745,2 – Bouc émissaire, Sacrifice

Sacrifier signifie rendre sacré.

– Le bouc émissaire (chargé de tous les péchés de la communauté) est une figure du livre de la Bible, le lévitique, XVI 10, 23

– La découverte, l’invention, du bouc émissaire permet de ressouder la communauté déchirée (on passe du tous contre tous au  tous contre un) et même de renforcer ses liens, comme entre complices. Rien de tel qu’une saleté commise  ensemble pour nous souder.

– C’est le christianisme qui, contre toute l’Antiquité et contre tous les mythes, a proclamé l’innocence de la victime émissaire. C’est notre violence, et elle nous est laissée : « Ils m’ont haï sans cause … Votre maison vous est laissée. » (Evangiles) 

-« Les ploucs-émissaires. » (Philippe Muray)

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« Tous les peuples en péril ou frappés par la défaite ont crié à la trahison. Les aveux apportent un perfectionnement à cette pratique séculaire ; la victime sur laquelle doit se concentrer la colère des foules proclame elle-même l’équité du châtiment qui l’accable. » (Raymond Aron – Sur les procès staliniens) – Mais vieille méthode.

« La technique du bouc émissaire survit aux primitives pratiques magiques. » (Kostas Axelos)- Elle se porte même très bien.

« Processus grâce auquel une société régénère à la fois son sens de la solidarité sociale et  sa rectitude morale en se réunissant contre un individu considéré comme l‘origine du mal et dont le choix se fait à partir de critères arbitraires, ce dont la foule des persécuteurs ne peut se rendre compte. » (Gil Bailie) – Pour qui a vu des épurations, chez les meneurs et les inspirateurs le choix n’est pas forcément arbitraire : adversaires politiques, personnes dont on veut s’emparer des biens…

« Lorsque les rituels sacrificiels d’une culture donnée ‘fonctionnent’, ils transfèrent les antagonismes réciproques  sur un individu unique contre lequel tout le monde se rassemble, ce qui apaise les tensions comme par miracle, et les remplace par du lien social. » (Gil Bailie)

« La substitution opérée par Abraham d’un bélier à la place d’un être humain constitue une étape dans le démantèlement historique des systèmes sacrés de violence sacrificielle auquel l’humanité procède … Les récits bibliques ne se contentent pas d’insister sur la nécessité de mettre un terme au sacrifice d’êtres humains et de les remplacer par des animaux … ils attirent l’attention sur le fait que les animaux sacrifiés sont des victimes de substitution, immolées à la place des humains. » (Gil Bailie) – Toujours les thèses de René Girard.

 « En désignant publiquement, puis en éliminant le fauteur de crise, l’agent du mal, la communauté se refait et l’autorité se renforce … Les formes changent, mais la procédure de désignation et d’élimination du coupable reste. Les irréductibles, par condition ou par choix, sont estimés agents néfastes ou ennemis de l’intérieur, comme l’étaient les sorciers autrefois. » (Georges Balandier) – Nos lyncheurs et nos harpies recopient simplement les modèles ancestraux.

« L’opium du peuple dans le monde actuel n’est peut-être pas tant la religion que l’ennemi accepté … Un tel monde est à la merci de ceux qui fournissent un semblant d’issue à l’ennui. La vie humaine aspire aux passions. » (Georges Bataille) – De l’utilité pour les pouvoirs de créer des ennemis, des boucs émissaires.

