375,13 – L’échafaud (montée à)

– Technique transposée au domaine politique et mise au point  dans les années 1990 ; réservée aux élections nationales. Procédé (inspiré du modèle dialectique) utilisé pour abattre un concurrent politique (généralement issu du même camp ou de tendance proche) avant une élection. Succès garanti si l’opération est menée par des professionnels.

. Thèse : Le personnage monte régulièrement dans les sondages – on invoque une dynamique surprenante mais quelque peu explicable – plus d’ailleurs par le contexte que par les qualités du personnage lui-même qu’il est habile d’élever provisoirement mais sans trop le faire mousser. Il suffit de le pousser médiatiquement un peu au départ pour que les gogos suivent automatiquement sans qu’il y ait besoin pour cela de manipuler les sondages.  La publication d’un mouvement sensiblement haussier a pour effet d’amplifier la dynamique dans l’opinion.

. Antithèse : La cote du personnage stagne, s’effrite légèrement – on s’interroge gravement sur ce qui peut bien se passer. C’est regrettable, mais il y a des raisons (à Guéret un samedi soir il aurait négligé d’embrasser une électrice, refusé un dernier verre, éludé une question sur l’urgence du rétablissement des pissotières…). On en profite pour évoquer et divulguer charitablement ses défauts les plus frappants et ses lacunes évidentes – avec une sympathique indulgence bien sûr.

. Synthèse : La cote du personnage descend tout aussi régulièrement par le phénomène inverse de celui de la première étape. 

En finale tout est dit avec les regrets d’usage : Il déçoit. Le malheureux est condamné, noyé sous des flots de larmes de crocodile.

– Nécessite la collaboration active, mais pas forcément consciente (quoique ?), d’organes de presse réputés pour leur sérieux donc copiés partout et un planning rigoureux. Opération prématurée : le gogo risque d’oublier la leçon ; opération tardive : le gogo risque de ne pas bien assimiler le déroulement des opérations et d’en rester à la première étape.

– Sur une période de temps plus longue, c’est la même tactique qui est utilisée contre le pape François, que certes on ne descendra pas directement d’abord,  pour pouvoir dire combien on a pu être bienveillant, mais dont on attribuera les premiers refus de se soumettre à l’esprit pourri du temps à l’obscurantisme et au conservatisme de l’Eglise catholique, etc, etc… Schéma écrit d’avance. Pour l’édification des catholiques dont le discernement sur les coups tordus n’est pas toujours évident.

– Une variante de cette technique consiste à majorer légèrement les sondages préélectoraux d’un parti auquel on veut nuire et dont on prévoit la montée. Au risque bien sûr de lui attirer quelques électeurs hésitants (le succès appelant le succès), risque largement contrebalancé par la mobilisation ainsi obtenue d’électeurs qui lui sont hostiles. Mais l’intérêt de l’opération se révèle au résultat : naturellement le parti en question n’obtient pas tout à fait les résultats flatteurs que lui avaient prédits ces sondages avantageux. Les média aussi asservis que sont stupides ceux qui leur accordent quelque crédit, pourront donc clamer à l’échec, au moins relatif, de ce parti qui n’a pas concrétisé…, qui n’ a pas réussi sa percée…, dont se sont détournés au dernier moment… et ainsi transformer en échec ce qui devrait rester néanmoins objectivement un succès. Simple comme bonjour.

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« C’est l’une des fonctions des sondages : évacuer la question de la démocratie directe, commodément remplacée par un simulacre de consultation » (François Bousquet ou Patrick Buisson) 

« Echafaud. – S’arranger quand on y monte pour prononcer quelques mots éloquents avant de mourir. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)

« On dit que le roi d’Angleterre a demandé la tête de l’évêque de Montauban. On lui a répondu qu’il n’en avait point. Il n’a plus rien demandé. » (Grimm)

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