155,3 – Lucidité

– Vient de lumière. Elle est une volonté avant d’être un état. Elle permet d’appréhender le Réel au-delà des apparences notamment les personnes et les événements, de situer en contexte, de ne pas confondre l’arrière boutique avec la vitrine (la présentation si souvent menteuse des événements avec leur sens, leurs causes et leurs conséquences).

– Contrairement aux idées reçues elle génère un détachement léger, une certaine forme de jubilation donnée par la clarté, d’optimisme désenchanté.

« Il faut toujours dire ce que l’on voit ; surtout, il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. » (Charles Péguy – Notre jeunesse) – « Je ne suis pas un prophète, mais il arrive que je voie ce que les autres voient comme moi, mais ne veulent pas voir. » (Georges Bernanos – Essais et écrits de combat)  – Du temps où la lâcheté et la servilité ne garantissaient pas les grandes carrières politiques, médiatiques, pseudo-intellectuelles.

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« C’est aveuglant de clarté. » (Woody Allen)

« La clairvoyance serait même perçue par les progressistes forcenés du Bien universel comme particulièrement corrosive, et donc néfaste au projet de la Grande Béatitude collective que l’on nous promet pour demain. » (Olivier Bardolle)

« La lucidité est incompatible avec la joie de vivre. Il faut choisir : conscient et sombre, ou con et pétulant … Être lucide n’implique pas que l’on soit nécessairement désespéré, on peut aussi être exaspéré …. Le regret du temps des illusions ne cesse de hanter l’homme lucide. La vérité n’est jamais consolante. C’est pourquoi l’homme ne veut pas la connaître. » (Olivier Bardolle)

« L’avantage de la lucidité qui, d’ailleurs, vient opportunément avec l’âge. Elle nous gagne plus facilement que la foi, il y a peu de conversions tardives, alors que la lucidité, en fin de vie, personne n’y échappe, elle est bien trop utile pour trépasser en paix. » (Olivier Bardolle)

« ‘Jusqu’ici les Romains s’étaient contentés de pratiquer la vertu, tout fut perdu quand ils se mirent à l’étudier’. Quand on se regarde vivre, on vit moins bien, moins intensément. C’est le problème de tous les décadents, à se poser trop de questions ils perdent en vitalité ce qu’ils gagnent en lucidité. » (Olivier Bardolle – citant Sénèque)

« La vision de la lumière spirituelle est une expérience inoubliable, même pour celui (cas le plus fréquent) qui retournerait à la pénombre de la caverne. » (Georges Bastide)

« Détruire l’actuelle vénération de l’irrationnel sera difficile. Elle est partout. La nuit peut être fière ; elle a obtenu que le lumière ait honte d’être la lumière et n’admire plus que la nuit. » (Julien Benda)

« S’il peut encore tromper autrui, il ne se trompera plus. » (Georges Bernanos – sur un personnage de roman, effondré par un éclair de lucidité sur lui-même)

« L’âge n’apporte aucune sécurité, aucune paix, mais seulement une lucidité farouche, reflet de l’enfer. » (Georges Bernanos)

« Le temps des contes est terminé … Il n’y a plus de monde des esprits, l’univers lui-même n’est plus un conte ; l’Europe, la belle Europe, est morte ; voilà  la vérité et la réalité. La réalité, tout comme la vérité, n’est pas un conte … Il est plus difficile de vivre sans contes, c’est pour cela qu’il est si difficile de vivre au vingtième siècle … Nous avons des systèmes tout nouveaux, une conception du monde toute neuve … nous avons une morale toute neuve et nous avons des sciences et des arts tout neufs. Nous avons le vertige et nous avons froid  … Nous nous montrons désormais de plus en plus exigeants … aucune époque ne s’est montrée aussi exigeante que la nôtre ; notre existence même est empreinte de mégalomanie … La vie n’est plus que science, science issue des sciences. Nous nous sommes soudains résorbés dans la nature … Nous avons mis la réalité à l’épreuve. La réalité nous a mis à l’épreuve … Lorsque nous examinons la nature nous n’y voyons plus des fantômes … Cette clarté dans laquelle nous apparaît soudainement notre monde, notre monde de sciences, nous effraie ; nous avons froid dans cette clarté ; mais nous avons voulu cette clarté, nous l’avons provoquée, nous n‘avons donc pas le droit de nous plaindre du froid qui règne désormais. Le froid augmente avec la clarté. Ce sont cette clarté et ce froid qui règneront désormais. » (Thomas Bernhard)

