425,1 – Imagination

– S’en méfier sans surtout la tuer. Mais quand elle part à bride abattue rappelons-nous que nous n’existons que dans l’Ici et le Maintenant et que toute échappée prolongée est vaine.

– Elle exagère toujours et représente les situations comme meilleures ou pires qu’elles ne le sont ou le seront.

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« Imagination toujours ramenée ; mais il faut qu’elle bondisse d’abord. » (Alain)

« Les heures d’insomnie …  ne sont si redoutées que parce que l’imagination est alors trop libre et n’a point d’objets réels à considérer. » (Alain – Propos sur le bonheur)

« Intrinsèque au processus même de la représentation, elle se saisit d’une expérience incomplète de la vie et la façonne, à travers l’association, la condensation et la création esthétique, pour lui donner une certaine forme spécifique. » (Jeffrey Alexander – définissant l’imagination)

« L’imagination n’invite pas seulement à se représenter une chose absente, elle requiert que l’on se mette ‘à la place de tout autre’ … Nous ne sommes ni dans la fusion communielle, ni la vérité consensuelle, ni dans la proximité sociologique. Nous tentons au contraire d’imaginer à quoi ressemblerait notre pensée si elle était ailleurs … L’imagination s’arrache, et nous arrache, à l’immédiateté qui engendre l’activité routinière et annihile la conscience, à l’immédiateté des règles communément admises. » (Myriam Revault d’Allonnes)

« Les choses ne sont pas le centième de ce dont on les rêve quand on a de l’imagination. La perspective agrandit tout, et le contact diminue tout. De loin, c’est quelque chose,   et de près, ce n’est rien. » (Henri-Frédéric Amiel)

« Les masses modernes ne croient plus à rien de visible, à la réalité de leur propre expérience ; elles ne font confiance ni à leurs yeux ni à leurs oreilles, mais à leur seule imagination, qui se laisse séduire par tout ce qui est cohérent en soi. La propagande totalitaire fleurit dans cette fuite de la réalité sur la fiction. » (Hannah Arendt) – Et c’est bien pour entretenir cette tendance imaginative si utile aux pouvoirs en désarmant tout raisonnement que les média développent tant de fictions, pour ancrer le : rien n’est vrai, tout est possible, rien n’importe vraiment….

« Effacer ce qui est l’imagination, réprimer l’impulsion, éteindre le désir ; rester maître de sa faculté directive … Efface l’imagination. Arrête cette agitation de pantin … Circonscris le moment actuel. Comprends ce qui t’arrive. Distingue et analyse, en l’objet qui t’occupe, sa cause et sa matière. » (Marc-Aurèle)

« Ne dis rien de plus à toi-même que ce que t’annoncent directement tes représentations. Restes-en toujours aux représentations immédiates ; n’y ajoute rien au-dedans de toi-même. » (Marc-Aurèle)

« Que fais-tu donc ici Imagination ? Vas-t-en, par les Dieux, comme tu es venue. Je n’ai pas besoin de toi. Tu es venue, selon ta vieille habitude ; je ne t’en veux pas ; seulement retire-toi. » (Marc Aurèle)

« L’imagination trouve plus de réalité à ce qui se cache qu’à ce qui se montre. » (Gaston Bachelard)

« L’imaginaire est la faculté de s’absenter du monde. » (Gaston Bachelard)

« L’imagination travaille en dépit des oppositions de l’expérience. On ne se détache pas du merveilleux une fois qu’on lui a donné sa créance et pendant longtemps on s’attache à rationaliser la merveille plutôt qu’à la détruire. » (Gaston Bachelard)

« Il faut que la volonté imagine trop pour réaliser assez. » (Gaston Bachelard)

« On veut toujours que l’imagination soit la faculté de ‘former’ des images. Or elle est plutôt la faculté de ‘déformer’ les images fournies par la perception, de nous libérer les images premières, de changer les images. S’il n’y a pas changement d’images, union inattendue des images, il n’y a pas imagination. Si une image présente ne fait pas penser à une image absente, il n’y a pas imagination. Il y a perception, souvenir d’une perception, mémoire familière … Le vocable fondamental qui correspond à l’imagination, ce n’est pas image, c’est imaginaire. La valeur d’une image se mesure à l’étendue de son auréole imaginaire. » (Gaston Bachelard)

« En fait d’imagination, en médite qui veut, en a qui peut. » (Anne Barratin)

« Celui qui n’aime pas mieux ce qu’elle va dire (l’imagination) que ce qu’elle dit, ne l’aime pas complètement. » (Anne Barratin)

« Comme l’imagination a créé le monde, elle le gouverne … Elle est positivement orientée avec l’infini. » (Baudelaire)

« ‘Vivre dans la pure réalité impliquerait d’être toujours dans l’ici (le lieu où je me tiens) et dans le maintenant (le temps présent)’ (Clément Rosset) … Or tout être en même temps vit également ailleurs et naguère, pouvoirs de la mémoire et de l’imagination, soit les facultés de rendre présent ce qui est absent. » (tiré de Jean Baudrillard)

« L’imaginaire est indispensable à la vie du groupe … La ‘conscience collective’ de Durkheim … L’imaginaire collectif est une réalité. Le groupe se structure par des représentations et des images communes … relatives à leurs origines ou à leur histoire. Que ces croyances renvoient à une réalité objective ou à une réalité  idéalisée ou à un ‘mythe’ n’a aucune importance. Il suffit qu’elles évoquent un moment fondateur … Le mythe est agissant, non bien qu’il ne soit qu’un mythe, mais au contraire parce qu’il en est un. » (Alain de Benoist) –Des sociétés, communautés. En général notions globales et plus ou moins abstraites : république, démocratie, patrie, identité… personnages ou événements fondateurs : Arminius, Vercingétorix, Clovis, Charles Martel, Jeanne d’Arc… ou Batailles de Poitiers, Bouvines, Valmy…

