155,1 – Connaissance, Savoir / Ignorance ; Lucidité

– Si, selon Pascal, il n’y a qu’un point d’où l’on puisse apprécier un tableau, dans le domaine de la connaissance on peut aussi considérer la remarque de C. S. Lewis : « Lorsque nous pensons, nous sommes coupés de l’objet de notre pensée ; lorsque nous goûtons, touchons, voulons, aimons, haïssons, nous ne sommes pas en mesure de comprendre clairement. Plus nous pensons lucidement, plus nettement sommes-nous coupés de la réalité ; plus nous la pénétrons profondément, et moins nous sommes capables de penser. On ne peut étudier la notion de plaisir au moment de l’étreinte, ni approfondir la question de la repentance à l’instant  du repentir, ni analyser la nature de l’humour en plein éclat de rire. » La vision n’est pas la même, dans le premier cas par excès et dans le deuxième par manque de distance : télescope ou microscope. Nous ne saisirons jamais à la fois la pensée, la perception globale (le parfum des roses) et la réalité concrète, sensible (le parfum de cette rose là). Nous n’aurons jamais à la fois le plaisir ou le chagrin en son paroxysme, concrètement, physiquement, ressenti et sa notion abstraite, compréhensive, élargie et intemporelle.

– Nous sommes seuls en nos sensations (microscope), en entendement dématérialisé (télescope) nous pouvons être avec. Nous sentons le parfum de cette rose, les autres, ne peuvent nous suivre qu’à travers l’idée générale du parfum des roses. Nul ne peut nous expliquer la couleur rouge, l’odeur du jasmin, le goût du sucre, la douceur de la soie, le froid du métal…  « Comment démontrer que le soleil brille, que l’eau mouille. » (Fabrice Hadjadj) – Comme quoi si on peut démontrer des explications, il est hors de notre atteinte de démontrer des évidences.

– Aristote trouvait la source de la connaissance dans « Les choses, qui ne savent pas mentir. » et Kant « toute notre connaissance commence avec l’expérience. » Ce qu’aurait approuvé le grand Vico pour lequel, défiant Descartes « le vrai, ou verum, se mesure à ce qui est accompli, au factum. » (formulation de Karl Löwith)

« Savoir est connaître des prédicats.  Connaitre est connaître une chose. ‘Je sais que’ ; ‘Je connais ParIs,  Machin’ avec un complément d’objet direct. » (Rémi Brague)

– Le sapiens en sait trop long, il a cessé d’être disait Nietzsche ‘attaché court au piquet de l’instant’, comme la vache dans un pré qui a l’éternité devant elle, car elle ne sait rien du temps. (Lucien Jerphagnon)

– « En Occident, la force du croire paraît aujourd’hui épuisée. » (?) – Le su l’a emporté sur le cru. Nous marchons sur une jambe, alors qu’il « faut tenir les deux bouts de la chaîne » (Blaise Pascal)

Ce que vous m’avez appris, je le savais déjà, mais j’ignorais que je le savais. Ce que l’on peut s’entendre dire soi-même maintes fois, après la lecture d’un livre notamment

-« Savoir qu’on croit, et non pas croire qu’on sait. » (Jean Lesquier)

– « Ce qu’on croit engage plus que ce qu’on sait … Personne n’est prêt à mourir pour son savoir … Innombrables sont ceux qui sont morts pour leurs croyances. » (Jean d’Ormesson)

« La différence  que Leibniz établit entre ‘percevoir’ et apercevoir’ : nous apercevons toujours une petite partie de ce qui constitue nos perceptions. » (?)

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« Nous cédons tous à cette manie de deviner plutôt que de constater ce qui est. » (Alain)

« Plus on sait et plus on est capable d’apprendre. » (Alain)

« Savoir, et ne pas faire usage de ce qu’on sait, c’est pire qu’ignorer. » (Alain)

« Le savoir au sujet de ces menaces, dont certaines sont gravissimes, n’incite personne à agir, et cela parce que nous ne croyons pas ce que nous  savons, parce que nous n’arrivons pas à nous représenter ce que nous savons. » (Günther Anders – sur les menaces nucléaires, écologiques…)

« L’écriture est au service d’une plus ample connaissance. Lorsque je maîtrise le processus de pensée, je suis très contente et, lorsqu’il m’arrive ensuite de le transcrire de façon adéquate au moyen de l’écriture, je suis doublement satisfaite. » (Hannah Arendt)

« La preuve que l’on sait quelque chose c’est que l’on peut l’enseigner. » (Aristote)

« Dans les choses qui ne savent pas mentir. » (Aristote – La source de la connaissance)

« ‘Je ne sais pas’ : un mot que ne savent pas les imbéciles. » (Lucien Arréat)

« ‘Connais-toi toi-même’ disent les sages. Le conseil est perfide, car, à se connaître mieux, chacun ne s’estimerait plus guère. » (Lucien Arréat)

« Rapport au monde imagé et abstrait puisque, avertis de tout, nous ne connaissons en général de ce qui nous est dit que ce qui nous en est dit, nous habituant progressivement à discuter de textes et d’images quand nous pensons parler de réalité … Ce rapport à la réalité est médiatisé (tous les faits aujourd’hui sont médiatisés, au sens où ils sont transmis et présentés par les médias ; l’expression ‘fait médiatisé’ est devenu un pléonasme). La médiation de l’image suscite des effets d’abstraction et même d’irréalité spécifiques lorsque des panneaux et des croquis se substituent sur le bord de l’autoroute aux paysages et aux curiosités que nous pourrions voir si nous en sortions. » (Marc Augé)

« Toute connaissance s’élabore contre une connaissance antérieure. »(Gaston Bachelard)

« On connaît clairement ce qu’on connaît grossièrement. Si l’on veut connaître distinctement, la connaissance se pluralise, le noyau unitaire du concept éclate. » (Gaston Bachelard)

« La connaissance humaine et le pouvoir humain marchent du même pas ; car là où la cause n’est point connue, l’effet ne peut être produit. On commande à la nature en lui obéissant … L’homme peut autant qu’il sait. » (Francis Bacon) – Mais il y a bien longtemps qu’on n’obéit plus à la nature.

« ‘L’homme s’épuise par deux actes instinctivement accomplis … ‘Vouloir’ nous brûle et ‘Pouvoir’ nous détruit ; mais ’Savoir’ laisse notre faible organisation dans un état perpétuel de calme … Le mot de ‘Sagesse’ ne vient-il pas de savoir ? Et qu’est-ce que la folie, sinon l’excès d’un vouloir ou d’un pouvoir ? » (Balzac – La Peau de chagrin)

« Déjà, il y a bien longtemps, le crucifié annonçait la couleur : ‘Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.’ Vingt siècles plus tard, ils ne savent toujours pas. » (Olivier Bardolle)

« Les gens qui n’en savent pas plus long, peut-on leur en demander plus large ? » (Anne Barratin)

« Le toucher est le plus démystificateur de tous les sens, à la différence de la vue qui est le plus magique. » (Roland Barthes)

« Le fantasme de connaissance du Bien et du Mal finit par provoquer la main-mise sur la vie et la mort. L’Histoire montre bien que les craintes de dieu sont justifiées ! » (Lytta Basset)

« Plus nous voudrons connaître de choses pour les dominer, et moins nous saurons de quoi nous parlons. Le verbalisme sera roi. » (Georges Bastide)

« Connaître veut dire : rapporter au connu, saisir qu’une chose inconnue est la même qu’une autre connue. Ce qui suppose soit un sol ferme où tout repose (Descartes), soit la circularité du savoir (Hegel). Dans le premier cas, si le sol se dérobe… ; dans le second, même assuré d’avoir un cercle bien fermé, on aperçoit le caractère insatisfaisant du savoir. La chaîne sans fin des choses connues n’est pour la connaissance que l’achèvement de soi-même. La satisfaction porte sur le fait qu’un projet de savoir … en est venu à ses fins, est accompli, que rien ne reste plus à découvrir (d’important du moins). Mais cette pensée circulaire est dialectique. Elle entraîne la contradiction finale :  Le savoir absolu, circulaire, est non-savoir définitif. A supposer en effet que j’y parvienne, je sais que je ne saurais maintenant rien de plus que je ne sais. » (Georges Bataille)

« Pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. » (Beaumarchais)

« Quelle rage a-t-on d’apprendre ce qu’on craint toujours de savoir ? » (Beaumarchais – Le barbier de Séville)

« En affirmant que ‘l’homme est la mesure de toute chose’, Protagoras nous conduit à une forme d’individualisme radical de la connaissance… Ce qui est vrai, c’est seulement ce que je perçois maintenant comme tel ; quel critère stable et fixe pourrait venir juge de la vérité de ma perception ? … Telles sont les choses pour vous, mais autres sont-elles pour moi, et autres encore apparaîtront-elles pour nous tous demain. » (François–Xavier Bellamy) – Protagoras, père du relativisme.

« Le dogme de la ‘raison souple’ particulièrement cher à Péguy … une raison indemne d’affirmation … La pensée ‘disponible’ suivant un disciple de Péguy … Le dogme du concept ‘fluide’ de Bergson. » (Julien Benda – qui ne prenait ni Péguy ni Bergson pour de vrais intellectuels)

« ‘Ceux qui savent’ doivent s’imposer aux ignorants, quitte à les empêcher de s’exprimer. » (Alain de Benoist) – C’est bien ce que prônent les dominants du cercle de la raison, cher à Alain Minc, à Jacques Delors…

« Collusion entre rhétorique et tyrannie, l’unidimensionnalisation du discours par les media ouvre la porte à l’abus de pouvoir, à la substitution d’un langage d’ordre à un langage de plaisir. D’un même pas nous sommes entrés dans l’âge de la technocratie et de la télécratie … Ces philosophies berceuses qui nous entretiennent de l’illusion d’un progrès et d’un sens de l’histoire … D’avance Platon a su penser la malédiction que la présence obsessionnelle des média fait peser sur la vie politique, astreignant les chefs politiques à se transformer en histrions condamnés à relancer sans cesse l’attention de la masse des spectateurs exigeants et passifs, sous peine de revenir au néant … L’Etat s’est éclaté en une société du spectacle à entrées multiples … Dans l’onirisme que constitue la culture contemporaine, le sens manifeste est celui d’une agression. Celle qu’opère contre le logos philosophique les prétendus savoirs spécialisés, les sciences humaines, les disciplines de la division et du maniement des hommes, avec leurs complices, les média, qui ont oublié leur sens de transport ou de vecteurs pour devenir des candidats à la fonction de donneurs de sens, de fondateurs du message» (Jean-Marie Benoist –Tyrannie du logos)

« Je m’accrois, donc je suis. » (Henri Bergson)

« Percevoir c’est : tendre à immobiliser des instants de conscience. » (Henri Bergson)

« Être totalement connus ne nous serait pas moins intolérable que d’être totalement incompris. » (Emmanuel Berl)

« Nous savons bien que là où il s’agit de grâce, artistique ou amoureuse ou mystique, on ne peut trouver que ce que l’on cherche, ni d’ailleurs chercher que ce que l’on a déjà trouvé. » (Emmanuel Berl – Echo au : « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé » de saint Augustin sur Dieu)

« Ce que nous pensons déjà connaître qui nous empêche souvent d’apprendre. »(Claude Bernard)

« Le temps des contes est terminé … Il n’y a plus de monde des esprits, l’univers lui-même n’est plus un conte ; l’Europe, la belle Europe, est morte ; voilà  la vérité et la réalité. La réalité, tout comme la vérité, n’est pas un conte … Il est plus difficile de vivre sans contes, c’est pour cela qu’il est si difficile de vivre au vingtième siècle … Nous avons des systèmes tout nouveaux, une conception du monde toute neuve … nous avons une morale toute neuve et nous avons des sciences et des arts tout neufs. Nous avons le vertige et nous avons froid  … Nous nous montrons désormais de plus en plus exigeants … aucune époque ne s’est montrée aussi exigeante que la nôtre ; notre existence même est empreinte de mégalomanie … La vie n’est plus que science, science issue des sciences. Nous nous sommes soudains résorbés dans la nature … Nous avons mis la réalité à l’épreuve. La réalité nous a mis à l’épreuve … Lorsque nous examinons la nature nous n’y voyons plus des fantômes … Cette clarté dans laquelle nous apparaît soudainement notre monde, notre monde de sciences, nous effraie ; nous avons froid dans cette clarté ; mais nous avons voulu cette clarté, nous l’avons provoquée, nous n‘avons donc pas le droit de nous plaindre du froid qui règne désormais. Le froid augmente avec la clarté. Ce sont cette clarté et ce froid qui règneront désormais. » (Thomas Bernhard)

« Il croit qu’il sait, il ne sait pas qu’il croit. » (Alain Besançon – au sujet de Lénine)          

« Plus nous sommes vivement affectés, moins nous percevons et connaissons, c’est-à-dire moins nos impressions propres et les objets ou les causes qui les excitent sont des ‘faits’ pour nous. » (Maine de Biran) – Des dangers d’une trop vive sensibilité.