« A peu près la totalité des peuples attribua la plus grande importance à des destructions solennelles d’animaux, d’hommes ou de végétaux (les milliers de victimes aztèques), tantôt réellement de grand prix, tantôt censés être fictivement de grand prix. Ces destructions, dans leur principe, étaient tenues pour criminelles, mais la communauté avait l’obligation de les accomplir … L’opinion la plus judicieuse voyait dans le sacrifice l’institution fondant le lien social (sans dire la raison pourquoi une effusion de sang, plutôt que d’autres moyens, effectuait le lien social) … Mais si le fait d’introduire dans la vie, la lésant le moins possible, la plus grande somme possible d’éléments qui la contrarient définit notre nature (le goût du mal), l’opération du sacrifice n’est plus cette conduite humaine élémentaire, néanmoins inintelligible, qu’elle était jusqu’ici (il fallait à la fin qu’une coutume si éminente ‘réponde à quelque élémentaire nécessité dont l’énoncé s’impose par un caractère d’évidence’. » (Georges Bataille – citant Jules Michelet)

« L’immense syndrome de repentir, de réécriture historique … qui s’est emparé de cette fin de siècle (le XX°) … Nous contrefaisons cette humiliation … dans le victimal, dans l’humanitaire, dans l’autodérision et l’autodépréciation, dans cet immense effort sacrificiel qui nous tient lieu de rédemption. » (Jean Baudrillard)

« La même indifférence peut porter à des comportements exactement inverses. Le racisme cherche désespérément l’autre sous forme du mal à combattre. L’humanitaire le cherche aussi désespérément sous forme de victimes à secourir. L’idéalisation joue pour le meilleur ou pour le pire. Le bouc émissaire n’est plus celui sur lequel on s’acharne, c’est celui sur lequel on pleure. Mais c’est quand même le bouc émissaire. » (Jean Baudrillard)

« Voilà l’homme tout entier s’en prenant à sa chaussure alors que c’est son pied le coupable. » (Samuel Beckett)

« Une fois le péché originel évacué, une tâche de vaste envergure s’annonce pour la pensée moderne. Elle devra louvoyer entre deux écueils : maintenir la souveraineté de l’homme tout en le déchargeant du trop lourd fardeau de ce qu’elle implique. Une des façons les plus aisées consistera à isoler un agent corrupteur et à le charger de tous les maux, à titre de diable de substitution … Il faut, d’une part, que l’objet de la vindicte soit moins précisément coupable ‘qu’accusable’, donc qu’il ait été présent dés l’origine perçue de l’histoire et, d’autre part, qu’il puisse recevoir les coups vengeurs et donc qu’il soit encore ‘saisissable’ … Seuls deux groupes sociaux présentent ces caractéristiques : le peuple juif et l’Eglise catholique … L’homme devenu ‘bon’ tant qu’il n’est pas corrompu par des ‘méchants’ extérieurs, devient l’objet d’un attendrissement d’autant plus intense qu’il rejaillit sur celui qui l’éprouve … Religion de l’humanité … modéles ou grands hommes et ‘gentils’ à fêter (Panthéon…) … et pour certains ‘méchants’ officiellement haïs. » (Rémi Brague) – Le bouc émissaire devient le complément indispensable à la bonté native de l’humanité.

« Lorsque des individus entretiennent un rapport inconditionnel avec des idées millénaristes, ils pensent qu’ils n’ont rien à perdre … Aucun sacrifice n’est excessif pour celui qui croit qu’il en sera bientôt infiniment récompensé … Et rien n’est plus grand que la réalisation d’un destin collectif, autorisant toute les exactions. » (Gérald Bronner – Déchéance de rationalité) – Terrorisme certes, mais aussi suicides collectifs au sein de sectes. 

« Depuis que la division qui opposait le totalitarisme aux démocraties (écroulement de l’ex-URSS) a disparu, nous sommes orphelins d’une antithèse qui rendait beaucoup de services. Pour toute réflexion guettée par le doute, le manichéisme reste la béquille idéale. » (Pascal Bruckner)

« Un coupable presque parfait, la construction du bouc émissaire blanc …. par les victimes professionnelles… » (Pascal Bruckner)

« L’existence du bouc émissaire occidental est une béquille dont on ne peut se passer. » (Pascal Bruckner)

