, en créatures qui ne sont terrestres que par leurs conditions de vivants, et non de par leur nature ou leur essence et qui, en conséquence … peuvent en fait surmonter cette condition). » (Hannah Arendt)

« Chaque époque se choisit un passé, en puisant dans le trésor collectif, chaque existence nouvelle transfigure l’héritage qu’elle a reçu, en lui donnant un autre avenir et en lui rendant une autre signification. » (Raymond Aron) – Ce n’est plus vrai dans notre société qui ne veut plus, et n’a plus, de passé ; excepté quelques imprécations superficielles d’une ignorance crasse pour servir des fins sordides.

« Jamais, quand c’est la vie elle-même qui s’en va, on n’a autant parlé de civilisation et de culture. » (Antonin Artaud)

 « Les trois figures de l’excès par lesquelles nous avons essayé de caractériser la situation de surmodernité : – La surabondance événementielle :  le constat que l’histoire s’accélère, à peine avons-nous le temps de vieillir que notre passé appartient à l’histoire, les ‘sixties’, les ‘seventies’, les ‘eighties’ retournent à l’histoire aussi vite qu’elles y étaient survenues … Le patchwork des modes … La multiplication des événements le plus souvent non prévus … Un temps surchargé d’événements qui encombrent aussi bien le présent que le passé proche … L’allongement de la durée de vie et la coexistence de quatre générations – La surabondance spatiale : paradoxalement l’excès d’espace est corrélatif du rétrécissement de la planète … Les images de toute la planète qui s’insèrent dans nos demeures … L’ère des changements d’échelle, au regard de la conquête spatiale bien sûr, mais aussi sur terre, les moyens de transport rapides nous mettent  à quelques heures au plus de n’importe quelle capitale … La prolifération des non-lieux (nécessaires à la circulation, centres commerciaux, espaces de transit, aéroports, gares) … La multiplication des références imagées – L’individualisation des références : La figure de l’ego, de l’individu, qui fait retour jusque dans la réflexion anthropologique … L’individualisation des démarches … Dans les sociétés occidentales, au moins, l’individu se veut un monde. Il entend interpréter par et pour lui-même les informations qui lui sont délivrés, pratiquant sa religion, ses activités à sa prore façon. » (Marc Augé – Non-Lieux)

« Toutes les basses époques sont caractérisées par une peur invincible devant la pensée et une fuite rassurante dans les idéologies ou les anti-idéologies. Même ce dont se repaît cette basse époque … la ‘culture’ ne va plus. Car tout ‘doit’ être nivelé par le bas, la quantité ‘doit l’emporter sur la qualité. » (Kostas Axelos)

« Nature et humanité ressembleront de plus en plus à un énorme échafaudage de production techno-scientifique illimitée où l’on produira de tout : Biens matériels, biens idéels, rêves et sentiments, substance pharmaco-dynamiques, formes de déviance et de révolte, contenus de religiosité et de mystique … Les confusions actuelles seront à la fois châtrées et portées au paroxysme dans le capitalo-socialisme mondial, règne démocratico-totalitaire, c’est-à-dire dictatorial, de l’assouvissement général et de l’insatisfaction universelle. » (Kostas Axelos – Entretiens)

« En libérant le pouvoir de la transcendance et en minant les hiérarchies, la modernité a rendu deux conséquences possibles : le pouvoir peut devenir fou, car il n’a plus de supérieur ; toute la puissance diffuse dans le corps social peut se concentrer dans l’appareil d’Etat et être imposée sans entraves à la masse de la population : à la place d’une hiérarchie, on a deux niveaux, une minorité de puissants et une majorité d’impuissants. » (Jean Baechler)

« Je ne reviens par sur la démonstration par laquelle j’ai logiquement relié la politisation, la laïcisation et l’idéologisation. Elle n’a rien de rassurant, car elle revient à affirmer que la sottise contemporaine n’est pas un accident de parcours, réparable par un retour en force du bon sens, mais une donnée constitutionnelle et irréversible de la modernité. » (Jean Baechler)

« Nous appelons ‘modernité’ un monde qu’ont envahi des désirs et des fascinations mimétiques fébriles. Le système sacrificiel se désintègre, bon débarras. Mais s’il disparaît alors que les passions mimétiques qu’il avait pour fonction de maîtriser continuent leur croissance exponentielle, son effondrement entraînera le type de crises implacables que les religions sacrificielles avaient pour fonction d’éviter … ‘Il est temps de réfléchir à nos désirs’ … Si la race humaine est dorénavant contrainte de vivre sans ces ‘protection ssacrificielles’, il est alors temps de réfléchir aux ‘désirs’ qui pendant des milliers d’années ont fait de la violence rituelle le seul moyen d’éviter le ‘feu éternel’ et l’effondrement de la culture. » (Gil Bailie) – Nous courons effectivement à la catastrophe, et nous le savons, mais temps pis, la folie de nos désirs passe avant, pour combien de temps ? Pas beaucoup.

« Les supermarchés ont remplacé les monastères, les technocrates ont pris la place des chevaliers, les rencontres de football ont fait oublier les tournois. » (Philippe Baillet – évoquant Julius Evola) – Antérieurement même à ce qu’on appelle la modernité. Cette décadence était jouée dés la révolution de 89 et l’avènement de la bourgeoisie.

« La modernité, c’est le mouvement plus l’incertitude. »  (Georges Balandier)

« La peur, la catastrophe, l’apocalypse hantent les scènes de la modernité à la façon de vieux monstres de retour. Une culture de l’effroi se greffe sur le corps mouvant de la culture actuelle. Malraux signalait déjà la ’peur de voir arriver quelque chose comme les épidémies d’autrefois’ … les périodes pendant lesquelles les hommes se découvrent sans prise sur ce qui les frappe. » (Georges Balandier) – On est en pleine actualité, et on va y rester.

« Une civilisation qui a perdu tout ce qui, religion ou doctrine, avait une valeur ‘ordonnatrice’ et en est devenue davantage aléatoire … L’absence de valeurs reconnues, la perte d’une  ‘’conscience d’ensemble’ … Un univers de la dispersion … Une civilisation dont l’homme se trouve progressivement éloigné et qui lui apparaît comme une patrie devenant étrangère  … Ordre, sens, appartenance pris ensemble dans les turbulences du changement, de la métamorphose et de l’aléa … Rendant possible ‘une civilisation durablement immunisée contre tout sens de la vie’. » (Georges Balandier – reprenant des thèmes d’André Malraux)

« La modernité est productrice d’amnésie, elle efface les références et occulte les ancrages au passé, elle abolit pour faire place au nouveau et à l’inédit, et valorise l’éphémère au détriment du  durable, elle cache la permanence sous la surface agitée du changement. » (Georges Balandier)  

 « C’est la pensée moderne qui opère les ruptures, qui évacue la tradition porteuse de permanence et appréhende toute chose sous l’aspect du mouvement … Cette époque est vue comme celle de la simulation, des simulacres, d’une hyperproduction en quoi tout s’annule ; il y a effondrement de l’ordre symbolique, prolifération des informations, annulation des contenus remplacés par de pures images : ainsi se crée un pseudo-réel pourtant très réel. » (Georges Balandier)  

« L’homme contemporain, un être historique mal identifié, sans définition mythique, métaphysique, positive et culturelle de large acceptation. L’indifférence, le mépris, la violence peuvent l’attaquer à frais plus réduits, l’inquiétude et la peur le confiner dans la passivité, la puissance technicienne le rendre façonnable. L’apathie le conduirait à être le spectateur désengagé de tout et de lui-même. »  (Georges Balandier)

« La modernité s’appréhende en tant que ruse suprême ; elle donne à croire par l’effet de ses réalisations cumulées et de son mouvement généralisé, que ‘tout’ devient possible, qu’elle repousse continuellement les frontières de l’impossible … On l’accuse de travestir ainsi une réalité ‘aviie’ par le ‘nivellement massif médiatique’, le développement du ‘processus grégaire’, la réduction de tout et de tous à ‘l’existence statistique’ et le rejet des conduites inassimilables. » (Georges Bandelier – s’inspirant de Paul  Chamberland)

« La vie politique française la pousse par épisodes à la première place, en compagnie tantôt du libéralisme, tantôt du socialisme, mais très nettement en avant. Elle est ce vers quoi il faut aller. » (Georges Bandelier) – Poudre aux yeux pour les innombrables gogos.

« Les hypermarchés sont moins beaux que les cathédrales mais plus paisibles que les blockhaus … Combien de temps allons-nous être capables de pousser tranquillement notre caddie ? » (Olivier Bardolle)

« Il paraît que le vieux monde est épuisé et que le nouveau est encore à naître. En conséquence, on va à la fois connaître les soubresauts de l’agonie et les spasmes de l’accouchement. Haut les cœurs ! » (Olivier Bardolle)

« Vénus se trouverait chaste si elle revenait, Mars doux, Jupiter patient, et surtout Mercure honnête. » (Anne Barratin)

« Vivre la modernité et lui résister. La construire et non pas seulement la consommer. » (Alessandro Barrico)

« La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. » (Baudelaire)

 « Le consensus comme degré zéro de la démocratie et l’information comme degré zéro de l’opinion sont en affinité totale : le Nouvel Ordre Mondial sera à la fois consensuel et télévisuel. » (Jean Baudrillard)

« S’il fallait caractériser l’état actuel des choses, je dirais que c’est celui d’après l’orgie. L’orgie, c’est tout le moment explosif de la modernité, celui de la libération dans tous les domaines. Libération politique, libération sexuelle, libération des forces productives, libération des forces destructives, libération de la femme, de l’enfant, des pulsions inconscientes, libération de l’art. Ce fut une orgie totale, de réel, de rationnel, de sexuel, de critique et d’anti-critique, de croissance et de crise de croissance. Nous avons parcouru tous les chemins de la production et de la surproduction virtuelle d’objets, de signes, de messages, d’idéologies, de plaisirs. Aujourd’hui, tout est libéré, les jeux sont faits, et nous nous retrouvons collectivement devant la question cruciale : Que faire après l’orgie ? » (Jean Baudrillard) – Ce fut l’époque de toutes les con……, de tous les dégâts ; et certains en traînent encore une sérieuse gueule de bois.

« Autodéfense de toute une société qui, faute d’avoir pu générer une autre histoire, est vouée à ressasser l’histoire antérieure pour faire la preuve de son existence, voire de ses crimes. Les effets de conscience morale, de conscience collective, sont tout entier des effets médiatiques, et on peut lire à l’acharnement thérapeutique avec lequel on essaie de la ressusciter, cette conscience, le peu de souffle qui lui reste encore. Ce qui est en train de se passer collectivement, confusément à travers tous les procès, toutes les polémiques, c’est le passage du stade historique à un stade mythique, c’est la reconstruction mythique et médiatique, de tous ces événements. » (Jean Baudrillard)

« Ne pourrait-on pas, au vu de tout cela, faire l’économie de cette fin de siècle ? Je propose que soient supprimées d’avance les années 90, et que nous passions directement de1989 à l’an 2000. Car cette fin de siècle étant déjà là, avec tout son pathos nécro-culturel, ses lamentations, ses commémorations, ses muséifications à n’en plus finir, est-ce qu’on va encore s’ennuyer dix ans de plus dans cette galère ? » (Jean Baudrillard)

« L’acte de pensée y est indéfiniment différé. La question de la pensée ne peut même plus y être posée, pas plus que celle de la liberté. » (Jean Baudrillard)

« Dépossédé de ses défenses l’homme devient éminemment vulnérable à la science et à la  technique, tout comme dépossédé de ses passions il devient éminemment vulnérable à la psychologie et aux thérapies qui s’ensuivent… » (Jean Baudrillard)

« De transcendant, il (l’homme) est devenu exorbitant … Nous ne sommes plus dans la croissance, nous sommes dans l’excroissance. Nous sommes dans une société de la prolifération. » (Jean Baudrillard)

« Que va faire le genre humain dégagé de toute croyance ? Soit il s’accomplit égoïstement selon un individualisme exclusif et souverain (Stirner), soit il s’accomplit collectivement, par une longue voie historique, comme chez Marx, soit il se déplace vers le Surhumain, par une transmutation des valeurs de l’espèce, c’est la voie tracée par Nietzsche, la grande métamorphose, celle du devenir. » (Jean Baudrillard)

« Les autres cultures pouvaient être violentes et conquérantes, mais elles ne visaient pas à cette annihilation, à ce décervelage mondial … C’est ce qu’on voit dans les récentes guerres, l’extermination de l’ennemi en tant qu’ennemi, sa disqualification en tant qu’adversaire … Destruction des cultures singulières et de tout ce qui résiste à l’ordre mondial et à l’échange généralisé » (Jean Baudrillard

« L’Amérique est la version originale de la modernité, nous sommes la version doublée ou sous-titrée … Cet univers complètement pourri de richesse, de puissance, de sénilité, d’indifférence, de puritanisme et d’hygiène mentale, de misère et de gaspillage, de vanité technologique et de violence inutile, je ne peux m’empêcher de lui trouver un air de matin du monde » (Jean Baudrillard) – « Mépris de l’enracinement, oubli de l’imperfection humaine, prétention à un universel pasteurisé. Cette perception de l’Amérique peut être comparée à ce que ressentent les peuples périphériques de l’Europe face aux centres européens, ce que ressentent les provinces face aux capitales, les peuples face aux élites … Instinctive admiration doublée aussitôt d’une rétractation… » (Chantal Delsol)

« La modernité n’a pas rendu les gens cruels ; elle n’a fait qu’inventer un procédé par lequel des actes cruels pouvaient être accomplis par des gens non cruels. Sous le signe de la modernité le mal n’a plus besoin de personnes maléfiques. Des gens rationnels … solidement rivés au réseau impersonnel indifférencié de l’organisation moderne feront très bien l’affaire … La fragmentation des acteurs et des tâches dans les grandes bureaucraties faisant de tout acteur l’interprète d’un rôle. » (Zygmunt Bauman) – Songer à La banalité du mal d’Hannah Arendt à propos du procès Eichmann.

« D’abord, la ‘survalorisation’ des individus libérés des contraintes imposées par un réseau dense de liens sociaux. Une seconde rupture suivit de près : la fragilité, la vulnérabilité sans précédent de ces individus dépouillés de la protection jadis offerte très naturellement … Perspective séduisante bientôt suivie par la peur de l’inadéquation …. Les peurs modernes naquirent au cours de la première fournée de dérégulation/individualisation, lorsque furent relâchés ou brisés les liens de parenté et de voisinage resserrés par les nœuds de la communauté ou de la corporation … Substitution d’équivalents artificiels tels que associations, syndicats … La solidarité allait succéder à l’appartenance comme principal bouclier … La seconde dérégulation ne s’effectuat pas par choix mais sous la pression de forces planétaires incontrôlables, et sans déboucher sur de nouvelles formes sociétales de gestion de la peur et de l’incertitude… la concurrence remplaçait la solidarité. » (Zygmunt Bauman)

« La modernité est en train de passer d’une phase ‘solide’ à une phase ‘liquide’ dans laquelle :  – Les formes sociales (structures, institutions, modes de comportement acceptables…) ne peuvent plus, et ne sont plus censées, se maintenir durablement en l’état parce qu’elles se décomposent en moins de temps qu’il ne leur en faut pour être forgées et se solidifier – La société est de plus en plus envisagée et traitée comme un réseau plutôt que comme une structure et encore moins comme un ‘tout’, matrice de connexions et de déconnexions fruit du hasard et d’un nombre indéfini de permutations – L’effondrement de la réflexion, de la prévision et de l’action à long terme, quantité théoriquement infinie d’épisodes et de projets à court terme non combinables – La responsabilité de la résolution des difficultés … repose désormais sur les épaules des individus, censés exercer leur ‘libre choix’ et en supporter les conséquences, la ‘flexibilité’, aptitude à changer rapidement de tactique et de style, à abandonner … ses engagements et ses loyautés, à profiter des occasions comme elles se présentent plutôt que dans l’ordre de ses préférences personnelles – Une vie aussi fragmentée stimule les orientations ‘horizontales’ plutôt que ‘verticales’. » (Zygmunt Bauman – Le présent liquide) – D’où la boulimie de réformes pour tenter de compenser l’angoisse.

« La question n’est pas entre matière et esprit, elle n’est pas entre religion et sacré, pas plus entre spirituel et sacré. Elle est question de l’être ou de l’avoir. » (Matthieu Baumier) – On sait comment la modernité libérale-libertaire l’a tranchée.

« Une dimension essentielle de la modernité tient à la conviction que l’on est moderne. La modernité est une aspiration à être en ‘phase avec son époque’. Elle a pris la forme d’un processus d’émulation et d’emprunt. » (Christopher Alan Bayly)

« Les années 1990 et 2000 furent les meilleures de nos vies. Nous avons vécu au-dessus de nos moyens, nous avons dépensé l’argent que nous n’avions pas, nous avons voyagé, festoyé, pollué, bref, nous nous sommes goinfrés en râlant pour ne pas avoir l’air trop repus et trop satisfaits, parce que ça faisait ringard d’être content. » (Frédéric Beigbeder) 

« Notre modernité triomphante a bien accompli la déconstruction libératrice qu’elle s’était donnée pour but : plus de tradition, plus de transmission, plus de médiation. » (François-Xavier Bellamy) – Quelle différence avec les destructions de monuments historiques par les barbares de Daech ?

