260,1 – Ennui

– Virus s’attaquant de préférence à la partie féminine de la population. Se combat par les distractions, laissées à l’initiative de l’autre  partie des indigènes.

– On tente de le fuir par une suractivité insensée alors qu’il est bien préférable, et bien plus productif, que celle-ci. S’il ne faut pas trop redouter un temps de solitude, il ne faut pas non plus craindre des moments ou de brèves périodes d’ennui. L’ennui a ses vertus, il force à sortir de soi, à entreprendre, à changer.

– Chez l’enfant l’imagination et la créativité, le jeu, naissent souvent de l’ennui. Il lui permet de se construire, lui fait faire l’expérience de la solitude, le sort de toutes les activités qui le tournent vers l’extérieur pour lui permettre de se tourner vers lui-même, vers son espace intérieur, de découvrir son potentiel. Il lui permet de se poser, de décanter, ensuite d’entreprendre. Il en va de même pour l’adulte.

– Cependant, de l’ennui, de la pacification de la vie, peut aussi naître la violence (selon Pascal Bruckner)

– Comble de l’ennui : supporter le vide du Bobo.

« L’ennui est un mal assez général à notre époque, et, peut-être, une cause essentielle des catastrophes contemporaines. » (Simone Weil) – « Un tel monde est à la merci, il faut le savoir, de ceux qui fournissent au moins un semblant d’issue à l’ennui. » (Georges Bataille) – cités par Baudouin de Bodinat

-« Toute privation s’exagère par comparaison avec la jouissance d’autrui.  » (Herman  Melville – Billy Budd, marin)

– L’article prémonitoire de Robert Escarpit en mars 1968, La France s’ennuie.

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« C’est toujours par l’ennui et ses folies que l’ordre social est rompu. » (Alain) – Un mois avant mai 1968, un journal titrait : « La France s’ennuie. »

 « L’ennui est le symptôme de la détérioration de notre rapport au monde, donc à nous-même. Il ne disparaîtra qu’avec notre retour au monde, avec l’acceptation du défi qu’il nous lance. C’est-à-dire la recherche d’une nouvelle identité. » (Francesco Alberoni)

« Les passions font moins de mal que l’ennui, car les passions tendent toujours à diminuer, tandis que l’ennui tend toujours à s’accroître. » (Barbey d’Aurevilly)

« Nous devons constamment choisir entre l’ennui et les ennuis. Il existe une troisième voie qui consiste à alterner le premier avec les seconds. L’ennui est insupportable, mais reposant. Les ennuis sont divertissants, mais fatigants. » (Olivier Bardolle)

« Pourquoi rien ne bouge, rien ne change, aucune réaction significative ne survient malgré l’urgence de la situation (la catastrophe démographique, écologique et de civilisation) … Comme le suggère Lars Svendsen, l’ennui est peut-être à la source de cette attitude suicidaire. L’homme post moderne, consommateur sans dieux et sans projets, après avoir épuisé les joies du matérialisme le plus débridé, serait vidé de ses désirs et privé de sa vitalité, sa libido éteinte. Il serait ainsi en proie à des pulsions morbides, des fantasmes de fin du monde. Pressé d’en finir… » (Olivier Bardolle) – Explication certes partielle, mais elle joue certainement.

« De toutes les insultes au Créateur, l’ennui est une des plus grandes. » (Anne Barratin)

« L’opium du peuple dans le monde actuel n’est peut-être pas tant la religion que l’ennemi accepté … Un tel monde est à la merci de ceux qui fournissent un semblant d’issue à l’ennui. La vie humaine aspire aux passions. » (Georges Bataille) – De l’utilité pour les pouvoirs de créer des ennemis, des boucs émissaires.

« Dans la ménagerie infâme de nos vices,

« Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !

« Quoiqu’il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,

« Il ferait volontiers de la terre un débris

« Et dans un bâillement avalerait le monde ;

« C’est l’Ennui ! – l’œil chargé d’un pleur involontaire 

« Il rêve d’échafauds en fumant son houka.

« Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,

« – Hypocrite lecteur, – mon semblable, mon frère ! » (Baudelaire – Spleen et idéal)

« Rien n’égale en longueur les boiteuses journées,

« Quand sous les lourds flocons des neigeuses années

« L’ennui, fruit de la morne incuriosité,

« Prend les proportions de l’immortalité. » (Baudelaire – Les fleurs du mal)

 « Aucune amitié ne résiste à l’ennui.. » (Georges Bernanos)

« Tous les péchés capitaux ensemble damnent moins d’hommes que l’avarice et l’ennui. » (Georges Bernanos)

« Le monde est dévoré par l’ennui. » (Georges Bernanos) – Et on ne sait que trop comment la « colère des imbéciles » (Georges Bernanos) y fait face.

« Le farniente absolu est encore plus insipide (qu’un travail vide de tout sens et de toute jouissance) … L’ennui est le salaire de la vie sans travail … Nous ne sommes pas là pour manger mais pour faire la cuisine. » (Ernst Bloch)

« Un enfant qui s’ennuie n’est pas loin du paradis. Il est au bord de comprendre qu’aucune activité, même celle lumineuse du jeu, ne vaut qu’on y consacre toute son âme. » (Christian Bobin)

« C’est dans l’ennui que se compostent les sensations, les rêveries, l’attention aux choses, le sentiment de l’ambiance, etc., d’où germera l’imagination qui inventera d’échapper à l’ennui par ses propres moyens. » (Baudouin de Bodinat)

« On dirait que l’ennui et la frustration autrefois de la vie  provinciale étriquée cherchant dans les romans de mœurs les intrigues, les décors et les figurants d’une aventure où ‘devenir enfin soi-même’ en fantasmagorie privée, se sont étendus à l’ensemble du monde habité dont les populations … ont ces séries de la radiovision en passion commune de bovaryser. » (Baudouin de Bodinat – Au fond de la couche gazeuse)

« Aussitôt qu’elle est seule avec elle-même sa solitude lui fait horreur, elle trouve en elle-même un vide infini … tourmentée par son indigence, l’ennui la dévore, le chagrin la tue ; il faut qu’elle cherche des amusements au dehors, et jamais elle n’aura de repos si elle ne trouve de quoi s’étourdir… » (Bossuet – sur l’âme) – Sorte de portrait de Narcisse.

« De plus en plus, nous sommes en proie à l’ennui … Si l’on n’y prend garde ce monstre nous aura bientôt fait perdre tout intérêt à quoi que ce soit, nous aura privé de toute raison de vivre. » (André Breton)

« L’ennui se combat avec une arme unique : la connaissance. » (Jean-Paul Brighelli – parlant du milieu scolaire)

« Sans l’ennui, sans cette somnolence du temps où les choses perdent  leur saveur, qui ouvrirait jamais un livre, quitterait sa ville natale ? L’on a tout à redouter d’une société du divertissement continu qui saturerait jour et nuit nos moindres envies. » (Pascal Bruckner)

« Méfions-nous de ces élites qui s’ennuient, maudissent la petitesse de leur vie et louchent avec convoitise sur l’apocalypse et le chaos. » (Pascal Bruckner)

« L’ennui est entré dans le monde par la paresse, elle a beaucoup de part dans la recherche que font les hommes des plaisirs, du jeu, de la société ; celui qui aime le travail a assez de soi-même. » (La Bruyère)

« La frénésie est l’envers de l’ennui. » (Albert Camus – L’homme révolté) – Et pourtant notre époque d’affolés frénétiques sue l’ennui, d’où peut-être la frénésie de plus en plus frénétique.