« Si on savait tout, dit-on. – On serait Dieu, situation infiniment désagréable parce qu’alors on serait forcé de nier sa propre existence sous peine de passer pour un imbécile, de se brouiller avec le Vénérable de sa loge et d’être mal noté dans le quartier … On passerait pour faire des miracles et pour avoir un crucifié dans sa famille… » (Léon Bloy – Exégèse des lieux communs – 1, CXIII)

« ‘Tant qu’on n’a pas imaginé qu’une chose pourrait ne pas être, on ne sait pas ce qu’elle est’ … Tant qu’on n’a pas imaginé qu’ils pourraient ne pas être, on ne sait pas ce qu’ils nous sont. » (Baudouin de Bodinat – citant le Principe de Chesterton et s’en inspirant)

« Le mode de connaissance qui surpasse tous les autres (la raison) est celui qui, par sa propre nature, connaît non seulement ce qui lui est propre mais aussi ce qui est l’objet de tous les autres modes de connaissance (la perception par les sens et l’imagination). » (Boèce)

« Savoir sans vouloir ne crée pas de pouvoir. » (Gustave Le Bon)

« La connaissance se répand par les livres, les croyances par les apôtres. » (Gustave le Bon)

« Les demi-connaissances, bien plus communes qu’on ne pense, les lueurs fausses et obscures en tout genre, font la honte de l’homme et le malheur de la société. » (Louis-Ambroise de Bonald)

« Pour acquérir des connaissances, il faut peut-être se résigner à, et s’accommoder de, sa propre ignorance. » (Alain de Bottton)

« Selon Proust, on ne peut rien apprendre vraiment avant l’apparition d’un problème, avant de souffrir, avant que quelque chose ne se passe pas comme on l’avait espéré … Le chagrin seul est salutaire pour l’esprit.. » (Alain de Botton) 

« Une connaissance est dite ‘circulaire’ (terme de Georg Simmel)  lorsque ce sont les conséquences qui confirment les principes et les principes qui permettent de fonder les conséquences. » (Raymond Boudon) – Domaine scientifique essentiellement.

« La ruine des croyances ‘dogmatiques’ … est grosse d’une lourde menace : la tyrannie de l’opinion. » (Raymond Boudon – se référant à une crainte exprimée par Alexis de Tocqueville) – « Si Dieu n’existe pas, tout est permis. » (Dostoïevski)

« ‘Comprendre’ ne veut point dire ‘justifier’ … Mais il est plus facile de porter un jugement  moral sur tel épisode historique ou sur tel phénomène social que de les comprendre, car comprendre suppose à la fois information et compétence analytique. Porter un jugement moral ne suppose en revanche aucune compétence particulière …  de plus il peut être socialement rentable … la ‘dévaluation du savoir’ peut s’accompagner d’une ‘surévaluation de la morale’, d’une exacerbation des exigences en matière d’égalité aux dépens des autres valeurs. … La multiplication des ‘belles âmes’» (Raymond Boudon) – Le vaste domaine des innombrables imbéciles : aucun savoir,  hurlements de moralisateurs.

« Nous nous informons toujours auprès des mêmes sources, celles qui correspondent à nos valeurs personnelles … au risque de tomber dans la ‘clôture informationnelle’ … Nous nous montrons sensibles aux seuls signaux que filtre notre clôture informationnelle. » (Daniel Bougnoux)

« Ce qui compte est moins le ‘stock de connaissances théoriques’ dont dispose un penseur, que le ‘prix personnel qu’il a eu à payer pour ce qu’il croit pouvoir penser et dire’. » (Jacques Bouveresse – interprétant Wittgenstein)

« Le domaine de ce qui est savoir, et de ce qui n’est que savoir, la science en particulier, n’appartient pas à la culture. » (Rémi Brague)

 « L’intraitable manie qui consiste à ramener l’inconnu au connu, au classable, berce les cerveaux. Le désir d’analyse l’emporte sur les sentiments … le rationalisme absolu qui reste de mode ne permet de considérer que des faits relevant étroitement de notre expérience. Les fins logiques, par contre, nous échappent. L’expérience même s’est vue assigner des limites. Elle tourne dans une cage … Elle s’appuie, elle aussi, sur l’utilité immédiate, et elle est gardée par le bon sens. Sous couleur de civilisation, sous prétexte de progrès, on est parvenu à bannir de l’esprit tout ce qui se taxe à tort ou à raison de superstition, de chimère, à proscrire tout mode de recherche de la vérité qui n’’est pas conforme à l’usage. . » (André Breton – sur la littérature – Manifeste 1 du surréalisme )

« La différence fondamentale qui existait (selon Denis de Rougemont) entre ‘information’ et ‘savoir’, entre ‘information’ et ‘connaissance’ … Information n’est pas connaissance … L’un des troubles provoqués par les média est que l’homme croit avoir accès à la signification des événements simplement parce qu’il est informé sur eux … L’ignorance n’a pas de meilleure alliée que l’illusion du savoir. » (Philippe Breton) – En supposant même que l’information ne soit pas tordue, ce qui est faire preuve de beaucoup d’indulgence.

« Pour devenir citoyen, il suffit d’accéder au savoir (via l’école). La jeunesse est ainsi dispensée d’apprendre à se former des opinions et à les argumenter. Car le savoir ne se discute pas … Celui qui sait remplace désormais en haut de la pyramide le roi ou le prince. L’élite culturelle ou scientifique a elle aussi ses prêtres et ses seigneurs. » (Philippe Breton) – Ainsi cette jeunesse absorbera d’autant mieux les opinions que les dominants lui imposeront via le système médiatique.

« La démarche d’infirmation de la croyance vient assez peu spontanément à l’esprit de l’homme de tous les jours … Appétence pour la confirmation … Vivre dans le doute permanent, remettre tout en question, empêcherait de passer à l’action … Nous cherchons en général des informations pour affermir une croyance. » (Gérald Bronner)

« La pensée moderne fait l’expérience d’un double sentiment d’impuissance. D’une part, elle doit constater que plus elle produit de connaissances et plus, à certains égards, elle devient ignorante. D’autre part, alors qu’elle se veut désespérément réaliste, elle doit constater sa perte croissante d’efficacité et de capacité à influer sur le cours du monde … Le savoir semble diminuer au prorata de son expansion, savoir d’autant plus dépourvu d’effets sur la réalité qu’il se veut réaliste. N’est appropriable, en effet, que le savoir qui s’organise suivant une logique …  qui ne donne pas l’impression de proliférer de façon chaotique, en tout sens. N’est susceptible d’être mis en application qu’un savoir ainsi organisé et dont on saisisse approximativement les tenants et les aboutissants. » (Alain Caillé)

« Si la connaissance doit éternellement s’aligner sur l’ignorance, ne pas la lâcher d’une semelle, elle a tôt fait de se confondre avec elle, de se réduire à elle… Les professeurs doivent être des maîtres de ‘lointeur’, pas de proximité. Leur mission n’est pas de rendre le monde plus petit, mais plus grand … En ne s’adressant jamais qu’aux ignorants, on les flatte, on les console ou on les ménage, très bien ; mais quel est le prix de cette commisération pour la connaissance elle-même, et pour le niveau culturel moyen ? Louable mansuétude, mais qu’advient-il pendant ce temps de ceux qui pourraient bel et bien suivre, et qui attendent, et de ceux qui pourraient précéder, éclairer la voie, la préparer pour l’avenir. » (Renaud Camus – sur l’école, mais pas seulement)

« Les hommes les plus redoutables : ceux qui savent tout et le croient. » (Elias Canetti)

«Être sage, c’est maintenir l’équilibre entre le savoir et le non-savoir. Il ne faut pas que le savoir appauvrisse son contraire. »  (Elias Canetti)

« Veux-tu connaître les choses ? Regarde-les de près. Veux-tu les aimer ? Regarde-les de loin. » (Ion Luca Caragiale)

« Jamais autant de traités, essais, livres en tous genres, n’ont été publiés. Jamais l’animal humain n’a été aussi informé et gavé de connaissances … Or, jamais, l’homme ne s’est trouvé aussi incertain de son avenir et aussi incapable de le lire. Jamais il ne s’est trouvé aussi puissant et aussi désarmé devant les problèmes qui l’assaillent. » (Jean Cau)

« Il faut souligner à quel point est intolérable la culture qui combine l’impuissance d’agir avec l’accumulation du savoir. » (père Michel de Certeau – à propos des traumatismes infligés, aux enfants notamment, quand on les informe,  à l’école notamment, sur les malheurs du monde (famines, guerres, violences, catastrophes,…)

« Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu’on sait par des gens qui les ignorent. » (Chamfort)

« Ce qu’on sait le mieux, c’est 1° Ce qu’on a deviné – 2° Ce qu’on a appris par l’expérience des hommes et des choses – 3° Ce qu’on a appris, non dans les livres, mais par les livres, c’est-à-dire par les réflexions qu’ils font faire – 4° Ce qu’on a appris dans les livres ou avec des maîtres. » (Chamfort)

« Tout le monde regarde ce que je regarde, mais personne ne voit ce que je vois. » (Chateaubriand)

« Toute forme d’analyse étant une profanation, il est indécent de s’y adonner. A mesure que, pour les remuer, nous descendons dans nos secrets, nous passons de l’embarras au malaise et du malaise à l’horreur. La connaissance de soi se paye toujours trop cher. Comme d’ailleurs la connaissance tout court. Quand l’homme en aura atteint le fond, il ne daignera plus vivre. Dans un univers ‘expliqué’, rien n’aurait encore un sens, si ce n’est la folie. » (Emil Cioran)

« Le mythe biblique du péché de la connaissance est le plus profond que l’humanité ait jamais imaginé. L’euphorie des enthousiastes tient, précisément, au fait qu’ils ignorent la tragédie de la connaissance. » (Emil Cioran)

« Pour moi, il n’y a eu qu’une seule découverte dans l’histoire mondiale. Elle se trouve dans le premier chapitre de la ‘Genèse’… L’arbre de la connaissance, c’est-à-dire l’arbre maudit. La tragédie de l’homme, c’est la connaissance. » (Emil Cioran)

« La connaissance à petite dose enchante, à forte dose elle déçoit. Plus on en sait, moins on veut en savoir. » (Emil Cioran)

« La connaissance, cette curiosité meurtrière qui nous empêche de nous assortir au monde. »(Emil Cioran)

« Les hommes les plus malheureux : ceux qui n’ont pas droit à l’inconscience. Avoir une conscience toujours en éveil, redéfinir sans cesse son rapport au monde, vivre dans la perpétuelle tension de la connaissance, cela revient à être perdu pour la vie. La connaissance est un fléau et la conscience une plaie ouverte au cœur de la vie … Le mythe biblique du péché de la connaissance est le plus profond que l’humanité ait jamais imaginé … La connaissance se confond avec les ténèbres. Je renoncerais volontiers à tous les problèmes sans issue en échange d’une douce et inconsciente naïveté. » (Emil Cioran)

« Le savoir, ayant irrité et stimulé notre appétit de puissance nous conduira inexorablement à notre perte. La ‘Genèse’ a mieux perçu notre condition que n’ont fait nos rêves et nos systèmes. » (Emil Cioran)

« Détenteur d’un savoir qui l’accable au lieu de le réconforter, il ressemble en plus d’un point au clerc de la fin du Moyen âge qu’avait quitté la foi en Dieu. » (Jean Clair – sur l’intellectuel moderne)

« L’homme connaît le monde non point par ce qu’il y dérobe mais par ce qu’il y ajoute : lui-même. Il fait lui-même l’accord qui est l’objet de sa connaissance, comme un clavier sur lequel je promène mes doigts. » (Paul Claudel)

« Trouver d’abord, chercher après. » (Jean Cocteau)

« A force d’aller au fond des choses on y reste. » (Jean Cocteau)

« Les trois états successifs de toute pensée, et de toute connaissance : l’état théologique ou fictif, l’état métaphysique ou abstrait, l’état scientifique ou positif. » (Auguste Comte – fondateur du Positivisme)

« Le maître dit : je vais t’enseigner ce qu’est le savoir véritable ! Le vrai savoir, c’est de reconnaître ce qu’on sait, et savoir qu’on le sait, et ce qu’on ne sait pas, savoir qu’on ne le sait pas. » (Confucius)

« Le savoir véritable consiste à mesurer l’exacte étendue de son ignorance. » (Confucius)

« Mieux que connaître une chose : l’aimer. » (Confucius)

« Entre la connaissance ordinaire de l’honnête homme et l’élaboration scientifique s’agite le demi-savoir irraisonné des intellectuels. » (Marc Crapez)

« La règle du demi-savoir, fondée par Erasme, pose qu’entre la connaissance courante et la compréhension élaborée d’un phénomène ou d’un domaine, s’étend une vaste zone intermédiaire qui peut être propice aux erreurs de jugement … Elle  établit que les connaissances courantes et savantes sont séparées par un entre-deux potentiellement désastreux s’il néglige le sens commun, jugements précipités, désordonnés… » (Marc Crapez)

« Je pénétrai où je ne savais

« Et je demeurais ne sachant,

« Toute science dépassant. » (Saint Jean de la Croix)

« La prolifération des connaissances scientifiques dans le délicat réseau capillaire de nos sociétés agit comme un puissant dissolvant, irriguant toutes les cellules individuelles, les atomisant … Aucune croyance un tant soit peu stable n’y résiste. » (Maurice G. Dantec) – Surtout quand s’y rajoute le brouhaha infernal des informations.

« Informer n’est pas instruire. Si les savoirs se nourrissent d’informations, ils ne leur sont pas réductibles. Savoir que tel événement est arrivé n’est pas savoir pourquoi il est arrivé. L’information est fragmentaire, isolée, disparate, elle vient du dehors … la connaissance est un acte synthétique qui unifie des données empiriques en les ramenant à l’unité, elle vient du dedans. » (Régis Debray)

« Le sujet connaissant est une première personne du singulier, ‘je pense, donc je suis’ … Le sujet croyant est en général une première personne du pluriel (on pense seul, on croit en chœur) … L’acte de connaissance permet de grands progrès, mais l’acte de foi, de grandes actions. » (Régis Debray)

« L’esprit se trouve déchiré entre le désir de savoir et la volonté de ne pas trop savoir … partout la vérité s’avère dangereuse. Seul le silence préserve la vie sociale de la suspicion et de la haine. » (Chantal Delsol) – Avis aux excités de la transparence en matière sociale.

