175,6 – Idéologies, Utopies, Doctrines

Quand les mots fabriquent le réel. Définition de l’idéologie. 

– « L’idéologie était le nom des idées des philosophes français de la fin du XVIII° siècle et du débit du XIX°. Napoléon donne au mot son sens péjoratif en qualifiant d’idéologues  ses opposants politiques ; le concept est devenu péjoratif au regard du héros de l’action. » (Paul Ricœur) 

– « Karl Mannheim parle d’utopie au sens d’idées en train d’émerger et d’idéologie au sens d’idées en train d’être dépassées. » (suivant Raymond Boudon)

– Idéologie : ensemble social de représentations, système d’idées et de valeurs qui a cours dans un milieu social donné.

– En modernité : religions séculières. Ne tiennent pas les faits pour têtus. Très utiles pour rêver. Peuplent les cimetières malgré que toujours qualifiées d’indépassables.

– Il suffit de les déguiser sous des mots bien choisis pour faire accepter n’importe quelle absurdité. C’est « l’infini mis à la portée des caniches. » (?)

– On peut rattacher aux idéologies ce, qu’à la suite de François Lyotard, on a appelé les Grands récits ou les Métarécits englobants, religieux ou politiques ou existentiels et les croyances qu’ils suscitaient : Progrès, Lumières, Emancipation de  l’Être rationnel, Marxisme…

– Comme les hérésies religieuses, partant quelquefois d’une constatation particulière exacte, elles transforment presque toujours un point de vue en un panorama, une situation circonstancielle en une fresque historique. Elles prétendent représenter l’universel à partir d’un angle local et daté ou même d’une hypothèse contestable.  A partir d’une vérité unique, « elles fixent l’origine des faits, les enferme dans une représentation et commande l’argumentation » (Claude Lefort) – « La source de toutes les hérésies est de ne pas concevoir l’accord de deux vérités opposées et de croire qu’elles sont incompatibles … L’intelligence cherche à isoler un des aspects au détriment de l’autre (ou des autres) et le prend pour le foyer du tout. C’est d’ailleurs de cette manière que s’est développée la philosophie… » (Jean Guitton) – Aspect hérétique de toute idéologie : totalisation à partir d’un seul élément. 

– Il est une utopie criminelle par-dessus toutes, criminelle par ses conséquences, coupable par son intention (qui est d’apparaître comme l’être lui-même bon, gonflé de bonne conscience), c’est celle qui consiste à faire semblant de croire en la bonté de l’homme.

– Les idéologies qui projettent un avenir ordonnent d’immoler la partie au profit du tout, le présent au profit d’un avenir fumeux. D’autres, conservatrices, n’ont pour ambition que de substituer une image à la réalité présente ; processus d’inversion de la réalité.

– Chez l’idéologue de base, cette masturbation mentale est assez innocente même si l’exercice est pratiquement peu jouissif. L’idéologue qui n’est pas de base escomptant, lui, tirer de solides avantages personnels et très concrets de l’endoctrinement qu’il répand.

– « La fin des idéologies signifie-t-elle la fin des idéologue ? » (François Furet)

– « La posture anti-fasciste de nos élites n’est qu’un écran de fumée cachant des intérêts de classe bien compris. Se dire antifasciste permet de se déguiser en résistant, tout en souhaitant la perpétuation du système … selon Lionel Jospin, la lutte antifasciste n’est que du théâtre.» (Christophe Guilluy)

– Le concept d’aliénation, forgé par Marx, désigne la démarche par laquelle nous adoptons l’idéologie de la classe qui nous domine, que celle-ci impose par les média.

-L’idéologie dominante n’est jamais que l’idéologie des dominants. 

– « Le traitement idéologique de l’homme passe par sa dévastation spirituelle. » (Alexandre Zinoviev)

– On peut considérer l’abbé Joachim de Flore comme le précurseur, et l’inspirateur involontaire, des utopies progressistes tendant à un âge d’or (et elles n’ont pas manqué tout au long de l’histoire), des détournements d’une ambition spirituelle inconséquente en des idéologies purement matérielles, ce dés le début (Frédéric II de Hohenstaufen, l’Antéchrist ou le sauveur du peuple). Voulant encourager la vigueur de la vie spirituelle, sa doctrine impulsa l’inspiration à des conquêtes et prétentions historiques qui, « infléchissant la prédication initiale centrée sur le religieux, s’orientèrent dans deux directions : le millénarisme mystique et la subversion sociale égalitaire. » (Jacques Julliard)

– La postérité de ce personnage du XII° siècle, en hérésies comme en utopies, est immense (et dure toujours : Spengler et d’autres de nos quasi-contemporains le situent même dans l’histoire comme précurseur de Hegel, voir aussi la fameuse ère du Verseau, ère de l’Esprit). Les fondateurs et cadres de communautés issues de cet héritage, souvent loin d’être des exemples : subjectivisme, orgueil exacerbé, illuminisme (instruments du Saint-Esprit, choisis pour inaugurer une ère nouvelle), esprit de révolte (contre l’Eglise et même contre la société) ne manifestant guère d’humilité ni de charité, ni même, pour la plupart, de chasteté expliquent, autant et peut-être plus que la répression, d’un côté l’échec des initiatives de cette floraison de groupes au Moyen Âge et, d’un autre leur influence et leur succès, hier au XIX° siècle. Leur entreprise de divinisation de l’humanité accompagnant, entraînant, alors, d’une part l’émergence du socialisme utopique et purificateur (fin et destruction du vieux monde et début d’une nouvelle ère, hostilité vis-à-vis de tout pouvoir et haine de l’Eglise catholique, communauté des biens et des femmes, abolition de la propriété, de la famille, de la religion, de la hiérarchie sociale…) et l’apologie excitée d’un féminisme triomphant autant que désincarné, d’autre part la haine féroce du catholicisme et un antisémitisme aussi forcené (le socialiste Toussenel et son œuvre, Juifs rois de l’époque, ouvrant le feu, quarante ans avant Edouard Drumont). Or, nous vivons encore sous ce XIX° siècle.

Citons, en vrac, de façon loin d’être exhaustive, et au moins en raison d’une inspiration lointaine, fût-elle partielle et indirecte (axée sur la vieille gnose ou sur la nécromancie propre au XIX° siècle) : libertins, libertaires, illuminés, anarchistes, peu importe. Les Cathares, les Vaudois, les Béghards, les Frères du Bon Vouloir, du Libre Esprit, maître Eckhart, les Hussites, les Franciscains dits spirituels, Thomas Münzer et les Baptistes et les Anabaptistes et la révolte des Paysans, la Nouvelle Jérusalem à Münster, les proclamations du Livre aux cent chapitres dû au mystérieux Révolutionnaire du Haut-Rhin, les Camisards cévenols, Tommaso Campanella et son utopique cité du soleil, Weishaupt et les illuminés de Bavière, Jacob Boehme, La mère de Dieu, Catherine Théot, inspiratrice de Robespierre, Mme Guyon, M. de Saint-Martin, Hegel, Swedenborg, Lessing, Fichte, Schelling, Herder (la philosophie allemande idéaliste et la poésie mystique germanique, Hölderlin, Novalis, des XVIII° et XIX° siècles ; même Goethe et son initiatique Wilhelm Meister, qui écrit ailleurs : Le premier article, le Père est ethnique ; le deuxième, le Fils, est chrétien, le troisième, l’Esprit, enseigne la communion des Saints, c’est-à-dire des meilleurs et des plus sages…), Mme Blavatsky, Owen, Saint-Simon, Fourier, Flora Tristan, Gérard Encausse dit Papus, Lamartine, Lamennais, le socialoccultiste Pierre Leroux, le Père Enfantin, L’émancipatrice comme l’appelait Henri Heine, la délirante enthousiaste de l’air du temps, Georges Sand, Eliphas Lévi, Stanislas de Guaïta, Allan Kardec, Cagliostro, Mesmer, le comte de Saint-Germain, Adam Mickiewicz, Eugène Sue, le révolutionnaire Auguste Blanqui comme l’antisémite Edgar Quinet, Gérard de Nerval tenant son homard en laisse et révélant bien involontairement l’évidence avec Les illuminés ou les précurseurs du socialisme, Victor Hugo et les tables tournantes de Jersey parlant avec les morts comme tout le monde au XIX° siècle, Jules Michelet, expert en scatologie, qui d’illuminé sectaire a été promu au rang d’historien et clamant : Le Père a imposé le travail et la Loi, qui est la crainte et la servitude ; le Fils le travail et la Discipline, qui est la sagesse ; le Saint-Esprit offre la liberté, qui est l’amour, Auguste Comte et les trois âges de l’humanité, le soi-disant réaliste Emile Zola et ses derniers ouvrages négligés, Les trois villes et Les quatre Evangiles, Tchaadaev, Soloviev… les Rose-Croix et la Maçonnerie, l’occultisme dominant et triomphant du XIX° siècle (adossé à la métempsycose : la pluralité des existences permettant et justifiant le fameux progrès des êtres), sans oublier la Réforme luthérienne (qui attendit encore trois siècles mais est fille de Joachim, la plupart des innovations doctrinales de la Réforme protestante se trouvent en germe dans les communautés citées plus haut), peut-être, très accessoirement, du côté juif des hérésies d’inspiration cabalistique et d’attente délirante du Messie aux XVI° et XVII° siècles (Safed), les Lumières françaises et tous les mythes de progrès infini de l’humanité vers un accomplissement spirituel et existentiel exquis ou de retour vers un âge d’or délicieux, les increvables notions de nouvel, de troisième Evangile (imminente et parfaite Pentecôte), de règne de l’esprit, d’humanité nouvelle, de libérateur et autres fariboles pour gogos… (partie de la généalogie précédente  est due au cardinal de Lubac : Le drame de l’humanisme athée et La postérité spirituelle de Joachim de Flore ; ainsi qu’à Philippe Muray : Le XIX° siècle à travers les âges).

Pour juger et de la naissance du progressisme délirant en Occident  et de l’évolution du communisme, on pourra se référer à l’important article de Driss Ghali à la rubrique Monde,  500,1  

 ——————————————————————————————————————————-

« Une idéologie est un système possédant sa logique et sa rigueur propres de représentations, images, mythes, idées ou concepts selon les cas, douée d’une existence et d’un rôle historique au sein d’une société donnée. » (Louis Althusser)

 « L’idéologie, c’est quand les réponses précèdent les questions. » (Louis Althusser)

« On ne mesure pas la puissance d’une idéologie aux seules réponses qu’elle est capable de donner, mais aussi aux questions qu’elle parvient à étouffer. » (Günther Anders) – C’est particulièrement vrai dans notre époque de censure féroce.

« Tout craindre de ‘l’homme d’un seul livre.»  (saint Thomas d’Aquin)

« Une idéologie est précisément ce que son nom indique. La logique d’une idée. L’émancipation de la pensée à l’égard de l’expérience. » (Hannah Arendt)

« Dans leur prétention à expliquer la totalité des choses, les idéologies ont à rendre compte non pas de ce qui est, mais seulement de ce qui sera, de ce qui surgit et disparaît … ne s’occupent pour l’essentiel de ce qui se meut … explication totale du passé et du présent et fiable prévision de l’avenir … perception d’une réalité plus authentique … perçue par un sixième sens, justement procuré par l’idéologie … La pensée idéologique aborde ce qui se produit de fait en déduisant tout ce qui en découlera d’une prémisse tenue pour certaine  et selon une cohérence absolue… Ses prémisses établis, elle est par principe insensible à toute influence…» (Hannah Arendt)

« Une fois leur prétention à la validité totale prise à la lettre, elles deviennent le noyau de systèmes logiques où, comme dans les systèmes des paranoïaques, tout s’enchaîne de manière intelligible et même contraignante dés lors que la première prémisse est acceptée … Qui énonce A, doit également énoncer B. » (Hannah Arendt) – Les vieux bolcheviques s’accusant faussement lors des procès de Moscou, Le zéro et l’infini d’Arthur Koestler.

« Les idéologies et les visions du monde remplissent parfaitement cette tâche (préserver l’homme qui juge d’avoir à s’exposer ouvertement et à affronter par la pensée chaque réalité qu’il rencontre), protéger de toute expérience, parce que en elles, prétendument, toute réalité serait  d’une certaine façon déjà prévue. » (Hannah Arendt)

« La pensée idéologique s’émancipe de la réalité que nous percevons au moyen de nos cinq sens. La propagande du mouvement totalitaire sert ainsi à émanciper la pensée de l’expérience et de la réalité … Une fois au pouvoir, de tels mouvements entreprennent de changer la réalité conformément à leurs prétentions idéologiques. » (Hannah Arendt)

« Toutes les idéologies contiennent des éléments totalitaires qui ne sont pleinement développés que par les mouvements totalitaires et cela crée l’impression trompeuse que seuls le racisme et le communisme ont un caractère totalitaire. » (Hannah Arendt)

« La politique ne fait pas les hommes ; elle les prend tels que la nature les lui donne. » (Aristote) – C’est pourquoi vaines sont toutes les utopies tendant à créer un homme nouveau, tel que fut le communisme par exemple.

« L’idéologie, l’idée de mon adversaire. » (Raymond Aron)

« Idéologie, organisation d’idées reçues par les individus ou les peuples, sans tenir compte de leur origine ou de leur qualité. » (Raymond Aron) – A cette définition, Jacques Ellul ajoute : « idées valorisées, se rapportant à des questions d’actualité,  reçues parce qu’on y croit, bien plus que parce qu’on en a reçu la démonstration. »

« Le prophétisme marxiste est conforme au schéma typique du prophétisme judéo-chrétien. Tout prophétisme porte condamnation de ce qui est, dessine une image de ce qui doit être et sera, choisit un individu ou un groupe pour franchir l’espace qui sépare le présent indigne de l’avenir rayonnant. » (Raymond Aron)

« Aucune doctrine n’a réussi à tenir contre une critique approfondie. Chacune laisse échapper du filet une trop grosse part des faits qu’elle y ramasse. » (Lucien Arréat)

« L’homme, toujours insatisfait, cherche et cherchera refuge dans les utopies consolatrices (qui, de célestes, sont devenues bassement terrestres…), les idéologies et les eschatologies, les millénarismes laïques. L’inextinguible besoin de platitude de l’humanité va de pair avec sa tendance à croire aux constructions savamment ou futilement imaginaires. » (Kostas Axelos) – Espérance bidon.

« Le propre de l’idéologique est de nier ou de disqualifier le culturel et l’idiosyncrasique (le comportement individuel d’individus uniques) comme entachés d’oppression, de corruption, de préjugés, et de condamner le ‘vieil homme’ au bénéfice d’un ‘homme nouveau’ identifié à l’humain conçu par l’idéologie. » – Accentuation du caractère spécifique, soit du premier niveau, de l’appartenance à une espèce humaine telle qu’édictée et imposée. Ou bien, variante « Le régime égolâtrique, chaque individu idiosyncrasique étant mesure de tout l’humain, où l’idéocratie fournit d’abondants prétextes à faire passer ses passions et ses intérêts sous le couvert idéologique : l’envie dénonce au nom de la vigilance révolutionnaire ; l’amour de l’humanité masque le mépris, voire la haine des êtres humains réels ; l’égoïsme se prévaut de la ‘main invisible’ du marché. » (Jean Baechler) – Ce dernier état, notre état actuel.

« La condition humaine peut changer, non la nature humaine, qui s’exprime identiquement dans toutes les humanités culturellement particularisées. » (Jean Baechler) – Et pourtant certains en rêvent toujours ! 

« La modernité a produit massivement un prolétariat intellectuel, dont l’insatisfaction congénitale se nourrit de ce qu’il n’a ni pouvoir, ni richesse, ni prestige, ni talent, ni génie. Il est guetté par l’idéologie qui fournit à tout : on sert à quelque chose, on peut dire n’importe quoi, on participe à un destin universel, on peut rendre autrui (le capitalisme, la société, la technique, les Juifs… ) responsable de ses échecs et de sa nullité. » (Jean Baechler) – Le pourquoi du développement des idéologies, avec l’inflation démesurée du politique en régime pluraliste qui attire tous les névrosés (en plus des cupides).

« Le bénéfice indirect de l’ignorance de la science est la prévention de la tentation d‘appliquer ce mode du connaître à des questions qui lui échappent par nature et l’abolition du risque de verser dans la perversion idéologique. » (Jean Baechler)

« Les dix commandements de l’idéologue : – Faire passer le singulier pour l’universel – Occulter le travail accompli, faire passer pour naturels les marchandises et les textes culturels – Se servir de fausses analogies – Donner l’impression de l’objectivité, occulter son parti-pris – Tracer les limites de ce qui est acceptable, contrôler l’ordre du jour – Donner l’explication la plus simple comme étant nécessairement la meilleure – Rendre ordinaire ce qui est hors de l’ordinaire, par ex : nos dirigeants sont des gens ordinaires, pareils à nous – Embrouiller, afin que l’on s’attarde à la surface des choses plutôt qu’au phénomène en son entier (culte du détail) – Créer et alimenter l’illusion que l’histoire conduit exactement au moment présent et à la situation actuelle. » (Normand Baillargeon – Petit cours d’autodéfense intellectuelle)

« L’utopie, c’est tout ce qui n’est pas arrivé dans l’histoire de France. » (Jacques Bainville)

« Les concepts, les représentations abstraites et générales, ont toujours été les meilleurs fourriers du malheur de la conscience. » (Georges Bastide)

« L’utopie était le produit de l’âge de l’engagement. » (Zygmunt Bauman)

« Une carte du monde qui n’inclut pas l’utopie ne mérite pas même un coup d’œil, car elle omet l’unique pays vers lequel l’humanité se dirige toujours. Et quand elle y parvient, elle porte ailleurs ses regards et, apercevant un pays meilleur, elle appareille à nouveau. Le progrès, c’est l’utopie réalisée (Oscar Wilde). » – « Sans les utopistes d’autrefois les hommes vivraient misérables et nus dans des cavernes. Ce sont les utopistes qui ont tracé les lignes de la première cité (Anatole France). » (cités par Zygmunt Bauman)

« Morosité idéologique : la perte de nos utopies … Le concept de fin des idéologies se comporte comme un outil terriblement efficace de résignation collective. » (Jean-Léon Beauvois)

« L’idéologie est la conversion d’idées en leviers sociaux … ‘Les idées sont des armes’ (Max Lerner). C’est typiquement le langage de l’idéologie … C’est sa dimension passionnelle qui confère sa force à l’idéologie … Dans la quête d’une ‘cause’, se dégage une fureur profonde, désespérée, presque pathétique (sur certains, beaucoup, de prétendus intellectuels) … J’utilise le terme d’idéologie pour désigner le fait de mobiliser des idées pour engager une population à l’action et de justifier ces idées par une téléologie ou un critère normatif. » (Daniel Bell)

« Ce ne sont pas seulement les anarchistes, mais tous les socialistes, tous les convertis au messianisme politique, qui ont au départ quelque chose de millénariste. Dans un enthousiasme nouvellement découvert, il y a une urgence inextinguible et un espoir que le ‘conflit final’ pourrait être bientôt en vue. » (Daniel Bell) – Et dire que ce sont ces clowns qui se moquent de la religion !