« La curiosité, c’est sans doute une des premières vertus intellectuelles, et je ne serais pas éloigné d’y voir une qualité morale … Mais c’est surtout le plus prodigieux des instruments de bonheur, et le plus sûr allié de l’homme contre le plus ravageur de ses ennemis, l’ennui. » (Renaud Camus)

« Le premier effet d’une adaptation aux autres est qu’on devient ennuyeux. » (Elias Canetti)

« L’ennui porte conseil. » (Gilbert Cesbron)

« Je m’ennuie tellement que ça m’occupe. » (Chamfort)

« Comment s’ennuyer dans une vie quotidiennement prise entre Dieu et le diable ? (jadis) … L’homme ne s’ennuie pas parce qu’il est mieux intégré dans le drame cosmique : parce qu’il n’est pas libre … L’ennui est le mal des individus qui découvrent leur liberté, le mal de l’adolescence. Plutôt que l’enfance, ou l’âge mûr absorbé par le métier, il tourmente la jeunesse … le mal des intellectuels devient celui de tous… N’ayant plus de crainte ni d’espoir, et comme l’Histoire nous dépasse, il n’y a plus qu’à attendre en comptant les minutes … L’ennui, parce que rien ne se passe ; et rien ne se passe parce qu’il en passe trop. L’individu se blase parce que sa sensibilité s’atrophie sous des chocs répétés et trop forts, bien que sa nervosité s’exaspère … L’ennui entretient une agitation sans raison : un goût des voyages, une consommation des régimes ou des idées qui n’est que divertissement ou fuite … Le goût de l’événement pour lui-même, la volupté de détruire aboutissent à la guerre : aux ennuis … ‘Levez-vous orages désirés’. » (Bernard Charbonneau)

« Un homme ennuyeux est un homme incapable de s’ennuyer. » (Emil Cioran)

« L’ennui est un vertige, mais un vertige tranquille, monotone ; c’est la révélation de l’insignifiance universelle … La certitude que l’on ne peut, que l’on ne doit rien faire en ce monde ni dans l’autre, que rien n’existe au monde qui puisse nous convenir ou nous satisfaire. L’expérience n’est pas nécessairement déprimante, car elle est parfois suivie d’exaltation. »  (Emil Cioran)

« L’ennui, le seul argument contre l’immortalité. » (Emil Cioran)

« L’univers transformé en après-midi de dimanche, c’est la définition de l’ennui ; et la fin de l’univers. » (Emil Cioran)

« L’ennui au milieu du paradis fit naître chez notre premier ancêtre un appétit d’abîme qui nous a valu ce défilé de siècles. » (Emil Cioran)

« Que signifie le temps libre, le temps nu et vacant, sinon une durée sans contenu ni substance ? La temporalité vide caractérise l’ennui. » (Emil Cioran) 

« L’ennui, le triste ennui, qui mesure le temps, éternise ses jours, ses heures et ses instants. » (Jacques Delille)

« L’aventure … s’invente par lassitude de l’ancien monde : par le sentiment de la monotonie de la vie. L’aventure traduit un rejet de la quotidienneté, une fatigue du déjà vu … Pourquoi certains hommes et certains peuples, à telles époques, se sentent à l’étroit … et cherchent l’aventure au point d’y perdre le minimum de sécurité…A quoi servirait de naître, procréer et mourir dans les mêmes conditions toujours, si cela ne renvoyait à d’autres référents ? … Dans les sociétés modernes, l’expérience et l’aventure cherchent à remplacer le sens autrefois proposé par la religion. » (Chantal Delsol)

« Nous ne savons plus nous ennuyer. Or, l’ennui est utile, bénéfique, bienfaisant … Il apprend à chacun à vivre avec soi-même … On remplit ses ‘temps morts’ ; chacun a l’œil rivé sur ses mails, son petit jeu perso, les dernières infos. » (Tugdual Derville) – Or la créativité naît de l’ennui.

« ‘Dissipé dans un temps élargi, ‘l’homme est si malheureux qu’il s’ennuierait même sans aucune cause étrangère par le propre état de sa condition naturelle’ (puisque sa condition naturelle, c’est de ne pas en avoir) … ‘déchu de la merveilleuse nature qui lui était propre autrefois’ … nostalgie à laquelle s’ajoute la certitude de la mort. » (Dany-Robert Dufour – citant Pascal)

« Je m’ennuyais, voilà comment ça a commencé, elle m’a ennuyé, voilà comment ça a fini. » (Alexandre Dumas)