« Ne pas plier les choses à son idée au lieu de régler sa pensée sur les choses. » (Henri  Bergson)

« Imagination : entrepôt d’idées où le poète et le menteur sont copropriétaires. » (Ambrose Bierce)

« Ce qui est maintenant prouvé a été d’abord imaginé. » (William Blake)

« La maîtresse faculté de l’artiste, l’imagination, est naturellement et passionnément anarchique. » (Léon Bloy)

« C’est dans l’ennui que se compostent les sensations, les rêveries, l’attention aux choses, le sentiment de l’ambiance, etc., d’où germera l’imagination qui inventera d’échapper à l’ennui par ses propres moyens. » (Baudouin de Bodinat)

« ‘Tant qu’on n’a pas imaginé qu’une chose pourrait ne pas être, on ne sait pas ce qu’elle est’ … Tant qu’on n’a pas imaginé qu’ils pourraient ne pas être, on ne sait pas ce qu’ils nous sont. » (Baudouin de Bodinat – citant le Principe de Chesterton et s’en inspirant)

« Votre imagination est une source intarissable des idées les plus belles et les plus variées … Servez-vous en pour inventer. Mais retenez-la quand il s’agit de corriger vos ouvrages ou de  régler votre conduite. Ne souffrez pas qu’elle entre dans le département du jugement. Ils ne marchent pas bien ensemble …  La nature donne l’imagination, elle ne  donne pas la puissance d’acquérir le jugement. L’une ne demande que la nature, l’autre veut être formé. »  (lord Bolingbroke – cité par Marc Fumaroli)

« Orwell pense que le langage souffre de façon inévitable quand l’atmosphère se dégrade. Karl Kraus soutient, pour sa part, et considère même comme une sorte d’axiome que, pour que l’atmosphère finisse par devenir aussi mauvaise et même empoisonnée qu’elle l’était par exemple à la veille du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il faut que le langage et avec lui la pensée et l’imagination, aient commencé déjà depuis un bon moment à se dégrader. » (Jacques Bouveresse – résumant Karl Kraus) – Considérant notre langage actuel, nous sommes proches de l’abime, d’ailleurs tout le monde le sait.

« La multiplication des projets d’aménagement de certains sites tels la forêt de Brocéliande menacée d’être affublée d’un château du Graal ou Auvers-sur-Oise où ‘grâce aux techniques les plus modernes et les plus sophistiquées (ambiance rendue par bande-son, reconstitution de décors des plus fidèles, projection d’images sur des supports inhabituels, effets spéciaux) le visiteur pourra se replonger dans l’époque des impressionnistes’, a révélé jusqu’au ridicule de quelle détermination d’occuper tout l’espace mais aussi de mobiliser la vue et l’ouïe naissent tous ces substituts destinés à prévenir tout élan de l’imaginaire. » (Annie Le Brun) – La furieuse fureur des aménageurs. Comme si les hideux ronds-points ne suffisaient pas ni à leur démence ni à leur cupidité. Ne pas laisser voir, dicter, imposer quoi et comment voir ; mépris de dominants.

« Il est pour le moins imprudent d’abandonner un bien qu’on possède pour un autre qu’on imagine ; le résultat pourrait être fort décevant. » (Roger Caillois) – A tous les aspirants au divorce, combien s’y sont laissé prendre.

« L’animal possède une imagination et une intelligence pratiques, tandis que l’homme seul a développé une fore nouvelle : une imagination et une intelligence symbolique. » (Ernst Cassirer)

« L’imagination n’est pas simplement la capacité de combiner des éléments déjà donnés pour produire une autre variante d’une forme déjà donnée ; l’imagination est la capacité de poser de nouvelles formes. Certes, cette nouvelle forme utilise des éléments qui sont déjà là, mais la forme est nouvelle … L’imagination c’est ce qui nous permet de nous créer un monde, soit de nous présenter quelque chose de laquelle, sans l’imagination, nous ne saurions rien, nous ne saurions rien dire. » (Cornelius Castoriadis)

« ‘Jamais l’âme ne pense sans phantasme’ (Aristote) … Le phantasme n’est pas ‘rien’ puisque non seulement ‘nous l’avons’, mais qu’il est nécessairement impliqué dans le penser, qu’il est impossible de penser sans phantasme. Il n’est pas rien mais on ne sait pas ce qu’il est … Il est comme le ‘sensible’ mais ‘sans matière’ … Il s’ajoute à ce qui est ‘sensible’ ou ‘intelligible’ ; il se retrouve tantôt dans l’Un et tantôt dans l’Autre, sans être l’Un ou l’Autre … Les phantasmes sont comme des sensations, mais  sans matière … Impossible de parler d’action sans ‘délibération’ concernant l’avenir, et de ‘délibération’ sans imagination, soit sans position/présentation d’ensembles  d’images unifiées de ce qui n’est pas là … Aristote reconnaissait un élément qui ne se laisse saisir ni dans l’espace défini par le sensible et l’intelligible, ni dans celui défini par le vrai et le faux, et, derrière eux, par l’être et le non-être … Ce qui fait éclater aussi bien la théorie des déterminations de l’être que celle des déterminations du savoir. » (Cornelius Castoriadis – sur nos représentations imaginaires mettant en scène des désirs plus ou moins refoulés)

« L’imagination est ce qui permet, en inventant, en créant, de voir au-delà de l’évidence. C’est utile dans tous les aspects de la vie, notamment pour sortir des crises. » (Laure de Cazenove)