« Le récit de la Genèse justifie à la fois le droit de l’homme au savoir et sa possibilité de connaître … Il autorise aussi l’homme à savoir. Dieu ne se donne pas pour maître. » (Chantal Delsol)

« Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien … Et l’on voit souvent ceux qui n’ont jamais mis leurs soins dans les lettres, juger plus solidement et plus clairement dans les choses qu’ils rencontrent, que ceux qui ont passé tout leur temps aux écoles.  » (Descartes) – « On trouve dans le peuple … relativement plus de distinction dans le goût et plus de tact dans le respect qu’au sein de ce demi-monde de l’esprit qui lit les journaux. » (Nietzsche) –  Sur le demi-savoir.

« Tel est le scandale : non pas que nous ne puissions tout savoir, mais que nous nous trompions dans l’exercice même de la connaissance, alors que les animaux, avec leurs instincts, ont des facultés infaillibles. » (Descartes)

« Entre ‘avoir accès’ au savoir et le ‘comprendre’ puis le ‘digérer’, il y a une différence énorme. Les thuriféraires du numérique laissent à penser qu’on peut apprendre sans efforts et qu’il n’y a rien à mémoriser, puisque tout est sur Google. C’est faux. L’effort est nécessaire pour assimiler le savoir et la mémoire structure le réel. » (Michel Desmurget)

« J’aime le mot ‘croire’. En général, quand on dit ‘je sais’, on ne sait pas, on croit. » (Marcel Duchamp)

« Qui accroit sa science, accroit sa douleur. » (Ecclésiaste)

« Au commencement était le Verbe (le connaître, l’intelligence…) et non pas l’Être. » (Maître Eckhart)

« Où est la sagesse que nous avons perdue dans la connaissance ?

« Où est la connaissance que nous avons perdue dans l’information ? (T. S. Eliot)

« Il y a deux sortes de connaissance, deux sortes de références pour l’homme. Celles qui se rapportent à cette réalité concrète, expérimentale, qui l’entoure, et celles qui proviennent de cet univers parlé, qu’il invente, qu’il institue, qu’il ‘origine’ par la parole, où il puise sens et compréhension, où il dépasse la condition réelle de sa vie pour entrer dans un autre univers. » (Jacques Ellul)

« Il nous importe peu maintenant d’obtenir une connaissance vraie, nous voulons seulement une connaissance exacte. » (Jacques Ellul) – Du qualitatif au quantitatif, tout doit être chiffrable.

« La connaissance est l’exil de l’imagination. » (Raphaël Enthoven)

« Connaître, ce n’est point démontrer ni expliquer. C’est accéder à la vision. Mais pour voir, il convient d’abord de participer. Cela est dur apprentissage. » (Saint-Exupéry)

« On trouve des séries de suggestions, chacune éclairant un aspect différent du problème traité, aucune d’elles ne prétendant au dernier mot. Tout cela était parfaitement intentionnel, Bohr savait que notre pensée est toujours dans un état inachevé … Il savait également que chaque solution, chaque prétendu ‘résultat’ n’est qu’une phase transitoire dans notre quête de connaissance. Elle était créée par cette quête et serait un jour dissoute par elle. » (Paul Feyerabend – sur la connaissance scientifique essentiellement)

« Il est quelque peu déraisonnable de supposer que les phénomènes ne sont pas affectés par nos conceptions sur leur relation avec le monde. » (Paul Feyerabend – sur la connaissance scientifique essentiellement)

« Affirmer qu’il n’y a pas de connaissance en dehors de la science n’est rien d’autre qu’un conte de fées fort commode. » (Paul Feyerabend)

« Le monde ne se dévoile pas à nous dans la connaissance, mais dans nos soucis, dans nos aventures, dans notre frivolité même, elle fait du ‘petit’ la voie d’accès au ‘grand’ et témoigne ainsi d’une merveilleuse prédilection pour l’infime. » (Alain Finkielkraut)

« Il faut, si l’on veut vivre, renoncer à avoir une idée nette de quoi que ce soit. » (Flaubert)

« Plus les télescopes seront perfectionnés et plus il y aura d’étoiles. » (Flaubert)

« Quiconque a beaucoup vu peut avoir beaucoup retenu. » (La Fontaine)  

« La volonté de non-savoir … ‘Désormais, il ne s’agit plus de savoir si tel ou tel théorème est vrai, mais s’il est bien ou malsonnant, agréable à la police ou nuisible au capital (aujourd’hui d’autres censeurs ont surgi).  La recherche désintéressés fait place au pugilat payé’ (Karl Marx) … Les chercheurs en sciences sociales donnent plutôt l’impression … qu’ils restent sciemment muets sur ce qu’ils préfèrent ignorer … L’attitude la plus répandue consistera à faire comme si l’on ne voyait pas ce dont la bienséance ou la prudence commande de ne point dire mot … Certes, aujourd’hui comme hier, tout chercheur qui  se  respecte se fait fort de rendre intelligible des phénomènes sociaux dont la logique ne saute pas aux yeux. Mais ce travail de décryptage (terme en vogue dans la profession) va de pair maintenant avec un travail parallèle d’occultation qui requiert au moins autant d’efforts que le précédent … Ils sont plus que jamais imprégnés de ‘catégories de pensées impensées qui délimitent le pensable et prédéterminent la pensée’ (Pierre Bourdieu) … Que les prises de position actuelles de chercheurs épris jadis de ‘contestation’ aient quelque chose à voir avec la position sociale qu’ils sont parvenus à occuper, c’est là un secret de polichinelle … Toute tentative de contestation de leurs prises de position sera ressentie comme une atteinte insupportable à leur indépendance autoproclamée, un crime de lèse-majesté scientifique, comme si elles jouissaient d’un droit divin d’exterritorialité idéologique. » (Jean-Pierre Garnier) – Pas besoin de censure officielle

« Tandis que l’impératif fonctionnel de connaissance triomphe, le souci de compréhension du monde commun s’étiole et disparaît. Comme si, par un effet inattendu de satiété, le désir s’éteignait au moment où les moyens deviennent massivement disponibles. » (Marcel Gauchet)

« Dans le domaine intellectuel, il reste une offre, produite par des individus isolé, mais il n’y a pas de demande. » (Marcel Gauchet) – On ne peut pas se cultiver un minimum et rester courbé, même en marchant, sur sa tablette. Génération d’abrutis.

« Toute connaissance qui n’est pas précédée d’une sensation m’est inutile. » (André Gide)

« Connais-toi toi-même. Maxime aussi pernicieuse que laide. Quiconque s’observe arrête son développement. La chenille qui chercherait à ‘bien se connaître’ ne deviendrait jamais papillon. … Cette connaissance que l’on prenait de soi limitait l’être, son développement, car tel que l’on s’était trouvé l’on restait, soucieux de ressembler ensuite à soi-même …. L’inconséquence me déplaît moins que certaine conséquence résolue, que certaine volonté de demeurer fidèle à soi-même et que la crainte d es e couper. » (André Gide – Les nouvelles nourritures terrestres)

« Veux-tu connaître le monde ? Ferme les yeux, Rosemonde. » (Jean Giraudoux) – Se refuser à la rumeur des événements, s’isoler, laisser aller, laisser venir, réfléchir, méditer…

« Quand tous les savoirs mobilisent, dire je sais que je ne sais rien (comme Socrate), c’est déserter. » (André Glucksmann) 

« Le savoir contemporain doit devenir soluble dans le ludique et le déconcentré. » (Emmanuel Godo – sur le fêtes ‘culturelles’)

« Qui n’a pas accepté les conditions d’accueil de la parole autre est incapable d’apprendre quoi que ce soit (faire taire son identité, la prétendue singularité qui n’est autre que la conformité aux modèles dominants … sans disponibilité aucun apprentissage n’est possible.) » (Emmanuel Godo)

« Avec le savoir augmente le doute. » (Goethe)

« On n’apprend que de celui qu’on aime. » (Goethe) – Tel d’un vrai maître.

« On n’apprend rien par simple ouï-dire, et qui n’a pas pratiqué certaines choses, ne les connaît que d’une manière superficielle et imparfaitement. » (Goethe)

« Le vieil adage a raison, qui dit que nous n’avons d’yeux et d‘oreilles que pour ce que nous connaissons … Le musicien de métier distingue dans le jeu de l’orchestre chaque instrument et chaque ton particulier, tandis que le profane en reste à l’effet de l’ensemble. » (Goethe)

« La parole a perdu de sa dignité, l’homme de parole de sa fierté. Cette dévalorisation continue de la parole s’est réalisée au profit de sa composante la plus technique, instrumentale et numérique ‘l’information’ … Cette transformation de la nature du savoir qui privilégie la part technique, instrumentale du langage, l’information, aux dépens de sa part fabulatrice, de ses fictions et  mises en récits. … Nous perdons le monde que nous avons en commun auquel nous substituons un monde virtuel … le virtuel a remplacé le rêve … La mathématisation du monde conduisant à laisser aux ‘spécialistes de la résolution des problèmes’ (issus de l’univers de l’économie) le soin de ‘décider’ à la place des politiques, des militaires et des citoyens … Il ne s’agit plus de savoir si un énoncé est vrai ou juste, mais seulement de savoir si son énonciation permet que ‘ça marche’ ou non, plus ou moins … Expurger le narratif selon les normes et les valeurs du savoir technicien (la qualité mesurée au nombre d’auditeurs, au nombre de visiteurs, au nombre de citations, à la tarification des actes…) … Le ‘technofascisme’ pressenti par  Pasolini, qui interdit moins qu’il n’oblige à parler, à penser et à vivre dans un nouveau langage … ‘L’art de conter est en train de se perdre. Il est de plus en plus rare de rencontrer des gens qui sachent raconter une histoire …  C’est comme si nous avions été privée de la faculté …  d’échanger des expériences’ (Walter Benjamin) … C’est la forme artisanale du récit qui se trouve aujourd’hui bannie des dispositifs d’évaluation (désaveu du caractère unique de l’acte professionnel au bénéfice des protocoles standardisés et du caractère reproductible)  … C’est un meurtre social et culturel de l’unique que ces protocoles d’évaluation tendent à accomplir. De l’unicité de l’acte à l’unicité de l’humain il n’y a qu’un pas … ‘Déposséder tout phénomène de sa singularité, de son unicité, en incitant à sa reproduction par standardisation’ (Walter Benjamin). » (Roland Gori – La dignité de penser)

« Savoir, ou écouter ceux qui savent. L’on ne saurait vivre sans entendement. Il en faut avoir, ou par nature, ou par emprunt. » (Baltasar Gracian)

« Connaissance et contemplation, deux termes synonymes ou, tout au moins, qui coïncident, car la connaissance elle-même et l’opération par laquelle on l‘atteint ne pouvant en aucune façon être séparées. » (René Guénon)

« Les autres ne font que croire, affirme chacun, alors que moi je sais. » (Jean-Claude Guillebaud) 

« Notre civilisation sursaturée de connaissances et de moyens de savoir offre tant de masques et de faux appuis que l’homme ne sait plus ce qu’il sait et ce qu’il ignore. » (Jean Guitton)

« On ne voit que ce qu’on a déjà vu. On n‘aime que ce qu’on a déjà aimé. Que de vérité dans le fameux paradoxe du ‘Ménon’ de Platon : ‘Connaître, au fond c’est reconnaître’. » (Jean Guitton)

« Le pire ennemi de la connaissance n’est pas l’ignorance, mais l’illusion de la connaissance. » (Stephen Hawking)

« ‘Tout tient au chemin’, veut dire deux choses. D’une part, d’abord que tout est subordonné au chemin, au fait qu’on le trouve et qu’on y demeure, qu’on supporte d’y être et d’y demeurer et, d’autre part, que tout ce qu’il s’agit d’apercevoir, nous ne le découvrons jamais qu’en chemin, le long du chemin. La chose à apercevoir se trouve en bordure du chemin … Dans sa perspective se rassemble tout ce qui peut être aperçu à partir du chemin. » (Martin Heidegger) – Contre la stagnation spirituelle. Du chemin que nous prenons dépend notre connaissance ou méconnaissance. Le déni, par exemple, est refus définitif d’un des chemins possibles.

« Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » (Martin Heidegger ou Leibniz) – La miraculeuse surpris du il y a.