« Celui qui s’ennuie seul avec lui-même doit bien penser qu’il ennuie aussi les autres. » (Louis Dumur)

« L’ennui est l’hiver de l’imagination. » (Jean Dutourd)

« L’homme poursuit indistinctement le bonheur ou le malheur pourvu qu’il échappe à l’ennui, c’est-à-dire à soi. Plutôt se perdre que se retrouver. » (Georges Elgozy)

« Pour elle rien n’arrivait… L’avenir était un corridor noir, et  qui avait au fond sa porte bien fermée. » (Flaubert – Madame Bovary)

« Le vide existentiel se manifeste surtout par un état d’ennui. On comprend maintenant pourquoi Schopenhauer a dit que l’humanité semblait réduite à osciller éternellement entre les deux points extrêmes de l’angoisse et de l’ennui. » (Viktor Frankl)

« Plutôt la barbarie que l’ennui. » (Théophile Gautier) – En avance sur son temps ! « La culture contemporaine a tranché le dilemme du siècle précédent : elle nous accorde les deux. » (Jean-François Mattéi)

« Les méchants ne savent pas ce qu’est l’ennui. » (Maxime Gorki)

« Sommes-nous condamnés à ne pouvoir nous délivrer de la douleur de l’inquiétude que par celle de l’ennui, et de la mélancolie d’en avoir fini que par celle de n’en finir jamais ? » (Nicolas Grimaldi)

« Cette pure attente, sans objet, sans corrélat, cette intransitive attente : c’est l’ennui … Attendre pour rien, sans même pouvoir imaginer la possibilité d’aucune possibilité. » (Nicolas Grimaldi)

« La paradoxale antithétique de l’ennui : selon la thèse, ‘rien n’est fini’ puisque tout continue ; et selon l’antithèse ‘tout est fini’ puisque rien ne peut plus commencer. » (Nicolas Grimaldi)

« S’ennuyer, c’est se survivre. C’est avoir conscience que nous durons en un temps où tout devenir est pour nous aboli. C’est avoir conscience de passer en un temps où désormais plus rien ne se passe … Pure attente, sans objet ni corrélat, cette attente du je-ne-sais-quoi est la conscience pure du temps et c’est aussi l’ennui … Vivre pour vivre, sans rien attendre d’autre de la vie que le fait même de vivre, nous ne le supportons pas. » (Nicolas Grimaldi)

« ‘Vivre sans peine … vivre ainsi c’est être mort’ … Cet état toutefois ne consiste peut-être pas tant à vivre sans peine qu’à vivre sans attente, dans cet écœurant face-à-face que l’ennui nous procure avec notre propre mort. » (Nicolas Grimaldi – citant J. J. Rousseau)

« Plus rien n’est proposé à l’homme, à son voir ou à son faire, en tant que tâche infinie à la hauteur et à la mesure de son énergie. » (Michel Henry)

« C’est parce que l’ennui donne un avant-goût du néant que les hommes tentent l’impossible pour lui échapper. L’aspiration à sauver le monde trouve là son unique cause. » (Roland Jaccard)

« Le malheur du bonheur. » Vladimir Jankélévitch)

« L’ennui n’est pas l’effet de la monotonie ou de la fatigue, mais il en serait plutôt la cause ; il est la cause de ses propres causes ! » (Vladimir Jankélévitch)

« La politesse est l’art de s’ennuyer sans ennui, ou de supporter l’ennui sans s’ennuyer. » (Joseph Joubert)

« C’est l’absence de buts demandant un effort pour être atteints  qui engendre l’ennui et que souvent ce dernier, s’il dure, conduit à la dépression …Pour éviter de sérieux problèmes psychologiques, un homme doit donc se donner des buts qui supposent des efforts pour être atteints, et il doit connaître un minimum de succès dans la poursuite de ces buts. » (Théodore Kaczynski)

« La seule chose qui fatigue et qui tue les femmes, c’est l’ennui. » (Alphonse Karr)

« Il faut savoir traverser l’ennui quand il se présente, sans chercher toujours à le fuir. Remplir le monde vide tue la vie intérieure. Ceux qui cherchent toujours l’extraordinaire passeront vite de frustration en frustration. » (Père Leborgne)

