470,3 – Langue de bois ; Langue de coton ; Novlangue

– Termes à tout faire, ornements de la langue de bois, serviteurs de la novlangue française, constituent 92% du vocabulaire politico-médiatique.  Langue des lâches et des zombies.

– Langue fort prisée de nos jours. Etant donné que tout le monde l’entend à longueur de journée et en raison de la pauvreté de son vocabulaire (quelques éléments de langage fournis  à l’imbécile qui doit les prononcer) reflétant la vacuité du fond jointe à la lâcheté générale, il  n’est pas nécessaire d’insister. Il est bien loin le temps où Boileau appelait un chat un chat et Rollet un fripon (à l’époque l’équivalent de crapule).

– Se réduit maintenant à balancer des éléments de langage fournis par des professionnels aussi incultes, pervers menteurs et méprisants que ceux qui doivent les prononcer en public (politiques et journalistes le plus souvent).

– Avec de surcroît, « l’invention de mots nouveaux et, surtout, l’élimination des mots indésirables » George Orwell y aurait sûrement reconnu une tentative pour instaurer sa novlangue.

– Ce parler (pour ne rien dire) est explicitement imposé par les avertissements de modération qu’on trouve en finale de  beaucoup de racontars sur internet appelant à émettre des commentaires. Commentez mais surtout ne dites rien.

– « A la langue de bois correspond fréquemment le ‘corps de bois’, une gestuelle particulière, sorte de litanie rythmique … mouvements répétitifs, respectant un rythme uniforme et le plus souvent symétriques … Monotonie que l’on retrouve dans le timbre de la voix, ainsi que dans les constructions linguistiques (diarrhée verbale, abus d’adverbes tels que franchement, honnêtement, réellement, forcément…) … Les mains qui scandent et qui moulinent ensemble dans un même rythme sont une des composantes les plus perceptibles du ‘corps de bois’ … Alors que les ruptures de rythme (corporelles et langagières) sont synonymes de bonne foi. » (Elodie Mielczareck – Déjouez les manipulateurs)

– « Langue d’acier : Dépersonnalise. Tournures impersonnelles, aspect chirurgical, ton institutionnel, s’autodémontre – Langue de chêne : immobilise. Tournures alambiquées, aspect tortueux, ton dirigiste, s’autorassure – Langue de verre : Utopise. Tournures sloganisées, aspect éthéré et pauvreté du vocabulaire, ton enthousiaste, s’auto-illusionne – Langue de coton : Voile la face. Tournures mielleuses, sucrées et enrobantes, abuse de la flatterie, ton doucereux et personnel, anecdotique, vise l’adhésion et le consensus mou, s’autocongratule. »  (Elodie Mielczareck

« Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. » (Jean Jaurès)

« Un discours insignifiant est un discours qui se ferme continuellement sur lui-même, chaque terme pouvant être remplacé par un autre dans un système de bouclage permanent … Le langage de l’insignifiance recouvre la complexité par l’évidence, neutralise les  contradictions par le positivisme, éradique les conflits d’intérêt par l’affirmation de valeurs qui se veulent ‘universelles’. Ce faisant, il déstructure les significations et le sens commun. Il évite de se confronter à l’épreuve du réel, comme il évite toute contestation. Lorsqu’on dit tout et  son contraire, la discussion n’est plus possible. D’autant que l’apparente neutralité, le pragmatisme et l’objectivité présentent une démarche qui semble incontestable. Elle est faite pour susciter l’adhésion. » (Vincent de Gauléjac – La société malade de la gestion) – Chaque mot  (sujet, verbe complément, adjectif, attribut) peut être combiné avec n’importe quel autre. Ex : L’excellence révèle les  changements qualitatifs du projet … Le projet révèle l’excellence qualitative du changement .. . etc.

– « Phénomène de duplication propre au discours crapuleux. ‘Un certain art de former des concepts contradictoires, c’est-à-dire qui unissent en eux une idée et la négation de cette idée’ (Jean-Paul Sartre – L’être  et le néant). »  (Clément Rosset) – Le discours présidentiel actuel du  en même temps  fait encore mieux en annulant deux idées l’une par l’autre.

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fonction socialement reconnue de nous protéger contre la réalité, c’est-à-dire contre l’exigence de notre attention pensante que tous les événements et les faits éveillent en vertu de leur existence. » (Hannah Arendt)

« Monsieur, le public aime ça. – Il est le seul. » (Barbey d’Aurevilly – réponse à propos de banalités)

« Orwell expliquait déjà fort bien que sa ‘novlangue’ était un mode d’expression basique propre à interdire la pensée abstraite donc l’intelligence. » (Sophie Bastide)

« Le maniement magique du réel, la formation de deux langages imperméables dont l’un sert non pas à communiquer, mais à rendre la communication impossible, ont fait dire à Orwell, Pasternak, Milosz ou Soljénitsyne que la souffrance spécifique de ce genre de régime est l’angoisse psychotique de la perversion du sens et de la perte du réel. » (Alain Besançon) – Y a-t-il beaucoup de différence avec la pratique politico-médiatique obligatoire de la langue de bois et du mensonge en France ?