« Ce n’est pas le savoir scientifique qui est en cause, c’est l’idéologie qui s’y joint aujourd’hui et selon laquelle il est le seul savoir possible, celui qui doit éliminer tous les autres … L’unique croyance qui subsiste dans le monde moderne … la conviction universellement répandue selon laquelle savoir veut dire science. » (Michel Henry)

« Il n’y a pas de plus grand ennemi du savoir que de vouloir à tout prix apprendre. » (Hermann Hesse – Siddartha)

« Si on n’attend rien de lui, si on se contente simplement de l’observer en silence et avec attention, le monde peut nous offrir bien des trésors dont les gens comblés par le succès et par l’existence n’ont pas idée. Savoir observer est un art admirable, un art raffiné, utile et souvent très plaisant. » (Hermann Hesse) 

« Deux attitudes : l’engagement ou la neutralité … Qu’il s’agisse d’objets, de personnes, de compétences et de sentiments propres au sujet, tout devient chose, tout devient objet sitôt que ces éléments sont saisis du point de vue de leur utilité dans les transactions économiques (position de neutralité) … L’accès cognitif au monde objectif (sans défense, dénégation, déni, oubli, soumission à préjugé, stéréotype) n’est possible que grâce à l’identification avec des personnes  importantes de l’entourage (suivant T. Adorno, on ne devient humain qu’en imitant d’autres êtres humains) … Dans le cas du rapport à d’autres personnes, la notion de réification signifie l’oubli de leur reconnaissance préalable ; lorsqu’il s’agit du monde objectif, elle signifie que l’on perd de vue la diversité de ses significations possibles dont les autres hommes l’ont doté … Les propriétés distinctives d’autrui perdent leur signification communicationnelle dés que celui-ci est réduit au statut de partenaire d’un acte d’échange matérialisé par l’argent (théorie de Georg Lukacs) … Sous l’effet de typifications réifiantes … un système de comportement se constitue qui permet que soient traités comme des ‘choses’ les membres de groupes de personnes déterminés auxquels sont déniées les qualités personnelles (à l’extrême, racisme) … A titre individuel, plus un sujet sera exposé aux demandes de mise en scène de soi-même (dispositifs institutionnels contraignant à éprouver, ou seulement à afficher, certains sentiments : entretiens d’embauche, ‘coaching’, rendez-vous organisés ou ‘dating’, toutes opérations de présentation de soi-même suivant des conventions plus ou moins normatives), plus il développera la tendance à éprouver tous ses désirs et tous ses buts selon le modèle des choses manipulables à merci (plus il sera transformé en zombie soumis). » (Axel Honneth – suite de considérations sur la réification, concept de Georg Lukacs, soit la « colonisation du monde vécu par la généralisation unidimensionnelle de l’échange marchand à toute interaction sociale, en sorte que les sujets perçoivent partenaires et biens comme des objets. ») – Nous sommes en plein dedans ; la réification, postulat de toute opération publicitaire.

« Dans connaître, il y a naître. » (Victor Hugo)

« Qui ne pleure pas ne voit pas. » (Victor Hugo)

« Comprendre, c’est déjouer ; la connaissance dépassionne nos sentiments, nos haines et nos enthousiasmes en nous révélant le peu qu’ils sont au fond. » (Vladimir Jankélévitch)

 « La connaissance est devenue désagrégeante. » (Claude Jannoud) – Par excès.

« Le sapiens en sait trop long, il a cessé d’être disait Nietzsche ‘attaché court au piquet de l’instant’, comme la vache dans un pré qui a l’éternité devant elle, car elle ne sait rien du temps. » (Lucien Jerphagnon)

« C’est du trop plein que nous avons l’esprit malade, c’est du trop plein des connaissances inutiles. » (Joseph Joubert)

« Ce n’est pas le soleil qui est dans le ciel que nous voyons, mais celui qui est au fond de notre rétine. » (Joseph Joubert)

Une question difficile ? « Adressez-vous aux jeunes hommes, ils savent tout. » (Joseph Joubert)

« Voir de trop haut, c’est très souvent voir de trop loin. » (Joseph Joubert)

« Vous voulez tout expliquer par les faits qui vous sont connus. Mais les faits que vous ignorez ? Que diraient-ils ? » (Joseph Joubert)

« Le ‘connaître’ chinois n’est pas tant de ‘se faire une idée de ‘, que de ‘se rendre disponible à’ ; et cette disponibilité est aussi nécessaire au ‘connaître’ de la sagesse que l’est, chez Descartes. Sur un plan purement intellectuel, l’élimination des préjugés. De part et d’autre il y a évacuation, mais elle n‘est pas du même ordre : d’un côté, elle s’opère par le doute, de l’autre par le délaissement. » (François Jullien)

« Il y a une différence entre connaître le chemin, et arpenter le chemin. » (Franz Kafka)

« J’ai été obligé de supprimer, d’abolir le ‘connaître’ afin de procurer la place au ‘croire’. » (Emmanuel Kant)

« Sans aucun doute, toute notre connaissance commence par l’expérience. » (Emmanuel Kant – début de la Critique de la raison pure

« On peut réellement, avec une intention pure, souhaiter à l’humanité que cet excès de savoir lui soit à nouveau retiré, pour qu’on apprenne de nouveau à savoir ce que c’est que de vivre comme un homme. » (Kierkegaard ?) 

« Nous pouvons ajouter à nos connaissances mais nous ne pouvons guère en retrancher. » (Arthur Koestler)

« Ecolier, j’étais surpris chaque année en me rappelant quel imbécile j’étais l’année précédente. Chaque année m’apportait sa révélation, et chaque fois je pensais avec honte et avec rage aux opinions que j’avais étalées et défendues avant ma dernière initiation. Aujourd’hui, je suis encore incapable de comprendre comment je pouvais, l’année précédente, supporter ma profonde ignorance : mais à présent les nouvelles révélations, au lieu de détruire tout ce qui précédait, semble se fondre en un dessin suffisamment souple pour absorber le nouveau matériau et conserver cependant la structure fondamentale. » (Arthur Koestler)

« L’illusion qu’on sait alors qu’on ne sait pas qui s’apparente à ce que Platon appelait la ‘double ignorance’. » (Thomas de Koninck)

« On ne peut pas inviter le vent, mais on doit laisser la fenêtre ouverte. » (Krishnamurti)

« Que pouvez-vous connaître ? Vous ne pouvez connaître que ce qui est passé, que ce qui est statique, que ce qui est mort. Vous ne pouvez connaître la Vérité qui est continuellement créatrice, vivante. » (Krishnamurti)

« A l’encontre du sens commun (et des théories égalitaires, progressistes, socialistes, éducatives…), à l’âge adulte les différences d’aptitudes cognitives imputables au milieu social sont très faible en regard des héritages génétiques. » (Hugues Lagrange) – Si c’est exact, c’est plutôt triste.

« Si je ne sais pas ce que je ne sais pas, je crois que je sais. Si je ne sais pas que je sais, je crois que je ne sais pas. » (Ronald Laing)

« Être est toujours plus que connaître. Car la connaissance est un spectacle que nous nous donnons. » (Louis Lavelle)

« Dans notre monde, c’est le savoir qui fait fonction de boussole, et ce qui est ainsi promu, c’est une modalité nouvelle de lien social qui substitue au rapport maître-sujet, un rapport savoir (acéphale)-sujet … Les effets du marquage du social par la religion se constatait dans l’organisation monocentrique et verticale de la société. En contrepoint, le lien social, induit par le développement de la science, promotionnera une organisation pluricentrique et horizontale du lien social … Tout se passe comme si notre social reconnaissait aux énoncés de la science la qualité de tiers, mais ce sont des énoncés d’où la dimension de l’énonciation a disparu  … La prétention totalisante de la science qui, sans pour autant être d’office totalitaire, porte néanmoins en elle la menace du totalitarisme … Par totalitarisme pragmatique, il s’agit d’entendre l’autonomie prise par un système organisé autour d’une logique qui prétend rendre compte rationnellement de tout, à tel point qu’il en viendrait –sans le vouloir de manière délibérée mais sans non plus vouloir le savoir – à ne plus laisser sa place au sujet.» (Jean-Pierre Lebrun – sur le rôle de la science et la société sans Père) – Pour expliquer ce qui peut apparaître comme contradictoire, je ne peux que renvoyer au livre de l’auteur, Un monde sans limite.  

« Ils possèdent des connaissances mais ils ne les fécondent pas. » (Stanislas Jerzy Lec)

« Un chercheur universitaire est un individu qui en sait toujours plus sur un sujet toujours moindre, en sorte qu’il finit par savoir tout de rien. » (Simon Leys)

 « Il serait erroné de croire que seul ce que nous pouvons comprendre rationnellement ou prouver scientifiquement constitue le capital essentiel du savoir humain … Celui qui dénie toute valeur à la sagesse et toute signification à la tradition, tombe forcément dans l’erreur inverse aussi grave, de croire que la science est capable de faire surgir du néant, par des voies rationnelles, une civilisation complète avec tout ce qu’elle comporte. » (Konrad Lorenz)

« On ne peut approcher de l’objectivité que par une observation simultanée de l’appareil perceptif humain et de ce qu’il reflète. Le processus de connaissance et l’objet de la connaissance ne sont légitimement pas dissociables. » (Konrad Lorenz) – Tout le monde sait, ou plutôt savait, ce que valent les témoignages, notamment ceux des imbéciles, des « engagés », des intéressés, des commères, des enfants…

« La conscience que toute notre connaissance repose sur une interaction, sur une confrontation entre un appareil perceptif réel qui est en nous et un univers tout aussi réel à l’extérieur de nous, nous rend à la fois plus modestes et plus sûrs de nous … Il serait erroné de déclarer absolues et définitives les limites actuelles entre ce qui peut et ce qui ne peut pas être connu. » (Konrad Lorenz)

« Tout impressionnisme est dans son essence une forme de transition ; et à ce titre rejette la clôture, le modelage … L’impressionnisme ressent et évalue les grandes formes rigides, promises à l’éternité, comme des violences faites à la vie, à sa richesse et sa polychromie, à sa plénitude et sa polyphonie … Par là l’essence de la forme devient problématique … En cessant de se clore, souveraine et achevée en soi, la forme cesse d’être forme. Une forme servante, ouverte à la vie, cela ne saurait être … Tout grand mouvement impressionniste n’est autre que la protestation de la vie contre les formes trop figées en elles-mêmes, et par ce figement trop débiles pour assimiler la profusion de la vie en la façonnant … Phénomènes de transition préparant un nouveau classicisme. » (Georg Lukàcs –  sur la position et la philosophie de Georg Simmel) – Pertinent en philosophie, comme en art, peinture, littérature, sociologie (discipline dont Simmel est un fondateur)

« Le message qui nous arrive par l’oreille est chaud et plus chargé d’émotion que celui qui vient de la vue … Le média sonore susciterait une affectivité directe à laquelle ne peuvent prétendre ni l’image ni  le texte. » (d’après Marshall Mac Luhan)

« Il est raisonnable de penser que la multiplication des machines informationnelles affecte et affectera la circulation des connaissances autant que l’a fait le développement des moyens de circulation des hommes d’abord (transports), des sons et des images ensuite (média) … On peut s’attendre alors à une forte mise en extériorité du savoir par rapport au ‘sachant’ … Le ‘savoir’ sera produit pour être vendu, et il sera valorisé pour être consommé … Il cesse d’être à lui-même sa propre fin, il perd sa ‘valeur d’usage’. « (Jean-François Lyotard) – Ecrit avant l’apparition d’Internet.

« Il est probable que ces grands récits (vie de l’esprit, possédant valeur d’universalité…) ne constituent déjà plus le ressort principal de l’intérêt pour le savoir. Si ce ressort est la puissance…. La question, explicite ou non, posée par l’étudiant professionnaliste, par l’Etat ou par l’institution d’enseignement supérieur n’est plus : est-ce vrai ?, mais : à quoi ça sert ? Dans le contexte de mercantilisation du savoir, cette dernière question signifie le plus souvent : est-ce vendable ? Et, dans le contexte d’augmentation de la puissance : est-ce efficace ? » (Jean-François Lyotard)

« Qu’est-ce qui permet aujourd’hui de dire qu’une loi est juste, un énoncé vrai ? Il y a eu les grands récits, l’émancipation du citoyen, la réalisation de l’esprit, la société sans classes… L’âge moderne y recourait pour légitimer ou critiquer ses savoirs et ses actes. L’homme postmoderne n’y croit plus. Les décideurs lui offrent pour perspective l’accroissement de la puissance et la pacification par la transparence communicationnelle. Mais il sait que le savoir quand il devient marchandise informationnelle est une source de profits et un moyen de décider et de contrôler. Où réside la légitimité après les récits ? Dans la meilleure opérativité du système ? C’est un critère technologique, il ne permet pas de juger du vrai et du juste. Dans le consensus ? Mais l’invention se fait dans le dissentiment. » (Jean-François Lyotard)

« La pensée de la place publique. » (Machiavel – qualifiant la connaissance populaire distincte, sinon souvent opposée, aujourd’hui quasi clandestine, du savoir institutionnel des tenants du pouvoir) – Distinguer de l’opinion publique trop souvent façonnée, surtout de nos jours, par les média serviles.

« La phénoménologie : accorder le fait de dire et celui de voir. Prendre au sérieux les phénomènes en tant que tels. Sans les rapporter à une causalité extrinsèque, que celle-ci soit économique, culturelle, religieuse ou politique … ‘Quand nous nous représentons quelque chose nous n’observons pas’ (Wittgenstein), ‘Ce que je pense gêne ce que je vois’ (Paul Valéry) … Modestie du regard par rapport à la paranoïa du cognitif … Non plus la prétentieuse et dogmatique adéquation des choses aux présupposés intellectuels, fondement de la brutalité progressiste et du saccage de la nature … mais accommoder la pensée à la chose même. » (Michel Maffesoli) – Mais alors plus de désinformation, plus d’intoxication, plus de propagande ! Où allons-nous ?

« J’ose dire que ce que nous devons ignorer est plus important que ce que nous devons savoir. » (Joseph de Maistre)

« Connaître consiste essentiellement à devenir l’autre en tant qu’autre. » (Jacques Maritain) – Et ainsi on se perd complètement.