« Il me semble que l’ennui soit de même nature que l’air, qui remplit tous les espaces entre les objets matériels et qui se précipite pour prendre la place qu’ils quittent lorsqu’aucun autre ne vient les remplacer … De même pour la vie, les intervalles entre les plaisirs et les déplaisirs sont occupés par l’ennui … L’indifférence, l’absence de toute passion est ennui … Quand il souffre l’homme ne peut pas s’ennuyer. »  (Giacomo Leopardi)

« Il n’est rien qui échappe à l’ennui, même les plus grands plaisirs. … la monotonie est insupportable, mais contre ce mal il existe un grand remède, qui est d’avoir un but. » (Giacomo Leopardi)

« L’existence la plus heureuse est celle  qui est la plus occupée … Un esprit occupé échappe au désir inné qui autrement ne le laisserait pas sen paix ; il le détourne vers les multiples menus objectifs de la journée … la distraction est le repos du désir … L’ennui n’est rien d’autre que la privation du plaisir et l’absence de tout ce qui nous dissuade de désirer le plaisir … comparable à l’horreur du vide. » (Giacomo Leopardi)

« L’expérience de l’ennui, de la monotonie, est positive lorsqu’elle nous provoque à percer la coque du faire afin que notre satisfaction ne dépende pas d’abord ou seulement de ce que l’on fait mais de ce que l’on est lorsque l’on fait. » (sœur Marie-Anne Leroux)

« L’homme s’ennuie du bien, cherche le mieux, trouve le mal et s’y soumet par crainte de pire. » (duc de Lévis)

« L’ennui est une maladie dont le travail est le remède ; le plaisir n’est qu’un palliatif. » (duc de Lévis)

« Gardons-nous de diffamer l’ennui. Il ralentit la fuite du temps que nous déclarons trop rapide. Ce changement de rythme offre une occasion de réfléchir. On peut alors choisir, soit la sortie immédiate et facile de la diversion, soit une issue plus lente à travers un chemin personnel. Il serait à peine exagéré de dire que les êtres se classent à partir de leurs heures d’ennui. » (Alfred Fabre-Luce)

« L’ennui est essentiel à la construction de la personne, il permet d’apprendre à trouver en soi les ressources nécessaires, de découvrir ses goûts, ses talents, ses désirs. Il faut des espaces vides, des temps morts pour laisser la pensée, la créativité, voire la spiritualité, se développer. » (Liliane Lurçat)

« Ennui qui fut la marque de la modernité à son apogée, ennui conséquence de l’idéologie du ‘risque zéro’, et dont on trouve les sources dans les théories de l’émancipation. » (Michel Maffesoli)

« Il n’y a rien d’accablant comme de voir déjà, de l’endroit que l’on quitte, celui que l’on atteindra le soir ou le lendemain, sans rien entre. » (Théodore Monod – cité par paul Virilio) – Sur les parcours dans le désert. Mais on peut étendre à des journées, à des tranches de vie…

« Le dimanche on échange les ennuis de la semaine contre l’Ennui. » (Paul Morand)

« Claudel déclare que la fleur d’imagination n’existe plus quand on est dissipé, qu’on fait des choses absorbantes, qu’on a entendu des conversations très intéressantes ; c’est quand on s’ennuie qu’on peut imaginer. La fraîcheur intérieure est nécessaire. Claudel se lève tous les jours à six heures. » (abbé Mugnier)

« Comme regarder tomber la pluie, sous un préau d’école, un après-midi de février. » (Philippe Muray)

« Ici l’on passe

« Des jours enchantés !