« Ce qui fait du monde occidental le bouc émissaire par excellence, c’est qu’il reconnaît ses crimes, par la voix de ses consciences les plus lucides, de Bartolomé de las Casas à … Il a inventé la conscience malheureuse … Au contraire d’autres empires qui peinent  à reconnaître leurs forfaits, de l’empire ottoman à… (Pascal Bruckner)

 « Pour empêcher le troupeau de rugir et de tout piétiner, il faut le distraire (matchs de football et télévision stupide). Il faut aussi l’effrayer pour le mobiliser, car faute d’être hanté par toutes sortes de peurs et de démons, le troupeau pourrait commencer à penser, et il n’a aucune des compétences requises pour ce faire … Après l’épuisement du disque ‘les Russes arrivent’, il a fallu trouver de nouveaux diables dans la boîte à malice, d’où l’invention d’un Saddam Hussein, le nouvel Hitler qui allait conquérir le monde. » (Noam Chomsky)

« Dans la téléréalité, on regarde comment un groupe se ligue contre quelqu’un et le pousse à être éliminé. Mais ce mécanisme existe à l’état brut dans les établissements scolaires… » (Monique Dagnaud)

« Se ruer sur un bouc émissaire, ou lyncher publiquement quelqu’un, conduit bien souvent à un défouloir barbare et immonde. » (Séverine Danflous) – Notre société dépravée adore se vautrer dans la boue.

« Il s’est produit peu à peu un déplacement allant du démon aux hommes, justifiant ainsi différentes formes d’hostilité …. Démonologie présente dans le monde et pas seulement dans le christianisme … Le danger  est de faire porter à autrui le poids du démoniaque et de le juger dès lors comme un ennemi qu’il faut abattre à tout prix. » (Marie-Madeleine Davy) – Il est aisé de trouver ces traces dans les mouvements extrêmes anti…… en tout genre, y compris anti-masculin, ces mouvements qu’il faut qualifier de féroces qui prolifèrent aujourd’hui.

« Le judaïsme est protégé par Auschwitz, le protestantisme par sa discrétion, l’orthodoxie par notre ignorance et l’islam par l’antiracisme. On prend sa revanche sur le catho. C’est le bouc émissaire le meilleur marché. Là, pas de danger de représailles. » (Régis Debray) – L’islam est également protégé par sa capacité de réaction !

« La création du bouc émissaire représente le processus mental majeur de l’âge moderne … Permet la désignation d’hommes indignes, radicalement séparés, donc livrés au mépris radical du justicier … ‘Nettoyer la terre russe de tous les insectes nuisibles’ (Lénine) … Notre société fourmille de justiciers, triant sans un soupçon de doute les bons et les méchants des époques révolues, dénonçant, stigmatisant, poursuivant de leur vindicte et ruminant la haine, toujours sur le ton sentencieux et dominateur du procureur … Subsistance de la pensée manichéenne qui produisit les totalitarismes … La responsabilité personnelle due à l’acte tend à s’effacer devant la responsabilité collective qui soupçonne d’entrée la victime et le coupable, par leur appartenance au groupe victime ou au groupe coupable … Vision fausse d’un monde habité par des anges et des démons. » (Chantal Delsol) – Suivant les époques et les lieux : Juifs, Aristocrates, Bourgeois, Koulaks, Prêtres, Gens de souche… ou tout simplement  les gêneurs.

« Le sacrifice, le rituel par excellence, refait les gestes qui ont amené le dénouement de la crise (alors que les interdits, les règles et les obligations résultent de l’impératif de ne pas refaire les gestes qui sont à l’origine de la crise) … Il reproduit … la résolution de la crise, et cherche à en réactiver les effets ordonnateurs et cathartiques … Une victime de rechange est substituée à la victime émissaire originale, et la propension de la violence à se donner des objets de rechange permet à la communauté de se purger efficacement de sa violence contre cette nouvelle victime. » (Paul Dumouchel)