« Les systèmes ne sont pas seulement des manifestes politiques, ils défendent un mode particulier de moralité, de sensibilité. Ils sont totalitaires. D’ailleurs, ils prétendent être conformes au sens de l’évolution, de l’histoire. Prétention des idéologies politiques à être fondées sur la science, de résulter de la stricte observation des faits. » (Julien Benda)

 « Si je ne reconnais pas quelque chose qui s’impose à moi comme à tout autre, je suis libre d’être méchant comme de dire qu’il est bon d’être méchant … Les scélérats de Shakespeare s’arrêtaient à quelques dizaines de cadavres parce qu’ils n’avaient pas d’idéologie … l’idéologie, c’est elle qui apporte la justification recherchée à la scélératesse, la longue fermeté nécessaire aux scélérats, voir le vingtième siècle. » (Philippe Béneton)

« Toute idéologie  s’exprime au cours de l’histoire dans une succession de trois formes : sous la forme d’un mythe (puissance affective) ; sous la forme d’une théorie séculière (devenant terrestre et profane) ; sous la forme d’une ‘science’ (pour consolidation nécessaire) … Dans le développement de l’idée égalitaire : Christianisme ; théorie démocratique du XVIII° siècle ; Marxisme et ses dérivés. » (Alain de Benoist – simplifié)

« Le programme des utopistes se heurte toujours à des réalités inéluctables (lois naturelles, instincts, volonté de puissance, différences individuelles…). De ce fait, la réalisation de la cité idéale prend toujours du retard … L’utopiste que les faits n’impressionnent jamais, affirme alors la nécessité d’une phase purificatrice, dite de transition, censée venir à bout de cette ‘rébellion’ des faits … l’histoire, la période résultant de la faute originelle, sera effacée : l’état post-historique restituera (d’une façon sublimée) l’état préhistorique, les justes retrouveront le jardin d’Eden… L’utopie, la forme la plus extrême de la ‘nausée’ de l’histoire (Gilles Lapouge). La notion de temps disparaît en effet … ‘L’utopie est le refuge des individus anonymes, du troupeau inquiet et sans lois’ (Ferenc Molnar). » (Alain de Benoist)

« Ce qui est à craindre, ce n’est pas l’idéologie brutale, provocante, qui se discrédite comme telle et secrète elle-même les conditions de son remplacement. C’est l’idéologie subtile , épidémique qui joue de l’ambiguïté et se sert de l’acceptable pour faire passer le nuisible. Cette idéologie-là est irrépressible du fait qu’elle se masque. Elle ne mord pas, elle grignote. » (Alain de Benoist)

« On ne peut pas dire avec certitude que les utopies ne se réaliseront pas, il faut surtout empêcher qu’elles se produisent … tant elles sont terrifiantes.» (tiré de Nicolas Berdiaeff) – Pensait-il au communisme ?

« On ‘prenait des positions’. On ne s’apercevait pas que c’était au contraire la position qui venait de vous prendre. » (Emmanuel Berl)

« Cet avilissement des esprits devenus incapables d’apercevoir ce qui les gêne, de constater un fait, même évident, s’il contrarie leurs systèmes ou dérange leurs attitudes. » (Emmanuel Berl)

« L’adhésion qu’un intellectuel donne à une  doctrine ne ressemble pas du tout à celle qu’un homme peut donner à un parti. L’une vaut d’autant plus qu’elle comporte plus de réserves, l’autre d’autant plus qu’elle en comporte moins. Le meilleur disciple renie son maître. Le meilleur partisan ne lâche pas son chef … Intellectuels nous ne pouvons contracter avec un parti que des alliances, à toute minute révocables, car nous ne pouvons en aucun cas considérer une  doctrine comme définitive. » (Emmanuel Berl)

« Si l’idéologie masque et travestit la réalité, il est autrement plus efficace de l’imposer directement, l’habitude fera le reste : ‘cela se fait !’ … Il faudra vous y faire. » (Harold Bernat) – La politique du fait accompli.

« L’utopie marcusienne (d’Herbert Marcuse) tenait à l’idée d’une civilisation non répressive et néanmoins rationnelle et civilisée. Elle est en contradiction avec ce que répètent depuis trois mille ans les monuments de la culture, que la transgression est punie de mort ou de folie. » (Alain Besançon) – Comme toutes les utopies idéalistes (et elles sont toutes idéalistes). A ce compte nous nous en préparons de belles, ce dont ne doutent que les forcenés du progrès, de la lâcheté et de la servilité.

« Né bénignement au milieu du XVIII° siècle, sur la base d’un affaissement de l’esprit religieux et des grands succès scientifiques du siècle précédent qui pouvaient nourrir l’espoir d’un savoir absolu, il s’est développé comme un naturalisme scientiste, nature mécanisée des encyclopédistes, nature historisée de Marx, nature biologique du racisme pseudo-scientifique, peut-être aujourd’hui nature sexuelle et nature linguistique (et aussi le fameux village global).  Il n’a pas toujours porté des fruits de catastrophe, mais il a toujours constitué une menace pour tout savoir et toute science en formation comme pouvant à tout moment en sécréter un double inférieur, ressemblant à la science à s’y méprendre, mais prenant sa place comme un imposteur prend sur le trône la place du roi. » (Alain Besançon – sur le phénomène idéologique)

« Ce qui se produit aujourd’hui c’est une fragmentation du corps social autour de nouvelles utopies politiques, à savoir ces identités transnationales que sont la sexualité, le genre, la race et même le spécisme. Les mouvements néoféministes et indigénistes partagent une aversion similaire de l’unité républicaine, qu’ils tiennent pour un leurre. Ils ont en outre recours aux mêmes méthodes fondées sur la récrimination victimaire permanente, la production foisonnante de pseudo-concepts sociologiques ad hoc, et sur l’usage galvaudé de statistiques publiques pour étayer des faits particuliers. Ils honnissent la liberté de pensée et de débattre sereinement de sujets complexes et lui préfèrent souvent le simplisme de l’expression émotionnelle et subjective. » (Sami Biasoni)

« N’importe quoi peut servir de dieu quand Dieu manque. » (Christian Bobin)

« La valeur d’une doctrine dépend moins de sa justesse que du prestige de celui qui l’énonce. » (Gustave Le Bon)

« Si les doctrines socialistes se caractérisent par leur imprécision c’est parce qu’un dogme ne doit se préciser que quand il a triomphé. » (Gustave Le Bon)

« Idéologies : Caractère explicite de leur formulation – Volonté de rassemblement autour d’une croyance positive ou normative – Volonté de distinction par rapport à d’autres systèmes de croyances – Fermeture à l’innovation – Caractère intolérant de leurs prescriptions – Caractère passionnel de leur promulgation – Exigence d’adhésion – Association avec des institutions chargées de réaliser et de renforcer les croyances en question – Indifférence au critère scientifique de vérité (excepté en partie pour le marxisme). » (Raymond Boudon – reprenant Edward Shils)

«  ‘L’âme dépend du monde tout autant que le monde dépend de l’âme’ . Ce qui signifie que nos idées ne peuvent être entièrement indépendantes des conditions sociales, mais elles ne sauraient non plus en être directement dépendantes … Les facteurs sociaux auraient surtout un rôle de sélection des idées (un rôle ‘d’écluse’ dit Max Scheler) … Les deux théories contradictoires ou plus précisément contraires, la théorie matérialiste et la théorie idéaliste … Leurs tenants, le matérialiste et l’idéaliste, n’ont pas tort, ils sont seulement partiels en mobilisant des a priori différents, l’un l’influence des conditions  sociales, l’autre l’autonomie du sujet pensant … Il faut conjuguer deux propositions, à savoir qu’il est impossible à la fois de tenir aucun système en ‘isme’ pour vrai et de le considérer comme dépourvu de sens. » (Raymond Boudon – citant, et s’inspirant de Georg Simmel)

 « ‘L’idéologue travaille avec un matériel purement intellectuel qu’il traite inconsidérément comme produit par la pensée et qu’il ne cherche pas à explorer davantage en le mettant en rapport avec un processus plus éloigné, indépendant de la pensée’. Principe fondamental du matérialisme marxiste. Il faut expliquer les idées non à partir des objectifs qu’elles paraissent viser, mais à partir du contexte social dans lequel elles apparaissent. » (Raymond Boudon – citant Friedrich Engels)

 « Aucune idéologie ne saurait se maintenir, ni même s’établir, sans le consentement de l’acteur social banalisé (mais considéré comme rationnel) à des idées douteuses ou fausses auxquelles il a de bonnes raisons d’adhérer, en lui accordant une crédibilité qu’elle ne mérite pas … poussé par des forces motrices qui lui demeurent inconnues … qui, souvent, les asservissent soit à leurs intérêts (cas des dominants), soit aux intérêts des dominants (dans le cas des dominés). » (Raymond Boudon)

« Il n’est pas incompréhensible que l’aristocratie célèbre la grandeur du roi parce qu’elle a l’impression que le roi est la clef de voûte d’un système qui lui est profitable … Que le ‘junker’ continue de prendre son exploitation agricole pour ce qu’elle n’est plus (passée d’un statut familial et d’une vision patriarcale au stade capitaliste) … Que l’Eglise continue de croire à l’immoralité du prêt à intérêt (dans une société passée de la réciprocité restreinte à une société d’échange étendue)… » (Raymond Boudon) – Et on pourrait continuer longuement.

« Dans les cas où apparaît une relation de communication à sens unique entre une idée ou une théorie et un public et où celui-ci ne dispose pas des ressources en temps et en compétence pour traiter la théorie comme une boîte blanche, un effet d’autorité se développera normalement. » (Raymond Boudon) – D’où l’intérêt de baptiser experts les présentateurs de la dite théorie, qui lui conféreront l’autorité suprême, celle de la Science.

« Les mots même sont chargés d’une visée normative ; exemple ‘modernisation’. » (Raymond Boudon)

« Une idée ou une théorie peut devenir influente quand, pour des raisons compréhensibles, elle attire l’attention de groupes spécifiques où elle est perçue comme ‘intéressante’ pour ses membres, leur position, leur rôle … la corrélation entre protestantisme et capitalisme, l’intérêt des hommes d’affaires de jadis pour ‘l’Eloge de la folie’ d’Erasme vantant l’accomplissement de la vocation dans ce monde-ci … L’audience de Louis Althusser censé administrer une cure de jouvence à la vieille théorie marxiste… » (Raymond Boudon)

« C’est parce qu’ils ont toujours eu du mal à accepter la nature humaine que les utopistes n’ont jamais pu réaliser leurs rêves sans violence et que leurs résultats sont toujours l’exact contraire de leurs objectifs proclamés. Ils s’appuient sur l’idée fausse et déshumanisante que l’homme est infiniment malléable et que, sous réserve de lui donner les conditions sociales appropriées, il est perfectible, c’est-à-dire modifiable dans le sens que l’on veut… » (Vladimir Boukovsky – Jugement à Moscou) – Sur le communisme. 

« Le plus impitoyable est celui qui croit se battre pour des idées abstraites et de pures doctrines et non celui qui défend seulement les frontières de sa patrie. » (Pierre Boutang)

« Le charme pernicieux des fumées incertaines. » (Robert Brasillach)

« Le reflux du religieux laisse un terrain particulièrement fertile à l’imaginaire utopique : désormais on peut y croire, il faut y croire … au transfert du paradis du ciel sur la terre. » (Philippe Breton)

« L’imaginaire utopique ne supporte pas l’incertitude. Il comble notre besoin de routine. » (Gérald Bronner)

« Le fétichisme de la démocratie, laquelle s’est bien dégradée en idéologie, et même la plus tenace, puisqu’elle vit de l’illusion d’avoir mis à mort toutes les idéologies. » (Pascal Bruckner)

«  A croire que l’idéologie féministe arrive à point nommé pour occuper le devant d’une scène quelque peu déserte depuis que l’intelligentsia en vue, escamotage après escamotage, a réussi à convaincre son public de la mort de l’histoire, de l’homme, du sujet, du sens (crétinisation par le vide). » (Annie Le Brun)

« Les utopies antérieures, celle de Platon, celles de Thomas More ou de Campanella décrivaient des communautés idéales où toutes les antinomies se trouvaient résolues et où la félicité générale était admirablement et durablement aménagée. Les utopies récentes, celles d’un Aldous Huxley ou d’un George Orwell, conjecturent à l’inverse …  des sociétés de cauchemar, monstrueuses et froides, fondées sur une tyrannie sans lacunes, sur l’épouvante ou l’automatisme. La peur a remplacé l’espoir. Les changements de signe, radicaux et semblablement orientés, de deux sortes de représentations semi-visionnaires ne paraissent pas un hasard. » (Roger Caillois)

« Les doctrines absolues et infaillibles qui entendent substituer à la réalité vivante une succession logique de raisonnements. » (Albert Camus)

« L’idéologie, en hyperdémocratie, a tôt fait de se faire passer pour une morale. Des éléments jadis normatifs culturellement se voient dépouiller de cette qualité … On ne tiendra plus compte des accents,  de l’élocution, de la prononciation, du vocabulaire, du sens, du bon goût… » (Renaud Camus)

« Un trait caractéristique de l’époque est qu’elle ne supporte pas les mauvaises nouvelles idéologiques. Parce qu’elles lui déplaisent elle dit qu’elles sont fausses ; et elle a tendance à juger coupables, voire criminels, ceux qui les apportent ou les propagent … Et si ce n’’est pas faux, il faut que cela le devienne, car c’est inadmissible. » (Renaud Camus)

« L’idéologie du ‘sympa’, système de valeurs et doctrine à peu près officiels du pouvoir petit-bourgeois, se charge de proclamer vrai ce dont il serait plus sympathique que ce le soit en effet … d’interdire qu’on voit la réalité, et de proclamer criminels ceux qui, ayant vu celle-ci, auraient le front de la faire remarquer. » (Renaud Camus)

 « Toutes les idéologies dominantes sont, par définition vertueuses. Elles ne sont pas dominantes parce qu’elles sont vertueuses, elles sont vertueuses parce qu’elles sont dominantes. » (Renaud Camus)

  « L’idéologie aristocratique se concevait tout de même un extérieur, alors que l’idéologie bourgeoise ne s’en conçoit pas. » (Renaud Camus) – Ce pourquoi, entre autres, elle est totalitaire, et avec férocité. L’auteur signale d’ailleurs qu’elle est plus totale que totalitaire, au sens où elle n’admet rien d’autre qu’elle-même, soi-mêmiste par nature et vocation.

« Un des traits caractéristiques de l’époque est qu’elle ne supporte pas les mauvaises nouvelles idéologiques. Parce qu’elles lui déplaisent, elle dit qu’elles sont fausses ; et elle a tendance à juger coupables, voire criminels, ceux qui les apportent ou les propagent. ». (Renaud Camus) – Un témoignage de plus de notre lâcheté. Petit exemple : affirmer que le niveau intellectuel, culturel monte ou ne baisse pas, alors que la catastrophe est évidente, palpable dans quelque milieu ou environnement que ce soit.

« Les grands réformateurs politiques et sociaux sont en fait constamment soumis à cette nécessité de faire de l’impossible un possible … C’est la grande mission de l’utopie que de laisser le champ libre au possible en tant qu’il s’oppose à la soumission passive à l’état actuel des choses. » (Ernst Cassirer)

« Toutes les utopies mènent à la terreur dès qu’on s’efforce de les faire entrer dans le réel. » (Manuel Castells)

« L’incarnation est fatale aux idéologies qui chutent brutalement dans la pratique et s’y couvrent de plaies et de bosses. » (Jean Cau)

« L’utopiste préfère la promesse à l’accomplissement. Il a horreur du réel. Comme certains amoureux son horrifiés si la femme aimée en secret leur ouvre son lit et les prie de s’exécuter. » (Jean Cau)

 « Dès la Renaissance, au fil des siècles, l’utopie humaniste, qui se réalisera radicalement dans le socialisme, prépare la relève de l’utopie religieuse …C’est la Russie mystique qui pouvait le mieux passer d’une utopie religieuse à une utopie de l’homme. D’une mystique à l’autre. Ce qui arriva. » (Jean Cau)

« Nous ne serons pas vaincus par une morale érigeant une idée mais par une idéologie morne ordonnant une société … Une idéologie de masse, ce sont des idées vulgaires de masse qui écraseront les individus (d’ailleurs de moins en moins individus). » (Jean Cau – renvoyant dos à dos New-York et Moscou, du temps du communisme)

« La dénégation de la particularité du lieu est le principe même de l’idéologie. » (Père Michel de Certeau)

« Si Dieu est mort, l’homme, ne l’étant  pas encore, l’esprit religieux qui l’anime souffle en tempête, d’autant plus qu’il s’ignore comme tel. L’idéologie prend le relais de la théologie. Mais l’ultime : le Marxisme, n’a pu se justifier qu’au nom de la science, comme elle l’eût fait au nom de Dieu. » (Bernard Charbonneau)

« Il y a une fondamentale passion de l’unité dans l’utopie … Le caractère  totalitaire inévitable de l’utopie (l’accomplissement du désir d’avoir réintégré la matrice maternelle soutenu par la réalisation de l’unité parfaite du corps social) … ‘L’idéal sera atteint lorsque rien n’arrivera plus’ (Zamiatine). » (Janine Chasseguet-Smirgel)

« L’univers de la transparence symbolise le décloisonnement absolu des citoyens de la ville entre eux, de leur dédifférenciation. Ils se reflètent les uns dans les autres … Identité parfaite entre les citoyens. On a abattu le’ mur de la vie privée’. » (Janine Chasseguet-Smirgel – évoquant le livre de Zamiatine, contre-utopie, Nous autres)

 « L’idéologie, la conjonction de l’idée et de la passion. D’où l’intolérance. Parce que l’idée en elle-même ne serait pas dangereuse. Mais dés qu’un peu d’hystérie s’y attache, c’est fichu ! » (Emil Cioran)

« Les idéologies sont le sous-produit des visions messianiques ou utopiques, et comme l’expression vulgaire. »(Emil Cioran)

« Entre le paradis primordial des religions et celui, final, des utopies, il y a tout l’intervalle qui sépare un regret d’un espoir, un remords d’une illusion, une perfection atteinte d’une perfection inaccomplie. On s’aperçoit aisément de quel côté se trouvent l’efficacité et le dynamisme. » (Emil Cioran)

« Lorsqu’on est excédé des valeurs traditionnelles, on s’oriente vers l’idéologie qui les nie. Et c’est par sa force de négation qu’elle séduit, bien plus que par ses formules positives. » (Emil Cioran)

« L’utopie tente de concilier l’éternel présent et l’Histoire, les délices de l’âge d’or et les ambitions prométhéennes … de refaire l’Eden avec les moyens de la Chute … de procurer des idylles géométriques et des extases  réglementées. » (Emil Cioran)

« Pénétrés de la futilité des réformes, de la vanité et de l’hérésie d’un mieux, les réactionnaires voudraient épargner à l’humanité les déchirements et les fatigues de l’espoir, les affres d’une quête illusoire ; qu’elle se satisfasse de l’acquis, qu’elle abdique ses inquiétudes … pour se prélasser dans la douceur de la stagnation. » (Emil Cioran) – Et si pour une fois on les écoutait au lieu de les insulter, on sauverait au moins la planète et ses habitants avec !