 « Le remplacement progressif de la langue naturelle par le ‘newspeak’ rend impensable ce qui ne doit pas être pensé … ‘Ce n’était pas le cerveau de l’homme qui s’exprimait, c’était son larynx. La substance qui sortait de lui était faite de mots, mais ce n’était pas du langage … C’était un bruit émis en état d’inconscience, comme le caquetage d’un canard … L’appauvrissement du vocabulaire était considéré comme une fin en soi et on ne laissait subsister aucun mot dont on pouvait se passer … Il est la langue du pouvoir, celle par laquelle il donne des ordres ; du même coup, la langue de l’obéissance, car, la parler, c’est se soumettre au pouvoir. D’autre part, c’est sa fonction essentielle, il rend impossible tout autre mode de pensée ; des blocs de mots, et les notions correspondantes, ont été mis hors circuit’. On ne peut plus les atteindre, ni par les mots de l’ancienne langue, oubliés et proscrits, ni par les mots du ‘newspeak’ qui sont construits pour éliminer toute pensée non-conforme … Cette incompatibilité entre les deux langues s’explique si l’on considère que l’ancienne langue se référait au monde réel, et le ‘newspeak’ à la réalité imposée par l’idéologie. Comme cette réalité n’existe pas, le ‘newspeak’ est entièrement faux et puisque le réel ne constitue plus un recours, on ne peut plus démontrer qu’il est faux … Sans obstacle, le ‘newspeak’ est sans frein et son expansion est indéfinie … Dans le vide qu’il remplit, il fait de plus en plus de bruit’. » (Alain Besançon – citant George Orwell – 1984) – Cela ne vous dit rien ?

« Lesdits électeurs ne se rendent plus aux urnes, peu disposés à accorder leur voix à des individus passablement médiocres …  Les politiciens qui croient ingénieux de donner à chacun sa pitance en éparpillant des mots-clés dans leurs harangues … comme si le dialogue était l’alpha et l’omega de la  communication. (Jean-Paul Brighelli – à propos de la creuse, stupide et vulgaire ‘com.’ des politiques.)

« La langue de bois est devenue une œuvre d’art contemporaine … Quand il s’agit de nommer nos maux, nous sommes terrorisés par nos propres mots. » (Laurent Cantamessi) – Jusqu’à hier, il n’y avait pas de terroristes, que des déséquilibrés. Il n’y a toujours pas d’effondrement de la France, juste un manque passager de croissance…

« Nous sommes passés de la langue de bois à la langue de caoutchouc. » (Cornelius Castoriadis) – « Tout est admis, et par là, tout est rendu insignifiant. Tout est montré à la télévision, et par là, tout disparaît aussitôt. » (Jean-Pierre Le Goff)

« Lorsque les mots perdent leur sens, les hommes perdent leur liberté. » (Confucius) – c’est bien l’objectif inavoué de la confusion actuelle  

« Il n’y a d’intéressant que le jugement tranché, la syntaxe forte, le terme expressif ou l’image hardie. » (Léon Daudet) – L’inculture s’unit à la lâcheté actuelle pour interdire tout discours non soporifique, toute parole qui dirait.

« Les populistes parlent crûment, refus du mensonge et de la sophistication élitaire, les deux considérés comme allant ensemble. Ce sont les milieux populaires qui réclament d’utiliser les mots correspondant aux pensées et aux actes. » (Chantal Delsol) – Ils savent bien que le langage des dominants est destiné à les enfumer. 

« La langue de bois se caractérise d’abord par l’usage indéfiniment répété des mêmes mots … qui très vite ne signifient plus rien … mots-valises, formules creuses (liberté,  droit-à-tout, paix, égalité…) … Derrière l’imprécision il y a des doctrines de prêt-à-penser … Langue des totalitarismes et des utopies attenantes, langue d’un empire. Il s’agit de prendre le contrôle de la pensée du lecteur ou de l’auditeur, de défendre un ordre établi et de le figer dans les consciences … Langue sans aspérités, d’aspect neutre, en réalité farouchement idéologique par sa pauvreté même … Non pas émeutes, mais troubles sociaux, non pas délinquants, mais jeunes, non pas trafic de  stupéfiants, mais économie parallèle, non pas zones de non droit, mais quartiers sensibles, non pas actes de piraterie, mais détournement, non pas licenciement, mais restructuration (d’après Jean-François Mattéi), dire emplois d’avenir pour des emplois sans avenir … Je ne peux faire carrière sans utiliser cette langue de prêt-à-parler … Les locuteurs ne sont plus les locuteurs de leur propre parole : ils sont parlés plus qu’ils ne parlent … ‘Il n’y a plus de sujet présent à ses propres dires et susceptible d’assumer sa propre parole’ (Jacques Dewitte) … ‘Il y a des mots qui sont comme l’arsenic, un poison lent. Ils tuent la pensée à son insu.’ (Victor Klemperer). » (Chantal Delsol)