« L’histoire de l’humanité, c’est l’histoire de l’évolution endogène des systèmes sacrificiels, la civilisation faisant des bonds en avant lorsqu’on substitue à la victime humaine un tenant-lieu, un symbole, d’abord un animal, puis des végétaux, puis des entités symboliques abstraites. C’est l’histoire de la symbolisation. » (Jean-Pierre Dupuy)

« Le mécanisme du bouc émissaire, par lequel un groupe humain fait retomber ses torts sur un individu ou un groupe innocents, ou en tout cas pas plus coupables que d’autres, ne fonctionne vraiment que  … si les persécuteurs ne savent pas ce qu’ils font. » (Jean-Pierre Dupuy)

« Mieux vaut qu’un seul homme meure à la place du peuple. » (Evangiles, recommandation du grand-prêtre Caïphe) – Combien de fois cet argument implicite n’a-t-il pas justifié les sacrifices rituels, explicite n’a-t-il pas servi à couvrir l’injustice.

« Il n’y a pas d’union sans union sacrée et pas d’union sacrée sans victime expiatoire. Privée de l’aliment de la haine, la fraternité dépérirait : pour exister, elle a besoin de chair fraîche. » (Alain Finkielkraut) – C’est peut-être pourquoi tout pouvoir, fabriquant de l’Histoire officielle, tend à pérenniser, en les exacerbant même, les vieux fantasmes, en …ismes ou …istes.

« Il est toujours possible d’unir les uns aux autres par les liens de l’amour une assez grande masse d’hommes, à condition qu’il en reste d’autres en dehors d’elle pour recevoir les coups. » (Sigmund Freud)

« On se demande seulement avec inquiétude ce que pourront bien entreprendre les soviets une fois qu’ils auront exterminé leurs bourgeois. » (Sigmund Freud) – Que fera le capitalisme lorsqu’il aura liquidé totalement la nature, les poissons, les oiseaux ? Qui liquidera-t-il ? L’homme par l’euthanasie d’abord… 

« C’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitié. Du moment qu’il veut  que vous soyez son ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera même de cultiver votre jardin. » (Julien Freund) – Ceux dont on veut se servir comme bouc émissaire.

« Le religieux invente le sacrifice, le christianisme l’en prive … Dans le judéo-chrétien les victimes sont innocentes et la violence collective coupable. Dans les mythes, les victimes sont coupables et les communautés sont toujours innocentes. » (René Girard)

« La terrible vocation au conflit de l’humanité aurait rendu impossible l’émergence des sociétés humaines si, dans notre histoire pré-chrétienne, chaque fois que le désordre avait atteint un certain degré d’intensité, il n’avait pas produit spontanément son propre antidote sous la forme du lynchage unanime d’un bouc émissaire. Ce qui a engendré non seulement la mythologie et la notion archaïque du sacré, mais encore les sacrifices rituels, dotant ainsi les sociétés humaines des moyens sacrificiels de mettre en échec leur propre violence. » (René Girard)

 « On purge un organisme sain de l’agent pathogène, on ampute, c’est une nécessité, mais qui doit dissimuler son fondement pour ne pas se perpétuer et pour remplir son office, d’où la croyance à la différence entre : violence bonne ou mauvaise, remède ou poison, transcendante et pure ou immanente et impure … La communauté ne peut se réconcilier que dans la conviction partagée mais absolue d’avoir trouvé la cause unique de tous ses maux, mais l’opération de transfert doit rester méconnue. » (René Girard)

« Pour que le soupçon de chacun contre chacun devienne la conviction de tous contre un seul, rien ou presque n’est nécessaire … La conviction fait boule de neige, chacun déduisant la sienne de celle des autres sous l’effet d’une ‘mimésis’ quasi instantanée. La vérification s’effectue par l’unanimité de la déraison. » (René Girard)