« Les idéologues s’inventent un paradis dans le temps situé soit aux origines, soit dans l’avenir, selon que l’on cultive la nostalgie du passé ou l’idolâtrie du progrès … Cette idée est liée à ce ‘grandiose non-sens’ de la perfectibilité humaine, et de cette illusion naissent tous les fanatismes. » (Emil Cioran)

« D’où peut bien provenir tant de naïveté et tant de folie ? … Chaque époque s’emploie à divaguer sur l’âge d’or. Qu’on mette un terme à ces divagations : une stagnation totale s’ensuivrait …  Nous n’agissons que sous la fascination de l’impossible, autant dire qu’une société incapable d’enfanter une utopie et de s’y vouer est menacée de sclérose et de ruine … Plus vous serez démunis, plus vous dépenserez votre temps et votre énergie à tout réformer, en pensée, donc en pure perte … L’utopie est d’essence antimanichéenne. Hostile à l’anomalie, au difforme, à l’irrégulier, elle tend à l’affermissement de l’homogène, du type, de la répétition et de l’orthodoxie (mais la vie est rupture, hérésie, dérogation aux normes) … Tant que le christianisme comblait les esprits, l’utopie ne pouvait les séduire ; dès qu’il commença à les décevoir, elle chercha à les conquérir et à s’y installer … Ainsi naquit l’Avenir, vision d’un bonheur irrévocable, d’un paradis dirigé, où le hasard n’a pas de place, où la moindre fantaisie apparaît comme une hérésie ou une provocation … L’utopie qui tente de concilier les délices de l’âge d’or et les ambitions prométhéennes … de refaire l’Eden avec les moyens de la chute, permettant ainsi au nouvel Adam de connaître les avantages de l’ancien … Prométhée voulut faire mieux que Zeus ; improvisés en démiurges, nous voulons, nous, faire mieux que Dieu, lui infliger l’humiliation d’un paradis supérieur au sien, supprimer l’irréparable, ‘défataliser’ le monde… » (Emil Cioran – considérations éparses sur l’utopie)

« L’idéologie du progrès et les idéologies révolutionnaires en seront l’aboutissement … des idéologies suivant lesquelles nous formerions une masse d’élus virtuels, émancipés du péché d’origine, modelables à souhait, prédestinés au bien, susceptibles de toutes les perfections … J’admire que, la société étant ce qu’elle est, certains se soient évertués à en concevoir une autre, toute différente. D’où peut bien provenir tant de naïveté ou tant de folie ?  Qu’on mette un terme à ces divagations : une stagnation totale s’ensuivrait … Nous n’agissons que sous la fascination de l’impossible … La misère est le grand auxiliaire de l’utopiste … Pressentiment de l’inouï, de l’événement capital … attente cruciale … et ce sera l’espoir d’un paradis sur terre ou ailleurs ; ou alors ce sera la vision anxieuse d’un Pire idéal, d’un cataclysme voluptueusement redouté, utopie ou apocalypse … Les personnages des récits utopiques sont des automates, des fictions, en condition de fantoches, aucun n’est vrai … Je recommande la description du phalanstère de Fourier comme le plus efficace des vomitifs … L’inventeur d’utopie est un moraliste qui n’aperçoit en nous que désintéressement, appétit de sacrifice, oubli de soi, dépourvus de péchés et de vices, sans épaisseur ni contours … L’utopie est d’essence manichéenne, les ténèbres y sont interdites, la lumière seule y est admise … Mixture  de rationalisme puéril et d’angélisme sécularisé … Homogénéité, orthodoxie, répétition … Obsession du définitif … Une société où nos actes sont réglés et catalogués, où, par charité, l’on se penche sur nos arrière-pensées elles-mêmes, c’est transporter les affres de  l’enfer dans l’âge d’or …. Tant que le christianisme comblait les esprits, l’utopie ne pouvait les séduire ; dès qu’il commença à les décevoir, elle chercha à les conquérir et à s’y installer. » (Emil Cioran – considérations éparses sur les utopies et les idéologies) – S’applique parfaitement à l’idéologie utopique que fut le communisme.

« Quand les gens essaient d’imaginer un paradis sur terre, cela fait tout de suite un enfer très convenable. » (Paul Claudel – sur les utopies)

« Pour fabriquer l’actuelle idéologie dominante il faut être, philosophiquement et spirituellement, nul. » (Michel Clouscard – sur les nouveaux philosophes) – Tout le monde les reconnaîtra, ne serait-ce qu’au bruit qu’ils font, au pouvoir que la lâcheté des politiques leur concède,  et à l’audience que leur donne les médias.

« Les visionnaires apportent éternellement le malheur sur cette terre. Leurs utopies inspirent à la masse des esprits médiocres le dégoût de la réalité et le mépris de la logique séculaire du développement de l’homme. » (Joseph Conrad – Sous les yeux de l’Occident)

« La croyance a un sens de l’histoire, liée à une représentation du temps comme une ligne allant de l’origine à la fin, est en crise. Non seulement la mort des utopies a étouffé les espérances collectives, mais elle a brouillé notre rapport au temps et à l’histoire. » (Guy Coq)

« Notre monde, loin d’être sous-idéologisé, est sur-idéologisé, mais nous n’en sommes plus conscients, tellement l’idéologie dominante est si écrasante qu’on ne voit plus qu’elle. » (Mathieu Bock-Côté)

« Le propre d’un régime idéologique est de se radicaliser au moment où on le conteste … Moins le réel adhère à la doctrine, plus cette dernière doit le désavouer, en construisant un monde parallèle qui double la société existante et doit l‘éclipser. » (Mathieu Bock-Côté) – Comme on le voit aujourd’hui en France où le gang ne peut continuer à mentir qu’en usant de procédés totalitaires – « Pousser un homme à répéter que 2 + 2 = 5 consiste à le briser mentalement. » (même auteur)  – Avantage annexe du totalitarisme.  

« Proudhon qualifiait ‘d’idéomanie’ la confusion de l’idée et du réel qui infère ses axiomes nécessaires de conclusion préétablies … ‘Commençons donc par écarter tous les faits, car ils ne touchent point à la question’ et ‘Il faut savoir ce qui doit être pour bien juger de ce qui est.’» (Marc Crapez – citant J. J. Rousseau) – Notoire idéologue.

« Le dogmatisme progressiste étant l’idéologie dominante, vu les règles qui régissent la distribution des places (tout pour les soumis, rien pour ceux qui pensent par eux-mêmes), ceux qui veulent faire carrière y souscrivent … Le conformisme étant aussi une facilité servant de cache-misère aux  facultés moyennes. » (Marc Crapez) – Et c’est ainsi que se maintient une idéologie dominante, fût-elle stupide, antidémocratique et persécutrice comme l’actuelle, grâce à l’achat des innombrables consciences prêtes à se vendre.

« Les utopies sont à la pensée comme les robes à Claudia Schiffer. Elles expriment et donnent forme à nos désirs les plus profonds. » (Boris Cyrulnik)

« Le peu de fondement objectif de certaines doctrines (la cure analytique, la dictature du prolétariat…) à l’égard de leur colossal écho. Les conditions de la résonance (d’une doctrine) ont fort peu à voir avec la consistance intrinsèque du système explicatif. » (Régis Debray)

« Il n’est pas possible, par exemple, d’isoler la ‘fin des idéologies’ de l’avènement de l’audiovisuel (où l’exposition discursive d’arguments rationnels est pire qu’une faute de goût, une incitation au zapping). » (Régis Debray – sur l’influence, même quant au fond, des systèmes techniques de transmission de l’information) 

« Il est toujours plus facile d’épouser une lubie que d’en divorcer ; et douloureuse peut être une séparation de corps. » (Régis Debray)

« L’idéologue assassine la vie pour assassiner l’imperfection. » (Chantal Delsol)

« Le caractère idéologique de  l’universalisme : prétention à plier le réel à sa loi comme s’il s’agissait d’une mécanique , irréalisme … mais le progrès est comme le bonheur, il n’est pas un du, il ne vient pas tout seul, il faut le mériter … Le discours à propos de  la santé humaine, de la liberté humaine , de la nature, se déploie sur le mode de la ferveur, de l’emballement et de l’intolérance … Idéologie sans aucune légitimité à se prétendre différente au sein d’une neutralité spécifique (IVG, légitimité de tuer en référence aux valeurs de santé biologique et de liberté individuelle) … Le caractère idéologique est bien visible dans la récusation contemporaine de la ‘tolérance’… L’intolérance postmoderne signifie la raideur et la prétention des certitudes idéologiques sous couvert de relativisme général. » (Chantal Delsol – Le crépuscule de l’universel)

 « C’est dans les utopies que la rationalisation apparaît avec le plus d’ampleur, puisqu’elle finit par y biffer entièrement la contingence … Il s’agit de faire du monde un paradis par le moyen de la raison toute-puissante. Mais, dans l’utopie, c’est finalement moins le bonheur promis qui apparaît que la rationalisation totale. Ce monde sans aléas parvient, intellectuellement, à gommer entièrement le désordre, mais il en sort une vie réduite tantôt médiocre tantôt subtilement angoissante … On s’aperçoit que la raison ne peut conférer le sens mais qu’elle peut le détruire. Que la contingence irrationnelle au contraire entretient des significations. Que le perfectionnement du monde ne passe pas toujours par la rationalité » (Chantal Delsol)

« Le véritable patriote ne connaît point les personnes, il ne connaît que les principes. » (Camille Desmoulins)

« L’utopie n’est-elle pas à l’instar du millénarisme l’attestation d’une société ‘éclatante’ dans la contestation d’une société ‘éclatée’ ? » (Henri Desroche)

« Je ne veux pas m’immoler à ce dieu terrible qui s’appelle la société future ! » (Dostoïevski – Les frères Karamazov)

« L’épuisement et la disparition des grands récits de légitimation, notamment le récit religieux et le récit politique, pointés par Jean-François Lyotard … Absence d’énonciateur collectif crédible, de principe unifiant. » (Dany-Robert Dufour)

« Le monde des grands récits n’était pas enchanté, loin s’en faut. Mais le monde des néotribus ne le sera pas davantage. Parce qu’aucune socialité ne peut faire l’économie de l’absence. Si l’on ne peut pas décidément se retenir d’appeler les foules à s’embarquer dans un train en partance pour l’un ou l’autre monde (idéologies), il faut dire comment, dans ce monde, le sacrifice sera consommé … Se débarrasser de Dieu apparaît tout à coup comme une rude épreuve : tout de suite est reouverte la question qui était, avec Dieu et son sacrifice, résolue une foi(s) pour toutes … S’il n’y a plus d’occurrence divine de l’absence, il faudra qu’une nouvelle occurrence de l’absence vienne occuper ce lieu constitutif du lien social. » (Dany-Robert Dufour)  – Par sacrifice, entendre essentiellement la mort. 

« Système d’idées et de valeurs qui a cours dans un milieu social donné. » (Louis Dumont)

« Une utopie est la représentation imaginaire d’une société, représentation contenant des propositions de solutions à des problèmes non résolus, bien particuliers, de la société d’origine … Des propositions de solutions qui indiquent les changements que les auteurs souhaitent … ou bien les changements qu’ils redoutent, voire peut-être les deux à la fois … Constructions effrayantes ou souhaitables, se rapportant à des conflits aigus de la société d’origine … proposant des solutions à d’authentiques problèmes sociaux de leur époque … Ce dont rêvent les gens à ce moment-là, ce qu’ils désirent et ce qu’ils redoutent … Le caractère hégémonique de toutes les utopies … L’étude des utopies des générations précédentes ouvre aux générations qui suivent la possibilité de reconstruire les problèmes humains non résolus d’une époque passée (‘L’utopie’ de Thomas More : l’Angleterre des Tudors, l’arbitraire des princes, souci d’alors la meilleure forme de l’Etat, l’absurdité de l’intolérance religieuse) … Chez More, l’utopie avait le caractère d’un idéal, chez Aldous Huxley et Orwell, il s’agit d’un contre-idéal … Le développement des utopies négatives au XX° siècle (les utopies à caractère cauchemardesque, les ‘utopies noires’) reflète très certainement en partie un climat d’angoisse et de peur …  Les utopies-rêves et les utopies-cauchemar … Du chœur des optimistes au chœur des pessimistes … H. G. Wells représente la transition au début du siècle (‘L’île du docteur Moreau’) … L’apparition des nuisances de la science, la rationalité en défaut (1914…), le progrès contesté, l’estime de soi des humains atteinte (darwinisme et évolution), la disparition du sens du monde …  Pourrait-on dire que plus la réalité est barbare et indésirable, plus les utopies littéraires brossant un monde idéal sont les bienvenues ; et plus la vie commune des hommes est sûre, réglée, civilisée, pour l’essentiel, plus grand est leur besoin de représentations imaginaires littéraires inquiétantes, angoissantes, plutôt barbares ? Avec la faisabilité croissante (du domaine de l’impossible à celui du possible ; à titre d’exemple simple : aller sur la lune était une utopie), les hommes se trouvent de plus en plus livrés aux hommes. Ils se craignent de plus en plus les uns les autres … Les utopies peuvent-elles avoir une influence significative sur l’avenir ? Si Marx n’avait jamais vécu, le Tsar régnerait-il encore en Russie ? … Les processus sociaux planétaires et la science-fiction, toujours également planétaire. » (Norbert Elias – considérations éparses sur les utopies et principalement sur leur relation aux préocccupations de leur époque)

« L’utopie n’est pas une imagination débridée, un lieu neuf. Elle est tout au contraire ‘la construction mathématique, logique et rigoureuse d’une cité parfaite soumise aux impératifs d’une planification absolue, qui a tout prévu d’avance, ne tolère pas la moindre faille et la moindre remise en question, un totalitarisme’ … Elle n’est pas imagination exubérante, elle est sèche et impérative, précise et méticuleuse … le rationalisme social seule voie vers la perfection, géométrie sans faille, perfection sociale réalisée une fois pour toutes … Sans passé ni projets, le lendemain ne peut être autre chose que la répétition d’aujourd’hui … frénésie de l’organisation … Caractère vicieux et hypocrite de l’idéologie, se faire prendre pour le contraire de ce qu’elle est : en réalité, elle est l’anti-rêve … Maternalisante, elle exprime le désir de quiétude absolue, le retour au sein maternel … Elle est une ‘excroissance monstrueuse de la raison’. » (Jacques Ellul – considérations éparses sur l’utopie – citant François Laplantine : Les trois voix de l’imaginaire)

« L’ironie de l’histoire a voulu – comme toujours quand les doctrines arrivent au pouvoir – que les uns comme les autres fissent le contraire de ce que leur prescrivait leur doctrine. » (Friedrich Engels – sur la Commune de Paris) – C’est une tradition socialiste.

« Un idéologue … construit la morale et le droit, non en les tirant de la situation sociale des hommes qui l’entourent, mais en les déduisant …  des maigres débris de réalité qui peuvent encore rester dans les abstractions qu’il prend pour point de  départ et secondement d’éléments que l’idéologue introduit en les prenant dans sa propre conscience …  où il trouve les idées morales et juridiques qui sont l’expression plus ou moins adéquates des conditions sociales dans lesquelles il vit, avec peut-être des idées empruntées à la littérature sur le sujet en question, enfin , et cela n’’est pas impossible,  des lubies personnelles. » (Friedrich Engels – Anti-Dürhing

« ‘C’est une folie à nulle autre seconde, de vouloir se mêler de corriger le monde’ (Molière). L’homme n’est pas à la hauteur des fous qui lui veulent, malgré lui, tant de bien … L’utopie est un néant si parfait qu’il a tout à perdre à se réaliser … L’immodestie de l’idéal ne supporte pas les petits arrangements qui font les progrès véritables, et l’ailleurs utopique est l’alibi de l’inefficacité pratique ; ses effets ne sont jamais son affaire. Le réel ? L’utopie s’en lave les mains … Pour être radieux, l’avenir doit rester à venir. Pour sa survie, l’utopie ne doit pas exister. » (Raphaël Enthoven)

« Toutes les utopies d’hier sont  les industries de maintenant. » (Alain Finkielkraut)

« ‘L’ensemble des représentations que forme la classe dominante pour faire croire en la légitimité et la nécessité de sa domination et se cacher à elle-même ses fondements’ … On combat sous le nom d’idéologie l’omniprésente illusion qui travestit un point de vue particulier en vérité universelle… » (Alain Finkielkraut – citant Karl Marx)

« Du productivisme à l’écologisme, l’idéologie s’inverse mais l’image du grand changement ne change pas : toujours la même idylle, toujours le même sourire extatique pour la même promesse fusionnelle. » (Alain Finkielkraut) – Toujours le même optimisme béat,  la même bêtise.