« Le monde entier suit l’Occident, et l’Occident ne va nulle part. » (Maurice Bellet) – ‘Suivait’ l’Occident. Maintenant plus personne ne suit personne ou chacun suit machinalement son voisin, qui ignore où il va sinon qu’il va dans le mur. Dans les deux cas c’est encore pire.

« Ce qu’il vous faut faire, c’est encore détruire l’œuvre insensée du XIX° siècle, qui s’est mis à élever la spontanéité au-dessus de la réflexion, l’invention au-dessus de l’ordre, l’originalité au-dessus de la vérité. » (Julien Benda)

« La condensation des valeurs politiques en un petit nombre de haines très simples et qui tiennent aux racines les plus profondes du cœur humain est une conquête de l’âge moderne. » (Julien Benda)

 « La crise identitaire actuelle, qui résulte de l’effacement des repères (indistinction généralisée). En effet, la modernité marque le triomphe de l’idéologie du Même, qui n’est qu’un autre nom de l’universalisme, c’est-à-dire de cette idéologie pour laquelle, fondamentalement, les hommes et les peuples sont les mêmes. Même ambiguïté autour de la notion d’autonomie, grande promesse des Lumières qui a été si cruellement déçue, puisque la modernité n’a fait disparaître d’anciennes aliénations que pour les remplacer par de nouvelles, omniprésentes et plus pesantes encore que les anciennes. » (Alain de Benoist)

« Saura-t-on regarder avec courage le monde moderne en train de se décomposer ? La machine d’abord, qui le broie. La culture que la machine détruit. … Domination de deux valeurs dont l’une ne se justifie pas devant l’esprit, dont l’autre ne se justifie plus devant le fait (devant ce qui est), les vies individuelles décentrées ? » (Emmanuel Berl)

« Le monde vit beaucoup trop vite, le monde n’a plus le temps de respirer. » (Georges Bernanos)

« Votre société ne mérite plus d’être aimée. La société a-t-elle jamais mérité la confiance et l’amour ? Qu’importe : elle donnait au moins l’illusion de les mériter. Les vieillards la quittaient déçus, mais ses prestiges étaient jadis assez forts pour porter un moment l’espérance de chaque génération renaissante. Eêes-vous  sûrs qu’on puisse en dire autant de la vôtre ? » (Georges Bernanos – Les Enfants humiliés)

« Le temps des contes est terminé … Il n’y a plus de monde des esprits, l’univers lui-même n’est plus un conte ; l’Europe, la belle Europe, est morte ; voilà  la vérité et la réalité. La réalité, tout comme la vérité, n’est pas un conte … Il est plus difficile de vivre sans contes, c’est pour cela qu’il est si difficile de vivre au vingtième siècle … Nous avons des systèmes tout nouveaux, une conception du monde toute neuve … nous avons une morale toute neuve et nous avons des sciences et des arts tout neufs. Nous avons le vertige et nous avons froid  … Nous nous montrons désormais de plus en plus exigeants … aucune époque ne s’est montrée aussi exigeante que la nôtre ; notre existence même est empreinte de mégalomanie … La vie n’est plus que science, science issue des sciences. Nous nous sommes soudains résorbés dans la nature … Nous avons mis la réalité à l’épreuve. La réalité nous a mis à l’épreuve … Lorsque nous examinons la nature nous n’y voyons plus des fantômes … Cette clarté dans laquelle nous apparaît soudainement notre monde, notre monde de sciences, nous effraie ; nous avons froid dans cette clarté ; mais nous avons voulu cette clarté, nous l’avons provoquée, nous n’avons donc pas le droit de nous plaindre du froid qui règne désormais. Le froid augmente avec la clarté. Ce sont cette clarté et ce froid qui règneront désormais. » (Thomas Bernhard)

« Le caractère universel sur tous les plans et dans tous les domaines de cette obsession de déstructurer, de briser l’ordre et la cohérence, de dégrader l’harmonie, d’éradiquer tout ce qui a pu faire sens, inspirer une forte et admirative adhésion, de favoriser une homogénéité par le bas, une grisaille qui avec acharnement viendrait effacer, étouffer tout ce qui aurait pu laisser apparaître une différence de qualité, donc un privilège, donc une injustice. Le beau, dans cette conception, constitue à l’évidence une discrimination puisque cet avantage n’est pas partagé … Déconstruire tout et partout devient un devoir, une mission, un humanisme à l’envers, le but d’un monde qui, ne sachant plus jouir de ce qu’il a eu de meilleur, a décidé de casser les paradis d’hier pour leur substituer l’universelle déconstruction d’aujourd’hui.  Il est dur de construire, de faire durer, de magnifier, il est malheureusement trop aisé de réduire en miettes la splendide certitude qui nous faisait vivre, estimer, admirer, nous battre, défendre, préserver, rendre meilleur. Déconstruire nous tue. »(Philippe Bilger)                                                  

« On conviendra que les nouvelles d’aujourd’hui, entendues il y a vingt ans, nous auraient paru un absurde cauchemar, une mauvaise plaisanterie. Le journal de l’année prochaine ne nous semblerait pas moins inepte et déprimant. Nous le lirons pourtant de notre vivant. Que reste-t-il du monde où nous sommes venus et de tout ce que nous aimions ? » (Baudouin de Bodinat)

« L’expansion est tout  … Cette précipitation depuis deux siècles à vandaliser tut ce qui existait au monde, comme affranchie d’aucune considération morale ou de bon sens à violer tous les équilibres, toutes les tranquillités et habitudes, usages, mœurs singulières que la nature et l’homme s’étaient donnés … à tout profaner. » (Baudouin de Bodinat – Au fond de la couche gazeuse)

« D’une effronterie plus péremptoire encore, plus mensongère et incohérente s’il est possible, dès qu’il s’agissait de diffamer l’humanité antérieure, de la ridiculiser, d’en faire le repoussoir, le comparatif indiscutable à établir aux yeux des locataires actuels leur privilège de figurer au XXI° siècle. » (Baudouin de Bodinat – sur des magazines –  Au fond de la couche gazeuse)

« L’âge moderne représente le triomphe de la médiocrité collective. » (Gustave Le Bon)

« Spengler disait déjà qu’il viendra probablement un temps où personne ne saura plus regarder un portrait de Rembrandt ou entendre la musique de Mozart ‘parce que le dernier œil et la dernière oreille, auxquels leur langage formel était accessible auront disparu.’ » (Françoise Bonardel)

« Le monde moderne n’a plus la poésie de la variété, il n’a plus la poésie de la profondeur, ni celle du calme, ni celle de l’ordre. Il ne lui reste que la poésie du hasard. » (Abel Bonnard)

« Modernité, ce mot n’exprime rien d’autre, dans la vulgarité de son emploi, que l’exigence d’être à la page. Car l’âge moderne se caractérise par une dynamique qui incite très fortement les citoyens à s’adapter bon gré mal gré au dernier état de la nouveauté. » (Jean Borie)

« ‘Le passé n’éclaire plus l’avenir’. Ce qui est une définition possible de la modernité. » (Jean Borie – citant Alexis de Tocqueville)

« Tout l’Occident est à l’abandon. » (Bossuet) – Déjà au XVII° siècle !

« Pour les historiens, le point de départ de la modernité se situe toujours à la chute de Constantinople (1453), à la découverte du Nouveau Monde (1492), ou encore à la Réformation (1517). » (Rémi Brague)

« C’est parce que le passage à la modernité est un choix que l’on peut se poser la question de sa légitimité : de quel droit élever une prétention à ‘faire époque’ ? » (Rémi Brague)

« Le Moyen Âge … a eu à tout le moins le mérite d’avoir une postérité en débouchant sur la modernité. On peut en revanche se demander si celle-ci, sur le long terme, est grosse d’autre chose que du néant sans phrase … Elle consomme du sens sans en créer … Le monde moderne ramasse de vieilles choses qu’il est tout à fait incapable de continuer. » (Rémi Brague)

« La Modernité : la raison comme faculté dont il s’agit d’assurer le triomphe définitif, l’athéisme comme tentative pour en finir avec la superstition, la sécularisation qui conduit à la révocation du divin, la démocratie comme évacuation ultime de toute théocratie, et le progrès comme atmosphère générale. » (Rémi Brague) – Quel programme enthousiasmant.

« Prendre ses distances d’avec cette maladie (Succinctement, le passé), la ‘modernité’ … Complaisante modernité, qui se clame en ‘rupture’ avec tout ! Et d’abord avec le passé pour lequel elle a inventé le nom de ‘Moyen Âge’. Alors que la modernité en vit comme un parasite, dans une dialectique autodestructrice. Car au fond, qu’a-t-elle inventé ? Ni la révolution technique, ni l’urbanisation, ni la société civile, ni même la personne comme sujet de libertés … Les idées modernes ne sont que des idées prémodernes, maquillées comme une marchandise volée … Des vertus théologales chrétiennes, La Charité est devenu la bienveillance, l’Espérance est devenue l’optimisme…. Les idées modernes sont des idées prémodernes. Seul le nom est nouveau. » (Rémi Brague)

« J’ai caractérisé l’attitude d’une rupture totale avec le passé, considéré comme n’ayant plus rien à nous apprendre, comme étant du marcionisme culturel. On peut se demander si la modernité ne serait pas tout spécialement menacée par cette hérésie. C’est en tout cas ce qui doit se produire si la modernité est inséparable de l’idée d’un progrès qui permettrait de donner un congé définitif à un passé supposé obscur. » (Rémi Brague) – L’hérésie marcionite (I°, II° siècle) consistait, succinctement, au rejet de la filiation du Nouveau Testament par rapport à l’Ancien Testament, à la séparation radicale du Dieu de colère de la Bible hébraïque du Dieu d’amour des Evangiles. Négation d’héritage, de filiation, de transmission…

« La modernité est un projet, pensé depuis longtemps (Descartes nommant d’abord son ‘Discours de la méthode’ : ‘Projet d’une science universelle…’) … L’idéal des temps modernes étant de fonder l’homme sur l’homme et sur rien d’autre, de sorte que tout rapport à quoi que ce soit d’extérieur, d’autre, de supérieur serait exclu … absurdité inutile (notamment le Dieu créateur et législateur, émettant des commandements) … mais reste alors la question ; ‘Est-il bon qu’il y ait des hommes ?’ … Or l’homme  doute de sa légitimité (meurtres de masse des régimes athées du XX° siècle, à une bien plus grande  échelle encore que les guerres de religion, l’athéisme peut s’avérer plus meurtrier encore), car Il n’est plus convaincu d’avoir le droit de conquérir et d’exploiter la Terre – Il n’est plus certain de sa supériorité par rapport aux autres êtres vivants. Il se pourrait qu’il soit le pire des prédateurs – Il n’est même plus sûr de se distinguer des autres êtres vivants par la possession de quelque caractère distinctif essentiel … Or toute action doit pouvoir être fondée en raison. Si nous renoncions à chercher et à fournir une raison à l’existence de l’humanité,… nous confirions à la déraison l’existence du seul être qui peut être le porteur de raison … Si le projet des ‘Lumières’ doit réussir, l’homme a besoin d’une raison pour continuer à exister, et à exister comme ‘homme’ (être raisonnable et libre et non bipède sans plumes) … L’existence d’une instance suprahumaine capable d’affirmer l’existence de l’humanité est le premier contenu de la religion … Pour être clair et prosaïque : nous avons besoin d’un type d’humanité qui soit capable de faire résonner harmonieusement foi et raison … pour rendre possible la poursuite de l’aventure humaine … Si un ‘horloger aveugle’ (R. Dawkins) m’a jeté dans la vie sans me demander mon avis, pourquoi devrais-je jouer le même sale tour aux autres, en leur inoculant la vie ? » (Rémi Brague – cherchant une raison à l’humanité pour continuer, sans pour cela faire l’apologie d’une religion)

« La vraie souffrance des modernes est celle d’une promesse non tenue et probablement intenable … Si être moderne, c’est se montrer incapable de prendre parti du sort qui nous est fait, alors la démocratie devient le régime de la plainte autorisée : elle alimente un désir qu’elle ne peut assouvir, aiguise les impatiences, rend légitimes les envies les plus folles. La modernité déçoit non pas parce qu’elle aurait échoué mais parce qu’elle a trop bien réussi : ce n’est que cela ! » (Pascal Bruckner)

« Dans nos sociétés de grande vulnérabilité, tout est toujours possible, surtout le pire. Telle est la sagesse désenchantée de ce début de siècle. Nous savons que nos avancées se payent de reculs terrifiants, que chaque conquête est aussi un terrain perdu, que chaque démonstration de force est un aveu de faiblesse, et que l’humanité va simultanément et d’un même pas vers le meilleur et le pire.  que toute libération libère d’abord une nouvelle servitude. » (Pascal Bruckner)

« Le tort de l’Occident, dans la seconde moitié du XX° siècle, fut de donner aux hommes l’espoir insensé d’un prochain effacement de toutes les calamités : famines, indigence, maladies… Mêmes serments d’ivrognes, mêmes espérances increvables. » (Pascal Bruckner)

« Au sublime moyen-âgeux succède le trivial moderne, au grand absolu, le petit relatif. Terrible vertige d’un homme soudain délesté de ses entraves et qui subit moins un désenchantement qu’une désorientation ; il se retrouve libre mais pygmée …  Avec cet affranchissement naît aussi la banalité, c’est-à-dire l’immanence totale de l’humanité à elle-même. Plus d’échappées sinon dans le futur, le ciel est bas, lourd. Nous voici condamnés à n’être que de ce monde, assignés à résidence ici-bas. Rien que la terre… » (Pascal Bruckner)

« La modernité ne s’aime pas. Elle a porté si haut les espérances humaines qu’elle ne peut que décevoir. Revanche grinçante des religions : elles sont peut-être mal en point mais ce qui leur succède ne va pas bien non plus. » (Pascal Bruckner)

« Ce moment paroxystique du processus de destruction du sens qu’est la modernité. » (Patrick Buisson – sur mai 1968) – « La destruction de toute norme commune devenue l’ambition des sciences sociales. » (Eugénie Bastié)

« Si être moderne, c’est se montrer incapable de prendre parti du sort qui nous est fait, alors la démocratie devient le régime de la plainte autorisée : elle alimente un désir qu’elle ne peut assouvir, aiguise les impatiences, rend légitimes les envies les plus folles. …  On est plus tourmenté par les biens qu’on ne détient pas encore, les droits dont nous devrions bénéficier que par ceux que nous possédons. Ce qui est n’est jamais assez, le trop est encore trop peu. » (Pascal Bruckner) – Trouille de rester sur place. Ne pas rester ; avancer, n’importe où, n’importe quand, n’importe comment, avec n’importe qui… Le bougisme de Taguieff.

« Le principal reproche, au fond, qu’on puisse adresser à l’esprit de la modernité, c’est qu’il interdit d’être pauvre. Pas dans les faits bien sûr. On redécouvre aujourd’hui la misère profonde qu’on croyait à jamais enfuie. Mais en droit. Toutes les cultures passées ont su trouver des vertus à la pauvreté. Hypocrisie, peut-être, encore qu’on puisse en douter. Mais les pauvres n’y étaient pas nécessairement et systématiquement pris pour des imbéciles ou des demeurés. Les pauvres n’étaient pas tous des pauvres types. Au moins, en droit … La généralisation de l’imaginaire utilitaire induit que la valeur des personnes est de plus en plus immédiatement proportionnelle à la valeur des biens marchands qu’elles possèdent et celle-ci, à son tour, est supposée immédiatement proportionnelle à leur utilité sociale. » (Alain Caillé)

« L’examen du monde moderne est fait pour apporter à qui s’y livre à peu près tous les dégoûts. On ne sait que trop ce qu’il en est dans l’ordre économique et social, et plus généralement dans l’ordre des relations humaines : rien à prolonger, tout à reprendre. Mais, dans le cercle plus étroit des choses de l’esprit, la crise n’est pas moins profonde. Les formes avancées de la littérature et de l’art … ‘le long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens’ (Arthur Rimbaud) … Dans un monde où la confusion tient communément lieu de profondeur, la paresse et le hasard d’audace et de lucidité, la négligence de maxime de gouvernement, où l’arrogance la moins fondée se fait passer pour génie… » (Roger Caillois)

« L’examen du monde moderne est fait pour apporter à qui s’y livre à peu près tous les dégoûts. On ne sait que trop ce qu’il en est dans l’ordre économique et social, et plus généralement dans le domaine des relations humaines : rien à prolonger, tout à reprendre … Autant que dans le cercle plus étroit des choses de l’esprit … Les formes avancées de la littérature et de l’art l’entraînent à présent dans des activités à demi esthétiques qui, à la longue, prennent un caractère maniaque et purement rituel … On para de toutes les vertus le merveilleux et l’insolite considérés comme tels … On se plaisait avec Rimbaud à trouver sacré le désordre de son esprit, mais on n’avait pas, comme lui, la lucidité de l’avouer crûment et le courage de se retirer d’un jeu si vain. » (Roger Caillois) – Déjà en 1938. A-t-on noté quelque amélioration depuis quatre-vingt ans ? 