« L’expression ‘bouc émissaire’ (Lévitique, l’Ancien Testament) a été remplacée (en Eglise) par celle ‘d’Agneau de Dieu’, elle dit bien l’innocence et l’absence de cause. » (René Girard)

« La ferme croyance de tous n’exige pas d’autre vérification que l’unanimité irrésistible de sa propre déraison. » (René Girard)

« Le rite du sacrifice a une fonction économique, il substitue une victime unique à toutes les victimes potentielles de la violence spontanée, il permet ainsi d’éviter des débordements … Le sacrifice est un moyen préventif, le rituel de la violence a une fonction cathartique, il purge la collectivité de ses germes de dissension en polarisant sur une victime ‘qui ne sera pas vengée’, les tensions agressives de tous. » (René Girard)

« La victime émissaire n’est pas symbole du passage du chaos à l’ordre, elle est ce qui assure ce passage, elle s’identifie à lui … Il est le mécanisme qui permet de passer de la ‘guerre de tous contre tous’ à la ‘guerre de tous contre un seul’ .. Du ’chacun contre chacun’ au ‘tous contre un’ … Une victime innocente est le prix de l’apaisement général.» (René Girard)

« Un bouc émissaire reste efficace aussi longtemps que nous croyons à sa culpabilité. Avoir un bouc émissaire, c’est ne pas savoir qu’on l’a. Apprendre qu’on en a un, c’est le perdre a tout jamais, c’est tomber de haut, apprendre qu’on s’est criminellement trompé, et s’exposer à des conflits mimétiques sans résolution possible. Telle est la loi implacable de la montée aux extrêmes. »  (René Girard)

« Le sacrifice polarise sur la victime des germes de dissension partout répandus et il les dissipe en leur proposant un assouvissement partiel … Ce sont les dissensions, les rivalités, les jalousies, les querelles entre proches que le sacrifice prétend d’abord éliminer, c’est l’harmonie de la communauté qu’il restaure, c’est l’unité sociale qu’il renforce. » (René Girard)

« Quand la violence devient unanime, c’est que la victime est devenue l’incarnation collective de tous les scandales, et que chaque témoin éprouve sa mise à mort comme la destruction de son propre scandale, c’est-à-dire comme une libération personnelle. Quand cette  mise à mort a lieu, la paix revient immédiatement et la meute se dissout. » (René Girard)

« La découverte de l’innocence de la victime dérange, puisqu’elle coïncide forcément avec la découverte de notre culpabilité. » (René Girard)

« Partout et toujours lorsque les hommes ne peuvent pas ou n’osent pas s’en prendre à l’objet qui motive leur colère, ils se cherchent inconsciemment des substituts, et le plus souvent ils en trouvent. » (René Girard)

« Le Christ a révélé aux hommes l’inanité des sacrifices et leur a retiré leurs béquilles sacrificielles … La Croix inverse la structure archaïque du sacrifice, la victime n’est pas coupable, elle n’a donc plus le pouvoir d’absorber la violence … Elle (la Croix) est la révélation d’une vérité déstabilisatrice sur le plan social. » (René Girard)

« ‘Et, ce même jour, Hérode et Pilate devinrent deux amis, d’ennemis qu’ils étaient auparavant’, (aux dépens de Jésus). Le bouc émissaire commun, symbolique ou réel, opère un rapprochement entre les complices. » (René Girard – citant les Evangiles)

« Les ressources sacrificielles sont épuisées, il n’existe plus d’interdits qui puissent faire obstacle aux contagions catastrophiques du désir et de la violence. » (René Girard)

« Les boucs émissaires des maîtres du soupçon : Marx, les capitalistes ; Nietzsche, la morale des esclaves ; Freud, la loi du père… » (René Girard)

« Toutes les cultures comportent des boucs émissaires et des victimes … Pourquoi la preuve de sacrifices humains est-elle considérée comme une insulte envers certains peuples, alors qu’on sait très bien qu’ils ont été pratiqués pendant des millénaires dans le monde entier ? Il faut vraiment être accroché à une vision ‘politiquement correcte’ de l’anthropologie  pour nier l’évidence. » (René Girard) – L’idole Baal des Carthaginois n’était qu’une nounou un peu sévère, les murailles de cranes aztèques n’étaient que de simples collections funéraires des vieux après soins palliatifs etc. etc… La stupidité servile des bien-pensants occidentaux est encore plus terrifiante.

