650,9 – Bouddhisme

– Philosophie plutôt que religion, dédouanant le blanc occidental aisé de sa vacuité spirituelle. Lequel est porté à confondre la transmigration avec une opération de recyclage dans la peau de Bernard Arnault ou de Ségolène Royal, à y voir notre idée occidentale de progrès, un principe évolutionniste ; risque fort d’être déçu de se retrouver marmiton avec les Tamouls ou dernier rhinocéros au zoogarten. Le même voyant dans le non-soi bouddhiste un effort d’individualisme alors qu’il est communion avec tout l’environnement, entendant une recette permettant d’épanouir pacifiquement son ego alors que le bouddhisme affirme son inexistence (inspiré de Jean-Claude Guillebaud et d’autres) – Liste de visions déformées non limitative.

– A peu compris des habits qu’il emprunte, malgré un louable effort d’ascension personnelle et de rejet du consumérisme délirant occidental.

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« La chute hors de l’être dans l’existence tourne forcément mal : la seule solution est de s’extraire de l’existence et de rejoindre l’être. » (Jean Baechler – sur l’hédonisme conséquent, chercher le plaisant, éviter le déplaisant, et son aboutissement au bouddhisme)

  « Comment une doctrine du renoncement peut-elle séduire une société de l’implication mondaine ? » (Pascal Bruckner – sur la fascination exercée par le bouddhisme sur les bobos occidentaux)

« En appelant à … renoncer aux désirs, le bouddhisme rencontre et réveille un des axiomes fondamentaux du christianisme : le caractère éphémère et vain de notre existence sur terre. » (Pascal Bruckner)

« Le bouddhisme n’est pas une croyance, c’est un doute. » (Chesterton) 

« Le Christ dit : ‘Cherchez d’abord le Royaume des Cieux et le reste vous sera donné par surcroît’. Bouddha dit : ‘Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et, ensuite, le reste ne vous sera plus nécessaire.’ » (Chesterton) – Les deux messages sont radicalement différents.

« Deux idéals ne pourraient être plus opposés que le saint chrétien d’une cathédrale gothique et le saint bouddhiste d’un temple chinois … Le saint bouddhiste a toujours les yeux fermés. Le saint chrétien les a toujours grand ouverts. Le saint bouddhiste a un corps mince et harmonieux, mais ses paupières sont lourdes et scellées par le sommeil. Le corps du saint médiéval est décharné jusqu’aux os mais ses yeux sont terriblement vivants. Le bouddhiste contemple avec une intensité toute particulière l’intérieur. Le chrétien contemple avec une ardeur intense l’extérieur … Il ne peut y avoir aucune réelle communauté d’esprit entre les deux entre les forces qui ont produit des symboles aussi différents. » (Chesterton)

« Le Bouddha s’est vraiment donné trop de mal pour aboutir à quoi ? à la mort définitive : ce que, nous autres, sommes sûrs d’obtenir sans méditations ni mortifications, sans effort aucun. » (Emil Cioran)

« Nous sommes en présence d’une pensée qui fait du désir humain l’acte essentiel d’émergence et de perpétuation de la réalité … Désir étant, souffrance est. Désir n’étant pas, souffrance n’est pas … Il s’agit de rendre cette place vide, d’éteindre le désir … L’accent est mis sur la cessation … Ce qui est agencé peut être désagencé. » (Roger-Pol Droit)

« Alors que le bouddhisme balaie de manière radicale l’illusion du moi, l’Occident va y chercher un moyen de réaliser celui-ci … de renforcer l’illusion au lieu de la détruire ! … De même, la roue des réincarnations bouddhistes est une épouvantable malédiction … alors que pour l’Occidental elle est une seconde chance, puis une troisième…, en cas de vie ratée… » (Christian Godin) – «  La possibilité de jouer d’indéfinies prolongations. » (Fabrice Hadjadj)

« L’adéquation supposée entre certaines ‘transgressions » technoscientifiques contemporaines et la tradition bouddhiste, du moins telle que la perçoivent et la réinterprètent les Européens … Un bouddhisme imaginaire. » (Jean-Claude Guillebaud) Confusion entre le progrès occidental et les réincarnations (le Samsara progressiste et évolutionniste !) et en plus conçu comme visée de libération personnelle et non à intention collective.