«  ‘La relation qu’il peut y avoir entre les habitudes de pensée totalitaire et la corruption de la langue.’ (George Orwell) … Une langue impose toujours une certaine vision du monde que chacun intériorise à son insu en la parlant … Si l’on est forcé de parler l’idéologie, on est également forcé d’adopter, à son insu, la ‘visée du monde’ qui lui est inhérente … Quand la langue s’avachit et quand les clichés se mettent à penser à notre place, c’est aussi notre capacité à discerner et à éprouver qui s’étiole. Pauvreté langagière et pauvreté spirituelle vont de pair … ‘Parler la nouvelle langue impliquait qu’on avait adopté une nouvelle façon de marcher, de se tenir, de se vêtir, et, naturellement, de penser ; était-ce l’action qui primait la réflexion ? … Parler la nouvelle langue précédait-il, induisait-il l’adoption de la nouvelle façon d’être, ou était-ce le contraire ? … La poule et l’œuf ; Quelque chose me dit qu’en premier venait l’œuf, je veux dire la nouvelle langue, et que tout le reste en découlait’ (Velmar-Jankovic) … En proférant un mot, on fait exister la chose que l’on nomme et, en ne la nommant pas, on la relègue dans l’inexistence … Le rapport habituel, direct et individuel entre le mot et la chose est une fois pour toutes aboli. Ce rapport est remplacé par un flottement généralisé qui livre le sujet individuel à l’incertitude  … La langue totalitaire fait exister des réalités imaginaires et renvoie dans un quasi-néant des réalités censées ne plus avoir de raison d’être, certains mots sont promus comme vocables idéologiques et officiels, d’autres sont évincés, éliminés pour anéantir la réalité qu’ils désignent … Le ‘politiquement correct’ reproduit à bien des égards les mécanismes des langues totalitaires du XX° siècle (communisme et nazisme), impossibilité de nommer des réalités taboues et imposition d’un langage codé reposant sur une batterie d’équivalents et d’euphémismes … Plus forte que la négation est la néantisation (anti-création), faire en sorte que quelque chose ayant été ou quelqu’un ayant vécu n’ait jamais existé … Recours aux mots-valises (télescopage de plusieurs vocables pour former un terme nouveau) et aux mots-couverture ( qui eux, suppriment le sens des mots recouverts) … Usage massif de mots –composés, d’abréviations et de sigles … ‘Komintern’ ne sollicite aucune réflexion (pas plus que le mot ‘chaise’ ou ‘table’), à l’inverse de  ‘Communisme international’ ou d’’Internationale communiste’ qui forcent à s’attarder, au moins momentanément (tiré de George Orwell) … ‘En novlangue, il était rarement possible de suivre une pensée hérétique plus loin que la perception qu’elle était hérétique ; au-delà de ce point, les mots nécessaires étaient inexistants ‘ ( George Orwell). » (Jacques Dewitte – Le pouvoir de la langue et la liberté de l’esprit – considérations diverses sur langue et totalitarisme)

« Le rite, comme religion, est lien, fermeture, encadrement … La ritualisation du discours c’est précisément la fermeture à une éventualité de parole … Or, il y a tendance à fermeture du langage, et au redoublement idéologique de cette fermeture … Fermeture qui provient du contexte social lui-même, par le rituel, le répétitif, la redondance, fermeture du discours politique, mais aussi du discours scientifique, fermeture du discours idéologique, se bornant à se reproduire indéfiniment, fermeture du discours catéchétique, qu’il soit chrétien, stalinien ou maoïste (ou portant sur les droits de l’homme), du discours publicitaire ou de propagande. » (Jacques Ellul)

« Imperturbables et sentencieux, ils récitent leur leçon, ils martèlent des slogans appris par cœur et proclament dans un langage quasi liturgique leur adhésion sans réserve à … A chaque événement, ils trouvent dans leur Livre Saint la maxime ou le proverbe qui correspondent … Ils absorbent toute réalité particulière dans le savoir général et figé qu’ils emportent partout avec eux. A peine commencées, on sait comment leurs phrases vont finir… » (Alain Finkielkraut)

« Nous ne parlons pas pour dire quelque chose mais pour obtenir un certain effet. » (Goebbels) – Même suicidé, il a fait de nombreux émules.

« Des éléments de langage sont une série de phrases, d’expressions, de mots-clés et de slogans, distribués à un ou plusieurs personnages politiques : du ‘prêt-à-répéter’ aux médias … Car nous avons un ressenti de plus en plus positif envers un message à mesure qu’il nous est répété en boucle, c’est ‘l’effet de simple exposition’ … En agissant comme une escadrille de bombardiers armés des mêmes éléments de langage, une petite équipe de personnalités politiques peut à la longue faire passer un mensonge pur et simple pour une vérité dans le débat public, en l’assénant en boucle, encore et encore. » (Thomas Guénolé – Petit guide du mensonge en politique) – Et, ils ne s’en privent pas. 

« L’écologie, l’antiracisme, l’antifascisme de façade sont devenus des armes de classes auxquels on ne peut s’opposer. Ils agissent comme un rayon paralysant … Toute critique du modèle globalisé est ainsi associée à une critique du progressisme, à une remis en cause de l’Autre et de l’universel … Ces thématiques sont perçues comme des éléments de langage de faussaires. » (Christophe Guilluy)

« Mécanisme de ressassement indéfini de mots artificiels abstraits qui donne l’illusion que l’on parle. » (Guy Hermet) 

« La fonction d’hygiène verbale de la novlangue consiste également à réduire le vocabulaire disponible ou agréé, à asphyxier les mots dont l’usage devient contre-indiqué de telle sorte que le lexique subsistant n’autorise plus que l’expression d’idées et de sentiments conformes au système de valeurs jugé désirable … ‘Désinstruction’ garantie du politiquement correct. » (Guy Hermet) – L’éducation nationale se chargeant d’une partie de la tâche.