« La lapidation et le fait de précipiter quelqu’un dans le vide sont des formes très répandues de meurtres rituels. Ce sont des exécutions capitales auxquelles tout le monde participe sans que personne ne soit responsable. Participation unanime, mais à distance, sans contact polluant avec la victime … Personne n’a de relation directe avec la victime. Il s’agit là d’une peine de mort unanime, une façon d’unir la communauté … La crise est conclue parce que le meurtre est unanime. » (René Girard)

« Chaque fois que les boucs émissaires fonctionnent réellement en tant que boucs émissaires, ils passent pour des monstres d’iniquité dont la survie de la communauté exige l’expulsion. S’ils n’étaient pas d’abord craints et haïs à l’unanimité, ils ne pourraient pas absorber le cloaque des scandales qui empoisonnent la communauté ; ils ne pourraient pas restaurer la paix. » (René Girard)

« C’est sa violence que la foule en délire expulse en l’imputant à un radicalement Autre … infiniment mauvais, car coupable de la crise qui a ravagé la société … et infiniment bon, car il a donné, par son départ, l’ordre et la paix … Le meurtre du bouc émissaire conclut la crise, parce qu’il est unanime. Le mécanisme du bouc émissaire canalise la violence collective contre un membre de la communauté choisi de façon arbitraire, et cette victime devient l’ennemi de la communauté tout entière, qui ‘in fine’ est réconciliée. » (René Girard) – Mais le judéo-christianisme nous a privé de cette méconnaissance, et donc enlevé son efficacité au mécanisme sacrificiel.

« La grande scène du sacrifice d’Abraham, c’est le renoncement .au sacrifice de l’enfant, partout sous-jacent dans les débuts bibliques et son remplacement par le sacrifice animal … C’est la fin de l’ordre sacrificiel, la fin des sacrifices humains et, en particulier, du sacrifice du fils aîné. » (René Girard)

«  C’est la communauté entière que le sacrifice protège de sa propre violence … qu’il détourne vers des victimes qui lui sont extérieures. Le sacrifice polarise sur la victime des germes de dissension partout répandus et il les dissipe en leur proposant un assouvissement partiel. » (René Girard – La violence et le sacré

« Lorsque la foule est lâchée, elle ne peut que lyncher … Les aboiements de la meute couvriront toujours le cri d’un homme seuL » (Gilles-William Goldnadel) 

« Le caractère inouï de la Révélation évangélique est bien là : en révélant l’innocence des victimes, il disqualifie le sacrifice … En démasquant l’unanimité illégitime des persécuteurs, elle (la Révélation) infléchit virtuellement, toute l’histoire du monde. » (Jean-Claude Guillebaud – reprenant l’analyse de René Girard sur la violence sacrificielle) – « Il a pris en son corps sur la Croix les péchés de tous » (1 Pierre 2, 24 – cité par Raymund Schwager et René Girard) – Indique bien le poids dont est toujours chargé la victime émissaire, le poids du désordre de la communauté persécutrice.