« Heine considère que l’effacement inexorable des ‘originalités nationales’ traduit la ‘victoire complète des Anglais, porteurs de l’uniformité de la civilisation moderne’ … Il y aurait pour Heine deux modernités différentes : une modernité juridique et politique, née de la France révolutionnaire et napoléonienne ; et une modernité de civilisation, ou économique, portée par les Anglais (les Américains aujourd’hui) … ‘L’empereur est mort. Avec lui s’est éteint le dernier héros selon l’ancien goût, et le nouveau monde des épiciers respire à l’aise, comme débarrassé d’un cauchemar brillant … s’élève une ère bourgeoise et industrielle’ … La montée inexorable des ‘Anglais’ et des ‘épiciers’, c’est-à-dire du capitalisme financier à l’échelle mondiale. » (Lucien Calvié – sur Henri Heine) – Prophétie exacte, la mondialisation a commencé là.

« Nous vivons dans un monde où tout est dû pour hier. » (Paul Carvel)

« Qui ne voit le drame possible d’une Humanité perdant soudain le goût de sa destinée ? Certains symptômes morbides comme l’existentialisme sartrien prouvent que cette éventualité‚ n’est pas un mythe. » (Père Teilhard de Chardin)

« L’invasion des idées a succédé à l’invasion des barbares ; la civilisation actuelle décomposée se perd en elle-même … L’état matériel s’améliore, le progrès intellectuel s’accroît, et les nations au lieu de profiter s’amoindrissent : d’où vient cette contradiction ? » (Chateaubriand)

« Fasse le ciel que ces intérêts industriels, dans lesquels nous devons trouver une prospérité d’un genre nouveau, ne trompent personne, qu’ils soient aussi féconds, aussi civilisateurs que ces intérêts moraux d’où sortit l’ancienne société. » (Chateaubriand)

« Pas de vagues, juste des vogues. » (Gilles Châtelet) – Telle est la modernité.

« Au lieu de chercher partout des nazillons où ils ne sont pas, on ferait mieux d’admettre que notre modernité droit-de-l’hommiste exécute à la lettre une partie du programme nazi : tris des embryons, eugénisme, ‘Lebensborn’, exaltation d’une beauté normée, euthanasie… » (Isabelle Chazot)

« Le monde moderne ne lance pas vraiment de nouveaux enthousiasmes de son cru. La nouveauté est dans les noms et dans les étiquettes … Le monde moderne ne commence pas des choses nouvelles … Au contraire, il ramasse de vieilles choses qu’il est incapable de continuer … Les deux critères distinctifs des idéaux moraux modernes : ils ont été empruntés ou arrachés à des mains antiques ou médiévales et ils se fanent très vite dans des mains modernes. » (Chesterton) – Pour ces derniers, voir ci-dessus à Rémi Brague.

« Le fou est un homme qui a tout perdu, sauf sa raison. » (Chesterton  – sur le monde moderne qui s’enorgueillit de se voir comme tout à fait rationnel) 

« Presque rien de matériel ou d’établi que j’ai été formé à croire permanent et vital n’a duré. Tout ce que je tenais pour assurément impossible ou qu’on m’a appris à croire tel s’est produit. » (Winston Churchill) – Et il va continuer à en être ainsi jusqu’à…

« L’époque moderne commence avec deux hystériques : Don Quichotte et Luther. » (Emil Cioran) – Effectivement, la voie était tracée.

« Les temps nouveaux ont a ce point perdu le sens des grandes fins que Jésus, aujourd’hui, mourrait sur un canapé. La science, en éliminant l’égarement, a diminué l’héroïsme, la pédagogie a remplacé la mythologie. » (Emil Cioran)

« L’historien antique disant de Rome qu’elle ne pouvait supporter ni ses vices ni leurs remèdes, a défini moins son époque qu’il n’a anticipé sur la nôtre. » (Emil Cioran)

« Il faudrait être aussi peu dans le coup qu’un ange ou un idiot pour croire que l’équipée humaine puisse bien tourner. » (Emil Cioran)

« Pour passer des cavernes aux salons, il nous a fallu un temps considérable ; nous en faudra-t-il autant pour parcourir le chemin inverse ou brûlerons-nous les étapes ? » (Emil Cioran)

« La création, telle qu’elle était ne valait pas cher ; rafistolée, elle vaut encore moins. Que ne l’a-t-on pas laissée dans sa vérité, dans sa nullité première ! Le Messie à venir, on comprend qu’il tarde à se manifester. La tâche qui l’attend n’est pas aisée : comment s’y prendre pour délivrer l’humanité de la ‘manie du mieux’ ? » (Emil Cioran)

« Imaginez une société surpeuplée de doutes où, à l’exception de quelques égarés, personne n’adhère entièrement à quoi que ce soit,  indemnes de superstitions comme de certitudes … Des idéaux sans contenu, des mythes sans substance … Vous êtes déçus après des promesses qui ne pouvaient être tenue ; nous le sommes par manque de promesses tout court ….La société libérale éliminant le ‘mystère’, ‘l’absolu’, ‘l’ordre’, et n’ayant pas plus de vraie métaphysique que de vraie police, rejette l’individu sur lui-même, tout en l’écartant de ce qu’il est, de ses propres profondeurs … manquant de racines, elle est essentiellement superficielle » (Emil Cioran)

« La modernité est centenaire : les avant-gardes ont commencé vers 1905-1910. Aujourd’hui, un siècle après leur passage, on découvre, en se retournant, une terre dévastée. » (Jean Clair)

« L’apprentissage de la vie n’est plus l’apprentissage du métier, mais l’apprentissage du gaspillage … maintenant on livre à l’enfant toutes les technologies d’usage, on le préserve même des exercices pédagogiques élémentaires (toute pédagogie était aussi un apprentissage, car la vie quotidienne exigeait une multitude de travaux domestiques … faire son lit…) devenus autoritarisme et brimades … Avec l’électricité, il suffit d’une pichenette, geste magique, geste de démiurge. L’enfant profite d’un progrès sans donner aucun travail, même symbolique, en échange. Il s’installe dans la totale ignorance du travail nécessaire à cette consommation … La société capitaliste a inventé une pédagogie d’intégration au système : l’usage ludique du fonctionnel. » (Michel Clouscard – Le capitalisme de la séduction) – Il suffit de les voir et de les interroger sur ce qu’il y  a derrière leurs écrans et leurs téléphones. Futurs gaspilleurs inconséquents et standardisés.

« Se regarder soi-même, concevoir donc un peu mieux ce que l’on fait sur la terre, voilà très précisément ce que la modernité marchande nous défend, par la multiplication des sujets de désir et d’aveuglement. » (Christian Combaz)

« Nos sociétés vieillissent exagérément … Mais au lieu d’offrir de nous-mêmes, au reste de la terre, l’image d’une sagesse millénaire … nous prêtons plutôt le flanc aux désastres futurs en cultivant nos appétits, en les infligeant sans cesse à ceux qui ne peuvent les satisfaire. » (Christian Combaz)

Cinq paradoxes de  la modernité selon Antoine Compagnon s’exprimant dans le domaine de l’art, mais on peut étendre relativement : – La superstition du nouveau (le triomphe des modernes sur les anciens, XVII°, XVIII° siècles, la notion de progrès, prestige du nouveau) – La religion du futur (le sens positif du temps, la notion de progrès, le mythe des avant-gardes, l’enthousiasme futuriste) – La manie théoricienne (le terrorisme théoricien, les multiples idéologies, les étranges spéculations métaphysiques et doctrines spiritualistes servant à défendre l’art contemporain aussi bien que des théories comme la thèse dite du ‘Genre’) – L’appel à la culture de masse (démocratisation forcée) – La passion du reniement (postmoderne synonyme de décadent, anarchique, irrationnel, déclin des idéologies et des espoirs historiques, désenchantement, ‘L’ère du vide’ (Gilles Lipovetski), réfutation de l’historicisme et du dogme du progrès, abandon du messianisme, perte de tranchant des oppositions modernes : nouveau/ancien, présent/passé, progrès/réaction, gauche/droite…) – Les commentaires entre parenthèses et en non italique ne sont que pour certains  extraits du texte d’Antoine Compagnon, assez complexe.

« Le but des modernes est la sécurité dans les jouissances privées ; et ils nomment ‘liberté’ les garanties accordées par les institutions à ces jouissances. » (Benjamin Constant)

« La modernité ne se contente pas qu’on l’accepte. Elle exige qu’on l’encense. Il lui faut des marques d’adhésion explicite, comme autant de gages de soumission au nouveau monde. » (Mathieu Bock-Côté – sur la diversité, le multiculturalisme, les démolitions dites sociétales, etc.) 

« L’invention de la démocratie occidentale industrielle fut ce moment  crucial et terrible où l’humanité décida de remettre à plat la totalité de l’édifice construit depuis environ cinq mille ans, remise à plat des aristocraties et des populations, remise à zéro de la mémoire génétique, égalité des cultures et des idées, religion de l’homme, suprématie de l’horizon technique sur le zénith moral… »   (Maurice G.  Dantec)

« La modernité c’est l’image du chaos, de l’indétermination, de la dé-figuration du monde, puisque ‘l’universel  est censé absorber les particuliers et les dissoudre … L’universel menacerait les particularités  (cultures, nations, familles, , coutumes,, bref la vie concrète)… Plus d’individualisme, de liberté et d’égalité présagerait la dilution de ce qui fait la réalité de la vie humaine.» (Chantal Delsol – évoquant d’autres civilisations)

« La moitié au moins de l’effort moderne est dissipé à la construction de tours de Babel inutiles. » (Louis Dumur)

« La fatigue de la modernité. » (Eric Dupin)

« Le mode de développement scientifique, technique, économique et politique du monde moderne souffre d’une contradiction rédhibitoire. Il se veut, il se pense comme universel. Il ne conçoit même pas qu’il pourrait ne pas l’être … Il constitue la fin de l’histoire … Et pourtant il sait désormais que son universalisation se heurte à des obstacles internes et externes inévitables. » (Jean-Pierre Dupuy) – Ressources, pollution, limites de la planète… et des hommes !

« Les grands systèmes produisent le contraire de ce qu’ils sont censés produire : la médecine qui diminue la santé, l’école qui abêtit et marginalise, la vitesse mangeuse de temps, voilà des exemples d’un phénomène très général de contreproductivité. » (Jean-Pierre Dupuy)

« Les hommes ont voulu être les seuls maîtres du sens en s’affranchissant de toute transcendance … La modernité … tentative désespérée d’échapper à la logique du sacré. Cette dernière implique que la société situe la source de son sens hors d’elle-même … C’est contre lui que la modernité est partie en guerre, dans sa quête d’une société totalement maîtresse de ses significations. Ce faisant, elle n’a su concevoir que de l’indifférencié (la preuve en est qu’on ne cesse d’y dénoncer les inégalités) … L’émancipation radicale a accouché de l’aliénation maximale … Hors de la logique du sacré, l’horizon de la modernité est l’homogénéisation totale de la société … L’indifférenciation n’implique nullement l’uniformisation ou l’égalité effective, c’est aussi l’indifférentisme libéral (tout se vaut) … Lorsqu’il s’incarne dans la réalité, cet idéal se métamorphose en son double monstrueux : le totalitarisme … Chaque étape de la désacralisation, par sa violence même, a produit un nouveau sacré. Les démystifications successives du caractère prétendument universel ou transcendant de l’ordre régnant n’ont su qu’installer de nouveaux faux universels et de nouvelles fausses transcendances. » (Jean-Pierre Dupuy – s’appuyant sur René Girard)

« Ces resacralisations secondaires n’ont pas la capacité de stabiliser les relations sociales. Les hommes n’ayant plus d’horizon extra-mondain vers lequel diriger leur regard cherchent désespérément un repère chez leurs semblables. Ils s’épient, mutuellement fascinés. C’est l’indifférenciation. On décrit généralement nos sociétés comme hiérarchiques et inégalitaires, c’est un contresens complet … L’indifférenciation n’implique nullement l’uniformisation ou l’égalité effective, mais la redondance, la trivialisation des relations. L’indifférenciation, c’est aussi l’indifférentisme libéral ; tout se vaut, rien n’a d’importance en soi ni ne mérite d’être préféré (le relativisme) ; l’indifférenciation, c’est la mort du sens … »(Jean-Pierre Dupuy)

« Le prix que la modernité doit payer pour s’être affranchie de toute transcendance. Les hommes ont voulu être maître du sens. Ils ont aboli toute distance entre le pouvoir et le lieu symbolique que toute société postule comme celui depuis lequel elle peut être pensée et maîtrisée. Le social et l’histoire ne peuvent dés lors être conçus que comme procès de fabrication. Or aucune forme social-historique ne peut rester stable dans ces conditions, puisque postulée maîtrisable à volonté … Pourquoi celle-là plutôt qu’une autre ? Sans distance, il n’y a que du non sens. La seule forme stable est alors l’indifférenciation, soit l’absence de forme justement. Tel est l’horizon indépassable de la modernité. » (Jean-Pierre Dupuy)

« On leur a apporté d’ailleurs, imposé et persuadé d’accepter la voiture avant qu’ils sachent la construire et la conduire, l’économie de marché avant qu’ils aient découvert ce que produire signifie.  L’ordre cependant venait ‘d’en haut’, d’un pouvoir souvent inconnaissable ou fantasmatique : ‘développez-vous en appliquant les recettes de ceux qui le sont déjà, imitez le résultat et admirez-le !’  Ainsi, la modernité victorieuse a fait un objet de ceux qu’on appelait les habitants du ‘Tiers-monde’. On les a privés de la genèse de notre propre histoire … Arrogance de vainqueurs, satisfaction de privilégiés, délire du pouvoir ? » (Jean Duvignaud) – N’oublions pas la profonde stupidité de l’Amérique, puissance férocement impérialiste et hélas dominante, grâce à notre soumission.

« Notre pays s’infantilise. » (Clint Eastwood) – En trois mots, tout est dit. Les USA n’ont que cinq ans d’avance sur nous (si on peut parler d’avance).

« Lorsque Nietzsche annonçait, en 1887, la venue de l’individu souverain ‘affranchi de la moralité des mœurs’, il voyait en lui un être fort … L’individu qui, affranchi de la morale, se fabrique par lui-même et tend vers le surhumain est notre réalité, mais, au lieu de posséder la force des maîtres, il est fragile, il manque d’être, il est fatigué par sa souveraineté et s’en plaint. Il n’est pas dans le gai savoir et le rire nietzschéens … L’émancipation nous a peut-être sortis des ténèbres des drames de la culpabilité et de l’obéissance, mais elle nous  a très certainement conduits à ceux de la responsabilité et de l’action. » (Alain Ehrenberg)

« Les accidents de train : ils ne sont pas des accidents comme les autres, car le train est au XIX° siècle le symbole de la modernité … ‘Le train a fixé l’idée même d’accident dans sa  signification moderne’. Pour la première fois dans l’histoire humaine, ce n’est pas la nature (ou la guerre) qui cause une catastrophe, mais la technique et l’industrie. » (Alain Ehrenberg – citant Paul Guiraud et traitant des traumatismes psychiques)

« L’itinéraire que doit parcourir l’individu dans les sociétés hautement diversifiées comporte un nombre extraordinaire d’embranchements, même s’il n’est pas égal pour les représentants des différentes catégories sociales ; cet itinéraire passe par un grand nombre de fourches et de croisements … Les sociétés plus primitives offrant moins de solutions … font courir moins de risques de se retrouver ‘raté’ lorsqu’on considère rétrospectivement les choses. » (Norbert Elias) – La modernité, fabrique d’angoisse d’abord, de regrets ensuite.

« Ainsi prendra fin le monde, non dans une explosion mais dans un soupir. » (T. S. Eliot) – Soit non dans quelque cataclysme, mais dans l’avènement d’une société absolument transparente, sans rêves ni ombres, soumise à la seule raison, à la rationalisation sans appel de tout ce qui relevait jadis de l’imprévisible et de l’incontrôlable exubérance vitale.

« Nous arrivons à la plus grande mutation que l’homme ait connue depuis l’âge de pierre. L’équilibre subtil entre la vue et l’ouïe, la parole et le geste s’est rompu au profit du signal et de la vue. L’homme occidental n’entend plus, tout passe par sa vue, il ne sait plus parler, il montre. » (Jacques Ellul)

« L’Occident a apporté au monde un certain nombre de valeurs, de mouvements, d’orientations qu’il a été seul à avancer … Toute initiative est venue de l’Occident, tout commencement a été posé par cet Occident, en bien ou en mal … L’Occident a inventé, ce qui ne se trouve nulle part ailleurs, la liberté, l’individu, et que c’est cela qui a tout mis en mouvement par la suite … Avoir détruit les autres cultures, cela c’est le fait d’abord des techniques, mais surtout d’avoir dorénavant lancé tous les hommes dans une aventure dont nous avons expérimenté qu’elle était sans issue, d’avoir provoqué l’homme à la liberté, qu’il est sans possibilité de vivre, d’avoir mis en mouvement une exigence folle, d’avoir éveillé des espérances qui ont été déçues chez nous. Il eut mieux valu laisser dormir les hommes. » (Jacques Ellul – remontant aux siècles précédents) – Mais la modernité a toujours été créature de l’Occident, responsabilité, culpabilité ?

 « Bouclant la boucle de l’homme sur lui-même nous nous sommes constitué un empire d’humanité. De façon autogène. Sans l’autre. En autonomie … Avec nos longueurs à nous, nos largeurs à nous, nos hauteurs à nous et nos profondeurs à nous. Quelque chose comme une caverne… (celle de Platon). » (Père Gérard Esbach) – Ou une morne plaine, sans relief, sans transcendance.