« Il m’en voulait de savoir ce qu’il ignorait avec délices et de prétendre l’en instruire, par-dessus le marché ! Il m’opposait une libre volonté de ne pas voir, une liberté de ne rien savoir. » (Charles Maurras) – Attitude suffisante, très répandue en petite-bourgeoisie, de ceux qui préfèrent garder la tête sous la couverture en matière sociale, politique… L’autruche

« Le beaucoup savoir apporte l’occasion de plus douter. » (Montaigne)

« Nous ne sommes savants que de la science présente. » (Montaigne)

« Rien ne vient à nous que falsifié et altéré par nos sens. » (Montaigne)

« J’ai peur que nous ayons les yeux plus grands que le ventre, et plus de curiosité que nous n’avons de capacité : nous embrassons tout, mais n’étreignons que du vent. » (Montaigne)

« La connaissance progresse en intégrant en elle l’incertitude, non en l’exorcisant. »(Edgar Morin)

« La cohérence pure, c’est du délire, du délire abstrait. » (Edgar Morin)

« Ce qui sépare et ce qui relie sont nés ensemble à l’origine de notre univers. » (Edgar Morin)

« Les historiens de la Révolution française avaient chacun projeté l’expérience de leur présent sur le passé de l’événement. Pour comprendre l’histoire, tout historien devrait s’auto-historiser … L’observateur/concepteur doit s’inclure dans l’observation et la conception. La connaissance nécessite l’auto-connaissance, connaissance de la complexité humaine, mais également connaissance individuelle de sa complexité personnelle. » (Edgar Morin)

« Prends congé au moins pour quelque temps de ce que tu veux connaître et mesurer. Tu vois les hautes tours s’élever au-dessus des maisons seulement quand tu as quitté la ville. » (Nietzsche)

« Si vous ne pouvez être les saints de la connaissance, soyez-en au moins les guerriers. » (Nietzsche)

« Aller profond, aller au fond des choses est déjà une violence, une volonté de faire souffrir, une volonté qui, sans cesse, veut remonter au-delà des apparences, des surfaces.  Il y a déjà dans toute volonté de connaître une goutte de cruauté. » (Nietzsche)

« Elle s’est transformée chez nous en passion qui ne s’effraye d’aucun sacrifice et n’a, au fond, qu’une seule crainte, celle de s’éteindre elle-même … Nous préférons tous voir l’humanité périr plutôt que de voir la connaissance revenir sur ses pas. » (Nietzsche – sur la connaissance –  cité par Claude Arnaud – sur le délire du transformisme de l’humain)

« La question essentielle n’est pas ‘que sais-je, ?’ mais ‘que vais-je faire de ce que je sais ?’ » (d’après Nietzsche)

“Nous ne pouvons rien savoir par nous-mêmes, tout savoir authentique doit nous être donné. » (Novalis)

« Il n’y a de connaissance qu’à travers le langage. Ce qui n’est pas distingué et ce qui n’est pas nommé ne peut pas être connu. » (Jean d’Ormesson)

« Chaque homme profite des découvertes de ceux qui sont venus avant lui. Chacun se hisse sur les épaules de ses prédécesseurs. » (Jean d’Ormesson – reprenant l’aphorisme de Newtion) – « Nous sommes des nains juchés sur les épaules de géants. » (Bernard de Chartres) – « De nos jours, un esprit moderne (disons un Jacques Attali ou un Claude Allègre) aurait plutôt tendance à considérer que nous sommes des ‘géants juchés sur des épaules de nains’. » (Jean-Claude Michéa)

« Des opérations à petite échelle … sont toujours, semble-t-il, moins nuisibles à l’environnement naturel que des opérations à grande échelle, pour la simple raison que leur force individuelle est faible par rapport aux forces de récupération de la nature. Il y a quelque sagesse dans la petitesse (contrairement au gigantisme)  ne serait-ce qu’eu égard et à l’éparpillement du savoir humain qui repose sur l’expérience bien plus que sur la compréhension … Le  pire des dangers vient invariablement de l’application brutale, sur une grande échelle, d’un savoir partiel, comme nous en sommes les témoins avec la chimie nouvelle en agriculture, la technologie des transports, etc. » (Thierry Paquot – Aux origines de la catastrophe)

« Le plus souvent on ne veut savoir que pour en parler. » (Blaise Pascal)

« Voilà notre état véritable ; c’est ce qui nous rend incapables de savoir certainement et d’ignorer absolument. Nous voguons sur un milieu vaste, toujours incertains et flottants, poussés d’un bout vers l’autre. » (Blaise Pascal) – Image paradoxale de maîtrise de soi, de connaissance désirée et partiellement réalisée, mais aussi de sa totale et définitive insuffisance, jointe à la réalité de limites infranchissables.

« Puisqu’on ne peut être universel en sachant tout ce qui se peut savoir sur tout, il faut savoir peu de tout. Car il est bien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose ; cette universalité est la plus belle. » (Blaise Pascal)

« La source de toutes les hérésies est de ne pas concevoir l’accord de deux vérités opposée, et de croire qu’elles sont incompatibles. » (Blaise Pascal) –  « Dans la logique formelle, une contradiction est l’indice d’une défaite, mais dans l’évolution du savoir, elle marque le premier pas du progrès vers la victoire. » (Whitehead) – « L’émergence d’inévitables contradictions, antinomies et paradoxes dans la logique n’est pas le symptôme d’un échec subjectif, mais une indication positive que notre raisonnement logique est entré dans une nouvelle dimension théorique avec de nouvelles lois. » (Gottard Gunther) – « Le progrès de la connaissance fait progresser le mystère. »( Edgar Morin)

« Le grand tournant de la vie de l’Europe occidentale semble se placer au XVI° siècle. C’est à dater de cette époque, qu’avec Francis Bacon, un autre thème, idée nouvelle du savoir et de la connaissance, à l’opposé du souci de l’âme, se porte au premier plan, accapare et transforme un domaine après l’autre : économie, politique, foi et savoir, imposant partout un style nouveau. Le souci ‘d’avoir’, l’emporte sur le souci de l’âme, le souci ‘d’être’ … le savoir devient pouvoir, seul le savoir efficace est un savoir réel. Ce qui ne valait jusque-là que pour la praxis et la production est appliqué au savoir en général. Le savoir est censé nous rendre le paradis, ramener l’homme dans un éden de découvertes et de possibilités … rendre le monde, selon le mot de Descartes, maître et possesseur de la nature … le primat de ‘l’avoir’ sur ‘l’être’ exclut l’unité et l’universalité … Fin du trait d’union pour l’Europe occidentale, plus d’idée universelle capable de s’incarner dans une institution et une autorité  unificatrices, concrètes et efficaces … Priorité au résultat sur le contenu, à la domination sur la compréhension. » (Jan Patocka)

« Les leçons ne se donnent pas, elles se prennent. » (Cesare Pavese)

« Le biais de disponibilité. Nous évaluons la probabilité ou la fréquence d‘un événement à l’aune de la facilité avec laquelle des occurrences nous viennent à l’esprit. (Ex : il y  a trois fois plus de mots anglais qui comportent la lettre ‘k’ en troisième position, mais à la question de fréquence tout le monde répondra que les mots anglais qui commencent par cette lettre sont les plus nombreux, car nous accédons aux mots à partir de leur son initial et ceux-ci sont plus susceptibles de se présenter à nous quand nous sollicitons notre mémoire) … Des événements fréquents laissent des traces plus profondes dans notre mémoire. Mais à chaque fois que le souvenir d’un événement apparaît en bonne position dans la liste de résultats fournie par le moteur de recherche mental pour des raisons autres que la fréquence – parce qu’il est récent, vivace, sanglant, spécifique ou douloureux – les gens surestiment la probabilité qu’une telle chose se produise dans le monde … Les accidents de voiture tuent plus, mais beaucoup de gens ont peur de prendre l’avion, et presque personne n’a peur de conduire … Le ‘biais de disponibilité’, attisé par la tendance qu’ont les médias à privilégier le principe ‘plus ça saigne, plus c’est porteur’, peut alimenter le sentiment que l’état du monde est désolant. » (Steven Pinker)

 « La connaissance est la fille de l’étonnement. » (Platon) – L’étonnement que les choses soient et qu’elles soient ce qu’elles sont alors qu’elles pourraient n’être pas ou être autres. « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » (Martin Heidegger ou Leibniz)

« La connaissance des mots conduit à la connaissance des choses. » (Platon)

« Notre connaissance ne peut être que finie, tandis que notre ignorance est nécessairement infinie. » (Karl Popper)

« Les progrès du savoir sont essentiellement la transformation d’un savoir antérieur. » (Karl Popper)

« Nous ne connaissons vraiment que ce qui est nouveau, ce qui introduit brusquement dans notre sensibilité un changement de ton qui nous frappe, ce à quoi l’habitude n’a pas encore substitué ses fac-similés. » (Marcel Proust)

« C’est un des pouvoirs de la jalousie de nous découvrir combien la réalité des faits extérieurs et les sentiments de l’âme sont quelque chose d’inconnu qui prête à mille suppositions. Nous croyons savoir exactement les choses et ce que pensent les gens, pour la simple raison que nous ne nous en soucions pas. Mais dès que nous avons le désir de savoir, comme a le jaloux, alors c’est un vertigineux  kaléidoscope où nous ne distinguons plus rien. »  » (Marcel Proust – cité par Alain de Botton)

« La connaissance conduit à l’unité comme l’ignorance à la division. » (Ramakrishna)

« La connaissance humaine appliquée à un objet complexe se compose de trois actes : – Vue générale et confuse du tout (syncrétisme) – Vue distincte et analytique des parties (analyse) – Recomposition synthétique du tout avec la connaissance que l’on a des parties (synthèse). » (Ernest Renan – L’avenir de la science)

« Freud affirme que le désir de savoir chez l’enfant …s’alimente à deux sources. Premièrement une curiosité originaire, un ‘plaisir de voir’ … un fond voyeuriste … Deuxièmement, le désir de savoir est l’expression transposée au niveau intellectuel, ‘sublimée’, d’une pulsion d’emprise (l’équation de Bacon du savoir=pouvoir). » (Olivier Rey) – Chez l’enfant seulement ?

« Nulle connaissance n’est possible qui ne soit d’abord une ‘reconnaissance’ ; un savoir doit toujours précéder l’apprendre. » (Olivier Rey – sur les Grecs et les mathématiques enfouies au fond de l’âme selon Platon)

« La peur de l’inexplicable n’a pas seulement appauvri l’existence de l’individu, mais encore les rapports d’homme à homme, elle les a soustraits au fleuve des possibilités infinies, pour les abriter en quelque lieu sûr de la rive. » (Rainer Maria Rilke)

« Il ne faut pas chercher à expliquer par des idées ce qu’on ne peut connaître que par des sensations. » (Rivarol)

« Connaître c’est pénétrer l’apparence pour atteindre la réalité qui est au-delà. » (Richard Rorty)

« Les traditions grecques et hébraïques proposent, à propos de l’origine de l’homme et de la condition humaine, une interprétation assez voisine : c’est la possession du même ‘savoir’ qui, destiné à assurer la survie de l’homme dans la tradition grecque, décide en définitive de sa perte dans la tradition hébraïque … Sur le fait que le don du savoir conduit l’homme à la perdition, les deux traditions convergent  … L’homme se définit par son accession au savoir, obtenue par l’intermédiaire de Prométhée dans la tradition grecque ou par la transgression d’un interdit (Adam et le fruit l’arbre de la connaissance) dans la tradition hébraïque … Le savoir, qu’il faille s’en féliciter ou le déplorer, apparaît comme le fait significatif de la condition humaine … La nature de ce savoir est telle qu’elle tue l’homme en même temps qu’elle tente de l’arracher à un trépas certain … Elle dote l’homme d’une connaissance qui surpasse par sa cruauté ses facultés intellectuelles et psychologiques … Cruauté qui consiste en la connaissance du caractère insignifiant, futile et périssable de toute chose (‘Tu es fait de glaise et retourneras à la glaise’) … L’homme ,animal raté, d’abord perdu par son manque de ressources, sauvé ensuite par son accès à la connaissance, perdu enfin par cette connaissance même … Pour survivre, ou tout simplement pour vivre,, ‘l’homo sapiens’ doit se doubler d’un ‘homo non sapiens’, ‘sapiens’ quand il s’agit de sauvegarder sa vie matérielle, ‘non sapiens’ quand il s’agit de préserver sa santé mentale … L’acceptation du réel suppose soit la pure inconscience, soit une conscience qui serait capable à la fois de connaître le pire et de n’en est être pas mortellement affectée  … de supporter une vérité que l’homme est capable d’entendre mais qu’il est incapable d’accepter » (Clément Rosset)

« Devant tant de gens qui savent, j’ai de plus en plus envie de ne pas savoir. » (Jean Rostand)

« Ce que les hommes veulent en fait, ce n’est pas la connaissance, c’est la certitude. » (Bertrand Russell)

« Faire croire aux autres que l’on sait est la clé de toute conquête du pouvoir par une classe ou un clan… » (Raymond Ruyer)

« Celui qui ne sait pas et qui ne sait pas qu’il ne sait pas … fuis-le. Celui qui ne sait pas et qui sait qu’il ne sait pas … éduque-le. Celui qui sait et qui ne sait pas qu’il sait … éveille-le. Celui qui sait et qui sait qu’il sait … suis-le. » (sagesse chinoise – citée par Marc Crapez)

« Le cadre cognitif ; ensemble des croyances, des représentations et des connaissances qu’un individu mobilise pour toute opération de pensée, de raisonnement et d’action ; il est  spécifique à chaque individu en ce qu’il se construit au gré des acceptations et rejets de propositions, croyances, connaissances, normes et valeurs auxquelles il est soumis lors de son parcours biographique, et ce, dans un contexte donné. » (Romy Sauvayre – Croire à l’incroyable) – Un exemple graphique de la difficulté d’élargir son propre cadre cognitif est figuré par l’énigme dite des NEUF POINTS (chercher à cette expression dans internet), où la solution implique la sortie de notre vision-raisonnement usuel, instinctif, acquis… 

« ‘Ce que Jeannot n’apprend pas, jean ne l’apprendra jamais.’ Certaines formes de connaissance, pour certaines catégories d’objets, semblent … être liées à des phases d’évolution déterminées (individuelles ou sociales) … La femme possède, elle aussi, un pouvoir de connaissance qui, reposant sur son instinct maternel et le pouvoir de fusion affective spécifique qu’il comporte, n’existe chez l’homme qu’à l’état tout à fait rudimentaire. » (Max Scheler)

« Devant l’impossibilité de tout savoir, certains ont choisi de ne rien savoir. » (Louis Scutenaire)

« Oui, on sait tout. En information, pas en connaissance. » (Michel Serres) – Ne pas confondre.