« Plus les peuples avancent en civilisation, plus l’état du vague des passions augmente. Le grand nombre d’exemples qu’on a sous les yeux, la multitude de livres qui traitent de l’homme et de ses sentiments rendent habile sans expérience. On est détrompé sans avoir joui ; il reste encore des désirs, et l’on n’a plus d’illusions. L’imagination est riche, abondante et merveilleuse, l’existence pauvre, sèche et désenchantée. On habite, avec un cœur plein, un monde vide, et, sans avoir usé de rien, on est désabusé de tout. » (Chateaubriand)

« L’homme est capable de faire ce qu’il est incapable d’imaginer. » (René Char)

« Il y a trois ans, à peu près, un jeune poète Pierre Oster est venu me demander d’écrire une préface à un volume des œuvres complètes de Jean Paulhan. J’ai refusé. J’ai considéré alors que Paulhan était devenu mon ennemi et ne l’ai plus revu. J’ai dit à tout le monde que nous étions brouillés, que Paulhan était vindicatif. Or l’autre jour je rencontre Pierre Oster et le rend plus ou moins responsable de cette brouille. Je lui demande en quels termes il a présenté mon refus à Paulhan. Il me répond qu’il n’en avait pas parlé du tout …  et que Paulhan n’avait pas été informé de ma réponse négative. Pendant trois ans j’ai vécu sur l’idée de la ‘vengeance’ de Paulhan, or cette vengeance n’était qu’une idée forgée dans mon esprit. » (Emil Cioran) – Les méfaits de l’imagination ou du mécanisme pervers de projection par lequel on prête son idée, sa propre vision, à autrui, on l’invente.

« L’ordre est le plaisir de la raison ; mais le désordre est le délice de l’imagination. » (Paul Claudel – Le soulier de satin)

« L’imagination évoque exclusivement la partie objective de nos souvenirs, jamais la partie individuelle ou subjective, le rêve et l’imagination nous donnent à voir le monde comme s’il était vu par un autre, d’ailleurs parfaitement anonyme. » (Alain Cugno)

« Quoi que vous puisiez imaginer, cela s’est déjà produit, ou le sera. » (Maurice G. Dantec)

« Il y a plusieurs hommes qui sont tellement accoutumés à considérer les choses par l’imagination, qui ne vaut que pour les choses matérielles, que tout ce qui n’est pas imaginable leur apparaît inintelligible. » (Descartes)

« Millénarismes et utopies ont été et sont des phénomènes de l’imagination collective devenant imagination constituante. » (Henri Desroche)

« La force de l’imaginaire ! On s’imagine que l’imaginaire, c’est léger, c’est futile ! Alors que c’est primordial ! Seulement, il faut faire attention ! Lorsqu’on a la prétention, comme moi, d’entraîner les gens dans l’imaginaire, il faut pouvoir les ramener dans le réel, ensuite et sans dommage ! C’est une responsabilité ! Parce que vous entraînez les gens dans l’imaginaire et puis, il y en a qui vont plus loin que vous ! Et vous rentrez tout seul ! » (Raymond Devos)

«  La réconciliation avec le réel, et l‘assurance de la réalité de lui-même ; voilà ce que l’imagination retarde, gâche, interdit. » (Christophe Donner)

 « Comment se débrouiller pour que la représentation de soi échappe au poison de l’imagination ? » (Christophe Donner )

 « La grande masse des enfants, comme la grande masse des adultes, est plutôt encline à aimer tout ce qui ressort de l’imagination pure, toujours plus portée vers l’évasion, l’oubli de soi, la distraction, la passivité, plutôt que vers l’aventure, la conscience de soi, la vérité, le courage. » (Christophe Donner ) 

« L’imagination n’est libre de rien. Elle ne respire pas, elle ne pense qu’à elle, elle s’appuie partout, sur le style, sur la réalité, sur la douleur, le deuil, l’amour, elle touche à tout comme une vieille avare désespérée qui sait que tout lui échappe et qu’elle va s’éteindre sans avoir rien été, ni souffrante, ni amoureuse, ni véridique . » (Christophe Donner) 

« Avoir de l’imagination, c’est jouir d’une richesse intérieure, d’un flux ininterrompu et spontané d’images (‘imago’ et ‘imitor’) … L’imagination imite des modèles exemplaires, les ‘images’, les reproduit, les réactualise. Avoir de l’imagination, c’est voir le monde dans sa totalité ; car c’est le pouvoir et la mission des images de ‘montrer’ tout ce qui demeure réfractaire au concept. » (Mircea Eliade – Images et symboles)

« Ce qui est maintenant prouvé ne fut autrefois qu’imaginé. » (Paul Eluard)

« L’imagination est le matin de l’esprit, la mémoire en est le soir. » (Ralph Emerson)

« La connaissance est l’exil de l’imagination. » (Raphaël Enthoven)

« Les gens sont troublés non par les choses, mais par l’image qu’ils s’en font. » (Epictète)

« Fais attention à tes représentations, veille bien ; car ce que tu as à conserver n’est pas peu de chose, c’est la réserve, la fidélité, le calme, l’impassibilité, l’absence de peine, de crainte, de trouble, en un mot la liberté. » (Epictète)

« Imagination. – Toujours vive. S’en défier. La dénigrer chez les autres. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)

« Quel esprit ne bat la campagne ? – Qui ne fait châteaux en Espagne ? – Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux – Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes. » (La Fontaine – La laitière et le pot au lait)

« Le pouvoir départi à l’homme de se concevoir autre qu’il n’est. » (Jules de Gaultier – définissant le bovarysme)

« L’imagination porte bien plus loin que la vue. » (Baltasar Gracian)