« Doctrinaires. – Les mépriser. Pourquoi ? On n’en sait rien. » (Flaubert – Dictionnaire des idées reçues)

« Les idéologies caractérisées exigeaient l’adhésion volontaire des esprits, l’idéologisation au contraire est l’avilissement des âmes, dénaturées par les médias. » (Julien Freund)

« L’idéologie s’adresse au sentiment, voire à la passion et à l’imagination, en quête de merveilleux. Elle trouve sa nourriture dans les grands mots et les grandes idées, à connotation eschatologique, tels la liberté, l’égalité, la justice, le bonheur ou la paix, sans que le contenu de ces concepts soit jamais précisé et sans que l’on spécifie les conditions de leur actualisation… » (Julien Freund)

« L’utopie croit à la possibilité de transformer l’homme et la société … alors que les moyens d’une telle transformation font actuellement défaut, tandis que l’idéologie compte avec les défauts et les qualités des hommes existant pour les manœuvrer politiquement … L’utopie estime pouvoir modifier le fond, l’idéologie change les formes dans un but précis et susceptible d’être atteint empiriquement. » (Julien Freund)

 « Le progressisme délétère se manifeste dans l’utopie … Non celle du genre littéraire … mais la propension actuelle à vouloir considérer les choses essentiellement en fonction de l’avenir, sous les traits les plus flous, dans l’intention d’entraîner les hommes dans une action collective indéterminée. De ce point de vue, l’utopisme est une des composantes de l’idéologie … L’utopisme détraque l’esprit logique, tant il est inconsistant, parce qu’il véhicule les idées les plus hétéroclites, sans rigueur et sans logique … Manière de pensée qui dénigre l’expérience humaine et historique au nom d’un imaginaire chaotique qu’il présente comme réalisable parce qu’il le qualifie de généreux … Mais il y a un point commun entre l’utopie au sens propre (littéraire) et l’utopie moderne, c’est qu’elles préconisent toutes deux une société sous surveillance. » (Julien Freund)

« Les idéologies s’élaborent dans ces hauteurs où l’on prétend lire les courants, la marche de l’histoire et où l’on pense l’humanité après avoir perdu de vue les hommes. »  (André Frossard)

« L’Amérique n’a pas d’idéologie puisqu’elle en est une. » (François Furet)

« L’idéologie obéit aux mêmes lois que les sentiments. Son problème n’est pas d’analyser le monde comme il est mais de s’en nourrir … La première préoccupation de l’idéologie est de l’ordre de la digestion : il s’agit de fabriquer, avec l’historique, quelque chose de compatible avec le système de croyances et d’idées qui la constitue. D’en remanier inlassablement les matériaux toujours renouvelés pour les adapter à son schéma général d’interprétation. » (François Furet)

« L’idéologie va être le discours de la société sur elle-même, chargé tout à la fois d’expliquer son histoire, de justifier ses choix politiques et de fournir une définition de l’avenir … l’idéologie ce sont des ‘ismes’ dont on observe la multiplication à partir de la Révolution française. » (Marcel Gauchet)

« Trajectoire parallèle de la croyance religieuse et de la croyance politique depuis le moment où cette dernière apparaît sous les traits de l’idéologie … Ce qui succède à la religion, c’est l’idéologie … L’idéologie est le cadre intellectuel et l’univers mental des sociétés d’après la religion … La question motrice des idéologies : comment produire l’Un collectif que produisait la religion par d’autres voies que la religion ? » (Marcel Gauchet)

 « L’accélération de la sortie de la religion au cours de la dernière période n’a pas affecté que les Eglises établies. Elle a été fatale aux idéologies séculières qui s’étaient définies contre elles. Elle a littéralement dissous la foi marxiste dans l’accomplissement révolutionnaire de l’histoire … Elle a défait la croyance dans les promesses du devenir, dont les attentes investies dans le progrès représentaient la version la plus répandue. Elle a également porté un coup mortel à … la religiosité républicaine de la liberté et son spirituel laïc. » (Marcel Gauchet)

« Nous sommes aujourd’hui au plein cœur d’une période d’idéologie d’autant plus pernicieuse, qu’elle n’est jamais repérée pour ce qu’elle est mais toujours confondue avec le cours obligatoire des choses : il s’agit de l’idéologie néo-libérale, qui va de pair avec la dépolitisation de nos sociétés. » (Marcel Gauchet)

« On discute de technique, on ne discute pas d’une vision opposée à une autre … Les seules utopies que nous avons sont de nature technique : l’homme augmenté, posthumain, quand les ordinateurs penseront tout seuls, etc. Aucune n’est politique … Le néolibéralisme a sa propre utopie, elle lui est immanente : le libertarisme. Il a dévoré l’anarchisme. » (Marcel Gauchet)

« Ce qui est vrai, c’est que durant une première période au terme de laquelle nous touchons tout juste, le rapport à l’avenir a emprunté ou s’est coulé dans les formes de la religiosité au point de pouvoir donner le sentiment d’une foi de substitution. Croyances eschatologiques, quête du salut par l’histoire, sacrifices aux temps meilleurs, jusqu’à l’immolation de masse … Ce qui se délite avec les idéologies, c’est la forme dernière, vestigiale, qu’aura revêtue le religieux en notre monde. » (Marcel Gauchet)

« Distinction des doctrines a priori et des doctrines de circonstances. » (Charles de Gaulle – Le fil de l’épée) – Les premières de nature le plus souvent idéologique.

« Des idéologies décident que ce que les gens constatent comme une évidence est faux, et qu’ils doivent désormais voir les choses comme on exige qu’ils le fassent. C’est cela qui est humiliant … Soudain des idéologues décident que la différence des sexes n’est pas inscrite dans la nature mais qu’elle est artificiellement construite par la société. » (Pierre-Yves Gomez) – Sur les dernières réformes dites sociétales, mariage pour tous…

« Idéologie … conception du monde qui se manifeste implicitement dans l’art, dans le droit, dans l’activité économique, dans toutes les manifestations de la vie individuelle et collective … diffusée en premier lieu par la Presse en général. » (Antonio Gramsci) – Aujourd’hui par les média, dont on comprend que le contrôle absolu soit vital pour le maintien du pouvoir politique du groupe dominant.

« Comment la classe dominante est-elle parvenue à obtenir le consentement des classes qu’elle opprime ? A imposer, à légitimer sa domination, en d’autres termes, ce qui a permis à la  philosophie de la classe dominante de devenir ‘sens commun’ … La fonction juridico-militaire de l’Etat demande à être corroborée par une action éducative-persuasive, une action de conformisation du corps social tout entier … En s’emparant de la société civile, la société politique possédant l’appareil d’Etat, la classe dominante qui détenait déjà le pouvoir coercitif, devient dirigeante, par la direction intellectuelle et morale et établit ainsi son hégémonie ; d’où l’importance des intellectuels. » (suivant Antonio Gramsci) – « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir. » (J. J. Rousseau)

« Je suis loin d’être le seul à avoir observé qu’un certain mouvement antiraciste contribuait paradoxalement à remettre de la race partout où il n’en y avait plus. Au nom du progrès social, la race est redevenue une notion pivot autour de laquelle tout semble graviter dans un interminable tourbillon d’irréalité. Avec ses nouvelles obsessions, la gauche régressive fournit même des munitions aux groupuscules d’extrême droite – bien présents aux États-Unis – qui devaient attendre le retour de la question raciale avec impatience. Pour ces groupes dont il ne faut pas nier l’existence ni surestimer l’importance, la remontée du racialisme via la gauche apparaît comme une tendre ironie de l’histoire. »  (Jérôme Blanchet-Gravel) 

« Quand une idéologie dissipe ses mirages sous l’effet des coups de boutoir  de la réalité, ou bien on essaie de faire le deuil de ses illusions, ou bien l’on remplace une idéologie par une autre (Jacques (Doriot, du communisme au fascisme), ou bien encore on rejette  la vérité en érigeant une idéologie de remplacement centrée sur le déni de réalité. » (Béla Grunberger et Janine Chasseguet-Smirgel)

« Sous sa forme moderne, l’idéologie c’est la réunion funeste d’une certitude empruntée à la science et d’une foi d’essence religieuse. Si la Gnose traditionnelle apparaissait comme une corruption de la croyance par un pseudo-savoir, l’idéologie contemporaine, à l’inverse, est une corruption du savoir par la croyance. La première menaçait la foi, la seconde met en danger la raison. » (Jean-Claude Guillebaud)

« L’énigme de la croyance idéologique, c’est cette clôture invisible qui tient captifs ses paroissiens. L’idéologie n’a pas de ‘dehors’, ni même d’ouverture Elle est une certitude refermée sur elle-même et ne peut concevoir une vérité qui lui serait extérieure … Vision globale et exclusive … absolu venu mettre un terme à l’errance de la pensée. » (Jean-Claude Guillebaud)

« Il n’est pas surprenant que le modèle californien, celui de la ‘Silicon valley’ constitue une référence pour la société métropolitaine (comprendre ‘urbaine’). Ce modèle repose en effet sur cette idéologie libérale-libertaire qui ‘constitue depuis des décennies la synthèse la plus accomplie de la cupidité des hommes d’affaires libéraux et de la contre culture californienne de l’extrême gauche des sixties’ … On oublie toujours de préciser que les patrons de la Silicon Valley, les ‘petits génies’ ne viennent pas d’en bas … le nouveau monde ressemble en tout points à l’ancien. » (Christophe Guilluy – citant Jean-Claude Michéa)

« Une doctrine absolutiste est au premier moment une salutaire hygiène, parce qu’elle nous débarrasse de l’acte de prudence et de dosage, qui nourrit l’angoisse de la probabilité. » (Jean Guitton) – Oui, mais dans un deuxième moment, elle nous enferme.

 « Nostalgie de l’état adamique … A chaque fois, il s’agit de fabriquer la société parfaite où le pain, la paix et la terre offrent à l’homme un bonheur de bête repue … Un contre-paradis, un paradis encore, mais artificiel, superbe et creux» (Fabrice Hadjadj – sur l’utopie)

« Les ‘religions séculières’ (communisme, humanitarisme actuel…) fixent le but dernier, quasiment sacré par rapport auquel se définissent le bien et le mal … Ces ‘religions de salut collectif’ ne connaissent rien qui soit supérieur, en dignité et en autorité, à l’objectif de leur mouvement. Ne compte que l’utilité par rapport à ce but … S’inspirant du millénarisme et de la gnose qui refusent de considérer que le mal peut résider en l’homme. » (Jean-Luc Harouel – évoquant et citant Raymond Aron)

« Ce sont des choses et on peut aimer les choses ; mais ce que je suis incapable d’aimer, ce sont les paroles. Et voilà pourquoi je ne fais aucun cas des doctrines. Elles n’ont ni dureté, ni mollesse, ni couleur, ni odeur, ni goût, elles n’ont qu’une chose : des mots. Peut-être est-ce pour cela que tu n’arrives pas à trouver la paix, tu t’égares dans le labyrinthe des phrases. » (Hermann Hesse – Siddartha)    

« Il n’est pas bon que l’humanité fasse un usage excessif de son intellect, qu’elle tente grâce à la raison de mettre de l’ordre dans des domaines qui ne sont pas du tout accessibles à celle-ci. Cela donne naissance à des idéaux, tels que celui des Américains ou celui des bolcheviks. » (Hermann Hesse)

« L’islamo-gauchisme, tentative désespérées de marxistes décomposés, pourrissants, en état de mort clinique, pour se hisser hors des poubelles de l’histoire en s’accrochant aux forces montantes de l’Islam. » (Michel Houllebecq) 

« L’idéologie, forme moderne de l’idolâtrie. » (Roland Hureaux)

« L’argument du sens de l’histoire, l’idée qu’il faut ‘vivre avec son temps’, ne pas être vieux jeu, la diabolisation, la ringardisation, sont des marqueurs caractéristique de l’idéologie. » (Roland Hureaux)

« Suivre en tous domaines, ou presque, l’opinion populaire … prendre le point de vue le plus couramment admis dans l’opinion populaire en matière d’éducation, de justice, de mœurs par exemple est ainsi le meilleur moyen d’échapper à la pensée unique, de s’émanciper de l’idéologie … Les moins vulnérables à l’idéologie seraient les gens du peuple, non point par ce qu’ils seraient moins intelligents ou moins instruits mais parce qu’ils sont plus proches des réalités et moins portés sur les démarches purement abstraites. » (Roland Hureaux)

« Le processus idéologique consiste à gouverner à partir d’une idée simple, trop simple, et par là fausse, donc réductrice du réel, dont toutes les conséquences, y compris les plus folles sont tirées (puisque aucune idée concurrente ne vient se mettre en travers). Le communisme disait : les hommes sont aliénés par la propriété, supprimons la propriété et ils seront heureux. Les partisans de l’Europe supranationale disent la guerre a ravagé l’Europe, c’est la faute des Etats-nations, supprimons les Etats-nations pour ne faire qu’une seul Etat continental, ce sera la paix perpétuelle… et la prospérité … Ceux qui fondent leur politique sur une seule idée pensent qu’elle est géniale et qu’elle apportera le salut. Si elle s’oppose à certaines tendances naturelles de l’homme, il faut passer en force, au besoin contre le peuple. » (Roland Hureaux)  – Comme le fait systématiquement Bruxelles.

« Le contraire de l’idéologie, c’est la prise en compte du réel et, par-là, de la complexité, c’est l’acceptation d’une certaine permanence des réalités humaines (la propriété, les nations, les passions humaines) et donc le refus de projets utopiques se présentant  comme une marche irrésistible vers la fin de l’histoire. » (Roland Hureaux) 

 «  Il est un caractère de l’idéologie qui, plus que les autres, ne trompe pas, c’est l’intolérance, le refus de conférer quelque respectabilité que ce soit aux positions adverses. Car toute idéologie est un projet messianique : l’ambition de transformer radicalement  la condition humaine, par la suppression de tel ou tel fondamental anthropologique : la propriété, la nation, ou l’instauration de la démocratie libérale. L’opposition aux idéologies n’est pas une opinion parmi d’autres ; elle est tenue par ses partisans pour un obstacle à une ambition  mirifique. Les ennemis du communisme  étaient des ‘vipères lubriques’. Ceux du libéralisme, assimilé à tort ou à raison aux constructions supranationales sur lesquelles repose l’Occident : Otan, Union européenne, etc. sont relégués dans les ténèbres extérieures où ont sombré  les gens infréquentables. Infréquentables, c’est-à-dire qu’aucun débat n’est permis avec elles … L’idéologue a besoin d’adversaires diaboliques. Porteur d’une vision eschatologique qui doit faire passer des ténèbres à la lumière, il ne supporte pas d’être mis en échec. La moitié néo-conservatrice (ou ultralibérale) de l’opinion américaine, qui a  soutenu Hillary Clinton, n’a toujours pas digéré la victoire de Trump, voué aux gémonies : l’idéologie amène la grande démocratie américaine au bord de la partition. A intervalles réguliers, l’idéologie dominante occidentale désigne un bouc émissaire tenu pour l’ennemi de l’humanité et lui fait la guerre ; elle a besoin de produire des monstres pour se justifier : de Bachar el Assad à Vladimir Poutine, pour ne prendre que de récents exemples. Ceux qui, aux Etats-Unis et en Europe occidentale sont les plus agressifs vis-à-vis de la Russie sont, sur le plan intérieur,  des centristes … Les hommes du centre représentent une idéologie libérale très convenable. Dangereuse illusion, parce que le libéralisme auxquels se réfèrent les gens convenables a, lui aussi, pris au fil des ans le caractère d’une idéologie ; c’est cette idéologie que nous appelons l’extrême centre. Le bilan des guerres des vingt dernières années est accablant : elles ont fait des centaines de milliers de morts. Aucune pourtant n’a été déclarée par des extrémistes, presque toutes par des idéologues du ‘mainstream’. En tous les cas, en Europe au moins, elles ont reçu le soutien de courants centristes et le désaveu de ceux que l’on taxe d’extrémisme. Quand la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright dit en 1996 que le renversement de Saddam Hussein méritait qu’on lui sacrifie la vie de plus de 500 000 enfants irakiens, elle exprime l’opinion d’une centriste. » (Roland Hureaux) – Elle exprime aussi la brutalité sanguinaire naturelle de l’Amérique anglo-saxonne.   

« L’idéologie dominante ne se reconnaît pas au fait que tout le monde y adhère (elle peut même être assez minoritaire) mais à sa position hégémonique qui lui permet de réclamer le monopole de l’évidence morale et factuelle. Elle se reconnaît souvent aussi à son programme d’en finir avec toutes les idéologies (puisqu’elle possède le vrai). L’hégémonie intellectuelle ne consiste pas à imposer un credo, mais un vocabulaire, une hiérarchie, des grilles d’interprétation de la réalité. Ce régime se détraque (avec l’intrusion des  réseaux sociaux). » (François-Bernard Huyghe – à propos des ‘fake news’) – D’où la frénésie actuelle de censure de la part des dominants.                                                                                                  

« L’aveuglement idéologique qui permet de ne percevoir de la  réalité que ce qui confirme l’idée (‘quand la réponse précède la question’ disait Althusser). » (François-Bernard Huyghe)  

Deux grandes idéologies actuelles. – « La théorie du ‘déni’ désigne les responsables de l’aveuglement idéologique comme profiteurs du système ; ce sont les catégories sociales à l’abri de la mondialisation et donc enclines à ne lui trouver que des avantages. Cette critique est devenue ‘de droite’ en ce sens qu’elle tend à se référer à un peuple authentique et à une France d’avant la décadence / soumission. Elle accuse les dominants (bobos, technocrates, eurocrates, banquiers…) de vivre dans la bulle de la mondialisation béate en fermant les yeux sur les souffrances des citoyens et les périls qui montent – La théorie du ‘délit’ (à certains égards celle du délire) vise à criminaliser au moins moralement toute critique dépassant certaines bornes. Toute opposition hors-normes est jugée en termes idéologiques : contagion des phobies et archaïsmes. » (François-Bernard Huyghe) – La deuxième théorie est l’arme des dominants pour maintenir leur pouvoir et le monopole de la doxa qui les sert.

« Le futur paraît une affaire exclusivement individuelle. Il s’est produit ce que Klaus Offe nomme une ‘privatisation de l’utopie’. Le futur se privatise, se pluralise, et se fragmente. » (Daniel Innerarity)

« Tout le monde serait dans le désarroi sans l’idéologie … Les gens ont besoin d’une foi, bonne ou mauvaise. » (Eugène Ionesco)

« Il faut survoler son temps, passer à travers pour ne pas disparaître avec lui … être au-dessus … Ne pas se laissera aller, garder sa lucidité, juger des choses avec bon sens, les idéologies sont folles, tous les gens sont idéologues, tous les gens sont passionnément et fanatiquement idéologues… Les idéologie sont des crises» (Eugène Ionesco)

« L’idéal des idéologues est un ‘avenir lointain’ et dont l’échéance est indéfiniment ramenée à après-demain. Cet intellect … a pour spécialités la médiation dialectique, la prévision, l’affût … Son rôle est de maintenir l’avenir à bonne distance … car il serait scandaleux que l’avenir, se prenant lui-même au sérieux, fût sur le point d’advenir en fait … Les mythes eschatologiques du messianisme, espérance sociales ou promesses religieuses, Grand soir ou Jugement dernier, Paix perpétuelle ou Cité de Dieu sont remis à la fin des temps. L’Internationale ‘sera’ le genre humain, mais pas tout de suite, bien plus tard, à la fin de l’histoire, pour n’affoler personne. » (Vladimir Jankélévitch)

« Très souvent, on emploie le langage du christianisme dans les doctrines sociales. Si bien qu’on peut voir dans nombre d’entre elles des religions laïcisées qui transfèrent l’au-delà dans la fin de l’histoire, donc dans l’en-deçà. » (Vladimir Jankélévitch)

« Aujourd’hui, la défense et la légitimation de l’idéologie résident dans sa négation du réel. Ce qui exige, bien sûr, une apologie délirante et agressive de la vérité et de l’honnêteté intellectuelle. » (Claude Jannoud)

« La pensée dominante est essentiellement opératoire. Elle l’est dans son projet d’asservissement de la matière et de la nature, mais elle gouverne aussi la société, l’économie, la politique, la culture, règne également dans l’esprit du temps. » (Claude Jannoud)

« Toutes les idéologies du salut qui, sous prétexte de changer le monde, éludent sa matérialité. » (Claude Jannoud)

« Les propagateurs de l’épidémie idéologique sont les héritiers laïques des deux traditions chrétiennes. De l’une, ils ont emprunté l’autoritarisme et l’intolérance,  d’autant plus virulente qu’elle se dissimile derrière l’apologie de la tolérance. L’autre tradition chrétienne est la substance de leur discours égalitaire et universaliste, même si en l’occurrence il est dépourvu d’humilité … Cette épidémie altère gravement l’instinct de conservation des sociétés dans la mesure où elle est un agglomérat de valeurs molles, au service du triptyque : uniformisation, éparpillement, déréalisation. Les discours de l’égalité, de l’émancipation, de la tolérance … engendrent culturellement un nivellement par le bas, une aliénation généralisée parfois proche d’une maladie mentale. » (Claude Jannoud)

« Renoncer à un rêve éthéré d’enfance, et c’est ce qu’est l’utopie pour l’humanité, devient un commandement à l’âge adulte. » (Hans Jonas)

« Comme tous les fanatiques de la puissance et de la domination, ses rêves sans frein l’entraînaient dans les royaumes de l’utopie. Il appartenait à l’espèce des rêveurs concrets, qui est très dangereuse. » (Ernst Jünger)

 « Quand tous les hommes seront libres, ils seront égaux ; quand ils seront égaux, ils seront justes. Ce qui est honnête se suit de soi-même. » (Saint-Just) – Heureusement peut-être pour cet être d’exception que la guillotine ne lui a pas laissé le temps d’ouvrir les yeux.