« L’ennui s’efface

« Aux cœurs attristés

« Comme la trace

« Des flots agités. » (Gérard de Nerval –Chœur d’amour)

« Les races laborieuses ont grand mal à supporter l’oisiveté : un coup de maître de l’instinct anglais fut de sanctifier le dimanche dans les masses et de le rendre à ce point ennuyeux que l’Anglais aspire inconsciemment au retour des jours de semaine et de travail. » (Nietzsche)

« Très loin de l’abrutissement qui naît des grands postes et des hautes fonctions, l’ennui est cet état béni où l’esprit désoccupé aspire à faire sortir du néant quelque chose d’informe et déjà d’idéal qui n’existe pas encore. L’ennui est la marque en creux du talent, le tâtonnement du génie. Dieu s’ennuyait avant de créer le monde. Newton était couché dans l’herbe et bayait aux corneilles… » (Jean d’Ormesson)

« L’illusion passionnelle tant qu’elle dure, a au moins le mérite d’absorber l’être tout entier dans une activité qui lui tient lieu de tout : seuls échappent à l’ennui les fous, les amants, les ivrognes. » (Mona Ozouf – sur madame de Deffand)

« Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaires, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Il sortira de son âme l’ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir. » (Blaise Pascal)

« Dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle et si misérable que rien ne peut nous consoler quand nous y pensons de près … De là vient que le jeu et la conversation des femmes, la guerre, les grands emplois sont si recherchés … De là vient que les hommes aiment tant le bruit et le remuement … Ils ne savent pas que ce n’est que la chasse et non la prise qu’ils recherchent … Ils croient chercher sincèrement le repos, et ne cherchent que l’agitation … on cherche le repos en combattant quelques obstacles, et, si on les a surmontés, le repos devient insupportable, par l’ennui qu’il engendre ; il en faut sortir et mendier le tumulte … Surintendant, chancelier, président… dans la disgrâce, renvoyés … dans leurs maisons des champs, ne manquant ni de biens ni de domestiques, ils ne laissent pas d’être misérables et abandonnés parce que personne  ne les empêche de songer à eux. » (Blaise Pascal) – Songeons à nos vieux chevaux de retour en politique qui n’ambitionnent que de revenir pour continuer à perpétrer leurs méfaits.

« L’ennui bien sûr ne recule pas, il occupe de plus en plus le devant de la scène … L’ennui n’est pas une quantité négligeable une ‘simple humeur’, une disposition privée, mais le statut ontologique d’une humanité qui a entièrement subordonnée sa vie au quotidien et à son impersonnalité …  La société de consommation qui sonne le glas de l’utopie … La chute sous la coupe des choses, de la préoccupation quotidienne et de l’enchaînement à la vie, entraîne comme pendant nécessaire une nouvelle vague de la crue orgiaque … plus la science technicisée des Temps modernes s’impose comme rapport propre à l’étant, plus elle affirme son empire sur tout ce qui ressortit non seulement à la nature, mais encore à l’homme,  plus les modes traditionnels d’accommodement de l’authentique avec l’exaltant sont écartés et condamnés comme irréels incroyables, fantastiques, plus cruelle est la revanche de l’enthousiasme orgiaque. » (Jan Patocka) – L’auteur, mort en 1977 (grâce aux soins de  la police politique communiste) trouverait une sinistre confirmation de ses thèses dans les guerres locales (et qui sait) et surtout dans le terrorisme … Prix de la perte du sacré, de la transcendance, des idéaux de rêve…

« Contre l’ennui mortel il n’existe que deux remèdes : l’imbécillité et le génie. Car tous deux sont immortels. Si le génie te fait défaut, cultive ta bêtise. » (Georges Picard)

« Un avenir fait de lois anti-propos sexistes, anti-séduction ou anti-pensées déviantes, de ‘célibattantes’ castratrices et frustrées, d’utérus artificiel, de parité obligatoire et universelle, de papas poules et d‘ennui profond. » (Natacha Polony)

« C’est l’organisation généralisée de la dépendance qui constitue l’essence de la société maternante … La Coïncidence du pouvoir donné aux mères par le progrès scientifique et l’avènement d’une société non pas matriarcale, mais maternante, où l’organisation économique implique l’enveloppement de l’individu dans une sorte ‘d’utérus artificiel’ (Aldo Naouri) … L’image du ‘cocon’ … Gavés en permanence de sucre et d‘attentions, la bouche toujours pleine de tétines diverses et variées, ils sont ensuite équipés généreusement de prothèses technologiques qui leur interdisent à jamais la merveilleuse liberté de l’ennui. » (Natacha Polony)