« Modérer son imagination. Autrement, elle prend un empire tyrannique sur nous, et, sortant des bornes de la spéculation, elle se rend si fort la maîtresse que la vie est heureuse ou malheureuse selon les différentes idées qu’elle nous imprime. » (Baltasar Gracian)

« En passant de l’imagination à la perception, on a le sentiment de passer de l’absolu au relatif. La plénitude imaginée dans l’une s’est éventée dans ce qu’on observe de l’autre. » (Nicolas Grimaldi)

« Reine des facultés, l’imagination ne l’est autant qu’elle semble nous livrer un royaume où il n’y a rien qui ne soit à notre convenance et à notre merci … Ni résistance ni obstacle : là tout est à notre discrétion. » (Nicolas Grimaldi)

« L’imagination nous persuade que, lorsqu’il arrivera, l’avenir sera en tout semblable à ce qu’elle nous en représentait … pour fallacieux que soient ses grossissements et ses raccourcis, ils ne suffiraient pourtant pas à faire de l’imagination une ordinaire folie si elle n’avait le pouvoir de donner à ce qu’elle représente le caractère de l’obsession … Combien de fois notre imagination ne s’est-elle emparée de nous, sans que nous puissions nous soustraire à ce qu’elle nous représente ? … Qu’est-ce qu’attendre, prévoir, projeter, anticiper, si ce n’est toujours de quelque façon imaginer ? … Elle structure, elle oriente, elle mobilise, elle magnétise toute notre existence. C’est elle qui lui fixe ses buts et lui donne sa tonalité … Comme les œuvres d’art, nos imaginations sont des mondes clos, sans plus de rapport à rien qui les précède ou les suive qu’à rien qui les entoure. » (Nicolas Grimaldi) – Suite de considérations éparses sur l’imagination.

« Nos chimères sont ce qui nous ressemble le mieux. » (Victor Hugo)

« Si la raison c’est l’intelligence en exercice, l’imagination c’est l’intelligence en érection. » (Victor Hugo)

« Dans le couple classique théorie/pratique, où la théorie orientait la pratique, c’est l’imagination qui tend désormais à prendre le rôle recteur … Les biotechnologies marquent le   triomphe de l’imagination … La technique était limitée par la réalité de ce qu’on savait et devait être limitée par la réalité supposée de ce qu’on ne savait pas … Les biotechnologies  nous offrent la vision d’un monde possible où le savoir et la technique sont rétrogradés au rang de servants de l’imagination, triomphe de l’imagination … L’imagination  est vouée à l’irréalité … Le posthumanisme ne compte plus maintenant sur les ressources internes de l‘homme pour s’améliorer mais sur la technique .. Le but affiché est non pas d’épanouir nos dispositions propres, mais d’abolir les frontières de notre finitude par l’ajout de toutes sortes de béquilles  technologiques … Ce n’est plus le savoir, mais l’imagination qui guide l’action, le savoir est au service de l’imagination. » (Mark Hunyadi)

« Notre imagination supplée à notre fragilité. Sans elle  qui confère au réel un sens qu’il ne possède pas en lui-même, nous aurions déjà disparu. » (Nancy Huston – L’espèce fabulatrice

« Ce qui existe dans les têtes humaines existe réellement, il n’y a qu’à regarder les résultats. » (Nancy Huston)

« Le démon ne peut rien sur la volonté, très peu sur l’intelligence et tout sur l’imagination. » (Joris-Karl Huysmans)

« Tu n’as donc pas d’imagination ? Il y a plusieurs réalités ! Choisis celle qui te convient. Evade-toi dans l’imaginaire. » (Ionesco – Le rhinocéros)

« Mentalement, la légende de Jeanne d’Arc reproduite, enrichie dans la suite des générations, avait plus de richesse, plus de liens affectifs et imaginaires avec l’événement que sa transmission télémédiatique, cinématographique, fût-elle signée par des metteurs en scène de talent … La fabrication d’images, filles bavardes des sciences abstraites, banalise l’imaginaire, l’appauvrit, l’instrumentalise, le met à la portée de tous, l’altère. » (Claude Jannoud) – Tel personnage est réduit à ne plus nous apparaître que comme Alain Delon ou Catherine Deneuve…

« L’imagination est éminemment la faculté de revêtir de corps et de figure ce qui n’en a pas. L’imagination est peintre. Elle revêt d’images … Elle a fait plus de découvertes que les yeux. » (Joseph Joubert)

« Qu’il faut à l’esprit un monde fantastique où il puisse se mouvoir et se promener. Et qu’il s’y plaît non pas tant par les objets que par l’espace qu’il y trouve. Comme les enfants aiment le sable et l’eau et tout ce qui est fluide et flexible, parce qu’ils en disposent à leur gré. » (Joseph Joubert)

« L’imagination a fait plus de découvertes que  les yeux. » (Joseph Joubert)

« L’imagination est le goût. La raison est sans appétits, la vérité et la justesse lui suffisent. » (Joseph Joubert)

« Tout se peint dans l’imagination et rien ne s’y dessine. » (Joseph Joubert)

« L’imagination, dans ce qu’elle a de meilleur, est l’intelligence des choses invisibles, la  faculté de se les représenter. » (Joseph Joubert)

« Car, alors que pour l’homme l’imagination n’est qu’une composante partielle de la pensée, pour la femme elle en représente la totalité. » (Kierkegaard) – Du moins selon l’auteur !