« Le moderne est animé par un véritable ressentiment contre le donné. » (Alain Finkielkraut – à propos des déconstructeurs d’identités)

« Nous sommes tombés dans l’oubli fatal de la distinction entre maîtrise et liberté, maîtrise et pensée, maîtrise et bonheur. Il n’y a vraiment pas de quoi se vanter … Elles (les inventions) remplacent la quête patiente du sens par la mise à disposition des données, séance tenante.  Elles abolissent invinciblement les formes, les frontières, les intervalles et tous les obstacles à la promiscuité humaine. Elles arrachent les faits à leur propre temps et à leur propre espace pour les propulser en l’espace-temps de l’actualité perpétuelle, ce que Lipovetsky appelle très justement ‘l’empire de l’éphémère’. » (Alain Finkielkraut)

« C’est par l’évanouissement des intervalles, par l’abolition technique et symbolique de toutes des distances, que l’âge contemporain se distingue aussi de tous les passés. » (Alain Finkielkraut)

« Le scrupule comme définition de l’humain. Scrupule envers ceux qui viennent après nous. Scrupule envers un Dieu dépendant et désarmé. Scrupule envers la matière. Scrupule envers le donné. Scrupule envers les morts. Et la méthode moderne met fin à tous ces scrupules. (Alain Finkielkraut – commentant Charles Péguy)

« Nous ne voyons pas les choses décliner, nous les voyons disparaître. » (Alain Finkielkraut)

« Paganisme, christianisme, muflisme, telles sont les trois grandes évolutions de l’humanité. Il est désagréable de se trouver dans la dernière. » (Flaubert)

« Ce qu’on pourrait appeler le ‘seuil de modernité biologique’ d’une société se situe au moment où l’espèce entre en jeu dans ses propres stratégies politiques. L’homme, pendant des millénaires, est resté … un animal vivant et capable de plus d’une existence politique ; l’homme moderne est un animal dans la politique duquel sa vie d’être vivant est en question. » (Michel Foucault – évoquant les biotechnologies, la génétique)

Selon Freud, « Le narcissisme universel, l’amour-propre de l’humanité (son orgueil ?) a subi jusqu’à présent trois grandes vexations, trois traumatismes, de la part de la recherche scientifique : « la blessure cosmologique » (la théorie de Copernic l’exilant du centre du monde, le chassant du centre de l’univers, la terre n’est pas le centre du monde), « la blessure biologique » (l’évolutionnisme de Darwin le plaçant dans la continuité des animaux, le détrônant du sommet des vivants, l’homme n’est pas le fils de Dieu), « la blessure psychologique » (la psychanalyse lui révélant l’inconscient, chassant sa conscience, le dépouillant de sa souveraineté sur sa propre pensée, le moi n’est pas le maître chez lui) – On pourrait ajouter « la blessure sociologique » (la prise de conscience récente de la persistance de la méchanceté humaine dans des sociétés dites civilisées). (tiré d’Olivier Rey, de Rémi Brague, de Jean Clair et d’autres) – « Ce qui paraissait séparer l’homme de la nature, de l’animal et de la machine, s’est trouvé progressivement réfuté, au profit de la révélation proprement vexatoire pour lui d’une continuité avec ce qui n’est pas lui. » (selon Peter Sloterdijk)

« La postmodernité a pour résultat d’avoir contribué à atomiser la société pour en faire un ensemble d’individualités qui se contentent de rompre de temps en temps leur solitude dans des agrégations éphémères, faute de la cohésion que produisent les croyances en des valeurs stables et communes. » (Julien Freund)

« La conséquence terrible de la modernité résida dans l’effort de ses créateurs, Hobbes et Locke, pour arracher à l’homme son pouvoir d’évaluation au nom de la sécurité physique et de l’accumulation matérielle …  la volonté de puissance de Nietzsche étant une réaction  pour réparer le tort que le libéralisme moderne avait causé à la fierté humaine et à l’affirmation de soi. » (Francis Fukuyama)

« Le Vieux monde flotte dans une immense incertitude, tiraillé qu’il est entre la fidélité à son histoire où il ne se retrouve plus vraiment et l’adoption d’un cours nouveau où il ne peine pas moins à se reconnaître … Ils (les continentaux) piétinent dans une expectative interminable … Le sentiment d’avoir changé d’époque en quelques années … Nous végétons dans un présent sans questions ni ouvertures. » (Marcel Gauchet)

« Pour nous, la religion c’est avant tout des croyances individuelles. Pour un musulman, c’est avant tout une façon de faire société, et l’Islam a poussé encore plus loin que le judaïsme et le christianisme cette connexion entre  foi et mœurs, ce qui fait que le passage à la modernité y représente un défi particulièrement rude. » (Marcel Gauchet)

« La modernité‚ c’est un monde dépourvu de valeurs objectives, c’est la perte croissante des différences, c’est l’effondrement de ces barrières formidables mises entre les hommes et les choses et entre les hommes eux-mêmes que sont les interdits religieux : ‘si Dieu n’existe pas, tout est permis’. » (René Girard – citant Dostoïevski)

« Nos rites intellectuels sont sacrificiels. Le rituel chez les penseurs modernes, c’est de refaire sans cesse de la différence, de fuir l’universel et de tout relativiser. La pensée critique est celle de la justification personnelle. La faillite de la modernité se traduit par le nihilisme de la connaissance. » (René Girard)

« Je ne connais pas les mœurs futures pour les approuver, les costumes futurs pour les admirer, les institutions futures pour les respecter, et je m’en tiens à savoir que ce que j’approuve, ce que j’admire, ce que j’aime est parti. Je n’ai rien à faire avec ce qui succèdera. » (Joseph de Gobineau)

« Quand la modernité s’affiche, c’est qu’elle cache le vide. » (Jacques  Godbout)

« La modernité  se définit au premier chef par son refus absolu de la tradition, par sa rupture avec la transcendance … Elle met tous ses œufs dans la circulation horizontale étendue à la planète … se désintéressant de la transmission verticale … se comportant comme si elle constituait la dernière génération … fondée aussi sur la rupture fondamentale producteurs-usagers qui transforme à terme tout lien social en rapport entre étrangers régi par le marché ou par l’Etat … Cette double rupture avec le passé et le futur d’une part, avec le cosmos d’autre part, fait de la modernité quelque chose de ponctuel, d’étroit, d’angoissant. » (Jacques Godbout)

« Le discours idéologique de la modernisation : – Il dresse un tableau mouvant et chaotique du monde et de la société qui rend ces derniers incompréhensibles … Tout devient mouvant et instable, emporté dans un mouvement de changement perpétuel, autoréférentiel – Il s’affirme dans une logique adaptative de la survie et de l’urgence … S’adapter ou dépérir … ‘mobilité’, ‘flexibilité’, ‘réactivité’ – Il donne à ces évolutions une portée sociale et culturelle telle qu’elle  implique une rupture radicale dans nos façons traditionnelles de  vivre, d’agir et de penser … Changements ‘radicaux’, ‘révolutionnaires’ – Il appelle à une mobilisation et à une participation générales et incessantes … Les individus sont sommés de devenir ‘acteurs du changement’ … Révolution culturelle permanente. » (Jean-Pierre Le Goff) – On a affaire à une machinerie de l’insignifiance.

« La frénésie du changement, l’activisme managérial et communicationnel sont symptomatiques de cette modernisation qui ‘tourne à vide’ : il s’agit de meubler ce vide par une intensification du présent qui joue comme une drogue. On mène la chasse aux temps morts, on se doit de réagir au plus vite (les tweets stupides de nos politiques) et les informations doivent circuler en temps réel comme pour annihiler le temps et l’espace nécessaires à la réflexion. » (Jean-Pierre Le Goff)

« Le terme de barbarie douce désigne un processus de déshumanisation qui ne renvoie pas à une agressivité première et à la violence telles qu’elles peuvent s’exercer dans des régimes dictatoriaux et totalitaires. Ce processus de déshumanisation se développe dans des sociétés démocratiques et n’entraîne pas la destruction visible de la société et des individus. Mais il s’attaque à ce qui donne sens à la vie des hommes en société : il déstructure le langage et les significations, l’héritage culturel transmis entre les générations, dissout les repères symboliques structurant la vie collective … rendant le monde et la société insignifiants et vains, plaçant les individus dans un profond désarroi qui inhibe l’envie même de débattre et d’agir. » (Jean-Pierre Le Goff)

« La passion de la modernisation des années 1950-1960 qui fut partagée par de nombreux paysans … et par la grande majorité de la population … Une modernité qui demeurait encore synonyme de progrès scientifique et technique, économique et social. L’heure n’était pas alors à la nostalgie pour un bon vieux temps supposé qui oublie la dureté  des conditions de vie et de travail de l’époque. » (Jean-Pierre Le Goff – La France d’hier)

« On y voit les retentissements psychologiques et subjectifs aussi puissants (et parfois plus puissants) que les ‘données réelles’. » (Jean-Joseph Goux) – A l’imitation de la spéculation financière.

« Nos sociétés sont devenues d’immenses jardins d’enfants dont il faut assurer la constante surveillance. Si les sociétés modernes ont longtemps visé un parfait bonheur qui n’existait pas, elles visent maintenant la sécurité sous tous ses aspects, sentiment qui bien sûr n’est pas moins utopique. Le ‘safe space’ global se déclinera en d’infinies mesures qui, bien que vertueuses, auront pour effet de nous rendre encore plus anxieux. Nous n’avons pas fini de confondre les causes et les effets de notre malheur. » (Jérôme Blanchet-Gravel)

« On n’avait jamais songé à remplacer le projet, la stratégie et la réflexion par le hasard du bricolage. Cette mode du bricolage est inséparable de celle de la réactivité. ‘Réagir’ est le maître mot de notre vie sociale … Réaction instantanée, instinctive, automatique, et non pas action délibérée, réfléchie, en vue d’un but, au service d’un dessein : telle est la nouvelle philosophie… En tout il s’agit de rester branché sur l’extérieur, de capter l’information, de la trier, de l’interpréter. Plus rien ne vient de l’intérieur, plus de stratégie volontariste, plus de savoir-faire spécifique. » (Henri Guaino)

« La modernité falsifiée impose le narcissisme corporel à la place de l’estime de soi et la jouissance hédoniste comme fin en soi, l’esprit ludique comme mode d’expression majeur et la fête comme norme sociale. » (Henri Guaino)

« L’esprit anti-traditionnel, qui est proprement l’esprit moderne. » (René Guénon)

« Qui dit individualisme dit nécessairement refus d’admettre une autorité supérieure à l’individu, aussi bien qu’une faculté de connaissance supérieure à la raison individuelle ; les deux choses sont inséparables … Ce qui ne s’était jamais vu jusqu’à présent, c’est une civilisation édifiée tout entière sur quelque chose de purement négatif, sur une absence de principe. » (René Guénon)

« Besoin d’agitation incessante, de changement continuel, de vitesse sans cesse croissante comme celle avec laquelle se déroulent les événements eux-mêmes, dispersion dans la multiplicité et l’instantané, l’analyse poussée à l’extrême, le morcellement indéfini, la désagrégation de l’activité humaine, et de là l’inaptitude à la synthèse, l’impossibilité de toute concentration. Ce sont les conséquences naturelles et inévitables d’une matérialisation de plus en plus accentuée, car la matière est essentiellement multiplicité et division … Tout ce qui précède ne peut engendrer que des luttes et des conflits de toutes sortes entre les peuples comme entre les individus. Plus on s’enfonce dans la matière plus les éléments de division et d’opposition s’accentuent et s‘amplifient … Aussi, qu’il s’agisse des peuples ou des individus, le domaine économique n’est-il et ne peut-il être que celui des rivalités d’intérêt. »  (René Guénon)

« Parmi les traits caractéristiques de la mentalité moderne … la tendance à tout réduire au seul point de vue quantitatif … Notre époque ‘règne de la quantité’. » (René Guénon)

 « La tournure utilitaire qui est inhérente à la mentalité moderne et profane en général … Dans l’état présent de déchéance intellectuelle, la notion d’utilité ou de commodité ayant fini par se substituer complètement à celle de vérité. » (René Guénon)

« L’action antitraditionnelle devait nécessairement viser à la fois à changer  la mentalité générale et à détruire toutes les institutions traditionnelles en Occident … Si l’on songe à l’incompréhension totale dont les XVII° et XVIII° siècles ont fait preuve à l’égard du moyen âge … Il fallait tout d’abord réduire l’individu en quelque sorte à lui-même (ce fut l’œuvre du rationalisme qui dénie à l’être la possession et l’usage de toute faculté d’ordre transcendant) … Il fallait ensuite tourner entièrement l’attention de l’individu vers les choses extérieures et sensibles afin de l’enfermer … dans le seul monde corporel, considéré désormais comme la seule réalité (préparant ainsi la voie au matérialisme) … L’homme ‘mécanisait’ toutes choses, et finalement en arrivait à se ’mécaniser’ lui-même … Après avoir fermé le monde corporel aussi complètement que possible, il fallait, tout en ne permettant aucune communication avec les domaines supérieurs, le rouvrir par le bas, afin d’y faire pénétrer les forces dissolvantes et destructrices du domaine inférieur. » (René Guénon)

« La civilisation occidentale moderne apparaît dans l’histoire comme une véritable anomalie : parmi toutes celles qui nous sont connues, cette civilisation est la seule qui se soit développée dans un sens purement matériel, la seule aussi qui ne s’appuie sur aucun principe d’ordre supérieur, et ce développement monstrueux, dont le début coïncide avec ce qu’il est convenu d’appeler la Renaissance, a été accompagné, comme il devait l’être fatalement, d’une régression intellectuelle correspondante ; nous ne disons pas équivalente, car il s’agit là de deux ordres de choses entres lesquels il ne saurait y avoir aucune commune mesure … Affaiblissement de l’enseignement doctrinal, presque entièrement remplacé par de vagues considérations morales et sentimentales qui plaisent peut-être davantage à certains, mais qui ne peuvent que rebuter et éloigner ceux qui ont des aspirations d’ordre intellectuel … Cette prétendue civilisation qui détruira le monde … L’extraordinaire, c’est la prétention de faire de cette civilisation anormale le type même de toute civilisation, de la regarder comme la ‘civilisation’ par excellence. » (René Guénon – Orient et Occident)

« La modernité occidentale tend à diaboliser ce qui la conteste, à négliger ce qui la questionne, à combattre ce qui lui résiste. » (Jean-Claude Guillebaud)

« La modernité occidentale d’aujourd’hui, contre laquelle se dressent les mouvements religieux, devant laquelle se rétractent les peuples d’Orient ou d’Asie, n’est pas celle qu’on fait semblant d’imaginer, celle des droits de l’homme et du contrat social. C’est beaucoup moins et bien pire : un simple slogan – malheur aux faibles ! » (Jean-Claude Guillebaud)

« La pensée hégélienne, et marxiste, est essentiellement fondée sur l’idée que la vie avance de synthèse en synthèse vers des états de plus en plus compréhensifs, où l’antithèse provisoire ne sert qu’à faire jaillir plus haut la synthèse. Or, à l’hypothèse du devenir succède aujourd’hui la crainte, qui remplace l’espoir, car nous savons désormais que la survie de notre espèce est menacée, dans un avenir très proche, par suraccélération. » (Jean Guitton)

« La fluidité isole ; elle entrave et prévient les liens, les attachements et les élans, elle tend à produire du lien formel, superficiel, du faux lien, voire de l’absence de lien, elle s’accompagne de la peur du lien, des autres. » (Claudine Haroche)

« La tragédie de l’homme moderne n’est pas qu’il en sache de moins en moins sur le sens de la vie, mais que cela ne le dérange presque plus. » (Vaclav Havel)

« Pourquoi transporte-t-on dans tous les siècles le roman ‘d’un mensonge dérisoire et partial’ au moyen duquel on raille et salit les mœurs de tous les peuples et de tous les temps … si bien qu’on ne trouve guère dans toutes les histoires du monde entier que le répugnant fatras de ‘l’idéal célébré par son temps’. » (J. G. Herder) – Cette salissure systématique n’est certes pas une spécialité de la modernité, mais celle-ci pousse la méchante dérision à son extrême.

« La publicité continue à bâtir les infrastructures de réception de ses message. Elle continue à perfectionner les moyens de déplacement pour des êtres qui n’ont nulle part où aller, parce qu’ils ne sont nulle part chez eux ; à développer des moyens de communication pour des êtres qui n’ont plus rien à dire ; à faciliter les possibilités d’interaction entre des êtres qui n’ont plus envie d’entrer en relation avec quiconque. » (Michel Houellebecq)   – Absurdité.