« On souligne les progrès toujours plus vastes et illimités de notre savoir …Mais il se pourrait que l’on en arrive à l’idée que la quantité de vérités qui viennent d’être adoptées est très exactement neutralisée par la quantité d’erreurs dont on s’est débarrassé. » (Georg Simmel) – Vrai pour la société, peut-être, plus sûrement encore pour l’homme au long de sa vie.

« Des événements singuliers disséminés nous déduisons l’état de l’époque, mais celui-ci, à son tour, donne aux premiers leur intelligibilité et leur complétude historique. C’est là un des cercles caractéristiques de notre fonctionnement cognitif en général, qui veut par exemple que nous déduisions le caractère d’un homme de ses actions tout en comprenant celles-ci à partir de celui-là ; que d’expériences particulières, nous tirions une loi abstraite qui à son tour fonde à nos yeux les singularités empiriques ; des traits physiques d’un individu, sa nature psychique, à partir de laquelle nous interprétons ensuite le caractère de son apparence… » (Georg Simmel)

« Le livre n’est plus l’unique, ni même le principal emblème du savoir et de la connaissance. » (Raffaele Simone)

« Quant au développement de la connaissance, l’école perd du terrain chaque jour état donné son incapacité intrinsèque à répondre à la provocation spectaculaire de la médiasphère. » (Raffaele Simone) 

« La lenteur cotre la rapidité, ce qui est compliqué cotre ce qui est simplifié, ce qui est organisé contre ce qui est élémentaire, ce qui est ennuyeux contre ce qui est amusant, ce qui est profond contre ce qui est brillant. La lenteur et la peine qui ont été associées pendant des millénaires  à l’apprentissage complexe, sont remplacées par la rapidité et le ‘fun’. » (Raffaele Simone) – En vertu (si on peut dire) de quoi, on n’obtient que des sauvages aussi incultes que prétentieux.

« La famille et le groupe des pairs fournissaient la connaissance ‘évaluative’ (opinions, jugements et préjugés, attitudes émotionnelles, éducation sentimentale et en partie politique, langage), et l’école s’occupait de la connaissance ‘rationnelle’ et scientifique … Le monde extérieur a commencé à produire des masses de connaissance autonomes : culture jeune, formes de consommation, mythe du voyage, phénomènes collectifs, ‘carnaval permanent’ du temps libre, découverte du corps, ésotérisme, refus des formes et des étiquettes, recherche d’expériences extrêmes … On apprend dehors et non plus ‘entre les murs’» (Raffaele Simone) – Maintenant, c’est la rue, la médiasphère, les réseaux dits sociaux, n’importe qui fournissant  n’importe quoi ,n’importe comment.

« Il ne s’agit pas d’acquérir, il s’agit de creuser. » (Marc de Smedt)

« Là où est la conscience, le bonheur s’enfuit. » (Sophocle) – Le bonheur supposerait certaines ignorances. La chute du Paradis semble le dire.

« Il faut être en dehors pour voir le dedans. » (Georges Sorel – traitant de la connaissance historique soit : « le mouvement historique n’est intelligible que pour les hommes qui sont placés loin des agitations superficielles : les chroniqueurs et les acteurs du drame ne voient point ce qui sera regardé plus tard comme fondamental. » – Peut être étendu à beaucoup de domaines de connaissance.

« Ce ne sont pas seulement les particularismes culturels qui se sont perdus devenant soit les objets de la patrimonialisation muséale et de la curiosité touristique … soit les symboles des luttes dites identitaires : ce sont aussi les savoir-vivre les plus élémentaires et les savoir-faire incorporés par les métiers qui se sont dissous … La régression des savoir-vivre et des savoir-faire locaux n’a jamais conduit à la progression des savoirs universels : c’est tout à fait le contraire qui s’est produit. » (Bernard Stiegler)

« Trois sortes de savoir : le savoir proprement dit, le savoir-vivre, le savoir-faire. Les deux derniers peuvent très bien dispenser du premier. »(Talleyrand)

« Celui qui sait ne parle pas. Et celui qui parle ne sait pas. » (Tao) – Evident quand on regarde la télévision.

« Nous commençons à connaître lorsque nous acceptons de séparer notre propre chemin du cours des choses. Autrement, lié aux choses sans écart avec elles d’où fonder un sens proprement humain, l’esprit ne vaut pas mieux qu’elles, il est aussi inerte que cette réalité à laquelle il veut accéder, de laquelle il veut se contenter, consentant jusqu’à l’impuissance. » (Frédéric Tellier)

« Il n’y a pas de hiérarchie des moyens de perception, ils s’enroulent les uns dans les autres, ‘moyens concentriques’. » (Frédéric Tellier – citant Merleau-Ponty)

« Qu’avons-nous appris depuis (Platon et Aristote) ? A mieux ‘épeler’ la création (primat presque absolu de l’analyse dans la pensée moderne), mais, à force de nous hypnotiser sur chaque lettre, nous avons perdu le sens du discours. A la contemplation des signes, qui mène au-delà des signes, nous avons substitué le déchiffrage laborieux – et insignifiant – des ombres de la Caverne. » (Gustave Thibon)

 « A force de tout savoir ‘sur’, on ne sait plus rien ‘de’. A force de tout explorer, on a éliminé le mystère d’en haut ; après quoi on a supprimé, en l’éclairant, le mystère d’en bas. Le ciel fermé et l’égout grand ouvert. » (Gustave Thibon) – Remerciements aux déconstructeurs – « La mise en lumière de l’impureté a eu des conséquences effroyables auprès des masses. Les modèles se sont effondrés. Si le poète est un névrosé, le héros un pervers, l’homme d’Etat un manipulateur, que reste-t-il ?… La transparence a vidé l’individu de toute consistance. » (Raphaël Debailiac)

« Tout comme l’ennui forçait les enfants à la lecture, le désordre de la vie estudiantine traditionnelle contribuait à l’épanouissement intellectuel de nos élites. Le temps de cet épanouissement a été supprimé. Accumulations de vidéos (entre 6 et 10 ans)  et de  concours (entre 18 et 25) convergent pour créer en France un problème majeur de déficience cognitive … La corrélation entre les deux variables : l’éducation et l’intelligence est en cours de dissociation, déconnexion entre niveau de diplôme et intelligence réelle. » (Emmanuel Todd)

« La condition du savoir réussi est donc la non-appartenance à la société décrite ; autrement dit, on ne peut pas à la fois vivre dans une société et la connaître … On est aveugle sur soi, on ne peut connaître que les autres … ‘L’œil ne peut pas se voir lui-même’. » (Tzvetan Todorov  – citant La Rochefoucauld)

« Quand on est jeune, on voit autour de soi des hommes qui font semblant de savoir. Alors on se met à faire semblant de savoir. » (Tolstoï)

« Qui connaît quelque chose le possède ; la connaissance unit le connaisseur au connu. » (Miguel de Unamuno)

« Tant d’horreurs n’auraient pas été possibles sans tant de vertus. Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant d’hommes, dissiper tant de biens, anéantir tant de villes en si peu de temps ; mais il a fallu non moins de qualités morales. Savoir et Devoir, vous êtes donc suspects ? » (Paul Valéry – Sur le vingtième siècle – La crise de l’esprit)

« Ni l’ignorance n’est défaut d’esprit, ni le savoir n’est preuve de génie. » (Vauvenargues)

« Ils sont dans d’épaisses ténèbres ceux qui s’abandonnent à l’ignorance ; dans des plus épaisses encore ceux qui se complaisent dans le savoir. » (texte védique)

« La profondeur qui consiste à ne pas chercher à savoir, mais à vivre avant de savoir … C’est la vie vécue de l’intérieur qui fait jaillir du sens et non un sens donné en soi de l’extérieur qui crée sa direction propre … La peur, la bassesse veulent toujours savoir avant d’aimer … Osons vivre, osons vouloir, et tout aura du sens … A-t-on la connaissance d’une chose parce qu’on en a l’idée ? Ne connaît-on pas une chose quand, justement, on n’en a pas simplement l’idée mais l’expérience ? … L’idée d’un grand vin de Bordeaux remplacera-t-elle le fait de l’avoir goûté ? » (Bertrand Vergely – interprétant Ernst Cassirer)

« Les éléments de tout le savoir divin et humain peuvent se réduire à trois, connaître, vouloir, pouvoir. » (Giambattista Vico)

« Je connais tout, fors moi-même. » (François Villon)

« Nous ne pouvons contrôler nos perceptions qu’au moyen d’autres perceptions, mais jamais en les comparant avec l’objet tel qu’il serait avant qu’on le perçoive … L’argument des sceptiques … Les concepts d’équivalence et d’identité ne sont pas donnés  a priori (innés) mais doivent être construits. » (Paul Watzlawick)

« Une théorie scientifique doit pouvoir d’adresser ‘aux Chinois’. » (Max Weber) – Viser à être comprise et acceptée par tous. On peut étendre, avec de grandes précautions, à certaines questions dites morales. Ainsi où que ce soit on préfèrera Antigone à Créon.

« Il goûtait cette froide connaissance des êtres qu’on a lorsqu’on ne les désire plus. » (Marguerite Yourcenar)

« Les gens ne sont plus psychologiquement en mesure de faire face au rythme ébouriffant du progrès technologique et aux changements sociaux qui l’accompagnent ; les choses évoluent trop vite. Avant même que nous ayons pu nous accoutumer à une invention, elle se voit déjà supplantée par une nouvelle, de sorte que la ‘fonction cognitive’ la plus élémentaire s’avère de plus en plus manquante. » (Slavoj Zizek)

« Rien ne peut être représentation de la réalité dans la tête qui n’ait été d’abord perception charnelle. » (axiome latin – cité par Ivan Illich) – Primat de la perception sensorielle sur la conception intellectuelle.

« Celui qui pénètre tout d’un regard clair, peut bien se passer de connaissances. » (précepte chinois – citée par  Hermann von Keyserling) 

« Au vol on connaît l’oiseau. » (proverbe)

« D’abord voir, après savoir. » (proverbe)

« On ne peut pas savoir qu’une noix est saine avant d’en avoir brisé la coquille. » (proverbe)

« Celui qui sait qu’il ne sait pas sait beaucoup. » (proverbe)

« Veux-tu connaître la finesse de l’or ? Frotte-le sur la pierre de touche – Veux-tu connaître la force d’un bœuf ? Charge-le – Veux-tu connaître un homme ? Ecoute-le – La pensée d’une femme ? Point de moyen. » (proverbe)

« Le meilleur moyen de cacher aux autres les limites de son savoir est de ne jamais les dépasser. » (?)

« Croire que l’on sait tout est une erreur profonde, c’est prendre l’horizon pour la borne du monde. » (?)

« L’homme ne sait pas ce qu’il regarde, et il ne regarde que ce qu’il a déjà dans l’esprit. » (?) 

« Pour décrire la forme d’un aquarium, il vaut mieux ne pas être poisson. » (?)– La nécessaire distance vis-à-vis de l’objet, ou de la personne, observé.

« Nous ne voyons pas le monde avec nos yeux, mais avec nos concepts. » (?)

« Savoir mal est pire qu’ignorer. » (?)

« Distinguer pour ne pas confondre. » (?) 

« Pour atteindre la source il faut passer par la soif. » (?) 

« Je ne suis pas assez jeune pour tout savoir. » (?)

« Dans le monde d’autrefois on s’efforçait de comprendre ; dans le nôtre, on veut savoir. » (?)

 « Pourquoi le savoir n’élimine-t-il pas le croire ? » (?)

« A trop vouloir disséquer la nature on aboutit à sa destruction. » (?) – Pourquoi vouloir tout savoir ? Est-ce bon ?