« La loi de l’inertie s’applique à l’imagination. Nous ne pouvons pas croire que demain sera différent d’aujourd’hui. » (Arthur Koestler)

« L’imagination nous laisse à nous-même. » (Louis Lavelle)

« Il y a peu de rues au monde qui soient si riches en tentations que l’imaginaire d’un ermite. » (Jean-Yves Leloup)

« Qui ne sait que presque tous les plaisirs proviennent plutôt de notre imagination que des qualités mêmes des objets qui nous plaisent … Nous nous composons des raisons de plaisir et y réussissions surtout par les liaisons que nous mettons aux choses. » (Giacomo Leopardi)

« Chacun sait combien l’imagination, l’opinion, la prévention, etc. influent sur l’amour physique et les sentiments qu’un homme éprouve pour une femme ou une femme pour un homme. » (Giacomo Leopardi)

« Le plaisir infini que l’on ne peut trouver dans la réalité apparaît dans l’imagination, d’où découlent l’espoir, les illusions. Aussi n’est-il pas surprenant que l’espoir soit toujours plus grand que le bien espéré … L’imagination est la source principale du bonheur humain (l’exemple des enfants). Mais l’imagination ne peut régner sans une certaine ignorance. La connaissance du vrai, c’est-à-dire des limites et des définitions des choses restreint le champ de l’imagination. L’espoir  … est presque totalement anéanti par la science moderne. » (Giacomo Leopardi)

« L’incapacité occidentale à comprendre la réalité soviétique et toutes ses variantes asiatiques n’était pas due à un manque d’information (celle-ci fut toujours abondante) : ce fut un manque d’imagination. » (Simon Leys – évoquant la stupéfaction douloureuse de tous les dissidents soviétiques devant l’habituelle stupidité occidentale) – Le cas particulier (entre mille) est d‘intérêt pour l’auteur car il montre que la compréhension dépend au moins autant de la faculté imaginative.

« Les plaisirs de l’imagination ne sont, pour ainsi dire, que des dessins ou des modèles avec lesquels jouent les pauvres gens qui ne peuvent se procurer d’autres plaisirs. » (Georg Christoph Lichtenberg)

Les vieux maîtres de sagesse qui préfèrent « la vérité effective de la chose à son imagination). » (Machiavel – cité par Régis Debray)

« La folle du logis. » ((Malebranche)

« Le moderne dédaigne d’imaginer. » (Mallarmé – il en est devenu bien incapable)

« L’imagination est un domaine de rêves, l’imaginaire, un domaine de formes. » (André Malraux) 

« Le désir d’améliorer notre condition (désir humain fondamental, toujours à l’œuvre selon Adam Smith) suppose une certaine représentation, une certaine image de la condition meilleure  que nous désirons et cherchons à faire advenir. Attribuer un rôle central à ce désir implique nécessairement, semble-t-il d’accorder une importance décisive à l’imagination. » (Pierre Manent) – Les publicitaires ont parfaitement intégré cette dimension.

« L’imaginaire, la seule valeur mentale qui demeure, dans une très large mesure, libre à l’égard du principe de réalité … C’est dans son refus d’accepter comme définitives les limitations imposées à la liberté et au bonheur par le principe de réalité, dans son refus d’oublier ce qui ‘peut’ être que réside la  fonction critique de l’imagination. » (Herbert Marcuse – reprenant Freud)

« Quand une fois l’imagination est en train, malheur à l’esprit qu’elle gouverne. » (Marivaux)

« Plusieurs choses nous semblent plus grandes par imagination que par effet. » (Montaigne)

« Claudel déclare que la fleur d’imagination n’existe plus quand on est dissipé, qu’on fait des choses absorbantes, qu’on a entendu des conversations très intéressantes ; c’est quand on s’ennuie qu’on peut imaginer. La fraîcheur intérieure est nécessaire. Claudel se lève tous les jours à six heures. » (abbé Mugnier)

« Don Quichotte a déclaré la guerre au banal, il veut le merveilleux … Il fait de sa vie un roman, car peu de vie sont romanesques. » (Michel Onfray)

« Maîtresse d’erreur et de fausseté. D’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours … Mais étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux. Qui dispense la réputation ? Qui donne le respect aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands, sinon cette faculté imaginante ? … Elle grossit les petits objets jusqu’à en remplir notre âme, par une estimation fantastique ; et, par une insolence téméraire, elle amoindrit les grands. » (Blaise Pascal)

« Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et de notre propre être : nous voulons vivre dans l’idée des autres d’une vie imaginaire … Nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire et négligeons le véritable. » (Blaise Pascal)

« Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses.. » (Blaise Pascal) 

« Les hommes prennent souvent leur imagination pour leur cœur. » (Blaise Pascal)

« L’imagination grossit les petits objets jusqu’à en remplir notre âme … et par une insolence téméraire elle amoindrit les grands. » (Blaise Pascal)

« Se mettre en avance ; se mettre en retard : quelles inexactitudes ! Être à l’heure, la seule exactitude. » (Charles Péguy) – Ne pas anticiper, ne pas s’attarder, coïncider avec ici et maintenant.

« On ne peut imaginer (au sens voir, découvrir) que ce qui est absent. » (Marcel Proust)

« Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination. » (Marcel Proust)

« Les images étaient l’apparition depuis la distance … depuis l’éloignement profond, qui rendait énigmatique l’être ou l’objet représenté … La prolifération des images produites industriellement correspond à une déforestation de l’imaginaire, désertion du symbolique … Les images ne sont plus des icônes, ne sont plus des portes ouvertes sur le mystère, ne sont plus des présences, s’abaissant au statut de vulgaires produits de l’industrie, marchandises industriellement fabriquée. » (Robert Redeker)

« Imagination : fée de notre solitude – mémoire constructive. » (Charles Régismanset)

« Se tailler à sa guise son roman de l’infini. » (Ernest Renan – cité par le cardinal Henri de Lubac))

« Il est plus facile à l’imagination de se composer un enfer avec la douleur qu’un paradis avec le plaisir. » (Rivarol)

« L’imagination est la pointe acérée de l’évolution culturelle … Elle opère sans trêve pour rendre le futur de l’homme plus riche que son passé … Elle est à la source des nouveaux tableaux scientifiques de l’univers physique et des nouvelles conceptions de communautés possibles. » (Richard Rorty) – Elle est effectivement à la source d’importantes découvertes. 