« L’histoire a pour égouts des temps comme les nôtres. » (Victor Hugo)

« Une modernité qui nous demande d’être parfaitement rationnels et, dans le même mouvement, de chercher sans relâche à intensifier nos émotions. Paradoxe… » (Eva Illouz – Les marchandises émotionnelles)

« ‘L’écart entre expérience et attente ne cesse de grandir dans les temps modernes’ (Reinhart Koselleck) … La modernité se caractérise par une distance grandissante entre la réalité et les attentes. » (Eva Illouz)

« La dissymétrie ne cesse de grandir entre le progrès de la civilisation technique et notre état de stagnation morale ; le retard de la moralité par rapport au luxe industriel n’est pas le paradoxe le moins choquant ni le moins scandaleux de notre modernité. » (Vladimir Jankélévitch)

« La catastrophe la pire de la civilisation est à cette heure possible parce qu’elle se tient dans l’homme, mystérieusement agissante, rationalisée, enfin d’autant plus menaçante que l’homme sait qu’elle répond à une pulsion de la mort déposée en lui. La psychonévrose du monde est parvenue à un degré avancé qui peut faire craindre l’acte de suicide. La société se ressouvient de ce qu’elle était au temps de saint Jean ou à l’an mille : elle attend, elle espère la fin. » (Pierre-Jean Jouve)

« Conte de fées de la modernité. » (Bertrand de Jouvenel – sur l’espoir de la généralisation du mode de vie américain durant les Trente Glorieuses)

« Nous sommes civilisés au point d’en être accablés. Mais quant à nous considérer comme déjà moralisés, il s’en faut encore de beaucoup. » (Emmanuel Kant) – Et pourtant, à l’époque de Kant, on ne vomissait pas sur tout ce qui est moral comme on le fait maintenant.

« Les collabos de la modernité … Ceux qui exaltent le vacarme mass-médiatique, le sourire imbécile de la publicité, l’oubli de la nature, l’indiscrétion élevée au rang de vertu. » (Milan Kundera – cité par Alain Finkielkraut)

« La disjonction, tenue pour irréfutable par l’immense majorité de nos concitoyens, entre deux séries associatives. D’un côté nous aurions le groupe : Archaïsme, religion, Mythes, immobilité, Aliénation ; et de l’autre le groupe : Modernité, Science, Raison, Mouvement, Libération … La pensée primitive ‘rabougrie’ et la pensée occidentale ‘authentique’ (selon Sartre et sa ‘Critique de la raison dialectique’) … Manichéisme logique qui s’accompagne le plus souvent d’un manichéisme moral et qui conduit à des prises de position politiques  qui relèvent de l’exorcisme pur et simple … Ces faux dualismes, constructions défensives d’une société et d’une époque qui se proclament non sans quelque arrogance ‘lucide’, ‘majeure’, ‘ adulte’, c’est-à-dire parfaitement étrangère à tout ce qui relève de l’irrationnel, du fantasme et des forces nocturnes. » (François Laplantine)

« Sans illusion mais impavide : telle est l’image que la modernité a d’elle-même, avec une telle fierté de son émancipation intellectuelle qu’elle ne fait aucun effort pour dissimuler le prix spirituel à payer. » (Christopher Lasch)

« Comme les Romains de la fin de la République, ’nous ne pouvons plus supporter ni nos vices ni leurs remèdes’. » (Serge Latouche – citant Jacques Ellul, lui-même citant Tite-Live)

« Le projet civilisationnel de la modernité n’a pas de sujet propre ni d’assise territoriale définie de façon stricte … Emancipateur, il affranchit des mille contraintes de la société traditionnelle, et ouvre une infinité de possibles, mais cet affranchissement et ces possibles ne se réaliseront que pour une infime minorité. En contrepartie, la solidarité et la sécurité seront détruites pour tous … L’Occident est ‘culturophage’ ou ‘culturicide’ … Anti-culturel parce que purement négatif et uniformisant. Pour parler d’une culture, il faut qu’il y en ait au moins deux … Surtout il n’apporte pas de réponse au problème de l’existence sociale des perdants, il élimine concrètement les faibles et ne donne droit de vie et de cité qu’aux plus performants. » (Serge Latouche)

« Celles-ci (Les Lumières) prétendaient démystifier les idoles, et effectivement elles ont détruit la tradition, les préjugés anciens et les anciens dieux, mais au nom de nouvelles divinités encore plus puissantes et plus tyranniques : la Rationalité, le Progrès, la Science, la Technique, le Développement économique … idoles, objets d’un culte, d’une dévotion et d’une sacralisation inouïs… » (Serge Latouche) – L’enclenchement de cette modernité catastrophique ne date pas d’hier, de deux siècles et demi approx. 

« A l’intérieur du monde renversé et non remis sur ses pieds, la modernité accomplit les tâches de la révolution : dépassement de l’art, de la mode, des idéologies. » (Henri Lefebvre)  – « Reproche aux adeptes de la modernité de se réclamer d’une philosophie de l’histoire fondée sur l’irréversible et l’inéluctable, de masquer toute ligne de développement différente … Dénonciation de la ‘démotivation’ politique et sociale opérée par la ‘drogue-modernité’ … Après avoir eu, durant une première période, un effet favorable à l’émergence de l’individu (par la ville, l’instruction, la valorisation du travail), elle s’inverse et engendre de la subordination : contraintes instrumentales et bureaucratiques, exigences de la rationalité, contrôle de l’information et des média par la publicité et la propagande, les effets de mode qui gouvernent la production culturelle … Standardisation-banalisation de l’individu, indifférenciation. » (Georges Bandelier – reprenant d’abord Jean Chesneaux)

« Nous prétendons transformer en folklore la plainte humaine de tous les temps, pour entrer, dit-on, dans l’ère du plaisir et du bon plaisir … Enfants meurtriers, adolescents statufiés en déchets sociaux, jeunesse bafouée dans son droit de recevoir la limite, votre solitude nue témoigne des sacrifices humains ultramodernes. » (Pierre Legendre)

« Après avoir dévoré tout le reste, le sujet n’a plus qu’à se dévorer lui-même. » (C. S. Lewis)

« Dans une lettre à Virginia Woolf, Keynes prophétisait la mort de l’Occident : ‘les nouvelles générations entendent jouir de tous les avantages que leur a procuré le monde de leurs pères mais sans en payer le prix, qui serait de cultiver les valeurs sur lesquelles ce monde était fondé. Cette situation ne peut durer ; on s’en aperçoit’. » (Simon Leys) – En effet.

« La ‘res publica’ est dévitalisée, les grandes questions philosophiques, économiques, politiques ou militaires soulèvent à peu près la même curiosité désinvolte que n’importe quel fait divers ; toutes les ‘hauteurs’ s’effondrent peu à peu, entraînées qu’elles sont dans la vaste opération de neutralisation et de banalisation sociales … veiller à sa santé, préserver sa situation matérielle, se débarrasser de ses complexes, attendre les vacances  (et la retraite !), vivre sans idéal, sans but transcendant est devenu possible. » (Gilles Lipovetsky – cité par Roland Jaccard)

-« On a pris l’habitude de penser que tout artiste valable est soit moderne, soit précurseur de la modernité. » (Pirre Lamalattie) – Toujours la haine du passé, obsession des imbéciles.  

« La course à la compétition conduit à faire primer l’urgent sur l’important, l’action immédiate (du n’importe quoi) sur la réflexion, l’accessoire sur l’essentiel. Elle conduit aussi à créer une atmosphère de dramatisation, de stress permanent … L’idéologisation et la généralisation du règne de l’urgence … Plus on va vite moins on a de temps … Accouplement des contraires, des principes constitutifs de la modernité technicienne et démocratique : la conquête de l’efficacité, l’idéal du bonheur terrestre … La frénésie du ‘toujours plus’ n’enterre pas les logiques qualitatives du ‘mieux’ et du sentiment, elle leur donne, au contraire, une plus grande surface sociale, une nouvelle légitimité de masse … Travaillée par des normes antinomiques, la société ultramoderne n’est pas unidimensionnelle : elle ressemble à un chaos paradoxal, un désordre organisateur. » (Gilles Lipovetsky) – Quel confort !

« La société hypermoderne se signale par l’excroissance des phénomènes boursiers, numériques, urbains, médiatiques, artistiques, technologiques, consommationnnistes : hypertrophie qui est la nouvelle figure de  la dynamique dérégulatrice de la modernité. » (Gilles Lipovetsky, Jean Serroy)

« Le monde hypermoderne … s’agence autour de quatre pôles structurants. – L’hypercapitalisme, puissance motrice de la mondialisation financière, système qui, pour la première fois, se développe sans concurrent, sans alternative crédible – L’hyper technicisation, degré superlatif de l’universalité technique moderne – L’hyperindividualisme, concrétisant la spirale de l’atome individuel désormais dégagé des contraintes communautaires à l’ancienne, la ‘vie à la carte’ – L’hyperconsommation, forme hypertrophiée et exponenielle de l’hédonisme marchand. » (Gilles Lipovetsky, Jean Serroy)

« L’effroi des fins du monde. » (Pierre Loti)

« Si, par delà toutes les sociétés visibles et mortelles, vous ne posez pas une communauté mystique … vous laissez les êtres à leur solitude ou vous les anéantissez en les broyant ; de toutes façons vous les tuez. Car on meurt aussi par asphyxie. » (cardinal Henri de Lubac) – Et c’est ce qui arrive à l’Occident. Primat d’une laïcité intransigeante et fermée.

Il y règne « un état d’esprit profondément désespéré dans une atmosphère de nursery. » (Georg Lukàcs – sur l’époque, il y a déjà presque un siècle !)

« Un jour, une civilisation déterminée a pris les rênes de l’attelage planétaire … Emergence en Occident d’une civilisation qui allait devenir, pour le monde entier, la civilisation de référence, tant au plan matériel qu’au plan intellectuel, si bien que toutes les autres ont été marginalisées … menacées de disparaître … Sa science est devenue la science, sa philosophie…, sa médecine… Il s’agit là d’un événement sans précédent dans l’Histoire … Pour tous ceux qui sont nés au sein des cultures défaites, la modernisation a constamment impliqué l’abandon d’une partie de soi-même. Même quand elle suscitait parfois l’enthousiasme, elle ne se déroulait jamais sans une certaine amertume, sans un sentiment d’humiliation et de reniement, sans une interrogation sur les périls de l’assimilation … La mondialisation accélérée, qui risque de conforter la prédominance d’une civilisation ou l’hégémonie d’une puissance provoque, en réaction, un renforcement du besoin d’identité … L’Occident ne voulait pas qu’on lui ressemble, il voulait seulement qu’on lui obéisse (conclusion tirée par les Arabes après l’étouffement violent par les puissances européennes, au XIX° siècle, Angleterre toujours à la pointe de la violence, des tentatives égyptiennes d’occidentalisation et de modernisation, Méhémet-Ali) … On s’imagine qu’avec tant de médias, on va entendre une infinité d’opinions différentes. La multiplicité et la puissance de ces porte-voix ne fait qu’amplifier l’opinion dominante du moment, au point de rendre inaudible tout autre son de cloche … Plutôt que d’être un facteur de diversité culturelle, ce foisonnement mène à l’uniformité. » (Amin Maalouf – considérations éparses sur la modernité et la mondialisation)

« C’est à partir de la forteresse du ‘je’ que la modernité entreprit la conquête de la nature et la régulation du monde social. » (Michel Maffesoli – sur l’individualisme triomphant)

« A l’idéologie du progrès centrée sur l’individu atomisé se substitue un univers de rituels, de plaisirs et d’imaginaires partagés : un véritable réenchantement du monde passant par la fête et par une autre relation à l’environnement. L’éthique qui naît de cette société nouvelle ne peut être que celle du tragique. Celle d’un acquiescement à la plénitude de l’instant doublé de l’acceptation lucide de l’éphémère. » (Michel Maffesoli) – L’ambiance festive des années 90 et début 2000. N’est-ce pas déjà dépassé, pour le vrai tragique, le sinistre, qui n’a plus rien de festif ?

« La modernité c’est Internet et le vaudou. » (Michel Maffesoli – Iconologies)

« Le rôle naturel de l’homme du XX° siècle est l’angoisse. » (Norman Mailer)

« L’homme moderne est celui qui rejette les vertus païennes au nom des vertus chrétiennes et les vertus chrétiennes au nom des vertus païennes. Il est celui qui, réfutant Athènes par Jérusalem et Jérusalem par Athènes, ne cesse de désirer, et d’apercevoir à sa portée, une troisième cité, qui pourtant ne cesse de lui échapper : la cité de l’homme. L’illusion spécifique de l’homme moderne, c’est-à-dire l’illusion de l’avenir, est de prendre cette double négation pour une affirmation. » (Pierre Manent) – Combien de nos contemporains se soucient des vertus ? Combien ont entendu parler d’Athènes et de Jérusalem autrement qu’en destination touristique ?

« Les générations modernes … au lieu d’éprouver le désir d’imiter les grandes entreprises du passé, le désir de créer, sont heureuses et soulagées de ne pas avoir à se dépasser … ‘Jadis, tout le monde était fou, diront les plus malins … On saura tout ce qui s’est passé jadis ; ainsi l’on aura de quoi se gausser sans fin’ … La dernière génération, simplement parce qu’elle est la dernière, regarde vers celles qui l’ont précédée en éprouvant un sentiment de supériorité radicale … qui la stérilise et l’empêche de rien créer à son tour … Nietzsche discerne que le sentiment de supériorité de l’homme moderne … produit la disposition de l’âme la plus plate, celle du touriste. La vérité effective de la religion de l’humanité, c’est le tourisme. » (Pierre Manent – reprenant et citant Nietzsche)

« On a réussi à rendre intolérable l’intervalle entre l’idéal et le réel. » (Karl Marx)

« La date de naissance exacte de la modernité ?  – La prise de Constantinople par les Turcs en 1453 pour l’histoire, qui reproduit pour l’empire d’Orient la prise de Rome en 410 par Alaric – La construction de la coupole de Sant Maria del Fiore par Brunelleschi, en 1436, pour l’architecture ? – La révolution de Copernic en 1543 pour l’astronomie et la théorie du mouvement de Galilée en 1638 pour la physique ? – la méthode rationnelle  de Descartes, en 1637, pour la philosophie ? – La déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789,  pour la politique ? » (Jean-François Mattéi)

« ‘Insoutenable légèreté de l’être’, commentera Milan Kundera, en discernant dans la modernité un espace de dévastation privé de transcendance et de centre de gravité. » (Jean-François Mattéi)

« Dans l’accroissement de l’accessoire au détriment de l’essentiel, du passager au détriment de l’éternel, de l’événement au détriment de l’histoire, Karel Kosik voyait le signe de la décadence irrésistible de la culture européenne. » (Jean-François Mattéi) – On peut élargir au-delà de l’Europe et de la sphère culturelle.

« Les trois malaises de la modernité : La perte du sens, causée par la disparition des horizons moraux, l’individualisme exacerbé qui arrache l’homme à l’ordre social. – L’éclipse des fins, causée par le primat de la raison instrumentale, se satisfaisant des seuls moyens et procédures techniques. – La perte de la liberté, causée par le renoncement à l’engagement dans la cité, l’atomisation des individus en face d’un Etat bureaucratique et impersonnel … Fin du regard transcendantal que l’homme européen ou occidental portait sur son horizon d’existence, sur la fin morale qui éclairait ses choix et sur une liberté qui devait son orientation à la visée d’un bien commun. » (Jean-François Mattéi – reprenant et condensant l’analyse de Charles Taylor sur la modernité) – « La superstition du nouveau – La religion du futur – La manie théoricienne – L’appel à la culture de masse – La passion du reniement. » (Jean-François Mattéi – reprenant et condensant l’analyse d’Antoine Compagnon sur la modernité)

« C’est la subjectivisation indéfinie de l’homme qui aboutit à la destruction du sujet et la socialisation illimitée de l’homme qui conduit à la mort du cioyen, le totalitarisme étant finalement la continuation de la démocratie par d’autres moyens. » (Jean-François Mattéi – reprenant La dialectique de la raison d’Adorno et Horkheimer)

« L’Occident a dénoué les liens de ses mythes fondateurs, ceux des dieux, du monde et des hommes, pour laisser au sujet, celui qui croit toujours commander et qui, pourtant, obéit, l’étrange soin de régner sur son propre désert. » (Jean-François Mattéi) – « Nous avons conquis à notre tour, déplacé les bornes, maîtrisé le ciel et la terre. Notre raison a fait le vide. Enfin seuls, nous achevons notre empire sur un désert. » (Albert Camus) – « On a réduit la société en poudre. » (Max Scheler)

« Plus de grandes questions, de grands conflits, mais des solutions techniques, une ‘gestion managériale, débarrassée de préoccupations d’hégémonie politique’ selon le vocabulaire mis en circulation … Plus de grands récits de libération mais des fragments techno-utopiques à regard myope. » (Armand Mattelart)

‘L’infini du sujet est la modernité’. » (Henri Meschonnic – cité par Jean-François Mattéi) – Et vice versa. – « Cette expérience où le choc est devenu la norme. » (Walter Benjamin)

« Notre époque, où il n’y a que du bruit et pas un son juste. » (Yves Michalon)

« Qu’est ce qui se passe quand, non seulement les dieux se sont retirés, mais quand les sages aussi ont disparu, quand il ne nous reste plus que ‘notre absence de savoir et notre demi-connaissance en toutes choses’ ; quand la domestication (l’humanisation) devient l’affaire de tous et de personne. » (Yves Michaud – citant Peter Sloterdijk)

« Le monstrueux moderne se manifeste selon Sloterdijk de manière triple : – Dans l’espace, il prend la forme de la globalisation et de l’homogénéisation des dimensions ; à la terre comme globe succède la monstruosité plate du monde et de ses images – Dans le temps, il prend la forme d’un communisme de la temporalité, d’un chronocommunisme ; le monde vit désormais dans une actualité permanente et en temps réel – Dans les choses, la montée de l’artificialité dans toutes les dimensions de l’existence ; notamment dans le poids de l’instrumentation technique et le rôle des technologies, les sujets modernes  sont ‘équipés d’armatures de plus en plus efficaces d’intensification de soi-même’. » (Yves Michaud)