« Tout fervent adepte d’un ‘isme’ quelconque exècre ‘l’isme’ du voisin, sans avoir pour cela de motif plus profond que le primitif, qui voit un ennemi dans tout étranger. » (Hermann von Keyserling)

« Avancer une raison idéologique n’est souvent rien d’autre qu’exprimer une émotion, et si une émotion suffit à tout justifier, tout est justifié. » (Leszek Kolakowski) – Dans notre société : possibilités infinies de manipulations tordues ; accroissement vertigineux de la stupidité générale.

« Aux utopies de nature sociale et politique ont succédé des utopies biotechnologiques comme le transhumanisme. » (Leszek Kolakowski)

« L’adhésion au communisme n’a rien à voir avec Marx et ses théories ; l’époque  a seulement offert aux gens l’occasion de pouvoir combler leurs besoins psychologiques les plus divers : le besoin de se  montrer non-conformiste ; ou le besoin d’obéir ; ou le besoin de punir les méchants ; ou le besoin d’être utile ;  ou le besoin d’avancer vers l’avenir avec les jeunes ; ou le besoin d’avoir autour de soi une grande famille… » (Milan Kundera) – On peut étendre la réflexion à beaucoup d’adhésion  à beaucoup d’idéologies.

« Il y a idéologie dés qu’un contenu particulier se présente comme étant davantage que lui-même. En l’absence de cette dimension d’horizon, nous aurions des idées, un système d’idées, mais en aucun cas des idéologies … Il faut pour cela que le caractère particulier, d’une simple mesure économique par exemple, en arrive à incarner quelque chose de plus, de différent, par exemple le rejet de la domination étrangère, l’élimination du gaspillage, l’accès à la justice sociale… » (Ernesto Laclau) – En ce sens, toutes nos mesures gouvernementales, politiques, sont pourries d’idéologie, sous la pression médiatique notamment. Ce qui contribue au bazar et à la décadence française.

« L’idéologie de la repentance qui dégouline de l’extrême gauche culturelle. » (Julien Lanfried)

« L’utopie : la passion de la perfection atteinte une fois pour toutes et qui pour se construire en face d’une société qu’elle déteste, emprunte à cette société tous ses matériaux en les inversant, l’utopie est peu subversive … Construction mathématique, logique et rigoureuse d’une cité parfaite … qui a tout prévu d’avance et ne tolère pas la moindre faille … Synonyme de totalitarisme … Dépendance à l’égard d’images-croyances absolutisées … Justiciers épris de pureté  (n’hésitant pas à massacrer)… Haine de l’histoire et phobie du changement, parvenir à la fin du monde et à l’extinction du temps … Passion triste et à la limite obsessionnelle, passion structuraliste … Pensée froide, gestionnaire et planificatrice … Religion politique, religion de l’activisme et du travail, religion de la Puissance étatique, administrative, l’Etat met son nez partout … Savoir, Totalité et certitude … Idéal bourgeois rassurant de philosophes-mathématiciens, quelque chose d’aristocratique … Univers monotone et fastidieux, clarté logique de l’ordre, de l’organisation établie, frénésie de l’organisation … désir de perfection du système … Les utopistes abhorrent tout ce que les poètes chérissent, ce qui est unique, original, ce qui différencie et personnalise … Le planificateur utopique désacralise le monde, la Création est ratée et il faut tout recommencer … Morale stricte, religion de l’activisme et du travail … Se protéger du dehors réputé corrompu, couper les ponts, édifier des murailles … Accent sur la scolarisation et la pédagogie ; combat contre tout ce qui n’est pas utilitaire, utilisable , détachement des attaches parentales au profit de la collectivité … Structure très nettement maternalisante, mais aussi matronisante, pureté des aliments, obsession végétarienne, nostalgie du bonheur lacté et biberonnesque, protection maternelle de l’Etat-pouponnière, chaude harmonie cosmique, plus besoin de divinités ouraniennes, du père et de la projection de son image … Rationalisme dévitalisant, aptitude morbide à la stéréotypie et à l’abstraction … L’utopie s’épanouit dans la vision rassurante et cauchemardesque d’un univers planifié et programmé à l’extrême … et qui correspond … à un de nos désirs fondamentaux : celui d’être une bonne fois pour toutes délivrés du fardeau de notre liberté. » (François Laplantine) – Notre système actuel, poussé à son paroxysme par la mondialisation. Phénomène type : le principe de précaution.

« L’utopiste n’extermine pas forcément Dieu mais, toujours, il coupe les chemins entre ciel et terre … On invite le Créateur à légiférer dans ses domaines, non dans la demeure des hommes … La nature, dans ses têtes mathématiques se présente comme parfaite, inaltérable et incorruptible. Impassible, glaciale, elle ignore la mort, la décrépitude. Sa perfection est celle des équations. Aucun rapport avec le spectacle que le monde offre. Toute utopie pourchasse implacablement  le mal …L’angle droit (des villes) n’existe pas dans les forêts … L’homme se soumet à des lois qu’il s’est lui-même donnés, il choisit  …A l’inverse du vagabond, du poète, du ‘hippy’, de l’amoureux, il a  choisi l’artifice contre le vital, l’institution contre la nature … L’utopie se niche dans les casernes, les ordinateurs, les plans et les fourmilières, , pas dans le désir, la liberté et le bonheur.  Société désinfectée, citoyens sans inclination, sans imagination et sans convoitise ; des êtres sans différences, interchangeables .…L’individu se volatilise, il cède au groupe, tous les soldats sont grands ou bien toutes les ouvrières sont frigides …L’utopie organise l’ordre, non l’imaginaire ; la servitude, non la poésie ; l’égalité, non la liberté ;  le travail, non la fête… La famille n’est pas abolie, elle est dilatée aux dimensions de la cité, inévitablement en utopie …  Dans le monde utopique, il ne se produit tien ; ni accident, ni erreur, ni dispute, ni guerre. La ville tourne paisiblement sur les règles édictées à son origine par son inventeur … la cité idéale repose sur l’égalité de ses citoyens …  Mais, planté sur la terre des hommes, l’appareil merveilleux se disloquera, adieu ordre, calme, chasteté, reviendront les passions, pitié, corruption, désir, liberté, attachements, inégalités, le malheur et la tragédie … L’inventeur d’utopie est un insoumis radical, amer, triste et désenchanté, il ne supporte pas les odeurs de la putréfaction, la nausée. C’est un délicat … L’âge d’or ne s’étend pas dans le passé. Il n’est pas le décalque du paradis originel. Il est en avant de nous ; il se fabrique de main d’homme : le millénarisme de Joachim de Flore (Voir à la rubrique Esprit, 280, 1) est implicitement repris par tous les grands utopistes, Thomas More Campanella, Thomas Müntzer, Charles Fourier, Saint- Simon, Robert Owen, Etienne Cabet …  La singularité du couvent, absence ou réduction des contacts avec la vie profane, absence de filiation, de passion amoureuse, sexuelle ou paternelle, obéissance, choix de l’égalité contre la liberté, le modèle unique…  permet que triomphe l’organisation sur l’organique. » (Gilles Lapouge – Considérations éparses (1) sur l’utopie)

« Les époques agitées favorisent la création utopique … Que les temps se gorgent de meurtres et de poisons … les réformateurs foisonnent … Les ivresses de la fin du Moyen Âge, l’explosion de la Renaissance engendrent Thomas More, Rabelais, Campanella… Le machinisme, les mégalopoles, les convulsions sociales expliquent Cabet, Fourier, Robert Owen… Les utopies réaniment le ‘sacré’ qu’elles abolissent …  Les utopistes savent que le temps ne va pas se rembobiner, leur âge d’or ne s’étend pas dans le passé, leur paradis ne formera pas le décalque du paradis originel … Du jardin des Délices, l’utopiste retiendra l’horreur du temps, l’extinction de la propriété, mais il ajoute d’autres éléments … la contrainte, la solidarité, l’urbanisme, l’Etat, le travail … La Genèse subit un fameux avatar … L’utopiste corrige la Bible, ‘c’est à la sueur de son front que l’homme pourra rouvrir les portes du paradis’ … En utopie, on pointe chaque matin, on range, on fait la poussière, on dresse des organigrammes, on technocratise … Rien à voir avec les marches désespérées des millénaristes … Dostoïevski connaît que l’utopie organise l’ordre, non l’imaginaire, la servitude, non la poésie … Elle est système … Délires géométriques, goût de la perfection ou haine de la liberté, désir d’expurger la mort, le mal et la crasse … La profonde figure de Chigalev dans ‘Les possédés’ dont l’idée est de forclore l’histoire par l’édification du paradis mathématique … Le système du Grand inquisiteur des ‘Frères Karamazov’ … La clôture de l’histoire, ou son étranglement, de l’histoire qui est boueuse, qui n’a pas de sens et qui massacre. Ses riches heures éblouissent mais leurs guirlandes et leurs quinquets n’allument aucune fête ou bien c’est un carnaval de gisants … elle tue et elle tient la chronique des lamentations. » (Gilles Lapouge – considérations éparses (2) sur l’utopie)

« Ce que l’on croit aujourd’hui pouvoir identifier comme la fin des idéologies est bien plutôt l’accomplissement de l’idéologie de la techno-science … D’où l’incrédulité à l’égard des ‘méta-récits’, désormais plus de nécessité de projet pour soutenir l’existence, plus de recours au mythe pour en inventer le sens, plus besoin de reconnaître sa place au Tiers ; seul suffirait l’adhésion à ce symbolique virtuel, la coïncidence avec son fonctionnement. Nous n’en serions donc pas à la fin des idéologies, mais plutôt à l’idéologie de penser vivre sans idéologie … Tout se passe comme si notre social reconnaissait aux énoncés de la science la qualité de Tiers, mais ce sont des énoncés d’où la dimension de l’énonciation a disparu.  » (Jean-Pierre Lebrun)

« L’idéologie aspire à passer pour immanente, il lui faut devenir un lieu commun, un tissu de vérités tenues par tous pour acquises afin de mieux conjuguer les hommes au futur, se substituant aux religions révélées, et c’est bien pourquoi il lui faut être, non pas dissimulée, mais tellement évidente qu’on ne la voie plus. Comme l’ineptie ou la bêtise dont elle se nourrit. » (Bertand Leclair)

« Qu’elle se développe avec une prétention confondante au naturel et à l’évidence n’empêche pas l’idéologie de la communication, qui est consubstantielle au libéralisme économique, si elle n’en est pas le moteur véritable, de ne décréter la mort des idéologies que pour mieux se jucher en toute transparence sur les cadavres de celles qui l’ont précédée … Homogénéiser les individus au moyen d’une parole, non pas acquise ou construite, mais donnée voire imposée ; les déresponsabiliser. » (Bertrand Leclair)

« L’homme idéologique est à la fois complètement suspicieux et absolument enthousiaste, dans un état constant de mobilisation. » (Ryszard Legutko – cité par Michèle Tribalat) 

« La caractéristique commune des deux sociétés – communiste et démocratique libérale – demeure le fait que de nombreuses choses ne peuvent y être discutées parce qu’elles sont forcément mauvaises ou incontestablement bonnes. Les évoquer revient à émettre des doutes sur quelque chose dont la valeur a été déterminée de manière indiscutable … En démocratie libérale, le degré de liberté est bien plus important, mais semble se restreindre à une vitesse inquiétante. Certains concepts sont tellement connotés sur le plan des valeurs qu’ils interdisent toute discussion, mais appellent seulement des louanges inconditionnelles ou une condamnation tout aussi inconditionnelle : la tolérance, la démocratie, l’homophobie, le dialogue, les discours de haine, le sexisme, le pluralisme. Ils servent donc soit de bâton pour frapper ceux qui ne sont pas assez dociles, soit d’objet ultime de louanges. Pour la majorité des gens, il n’existe pas d’autre chemin que de suivre l’orthodoxie et de prendre garde à ses paroles. À mesure que le pouvoir de l’idéologie se renforce, il faudrait être de plus en plus prudent quant au langage que l’on utilise. Un langage discipliné est le premier gage de loyauté envers l’orthodoxie tout comme le refus de s’y conformer est la source de tous les maux … Aujourd’hui, lorsque quelqu’un est accusé d’homophobie, le simple acte d’accusation empêche toute réponse efficace. Se défendre en disant que les unions homosexuelles et hétérosexuelles ne se valent pas, même en s’appuyant sur une argumentation réfléchie, ne fait que confirmer l’accusation d’homophobie parce que l’accusation elle-même n’est jamais un sujet de débat. La seule manière pour l’accusé de s’en sortir est de se plier à l’autocritique, qui peut être acceptée ou non. Lorsque le malheureux s’entête et répond aux accusations sans prendre de précautions, une horde furieuse de lumpen-intellectuels piétinent avec délectation le polémiste imprudent. » (Ryszard Legutko –  Le diable dans la démocratie) – Sur son expérience du communisme dont il retrouve les méthodes et l’abjection dans les sociétés occidentales actuelles.

« Il vaut mieux faire avec que vouloir à tout prix créer un homme nouveau : regardez ce qui arrive à la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf… » (Jérôme Leroy)

« L’utopie est nécessairement totalitaire puisqu’elle entend tout contrôler, mais elle est aussi, et ce lien est rarement exploré, nécessairement génocidaire, dés lors qu’elle promet d’éliminer tous ceux qui s’opposent à son fantasme … ou sont considérés comme des obstacles à la réalisation du projet. » (Jérôme Leroy – interprétant Frédéric Rouvillois sur le rapport entre catastrophes et l’idée de projet)

« Souvent, le rêveur porte de forts justes regards sur le futur, mais il est incapable d’attendre cet avenir. Il veut en accélérer la venue et souhaite être lui-même responsable de cette accélération. Ce qui demande quelques millénaires à la nature devrait parvenir à maturité durant le bref moment de son existence. » (G. E. Lessing) – Lequel auteur n’en rêvait pas moins.

« La fin des idéologies signifie-t-elle la fin des idéologues ? demandait François Furet en 1967.  Nullement, peut-on répondre un demi-siècle plus tard. » (Bérénice Levet)

« A la différence des idéologies de la fin du XIX° siècle et du début du XX° siècle, ‘l’idéologie mondialiste et l’idéologie européenne’ ne s’adressent pas aux peuples … Elles ne demandent au public que de croire que l’avenir qu’elles proposent est le meilleur concevable et que le chemin censé y conduire qu’elles tracent est le meilleur possible. » (Elisabeth Lévy – s’inspirant de Krzystof Pomian)

« Triple dispense, intellectuelle, pratique et morale, sur lesquelles reposerait le ‘mensonge idéologique’. 1 – Sélection (ou invention) des seuls éléments favorables à une orientation préconçue et méconnaissance intentionnelle de possibles données contraires. 2 – Rejet des leçons concrètes tirées de l’expérience. 3 – Exonération de toute morale et retournement des valeurs de telle sorte que le crime devient justice ou le pouvoir dictatorial une ‘démocratie populaire’. » (Simon Leys – reprenant l’analyse de Jean-François Revel dans l’ouvrage de celui-ci, La connaissance inutile)

 « Il est probable que la puissance de suggestion d’une doctrine progresse avec le nombre de ses adhérents. Soit avec le nombre d’individus rassemblés en un seul groupe culturel, et le perfectionnement des moyens techniques … permettant d’influencer l’opinion publique et de créer l’uniformité de vue. » (Konrad Lorenz)

« Chercher à rendre à… l’homme son sens, c’est lui interdire d’user jamais de l’homme d’aujourd’hui comme d’un simple moyen en vue de l’homme de demain. » (cardinal Henri de Lubac)

« Les clivages identitaire sont pris le pas sur les idéologies. » (Amin Maalouf)

« Les idéologies passent et les religions demeurent … Ce qui rend les religions virtuellement indestructibles, c’est qu’elles offrent aux adeptes un ancrage identitaire durable. » (Amin Maalouf)

« Aucune doctrine n’est, par elle-même, nécessairement   libératrice, toutes peuvent être perverties (communisme, libéralisme, nationalisme, chacune des grandes religions et même la laïcité. (Amin Maalouf)

« L’on accodre trop de poids à l’influence des religions sur les peuples et pas assez à l’influence des peuples sur les religions … A partir du moment où l’Empire romain s’est christianisé, le christianisme s’est romanisé, abondamment … On pourrait faire des observations similaires concernant l’Islam, et aussi à propos de doctrines non religieuses. Si le communisme a influencé l’histoire de la Russie  ou de la Chine, ces deux pays ont également déterminé l’histoire du communisme, dont le destin aurait été fort différent s’il avait triomphé plutôt en Allemagne ou en Angleterre … malléabilité des doctrines. » (Amin Maalouf)

« Les hommes font l’erreur de ne pas savoir où mettre la limite à leurs espérances. » (Machiavel)

« Nous vivons dans un monde saturé d’idéologie où les axiomes les plus évidents et les plus raisonnables de la pensée ne sont plus admis alors que les postulats les plus délirants n’ont plus à être justifiés. Tel est le monde de l’hégémonie idéologique qui peut faire du chercheur prudent un paria et de l’idéologue cinglé un représentant de  l’Etat. A chaque pas , des portes ouvertes doivent être enfoncées, avec le sentiment étrange d’une prise de risque. » (Frédéric Magellan)

« Au terme ‘idéologie’ se rattache désormais ce sens adjacent … irréalité de la pensée … par rapport à la ‘praxis’ … toute idée dénotée comme idéologie échoue au regard de la praxis ; l’instrument véritable qui fraye la voie à la réalité, c’est l’agir ; et, mesurée à ce dernier, la pensée en général, ou dans tel ou tel cas, une pensée déterminée sont néant. » (Karl Mannheim)

« La notion d’idéologie a reflété la découverte que la pensée de groupes dominants dépend tellement des intérêts en cause qu’ils finissent par perdre la capacité de prévoir certains faits préjudiciables à leur conscience de dominants … L’inconscient collectif de certains groupes fait écran à l’état réel de la société … Dans la notion de pensée utopique se reflète la découverte inverse, que la passion intellectuelle de certains groupes opprimés pour la destruction et la transformation d’une société donnée est si vive qu’à leur insu ils ne perçoivent que les éléments d’une situation dont les groupes dominants tentent de nier l’existence. » (Karl Mannheim – Idéologie et utopie)

« Le train de l’histoire ne fait fonction de processus qu’aussi longtemps que la classe en position d’observateur fonde encore ses attentes sur lui. C’est d’elles seulement que sont issues les ‘utopies’ d’une part, et les conceptions de ‘processus’ d’autre part. Mais quand une classe a réussi son ascension, c’en est fini de la veine utopique, les perceptions de long terme passent toujours plus à l’arrière-plan, afin que les énergies mentales et psychiques puissent s’investir dans les tâches du jour. » (Karl Mannheim)

« Depuis la révolution française, aucune utopie, aucune doctrine, n’est venue masquer, compenser le désastre du présent. » (Jean-Luc Marion) – C’est bien pour combler ce manque de drogue qu’on multiplie les réformes dites sociétale.