« Le désir du Nirvâna est le désir d’affranchissement des liens de la nature, le désir universellement humain de délivrance … Il faut pour base au bouddhisme une nature calme et indolente … Là où n’existe  pas  le sentiment du moi, on n’exige pas la survivance de ce dernier ; là où la conscience de l’immortalité n’est pas foncièrement à la base des faits psychiques, on n’aspire pas à l’immortalité … La vie la plus haute, n’est pas plus précieuse que la plus basse et l’élévation de la condition humaine ne se rapproche nullement du Nirvâna » (Herman von Keyserling)

« Le bouddhisme c’est le soleil couchant ; il y  a en lui toute l’atmosphère de l’heure crépusculaire, toute la douceur de l’espérance du repos prochain … pour celui dont l’âme est rassasiée de richesse et de multiplicité, qui se sent lassé après tant de réincarnations, qui ne se soucie plus d’avancer et ne désire plus que la fin. » (Hermann von Keyserling)

« On assiste à ce spectacle, contradictoire comme la vie et en harmonie avec elle, d’une religion fondée sur le néant et qui porte au paroxysme les vertus pratiques. » (Sylvain Lévi)

« Selon la manière dont on en prend conscience, le retour éternel peut apparaître tour à tour comme la vérité la plus exaltante ou au contraire comme la plus accablante. » (cardinal Henri de Lubac) – Evoquant le retour éternel nietzschéen  – «  Le Retour éternel est une âpre vérité qui supprime toute espérance. » (Daniel Halévy) – le bouddhisme, lui, permettant une sortie de ce cercle par l’atteinte au Nirvana. Néanmoins, quel intérêt peut voir l’occidental (en effet, lui y voit un intérêt et non pas une sanction) de se réincarner en tout autre, sans passé ni mémoire ?

« Le grand docteur mystique du Mahâyâna, Asanga, lorsqu’il entreprend de retracer l’ascension de son bodhisattva de ‘Terre’ en ‘Terre’ jusqu’au terme suprême du Nirvâna’, la décrit naturellement comme une série d’évasion ; si bien qu’on a pu dire du bouddhisme que son seul Dieu était ‘l’évasion absolutisée’. » (cardinal Henri de Lubac)

« Le bouddhisme, par son retrait, s’apparente à l’automne de la vie. Le christianisme, plus actif, évoque le printemps. » (Alfred-Fabre Luce)

« La doctrine panthéiste par excellence est le bouddhisme, parfaite illustration de la croyance que le monde est une illusion … C’est en temps de crise, qu’il exerce une attirance dans la pensée et les idées de l’Occident chrétien. » (Thomas Molnar)

« L’existence telle qu’elle est, privée de sens et de but, mais revenant inexorablement, sans fin dans le néant : voilà ‘l’éternel retour’. C’est la forme la plus extrême du nihilisme. Le néant (dépourvu de sens) éternel. » (Nietzsche) – Bien que la notion d’éternel retour ne corresponde pas exactement avec la réincarnation.

« Chez beaucoup d’adeptes contemporains, le ralliement au bouddhisme repose sur un contresens : rechercher l’épanouissement, la réalisation de soi dans une voie qui, si elle était menée à son terme, déferait l’individualité. » (Olivier Rey) – Insondable stupidité du Bobo.

« S’il est vrai qu’à notre mort le monde cesse, cela ne signifie rien de la raccorder idéalement (conventionnellement) à une autre lignée, même qui commencerait à l’instant exact où nous mourons. » (Raymond Ruyer)

« Ayant pour effet ‘accidentel’ des actes secourables et charitables, il représente une technique qui permet à l’homme de surmonter son ‘moi’ individuel enfermé en lui-même, et au degré … le plus élevé de s’affranchir de son individualité et de sa personne en général. » (Max Scheler)

« Par rapport à ‘l’évidence’ de la survie et de la transmigration, on éprouvait toujours plus invinciblement le désir d’une fin : et ces sentiments trouvèrent finalement leur expression dans les idées de Bouddha sur le Nirvana. » (Max Scheler)

« Le bouddhisme enseigne le retrait complet hors du monde social … se détacher de toute existence … Il ne connaît de devoirs qu’envers soi-même, et si le bien d’autrui est compris dedans, c’est alors le ‘bien de tous les êtres vivants’ … Le salut que peut gagner le postulant absolument seul, par son propre vouloir …. Se délivrer de la souffrance ne nécessite aucune puissance transcendante, aucune grâce, aucun médiateur. » (Georg Simmel)

« Le néo-bouddhisme de nos nouveaux bourgeois de gauche … poursuit le même but que le protestantisme en son temps : déculpabiliser le nanti nouveau riche à sensibilité de gauche. Le bouddhisme n’est pas une religion mais une sagesse, une thérapie qui propose au nouvel adepte d’échapper à la culpabilité par le repli sur soi. En ce sens très actuel, le bouddhisme n’est pas une alternative au christianisme mais une alternative à la psychanalyse, cette autre religion laïque du désintérêt pour l’autre … Son but, identique, n’est pas la transcendance, l’universel, mais le confort individuel. » (Alain Soral)

« La corruption occidentalisée du bouddhisme, sagesse gangrenée par la religion. » (?)