« ‘Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà … Nous pensons toujours ailleurs’ … L’intérêt marqué qui se manifeste pour ce qui est ailleurs étant l’exact et triste reflet de la minceur de l’intérêt porté à ce qui est ici … ‘Peu de chose nous divertit et détourne, car peu de chose nous tient’ … Substitution d’intérêts imaginaires aux intérêts réels … Choix de l’irréel au détriment du réel … Nécessité de se repaître de biens imaginaires, issue d’une incapacité à se satisfaire de biens réels. » (Clément Rosset – citant Montaigne)

« Ces objets qui bénéficient en tant que tels, c’est-à-dire plutôt en tant qu’ils ne sont pas ‘tels’, justement ‘pas comme les autres’, d’un coefficient de différence qui les impose à l’attention et semble les vouer par avance à la faveur publique … ‘Une histoire d’amour pas comme les autres’ (publicité d’un film, ‘Arthur Martin vous en donne plus’ … L’objet du désir se signale d’abord comme objet fascinant … Il peut arriver à un objet de devenir désirable en une sorte d’autotranscendance qui arrache l’objet à lui-même et le transporte soudain dans la sphère des objets qui ne sont pas comme les autres … Qu’un objet ne puisse éveiller le désir qu’à la condition de relever sa simple perception par le condiment d’un effet de fascination … voilà qui en dit assez long sur la pauvreté dans lequel on tient le réel … sur son impuissance présumée à jamais être perçu comme désirable en tant que tel … Ce qui fascine dans l’objet du désir, selon René Girard, le fait qu’il apparaisse comme objet de désir de la part d’une autre personne : l’autre me signalant comme désirable, et par le seul fait qu’il le désire, un objet que je serais incapable de désirer par moi-même … Voilà qui met décidément l’objet du désir à l’écart de toute réalité : non seulement il n’est pas réel mais imaginaire, à la faveur de l’imagination de l’autre (d’un autre jouissant à mes yeux d’un prestige susceptible de rejaillir sur les productions de son imagination, rendant celles-ci crédibles) … Parfois un relais ininterrompu, Sancho copie Don Quichotte, mais Don Quichotte copie Amadis, et ainsi de suite à l’infini, une chaîne de sujets susceptibles de se porter garants de l’objet, sans ‘arrêter à celui-ci … Un relais ininterrompu de fascinations. » (Clément Rosset)

« ‘Je suis ce qu’on ne m’empêche pas d’être et j’ai ce qu’on ne m’interdit pas d’avoir’ … l’illusion de Perrette (la fable de La Fontaine, ‘La laitière et le pot au lait’) est en gros de confondre le pouvoir et la non-interdiction, de conclure à celle-là par la seule grâce de celle-ci … Ce raisonnement de Perrette trouve autant de champs d’application qu’il se trouve d’attributs au verbe être et d’objets au verbe avoir. » (Clément Rosset)

Si grande est l’influence de l’imagination qu’elle inspire « non seulement les vertus et les vices mais aussi les biens et les maux de la vie humaine, et que c’est principalement la manière dont on s’y livre qui rend les hommes bons et méchants, heureux ou malheureux ici-bas … Celui qui n’imagine rien ne sent que lui-même, il est seul au milieu du genre humain. » (J. J. Rousseau – cité par Myriam Revault d’Allonnes)

« L’imaginaire déchoit-il ou se renforce quand il se confronte au réel ? Le réel lui-même n’aurait-il pas sa grande saveur et sa joie ? Car ces deux mondes, si étranges l’un à l’autre,  s’attribuent tour à tour la seule existence … L’épisode et la mise en scène du voyage, mieux que tout autre subterfuge, permettent ce corps à corps rapide, brutal, impitoyable et marquent mieux chacun des coups … Par le mécanisme quotidien de la route, l’opposition sera flagrante entre les deux mondes : celui que l’on pense et celui que l’on heurte, ce que l’on rêve et ce que l’on fait, entre ce qu’on désire et ce que l’on obtient … Afin de chercher en quelles cavernes de l’humain ces mondes divers peuvent s’unir et se renforcer, ou bien, si décidément ils se nuisent, se détruisent jusqu’au choix impérieux de l’un d’entre eux, sans préjuger duquel d’entre eux, et s’il faut, au retour de cette équipée dans le Réel, renoncer au double jeu plein de promesses sans quoi l’homme vivant n’est plus corps, ou n’est plus esprit. » (Victor Segalen) – Evidemment il ne s’agissait pas des voyages actuels qui n’impliquent ni efforts ni contraintes ni servitudes.

« Imaginer est bien plus plein d’angoisse que faire … Si tu crains l’eau, mouille-toi bien … L’on s’attache au concret avec ses membres … la nuance est méprisée, la notion pleine du geste, voilà ce qui sert, où l’on se vautre. » (Victor Segalen)

« L’imagination va toujours plus loin que la réalité. » (Louis-Philippe de Ségur)

« L’un des piliers de la rationalité occidentale, la capacité de distinguer la réalité de la fiction,   s’est gravement fragilisé … et l’un des symptômes de la psychose est la perte de la capacité de distinguer la réalité de l’imagination … ‘Les masses modernes ne croient à rien de visible, à la réalité de leur expérience ; elles ne font confiance ni à leurs yeux ni à leurs oreilles, mais à leur seule imagination’ (Hannah Arendt). » (Raffaele Simone) – Ce pourquoi il est si facile de les intoxiquer, de les désinformer.