« L’idéologie produit un monde d’emblée conforme aux exigences du discours … elle prétend rendre raison de ce qui est, à partir de ce qui doit être et donc autorise éventuellement de détruire ce qui est sans se conformer au devoir être. » (Jean-Luc Marion) 

« La rupture avec Dieu qui avait commencée comme revendication d’indépendance et d’émancipation, comme une hautaine rupture révolutionnaire, s’achève dans une soumission révérente et prostrée au tout-puissant mouvement de l’histoire. » (Jacques Maritain)

« Idéologie : L’ensemble des représentations que forme la classe dominante pour faire croire en la légitimité et la nécessité de sa domination et se cacher à elle-même les fondements de cette domination. » (Karl Marx) – Les marxistes eux-mêmes grands experts en domination et idéologie-masque.

« L’idéologie, même quand elle affirme combattre le mal au nom de la justice, ne repose le plus souvent que sur le ressentiment … Le ressentiment est l’ancrage de la vengeance dans l’idéologie. » (Jean- François Mattéi)  

« Nous n’avons plus de capacité de rêve ni d’utopie car nous n’avons plus de vision. » (Yves Michaud)

Idéologie « désigne toujours un certain type de fonctionnement intellectuel et psychologique (de nature schizophrénique, ajoute parfois Orwell) qui permet à ceux qui en maîtrisent les codes de se rendre volontairement aveugles aux réalités qu’ils ont sous les yeux … Enfermant ses victimes dans une bulle spéculative confortée par l’adoption d’un jargon stéréotypé (langue de bois) … Esprit réduit à l’état de gramophone … Imperméable à tout bon sens … Disqualifiant l’expérience vécue … Ce qui est en jeu sous chacun de ces déguisements idéologiques, c’est partout et toujours le désir de pouvoir et la volonté de puissance …  Toujours nécessaire d’entendre le même vœu secret : celui d’en finir une fois pour toutes avec la vieille version égalitaire du socialisme et de précipiter l’avènement d’une société hiérarchisée dans laquelle ce serait enfin l’intellectuel qui tiendrait le fouet. » (Jean-Claude Michéa – reprenant des idées et des expressions de George Orwell, bon connaisseur engagé du sujet) 

« Démence idéologique moderne. » (Jean-Claude Michéa) – Théorie du genre, animalisme, transhumanisme, racialisme (ou indigénisme), écriture inclusive, etc. –« Il faut être un intellectuel pour croire une chose pareille : quelqu’un d’ordinaire ne pourrait jamais atteindre une telle jobardise. » (George Orwell) 

« A ceux qui objectent que le capitalisme est l’horizon indépassable de l’histoire … Il convient de rappeler qu’il n’y a pas depuis le XVIII° siècle d’utopie plus grande que le capitalisme lui-même. Le projet officiel de ce système, en effet, est la croissance infinie des force productives dans un monde qui, par définition, est écologiquement fini  … Il n’est pas techniquement universalisable, ne serait-ce que pour de simples raisons écologiques. » (Jean-Claude Michéa)

« L’intellectuel de gauche moyen … sera celui qui s’arrange constamment, de manière plus ou moins inconsciente, pour refuser de voir ce qu’il a sous les yeux chaque fois que la réalité contredit le dogme … Cachez ce goulag que je ne saurais voir … Mode de pensée schizophrénique … Une moitié du cerveau désactive l’idée de bon sens (par exemple celle de croissance illimitée dans un monde fini) afin que l’autre moitié puisse continuer à dévider tranquillement son système d’équations comme si de rien n’était …La ‘double pensée’ d’Orwell (persuader consciemment l’inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l’acte d’hypnose que l‘on vient de perpétrer) … Hallucination idéologique (art de la délation collective, fièvre pétitionnaire). » (Jean-Claude Michéa)

« Cauchemar climatisé. » (Henri Miller – sur l’utopie)

« La pensée utopique, croyance en un commencement sans tache et une perfection accessible (seulement à un homme-dieu), apothéose de l’humanité, mépris pour la Création, le monde  et la nature et l’homme tels qu’ils sont … Âge d’Or, passé ou à venir … Immobilisation soudaine, congélation finale de l’humanité à un moment arbitrairement choisi (vraie Fin de l’Histoire), plus d’imprévisibilité, avenir préfabriqué … Réprobation de la société … Le désir d’une pureté absolue est sans doute la principale motivation de l’utopiste. L’histoire des hérésies est une longue liste de revendications de pureté … Liberté humaine sans limite et en même temps organisation qui la transforme en esclavage, uniformité, enthousiasme requis, surveillance des relations familiales (l’exclusivité est une menace pour la solidarité humaine), l’individu oublié, seul le genre humain importe, dissolution de la conscience individuelle remplacée par la collectivité et la conscience fusionnée, de l’administration des hommes à l’administration des choses …  Amour du citoyen moyen et suppression des résistants … Science et paradis technologique … Soif excessive pour les valeurs et mépris correspondant des réalités, pas d’obstacles, urgence à réaliser … Les utopistes religieux se débarrassent de la religion et de l’Eglise pour approcher Dieu directement, religion laïcisée, transfert passionnel à la société, plus d’institutions, plus de lois humaines, pseudo-exaltation de Dieu qui conduit à ‘dé-mythologiser’ la religion, à ‘dé-religioniser’ le christianisme, à dissoudre le concept de Dieu, un Dieu qu’on ne peut pas atteindre est un Dieu qui n’existe pas, le panthéisme suit – Les utopistes séculiers, athées ou agnostiques, introduisent les termes et les thèmes de substitution comme organisation mondiale, convergence des grandes unités, science, industrie, technologie, psychologie, cohésion sociale, changement des conditions extérieures, primat de la raison …’L’humanité parviendra à une activité mentale plus intense, plus complexe et plus intégrée, qui pourra guider l’espèce humaine sur le sentier du progrès vers les plus hauts degrés d‘hominisation … Le Point Omega, l’ascension du vivant, l’ultra-humain…’ (Teilhard de Chardin) … L’utopie moderne n’est pas statique, pas d’état permanent, suite de stades tous ascendants (surtout exact pour l’utopie marxiste). » (Thomas Molnar – considérations éparses sur l’utopie) – Que dit la Tour de Babel !

« Aux grandes utopies chaudes et colorées d’hier a succédé la plus basse des solitudes, on est redescendu. Mais au lieu de toucher terre, on plonge. La chute a été violente, l’utopie s’est payée cher, on n’a pas repris pied, c’est la noyade. » (Olivier Mongin)

« Sans les passions collectives d’hier on est seul, totalement seul, les passions ne se remettent pas de la mort des idéologies … ‘Avoir quelque chose à l’horizon, avoir une certaine idéologie, ça aide à vivre’.» (Olivier Mongin – citant ?)

« L’utopie, ce n’est que ce qu’on n’a pas encore essayé. » (Théodore Monod) 

« Il est tonique de s’arracher au maître mot qui explique tout, à la litanie qui prétend tout résoudre. »(Edgar Morin)

« La floraison de ces utopies communautaires qui constitue l’une des constantes la plus marquante du XIX° siècle, n’aurait sans doute pu avoir lieu avec un tel naturel, comme une longue coulée de rêve logique, sans la rencontre invisible de l’occulte et du socialisme faisant jonction souterraine. » (Philippe Muray) – Voir liste de personnages à la rubrique Esprit, 280, 1, début.

« L’interprétation du monde au prisme de la ‘justice sociale’, de la ‘politique des identités’ et de ‘l’intersectionnalité’ est probablement l’effort le plus audacieux et le plus exhaustif pour bâtir une nouvelle idéologie …  des expressions  comme ‘LGBTQ’, ‘privilège blanc’ et ‘transphobie’,  inconnues il y a peu, sont passées dans l’usage courant …  La culture ressemble désormais à un terrifiant  champ de mines … A LGB on a ajouté un L pour ne pas altérer la visibilité des lesbiennes, puis un T puis un Q  … Ce qui jusqu’alors ne prêtait pas à controverse est devenu un motif suffisant pour détruite la vie de quelqu’un  … Il est avilissant d’être contraint de soutenir des positions auxquels on est contraint d’adhérer et que l’on estime fausses (voir l’expérience de gens ayant vécu sous des régimes totalitaires) …Alors que la situation s’était considérablement améliorée, la rhétorique militante s’est mise en branle : la situation n’aurait jamais été aussi mauvaise ((exemples –  le féminisme – la race, au moment où cette question  semblait en passe d’être réglée, ils ont décidé une fois encore d’en faire la question décisive par excellence)  …  Amplification du discours revendicatif et accusatoire et au moment précis où la victoire semblait acquise … Sexe, race, plus rien n’est matériel (fixé)  tout est devenu logiciel (adaptable, fait social).  » (Douglas Murray – La grande déraison) 

« La ‘fin des idéologies’, c’est tout au moins la fin du sens promis ou la fin de la promesse du sens comme visée, fin et accomplissement. » (Jean-Luc Nancy)

« Et si pour sa doctrine quelqu’un se jette au feu, de quoi est-ce la preuve ? » (Nietzsche)

« Le monde est ainsi fait que le triomphe d’un système marque déjà son déclin. » (Jean d’Ormesson)

« Toutes les nauséabondes petites orthodoxies qui se disputent notre âme. » (George Orwell)

« Toutes les idéologies en vogue ces douze dernières années, le communisme, le fascisme et le pacifisme sont en définitive des formes d’adoration du pouvoir » (George Orwell) – « La fascination de l’intellectuel pour la puissance, pour le pouvoir,  provient de l’intuition qu’il va en devenir le prochain maître. » (Bruce Bégout)

« Les idéologies démocratiques : souveraineté du peuple, volonté générale, solidarisme, etc., sont, par essence et par définition, unitaires et autoritaires. Elles reposent sur une fiction commode pour les gouvernants tout en flattant la paresse d’esprit des gouvernés. » (Georges Palante)

« La force du radicalisme et sa dimension démoniaque comme l’avait anticipé Dostoïevski … est qu’il donne à n’importe quel quidam paré des oripeaux de l’idéologie les moyens d’assouvir ses pulsions de domination. » (Paul-François Paoli) – Ainsi vont nos inquisiteurs-délateurs-lyncheurs

« La société de consommation qui sonne le glas de l’utopie. » (Jan Patocka)

« Il serait dangereux de le méconnaître. L’appel à l’utopie est souvent un prétexte commode à qui veut fuir les tâches concrètes pour se réfugier dans un monde imaginaire. Vivre dans un futur hypothétique est un alibi facile pour repousser des responsabilités immédiates. » (Paul VI)

« Toutes les doctrines sont belles dans leur mystique et laides dans leur politique. » (Charles Péguy)

« Le triomphe des démagogies est passager, leurs ruines sont éternelles. » (Charles Péguy) – Les réformateurs destructeurs le savent bien. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose. »

« Que de vérités immuables ont tourné à l’illusion après coup ! L’histoire des idéologies est le recensement des valeurs unanimes et pérennes d’une époque ; autant de croyances-cathédrales en ruines. » (Georges Picard)

« La tendance de toute idéologie à ‘naturaliser’ ses présupposés, c’est-à-dire à se présenter non pour ce qu’elle est, une construction de l’esprit humain, mais comme un simple descriptif, une simple retranscription de l’ordre naturel. » (Karl Polanyi)

« Dans cette volonté d’étendre constamment les droits de l’homme et de réduire le champ des devoirs, dans cet abaissement constant du collectif face à l’individuel, du public face au privé,  … des minorités face à la majorité, on ne décèle, de prime abord, aucune trace de totalitarisme, on a plutôt l’impression d’un univers de boys-scouts, ultra naïfs, qui a espéré liquider les idéologies et les grands récits … Non seulement cette idéologie est en soi une idéologie, pleine de pétitions de principe, de certitudes, de préjugés, mais cette soft idéologie est plus qu’une croyance, c’est une utopie qui aspire à transformer l’humanité et la société … un projet à mettre en œuvre par la propagande, par la loi, par la rééducation, par la police du langage. » (Natacha Polony et le comité Orwell)

« En 1968, on refaisait le monde, en 88, on refait sa cuisine. » (publicité d’Ikea – citée par Jean-Pierre Le Goff) – Souci de soi, souci du bien-être, développement personnel…

« La seule garantie que, d’une part, la foi (au sens religieux comme au sens d’une idéologie temporelle) ne deviendra pas fanatisme et que, d’autre part, la raison ne deviendra pas folie prométhéenne est la complémentarité entre foi et raison. » (cardinal Joseph Ratzinger ?) – L’histoire confirme ce que prône l’Eglise, au moins ce qu’elle prône dans les temps modernes et actuels. Idéal de laïcité bien comprise.

«  L’optimisme idéologique n’est que la façade d’un monde sans espérance, qui veut cacher son propre désespoir sous ce voile trompeur. La violence des explosions d’angoisse (Tchernobyl ) est une sorte d’auto-défense contre le doute qui menace la foi en une future société sans dommages. L’optimisme idéologique est aussi une tentative de faire oublier la mort en parlant constamment d’une histoire qui s’achemine vers la société parfaite. » (cardinal Joseph Ratzinger)

« L’effacement des utopies politiques et sociales laisse la place pour les utopies biologiques. » (Robert Redeker – à propos du transhumanisme)

« L’idéologie, c’est ce qui pense à votre place. »(Jean-François Revel)

« Une idéologie prétend toujours dicter sa conduite à la nature, alors qu’elle ne fait que poser des lapins. » (Jean-François Revel)

« L’utopie n’est astreinte à aucune obligation de résultats. Sa seule fonction est de permettre à ses adeptes de condamner ce qui existe au nom de ce qui n’existe pas. » (Jean-François Revel)

« La tradition des œuvres des utopistes atteste une vérité : la  tentation totalitaire, sous le  masque du démon du Bien, est une constante. »  (Jean-François Revel)

« La capacité de l’homme de construire dans sa tête à peu près n’importe quelle théorie, de se la ‘prouver’ et d’y croire, est presque illimitée. Elle n’a d’égale que sa capacité de résistance à ce qui la réfute. » (Jean-François Revel – sur la construction des idéologies)

« Une idéologie n’est pas nécessairement un bloc … ‘L’idéologie en pièces détachées … Des phénomènes de nature idéologique peuvent être à l’œuvre dans tel ou tel secteur de la vie politique, administrative ou sociale sans que l’on soit pour autant dans une société totalitaire’ … De nombreux tronçons idéologiques, aujourd’hui surtout de filiation communiste, continuent ansi de flotter çà et là de par le monde, alors même que disparaît le communisme comme entité politique et comme projet global. » (Jean-François Revel – citant Roland Hureaux) – Ainsi, par exemple en France, en matière économique, éducative…

 « Pour un idéologue, obtenir durant des décennies le résultat contraire à celui qu’il recherchait au départ ne prouve jamais que ses principes soient faux ou sa méthode mauvaise. » (Jean-François Revel) – Si je peux me permettre, il y a une petite faille dans le raisonnement de l’auteur. Beaucoup d’idéologues sont stupides, mais pas tous. Le résultat obtenu, soit, la destruction d’une institution, le malheur public, la catastrophe, la diffusion de la pourriture, constituent bien le résultat recherché, simplement ils ne sont pas avouables. On n’avoue pas, si tant est qu’on se l’avoue à soi-même,  sa pulsion destructrice, sa pulsion de mort, non par décence, mais pour qu’on vous laisse arriver à votre sinistre objectif.