« Le soleil luit pour tout le monde, dit-on. – Quand vous l’entendez (cette expression) soyez sûr que vous êtes dans le voisinage d’un citoyen honorable qui songe à vous chambarder pour s’installer à votre place. Equivalent de la célèbre formule d’expropriation : Ôte-toi de là que je m’y mette. Seulement on ne sait pas ce que le soleil vient faire ici… » (Léon Bloy – Exégèse des lieux communs – 1, CV)

« Un camp de concentration invisible couvre la terre dont parfois, par un sursaut d’éveil, un éclair de l’œil, nous sortons l’un des nôtres, nous délivrant du même coup. » (Christian Bobin)

« La clairvoyance conduisant généralement au doute et à l’inaction. » (Gustave Le Bon)

« La lucidité, cet héroïsme d’une intelligence déniaisée … Avant d’être à l’occasion compréhensive et compatissante, la lucidité est d’abord intrépidité du regard qui se sait toujours en équilibre instable …  La lucidité voulant qu’on s’efforce de corriger sa vision des attractions et répulsions irraisonnées qui font alterner extase de la vie et dégoût du monde … Principe de prophylaxie personnelle et d’élévation spirituelle … On ne peut transformer que ce qu’on est capable de formuler, pas ce qu’on dissimule ou devant quoi on capitule … Ce travail de rectification jusqu’alors inséparable du processus de culture, tourne aujourd’hui à la trahison ou à la dérision … Or ‘Tout le monde aujourd’hui, à tort ou à raison, confond l’observation incisive avec l’hostilité’ (Marguerite Yourcenar) … Que sait-on à long terme des ravages du déni sur tout un peuple, et surtout sur les plus démunis (quant aux nuisances que tout le monde connaît et tait) ? … Quels dégâts intérieurs provoquent chez les individus les blessures quotidiennement infligées au regard, qui ne peut s’empêcher de voir ce qu’il a vu, mais s’accuse d’avoir mal vu ? » (Françoise Bonardel) – Partant de la lucidité et arrivant à l’impitoyable censure actuelle.

« En quoi la lucidité de Baudelaire face à l’américanisation montante de l’Europe et au triomphe de la ploutocratie a-t-elle modifié notre vision du devenir européen ? … En quoi l’errance de Nietzsche dans une Europe alors déchirée entre nationalisme et cosmopolitisme nous a-t-elle à temps mis en garde contre les risques d’un tel clivage ? Quel usage les Européens ont-ils fait du message ? » (Françoise Bonardel) – Le troupeau d’aveugles, rendu lâche, gavé d’informations de propagande, n’entend jamais rien, pas plus aujourd’hui du monstre de l’islamo-gauchisme en train de s’édifier et qui va leur péter au visage.