« Jamais les mots ne manquent aux idées. C’est les idées qui manquent aux mots. Dès que l’idée en est venue à son dernier état de perfection, le mot éclôt ;  ou, si l’on veut, elle éclot du mot qui se présente et la revêt. » – (Joseph Joubert) – Ceci  n’est plus vrai en novlangue où nombre de mots sont bannis pour empêcher la pensée de s’exercer ; ici  actuellement.

« La pauvreté du vocabulaire qui permet une répétition omniprésente. » (Victor Klemperer)

« ‘La langue qui poétise et pense à ta place’ … Poison que tu bois sans le savoir et qui fait son effet … Mais la langue ne se contente pas de poétiser et de penser à ma place, elle dirige aussi mes sentiments, elle régit tout mon être moral d’autant plus naturellement que je m’en remets inconsciemment à elle. Et qu’arrive-t-il si cette langue est constituée d’éléments toxiques ou si l’on en fait le vecteur de substances toxiques ? Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir. » (Victor Klemperer : Repenser le langage totalitaire – citant Schiller

« Le langage totalitaire investit tous les canaux, tous les supports, aussi bien les domaines publics que privés (ballons d’enfants, pièces de monnaie, coupes sportives, décorations, vitrines …) … Le langage totalitaire a une homogénéité effroyable (même trame des cérémonies, même style, mêmes clichés, même tonalité…) … Il est irréductiblement lié à la violence (affranchi de toute contrainte, seul compte le but fixé,, langage du fanatisme de masse et de l’hystérie, euphémismes, ‘camps’, ‘solution finale’)… Il désinvestit le sujet de sa propre pensée (langage-machine, clichés…) … C’est un langage de type mystique (voire messianique, prophétique, emphase, ton du sermon et de l’enthousiasme.) » (Béatrice Turpin dans l’ouvrage Repenser le langage totalitaire, consacré à Victor Klemperer)

Facteurs permettant de mobiliser une foule. « – L’affirmation, pure et simple, dégagée de tout raisonnement et de toute preuve – La répétition, qui finit par établir la chose affirmée comme vérité démontrée – La simplification, plus elle est concise, dépourvue de démonstration, plus elle est acceptée – L’uniformisation, s’apparente à la répétition – Le vague, le vague même qui les estompe augmente leur mystérieuse puissance. Ex : démocratie, socialisme, liberté, égalité – L’appel aux sentiments, la foule n’étant impressionnée que par des sentiments excessifs, abuser des affirmations violentes. (repris de Gustave Lebon par Béatrice Turpin dans l’ouvrage Repenser le langage totalitaire, consacré à Victor Klemperer)

« La pratique généralisée de l’euphémisme étant un trait caractéristique de la novlangue. » (Jean-Pierre Lebrun)

« La langue de bois politico-administrative est une manière commode de faire en sorte que ce qui est le bien commun, l’apanage de la sociabilité soit exproprié au profit de quelques-uns, passe en des ‘mains étrangères’. » (Michel Maffesoli)

« Les mots ‘hourra’ ; les mots qui provoquent l’assentiment immédiat, avec lesquels il est presque impossible, dans une démocratie, de ne pas être d’accord … Suscitant  l’adhésion immédiate des auditeurs quand ils sont prononcés. Par exemple, le mot ‘liberté’ prononcé de façon répétée dans un discours politiques. » (Sophie Mazet – reprenant Nick Web) – « A la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime de pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. » (George Orwell – 1984)

« L’aptitude à dire n’importe quoi, essentielle à l’idéologie, est cependant fragile : un délire peut toujours être guéri. Il est donc nécessaire … que l’intellectuel ‘partidaire’ (de parti) soit totalement protégé contre le risque, si faible soit-il, du retour de la réalité. L’orthodoxie y parvient en s’incarnant dans une ‘langue de bois’ dont la raideur soigneusement codifiée va permettre de larguer définitivement les amarres qui auraient encore pu lier l’Organisation au Réel … La langue de bois travaille patiemment à effacer son support humain ; ‘Les bruits appropriés sortent du larynx mais le cerveau n’est pas impliqué, comme il le serait si lui-même devait choisir ses mots’ … Diminution régulière du vocabulaire comme objectif du Novlangue, ‘C’est une belle chose la destruction des mots’. » (Jean-Claude Michéa – traitant de George Orwell et le citant) – On aura reconnu, la Novlangue de l’ouvrage 1984, comme on reconnaît les discours de nos politiciens, de nos journalistes de TV et la censure féroce en vigueur.