« La tristesse pénètre, l’ennui enveloppe. » (Henri de Régnier)

« La vie est courte mais l’ennui l’allonge. »(Jules Renard)

« S’embêter, c’est s’insulter soi-même. » (Jules Renard) 

« On s’ennuie presque toujours avec ceux que l’on ennuie. » (La Rochefoucauld)

« C’est quand il n’y a rien à faire que le temps devient perceptible … Le temps comme durée pure, source d’ennui et d’angoisse. Or il n’y a jamais rien de sérieux à faire … Il est donc toujours urgent de ne pas laisser le temps s’écouler à vide, d’improviser dans l’instant … une occupation de rechange telle que le temps puisse s’écouler sans dommage … Le problème du temps est qu’il ne ‘passe’ (c’est-à-dire s’oublie) que si on a quelque chose à faire … Les trous d’air doivent être constamment amortis par les manœuvres du pilote, s’il veut éviter que son appareil ne s’écrase à terre … Le mieux est d’agir et le pire de réfléchir … jouer au philosophe contribue à aggraver le mal plutôt qu’à l’apaiser. Bref, il faut combler le trou et peu importe avec quoi, pourvu que ce quoi soit un tant soit peu matériel … L’ennui, donnée fondamentale, puisque c’est lui qui déclenche la parade, si dérisoire soit-elle, destinée à suspendre l’effet corrosif du sentiment du temps. » (Clément Rosset)

« L’ennui est une sorte d’ensablement de la source de vie en nous. Il peut révéler une difficulté à affronter le réel, à l’assumer, à réagir … L’expérience de l’ennui, de la monotonie est positive lorsqu’elle nous provoque à percer la coque du ‘faire’ afin que notre satisfaction ne dépende pas d’abord ou seulement de ce que l’on fait, mais de ce que l’on ‘est’ lorsque l’on fait. » (Sœur Marie-Anne Le Roux)

« L’ennui est un avertissement qu’on n’écoute jamais trop. » (Claude Roy)

« L’ennui constitue plutôt pour moi un moyen d’user loyalement du monde, de m’en approcher, de m’en démettre, d’y goûter à nouveau pour mieux le savourer. » (Pierre Sansot)

« Le tourment des classes supérieures. » (Schopenhauer)

« L’ennui qui a sa représentation sociale dans le dimanche anglais. » (Schopenhauer) – A quoi un plaisantin rajoutait que si l’Angleterre n’avait jamais été envahie, c’est que tout envahisseur potentiel redoutait d’y passer un dimanche.

 « Là où chacun est l’autre et où personne n’est lui-même, l’homme est dépouillé de son ek-stase, de sa solitude, de sa propre décision, de son lien direct à l’extérieur absolu, la mort. La culture de masse,  l’humanisme, le biologisme sont les masques allègres derrière lesquels se masque le profond ennui de l’existence sans défi à relever. » (Peter Sloterdijk)

« N’avoir ni paradis, ni enfer, c’est se retrouver intolérablement privé de tout, dans un monde absolument plat. » (George Steiner) – La modernité, laquelle va s’empresser de créer des enfers.

« ‘Plutôt la barbarie que l’ennui’, le cri le plus inoubliable, le plus prophétique du dix-neuvième siècle. » (George Steiner – citant Théophile Gautier)

« C’est dans les années qui succédèrent à Waterloo qu’il faut chercher les racines du grand ennui que, dès 1819, Schopenhauer définissait comme le mal qui rongeait l’âge nouveau … Les cent années de paix, de 1815 à 1914, rompues seulement par les spasmes révolutionnaires de 1830, 1848, 1871 et les courtes guerres de Crimée et de Prusse … Accumulation d’énergies turbulentes et sans objet … L’appel à la destruction brutale. » (George Steiner) – Qui trouva son expression délirante dans l’enthousiasme d’août 1914. 