« La lucidité est la forme la plus belle du courage. » (Robert Brasillach)

« La lucidité est la plus grande ennemie de la Révélation. » (André Breton) – Dans sa période du plus primaire anticléricalisme – avant le désarroi et le silence inexplicables de ses dernières années, sa détresse morale (peut-être par fier refus d’exprimer une sorte de reniement de son passé ?). Commentaires résumant une impression de José Corti) 

« Le soleil ne dissipe pas les ombres, mais les produit. » (Albert Camus)

« Là où la lucidité règne, l’échelle des valeurs devient inutile. » (Albert Camus – Le mythe de Sisyphe)

« Pas de jour sans nuit … Chez les anciens Grecs déjà , Apollon, le dieu de la lucidité, du principe d’individuation, des limites et des formes stables, combattait Dionysos, le dieu de l’ivresse, de la confusion, du danger, de la cruauté et de la sensualité » (Catherine Chalier)

« Un monde entièrement livré aux lumières, privé d’ombres et d’incertitudes, serait un monde terrible. Ceux qui, aujourd’hui encore, plaident la cause d’un tel monde le précipitent très sûrement dans un nihilisme redoutable … L’illusion du savoir total et des certitudes absolues ne vient pas à bout de la nuit, elle y précipite sans pitié. Les Lumières doivent donc continuer d’éclairer une nuit qui, si elle disparaissait, les rendrait d’ailleurs inutiles puisqu’elles n’auraient plus rien ni personne à éclairer. » (Catherine Chalier – La nuit, le jour

« La nuit qu’il faut étreindre en abandonnant tout ce qui, durant le  jour a contraint à des tâches sans contemplation, des tâches voués à l’affairement dans le souci de son individualité propre. » (Catherine Chalier)

« L’impératif de lucidité affole souvent ceux qui disent lui obéir et il les entraîne dans un labyrinthe obscur et dans fin. Comment faire la part des choses ? Comment décider de ce qu’est le jour quand on voit la nuit partout ? … Une fois sur sa lancée, l’impératif de transparence en toutes choses ne connaît aucune borne, il contraint à voir la noirceur partout à l’œuvre et à nier la réalité du jour et de la nuit. Paradoxalement, , en lieu et place de la grande clarté annoncée, une nuit très opaque se répand alors, car lorsqu’un être humain, habité de ténèbres (haine, ressentiment, envie) qu’il méconnaît et projette autour de lui, s’arroge le droit de décider ce que sont le jour et sa lumière, ce jour suscite une grande peur … Que serait un monde sans ombre ? Aveuglant sans doute, éclatant dans l’éclat, comme aveuglé de soi, plus solitaire encore … L’ombre soulage de la trop brûlante et aveuglante ardeur du soleil, elle est bénéfique à tout ce qui vit, grandit et vit … Méconnaître en soi la grande part d’ombre qu’on est à soi-même, celui qu’elle envoûte n’admet aucune transcendance qui orienterait ses jours et ses nuits autrement, c’est plaider la cause d’une clarté incommensurable à toute velléité de maîtrise par la raison et par la lumière dont elle éclaire les choses, par la puissance de la technique et sa démesure tragique ; par la déraison du désir de tout mettre à nu et, enfin, par cette ambition, récurrente dans l’histoire humaine, de s’approprier la lumière de Dieu, au lieu de s’efforcer de voir à Sa lumière, selon une part reçue, finie et contingente. » (Catherine Chalier)

« Personne n’a plus d’ennemis dans le monde qu’un homme droit, fier et sensible, disposé à laisser les personnes et les choses pour ce qu’elles sont, plutôt qu’à les prendre pour ce qu’elles ne sont pas. » (Chamfort)

« La loi vint … La lumière de la science, inconnue avant la Chute, est cause que l’homme a senti sa limitation : elle lui a indiqué les prétendues limites du possible et de l’impossible, de ce qui est dû et de ce qui est indu ; elle lui a montré le commencement énigmatique et la fin inévitable … Tant qu’il n’y avait pas de ‘lumière’, il n’y avait pas de limitation ; tout était possible, tout était ‘très bien’, comme il est écrit dans la Bible. » (Léon Chestov – interprétant Pascal) – A rapprocher de nos petits éclairs de lucidité.