« L’une des manipulations les plus réussies durant ces vingt dernières années par les professionnels du mensonge journalistique aura vraisemblablement été de transformer le concept de ‘populisme’, pièce maîtresse de l’héritage révolutionnaire depuis le XIX° siècle, en un concept-repoussoir à peu près synonyme de nazisme … Alors que le sens historique du mot évoque un combat radical pour la liberté et l’égalité mené au nom des vertus populaires … On sait à quel point, les média officiels travaillent méthodiquement à effacer  le sens originel du mot, à seule fin de pouvoir dénoncer comme ‘fascistes’ ou ‘moralisateurs’ (à notre époque, le crime de pensée suprême) tous les efforts des simples gens pour maintenir une civilité démocratique minimale et s’opposer à l’emprise croissante des ‘experts’ sur l’organisation de leur vie … Au moins, en dénonçant l’esprit ‘petit bourgeois’, l’ancienne langue de bois ne prétendait pas mépriser la totalité du peuple … Il suffit d’assimiler le populisme ( au mépris de toute connaissance historique élémentaire) à une variante perverse du fascisme classique pour que tous les effets désirables s’enchaînent avec une facilité déconcertante. » (Jean-Claude Michéa)

« Les structures figées que l’on retrouve dans la langue de bois (répétitions, tournures désincarnées, occupation de l’espace sonore avec du vide sémantique, etc.), se retrouvent dans le corps : gestes monotones,, répétitifs et vides (mains qui balaient ensemble, qui moulinent ensemble, regard fixe, etc.) » (Elodie Mielczareck)

« Chaque réduction était un gain puisque moins le choix des mots est étendu, moins grande est la tentation de réfléchir. » George Orwell – 1984)

« Les ‘mots-couverture’ sont dans la novlangue des termes dont le sens a été étendu jusqu’à ce qu’ils embrassent des séries entières de mots qui, leur sens étant suffisamment rendu par un seul terme compréhensible, pouvaient alors être effacés ou oubliés … Nous sommes là pour détruire les mots. » (George Orwell) – Ainsi Conservatisme, qui ne reflète que la fâcheuse obstination des gens ordinaires à vouloir rester humains, mot diabolisé par la gauche bien pensante, désigne le crime de pensée par excellence : celui qui scelle notre complicité avec toutes ces incarnations du mal politique que sont l’Archaïsme, la Droite, l’Ordre établi ou la société d’intolérance et d’exclusion (suivant Jean-Claude Michéa)

«  La langue de bois est effectivement le dispositif de sécurité de toute idéologie partidaire … Le cerveau n’est pas impliqué, comme il le serait si lui-même devait choisir les mots. » (George Orwell) – « Rhétorique où la pensée s’est comme absentée d’elle-même. » (Jean-Claude Michéa)

« En France particulièrement, les mots ont plus d’empire que les idées. » (GeorgesSand)

« Nous nous attendions à entendre un homme avec ses particularités, ses difficultés à être, ses sursauts de fierté. Nous subissions les propos interchangeables, décolorés, inaudibles d’un quelconque speaker. » (Pierre Sansot) – Nous attendions qu’on nous parle, non qu’on nous récite lugubrement la doxa.

 « Si vous ne dites rien (que du creux, que du consensuel, que de l’évident…) ne vous  étonnez pas si on ne vous écoute pas. » (Nicolas Sarkozy)

« Ici  Radio Pouvoir, les énarques parlent aux énarques. Trois verbes, guère plus : impulser, initier, décliner, et tout est dit. Qui lit un ministre lit un membre de son cabinet. Qui lit ce conseiller ne lit personne. Si grande est la peur de dire de nos politiques, et si fort leur besoin de parler, qu’ils s’en sortent par ces phrases décolorées, coulantes, vagues et molles qui ne méritent en rien l’appellation de ‘langue de bois’ pour qui aime ce noble matériau. » (Michel Schneider)

« La perception du langage qui prévaut dans nos démocraties policées est la même que celle des pays totalitaires : elle repose sur le nominalisme, l’amalgame et le manichéisme (les structures mentales de l’intolérance) … A la langue de bois nazie ou stalinienne a succédé la langue de bois du consensus et de la vertu. » (Alain-Gérard Slama)

Si vous devez avoir une parole qu’elle ne soit pas : « Insignifiante à force de circonspection, zélée à confondre la prudence avec la pusillanimité, préférant le silence au risque, le conformisme à la contradiction, la certitude de décevoir au péril de déplaire… qu’elle ne soit pas toujours prête à dire ce qu’il ne faut pas penser, mais jamais ce qu’elle pense, elle, ce qui serait d’ailleurs inutile pour une parole qui s’exprime toujours à l’unisson de la vulgate médiatique. » (abbé Guillaume de Tanoüarn).

« L’incohérence du discours a pour analogue l’effritement des responsabilités, les actions, comme les idées, perdent toute cohérence interne : on fait écho à tout, on ne répond à rien et de rien. » (Gustave Thibon)

« L’herbe ne pousse jamais sur la route où tout le monde passe. » (proverbe)

« Dans toute entreprise totalitaire dont le but est la métamorphose de l’humain, le langage joue un rôle majeur. » (?)

Ci-dessous, extraits simplifiées et remaniés de l’ouvrage de Françoise Thom, La langue de bois. L’auteur se concentre sur son utilisation démentielle par le système communiste, mais cet outil totalitaire et démoniaque est aussi largement utilisé en démocratie.