« La réincarnation, c’est comme le bac ; quand on échoue, on redouble. » (?)

Tiré d’un petit ouvrage sur les maîtres spirituels (bouddhisme original, sachant qu’au cours du temps, en fonction de son expansion, et en raison de son caractère non dogmatique, le bouddhisme du Bouddha a évolué suivant de nombreuses variantes, reprenant ici ou là ce que le Bouddha avait brûlé ou ignoré : Dieu, âme, rites et liturgie ).

« Pas de dogmes, une voie … doctrine a-religieuse et athée (ce qui ne signifie pas anti) Refus de considérer quoi que ce soit comme stable et permanent, océan d’impermanence … Stricte rigueur de l’enchaînement causal (séquence ordonnée des événements) … Bouddha n’a condamné aucune divinité, aucun culte … il les a ignorés comme sans rapport avec son enseignement, il n’a en rien tenté de tuer l’idée de Dieu, simplement, il ne l’a pas incorporé dans sa doctrine  … Trois causes à la douleur : le désir (démonter l’Ego, le Moi) – Le manque de maîtrise de soi (passions et sensations) – L’ignorance (plutôt le refus ou l’écart de la connaissance). »

Ci-dessous, extraits simplifiés et remaniés du livre de Roger-Pol Droit, Le culte du néant, à propos du bouddhisme.

« Les quatre vérités fondamentales de  Cakya-Mouni : – L’existence a pour conséquence inévitable la douleur – Le désir, cause de l’existence, est cause de la douleur – L’illusion de l’existence et la douleur du désir peuvent cesser, par l’anéantissement  de l’existence illusoire, le’ nirvana’ – On parvient au ‘nirvana’ par le renoncement absolu. »

 « Mise à l’écart de toute spéculation métaphysique … L’important n’est pas que le vrai l’emporte, mais que l’utile l’emporte même sur le vrai ; ce qui signe une attitude pragmatique. La délivrance bouddhique demeure inséparable d’une ascèse, d’un entraînement graduel et continu au détachement … Les choses sont sans continuité avec elles-mêmes, elles n’ont pas d’identité, de permanence, de nature stable … L’univers bouddhique est une succession réglée de phénomènes discontinus et instantanés, sans support ni substrat, en perpétuelle apparition-disparition … Religion dispensée de Dieu, voie de salut privée d’immortalité, béatitude dépourvue de contenu, loi détachée de toute parole divine, morale décrochée de  toute transcendance … Ce qui distingue la place du Bouddha en Inde est qu’il ne s’inscrit pas dans la perpétuation d’une tradition immémoriale et autojustifiée. Il ne se contente pas de transmettre  ou de raviver une parole originaire … Il proclame simplement son autonomie, sa prédication est légitimée par son expérience et rien d’autre …  Au XIX° siècle le bouddhisme assimilé au néant, à l’anéantissement, présenté comme un épouvantail nihiliste. ‘L’homme doit  se faire néant’ (Hegel) . Ce culte du néant apparaît comme effrayant, un contre-monde, une menace pour l’ordre. ‘Le brahmanisme représentait la juste suprématie du principe blanc, bien que très altéré, et les bouddhistes essayaient, au contraire une protestation des rangs inférieurs’ (Arthur de Gobineau), y voyant une affrontement social et racial, une rébellion des inférieurs … Alors que le ‘nirvana’ n’a rien à voir avec l’anéantissement … Plus proche pour un bouddhiste de ‘calme profond’, de parfaite apathie … ‘Non dans le sens du simple néant, mais dans celui du néant des phénomènes, et d’un certain état d’extinction des sentiments des choses temporelles, et de béatitude en dehors des conditions du temps’ (Charles Renouvier). ‘Par leur vacuité, je n’entends pas en général, l’anéantissement, le néant, mais l’atténuation infinie qu’ils assignent à leurs forces et puissances matérielles. » (Brian Houghton Hodgson). »

 

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