« Avoir des sensations à la troisième personne. » (Emil Cioran)

« Un martyre permanent, un inimaginable tour de force. » (Emil Cioran)

« Le propre de ceux qui, par incapacité d’aimer, se désolidarisent aussi bien des autres que d’eux-mêmes. » (Emil Cioran)

« Conscience n’est pas lucidité. La lucidité … représente l’aboutissement du processus de rupture entre l’esprit et le monde ; elle est nécessairement conscience de la conscience. » (Emil Cioran)

« Condamnés à une vue exacte de nous-mêmes et du monde, à quoi adhérer, sur quoi se prononcer encore… A quoi se convertir, et quoi abjurer, au milieu d’une lucidité chronique. Dépourvue de substance, elle n’offre aucun contenu qu’on puisse renier ; elle est vide, et on ne renie pas le vide. La lucidité est l’équivalent négatif de l’extase. » (Emil Cioran)

« Pour notre vitalité, la prétention à la lucidité est aussi funeste que la lucidité elle-même. » (Emil Cioran)

« Nul être soucieux de son équilibre ne devrait dépasser un certain degré de lucidité. » (Emil Cioran)

« La lucidité complète c’est le néant. » (Emil Cioran) – Hélas, oui.

« La lucidité absolue étant incompatible avec l’existence, avec l’exercice du souffle … Un esprit détrompé, quel que soit le degré de son émancipation du monde, vit plus ou moins dans l’irrespirable. » (Emil Cioran)

« L’universalisation de l’éveil, fruit de la lucidité, fruit elle-même de l’érosion des réflexes, est signe d’émancipation dans l’ordre de l’esprit et de capitulation dans celui de actes … Nous sommes trop clairvoyants pour n’être pas des dégonflés, revenus et de l’illusion et de l’absence d’illusion. » (Emil Cioran)

« L’insomnie est une lucidité vertigineuse qui convertirait le paradis en un lieu de torture. Tout est préférable à un éveil permanent, à cette absence criminelle de l’oubli. » (Emil Cioran)

« La lucidité extrême est le dernier degré de la conscience … mystique sans absolu … Elle donne le sentiment d’avoir épuisé l’‘univers, de lui avoir survécu. » (Emil Cioran)

« Le déclin d’un peuple coïncide avec le maximum de lucidité collective. » (Emil Cioran) – Pas en France aujourd’hui où tout est fait pour faire taire le peu de lucidité restant.

« La clairvoyance est le seul vice qui rende libre – libre dans un désert. » (Emil Cioran)

« Y a-t-il une alliance possible entre la lucidité et la joie ? » (Emil Cioran)

« Faire de la lumière, c’est plus difficile que de faire de l’or. » (Paul Claudel)

« On ne se trompe pas quand on suit le soleil. » (Paul Claudel – faisant parler Christophe Colomb)

« Plutôt que de maudire les ténèbres, allumons une chandelle, si petite soit-elle. » (Confucius)

 « La lumière qui nous éclaire est exactement la même que celle qui nous aveugle. » (Maurice G.  Dantec)

« Le secret de dégoûter est de vouloir tout montrer. » (Régis Debray)

« Il me fallait entreprendre une fois sérieusement en ma vie de me défaire de toutes les opinions que j’avais reçues jusqu’alors en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences. » (Descartes)

« Si vous le permettez, je vais vous montrer le bout d’un tunnel… Rares sont ceux qui dans le réel, ont vu le bout d’un tunnel ! D’ailleurs, dans un tunnel, il n’y a que le bout d’intéressant ! » (Raymond Devos)

« Quand on a le regard perçant, on aperçoit immédiatement sous les événements le fatal, l’inéluctable ; cela économise le désespoir. » (Jean Dutourd – sur Rivarol) – Mais cela contraint au pessimisme tant vilipendé et à la position dite réactionnaire encore plus décriée.