 « C’est toujours le principe d’individuation, l’essence des êtres et des choses qu’elle vise … que ce soit la substitution de la valeur au sens, l’ostracisme des embrayeurs, la répugnance aux verbes, l’accent mis sur les processus, l’absence d’initiative du locuteur dans son discours, tout dans la langue de bois  concourt à effacer la singularité … Elle promet une toute-puissance imminente, pratique la séduction de la pensée facile et du discours mécanique … Avant d’être imposée par la terreur, elle l’est par le snobisme. En jonglant avec les termes savants, on en jette plein la vue, la volonté de ne pas passer pour un plouc joue un rôle important dans l’implantation de la langue de bois – Série d’incantations magiques déguisées en chaîne d’axiomes nécessaires ; combinaison du style impersonnel avec le discours volontariste ; confusion entre discours descriptif et propos normatif ; multiplication des expressions de l’inéluctable d’un côté, tandis que de l’autre elle accumule les impératifs et les exhortations, la nécessité historique se transforme  subrepticement en  impératif moral ; style plein d’abstractions et de redondances, fuyant la précision , où le nom appelle son adjectif, le verbe son complément attitré ; chaque affirmation implique un jugement de valeur,  chargée d’agressivité, balançant entre l’invective et l’eulogie – Substantivation : recul des subordonnées  circonstancielles systématiquement remplacées par des noms précédés d’une préposition (par décision, par le développement, par l’élaboration…), ‘La plupart des verbes expriment des choses vraies tandis que les substantifs sont le paradis des formations vaines’ (Paul Valéry), les verbes se prêtent moins bien aux jugements de valeur –  Trois procédés évitant de recourir trop souvent au mensonge pur et simple détectable, et permettant d’encourager des inférences erronées,  de dévier le raisonnement, de fermer  subrepticement des voies d’accès à la vérité soit – L’occultation : escamotage des liens et causes des phénomènes  –  L’illustration : sélection de faits emblématiques, isolement du contexte, montage en épingle, destruction du sens de la proportion  – La diversion : renvoi des maux existants ici dans le camp adverse, faux parallélismes, analogies illusoires – Et aussi, la répétition qui provoque dans les esprits une torpeur propice, un état hypnotique (utilisée par François Hollande : ‘Moi président…’)  – L’absence d’embrayeurs : essentiellement les pronoms de la première et deuxième personne. Le pronom ‘je’ a pratiquement disparu, comme le pronom ‘tu’. Le ‘nous ‘ (l’union) est invoqué presque à chaque ligne (opposé à ‘ils’, ennemis). L’opposition ’je/tu’  remplacée par l’opposition  ‘eux /nous’  – Tournures passives et impersonnelles (s’est renforcé le lien, des vœux furent exprimés, une attention particulièrement grande  fut accordée…)  – Les comparatifs (contradictions plus profondes,  place toujours plus importante, conflit plus aigu, évidence toujours plus claire…) – Le mode impératif, incitatif, ordre, exhortation (doit, doivent, il faut… ) – Les mots, vocabulaire appauvri, ne tirent pas leur sens d’un contact avec la réalité, ne renvoient pas au réel, mais se réfèrent à une grille d’interprétations préalables, se réfèrent à des idées clés,  des analogies-forces (manichéisme d’un monde divisé en deux camps adverses et irréconciliables, d’où l’emprunt de termes au registre militaire), aucun mot n’est innocent, tous sont préinterprétés, à défaut il est flanqué d’un adjectif qui le situe d’un côté ou de l’autre (‘forces’ ne se présente jamais seul, les forces sont progressistes ou réactionnaires). ‘On changea jusqu’au sens usuel des mots par rapport aux actes’ (Thucydide) –  Les adjectifs n’ont aucun sens, ils ne servent qu’à marquer d’un signe positif ou négatif (élevé/bas, large/étroit, proche/éloigné… ) leur répartition est presque rituelle (proche signifie proche des masses…) – La métaphore de l’organisme : elle impose l’idée du déterminisme et atteste la persévérance d’une nature donnée dans son être (du mauvais, capitalisme,  il ne peut sortir que du mauvais ; du bon, socialisme, que du bon) ; la partie est subordonnée au tout (dissidents : éléments isolés ; pénuries : insuffisances locales…) ; l’analogie organique permet de valoriser l’Un au détriment du Multiple – Notion de reflet : les phénomènes n’ont aucune existence propre, ils ne font que refléter, le monde est recouvert de masques qu’il importe d’arracher (découvertes flatteuses pour l’esprit !), révélations et accès à des coulisses (dévoilement) – Abus des mots composés, des néologismes, de périphrases longues et inopportunes (l’avant-garde progressiste de la classe ouvrière, le  grand leader du prolétariat mondial…), des superlatifs,  de la glorification élogieuse et des insultes, des euphémismes (pour évoquer les difficultés…)  – Résorber les éléments rétifs du réel grâce au manichéisme de l’idéologie en utilisant la bipolarité ainsi obtenue, organisée autour de l’option fondamentale progressiste/réactionnaire et d’une série de couples antithétiques : forme/contenu, concret/abstrait, objectif/subjectif, tout/partie, etc. , de façon  à faire perdre l’objet de vue (la révolution iranienne était religieuse, mais seulement par la forme,  son contenu révélait de toute évidence la lutte des classes) – Ne pouvant les supprimer entièrement, elle fait de ses adversaires des effigies grossières et haïssables qu’elle couvre d’invectives, on ne s’attaque pas à des opinions mais à des pantins, tout ce qu’ils peuvent dire est disqualifié d’avance, seul le principe pervers dont ils émanent importe ; tactique qui réussit à paralyser l’ennemi et le pousse à multiplier les concessions et à se livrer presque sans combat. L’intentionnalité tous azimuts se substitue à la perception   – Alternance  du style scientifique et du  pathos. Surgissement du pathos au moment où le Vrai est révélé, l’émotion l’emporte, le pathétique intervient qui suspend le jugement. »