« L’imagination au pouvoir. » (slogan de 1968)

« L’imagination, si vous ne la cultivez pas dés l’enfance, devient plus tard désordonnée. Elle ressemble à la terre qui produit des chardons et des ronces quand on la néglige. » (baron de Stassart)

« On reste sans plan de conduite à force d’en imaginer. » (Publius Syrus)

« Jamais le court espace de soixante années ne renfermera toute l’imagination de l’homme. » (Alexis de Tocqueville)

« Elle permet de chasser un présent qui ne nous comble pas. Elle aide à prendre ses désirs pour des réalités. Ce qui est grave. A force de vivre dans une vie que l’on aurait voulu vivre ou que l’on pourrait vivre, on ne vit pas la vie qui est. » (Bertrand Vergely)

 « Avec ‘La laitière et le pot au lait’, la fable montre comment l’imagination est capable de s’enfler en générant une illusion de toute-puissance. » (Bertrand Vergely)

« Rien n’est plus contraire à la raison que l’imagination. » (Giambattista Vico)

« En usant peu ou point du raisonnement, on fortifie les sens qui deviennent vigoureux. Des sens vigoureux déterminent une extrême vivacité de l’imagination. Et cette imagination très vive perçoit merveilleusement les images que les objets impriment sur les sens. » (Giambattista  Vico)

« La loi de la pesanteur qui fixe au sol les pieds humains doit gouverner le monde moral comme elle régit l’univers physique. Regardons l’infini, mais ne nous penchons pas trop sur le parapet de réalité qui nous en sépare, l’abîme attire, il appelle ! … Il faut savoir plier à temps son bagage de chimères, et se mettre, dépouillé de rêves, mais tranquille et résigné, à la suite des autres hommes. » (Paul de Saint-Victor – à propos de Gérard de Nerval)

« Continuellement suspendre en soi-même le travail de l’imagination combleuse de vides. Si on accepte n’importe quel vide, quel coup du sort peut empêcher d’aimer l’univers ? On est assuré que, quoi qu’il arrive, ‘l’univers est plein’. » (Simone Weil)

« Les hommes nous doivent ce que nous imaginons qu’ils nous donneront. Leur remettre cette dette. Accepter qu’ils soient autres que les créatures de notre imagination, c’est imiter le renoncement de Dieu. Moi aussi, je suis autre que ce que je m’imagine être. Le savoir, c’est le pardon. » (Simone Weil)

« La suite dans les idées est souvent le refuge des gens sans imagination. » (Oscar Wilde)

« Si la vie réelle est un chaos, en revanche une terrible logique gouverne l’imagination. » (Oscar Wilde)

« L’imagination, la meilleure compagnie de transport au monde. » (?)

« L’imagination ne peut pas concurrencer la réalité. » (?)

– Ci-dessous, extraits condensés d’un livre de François Laplantine – Les trois voix de l’imaginaire – considérations éparses sur la question de l’imagination collective et trois types de comportements qui visent tous le salut et la régénération du monde par la fin du monde et l’avènement d’un Royaume.

On pourra consulter également la sous rubrique sur les utopies, 175,6 et la rubrique sur les mythes, 665,1

 « Toutes ces aspirations profondes sont assoiffées d’absolu et veulent combler l’insuffisance et l’insignifiance sociale. Elles jaillissent chaque fois que des sociétés vivent des heures difficiles dans le fracas de leurs valeurs brisées, d’un monde qui perd son sens, de la dégradation des liens sociaux traditionnels … et d’un avenir auquel on ne croit plus. Dans ces moments d’effervescence sociale, l’imagination collective se dilate à l’infini et fait appel à ce qu’il faut bien appeler le sacré … L’imagination collective s’adresse à la totalité de l’homme, plus qu’à sa seule intelligence … En réponse à une situation de frustration, transformer son désespoir en espérance … Comportements de rupture … Conduites simultanément thérapeutiques et pathologiques. » (François Laplantine)

 « Figure de l’avènement du Royaume … Millénium ou avènement du Grand Soir de la Révolution … liée aux figures du Paradis perdu, de la Chute puis de l’Exil, enfin de l’attente et de la préparation militante d’une société globale universellement rédemptée, véritable motif mythique. » (François Laplantine)

 « Ce dynamisme militant … doit peu de chose à son fondement scientifique (la démarche scientifique n’est jamais capable en elle-même de susciter l’enthousiasme et encore moins la haine). S’il opère comme un ferment de subversion sociale des masses en lutte, ce n’est pas par la rigueur de sa méthode, par les analyses théoriques de Gramsci ou d’Althusser … c’est parce qu’il s’adresse à la passion et qu’il relève de motifs directeurs et de raisons de croire et d’espérer qui l’apparente bien davantage à l’inspiration du prophétisme. » (François Laplantine – sur le socialisme marxiste) – On est proche d’un certain messianisme. Ce diagnostic pourrait, me semble-t-il s’appliquer à beaucoup des surgissements d’imagination collective, même ceux relevant de froide et pure énonciation utopiste. 