« Une idée affreuse s’empare, pour ne plus le lâcher, de l’esprit du détrompé : l’idée qu’il s’est trompé sur toute la ligne et que c’est pour lui, peut-être, qu’il est trop tard : ‘Avais-je tort ? Etait-ce une erreur ? Etais-je trop méfiant, trop soupçonneux, trop logique ? … Est-ce seulement sa faute à elle si je l’ai abandonnée ? Dieu sait combien les questions me harcèlent ; si j’ai gâché son bonheur, à coup sûr je n’ai pas fait le mien. Et j’aurais pu le faire… n’est-ce pas ? C’est une charmante découverte pour un homme de mon âge’. On a besoin de la littérature pour soustraire le monde réel aux lectures sommaires, que celles-ci soient le fait du sentimentalisme facile ou de l’intelligence implacable. La littérature répudie le mélodrame (celui que nous nous jouons) … Pour le dire avec les mots pascaliens du philosophe Constantin Noïca, ‘aucune réussite de l’esprit de géométrie ne saurait absoudre l’homme de ses responsabilités envers l’esprit de finesse’. On peut avoir tort d’avoir raison et l’opposition du vrai et du faux n’est pas toujours pertinente car il est des moments dans l’existence où la vérité n’est pas un bienfait mais un cataclysme. » (Alain Finkielkraut – commentant Washington square de Henry James, le roman des désillusions perdues, de l’intelligence implacable qui empêche de lire les êtres autrement qu’ils n’apparaissent à une lucidité subjectivement flatteuse mais objectivement trompeuse)

« Terrible révélation de l’occasion manquée …. Il se demande s’il n’a pas lui-même gâché sa vie par excès de méfiance, s’il n’a pas été la dupe de son désenchantement. Son refus de croire et de se laisser avoir l’a peut-être fait passer à côté de la vérité. Cette hypothèse le transperce et il éprouve le sentiment insoutenable du ‘trop tard’. » (Alain Finkielkraut – commentant la nouvelle de Henry James, Retour à Florence) – Il semble que ce soit une constante des œuvres de Henry James que ce rappel des dangers d’un excès de lucidité (excès ou manque d’ailleurs), d’un excès de défiance… Voir extraits de La bête dans la jungle (rubrique Comportement, 140, 1, à Henry James) et de Washington square (même rubrique, mais à Alain Finkielkraut)

« Rien n’est plus néfaste que l’illusion de la clarté. Nulle ivresse n’est aussi aveuglante que la certitude absolue. » (Alain Finkielkraut)

« Plus les télescopes seront parfaits, et plus les étoiles seront nombreuses. » (Flaubert)

Rompre « L’incessante oscillation entre la toute-puissance imaginaire du moi dans la solitude et la toute-puissance réelle de l’autre dans la société. » (René Girard) – Equilibre sans cesse menacé.  

« Je ne suis aucunement surpris des explosions auxquelles je m’attends. Nous avons vu de tristes choses, mais consolons-nous, nous en verrons de pires … et ce qui est incontestable, c’est que nos enfants en verront encore pis que ce pire. » (Arthur de Gobineau)

« Commence par faire ce que tu as à faire, et tu sauras vite ce que tu es. » (Goethe)

« Si je n’avais pas en moi porté le monde par anticipation, je serais resté aveugle avec des yeux qui voient, et toute recherche et toute expérience n’eut été qu’un effort stérile et vain. La lumière est là et les couleurs nous entourent ; mais si nous ne portions ni lumière ni couleurs dans nos propres yeux, nous ne pourrions les appréhender hors de nous. » (Goethe) – Autre- ment dit, l’imbécile décidé à le rester le restera.