« La langue de bois est l’organe central de l’Etat totalitaire. »

« Dans le cas d’un langage idéologique, il ne reste plus rien à penser ; le système est au point une fois pour toutes. »

  • Langue de coton

François-Bernard Huyghe décrit une langue un peu différente, même si elle poursuit un but identique (endormir et abrutir les gens), dans son ouvrage La langue de coton. J’ai dû simplifier pour condenser une pensée très vaste.

 « C’est la langue sans réplique, elle a réponse à tout … ses propositions laissent une telle place à l’interprétation que chacun est libre de comprendre ce qu’il espère. Elle proclame des vérités si vastes que le sujet n’a aucune chance d’y échapper ou bien elle formule des jugements moraux incontestables … On ne peut jamais la contredire, on ne peut affirmer le contraire sans ridicule, absurdité, vice … La phrase doit pouvoir convenir à la France de jadis, au Japon contemporain ou à une PME … Comment font les médiatiques et les prolifiques, les politiques de métier… pour avoir réponse à tout et répondre à tous, n’être jamais en panne d’informations, d’explications, de concepts, de programmes et d’opinions… sur les sujets les plus ‘tartignoles’ … Quelques poncifs, un bon vocabulaire de base, un petit lexique, c’est-à-dire un stock, une réserve, de mots constamment mis à jour et des techniques simples vont suffire … tout est traité sur le même ton (calme, posé, assuré) … Il est recommandé, pour ‘être à l’écoute’ d’opposer ce ‘parler vrai’ (invention rocardienne) à la langue de bois … La LDC ( langue de coton) n’est pas agressive comme peut l’être la LDB (langue de bois), elle ne s’impose pas par la force, mais par l’imprégnation, elle explique, évalue, décrit, commente (le commentaire, cette idole des média) … Demi-culture (métissage culturel) elle picore partout pour faire illusion (citations, références, termes scientifiques, vocabulaire psy, textes, livres, auteurs, théories, concepts, idées – le tout caricaturé, réemployé, déformé…), mais avec légèreté, distanciation, ironie (par exemple : ‘comme aurait dit Comte-Sponville’)… Autorité, complicité, nouveauté, familiarité … Surabondance verbale (langue kitsch), clichés pour que le gogo s’y retrouve, efficacité, humanisme … Anglicismes sans excès (feedback…), inventions verbales, (culture-clip…), noms propres (deloromania, gorbymania…) … Utilisation du concept tout terrain, mots dits 4 x 4 (tolérance, complexité…) … Brouilleurs de sens (se situer par rapport, logique de… culture de…) … Déclencheurs : locution (jugements de valeur)  dont la seule énonciation suscite l’adhésion ou le rejet (exclusion, racisme, fascisme…) sans prendre le risque d’expliquer de quoi ou de qui il s’agit … Surligneurs (Réguler mieux que régler, authentique mieux que vrai, performant mieux qu’efficace) … Tout événement est significatif (révélateur de… emblématique, symbolique…)»

Lexique très réduit, tiré de plus de 700 termes fort utiles : Acceptabilité, Archaïque, Autonomie, Banaliser, Challenge, Conjecture, Défi, Déclin, Décrypter, Diaboliser, Diagnostic, Emblématique, Espace, Exclusion, Exode, Faisabilité, Gérer, Gratifiant, Handicap,, Hyper, Incontournable, Insertion, Interpeller, Maîtrise, Médiation, Motiver, Norme, Nostalgie, Opportunité, Performant, Pluriel, Privilégier, Question, Réconcilier, Relation, Ressourcer, Sclérose, Stratégie, Synergie, Tentation, Transparence, Ubuesque, Valeur, Vécu, Victime, Vigilance… – Démarche d’excellence, questionner les enjeux, articuler les ambitions, définir les leviers d’animation – « Ne pas négliger aussi  le vertigineux commerce au détail de mots comme ‘amour’, ‘générosité’, ‘solidarité’, ‘morale’, ‘révolution’, ‘courage’, ‘compassion…» (Piergiogio Bellocchio) – Voir aussi listes de termes à la rubrique précédente, Mots, 470, 2

 Quelques exemples d’expressions : – ‘Une fraction de la population ne disposant pas des informations et des outils culturels nécessaires à la bonne appréciation de la conjoncture’ (désigne les gens qui ne votent pas bien) – ‘Le réveil de cette fin de siècle doit être celui de la pensée’ (laquelle aurait disparue ou se serait endormie) – ‘Dans notre société, l’acceptation de la marginalisation a dépassé le stade de l’acceptabilité’ (efficacité, humanisme, compréhension, aucun engagement : réponse parfaite à n’importe quelle exclusion, inégalité) – ‘Comment créer des espaces de liberté qui correspondent aux aspirations de la nouvelle génération ?’ (réponse à la question du tagging)