 « Double aliénation. D’un côté, aliénation par excès d’imagination et par débordement du désir, ‘Tout est possible’, qui risque d’entraîner les groupes humains vers un véritable éclatement et un suicide sociétaire ; Messianisme, Possession. De l’autre côté, aliénation par asphyxie, par défaut ou manque d’imagination collective et d’espérance, refoulement d’une société tellement planifiée et rationnelle qu’elle finit par exclure …  tout ce qui s’apparente au rêve, à la poésie et à la fête (il n’a jamais existé de véritable fête laïque qui ne soit chaque fois qu’une misérable caricature de la fête), car la fête suppose la capacité de transgression du sacré qui fait totalement défaut dans un univers sans profondeur… ; Utopisme … Suivant Norman O. Brown, dans le conflit qui se déroule inéluctablement entre le ‘moi’, le ‘ça’ et la ‘réalité’, il faut que l’un ou l’autre des protagonistes cède. Freud répond : le ça doit céder (aliénation par asphyxie) et les revendications de l’espérance (aliénation par excès) affirment indistinctement quant à elles : la réalité doit céder, dialogue de sourds dans lequel on ne parle pas le même langage. » (François Laplantine) – L’Occident est en plein dans le second type d’aliénation. « La mentalité occidentale contemporaine s’est érigée en un impitoyable tribunal de tous les ‘excès’ de l’imagination, illusion, aliénation, régression … Elle a conduit certains d’entre nous à ne pouvoir penser et exister que de manière négative et restrictive. »

 « L’espérance prophétique qui charrie inéluctablement une part de psychose collective, de même que la transe extatique charrie inéluctablement une part d’hystérie collective, ne sont-elles pas aussi des tentatives faites par l’homme pour guérir, c’est-à-dire pour sortir du cercle mortel où l’enferme la situation cauchemardesque de l’utopie, c’est-à-dire du non-mythique ? » (François Laplantine) – De ce fameux village global que veut édifier la mondialisation ?

 . « L’attente messianique (ou millénariste, ou prophétisme) : réponse sociologique normale d’une société menacée du dedans ou du dehors dans ses fondements : des foules exploitées, assoiffées d’absolu et de justice sociale se rassemblent autour des grands prophètes ou des petits illuminés en transformant leur désespoir en espérance … Prédication d’un message eschatologique réputé purificateur … Revenir à l’Âge d’Or, à un paradis perdu … Quelque chose de populaire … Corrélation évidente entre les temps forts du déséquilibre social et les temps forts de la réponse messianique qui se construit toujours en réponse à une acculturation qui est vécue comme une menace … Réorganisation du désir autour d’un axe  d’équilibre qui est celui de l’origine réputée innocente, de l’espoir d’un monde parfait … Tout projet messianico-révolutionnaire vise un absolu qui se construit selon la loi du tout ou rien (la Révolution, le Royaume). » (François Laplantine)

 . « La possession : réaction à une situation de frustration intense qui ne se contente plus d’attendre l’avènement de l’Âge d’Or, mais le réalise immédiatement en échappant pour ainsi dire à l’histoire dans des conduites paroxystiques d’exaltation collective et de démesure … Grands rassemblements festifs et orgiaques et toutes les attitudes de théâtralisation de l’existence … Projet d’un ‘ailleurs’ plus que l’alternance d’un ‘tout autre’ … ‘Fous de Dieu’, Fanatiques, quelque chose de populaire … Résistance à la colonisation … La matrice charismatique, la matrice de la fête, qui est moins celle d’un futur d’alternance que celle d’un présent d’alternance … Conduites de démesure dans lesquelles le possédé sait qu’il joue tout en étant en même temps ce qu’il joue … Pour atteindre des sommets d’intensité passionnelle et de libération extatique. » (François Laplantine)

  . « L’utopie : la passion de la perfection atteinte une fois pour toutes et qui pour se construire en face d’une société qu’elle déteste, emprunte à cette société tous ses matériaux en les inversant, l’utopie est peu subversive … Construction mathématique, logique et rigoureuse d’une cité parfaite … qui a tout prévu d’avance et ne tolère pas la moindre faille … Synonyme de totalitarisme … Dépendance à l’égard d’images-croyances absolutisées … Justiciers épris de pureté  (n’hésitant pas à massacrer)… Haine de l’histoire et phobie du changement, parvenir à la fin du monde et à l’extinction du temps … Passion triste et à la limite obsessionnelle, passion structuraliste … Pensée froide, gestionnaire et planificatrice … Religion politique, religion de la Puissance étatique, administrative, l’Etat met son nez partout … Savoir, Totalité et certitude … Idéal bourgeois rassurant de philosophes-mathématiciens, quelque chose d’aristocratique … Univers monotone et fastidieux, clarté logique de l’ordre, de l’organisation établie, frénésie de l’organisation … désir de perfection du système … Les utopistes abhorrent tout ce que les poètes chérissent, ce qui est unique, original, ce qui différencie et personnalise … Le planificateur utopique désacralise le monde, la Création est ratée et il faut tout recommencer … Morale stricte, religion de l’activisme et du travail … Se protéger du dehors réputé corrompu, couper les ponts, édifier des murailles … Accent sur la scolarisation et la pédagogie ; de l’utilitaire, de l’utilisable, détachement des attaches parentales au profit de la collectivité … Structure très nettement maternalisante, mais aussi matronisante, pureté des aliments, obsession végétarienne, nostalgie du bonheur lacté et biberonnesque, protection maternelle de l’Etat-pouponnière, chaude harmonie cosmique, plus besoin de divinités ouraniennes, du père et de la projection de son image … Rationalisme dévitalisant, aptitude morbide à la stéréotypie et à l’abstraction … L’utopie s’épanouit dans la vision rassurante et cauchemardesque d’un univers planifié et programmé à l’extrême … et qui correspond … à un de nos désirs fondamentaux : celui d’être une bonne fois pour toutes délivrés du fardeau de notre liberté. » (François Laplantine) – Notre système actuel, poussé à son paroxysme par la mondialisation. Phénomène type : le principe de précaution.

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