« Les trois moments majeurs de vexation de l’homme : le copernicanisme qui l’aurait délogé du centre du monde, l’évolutionnisme darwinien qui l’aurait délogé de sa place à part dans la création, le freudisme enfin qui l’aurait délogé de sa maîtrise sur les passions. » (Yves Michaud – interprétant Peter Sloterdijk, lui-même endossant l’idée de Freud)

« La modernité occidentale apparaît comme la première civilisation de l’Histoire qui ait entrepris de faire de la ‘conservation de soi’ le premier (voire l’unique) souci de l’individu raisonnable. » (Jean-Claude Michéa)

« C’est bien d’abord la poursuite continuelle et insensée de la quête du profit capitaliste qui menace de détruire, à terme, la nature et l’humanité … ‘Cours moins vite, camarade, le nouveau monde, celui du réchauffement climatique, de Goldman Sachs et de la Silicon Valley est devant toi.’ » (Jean-Claude Michéa)

« Libéralisme culturel et libéralisme économique ne sont que les deux faces du même projet historique … Une société libérale est travaillée en permanence par une ‘dynamique révolutionnaire’ (celle de l’accumulation indéfinie et sans limite du capital), qui la porte de façon inévitable à déployer …  toutes les possibilités inscrites dans son logiciel initial et donc à noyer progressivement dans les ‘eaux glacées du calcul égoïste’ toutes les valeurs qui paraissaient encre évidentes et sacrées aux yeux des générations précédentes (le’ monde bouge’, slogan publicitaire) … Il va devenir pratiquement impossible d’opposer la moindre objection cohérente et recevable à quiconque plaide pour l’introduction incessante de ‘nouveaux droits’ … Il ne peut donc plus exister la moindre base légitime – c’est-à-dire qu’on ne puisse aussitôt diaboliser comme ‘conservatrice’, ‘réactionnaire’ ou ‘phobique’ – pour endiguer le déferlement continu des nouvelles revendications sociétales (le droit d’exiger qu’un homme est réellement une femme, qu’un blanc est réellement un noir … Pourquoi ne pas connaître à la fois la légalisation du cannabis et l’interdiction du tabac, la pénalisation simultanée de  l’homophobie et de .l’islamophobie) … Aucune manière de vivre ne saurait être tenue pour supérieure à une autre … C’est pourquoi, tôt ou tard l’économie de marché finit inévitablement par apparaître comme la seule religion possible d’une société axiologiquement neutre. » (Jean-Claude Michéa – s’inspirant de, et citant, Marx) 

« Une des tâches (du Nouvel Ordre moral) est de déplacer le factuel vers l’éthique, c’est-à-dire de voiler la vérité. » (Richard Millet)

« La guerre de 1914 a donné à penser à bien des survivants qu’il n’y a pas de modernité définitive en matière politique. Puisque l’archaïsme l’a emporté encore une fois … il pourra toujours l’emporter. » (Jean-Claude Milner) – Et pas qu’en matière politique !

« Nous n’avons pas changé de meubles, nous avons démoli la maison. » (Thomas Molnar)

« On ne dira jamais assez combien la laideur de l’époque actuelle nous accable. Une vulgarité de ton doublée d’une absence de style. Une lourdeur bien-pensante qui, chaque jour, envahit les écrans et les librairies. Et cette morgue suicidaire de filmer, de manger, de s’habiller comme tous les autres peuples, résignés à accepter ce destin tragique. La mondialisation a été jusqu’à standardiser nos émotions. » (Thomas Morales)

« Le savoir-exister s’est substitué au savoir-vivre. Les Européens se sont américanisés. » (Tiré de Paul Morand) – Alors qu’auparavant les Américains étaient plus ou moins européanisés.

« Dans une modernité ne tolérant plus rien qu’elle-même à ses côtés. »  (Philippe Muray)

« Ce monde contemporain qui vous assure tout en même temps : le progrès, la liberté, la transgression, la disparition des frontières, l’effacement des sexes, la liquidation de l’humain, le règne de la folie heureuse… Le confort morbide, la barbarie pornographique, l’obscurantisme festiviste, les délires libertaires…» (Philippe Muray) – Et c’est supposé durer ?

« Le programme modernitaire ratera comme les autres, parce que l’homme le fera rater par son humanité même, comme il a toujours fait échouer tous les programmes. » (Philippe Muray)

« …L’humanité post-historique, avec sa valse des clones, sa psychose maniaco-juridique, la démence instituée en droit, l’oniro-confusion légitimée, tout ce carnaval de monstruosités sophistiquées … et jusqu’à la relativisation des origines mêmes de l’humain … a peut-être aussi ses charmes, quand on n’en a connu aucun autre… » (Philippe Muray)

« Stanford, Palo Alto, Californie … incroyable ennui, culte de la santé, vouloir-guérir effréné, maladie frénétique du bien-se porter, etc. Misère de l’homme sans faute. Je me demande ce qui les fait tenir … Ils s’emmerdent tellement qu’ils vont dans les shopping centers voir des têtes de gens. » (Philippe Muray) – L’auteur ne devait pas beaucoup s’y plaire.

« …Ce n’était d’ailleurs pas leur but. Leur but, c’était le chaos. Le chaos est devenu une doctrine de politique internationale. Elle reflète ce qui se passe dans le cerveau des chaotistes de la Maison-Blanche qui n’ont rien trouvé de mieux que de résoudre par le chaos les différents problèmes que leur posent les singularités résiduelles de la planète… » (Philippe Muray – sur l’invasion américaine de l’Irak)

« Ce qui nous arrive est un épuisement de la pensée de l’Un et d’une destination unique du monde … Comment penser le ‘nihil’ ? … La béance qui se forme est celle du sens, de la vérité ou de la valeur … Il faut pourtant sans répit penser un monde qui sort, de manière lente et brutale à la fois, de toutes ses conditions acquises de vérité, de sens et de valeur. » (Jean-Luc Nancy)

« C’est d’un même mouvement que l’assurance d’un progrès historique s’est suspendue, que la convergence du savoir, de l’éthique et du ‘bien-vivre ensemble’ s’est désagrégée, et que c’est affirmée la domination d’un empire conjoint de la puissance technique et de la raison économique pure. » (Jean-Luc Nancy – La création du monde)

« J’appartenais à cette génération heureuse qui aura eu vingt ans pour la fin du monde civilisé. » (Roger Nimier)

« L’irruption de ‘l’homme-masse’, un enfant gâté conformiste et égalitaire qui rejette le passé, la raison et l’exigence morale ; corrélée à une inquiétante ‘étatisation de la vie’ et à ‘l’idolâtrie du social’. » (José Ortega y Gasset – La révolte des masses) – Déjà en 1930 !

 « Il est inquiétant qu’une époque se nomme elle-même ‘moderne’, c’est-à-dire dernière, définitive, comme si toutes les autres n’étaient que des passés morts, de modestes préparations et des aspirations vers elle … Notre époque croit valoir plus que toutes les autres tout en se croyant un début et sans être sûre de ne pas être une agonie … Un temps qui se sent fabuleusement capable de réalisation, mais qui ne sait pas ce qu’il veut réaliser. Il domine toutes les choses, mais n’est pas maître de lui-même. » (José Ortega y Gasset) – Nous ne sommes pas les premiers, ni les derniers sans doute, à nous qualifier aussi stupidement.

« Dominique Venner (brillant intellectuel français) était emblématique d’un certain paganisme qui attribuait à Jérusalem tous les maux de la modernité, à commencer par le messianisme dont le mondialisme serait un avatar après l’internationalisme révolutionnaire … La thèse n’est pas complètement dénuée d’arguments. » (Paul-François Paoli) – Semblablement Nietzsche.

« Nous courons sans souci dans le précipice, après que nous avons mis quelque chose devant nous pour nous empêcher de le voir. » (Blaise Pascal)

« Le rapport dialectique entre culture de la classe dominante et culture de la classe dominée ne serait plus possible là où la culture de la classe dominée aurait disparu, ayant été éliminée, abrogée … Le consumérisme peut rendre non modifiables les nouveaux rapports sociaux exprimés par le nouveau mode de production, en créant comme contexte de sa  propre idéologie hédoniste, un contexte de fausse tolérance et de faux laïcisme ; c’est-à-dire de fausse réalisation des droits civiques. » (Pier Paolo Pasolini – Lettres Luthériennes – 1975) – Fin de tout conflit ; mort. Sorte de fin de l’histoire.  

« Dans un pays civilisé, où le progrès n’aurait pas été simplement le développement, c’est-à-dire la destruction mécanique et irréversible des valeurs … La révolution capitaliste, d’un point de vue anthropologique, c’est-à-dire  quant à la fondation d’une nouvelle ‘culture’ exige des hommes dépourvus de liens avec le passé (qui comportait l’épargne et le moralisme). Elle exige que ces hommes vivent, du point de vue de la qualité de la vie, des comportements et des valeurs, dans un état d’impondérabilité, ce qui leur permet de privilégier comme seul acte existentiel possible, la consommation et la satisfaction de  ses exigences hédonistes … Sa caractéristique la plus intransigeante réside dans son pouvoir de destruction, sa première exigence est de faire place nette d’un univers ‘moral’ qui l’empêche de s’étendre. » (Pier Paolo Pasolini – sur le nouveau capitalisme – Lettres luthériennes)

« La classe dominante, dont le nouveau mode de production a créé une nouvelle forme de pouvoir et en conséquence une nouvelle forme de culture, a procédé ces dernières années en Italie (mais pas que là) au génocide des cultures particularistes (populaires) … Les jeunes sous-prolétaires romains (mais pas qu’eux) ont perdu leur ‘culture’, c’est-à-dire leur manière de se comporter, de parler, de juger la réalité. On leur a fourni un modèle de vie bourgeois (consumériste) … ils ont été classiquement détruits et embourgeoisés. Leur connotation de classe est maintenant purement économique et non plus ‘également’ culturelle. » (Pier Paolo Pasolini)

« La production ne produit pas seulement de la marchandise ; elle produit en même temps des rapports sociaux, de l’humanité. Le ‘nouveau mode de production’ a donc produit une nouvelle humanité, c’est-à-dire une nouvelle ‘culture’, en modifiant anthropologiquement l’homme. Cette  ‘nouvelle culture’ a cyniquement détruit les cultures précédentes … En produisant de la marchandise on produit en fait de l’humanité (des rapports sociaux) … Les besoins induits par le vieux capitalisme étaient au fond très semblables aux besoins primaires. Au contraire, les besoins que le nouveau capitalisme peut induire sont totalement et parfaitement inutiles et artificiels. Voilà pourquoi, à travers eux, le nouveau capitalisme ne se limiterait pas historiquement à changer historiquement un type d’homme, mais il changerait l’humanité elle-même. » (Pier Paolo Pasolini – Lettres luthériennes) – Pas besoin d’être marxiste pour connaître le lien de cause à effet entre mode de production et les conditions d’existence au sens large.

« A quoi sommes-nous accoutumés à l’ère technique ? A revendiquer constamment et à en appeler à nos droits. Nous croyons avoir le droit d’exploiter le monde entier, nous qui existons maintenant sans tenir compte de ceux qui viendront, nous croyons avoir le droit d’abuser de ce que le travail assidu et inconscient des soleils et des étoiles a accumulé depuis des milliards d’années … Nous ne nous demandons pas non plus dans quel but nous gaspillons tout cela. Nous n’en savons rien. » (Jan Patocka)

« Le savant boycottage organisé dans le monde moderne par le monde moderne contre tout ce qui toucherait à la domination du moderne. » (Charles Péguy)

« Tout l’avilissement du monde moderne vient de ce que le monde moderne a considéré comme négociables des valeurs que le monde antique et le monde chrétien considéraient comme non négociables. » (Charles Péguy) – Depuis Péguy, cela ne s’est pas amélioré.

« Le ‘monde moderne’ vit presque entièrement sur les humanités passées, qu’il méprise, et feint d’ignorer, dont il ignore très réellement les réalités essentielles …La seule fidélité du monde moderne c’est la fidélité du parasitisme. » (Charles Péguy)

« Le monde moderne, c’est le monde de ceux qui font le malin. » (Charles Péguy)

 « Le monde moderne est celui de la ‘panmuflerie’ » (Charles Péguy).

« Et comme une tactique des modernistes, tactique en vérité fort insidieuse, est de ne jamais exposer leur doctrine méthodiquement, et dans leur ensemble, mais de les fragmenter en quelque sorte et de les éparpiller ça et là ce qui prête à les faire juger ondoyants et indécis, quand leurs idées, au contraire, sont parfaitement arrêtées et consistantes. » (saint Pie X) – Rien de changé, même lâcheté, même fourberie.

« Un avenir fait de lois anti-propos sexistes, anti-séduction ou anti-pensées déviantes, de ‘célibattantes’ castratrices et frustrées, d’utérus artificiel, de parité obligatoire et universelle, de papas poules et d‘ennui profond. » (Natacha Polony)

« La modernité tonitruante, qui s’est donné pour programme de mettre à bas tous les restes du monde ancien, se sert du féminisme, comme de tout élément à l’origine libérateur pour imposer son ordre. » (Natacha Polony)

« Autour de soi, chacun sent bien que l’alibi de la modernité sert à tout faire ployer sous l’implacable niveau d’une stérile uniformité … Standardisation, homogénéisation, uniformisation … Mêmes films, mêmes séries télévisées, mêmes informations, mêmes chansons, mêmes slogans publicitaires, mêmes objets, mêmes vêtements, mêmes voitures, même urbanisme, même architecture, mêmes types d’appartements, même ameublement… » (Ignacio Ramonet)

« Ce type de décadence morale qui se fonde sur la perte de la tradition, sur la coupure de cette évidence interne que les us et coutumes avaient autrefois apportée à l’homme. Plus rien ne va de soi ; tout est possible ; rien n’est impossible. Il n’y a plus de valeur porteuse, aucune norme n’est inviolable. Ne comptent plus que le moi et l’instant. » (cardinal Joseph Ratzinger)

« La nouveauté fondamentale est la naissance d’un nouveau mode de domination politique, qui sort du ‘crépuscule de la souveraineté moderne’. Au contraire de l’impérialisme, l’Empire n’établit pas de centre territorial du pouvoir et ne s’appuie pas sur des frontières et des barrières fixes. C’est un appareil décentralisé et déterritorialisé de gouvernement qui intègre progressivement l’espace du monde entier à l’intérieur de ses frontières ouvertes et en pleine expansion. L’Empire gère des entités hybrides, des hiérarchies flexibles et des échanges pluriels en modulant ses réseaux de commandement. Les couleurs nationales distinctes de la carte impérialiste du monde … Un système qui combine capitalisme sans classe ouvrière, un système international sans Etats-nations et un Empire sans puissance impériale dominante, dans lequel les ‘peuples’ sont progressivement dissous au profit de ‘multitudes’ aux configurations infiniment variables … Une administration qui vise à intégrer les conflits non pas en imposant un dispositif social cohérent, mais en contrôlent les différences … L’Empire est forcément inclusif, ‘république universelle’, sans logique de frontière, l’Empire a besoin d’une expansion indéfinie, mais celle-ci a pour base une ‘idée de la paix’ … L’oppression n’est que déplacée … La souplesse du droit et  de l’administration permet une multitude d’opérations de répression et de contrôle, et la fin de la guerre  rend possible la duplication infinie d’opérations de police internationale …. La diplomatie des droits de l’homme et le droit d’intervention humanitaire sont dirigés contre les peuples plus que contre les oppresseurs et le ‘multiculturalisme’ dissimule mal la domination des oligarchies … le ‘droit d’ingérence’ ne servant qu’à légitimer les nouvelles ‘guerres  justes.’ » (Philippe Raynaud – citant, reprenant, s’inspirant de Michael Hardt et Antonio Negri – L’empire) – Ainsi s’explique la haine féroce dont fait l’objet la Russie que, vue son étendue notamment,  l’Empire ne peut laisser subsister hors de son contrôle.

« Le progrès n’est pas lié qu’à l’accumulation des sciences … il est aussi  lié à l’éclosion et à la promotion du moi, à son assomption. L’ego et le progrès forment les deux piliers de la modernité. » (Robert Redeker)

« Autrefois tout était considéré comme étant. On parlait de droit, de religion, de politique, de poésie de façon absolue. Maintenant tout est considéré comme en voie de se faire. » (Ernest Renan)

 « Aucune personne sensée ne peut imaginer d’avenir possible sur la lancée actuelle. » (Olivier Rey)

« La modernité a ‘démoralisé’ le monde, rendant du même coup une infinité d’interventions qui autrefois auraient été impensables ou sacrilèges. » (Olivier Rey) – Interventions sur l’homme comme sur la nature.

« Serait moderne non tant ce qui se distingue de l’ancien que ce qui cultive cette distinction et la poursuit pour elle-même, comme une valeur en soi, qui n’a pas à être discutée ni rapportée à quoi que ce soit d’autre. Ce ne serait donc pas tel ou tel contenu qui définirait la modernité … mais plutôt le soupçon jeté sur tout contenu stable ou hérité et la recherche incessante du nouveau … La modernité équivaudrait à la disqualification de tout ce qui limite, ordonne et dévalue l’existence présente au nom de quelque autorité, de quelque permanence ou de quelque signification imposée du dehors : mythe, divinité, transcendance, passé, autorité … Ce serait l’exaltation de toute critique … l’ivresse du nouveau et de l’actuel, la foi en ce qui surgit plutôt qu’en ce qui demeure, le plaisir de n’avoir plus horizon ni limite autres que sa propre volonté … ici et maintenant. » (François Ricard)

« L’univers conscient de la pensée rationnelle et analytique y devient suspect, tandis que le monde inconscient du désir érotique, de l’illusion et des rêves éveillés occupe le devant de la scène et devient la réalité (univers des jeux). » (Jeremy Rifkin)

« Il faut être absolument moderne. » (Arthur Rimbaud) – Compréhensible de son temps.