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Ci-dessous, extraits simplifiés et remaniés du livre de Gérald Bronner, Apocalypse cognitive, sur le trésor que représente notre temps de cerveau disponible et la manière dont nous le gâchons

« Le marché cognitif, brouhaha permanent. Le rapport de force s’est inversé entre une offre d’informations devenue pléthorique et le temps de cerveau disponible … Aujourd’hui, en France, le temps de travail représente 11% du temps éveillé sur toute une vie, parallèlement le temps dévolu aux tâches domestiques a aussi beaucoup diminué … d’où   progrès spectaculaire de notre disponibilité mentale au cours du temps … temps de cerveau libéré … L’omniprésence des équipements de loisir (télévision, tablettes, smartphone, ordinateur…) sollicite de façon de plus en plus envahissante et addictive notre temps de cerveau disponible, et en particulier celui des adolescents … Besoin de chasser le vide, peur de ne pas en être, de rater quelque chose … Nous consultons sans cesse nos mails… pour le cas où … Qu’est-ce qui peut concurrencer les écrans dans le domaine de l’attention, ces monstres attentionnels qui dévorent notre temps de cerveau disponible plus que n’importe quel objet présent dans notre univers ? … Les humains passent 3,7 H par jour sur leur téléphone … Partout, il devient difficile de rencontrer un regard … Ce qui est requis, c’est de chasser le vide. Ce qui est congédié, c’est le temps de l’attente, de l’ennui, de la rêverie, et donc en partie de notre créativité … Les informations convoquant une partie de notre identité (le prénom étant l’exemple le plus emblématique) ont des chances de capturer notre attention, c’est l’effet dit ‘effet cocktail’ (même dans le brouhaha, j’entends mon prénom de loin) contribuent à l’’épidémie de sensibilité … Dans la cacophonie cognitive,  sur un marché d’offre dérégulé, l’émetteur d’informations, (personne ou institution) doit miser sur sa capacité à capter une part de notre disponibilité mentale, de notre attention … La surestimation du risque (la peur, jusqu’aux produits alimentaires), le danger, les alertes incessantes, la sexualité toujours et évidemment, la conflictualité (les situations de conflit, la culture du clash), la colère  constitueront de bons supports émotionnels ou ancrés dans notre nature pour conférer une certaine vitalité à un produit cognitif, de même que l’œil sévère de l’indignation (qui ne contribue  pas à assainir nos échanges), de même, une surprise, soit un événement qui contrefait une partie de nos attentes, contient plus de puissance d’attraction, comme l’incongruité et le surprenant, les éléments dits contre-intuitifs, ainsi, tout est organisé pour nous faire prendre le vide ou le pas grand-chose pour un événement. L’événement doit surgir sans cesse. De même, les bonnes nouvelles n’intéressent personne, une information négative est mieux examinée, mémorisée, résiste plus à la contradiction … Dans un environnement ultra-concurrentiel, l’offre va de plus en plus s’indexer sur la demande supposée, soit sur la satisfaction mentale que produisent les effets cognitifs … Les algorithmes mémorisant nos parcours et orientant nos choix ne feront qu’amplifier la médiocrité largement constatée en nous y enfermant  …  Deux thèses : – l’homme révélé par ses goûts pour les informations telles que décrites plus haut (peur, sexe, conflits, colères…), tel que le révèle ses spectacles télévisés préférés, ses recherches sur Google, révélant nos obsessions et ce que nous cachons publiquement ; c’est La demande dictant l’offre  – L’homme dénaturé par le marché, manipulé, intoxiqué, tel que vu par ceux qui refusent de voir en nous-mêmes une partie des mécanismes que nous détestons, l’homme de Rousseau naturellement bon et perverti par la civilisation, l’homme nouveau de toutes les utopies (et de tous les massacres à la  Pol Pot) ; c’est l’offre fabriquant la demande. »

Ci-dessous ont été regroupées un certain nombre de notions assez proches en ce qu’elles concernent la manière dont nous comprenons les événements et adoptons des croyances, souvent émanant d’ouvrages de Gérald Bronner

 « Le croyant désire conserver ses croyances. » (Gérald bronner)

« Nous avons tous tendance à voir ce que nous croyons et à croire ce que nous voulons. » (Gérald Bronner)

Négligence de « la taille de l’échantillon … qui nous fait ressentir comme extraordinaires des phénomènes improbables mais qui sont cependant la production du hasard si on tient compte de la taille de l’échantillon duquel ils sont issus (prédictions astrologiques exactes comparées au nombre des fausses … La nature qui nous paraît si parfaite parce que nous ne voyons que ses réussites, et non la masse titanesque des brouillons enfouis dans une histoire immémoriale.’ » (Gérald Bronner)

« La démarche d’infirmation de la croyance vient assez peu spontanément à l’esprit de l’homme de tous les jours … Appétence pour la confirmation … Vivre dans le doute permanent, remettre tout en question, empêcherait de passer à l’action … Nous cherchons en général des informations pour affermir une croyance. » (Gérald Bronner)

« Face à l’offre pléthorique d’informations, à l’espace sauvagement concurrentiel qu’organise la révolution du marché cognitif, l’individu peut être tenté de composer une représentation du monde commode mentalement plutôt que vraie. » (Gérald Bronner)

« Un croyant peut endosser une croyance pour toute une série de raisons, il ne l’abandonnera pas pour autant si vous lui montrez une à une que ces raisons sont mauvaises … le cerveau mobilise des ressources impressionnantes pour ne pas renoncer à son système de représentation … N’aller chercher que des informations qui vont affermir sa croyance, ne mémoriser que les éléments qui lui sont favorables, oublier et transformer les faits qui pourraient l’affaiblir, discréditer ceux qui tenteraient de lui opposer des contre-arguments. »  (Gérald Bronner)

«  L’effet ‘rateau’, notre esprit, passant sur un amas confus d’événements un rateau mental pour créer une répartition plus régulière que ce que ne provoque le hasard dans les faits. Nous supposons des répartitions uniformes (malgré notre expérience de la loi des séries). 12 dates prises au hasard dans l’année ne seront pas séparées par près de 30 jours, mais le plus faible écart sera de 2,53 jours (tirage 100.000 fois). » (Gérald Bronner) – Ceci est important quand on évoque des vagues de suicide, des risques de proximité… A partir, et au-delà de 15 personnes dans une assemblée, on peut parier que deux d’entre elles ont la même date (mois-jour) de naissance.

« Les opacités de la croyance qui conduisent à rendre difficilement visibles les logiques qui y sont à l’œuvre. – La distance culturelle rend opaque la rationalité d’autrui (dimension sociale séparant l’observateur de l’observé, dépassant un certain seuil, le premier tend à expliquer les croyances bizarres du second par des causes plutôt que par des raisons) – L’adhésion à une croyance n’est pas nécessairement inconditionnelle (‘je crois qu’il fera beau demain’) – La croyance individuelle a une histoire (elle résulte d’une construction parfois lente et par étapes, la croyance d’autrui ne se manifeste qu’une fois constituée, le processus. de constitution n’étant pas directement accessible). » (Gérald Bronner)

« Les limites. – Croyances et limites dimensionnelles. Notre conscience est limitée dans le temps et dans l’espace, ainsi que notre perception du champ des possibles, l’information pertinente pour forger une connaissance n’est donc pas toujours disponible, dès lors une information partielle permettra l’apparition de la croyance. – Un système de représentation peut suggérer des hypothèses qui se transformeront bientôt en croyances (fuite en avion pendant la guerre froide interprétée comme incursion délibérée et violente ? cosmogonies expliquant l’émergence du monde…) » (Gérald Bronner)

« Les monopoles cognitifs, ou les situations  où les individus sont confrontés à un mode unique  d’interprétation de la réalité – Le monopole imposé, la contestation d’une doctrine officielle (et donc à tendance monopolistique) peut avoir un coût social très fort qui explique en partie que certains renoncent – Le monopole à long terme lié au développement de la connaissance (absence de récit alternatif, la création de l’univers pendant longtemps expliquée par le texte biblique, la création d’un récit alternatif étant hors de portée d’un individu seul) – Le monopole lié au fait que l’énoncé est objectivement valide (la terre est ronde et elle tourne sur elle-même et autour du soleil, on peut diverger sur les causes des événements historiques, non sur le fait qu’ils ont existé) – Le monopole à court terme monopole provisoire rendu possible par l’incomplétude de la connaissance ou le manque d’intérêt suscité par le sujet (théories scientifiques admises provisoirement, faute de mieux). » (Gérald Bronner)

« A quel marché cognitif un individu a-t-il accès ? La position de l’individu à l’intérieur du corps social déterminera le genre d’informations, de compétences, de points de vue … Qui et combien de personnes font partie de votre marché cognitif le plus proche (enseignants majoritairement de gauche, petits entrepreneurs indépendants…) … Il est plus difficile de se distinguer que de se conformer … Ceux qui conservent leur foi en défendant des opinions minoritaires sont aussi ceux qui ont une force de  conviction importante. Les ‘croyants’ des groupes majoritaires ont moins souvent l’opportunité de mettre leur conviction à l’épreuve de la contradiction. Ce processus darwinien de sélection rend compte du fait que la probabilité de rencontrer des individus ayant un rapport inconditionnel à leurs croyances est plus importante dans les groupes minoritaires que dans les groupes majoritaires. » (Gérald Bronner)

« Il existe sur le marché cognitif, une forme de concurrence déloyale entre les idées du précautionnisme et celles qui s’y opposent (recensement de sites Internet favorables et défavorables, de livres, d’articles des médias), par le coût des connaissances méthodiques par rapport aux simples croyances, la différence dans l’effort mental requis … par la vérification rendue impossible par la surabondance de l’information … par la motivation des croyants, supérieure à celle des sceptiques … par la nature de la connaissance scientifique et du discours scientifique qui, en raison de sa prudence et de sa complexité, est un mauvais produit médiatique quand la rhétorique de l’inquiétude en est un très bon, parce que ce discours, désenchanteur et peu spectaculaire, manquant de sensationnalisme, achoppe à une caractéristique de l’esprit humain qui est sa difficulté à accepter des explications pluricausales. » (Gérald Bronner et Etienne Géhin – L’inquiétant principe de précaution)  – On peut étendre à beaucoup de croyances, y compris de nature complotiste.

 «  Le biais de confirmation : ‘Les hommes, infatués des apparences vaines, prêtent attention aux événements, quand ils remplissent leur attente ; mais, dans les cas contraires, les plus fréquents, ils se détournent et passent outre’ … Nous cherchons en général des informations pour affermir une croyance … Beaucoup de nos idées fausses nous paraissent confirmées par notre expérience … Nous ne cherchons pas à tester ces idées en recueillant des contre-exemples, mais nous captons et mémorisons facilement tout ce qui affermit nos croyances … qui nous apporte un confort cognitif … D’autant plus si nous y avons intérêt … Lorsque vous êtes en quête de signes ils finissent toujours par arriver. »  (Gérald Bronner – citant Francis Bacon et le Novum Organum) – Connu aussi comme biais d’exposition sélective. Tendance à ne retenir que les informations qui confirment une idée préconçue – « L’aptitude de l’homme de résister à toute information extérieure dès lors que celle-ci ne s’accorde pas avec l’ordre de l’attente et du souhait, de l’ignorer, d’y opposer si la réalité s’entête un refus de perception qui clôt le débat, aux dépens naturellement du réel … Sorte de verrou offrant une dénégation préalable, une  protection à l’avance, une réfutation à priori. »  (Clément Rosset)

« Première question : le croyant adhère-t-il vraiment à sa croyance ? … Comment le croyant en est-t-il arrivé à croire ce qu’il croit ? … On néglige trop le caractère graduel de l’adhésion à des idées qui paraissent relever de l’irrationalité. Or, chaque moment, chaque étape,  de l’adhésion peut être considéré, dans son contexte, comme raisonnable … il faut voir le processus de constitution … L’extrémisme, quelles que soit les forme qu’il revêt, satisfait les critères de la rationalité, cognitive comme instrumentale : parce qu’il énonce des doctrines cohérentes … sans accepter toutes les  sortes de compromis du  citoyen ordinaire et, parce qu’une fois cette doctrine admise, il propose des moyens en adéquation aux fins poursuivies … Rationalité mécanique n’acceptant aucun compromis, appliquant jusqu’au terme de leur logique des prémisses que n’importe quel croyant pourrait admettre … L’action toute entière est mise au service d’un système de valeurs sévèrement hiérarchisé et cohérent une fois qu’on  en a admis les prémisses … Le biais de confirmation est sans doute le mécanisme le plus élémentaire et le plus fondamental de la pérennité de toute croyance (d’autant plus chez l’extrémiste qui a besoin constamment d’être rasséréné en raison des coûts psychologiques  et sociaux de son adhésion, d’où aussi ‘l’entre-soi’, l’enserrement dans un oligopole cognitif) –  Le biais de confirmation : ‘Les hommes, infatués des apparences vaines, prêtent attention aux événements, quand ils remplissent leur attente ; mais, dans les cas contraires, les plus fréquents, ils se détournent et passent outre’ … Nous cherchons en général des informations pour affermir une croyance… Beaucoup de nos idées fausses nous paraissent confirmées par notre expérience … Nous ne cherchons pas à tester ces idées en recueillant des contre-exemples, mais nous captons et mémorisons facilement tout ce qui affermit nos croyances … qui nous apporte un confort cognitif … D’autant plus si nous y avons intérêt … Lorsque vous êtes en quête de signes ils finissent toujours par arriver … et peuvent être interprétés comme des injonctions à s’engager  » (Gérald Bronner – citant Francis Bacon et le Novum Organum)

« Beaucoup de nos idées fausses nous paraissent confirmées par notre expérience … Nous ne cherchons pas à tester ces idées en recueillant des contre-exemples, mais nous captons et mémorisons facilement tout ce qui affermit nos croyances … qui nous apporte un confort cognitif … D’autant plus si nous y avons intérêt … Lorsque vous êtes en quête de signes ils finissent toujours par arriver. » (Gérald Bronner)  – Tendance très proche du biais de confirmation.