« J’incline à tenir les gens heureux pour des sages qui s’ignorent, même si ces gens ressemblent à des sots. Quoi de plus bête et qui rende plus malheureux que la lucidité ! » (Hermann Hesse)

« J’appelle un homme en éveil celui qui, de toute sa conscience, de toute sa raison, se connaît lui-même, avec ses forces et ses faiblesses intimes qui échappent à la raison, et sait compter avec elles … Chez toi, Goldmund, la nature et la pensée, le monde conscient et le monde des rêves sont séparés par un abîme. Tu as oublié ton enfance. Des profondeurs de ton âme elle cherche à reprendre possession de toi. » (Hermann Hesse – Narcisse et Goldmund) 

– « De même que plus on se regarde de près et moins on se voit ; l’on devient presbyte dès qu’on s’observe ; il est nécessaire de se placer à un certain point de vue pour discerner les objets, car lorsqu’ils sont très rapprochés, ils deviennent aussi confus que s’ils étaient loin. » (Joris-Karl Huysmans – En route – sur la nécessité du confesseur) – On peut étendre au domaine profane.

« Il faut survoler son temps, passer à travers pour ne pas disparaître avec lui … être au-dessus … Ne pas se laissera aller, garder sa lucidité, juger des choses avec bon sens, les idéologies sont folles, tous les gens sont idéologues, tous les gens sont passionnément et fanatiquement idéologues… Les idéologie sont des crises» (Eugène Ionesco)

« L’homme cruel sait d’instinct que l’humanisme est la rêverie sénile des nations à bout de souffle qui n’ont plus assez de force pour accepter l’idée de la haine universelle et qui ne supportent pas de penser que l’histoire est condamnée à répéter le drame  de Caïn et d’Abel. » (Roland Jaccard) – Dans l’acception de l’auteur, l’homme cruel serait plutôt  l’homme lucide.

« La lucidité vous rend sec, libre, sans illusions : elle vous coupe de l’humanité … C’est la façon la plus élégante de se conquérir et de se détruire à la fois. » (Roland Jaccard – interprétant Henri-Frédéric Amiel)

Suivant la magnifique expression de René Char (ou de Paul Eluard), elle serait « la blessure la plus proche du soleil. » – Mais « pourvu qu’en nous réveillant de notre erreur, l’aube lucide ne nous prive pas de notre espérance ! » (Vladimir Jankélévitch)

« Trop de lucidité dessèche ; en sorte qu’une conscience délicate ne va jamais sans quelque aveuglement, sans l’ingénuité du cœur et la crédulité de l’esprit. » (Vladimir Jankélévitch)

« Il ne s’agit que de trouver l’endroit d’où il faut voir. » (Kierkegaard)

« La lucidité vis-à-vis de soi-même permet de découvrir le modèle, l’habitude, le conditionnement de la pensée. » (Krishnamurti)

« Les ‘fouilleurs de poubelle’ sont des passionnés de l’inessentiel. » (Milan Kundera) – A qui pensait-il ? Aux passionnés de la Transparence ? Chacun son interprétation.

« Tous les Êtres reçoivent la même lumière : mais ils l’accueillent tous inégalement. » (Louis Lavelle) 

« C’est si je cesse de me regarder et que je regarde ceux qui m’entourent que je me connais moi-même sans avoir songé à le faire : c’est quand je cesse de poursuivre mon propre bien et que je cherche celui d’autrui que je trouve aussi le mien. Tout rayon de lumière doit éclairer le monde avant de revenir m’éclairer moi-même. » (Louis Lavelle) – La lucidité est une connaissance dépassionnée et extériorisée.

« A chaque salve de lucidité, une flopée de sociologues, de politologues et autres prétendus experts répond par le déni et la criminalisation. » (Bérénice Levet – à propos du réveillon cauchemardesque de Cologne) – Le gang médiatique toujours contre le peuple, ou l’interdiction du réel.