« L’angoisse est née non pas, comme l’on dirait aujourd’hui, de l’écart technologique, mais du malentendu culturel qui séparait deux mondes … Ni les armes, ni la ruse ne peuvent expliquer qu’une troupe de six cents hommes ait suffi pour détruire un empire et une civilisation. » (Jean-Jacques Salomon – sur la conquête du Mexique par Cortés) – La supériorité technique n’explique pas toujours tout.

« Un monde uni, follement logique, rationnellement tragique. » (Michel Serres)

« Tant que je suis dans une enclave – un espace délimité – je peux en porter la responsabilité … Il y a dans notre modernité quelque chose comme un découragement. Le monde est devenu trop grand. Lorsque l’espace se dilate et recouvre le monde entier, lorsque chaque jour se déversent dans mes yeux des tombereaux de désespoir, tous les désastres du monde entier, toutes les guerres et toute la violence de l’entière planète, alors quelque chose en moi se bloque. Devant le harcèlement ininterrompu d’une négativité tragique, une anesthésie me saisit. Quand aucune réponse n’est possible à une incitation inlassablement répétée, on devient fou. » (Christiane Singer)

« Les priorités de notre société industrielle ‘avancée’ sont pathogènes. Comptabilisation de toute valeur, âpreté au gain, compétitivité qui prend la forme d’une guerre larvée … Les vieux réseaux de solidarité volant en éclats. L’individu libéré de tout lien errant, morcelé, harcelé par tant d’invites désordonnées, proie facile, zappant sa vie. En rompant les liens durables qui l’humanisent, il glisse vers une cruelle anesthésie du cœur. » (Christiane Singer)

« Notre société contemporaine n’a qu’un but : éradiquer à tout prix de nos existences ces zones incontrôlables – zones de brouillard, de gestations, zones d’ombre – et d’instaurer partout où elle le peut le contrôle et la surveillance. En refusant la nuit … notre imaginaire collectif livre une guerre à mort contre le réel et provoque la montée de tout ce qu’il voulait éviter : la peur, le désespoir, la violence déchaînée, la recrudescence de l’irrationnel. » (Christiane Singer)

« Parti pris du temps aux dépens de l’espace … Les frontières ne sont bonnes que pour être franchies  … Mais sans point de départ, on ne peut pas partir.» ((Peter Sloterdijk – sur la modernité)

 « La modernité  représente le programme paradoxal qui consiste à exécuter un projet infini sur un fondement fini … Le principe central de la dynamique de civilisation, selon laquelle la somme des libérations d’énergie dans le processus de civilisation dépasse régulièrement la capacité qu’ont les forces liantes qui permettent la culture … On peut caractériser la situation avancée moderne comme ‘l’ère des effets secondaires’. L’expression ‘effets secondaires’ désigne l’excédent de conséquences non intentionnelles par rapport aux effets volontairement induits des mesures, des entreprises et des innovations … La foi en une symétrie entre les problèmes et les solutions … remontait aux anciennes Lumières ; mais elle s’érode un peu plus chaque jour … La caractéristique du climat culturel actuel est le soupçon croissant que la somme des effets secondaires dépasse de plusieurs fois celle des effets principaux visés … L’auto-administration de l’impuissance … Et nous nous contentons d’eau bénite pour faire face à l’entropie. » (Peter Sloterdijk)

« Notre monde ne vit que dans l’urgence et dans le ‘zapping’, l’obsession du mouvement et de l’action. Tout doit changer et bouger sans cesse : les hommes, les machines, l’information, les idées et les idéaux. Nos sociétés modernes ont développé une religion du mouvement perpétuel … Frénésie qui ressemble à une fuite en avant et à une perte de sens … Course folle, fascination pour l’éphémère et l’événementiel … Le pressentiment se répand que l’idée de faire l’histoire n’était qu’un prétexte. … Ce qui avait l’air d’être un départ contrôlé vers la liberté s’avère être une glissade dans une hétéromobilité catastrophique et incontrôlable … Nous ne savons pas ce qui nous arrive … Le capital cinétique fait exploser les mondes anciens … La cinétique est l’éthique de la modernité … Les temps naïfs sont révolus où on pouvait penser qu’il faut se remuer pour que le monde avance … Un mode d’être ontologiquement déterminé par la formule de l’être-vers-le-mouvement … La modernité aurait épuisé ses réserves morales et ne serait plus capable de libérer à partir d’elle-même des contreforces pour arrêter sa dérive fatale … Le processus de modernisation, son élan fatal et la solidité trompeuse de la modernité … Ce qui a des effets bénéfiques n’est plus vrai ; ce qui est exact n’est plus à la taille ; ce qui touche au but ne soulage plus ; ce qui tient ne s’adapte plus … Trop de choses sont sorties de leurs gonds, trop de choses ont été désaccordées, manquées, épuisées et déformées … La modernité ne voit plus rien après elle en dehors du déluge … Les escaliers roulants sur lesquels nous sommes accélèrent et continuent à fonctionner automatiquement sans avoir besoin de la moindre vision du monde, de la moindre approbation. » (Peter Sloterdijk – considérations éparses sur la modernité – La mobilisation infinie) 

« Moderniser, c’est aller toujours plus loin dans la direction du déracinement, de l’autogénèse, du déni des origines et, si possible aussi, dans la direction d’une vie sans enfant et sans descendance. Et, s’il s’avère qu’il est impossible de mener une vie sans laisser de traces sur la terre, on préfère que la génération suivante soir créée par ramification latérale. Ce que réalise d’ailleurs la législation contemporaine. » (Peter Sloterdijk)

« Les populistes aspirent à rebâtir leur maison commune que la modernité a fissuré avant de la raser pour y construire une unique grande surface commerciale balisée par de hideux ronds-points dont le seul horizon est la banlieue universelle » (Rémi Soulié) – On comprend la fureur des Bobos confrontés à une telle tentative de sacrilège. 

« Lorsque des auteurs invoquent la modernité comme ‘l’émergence du monde démocratique et de sa séparation d’avec le religieux’, ils ne la voient pas seulement comme une réalité historique, mais aussi comme un accomplissement. Cet usage quasi normatif du concept de modernité est devenu un fond de commerce inépuisable dans les analyses consacrées à notre époque. Il s’appuie sur une définition souvent métaphysique de la modernité, sur un fétichisme de l’individu moderne glorifié ou vilipendé, sur une rhétorique du fatalisme et une mise en scène du progressivisme … sur une loi d’amélioration. » (Monique Canto–Sperber – citant André Comte-Sponville et Luc Ferry)

« L’idée selon laquelle les hommes sont capables de se créer d’une manière rationnelle un avenir meilleur est, à beaucoup d’égards, l’essence même de la modernité … dont, selon Nietzsche, la source est la morale des esclaves qui ‘est essentiellement une morale de l’utilité’. » (Zeev Sternhell)

« Le fait moral fondamental et absolu est un droit et non un devoir. » (Léo Strauss – définissant la modernité comme une culture où…)

« Le positivisme qui s’en tient aux seuls faits … La modernité repose sur une dialectique destructrice dans la mesure où elle fait d’une raison détachée de toute réflexion sur les valeurs le moteur de l’activité humaine … Aux yeux de Léo Strauss, la victoire des Modernes se confond avec le triomphe du relativisme et du nihilisme moral … Disparition de la notion de bien commun … Dans la ‘tolérance obligatoire’ Strauss ne voit qu’un ‘séminaire d’ignorance’. » (Léo Strauss – par Alain de Benoist)

« Expropriés de notre culture, dépouillés des valeurs dont nous étions épris, pureté de l’eau et de l’air, grâces de la nature, diversité des espèces animales et végétales, tous indiens désormais, nous sommes en train de faire de nous-mêmes ce que nous avons fait d’eux. » (Claude Lévi-Strauss) – Et nous en sommes fiers.

« Les normes de la modernisation mondialisatrice sont simples, voire sommaires : consommer toujours plus, communiquer toujours plus rapidement, échanger d’une façon optimalement rentable. Rapidité, efficacité, flexibilité, rentabilité. » (Pierre-André Taguieff)

« C’est la rapidité fulgurante du mouvement, c’est l’incroyable insouciance avec laquelle nous nous précipitons dans un avenir (en langage mégamixer : un futur) dont nous n’avons strictement aucune idée ; c’est l’acceptation de tout prônée et recommandée avec énergie par l’essentiel du système médiatico-publicitaire, c’est l’accusation de phobie, de réactionnarisme, voire, comble d’horreur de pessimisme, immédiatement abattue sur quiconque ose une objection… » (François Taillandier)

« Trois causes essentielles du malaise affectant les sociétés contemporaines : – L’individualisme qui a coupé les hommes de leurs horizons moraux traditionnels, entraînant la perte du sens – La primauté de la raison instrumentale sous la forme de la dissociation de l’entendement, malaise de la perte des fins –L’atomisation des individus qui a rétréci leurs vie dans un repliement égoïste sur eux-mêmes, malaise de la perte de la liberté. » (Charles Taylor – évoqué par Jean-François Mattéi)

« Ceux qui désormais privés de rôles sont de fait sans parole … Actrice principale de cette ultime manifestation du tragique que constituait la lutte des classes, la classe ouvrière en fait aujourd’hui la tragique expérience. L’esprit est mis en demeure d’approuver ce qui se donne, s’impose à lui, enregistrement passif. Submergés par le réel nous n’avons d’autre choix que de le fuir… » (Frédéric Tellier) – Le sort de tous, sauf des élites du cercle de la raison.

« Une des caractéristiques des époques de décadence, c’est l’invraisemblable prolongation des agonies. » (Gustave Thibon)

« Une civilisation semblable à un train qui va à l’abîme – ou au butoir – mais de mieux en mieux climatisé, avec des sièges toujours plus moelleux – et privé de signal d’alarme … Des problèmes qui se posaient jadis en termes de vérité ou d’erreur, de bien ou de mal, de salut ou de damnation se posent aujourd’hui en termes de santé ou de maladie, d’utilité ou de nuisance – et ce qui fut conversion devient affaire de recyclage, ou de dépannage, ou de mise au point. Le sage, le prêtre, cèdent la place aux techniciens de l’âme. » (Gustave Thibon)

« La modernité impliquant par essence l’éradication de l’identité… » (Denis Tillinac)

« La modernité est une mystique de l’éphémère, un manichéisme amoral qui remplace les vieux couples historiques du Bien et du Mal, du Beau et du Laid, du Juste et de l’Inique par ce couple d’impuissants sans âge : le branché et le ringard … ‘Moderne’ c’est-à-dire vacants, sans arrimages, neutres. » (Denis Tillinac)

« L’homme sans Dieu, sans culture, sans racines, sans horizon, sans autre attache au monde qu’un vague sensualisme claudique vers son fatum comme le ‘Meursault’ de Camus, le ‘Roquentin’ de Sartre, le ‘Loup des steppes’ de Hesse, l’’Homme sans qualités’ de Musil. » (Denis Tillinac)

« Toutes les civilisations vont disparaître, c’est une question de décennies pour les zones les plus périphériques. Nul ne l’ignore. Personne n’ose se l’avouer … Incompatibilité de la modernité avec nos fondements spirituels, intellectuels, moraux, esthétiques … Aucune civilisation n’est compatible avec la modernité. Les restes de la nôtre agonisent dans la muséification, la touristisation, la commémoration … Qu’est-ce que la modernité ? Un credo matérialiste qui divinise la technique, exalte l’innovation, néantise les ancrages, idéalise l’instant et promet à chaque ego l’omnipotence des rois et des dieux. Le manichéisme ringard-branché qu’elle érige en dogme invalide toute morale ; le scepticisme dont elle se repaît abolit toute valeur. Fuite à la Gribouille vers un Devenir sans horizon. » (Denis Tillinac)

« La modernité est protestante dans son essence. Récusation de toute autorité issue d’une tradition. Autonomie dans le dialogue éventuel avec Dieu. Pas d’intermédiaire. Pas d’intercession. Pas d’initiation. Pas de garde-fous. Rideau sur des siècles de patiente exégèse des textes … Rideau sur l’humble mémoire des peuples … Rideau sur toutes les traditions. Liberté de conscience … ‘Degré zéro’ et ‘table rase’, comme les révolutionnaires … On n’a de comptes à rendre à personne. » (Denis Tillinac) – Vers le n’importe quoi, y inclus la renaissance du vieux manichéisme (voir Georges Bush…)

« La modernité a en premier lieu  reconnu la légitimité de l’égoïsme, en définissant le comportement rationnel comme une façon logique et cohérente de poursuivre la maximisation de son propre intérêt. Ce principe  de modernité contient nécessairement tous les maux. » (Z Tingyang – cité par Chantal Delsol) )

« La première vague fut le changement que l’invention de l’agriculture fit déferler il y  a 10.000 ans sur la Terre. La deuxième vague fur le séisme provoqué il y a près de quatre cent ans, à un demi-siècle près, par la révolution industrielle, qui heurta de front toutes les institutions héritées du passé , changea le mode de vie de millions et de millions d’êtres et  agrandit  le fossé de plus en plus large entre la production et la consommation, entre le producteur et le consommateur, tout en imposant une modification de la notion du temps, le principe de la concentration et une ‘macrophilie’ obsessionnelle (sorte d’engouement pour le gigantisme et la croissance) … Ce n’est pas seulement la technosphère, l’infosphère ou la sociosphère qui partent en lambeaux, c’est aussi la psychosphère (ou une débâcle psychologique) … En outre nous sommes de plus en plus harcelés par une armée, toujours plus nombreuse, de détraqués, d’illuminés, de névrosés dont les média portent souvent aux nues le comportement antisocial (conformément au principe  des média dominants : tout salir, tout pourrir…) … L’effondrement de la société de la seconde vague sape les besoins fondamentaux nécessaires à tout individu : – Une communauté ; palliatif de la solitude, de l’isolement, sentiment de solidarité   – Des  structures ;  apport des bases de référence indispensables (entreprise, Eglise, parti…) – Une motivation, une raison d’être ; une idée, si vague soit-elle, de la place qu’on tient dans un ordre transcendant, dans une synthèse cohérente reliant les choses entre elles … Trois besoins que ne fournit plus la civilisation de la seconde vague qui s’achève … que fournissent les sectes. » (Alvin Toffler –  La troisième vague)  – Qui vient et dont on ne sait ce qu’elle sera.

« Une société qui ne se pense pas ne peut que s’enfoncer dans la décadence, lentement ou brutalement. Le refus d’analyser et de prévoir, l’abandon à la pure consommation des idées comme à celle des produits matériels annoncent la fin d’un monde. » (Alain Touraine)

« L’ère nouvelle enfantera des enfants qui ne tiendront plus au passé par aucune habitude de l’esprit. L’histoire leur offrira des récits étranges, presque incompréhensibles, car rien dans leur époque n’aura eu d’exemple dans le passé, et rien du passé ne survivra dans leur présent. » (Paul Valéry –Propos sur le progrès)

« Il faudra bientôt construire des cloîtres, rigoureusement isolés, où ni les ondes ni les feuilles n’entreront. Dans lesquels l’ignorance de toute politique sera présumée et cultivée. On y méprisera la vitesse, les nombres, les effets de masse, de surprise, de contraste, de répétition, de crédulité et de nouveauté. C’est là, qu’à certains jours, on ira, à travers les grilles, considérer quelques spécimens d’hommes libres. » (Paul Valéry)

« De quoi était fait ce désordre de notre Europe mentale ? De la libre coexistence dans les esprits cultivés des idées les plus dissemblables, des principes de vie et de connaissance les plus opposés. C’est là ce qui caractérise une époque moderne … Chaque cerveau d’un certain rang était un carrefour pour toutes les races de l’opinion ; tout penseur, une exposition universelle de pensée … Combien de matériaux, combien de travaux, de calculs, de siècles spoliés, combien de vies hétérogènes additionnées a-t-il fallu pour que ce carnaval fût possible et fût intronisé comme forme de la suprême sagesse et triomphe de l’humanité ? » (Paul Valéry – sur l’état en Europe à la veille de 1914) – Est-ce différent aujourd’hui ?

« Le monde qui baptise du nom de progrès sa tendance à une précision fatale, cherche à unir aux bienfaits de la vie les avantages de la mort. Une certaine confusion règne encore, mais encore un peu de temps et tout s’éclaircira ; nous verrons enfin apparaître le miracle d’une société animale, une parfaite et définitive fourmilière. » (Paul Valéry – La crise de l’esprit)

« L’humanité se dégrade à chaque oscillation. Jusqu’où cela ira-t-il ? tu ne pourrais pas être née à une meilleure époque que celle-ci où on a tout perdu. » (Simone Weil)

« D’où nous viendra la renaissance, à nous qui avons souillé et vidé le globe terrestre. Du passé seul, si nous l’aimons. » (Simone Weil) – On n’en prend pas le chemin dans notre fureur destructrice de tout.