 « Biais d’intentionnalité : des individus sont plus portés à attribuer des événements (par exemple, accident, incendie…) à des causes intentionnelles de préférence à des causes non intentionnelles … vers des intentions supposées … La logique conspirationniste est précisément celle qui ne parvient pas à se confronter à la complexité d’un monde beaucoup plus désordonné qu’elle ne l’imagine. »  (Gérald Bronner)

« Le biais de disponibilité. Nous évaluons la probabilité ou la fréquence d‘un événement à l’aune de la facilité avec laquelle des occurrences nous viennent à l’esprit. (Ex : il y  a trois fois plus de mots anglais qui comportent la lettre ‘k’ en troisième position, mais à la question de fréquence tout le monde répondra que les mots anglais qui commencent par cette lettre sont les plus nombreux, car nous accédons aux mots à partir de leur son initial et ceux-ci sont plus susceptibles de se présenter à nous quand nous sollicitons notre mémoire) … Des événements fréquents laissent des traces plus profondes dans notre mémoire. Mais à chaque fois que le souvenir d’un événement apparaît en bonne position dans la liste de résultats fournie par le moteur de recherche mental pour des raisons autres que la fréquence – parce qu’il est récent, vivace, sanglant, spécifique ou douloureux – les gens surestiment la probabilité qu’une telle chose se produise dans le monde … Les accidents de voiture tuent plus, mais beaucoup de gens ont peur de prendre l’avion, et presque personne n’a peur de conduire … Le ‘biais de disponibilité’, attisé par la tendance qu’ont les médias à privilégier le principe ‘plus ça saigne, plus c’est porteur’, peut alimenter le sentiment que l’état du monde est désolant. » (Steven Pinker)

« Il ne faut pas prendre ses désirs pour des réalités. » (adage) – Mais l’adage exprime « le biais  motivationnel, soit la contamination du croire par le désir …Le fait de laisser notre vision des faits ou des événements ou des prévisions être contaminés par notre désir … Engagé dans un processus de crédulité le croyant désire conserver ses croyances, en évitant ce que Léon Festinger appelait la ‘dissonance cognitive’ … Adhésion ou  rejet  d’une autre croyance selon qu’elle est en consonance ou en dissonance avec son système de représentation … L’être humain tente toujours de réduire les contradictions entre le système de représentation et les actes qu’il peut produire ou les informations tendant à invalider  ses croyances. »  (Gérald Bronner)   

« La ‘sunk cost fallacy’ ou le  sophisme de la dépense gâchée : poursuite obstinée d’une ligne de conduite qui représente un investissement en argent, temps ou énergie … la difficulté de renoncer à un effort devenu inutile mais représentant une vie ou une tranche de vie, ou représentant une dépense importante. ‘je ne peux pas me permettre de reculer’, et aussi bien, ‘je ne peux pas me permettre de douter’. » (tiré de Gérald Bronner – sur la difficulté  de faire renoncer à une croyance ancrée, même devinée fausse par l’intéressé)

« Une erreur de jugement bien connue des chercheurs qui travaillent sur la prise de décision est ce biais qui consiste à nous faire préférer une récompense immédiate plutôt qu’une récompense différée, et ce même si cette dernière est plus avantageuse. Un autre biais cognitif consiste à demeurer hermétique aux conséquences négatives de nos choix. Ce biais qui nous fait accorder une valeur positive aux options choisies s’étant avérées désavantageuses et des attributs négatifs inexistants aux options que nous n’avons pas retenues, s’appelle le ‘biais de soutien de choix.’ » (Lydia Pouga)

Extraits simplifiés d’un livre de Raymond Boudon, L’art de se persuader des idées douteuses, fragiles ou fausses, sur la connaissance. Voir aussi aux rubriques :  Croire, croyances, 175, 1 et Raison 630, 1 – Même auteur, même présentation.

 « Toute connaissance, la connaissance ordinaire aussi bien que la connaissance scientifique, suppose la mobilisation ‘d’ a priori’ (hypothèses, cadres ou conjectures…’Tout a une cause’, ‘Principe de non contradiction’…) implicites et généralement inconscients … ‘Ces propositions a priori s’appliquent de façon uniforme aux contenus les plus divers, comme elles présentent une sorte de permanence et qu’elles sont dotées d’une généralité intrinsèque, elles provoquent un effet d’accoutumance’ (Georg Simmel)  … Ces a priori prennent souvent la forme de cadres logiques, souvent restrictifs (c’est là une tendance forte), lesquels permettent plus facilement de déterminer la réponse à la question posée (Liste de coupables possibles…) … On a du mal à concevoir que des effets perçus comme importants ne puissent être ramenés à des causes du même degré de dignité (comment expliquer par le hasard, darwinisme, un phénomène aussi considérable que l’évolution des espèces ?) … Deux langages explicatifs (principalement dans les matières historiques), le ‘Génétique’ et le ‘Fonctionnel’ (Explication de la règle de la majorité soit en analysant les circonstances et raisons d’apparition de cette règle, soit en démontrant que les individus ont choisi la règle la moins mauvaise possible) … Notre finitude confrontée à la complexité du réel : le fait qu’on ne puisse voir les réseaux de causes dans toute leur complexité et que l’on doive les lire à partir d’ a priori explique pourquoi il y a des histoires sectorielles ( de la mode, de l’art…) … Cette finitude du sujet et cette complexité du réel introduisent l’impératif de mise en ordre et de classification, des catégories telles que ‘cause’, ‘moyen’ ou ‘fin’ jouent un rôle universel dans cette mise en ordre …  ‘L’âme dépend du monde tout autant que le monde dépend de l’âme’ . Ce qui signifie que nos idées ne peuvent être entièrement indépendantes des conditions sociales, mais elles ne sauraient non plus en être directement dépendantes … Les facteurs sociaux auraient surtout un rôle de sélection des idées (un rôle ‘d’écluse’ dit Max Scheler) … Les deux théories contradictoires ou plus précisément contraires, la théorie matérialiste et la théorie idéaliste … Leurs tenants, le matérialiste et l’idéaliste, n’ont pas tort, ils sont seulement partiels en mobilisant des a priori différents, l’un l’influence des conditions  sociales, l’autre l’autonomie du sujet pensant … Nous avons tendance à concevoir des prédicats comme contradictoires (subjectif/objectif…) alors qu’ils ne le sont pas en réalité … Ce parce que nous appliquons par défaut des principes fondamentaux à des situations auxquelles, en fait, ils ne s’appliquent pas … Il faut conjuguer deux propositions, à savoir qu’il est impossible à la fois de tenir aucun système en ‘isme’ pour vrai et de le considérer comme dépourvu de sens. » 

Ci-dessous, extraits de l’ouvrage de Marc Fumaroli, La République des Lettres, traitant de l’extraordinaire internationale des lettrés et savants qui ont littéralement créé l’Europe et son jaillissement civilisationnel, culturel et scientifique dès avant même la Renaissance, à partir de Florence, Venise, Amsterdam, puis des salons parisiens. Il nous a semblé plus adapté d’inclure ces remarques avec les rubriques traitant de Communication, Conversation (130,1) et de Connaissance, savoir (155,1) plutôt que de Culture pure (180, 1).

« République des Lettres, expression utilisée par les lettrés prenant conscience de l’aventure de l’esprit, de leur société contemplative (dès le XV° siècle : Erasme, ‘pape littéraire’ admonestant les Etats laïques, flagellant la Rome pontificale, polémiquant avec Luther…) … Unité des lettrés, critique à l’égard des Etats et des Eglises, pierre angulaire de l’unité européenne … Culte de l’amitié (‘ni la parenté, ni la consanguinité ne joignent les âmes par des liens d’amitié plus étroits que ne le fait la communauté des études’) … Pouvoir de l’esprit organisé et articulé qui assume toute l’autorité que le Moyen Âge avait réservé à ses universités … Pouvoir résumé plus tard dans la personne et l’œuvre de Voltaire …  Substitut politique de la chrétienté religieuse … Régénération passant par un retour aux auteurs et aux modèles de l’Antiquité gréco-latine et chrétienne antérieure à la ‘barbarisation’ de l’Europe, légitimant ces études … Coopération, transmission, sociabilité et apparition des Académies’ réunissant des groupes stables de lettrés, sociétés mondaines érudites du loisir noble, avant que d’être officialisées par la Cour de France … Chaînes de solidarités personnelles et privées entre doctes conjurant les rivalités nationales et les disputes théologiques … Salons mondains, cercles érudits, cercles scientifiques, lieux de l’éloge de la vie lettrée et comme signe de ralliement et de reconnaissance des lettrés entre eux … Elite internationale de ‘pairs’, liée par un réseau de correspondance (‘conversations par écrit’) et de publications, diplomatie parallèle adepte des solutions de prudence et de compromis (Edit de Nantes…) … Ethique humaniste, idéal encyclopédique des académies … Le loisir studieux du lettré peut être un lien social exemplaire, une discipline qui exige et encourage l’amitié, la bienveillance, cette politesse et cette douceur que les lettres obtiennent de la nature humaine mieux que n’ont su le faire les préceptes impérieux de la morale et de la religion révélée … Souci extrême de la conversation qui ‘apprend bien plus que la lecture de livres’ et constitue un véritable ‘être ensemble’, une coopération sociale et sociable, art de dialoguer, en particulier au cours d’une promenade, qui crée un ‘monde’ échappant à la confusion du monde, évitant l’ennui de la solitude ou l’accablement de la multitude  … Et par certains côtés soin de l’érémitisme et de la méditation solitaire … Par le recours à la langue  française qui est en train de s’imposer, la France d’Henri IV s’affranchit de l’imitation maniériste et savante de l’Antiquité destinée à un public confirmé et les Mersenne, Descartes, Pascal cessent de se réclamer de l’autorité antique … L’aristocratie, évidée par l’Etat monarchique de tous les pouvoirs ‘vulgaires’ il ne lui restait que l’insigne supériorité du goût et des manières. Cela ne suffisait pas pour faire d’elle le rempart d’une monarchie discréditée et qui avait été la première à condamner à l’impuissance sa noblesse d’épée … Les ‘Lettres familières’ du président de Brosses, ou le voyage en Italie comme exercice du loisir lettré , de hauts magistrats installés partant en Italie par luxe, non pour apprendre mais pour vérifier, approfondir, soumettre à l’expérience des sens (comme un dévot en pèlerinage). »

– Quel haut fonctionnaire trentenaire atteindrait aujourd’hui au niveau de culture atteint par ces gens en des temps où l’accès à cette culture était autrement plus difficile, exigeant et laborieux. Ce n’est pas à la gloire de notre temps !

« Communauté universelle des lettrés européens, lieu commun de leur solidarité et de leur coopération au service de l’esprit … ‘Ni la parenté, ni la consanguinité ne joignent les âmes par des liens d’amitié plus étroits que ne le fait la communauté des études’ (Erasme) … Ces lettrés, comme auparavant les clercs médiévaux, forment une aristocratie de l’esprit … Placés dans une position critique à l’égard des Etats et des Eglises … L’Europe peut alors se convaincre qu’elle abrite à côté de ses pouvoirs religieux (sacerdotium), politiques et militaires ( imperium), un pouvoir de l’esprit (studium), fortement organisé et articulé et qui assume toute l’autorité que le Moyen Âge avait réservé à ses universités … Cette république des lettres n’est enchaînée à aucun territoire, elle est chez elle partout … Elle n’a pas de ‘tête’, au sens de souverain absolu … Mais à partir de la mi XVII° siècle, l’Europe va apprendre à se rallier à une République des lettres largement française. »

Ci-dessous, extraits simplifiés et remaniés de l’ouvrage de Raffaele Simone, Pris dans la toile, l’esprit au temps du web.

 « Les sens ont des fonctions différentes dans l’acquisition de la connaissance.  La vue est liée à l’espace, elle nous montre plusieurs choses les unes à côté des autres, les signes sont simultanés.  L’ouïe est liée au temps, les signes sont successifs … On écoute en société, on lit dans la solitude … Avec la naissance de l’écriture on était passé de la prédominance de l’oreille à celle de l’œil et peu à peu à une vision alphabétique. Aujourd’hui, c’est la vision non alphabétique qui prédomine … Aujourd’hui, en augmentant de manière énorme les ‘stimuli’ auditifs ainsi que la culture auditive et visuelle, on a rabaissé l’importance de la vision alphabétique et de son support, le texte …  La télévision produit des images et efface les concepts ;  mais elle atrophie ainsi notre capacité d’abstraction et avec elle notre capacité de compréhension …. La lecture, ou l’écriture (codes alphabétiques) favorise une intelligence ‘séquentielle’, un pas à la fois. La vidéo (au sens large, codes iconiques, basés sur l’image) favorise un autre type d’intelligence, que j’appelle ‘simultanée’,  donc, le mode d’acquisition des connaissances influe sur notre forme d’intelligence, On ne peut pas introduire un nouveau médium pour l’esprit sans produire des effets sur ce dernier lui-même  … Entre ‘lire’ et ‘voir’ : différences de rythme (lenteur / rapidité), de possibilité de correction (possible / impossible), de renvois encyclopédiques, soit d’appel à des connaissance supplémentaires (possible / impossible), de convivialité (solitaire / possible en groupe), de multisensioralité soit d’appel à différents sens (non / oui), de degré d’iconicité soit de ressemblance du signifiant et du signifié (on peut ne pas comprendre un texte / on comprend plus ou moins une image), de la  possibilité de citer, de raconter, à autrui (oui, aisément / difficilement) … Mais  la fatigue d’être lecteur ne peut rivaliser avec  la facilité d’être spectateur … La vision d’images ne suppose pas d’apprentissage (La Bible statuaire ou en peinture pour la masse analphabète de jadis) … Le texte rend la connaissance accessible plus tard à volonté, il formule avec précision (comment exprimer autrement les mathématiques), il peut être corrigé et contrôlé pendant son élaboration. Produit, il est stable et permanent. Ce qui n’est pas valable pour le texte numérique, continuellement modifiable, altérable, manipulable et falsifiable, lequel, de plus, est immatériel, ne porte pas la trace physique de son auteur, est dépourvu de lieu, est diffusable sans limite, il devient en quelque sorte irresponsable. »

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