« La lucidité constitue en fait un funeste handicap ; les gens qui en sont affectés finissent généralement mal … ‘La malédiction de l’homme qui peut apercevoir les petits poissons au fond de l’océan’. » (Simon Leys – citant un proverbe chinois)

« Le duc d’Enghien a tué Bonaparte. La vanité a tué sa gloire. Sa folie impériale a abaissé les Alpes. Saint-Cloud a détruit Marengo.  Ses gendarmes ont effacé les mamelouks . Son trône a culbuté sa tente. La fable a écrasé l’histoire. » (prince de Ligne – pourtant grand admirateur de Napoléon) – Exemple de lucidité historique 

« A la manière dont elle voyait qu’on se déconsidérait à Versailles, devinant la révolution, elle me disait : ‘les souverains sont donc las des trônes’. » (prince de Ligne – citant la clairvoyance de sa tante) – Nos présidents de la république sont donc si las de leurs fonctions pour se saisir de la moindre occasion de se déconsidérer dans des propos, entretiens, vidéos d’une vulgarité écœurante. Il ne semblerait pourtant pas à voir leur avidité pour reconduire leurs privilèges. 

« ‘Quand je fermerais les yeux, cela ne détruit pas le soleil.’ Seulement, tous tant que nous sommes, presque toujours, nous fermons les yeux, nous les tenons fermés, et dans ce refus obstiné nous nous obstinons en même temps à croire que nous les tenons grands ouverts. Et nous nous scandalisons de ne pas voir ce que nous nous empêchons nous mêmes de voir. » (cardinal Henri de Lubac)

« La lucidité est fondamentalement incompatible avec l’espoir. » (José Lasaga Medina – sur Ortega y Gasset)

« ‘Ils brailleraient encore bien plus fort si on me menait à l’échafaud’.  De Cromwell devant la foule qui l’acclame. » (Montherlant – citant Cromwell)

« Qui donc saurait que la lumière est bonne, s’il n’avait pas senti les ténèbres de la nuit ? » (Origène)  

« Voilà ce que je vois et ce qui me trouble. Je regarde de toute part, et je ne vois partout qu’obscurité. La nature ne m’offre rien qui ne soit matière de doute et d’inquiétude. Voyant trop pour nier et trop peu pour m’assurer, je suis dans un état à plaindre. » (Blaise Pascal)

« Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir, et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire. » (Blaise Pascal)

« Il faut toujours dire ce que l’on voit ; surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile voir ce que l’on voit. » (Charles Péguy) – De quoi effondrer le gang politico-médiatique.

« Le pessimiste est un empêcheur de consommer en rond. L’esprit lucide est quasiment un mauvais citoyen. » (Natacha Polony)

« Chaque fois que quelqu’un regarde les choses de façon un peu nouvelle, les quatre quarts des gens ne voient goutte à ce qu’il leur montre. » (Marcel Proust)

« Difficile d’être bon quand on est clairvoyant. » (Jules Renard)

« La lucidité rétrospective et le courage rétroactif sont l’une des formes de la connaissance inutile. La vie est un cimetière de lucidités rétrospectives. » (Jean-François Revel)

« On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux. » (Pierre Reverdy)

« Les peuples peuvent, comme Didon, gémir d’avoir trouvé la lumière. » (Rivarol) – Les personnes aussi.

 Le divertissement (au sens pascalien) « nous prive de la joie de vivre sous le prétexte d’en effacer la tragédie qui en est la condition sine qua non pour la bonne et simple raison qu’une joie de vivre qui efface la lucidité tragique est une fausse joie. » (Clément Rosset) – Surabondance actuelle d’agitations, d’occupations, d’informations, d’événements, etc. afin d’effacer le tragique de l’existence.