Les années 1820 à 1915, suivant George Steiner, « L’agitation, l’aventure passionnée de l’intellect et du sentiment, mises en branle par les événements de 1789 … La grande épopée, l’effervescence démente de ces quelques années … L’avènement de la ville tentaculaire … L’union d’un intense dynamisme économique et technique  et d’un immobilisme social rigoureux … composait un mélange détonant … La fougue de rêves et de désirs contrariés (madame Bovary) … L’ennui enfantait de minutieux fantasmes de catastrophe imminente … les années 1900 étaient fin prêtes pour ce que Yeats devait appeler ‘la marée de sang’… L’intellect et l’affectivité étaient … hypnotisés par l’éventualité d’un feu purificateur. » (George Steiner – La culture contre l’homme) – Avec l’aboutissement prévisible des boucheries insensées du vingtième siècle.  En histoire, les descendants payent toujours les erreurs des ascendants – Aujourd’hui, ils payeront le saccage de la nature et des ressources (bouleversement climatique) 

« Faut-il se laisser mourir d’ennui par excès de prudence ? » (Stendhal)

« Un des signes les plus sûrs de l’épuisement affectif, c’est de n’être plus capable d’une communion infrahumaine (avec la nature) ou supra-humaine (avec Dieu), de ne pouvoir vivre et s’épanouir qu’au contact des hommes, d’avoir constamment besoin de ce contact pour échapper à l’isolement et à l’ennui. » (Gustave Thibon)

« Le mal et l’ennui. Où est l’homme qui sait s’ennuyer, celui qui, lorsqu’il ne peut échapper à l’ennui par en haut, refuse de le fuir par en bas ? L’héroïsme exige un courage égal, non seulement aux douleurs et aux périls qui nous attendent sur la route, mais au néant qui nous attend en nous-mêmes. » (Gustave Thibon)

« L’ennui ; le quotidien réduit à lui-même. » (Gustave Thibon)

« Un ennui mortel guette les derniers hommes. » (Alexis de Tocqueville)

« Presque tous les hommes vivent inconsciemment dans l’ennui. L’ennui fait le fond de la vie, c’est l’ennui qui a inventé les jeux, les distractions, les romans et l’amour. » (Miguel de Unamuno)

« L’ennui est la source de la pensée sérieuse. » (Paul Valéry)

« Finis les rêveries passagères et les ennuis féconds. On tapote sur un clavier dans l’illusion de rentabiliser chaque instant. » (Pierre de Villiers)

« L’ennui est un mal assez général à notre époque, et, peut-être, une cause essentielle des catastrophes contemporaines. » (Simone Weil) – « Un tel monde est à la merci, il faut le savoir, de ceux qui fournissent au moins un semblant d’issue à l’ennui. » (Georges Bataille) – Tous deux à  quelques années du deuxième conflit mondial.

«  On a trop souvent tendance à penser qu’il s’agit d’un sentiment péjoratif, lié à la lassitude, à l’inaction. Pourtant, ne rien faire est une activité à part entière ! Il est primordial de prendre du temps pour soi, et cela vaut aussi pour un enfant. C’est l’occasion de faire travailler son imaginaire, sans quoi, il serait vide. Ces moments vont aussi lui permettre d’enrichir sa capacité d’observation, il verra des choses que d’autres ne voient pas, et en grandissant, il développera une perception plus sensible. Il sera aussi plus attentif, et à défaut de tout faire vite, il fera les choses bien. Enfin, ils ont besoin de ces temps pour se poser et souffler. J’observe de plus en plus d’enfants énervés et fatigués. Une hyperactivité liée sans aucun doute à la sollicitation permanente dans laquelle ils vivent. » (?)

« L’ennui est la marque des esprits médiocres. Ils s’ennuient dans la solitude parce qu’ils se rencontrent eux-mêmes. » (?)

« Ne pas périr sous le morne fardeau de l’identique. » (?)

« Dans la vie il faut choisir ; l’ennui ou les ennuis. » (?)

« S’ennuyer, c’est se mépriser soi-même. » (?)

« Le meilleur remède contre l’ennui, un ennui. » (?)

« L’ennui : la hantise des femmes. » (?)

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