« Une mode intellectuelle est le phénomène par lequel une théorie, un ensemble d’énoncés, qui ne sont le plus souvent qu’un groupe de mots, s’emparent d’un nombre significatif d’esprits par d’autres moyens que la démonstration. » (Jean-François Revel)

« Une idéologie est une dispense intellectuelle (tri des faits suivant leur utilité, invention, suppression), une dispense pratique (suppression du critère d’efficacité, impossibilité de reconnaître et d’analyser les échecs, ceux-ci n’exigent qu’un redoublement d’efforts) et une dispense morale (seule morale, le service de l’idéologie) … Quadruple fonction : instrument de pouvoir, mécanisme de défense contre l’information, prétexte pour se soustraire à la morale, moyen d’écarter le critère de l’expérience (élimination des critères de réussite et d’échec)  … Mélange indissociable d’observations de faits partiels, sélectionnés pour les besoins de la cause, et de jugements de valeur passionnels, manifestations du fanatisme … Dans ses commencements, une idéologie est un brasier de croyances qui, quoique dévastateur, peut enflammer noblement les esprits. A son terme, elle se dégrade en syndicat d’intérêts … Elle sert de critère pour distinguer le bien du mal, calomnies et injures deviennent licites pour frapper un récalcitrant … Un idéologue qui ne croit plus à son message n’en devient pas moins intolérant. C’est tout le contraire. Conscients de la faiblesse de leur position, les idéologues de gauche redoublent de rouerie et d’âpreté pour la défendre.  On ne se bat plus que pour sauver un fonds de commerce intellectuel, ne pouvant plus réfuter l’adversaire il n’est que plus impérieux  de l’exterminer. Persistance d’un phénomène après la disparition de sa cause, ‘rémanence idéologique’. » (Jean-François Revel – résumé et considérations éparses sur les idéologies) – Idéologies politiques certes, mais aussi en philosophie, en morale, en art et même dans les sciences. Les théories génétiques et biologiques de Lyssenko imposées envers et contre tous et l’arriération de l’agriculture soviétique, l’utilisation de la psychiatrie  ou de la linguistique par Michel Foucault ou Roland Barthes (toujours selon l’auteur) ; le mythe du bon sauvage tahitien « jamais présenté tel qu’il était, mais tel qu’il devait être pour cadrer avec l’essence du rêve. » (Eric Vibart)

« Distinction entre deux formes de totalitarisme : idéologie directe pour le nazisme, médiatisée par l’utopie pour le communisme … Mais épiphénomène car, ‘de facto’, l’horreur criminelle se révélait, au bout du compte, équivalente. » (Jean-François Revel – résumé)

« Les idéologies de la société (marxisme, nationalisme…) – Les idéologies du moi (émancipation et épanouissement de l’individu…) – Les idéologies dites de la culture, à mi-chemin des deux précédentes (sur le statut, la nature et la signification de l’univers intellectuel et symbolique ; percées, remises en question, ruptures, avancées, nouveautés, approches, contre-culture… foire conceptuelle) … Le féminisme, si présent actuellement, catégorie trop globale, n’étant pas une idéologie de la société, du moi ou de la culture, mais de tous ces domaines à la fois. » (François Ricard)

« S’il y a quelque chose de spécifique au pragmatisme c’est qu’il substitue la notion d’un meilleur futur de l’humanité aux notions de  ‘réalité’, de ‘raison’ et de  ‘nature’. On peut dire du pragmatisme ce que Novalis disait du romantisme : qu’il est : ‘une apothéose du futur’ … La seule justification qu’on puisse apporter d’une mutation, qu’elle soit biologique ou culturelle, consiste dans la contribution qu’elle apporte à l’existence d’une espèce plus complexe et plus intéressante quelque part dans le futur … Mais ‘Utiles à quoi ?’, ‘Quel est le critère du meilleur ?’ … C’est la vision, non le but final, qui importe … On passe du goût pour la compréhension du monde au goût pour sa transformation (la phrase de Marx :’ Il n’importe aux philosophes  de comprendre le monde mais de le transformer’) … On privilégie la production du nouveau sur la contemplation de l’éternel … Il s’agit d’un anti–essentialisme, de la substitution d’un futur meilleur pour nous-mêmes, la construction d’une société utopique et démocratique, à la tentative de nous connaître en nous plaçant en dehors du temps et de l’histoire. » (Richard Rorty – définissant le pragmatisme)

« La dose de religiosité qui se cache dans la plupart des idéologies modernes, lesquelles réintroduisent la religion qu’elles prétendent combattre sous les espèces nouvelles du sens de l’histoire ou de la scientificité. » (Clément Rosset  – sur Nietzsche un des seuls philosophes à ne pas être soupçonné de religiosité) – Ou sous l’espèce du salut de la planète, ou de la sainteté de la démocratie, ou de la diabolisation du peuple-populiste et de ses choix de vie, etc. Ce ne sont pas les idéologies para-religieuses et meurtrières qui manquent aujourd’hui.

« Les doctrines sont d’autant plus redoutables qu’elles sont plus humanitaires. » (Gaston Roupnel) – On s’en aperçoit aujourd’hui.

« Proposons-nous de grands exemples à imiter, plutôt que de vains systèmes à suivre. » (J. J. Rousseau)

« Les utopies, rêves de perfection et d’humanisation totale, représentent une sorte de sublimation du progressisme, l’expression systématique de certains de ses principes et de ses idéaux majeurs … Elle énonce le résultat ultime … Elle peut dire ce qui doit être – et ce qui sera – sans autres précautions … Ce qu’elle affirme (l’utopie), ou du moins ce qu’elle suppose, c’est que la méchanceté de l’homme, tout comme celle de l’enfant, n’est naturelle, qu’au sens où elle est ‘instinctive’, nullement insurmontable. » (Frédéric Rouvillois)

« Depuis Thomas More, et, même, depuis la ‘République’ de Platon, l’utopie a partie liée avec la ville, en tant que celle-ci manifeste l’arraisonnement de la nature, sa soumission à la raison, à la volonté et au désir de l’homme. Tous les utopistes ont été fascinés par l’architecture, et leurs noms sont souvent associés à leurs inventions urbanistiques, de la ‘cité du soleil’ de Campanella au ‘phalanstère’ de Fourier. » (Frédéric Rouvillois – sur Le Corbusier, ses positions diverses et son essai programme, La ville radieuse)

 « L’utopie paraît donc conçue sur le modèle de la machine, système clos, indéréglable et simple créé par l’homme pour son propre avantage … Rêve d’une perfection mécanique et d’une efficacité totale … Extrême importance de l’éducation et du travail, instruments par lesquels s’accomplit la naissance de ‘l’homme nouveau’ et son règne sur la nature … Intangibilité et impersonnalité de la loi … Elle règle tout, il n’existe plus aucune zone d’ombre … L’utopie entend ne rien laisser au hasard … Idéal de refus de rien laisser ‘en dehors’ et, celui symétrique, de n’admettre aucune lacune ‘au dedans’ … La perfection utopique, transparence et unanimité, substituant le ‘nous’ au ‘je’ individuel d’où doit naître un véritable ‘moi’ collectif, ne peut prendre le risque de la liberté, la possibilité d’une contradiction, d’une contestation de ses valeurs et de ses lois … La liberté est participation indéfectible aux activités du groupe et adhésion volontaire à la volonté générale … L’utopien n’est libre qu’en tant qu’il est citoyen … La liberté privilège exclusif du groupe, signe de la totalité … Rééducation pour ceux que l’on peut espérer ramener à la raison, c’est-à-dire à l’obéissance, épuration pour les autres … Etant donné la sublimité de l’objectif, chacun a l’obligation de s’y plier et … tous les moyens sont bons pour y parvenir … La raison d’Etat est d’autant plus impérieuse que la fin a une valeur élevée, l’absolu justifie tout …Recours à ce que seront les ressources des totalitarismes contemporains … C’est bien elle, la Cité utopique, qui s’est emparée de la perfection divine : c’est elle  … qui a pris la place de Dieu … Elle n’est pas née par hasard … Elle apparaît à la Renaissance, alors que mûrissent et s’ébauchent les grands thèmes de la modernité occidentale … On ne rencontre d’utopies ni auparavant ni en dehors de l’aire culturelle judéo-chrétienne … Elle supposait la présence du fonds chrétien et la remise en cause de la religiosité médiévale, en fait un affaiblissement du christianisme … La Cité de l’homme face au Royaume de Dieu. » (Frédéric Rouvillois – considérations éparses sur l’utopie ; celles de Thomas More, Campanella, La cité du soleil, Francis Bacon, Babeuf, Etienne Cabet, Charles Fourier, Saint-Simon, Catéchisme des industriels, H. G. Wells, Condorcet, Platon même La République  et tant d’autres – « L’Etat policier, la suppression des mauvais livres et la réécriture des bons, les massacres de masse et l’asservissement systématique n’ont pas été inventés par les grands fanatismes du vingtième siècle, mais par les utopies rationalistes de la Renaissance et du siècle des Lumières. » (Frédéric Rouvillois) – Au point, bien au-delà dans l’espace et dans le temps de contaminer les Khmers rouges ?

« L’idéologie étant toujours l’utopie en formation et en projet, comme l’utopie est l’idéologie cristallisée. » (Raymond Ruyer)

 « Le type d’utopie qui consiste à dire : ‘On peut changer la nature humaine’ doit être distingué de celui qui dit : ‘On peut changer les lois inhérentes à la religion, de l’économie, de l’art, de la politique’ … Le premier type n’est pas absurde. La nature humaine est ployable et accomodable … Le même peuple peut passer de l’état militaire à l’état industriel, de la démocratie à la servitude … L’homme peut changer de rôle professionnel, familial, civique … C’est le deuxième type d’utopie qui est à la fois absurde et catastrophique, celui qui prétend qu’il n’y a pas de lois ou de normes … Que l’on peut faire de la bonne économie ou de l’art avec de la politique, de la religion avec de la politique, de la morale avec de l’art, ou de la politique avec de la morale. » (Raymond Ruyer) – Viol de l’autonomie des ordres, de l’incompatibilité de leurs normes. La dernière situation reflète parfaitement l’incohérence française.

« Pour devenir épidémies les idéologies doivent être : – Frappantes (bizarre, étrangeté de premier aspect) – Outil à tout faire, clé universelle (permet une acculturation accélérée, par un seul livre, une seule idée ; résumable en quelques formules) – Gonflant celui qui les adopte (la psychanalyse permet de sonder les mobiles secrets de l’entourage, le marxisme de dominer la comédie sociale…) – Permettant l’activité  missionnaire et militante des premiers initiés (sentiment de groupe de puissants et d’initiateurs, élitisme) – Flattant le snobisme (différent des autres, ma vieille voiture me permet de me moquer et de renoncer à la compétition) – Possédant un caractère positif de construction spirituelle, qui demande un zèle désintéressé (révélation quasi religieuse). » (Raymond Ruyer)

« L’idéologie est une arme qui se donne comme une théorie. Plus elle a l’apparence d’une théorie authentique, meilleure elle est comme arme … Les idéologues prennent leurs autosuggestions pour une prise de conscience, leur lecture hallucinée pour un déchiffrement (ou un ‘décryptage’). Ils prennent leurs ‘démystifications’ et ‘démasquages’ pour la preuve qu’eux ne mystifient pas, et n’ont pas de masques. Ils ne s’appliquent jamais à eux-mêmes leur propre grille … Elle se propage même en milieu hostile, puisqu’elle se sert de l’hostilité comme preuve … les mots ‘hypocrites’, ‘salauds’ ne sont pas seulement des injures … ce sont des harpons, des organes d’accrochage. L’homme ainsi traité est amené à s’interroger … ‘L’intimidation par analogie’ fait merveille (‘Les fleurs du mal’ ont été poursuivies, Thiers n’a pas cru aux chemins de fer… seriez-vous un sclérosé, un grotesque ? Plus qu’un conservateur, un réactionnaire doublé d’un imbécile) … Il n’y a pas d’adaptation des ‘idées reçues’ aux circonstances (On n’a jamais tant parlé de répression, alors que la société est libérale jusqu’à la veulerie, d’amour des hommes qu’avant la Terreur et les guerres révolutionnaires et napoléoniennes…). Ce décalage entre les faits et les idées à la mode prouve bien que les idées dominantes ne sont pas faites sur mesure, sur une vision sincère et ingénue, qu’elles sont ‘attrapées’ en épidémies … On dirait qu’il faut que quelque chose occupe les cerveaux, qui ait un aspect totalisant, sinon totalitaire (vu le nombre d’utopies stupides qui ont animées de grands peuples) … De même que les épidémies de grippe profitent des grandes foules assemblées, les épidémies idéologiques profitent de l’inflation de l’intellectualité … des énormes rassemblements d’intellectuels, professeurs et étudiants, amenés par la ruée générale vers l’enseignement … Ce qui est particulier dans notre siècle, c’est le règne des idéologies et la constitution d’énormes publics contaminables. Au lieu d’un Bouvard et d’un Pécuchet … il en existe des millions (le gogo-bobo d’aujourd’hui). Corrélativement, diminue le contrepoids, c’est-à-dire la masse des agriculteurs, des ouvriers, des gens d’affaires, de tous ceux qui sont directement en contact avec les choses et qui se guident sur l’expérience directe et le sens commun. La société est déséquilibrée par la masse croissante de ceux qui sont en contact avec les mots, les idées, les spéculations théoriques, qui s’occupent de les assimiler, de les répandre, et de vivre … dans les expériences mentales plutôt que dans les expériences réelles. » (Raymond Ruyer – considérations éparses sur les idéologies)

« Les idéologies, spirituelles par ce qu’elles exigent, sont psychiques par ce qu’elles promettent. Leur succès est l’indice d’un défaut de nutrition psychique. » (Raymond Ruyer)

« L’utopie a changé de camp : est utopiste celui qui croit que tout peut continuer comme avant. L’effondrement est l’horizon de notre génération. C’est le début de son avenir. Qu’y aura-t-il après ? » (Pablo Servigne, Raphaël Stevens – Comment tout peut s’effondrer)  

« Un idéologue est un homme qui s’est donné pour tâche de rendre l’homme meilleur que l’humanité. » (G. B. Shaw)

« La vie nous casse nos idéologies au fur et à mesure de notre avancée, les bonnes comme les mauvaises. » (Christiane Singer)

« Rien de tels que les rêves utopiques pour détruire l’humanité car ils s’imposent par la violence. » (Pierre Sipriot) – L’histoire confirme abondamment, jusqu’au communisme et au nazisme.

« L’idéologie du consensus, mélange dissolvant d’utilitarisme et d’ordre moral, est à la fois, comme toutes les idéologies, un moyen et une fin. Son but : neutraliser les conflits, est également sa technique de domination. Elle règne par l’harmonie et le compromis … Ce qu’il est essentiel pour le pouvoir de briser, c’est la résistance des mentalités à un principe avancé, les modalités sont une simple affaire de temps … Lorsque la démocratie méconnaît la limite de sa juridiction et qu’elle empiète sur le domaine de la morale, elle tombe dans une tyrannie insupportable et est condamnée à employer les plus détestables moyens, l’espionnage des mœurs, l’inquisition des consciences. » (Alain-Gérard Slama)

« En France, les querelles idéologiques ne se règlent plus sur la place publique, elle se règlent en justice. » (Alain-Gérard Slama) – La horde des associations ivres d’interdiction, assoiffées de fric.

« La fin des utopies est liée en Occident, à la disparition de toutes les espérances : dans la Création divine, dans l’Histoire, dans la Nature, dans l’Homme. » (Alain-Gérard Slama)

« L’esprit de système ressemble à ces serpents qui fascinent les yeux de leur victime. » (baron de Stassart)

« Rien ne ressemble plus à l’idéologie politique que la pensée mythique. » (Claude Lévi-Strauss)

« La sottise d’une idéologie n’a jamais découragé ses adeptes. Plutôt le contraire. » (Georges Suffert)

« Une fois les choses joliment revêtues de nobles principes abstraits, une spécialité française qui avait très tôt frappé Tocqueville, elles deviennent très faciles à défendre. L’idéologie est plus aisément respectée que les intérêts, c’est pourquoi les intérêts sont déguisés. » (Ezra Suleiman)

« L’antirascisme dominant a bien déclaré la guerre au racisme introuvable (parce que indéclaré), une guerre aussi absolue qu’impuissante, car il ne vit que de supposer l’existence de son ennemi désigné, et, n’ayant nul intérêt à la disparition de ce dernier, ne peut qu’éviter d’agir sur les causes réelles de ce qu’il prétend combattre. Simulacre de guerre paré du prestige du ‘combat pour l’homme’. » (Pierre-André Taguieff – La force du préjugé)

« L’utopie consiste à chercher un lieu, soit dans l’espace, soit dans le temps (le Grand Soir, la Cité future…), où fleurisse le bonheur parfait … Par définition, ne se réalise nulle part et jamais … L’aurore ‘aux doigts de rose’ qui se lèvera demain, c’est-à-dire jamais, absout le couchant sanglant d’aujourd’hui. » (Gustave Thibon)

 « Dans le cas d’un langage idéologique, il ne reste plus rien à penser ; le système est au point une fois pour toutes. » ( Françoise Thom)

 « Les grandes idéologies du passé, en dépit des conflits qu’elles nourrissaient, avaient des fonctions d’unification du corps social. La société postidéologique est stratifiée horizontalement, elle est un monde dans lequel les catégories sociales supérieures, moyennes et inférieures ne communiquent plus. » (Emmanuel Todd) – Idéologies englouties avec « la liquéfaction des croyances collectives. »

« A partir de l’effondrement du catholicisme on a assisté à l’effondrement de toutes les croyances collectives qui lui faisaient face et se définissaient en grande partie contre lui : le communisme (effacement du parti communiste amorcé avant la dissolution de l’URSS) , la nation au sens gaulliste, la social-démocratie ? La disparition de ces croyances collectives qui encadraient  l’individu a laissé ce dernier tout seul, plus fragile et plus petit ; paradoxe de  l’individualisme contemporain … Pas de lutte des classes sans descente dans les rapports sociaux de l’affrontement entre le bien et le mal. La lutte des classes est, d’une manière subtile, religieuse» (Emmanuel Todd)

« L’évocation de l’idéologie … est indispensable en tant que geste rituel. Les pays totalitaires sont peut-être soumis au pouvoir d’une personne ou à celui d’une caste ; cependant … ce pouvoir-ci ne doit jamais s’avouer tel … La référence idéologique est comme une coquille vide ; mais sans la coquille l’Etat ne tient plus. » (Tzvetan Todorov) – Pourquoi limiter aux pays totalitaires ? Qu’en est-il ailleurs de la liberté d’expression par exemple ?

« Qui est raciste ? Celui qui discrimine l’autre à cause de ses origines, bien sûr. Mais aussi celui qui l’enferme dans sa condition de victime pour en faire l’étendard de sa propre lutte idéologique … Racisme ripoliné aux couleurs de la tolérance … On quadrille, on catégorise. Origine, sexe, couleur de peau, religion. » (Valérie Toranian)

« Toute idéologie implique un décalage par rapport à la réalité en tant qu’elle se présente comme une pensée capable d’une vision totalisante et de jugements absolus et universels, alors que nécessairement liée à une base sociale, elle s’adosse à une région particulière de la société (classe, groupe, communauté, syndicat…) dont elle exprime le point de vue nécessairement sectoriel sur le monde. » (Shmuel Trigano)

 « Le propre d’une idéologie dominante, c’est qu’on ne sait pas qu’elle nous domine. Ses idées semblent faire corps avec la réalité. » (Shmuel Trigano – cité par  Pierre le Vigan)

« L’absence de système est encore un système, mais le plus sympathique. » (Tristan Tzara)

« Tout système est une entreprise de l’esprit contre soi-même. » (Paul Valéry)

« En faisant de l’année 1792 l’an I non seulement de la république mais de l’histoire du monde, symboliquement la bourgeoisie destitue  l’origine qui était ontologique en la remplaçant par un commencement historique qui la met à mort … Montée de la morgue … Les révolutionnaires deviennent ceux qui créent l’humanité. Ils deviennent Dieu. Avant eux, il n’y a rien eu. A part eux il n’y a rien. Folle solitude de l’homme moderne, fantasme de l’homme autocréé, homme sans mémoire aucune, sans dette à l’égard du passé … Qui venant de rien, ne va vers rien … En changeant le rapport à l’origine, on change évidemment le rapport à la destination. » (Bertrand Vergely) – Similitude exacerbée avec le grotesque et profondément pernicieux mouvement woke.