« La dépression, avec le réalisme dépressif  vecteur de lucidité … Lorsque notre humeur serait poussée vers le bas, nous aurions tendance à  gagner en sagacité et en clairvoyance …  Voir la vie en rose nous permet d’en tirer toujours plus de profit. A l’inverse, quand les nuages l’obscurcissent, voir la vie  en (un peu plus ) vrai permet d’éviter davantage de casse. » (Peggy Sastre) – Suivant de nombreuses études de psychologie sociale. Rien d’invraisemblable –  « La lucidité vous rend sec, libre, sans illusions : elle vous coupe de l’humanité. Personne n’aime vraiment cela … C’est la façon la plus élégante de se conquérir et de se détruire tout à la fois.  (Henri-Frédéric Amiel)

« Avez-vous remarqué combien d’excellentes vérités sur la société moderne ont tout d’abord été dites par des réactionnaires ? Et c’est bien normal : comme ils n’avaient rien attendu de l’avenir, ils étaient plus libre de le voir venir lucidement, sans préjugés, et donc de le considérer une fois qu’il a été là. » (Jaime Semprun)

« La lucidité vaut mieux toujours, il n’y a rien à faire dans certains moments (la vérité sur l’angoisse n’est pas angoissante, la vérité sur la tristesse n’est pas triste, la vérité sur le malheur… Il y a une joie à connaître … connaître sa faiblesse est une force) que de les accepter comme ils sont. Ne pas mentir, ne pas nier, ne pas fuir, ne pas faire semblant… »  (André Comte-Sponville) 

« Notre lucidité toute neuve provient en droite ligne d’un échec lamentable des virtualités de l’homme. » (George Steiner)

« Ceux qui cultivent le Tao – Ne cultivent pas le devoir et la justice sociale – Mais développent d’abord leurs qualités propres – Car celui qui voit les autres sans se voir lui-même – Celui qui entend les autres sans s’entendre lui-même – Perd la clarté de sa vision – Et devient quelqu’un d’autre – Que lui-même. » (Tchouang Tseu)

« Les choix profonds et définitifs ne sont jamais des choix lucides. La lucidité est une vertu de niveau moyen. En bas, l’impulsion aveugle des appétits et des passions; en haut, l’aspect  aveuglant des dieux. Cécité ou éblouissement : on ne voit clair qu’à mi-côte. » (Gustave Thibon)

« Ce n’est pas la lumière qui manque à notre regard, c’est notre regard qui manque de lumière. » (Gustave Thibon)

« Lucidité ‘réductrice’ – crime contre l’amour. Il faut voir clair dans la Caverne et se laisser aveugler par le soleil. Une certaine forme de clairvoyance n’a de sens et de prix que dans le monde des ombres. » (Gustave Thibon)

« Ne pas nourrir l’espérance d’illusions et ne pas pousser la lucidité jusqu’au désespoir. Croire encore au ‘Tout’ quand on ne croit plus en rien. » (Gustave Thibon)

« Mieux vaut allumer une bougie que de maudire les ténèbres. » (Lao Tseu)

« Voir clair, c’est voir noir. » (Paul Valéry) 

« Il n’y a que ceux qui ne cherchent rien qui ne rencontrent jamais l’obscurité. » (Paul Valéry)

« Rendre la lumière suppose d’ombre une morne moitié. » (Paul Valéry)

« Nous sommes ainsi faits qu’il nous faut avoir deux paires d’yeux pour voir. Les yeux du corps et ceux de l’esprit. » (Bertrand Vergely)

« Toute ombre, en dernier lieu, est aussi fille de la lumière, et seul celui qui a connu la clarté et les ténèbres, la guerre et la paix, la grandeur et la décadence, a vraiment vécu. » (Stefan Zweig – conclusion de Souvenirs d’un Européen)

« Celui qui pénètre tout d’un regard clair, peut bien se passer de connaissances. » (précepte chinois – citée par  Hermann von Keyserling) 

« Le flambeau n’éclaire pas sa base. » (proverbe)

« Mieux vaut allumer la lampe que jurer contre la nuit. » (proverbe)

« Où il y a lumière du soleil, il y a aussi ombre. » (proverbe) 

« On ne conduit pas son âme à la lumière en regardant au-dessous de soi. » (?)

« Quand on prend la peine de découvrir les ficelles, on se sent moins marionnette. » (?)

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