 Quelques maîtres parmi tant d’éminents : Jean Baudrillard, Pierre Bourdieu, Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing, Jean-François Kahn, Bernard Henri-Lévy, Edgar Morin, Michel Rocard, Jean-Jacques Servan-Schreiber…

« Le but du Novlangue était, non seulement de fournir un mode d’expression aux idées générales et aux habitudes mentales des dévots de l’Angsoc (socialisme anglais), mais de rendre impossible tout autre mode de pensée. Il était entendu que lorsque le Novlangue serait une fois pour toutes adopté et que l’Ancilangue serait oublié, une idée hérétique, c’est-à-dire une idée s’écartant des principes de l’Angsoc, serait littéralement impensable, du moins dans la mesure où la pensée dépend des mots … Vocabulaire au service des idées qu’un membre du Parti désirait communiquer (soit répandre des opinions correctes aussi automatiquement qu’une mitrailleuse sème des balles), il excluait toutes les autres idées et même la possibilité d’y arriver par des méthodes indirectes. L’invention de mots nouveaux, l’élimination surtout des mots indésirables, la suppression dans les mots restants de toute signification non orthodoxe et, autant que possible, de toute signification secondaire, quelle qu’elle fût, contribuaient à ce résultat … Ce que l’on voulait obtenir … c’étaient des mots abrégés et courts, d’un sens précis, qui pouvaient être rapidement prononcés et éveillaient le minimum d’écho dans l’esprit de celui qui parlait … Une élocution volubile, à la fois martelée et monotone. Et c’était exactement à quoi l’on visait … rendre l’élocution autant que possible indépendante de la conscience, spécialement sur des sujets qui ne seraient pas idéologiquement neutres … On imaginait constamment le moyen de réduire le choix des mots … de l’appauvrir. Chaque réduction était un gain puisque, moins le choix est étendu, moindre est la tentation de réfléchir. » (George Orwell – 1984) – Ne croirait-on pas entendre si souvent éructer avec un bel ensemble les excellences du groupe politico-médiatique dominant.

Ci-dessous, extraits du livre de Sebastian Dieguez, Total bullshit, au cœur de la post-vérité, en partie consacré à l’ouvrage de Harry G. Frankfurt, On bullshit – De l’art de dire des conneries (auteur et livre analysé par ci par là). A pondérer du fait, souligné par le premier auteur que respecter la vérité est loin d’être toujours une priorité (politesse, prévenance, tact, respect de l’ambiance, ne pas contrer, sauver la face, se contenter d’allusion…) ce qui nous entraîne à bullshiter (s’écarter de la vérité, de la réalité), mais là de façon honorable et même parfois vertueuse afin de sauvegarder le lien social (toute vérité n’est pas bonne à dire).

« La post-vérité désignerait des « circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour former l’opinion publique que l’appel à l’émotion et aux croyances personnelles. » (dictionnaire d’Oxford)

« Dans la post-vérité, on ne délibère pas : on acquiesce ou on rejette. Le vrai est avec nous, le faux est contre nous, c’est tout simple … Indifférence à l’égard de la vérité (alors que le mensonge garde une ‘sorte de lien’ avec les ‘données du monde réel’ – George Orwell – le mensonge est asséné par le locuteur comme s’il était cru alors qu’il ne l’est pas) … Puisqu’en fonction de la transparence et de la moralisation obligatoires il n’est plus possible (ou toléré) de mentir, il faut baratiner, enfumer, intimider et produire toutes sortes de foutaises, du vent, bluff, rodomontades, bidonnage, l’outrance et l’aplomb du camelot … Métaphores hasardeuses et pompeuses, emballement surjoué, fraternité de pacotille, obséquiosité, lyrisme, flatteries, patriotisme, optimisme béat, anti-élitisme de circonstance, grands défis qui nous attendent, poncifs, remplissage, promesses gratuites, prétention, appel au rassemblement, parler au-delà de ce qu’admet la situation … Désinvolture, irrespect, indifférence par rapport à la réalité et à la vérité, manque de sérieux, souci de la présentation de soi, ‘s’en tirer à bon compte’, ‘marquer des points à peu de frais’, ‘s’en sortir’, cacher l’incompétence … Impliqué par la notion démocratique qu’il faudrait avoir une opinion sur tout (nocivité des sondages) et par la substitution de l’idéal de ‘correction’ par celui de ‘sincérité’ … L’emphase du discours politique, paradigme du bullshit, le discours des ‘Comices Agricoles’ dans ‘Madame Bovary’ … Le bullshit ne peut  émerger, et surtout être toléré, que lorsqu’une dissociation complète a été opérée entre le fait d’avoir raison et l’impression d’être sincère, et que la seconde l’emporte toujours sur le premier … Le test de Shaw pour démasquer celui qui bullshit :  le forcer à s’expliquer, à détailler ses informations en le forçant à rester sur la question en discussion :  ‘Vous y croyez vraiment ?’ ou ‘C’est vraiment ce que vous voulez dire ?’ ;  ou bien démasquer des énoncés, des affirmations ou des textes qui n’ont pas de sens, ou dont le sens est obscur et inclarifiable, intraduisible en termes simples (‘Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement’… Boileau). »

 

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