« On suit toujours le sens de l’histoire quand on la pousse devant soi. » (Alexandre Vialatte)

« Le déclin des idéologies (la fin des grands récits)  aurait selon … favorisé le retour des grandes oppositions entre le ‘peuple’ et les ‘élites’, le ‘Palazzo’ et la ‘Piazza’. » (Jacques de Saint Victor – reprenant les termes d’un contemporain de Machiavel)

« La puissance de l’idéologie du progrès, comme de toute idéologie d’ailleurs, consiste à escamoter les questions qui pourraient la remettre en cause. » (Paul Virilio)

« Quand quelque chose ne va pas ou ne convient pas, la perfection du système étant indubitable, un élément extérieur au raisonnement idéologique doit en être responsable. On voit ainsi comment une idéologie essaie de se protéger en portant toutes sortes d’accusations chicanières (trahisons, ennemis partout, conspirations…) … d’où la nécessité et le bien-fondé de purges. » (Paul Watzlawick)

« De la classe à la race, des ouvriers aux immigrés, de la conscience de classe via le module intergénérationnel du parti à la conscience ethnique via le module générationnel de l’association humanitaire, de l’utopie communiste à l’utopie communautaire : la substitution s’opère terme à terme. » (Paul Yonnet) – Il y a toujours du foin pour les ânes, et des pourboires pour les laquais.

« Contrairement à la religion, on ne croit pas à l’idéologie, on l’accepte … Ce parce qu’elle convient … c’est une disposition ou plutôt une orientation particulière de la conscience … Elle n’empêche pas les gens de vivre. Elle peut même les aider à vivre. Elle peut même les faire vivre (journalistes, écrivains, professeurs qui font partie de l’immense appareil de propagande, fonctionnaires, directeurs, militaires…). Quant aux autres, qui mènent une vie très simple, l’idéologie officielle qui est justement très primaire leur convient parfaitement. » (Alexandre Zinoviev)

 « L’idée de la fin de l’idéologie est en elle-même une idée de l’idéologie occidentale, qui se proclame comme seule vraie … Elle lutte contre les états d’esprit qui lui sont hostiles avec autant de  férocité que les doctrines religieuses du passé employaient à éradiquer les hérésies … Pour manipuler la conscience des masses, elle se doit d’utiliser des constructions linguistiques confuses, ambiguës ou vides de sens, des propositions unilatérales … (cinquante millions de personnes mouraient de faim chaque année dans le monde, ce qui alors était proche du  nombre total des décès …  Le Gogo avale. Que faisait le cancer ?). Parmi une multitude de vérités possibles, elle sélectionne celles dont la connaissance est utile d’un point de vue pratique et les habille d’une interprétation orientée … ‘Tout savoir, ne rien comprendre’ … Le rôle de l’idéologie est de mettre en avant certaines valeurs : richesse, pouvoir, célébrité, propriété, confort, bien-être, santé, entreprises, liberté… de les présenter comme le résultat du capitalisme et de la démocratie … Et de maintenir au sein de la population l’attitude positive nécessaire à la sauvegarde de la société. » (Alexandre Zinoviev)

« Les doctrines ont cet avantage, c’est qu’elles dispensent d’avoir des idées. » (?)

« L’idéologie a remplacé la superstition. » (?) – Et c’est bien pire !

« L’utopie nie ce qui est pour affirmer ce qui n’est pas. » (?)

« L’idéologie du ‘Nous’ et du ‘Ils’. » (?)Ceux qui savent (le cercle de la raison) et les péquenots, les pauvres cons qui ne comprennent rien à la modernité, à l’Europe, à leurs intérêts…

Ci-dessous, extraits remaniés et simplifiés de l’ouvrage de Paul Ricœur, Du Texte et l’action, sur Idéologie et Utopie.   

 « Trois niveaux reflétant trois usages du concept d’idéologie.   – Au premier niveau, l’idéologie comme distorsion-dissimulation … produisant une image inversée de la réalité … falsifiant le processus de la vie réelle par la représentation imaginaire que les hommes s’en font … image déformée, renversement, dissimulation de la vie réelle … L’homme qui marche sur la tête (Marx) – A un deuxième niveau, l’idéologie apparaissant comme moins parasitaire et falsificatrice que justificatrice … Où les idées de la classe dominante se font passer pour des idées universelles … Justification de domination en recourant à des notions capables de passer pour universelles, valables pour tous …  Légitimation de la revendication d’autorité … – A un troisième niveau, la fonction d’intégration l’emporte, plus fondamentale encore que la fonction de légitimation et, à plus forte raison, de dissimulation (cérémonies commémoratives réactualisant les  événements considérés comme fondateurs d’une communauté, événements constitutifs de la mémoire sociale, de l’identité de la communauté qui acquiert consistance et permanence grâce à l’image stable et durable qu’elle se donne d’elle-même … Si l’idéologie renforce, redouble et préserve le groupe social tel qu’il est, l’utopie projette l’imagination hors du réel dans un ailleurs qui est aussi un nulle part (il faudrait parler autant ‘d’uchronie’ que ‘d’utopie’), elle met la réalité en question … Expression de toutes les potentialités du groupe refoulées par l’ordre existant, aucun domaine de la vie en société n’est épargné, même paradoxalement ( la famille exprimant une continence monacale jusqu’à la promiscuité et l’orgie sexuelle) … Variations imaginatives sur le  pouvoir, menaces pour le réel … Mais construisant une autre prison que celle du réel, autour de schémas d’autant plus contraignants que toute contrainte du réel en est absente … Logique du tout ou rien. »

Ci-dessous, extraits remaniés et simplifiés de l’ouvrage de Paul Ricœur, L’idéologie et l’utopie   

«  Si la fonction la plus positive de l’idéologie est l’intégration, le maintien de l’identité d’un groupe ou d’une personne, la fonction la plus positive de l’utopie est l’exploration du possible … Si l’utopie  est ce qui ébranle un ordre donné, son intention est de défier et de transformer l’ordre présent ; l’idéologie est ce qui préserve cet ordre, … L’utopie est un genre déclaré, et même écrit , là où l’idéologie n’est par définition pas déclarée … La fécondité de l’utopie s’oppose à la stérilité de l’idéologie … Connexion entre utopie et groupes ascendants, qui promeuvent l’utopie ; connexion entre idéologie et groupes dominants qui défendent l’idéologie … N’est-ce pas toujours la capacité utopique de groupes ou d’individus qui nourrit notre aptitude à prendre nos distances avec les idéologies …Sachant qu’une idéologie est toujours nécessaire pour garantir la cohésion identitaire d’un groupe ou d’un individu…  Mais la suppression de la déconnexion entre les idéaux et la réalité serait la mort de la société, nous aurions une société non idéologique et non utopique, qui serait une société morte … Nous pouvons imaginer une société sans idéologie. Mais nous ne pouvons pas imaginer une société sans utopie, car ce serait une société sans dessein (la société actuelle) … Là où l’idéologie légitime l’autorité existante, l’utopie sape cette même autorité … L’idéologie, processus par lequel un individu ou un groupe exprime sa situation, mais sans la connaître ou la reconnaître … Aucun système de domination ne gouverne seulement par la force, par la domination , il exige légitimation pour obtenir consentement et soumission … en justifiant le système d’autorité tel qu’il est …Le pouvoir nu ne fonctionne jamais, en politique une médiation idéologique est toujours impliquée … Une idéologie n’est pas quelque chose qui est pensé, mais quelque chose au sein de laquelle nous pensons … ‘Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, la classe qui est la puissance matérielle dominante est aussi la puissance dominante spirituelle, Les pensées dominantes ne sont pas autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants … La classe qui prend la place de celle qui dominait avant elle est obligée de donner à ses pensées la forme de l’universalité, de les représenter comme étant les seules raisonnables, les seules universellement valables’ (Karl Marx) … Transposition des intérêts  particuliers en intérêts… L’utopie (de ‘nulle part’, déviation à l’égard de ‘l’ici et le maintenant’) ouvre le champ des possibles au-delà de l’existant, de ce non-lieu, une lueur extérieure est jetée sur notre réalité, qui devient soudain étrange … Revendication de rupture … Elle introduit un sens du doute qui fait voler en éclats l’évidence que nous ne pouvons pas mener une autre vie que celle que nous menons actuellement … Elle obéit à une logique du tout ou rien … »

Quelques extraits du livre de François-Bernard Huyghe, La soft idéologie.

« C’est le business et les droits de l’homme, le reaganisme et la génération morale, le socialisme libéral et le libéralisme social, la Bourse et la tolérance, l’individualisme et la charité-rock, Bernard Tapie et Coluche, le minitel et le contrat social … Elle assure un consensus apathique sur l’essentiel. Elle prône la résignation à la force des choses et exalte les petits bonheurs. C’est la pensée sénile d’une époque fatiguée du vacarme de l’histoire … Du réel, elle offre une représentation douce et floue, sympa et morale, chaleureuse et anesthésiante … Discours unique, mêmes croyances … Pragmatisme, gentillesse tolérante, narcissisme, décontraction, moralisme gna-gnan, culte du moderne et du technique … Tout a échoué, subissons les non-événements … Antiromantisme et ‘calme plat’ … Libération des tensions inutiles, des errances utopiques, des illusions anciennes … Les idées divisent, n’en ayons donc pas … Fin du combat des intellos et des technos dans l’affadissement des desseins, le mélange des concepts et l’inversion des valeurs, fin de la guerre des deux idéologies, celle de la libération et celle de la gestion … Enumération de valeurs vagues (liberté et égalité, égalité et différences, identité et mondialisme, individualisme et solidarité) … ‘C’est comme ça, On ne peut pas faire autrement, Il faut bien que’ … Ni ‘parce que’, ni ‘pour’ …S’adapter à des contraintes incontrôlables … Morale sans sanction ni obligation, sans contrainte ni ascétisme, morale spectacle réduite à l’impératif d’étaler sa réprobation et sa sollicitude … Le management avec du cœur, droit d’être riche, devoir d’aider les pauvres … Morale décontractée, elle tolère la dérision pseudo-absurde, le style marrant, la vulgarité affectée, voire l’obscénité … Narco-idéologie, drogue douce pour faire  oublier le réel … sentiment du déclin et individualisme optimiste vont de pair … ‘Vive la crise’, puisque la crise est une occasion stimulante de changer de mentalité. »

Ci-dessous, extraits d’un livre de Jean-Michel Besnier, Demain les post-humains, le futur a-t-il encore besoin de nous ?

 « L’homme nouveau ne serait plus seulement l’homme qui pense et vit en rupture avec les traditions (version humaniste), mais un être dont le comportement, l’humeur et les facultés pourraient être techniquement modifiés … La transformation du corps, autorisée par la puissance biotechnique, risque de transformer l’esprit dans des proportions telles (‘La domestication de l’être’ de Peter Sloterdijk) … L’opposition entre le corps et l’esprit devient un préjugé que l’on réfutera, en affrontant la perspective d’éliminer le premier au seul profit du second … Le corps réduit à un simple épiphénomène … Le vieux rêve d’abolition de la finitude … (convergence des technosciences et des spiritualités orientales négatrices de l’individu, extinction du désir et de ses tourments) … Abandonnons l’idéal d’autonomie qui nous contraint à devoir ‘tout choisir et tout décider’ (‘la fatigue d’être soi’, d’Alain Ehrenberg) … Confions-nous à la perfection de nos machines … Le post-humanisme s’adresse à l’homme exsangue, il indique la sortie et appuie le mouvement par lequel l’homme se déprend de lui-même … Désormais, défaut de projet, défaut de motivation, défaut de communication … Le fantasme de l’homme remodelé, puis intégralement autofabriqué … Faut-il donc que nous soyons las de nous-mêmes pour que ce remodelage nous apparaisse désormais comme une planche de salut ? … Pourquoi s’inquiéter des modifications que les techniques pourraient faire subir à l’homme dés lors qu’on ne croit plus en son avenir … Les êtres humains se sont habitués à être traités comme des boîtes noires dans lesquelles entrent des informations qu’on mesurera à la sortie, afin d’en mieux ajuster les prochaines … Ils considèrent de plus en plus leur corps comme un simple matériau remodelable et même remplaçable … Refus des hommes d’être plus longtemps aux commandes … Les identités sont bel et bien à la dérive … ‘On peut espérer que d’ici plusieurs millénaires, l’homme arrivera au niveau supérieur des ânes.’ (Jacques Ellul) … Comment la vision d’un futur dans lequel nous ne serons plus rien, ou plus grand-chose a-telle pu se dessiner ?»

Ci-dessous, extraits d’un livre de Roland Hureaux, Les hauteurs béantes de l’Europe, la dérive idéologique de la construction européenne, traitant donc de l’Europe et de son aspect fortement idéologique. Mais ces dernières caractéristiques s’appliquent à toute idéologie et non seulement au monstre qu’est devenue la construction européenne.

« L’idéologie est fondée sur des idées abstraites qui simplifient la réalité, raccourcis abusifs  (la lutte des classes) – L’idéologie affirme le primat de la science, elle est un savoir total et définitif – L’idéologie est logique, c’est la logique d’une idée poursuivie jusqu’au bout, une logique administrative – L’idéologie a une prétention universelle, dimension universaliste – L’idéologie fabrique une ‘langue de bois’, singeant le langage scientifique, émanant d’experts, permettant d’occulter la réalité – L’idéologie est antidémocratique, qui dit science dit savants – L’idéologie est intolérante et refuse le débat, ligne du parti, pensée unique – L’idéologie secrète la bureaucratie, pour s’imposer et se maintenir, bien souvent elle est technocratie en pilotage automatique – L’idéologie refuse la distinction du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, comme un savoir total, elle est donc généralement hostile au fait religieux judéo-chrétien – L’idéologie se fonde sur le sens de l’histoire (théories millénaristes de Joachim de Flore, matérialisme historique…) – L’idéologie promet des lendemains qui chantent, et dans l’immédiat demande des sacrifices, ses objectifs étant toujours devant, elle repose sur un ‘mouvement perpétuel’ – L’idéologie se veut irrésistible et irréversible – L’idéologie est ‘révolutionnaire’, transformation radicale, fabrication ‘d’homme nouveau’ (travaux pharaoniques) – L’idéologie s’assigne pour objectif la perfection, toujours dans l’idée de totalité – L’idéologie cherche à abolir les différences, contraires à la perfection, nuisant au schéma abstrait (Pol Pot vidant les villes), rassemblements monstres d’un grand tout (Nuremberg, premiers mai…) – L’idéologie s’attaque à la nature, à la culture, à la morale (porteuses de tradition, de complexité, de liberté, de valeurs, de différences…), à la politique (société sans conflits – L’idéologie donne le sentiment de l’absurdité – Les idéologies dures avaient un caractère, si l’on ose dire, ‘concaves’ : elles étaient fondées sur la fermeture ombrageuse à l’extérieur (mur de Berlin…), séparation des nations mais maintien du lien entre les élites et les peuples. Les idéologies tempérées d’aujourd’hui ont, elles, un caractère ‘convexe’ : leur point d’appui, c’est au contraire l’international, dislocation des différentes sociétés nationales en accroissant le divorce entre dirigeants et dirigés. »

« Chafarévitch voit dans l’idéologie une forme déguisée de la haine du monde. Son secret que Heidegger avait déjà perçu, pourrait être en définitive le nihilisme et la vieille tentation d’un auto-anéantissement de l’humanité … une forme subtile de l’instinct de mort. Son vrai nom est Thanatos … La construction européenne … connaît depuis 1985 et sous une forme tempérée une dérive idéologique où l’on retrouve la plupart des caractères du phénomène idéologique : conceptions abstraites à prétention scientifique, volonté d’abolir les différences inscrites dans la nature, dimension universaliste, langue de bois, bureaucratie … L’idéologie aboutit toujours à l’effet contraire de celui qu’elle vise … au lieu de favoriser la bonne entente des peuples d’Europe, susciter la discorde, au lieu de renforcer l’Europe, l’affaiblir. »

Et aussi, de Roland Hureaux :

 « Une démarche idéologique se reconnait à plusieurs caractères : des idées trop simples, comme par exemple la suppression de la propriété privée ou le libre-échange universel, avec souvent des effets collatéraux désastreux : l’oppression totalitaire ou la régression économique dans le cas du libéralisme européen … Mais il est un caractère de l’idéologie qui, plus que les autres, ne trompe pas, c’est l’intolérance, le refus de conférer quelque respectabilité que ce soit aux positions adverses. Car toute idéologie est un projet messianique : l’ambition de transformer radicalement  la condition humaine, par la suppression de tel ou tel fondamental anthropologique : la propriété, la nation, ou l’instauration de la démocratie libérale. L’opposition aux idéologies n’est pas une opinion parmi d’autres ; elle est tenue par ses partisans pour un obstacle à une ambition  mirifique. Les ennemis du communisme  étaient des ‘vipères lubriques’. Ceux du libéralisme, assimilé à tort ou à raison aux constructions supranationales sur lesquelles repose l’Occident : Otan, Union européenne, etc. sont relégués dans les ténèbres extérieures où ont sombré  les gens infréquentables. Infréquentables, c’est-à-dire qu’aucun débat n’est permis avec elles. Dix prix Nobel d’économie ont contesté la pertinence de l’euro, il  n’est néanmoins pas permis d’en débattre ; sur l’euro, l’intimidation des opposants est telle que le Parti communiste  et le nouveau Front national (Rassemblement national) n’osent plus le remettre en cause … L’idéologue a besoin d’adversaires diaboliques. Porteur d’une vision eschatologique qui doit faire passer des ténèbres à la lumière, il ne supporte pas d’être mis en échec. La moitié néo-conservatrice (ou ultralibérale) de l’opinion américaine, qui a  soutenu Hillary Clinton, n’a toujours pas digéré la victoire de Trump, voué aux gémonies. La même véhémence a aussi un volet  international : porteuse d’un projet universel, l’idéologie ne supporte pas non plus les résistances extérieures à son projet universel. A intervalles réguliers, l’idéologie dominante occidentale désigne un bouc émissaire tenu pour l’ennemi de l’humanité et lui fait la guerre ; elle a besoin de produire des monstres pour se justifier : de Bachar el Assad à Vladimir Poutine, pour ne prendre que de récents exemples … Le bilan des guerres des vingt dernières années est accablant : elles ont fait des centaines de milliers de morts. Aucune pourtant n’a été déclarée par des extrémistes, presque toutes par des idéologues du ‘mainstream’. En tous les cas, en Europe au moins, elles ont reçu le soutien de courants centristes et le désaveu de ceux que l’on taxe d’extrémisme. A l’inverse, les présidents américains qui sont passés pour des hommes de la droite dure, Nixon, Reagan et jusqu’ici Trump n’ont, à la différence des précédents,  déclenché aucune guerre mais, au contraire, en ont terminé plusieurs … Quand la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright dit en 1996 que le renversement de Saddam Hussein méritait qu’on lui sacrifie la vie de plus de 500 000 enfants irakiens, elle exprime l’opinion d’une centriste. »

On trouvera en finale de la rubrique Mondialisation, 500, 2, les extraits d’un livre d’Armand Mattelart, Histoire de l’utopie planétaire, sur le rêve de l’unification du genre humain.

Ce contenu a été publié dans 175, 6 - Idéologies, Utopies, Doctrines , avec comme mot(s)-clé(s) , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.