« Tout va se disloquer, le centre ne tien plus. L’anarchie s’est emparée du monde. Une révélation doit être proche. » (William Butler Yeats)

« La vie humaine ne rencontre plus que des traces de sa propre activité. » (?)

« Le divers décroit ; là est le grand danger. » (?)

« Le fait des temps modernes c’est que la terre ne tourne plus autour du soleil mais que l’argent court autour de la terre. » (?) – Sur la spéculation débridée et instantanée.

« Le Credo n’est plus : ‘Jouissez sans entraves’ mais ‘Craignez à tout âge. » (?)

« Si les gens se mettent à se créer leur enfer personnel, je n’ai plus qu’à retourner chez Dieu. » (? – faisant parler de diable) – Correcte vision de la modernité.

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– Ci-dessous, quelques extraits d’un petit livre de Michel Serres : Petite Poucette (allusion à la maestria avec laquelle les messages fusent de ses pouces… et à la montée du féminin sur le podium).  L’auteur étant cependant d’un optimisme à toute épreuve : « Petite Poucette n’aura pas faim, pas soif, pas froid, sans doute jamais mal, ni même peur de la guerre sous nos latitudes, et elle vivra cent ans… Petite Poucette est jolie… » – Il ne lui reste qu’à éviter le Bataclan et ses abords !

 « Il habite la ville (la France ne compte plus que un pour cent de paysans) ; ses prédécesseurs immédiats, pour plus de la moitié hantaient les champs. »

« Il n’a plus la même vie physique, ni le même monde en nombre, la démographie ayant soudain, pendant la durée d’une seule vie humaine, bondi de deux vers sept milliards d’humains ; il habite un monde plein. »

« Ici, son espérance de vie va vers quatre-vingt ans. »

« Ils n’ont plus ni le même corps, ni la même conduite ; aucun adulte ne sut leur inspirer une morale adaptée. »

« Alors que leurs parents furent conçus à l’aveuglette, leur naissance est programmée. »

« Il sont formatés par des média, diffusés par des adultes qui ont méticuleusement détruit leur faculté d’attention en réduisant la durée des images à sept secondes et le temps des réponses aux questions à quinze, chiffres officiels. »

« Ils sont formatés par la publicité. »

« Ces enfants habitent donc le virtuel … Ils peuvent manipuler plusieurs informations à la fois. Ils ne connaissent, ni n’intègrent, ni ne synthétisent comme nous, leurs ascendants. Ils n’ont plus la même tête. »

« Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né, pendant un intervalle bref, celui qui nous sépare des années 1970. »

« Petite Poucette et son ami, les voilà tous deux devenus des individus. Inventé par saint Paul, au début de notre ère, l’individu vient de naître ces jours-ci … Nous vivions d’appartenances : français, catholiques ou athées, gascons ou picards, femmes ou mâles, indigents ou fortunés … Nous appartenions à des régions, des religions, des cultures, des équipes, des communes, un sexe, un patois, un parti … Ces collectifs ont à peu près tous explosé. »

« Agonisent les vieilles appartenances : fraternités d’armes paroisses, patries, syndicats ; restent les groupes de pression. »

« La fièvre de notation qui, sous la poussée de mamans pitoyables et de la psychologie, quitta si vite l’école envahit la société civile qui publie à l’envi les listes des meilleures ventes, distribue des prix Nobel, des Oscars … Classe les universités, note banques et entreprises… »

« Que transmettre ? Le savoir ? Le voilà, partout sur la toile, disponible, objectivé. Le transmettre à tous ? Désormais, tout le savoir est accessible à tous. Comment le transmettre ? Voilà, c’est fait. »

A l’école, à l’université, partout « Pourquoi bavarde-t-elle, parmi le brouhaha de ses bavards camarades ? Parce que, ce savoir annoncé, tout le monde l’a déjà. En entier, à disposition, sous la main … L’offre ponctuelle et singulière devient dérisoire … Fin de l’ère du savoir. »

« Ce chaos ne bruit pas seulement dans les écoles ou dans les hôpitaux … il remplit maintenant tout l’espace. » – Toutes les assemblées d’adultes, personne n’écoute plus personne.

« Saturé de musique, le tintamarre des média et le vacarme commercial assourdissent et endorment … nouveau bruit de fond, tohu-bohu de clameurs et de voix privées, publiques, permanentes, réelles ou virtuelles, chaos recouvert par les moteurs et les tuners d’une société du spectacle… »

« Tout le monde veut parler, tout le monde communique avec tout le monde en réseaux innombrables. » – Pour chacun, combien d’amis Facebook ? Combien de clients de Facebook, centaines de millions, milliards ?

« N’importe quel petit Poucet de la rue tranche sur le nucléaire, les mères porteuses, les OGM… »

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– Ci-dessous, un texte d’Alexis de Tocqueville dans le livre II de La démocratie en Amérique (cité par Natacha Polony).

 « Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes, pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger au destin de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance maternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les concitoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, partage leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? » – Ecrit, il y a presque deux siècles. Rien à redire sur nos sociétés, sauf que le pouvoir tutélaire ne pourvoit même plus à la sécurité ni n’assure les besoins. Il se contente de fournir les réjouissances (nuits blanches, parades et matches de foot), de s’emparer des héritages et du fruit du travail de ses esclaves béats.

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Ci-dessous extraits de l’ouvrage d’Alvin Toffler, Le choc du futur, mélange de pessimisme et d‘optimisme assez caractéristique de l’époque. Publié en 1970, ses prédictions technologiques apparaissent naturellement aujourd’hui comme erronées ou disproportionnées dans un sens ou dans l’autre (qu’on fasse mieux ici et aujourd’hui en prévision pour les années au-delà de 2060 !). Il n’avait pu prévoir la ceinture de satellites et ses conséquences : Le GPS, l’avènement d’internet, donc l’ubérisation, l’amazonisation, du monde, le e-commerce, les réseaux sociaux rassemblant la horde bestiale des délateurs. Mais son approche de la brutalité des bouleversements continuels technologiques et de leurs incidences dans les domaines sociologique et psychologique est pertinente : famille en lambeaux, mystique de la maternité, apparition des parents professionnels et marchandisation, papas homosexuels, extension de la location en tout, envahissement des déchets, nomadisme des gens, urbanisation délirante, effondrement de la hiérarchie (avouée et officielle), apparition des ordinateurs dans l’enseignement, spécialistes des loisirs, mini-héros (nos grotesques people), usines à styles de vie (les petites tribus), surabondance de ‘moi’, bombardement des sens et sur-stimulation cognitive et sensorielle, surabondance d’informations, célébrations mondiales (conquête de l’espace…), usage de la drogue,  explosions périodiques de vandalisme et de violence incontrôlée, apathie, stress décisionnel – Ces points relèvent de l’écriture en italiques, car recensés, entre autres, par Alvin Toffler.

 « Provisoire, éphémère, atmosphère et sensation d’instabilité. Trois types : – La brièveté des choses, des possessions, des endroits, des gens, des organisations – La nouveauté des sciences, des relations et structures sociales – La diversité des choix, des modes de vie, des sous-cultures … Crise historique d’adaptation par la conjugaison de la diversité avec l’éphémère et la nouveauté … 90% de tous les hommes de science que la terre ait jamais connus sont actuellement en vie … La majorité écrasante des biens matériels dont nous nous servons dans notre vie quotidienne ont vu le jour au cours de la présente génération … La société toute entière se dirige vers un fonctionnement ininterrompu vingt-quatre heures sur vingt-quatre … ‘Future shock’ est le stress et la désorientation que nous provoquons chez les individus en les soumettant à trop de changements dans un temps trop court … Le choc du futur ne représente plus aujourd’hui une menace en puissance pour un lointain avenir mais une maladie réelle qui affecte déjà un nombre accru de personnes … On parle de ‘former les gens en vue du changement !’ … Analogie avec le ‘choc culturel’ qui désigne l’effet produit sur un visiteur pris au dépourvu lorsqu’il se trouve plongé dans une culture étrangère … Le réseau des liens sociaux est si serré que les conséquences d’un événement se répandent instantanément dans le monde entier … Nous avons imposé au changement un rythme radicalement nouveau … Jadis, un siècle ou parfois plus s’écoulait entre une idée et son application (machine à écrire, procédé de conservation de la nourriture en boîte, c’est-à-dire les conserves…), aujourd’hui la société industrielle ne peut même plus endiguer une telle accélération … Emballement sans discernement du moteur de l’évolution et incidences sur les facultés d’adaptation et également sur l’aptitude à agir raisonnablement … La prévision impossible dans un environnement imprévisible et la mise en danger de l’aptitude à ‘voir’ l’avenir personnel … stress décisionnel … Réaction par le refus catégorique devant des mutations trop rapides … Disparition des rites qui constituaient un bon antidote au changement. »

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Ci-dessous, extraits de l’ouvrage de Shmuel Trigano, La nouvelle idéologie dominante, le post-modernisme.

 « La post-modernité pourrait bien être une donnée incontestable de la réalité, tandis que le post-modernisme n’en serait qu’une interprétation parmi d’autres … Le chaos, règle de cette idéologie … La déconstruction de tout récit cohérent, de toute pensée conséquente, de toute existence réelle … La théorie du genre vise à réduire à néant l’identité des individus, la théorie de la minorité politique vise à la déréliction de la nation, la théorie du réseau vise à décomposer l’Etat, la théorie de la discrimination positive vis à reléguer dans les marges les citoyens et l’apologie du non-occidental vise à casser l’identité des nations démocratiques … Le post-humain désigne une condition humaine investie par la technique (prothèses…) … Des OGM aux HGM, Humains génétiquement modifiés … Le ‘trans-humanisme’, forme idéologique et politique du slogan du ‘post-humain’ … L’humanisation du monde (animal, végétal, terre) revers de la déshumanisation de l’homme, les frontières de l’humain repoussées au prix de la disparition de l’homme … L’être dans une indétermination absolue (déconstruit) … Contradiction entre un sujet qui peut tout mais qui n’est rien, propre de la métaphysique de la déconstruction … La ‘fin des territoires’, l’espace englouti par le temps, planétarisation de la vie humaine, l’économie libérée de toute dépendance … Le modèle du réseau substitué au modèle du centre comme archétype du pouvoir … Un pouvoir ni identifiable ni localisable, partout et nulle part … la nation, cible du post-modernisme, condensé de ce que dénonce cette idéologie : le souverain, le sujet, le centre, le pouvoir, le ‘grand récit’, l’identité, la préférence culturelle et nationale, la singularité de chaque peuple… au profit de la ‘multitude’ (Antonio Negri) au plan mondial et des minorités au plan interne à la nation … L’humanité, toujours invoquée n’est pas conçue comme une entité abstraite, la référence d’un droit universel et unique, mais comme un conglomérat de cultures et  d‘identités incommunicantes … que la seule tolérance pourrait réunir et non la compréhension mutuelle (conformément à la doctrine du multiculturalisme) …« La ‘victimitude’ n’est pas liée à des circonstances mais assignée à une origine (ethnicité…) … De façon exclusive, extra-occidentale … La condition de victime résulte d’un état de faits permanent que ne contredit pas la violence et l’amoralité éventuelles de ses titulaires … Dans la morale post-moderniste, le monde est divisé entre bons et méchants, opprimés et oppresseurs … Hiérarchie fondée sur la victimitude des ancêtres, c’est-à-dire indirectement sur la race, la religion, la chair et l’origine … Le système médiatique est chargé de fixer ce que l’on doit savoir de la réalité, en termes post-modernistes d’en écrire le ‘narratif’, de diffuser une vulgate sélective, de représenter un monde tel que l’on veut qu’il soit autant que riche en spectacle (bienvenue aux  théories dites du ‘genre’, hautes en couleurs) … sur le ton moral et grandiloquent de l’éthique post-moderniste procurant au journaliste une chaire de prophète imprécateur … Le prétexte de la démocratie participative justifiant des débats entièrement construits et orientés … Les événements sont construits en fonction des directives d’un prisme de valeurs et d’impératifs (sans qu’il y ait besoin de mots d’ordre, par simple effet d’émulation, de convenance globale, sauf à risquer l’exclusion de la corporation) … Du discours idéologique à la ‘petite phrase’ (plus facile à manier). »

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Ci-dessous, quelques extraits (très simplifiés et remaniés) du remarquable ouvrage de Pierre Thuillier, La grande implosion, rapport sur l’effondrement de l’Occident ; traitant des causes ou plutôt de la situation de l’Occident à la veille de l’effondrement, avec de multiples exemples détaillant les analyses pertinentes.

« Pourquoi les Occidentaux ayant détecté dans leurs cultures de très graves malaises et même de ruineuses contradictions, n’ont-ils pas été capables de prendre les mesures qui s’imposaient ? … Parce qu’ils étaient dépourvus de toute culture, soit d’une ferme conviction de l’homme et de la société … Il ne restait qu’une façade de la civilisation … Pas de mythes, pas de croyance commune, pas de création d’idéal … L’idéal de rationalité servait essentiellement à légitimer les pires formes de l’activisme technique, organisationnel, commercial, industriel … ‘Notre civilisation si puissante n’a été capable de créer ni un temple ni un tombeau, ni son propre imaginaire … le soir européen est vide’ (André Malraux) … ‘L’homme ne sait plus dire un seul mot sur le berceau ni sur la tombe’ (Pierre Leroux) … ‘Les pays qui n’ont plus de légendes sont condamnés à mourir de froid.’  (Patrice de La Tour du Pin) … L’invention de l’humanitaire signifiait que toute l’activité se déroulait en dehors de cette préoccupation … La communication et l’animation confiées à des techniciens spécialisés, quelle guignolade … L’obsession, le culte du progrès manifestés par une inlassable recherche du changement, de la nouveauté, religion sans véritable joie, école du mépris … ‘Ce peuple d’ingénieurs n’a plus ni passion, ni poésie, ni amour’ (Julien Green) … Confusion entre ‘bonheur’ et ‘niveau de vie’ … Tourbillon démentiel d’informations hétéroclites … Déracinés par le télévoyeurisme universel, coincés entre société du spectacle et société de consommation, engourdissement spirituel … Le mot risque  devenu l’un des mots clés de la civilisation moderne, naturels et technologiques, ceux-ci multipliés à plaisir … Empoisonner, polluer… comment éviter, se protéger. » – « Seul un dieu peut encore nous sauver. » (Martin Heidegger, il y a déjà plus de quarante ans)

« A quel moment de son histoire l’Occident s’est-il engage dans la voie de la modernité ? » (Pierre Thuillier) – Cinq réponses.

« L’Homo Urbanus : L’an mil et la création d’un nouveau type de ville … Le bourgeois et la ville conçue dans un but essentiellement utilitaire … culture de marchands, politique de marchands et statut socio-culturel … Villes repliées sur elles-mêmes, rupture avec la campagne et le monde rural … Déification de la ville, les paysans devenant peu à peu le pôle négatif, l’anti-progrès, l’anti-rationalisation  (rustres, péquenauds…) … Urbanisation, intensification de la vie nerveuse … Similarité de la conduite envers les paysans avec les conduites coloniales – L’Homo Economicus : L’économie  fin en soi, mode de vie privilégié, perspective utilitariste et ‘démarche d’épiciers’ … accompagnant le degré zéro de la vie spirituelle … Inutile d’insister –  L’Homo Corruptus : ‘Les vices, les corruptions  se sont toujours montrés passés un certain point de progrès’ (Henry George) … Corruption, fraude, ‘affaires’, mots omniprésents … Inutile d’insister – L’Homo Technicus :  ‘La mécanique devint la religion nouvelle et elle donna au monde un nouveau messie, la machine’ (Lewis Mumford) …  Jadis, maîtrise du temps (horloges) … Passion des automates … Ressassement de la neutralité des techniques, comme si le développement des techniques allait rester ‘à sa place’ sur simple demande, sans répercussions dans les domaines de l’affectivité, de l’imagination, de la vie spirituelle, des relations interpersonnelles, etc. … Plus les marchands et les ingénieurs avaient affirmé leur pouvoir culturel plus la chasse aux sorcières était devenue systématique et violente (années 1500 à 1650…), les tribunaux civils ayant relayé les tribunaux ecclésiastiques. – L’Homo Scientificus : ‘La superstition scientifique apporte avec elle des illusions  si ridicules et des conceptions si infantiles que, par comparaison, la superstition religieuse elle-même en sort ennoblie’ (Antonio Gramsci) … Pourquoi les scientifiques ont-ils joui d’un prestige qui nous paraît démesuré … ‘Sous son impulsion, la civilisation moderne marche d’un pas de plus en plus rapide’ … Tout est dit avec Marcelin Berthelot ‘Le triomphe universel de la science arrivera à assurer aux hommes le maximum de bonheur et de moralité … Elle réclame aujourd’hui, à la fois, la direction matérielle, la direction intellectuelle et morale des sociétés … Elle domine tout, elle rend seule des services définitifs’  … Ces fameuses ‘inventions’ … Mythe de la science pure alors qu’elle n’’a jamais été que technoscience au service … Innocence de la science, culpabilité de la technologie, Bonne application, merci aux scientifiques, mauvaise application, honte à la tourbe des ingénieurs, techniciens, mercenaires du complexe militaro-industriel … La cléricature scientifique, seule habilitée à parler de morale, des spécialistes de la cosmologie n’hésitant pas à aborder des questions théologiques (le bouffon Stephen Hawking). »

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