« La société a besoin de traîtres, de boucs, de juifs ou d’épurés, non pas tant pour châtier, condamner, purifier, mais pour faire cesser son angoisse, pour s’unifier elle-même (condamner soulage). » (Jean Guitton)

« Le bouc émissaire devient un symbole du mal qu’il est nécessaire d’écarter de l’ordre social et qui … confirme les autres membres de la communauté dans leur bonté. » (Roland Jaccard)

« De ce que je connais de l’Histoire, je vois que l’humanité ne saurait se passer de boucs émissaires. » (Arthur Koestler)

« C’est comme une loi : ceux à qui leur vie se révèle naufrage partent à la chasse aux coupables. » (Milan Kundera)

« Quand on est sûr qu’il existe une (ou des) valeur universelles, quand on pense qu’il y a ‘une’ vérité, quand on est certain que la Morale est générale et applicable en tous lieux et en tous temps, l’inquisition n‘est pas loin. Et ceux qui en sont les protagonistes vont, dés lors, sacrifier régulièrement un bouc émissaire pour célébrer et conforter l’Universalisme, la Vérité, la Morale, la Science, ou autre Dieu unique du même acabit … L’Universalisme étant toujours le fourrier du totalitarisme. » (Michel Maffesoli) – L’imposition des droits occidentaux de l’homme. 

« Jamais cette notion (le sacrifice) n’a pu dériver de la raison, puisqu’elle la contredit, ni de l’ignorance, qui n’a pu inventer un expédient aussi inexplicable, ni de l’artifice des rois et des prêtres en vue de dominer sur le peuple. Cette doctrine n’a aucun rapport avec cette fin. Nous la trouvons plantée dans l’esprit des sauvages … qui n’ont ni rois ni prêtres … Cette croyance ne souffre aucune exception de temps ni de lieu, nations antiques ou modernes, civilisées ou barbares, époques de science ou de simplicité … On peut la considérer seulement dans son rapport avec le dogme universel et aussi ancien que le monde, de la réversibilité des douleurs de l’innocence au profit des coupables … Les hommes n’ont jamais douté que l’innocence puisse satisfaire pour le crime ; et ils ont cru de plus qu’il y avait dans le sang une force expiatrice ; de manière que la vie, qui est le sang, pouvait racheter une autre vie. » (Joseph de Maistre)

« Si un jour on doit ne plus comprendre pourquoi u homme a pu donner sa vie pour quelque chose qui le dépasse, ce sera la fin de tout un monde, peut-être de toute une civilisation. » (Hélie de Saint Marc)

« S’élever contre les fautes d’autrui pour mieux goûter sa propre vertu … la conscience malheureuse garant de la vertu … La fausse indignation qui se soucie moins de justice que de vengeance pour alimenter sa colère, selon Nietzsche, sous le masque généreux de la justice se cache le visage haineux de l’esprit de vengeance … le ressentiment est l’ancrage de la vengeance dans l’idéologie … Protestations jouées ou commisérations apitoyées qui ne tardent pas à révéler l’idéologie humanitaire qui les anime : on s’indigne en chœur de la violence, de la pédophilie, du profit, en constituant des hypostases, moins des êtres de raison que des êtres de passion … L’indignation collective appelle invinciblement la culpabilité collective et, à terme, la punition collective. L’enivrement s’enivre ici de sa propre force, vertige totalitaire des indignations collectives qui, toute miséricorde oubliée, se livrent à des délices de vengeance sur des abstractions idéalisées. » (Jean-François Mattéi) – L’édification des boucs émissaires.

« Ce rite (le bouc émissaire) qui remonte à la nuit des temps rend possible le processus de dénégation : en déplaçant la faute sur un tiers objet, on la transfère sur celui qui n’en est pas coupable, ni, donc, responsable. » (Michel Onfray) – C’est bien pratique, d’où son utilisation intensive de nos jours par le petit monde politico-médiatique dominant.

« A la réciprocité violente de ‘tous contre tous’ (livre de l’Apocalypse) , de la violence non sacrificielle succède l’unanimité violente de ‘tous contre un seul’ de la violence sacrificielle. » (Christine Orsini – reprenant les thèses de René Girard)

« Le mécanisme sacralisant ne peut plus avoir beaucoup d’efficacité dés lors qu’on devient capable de repérer dans le mécanisme du bouc émissaire cette tendance fondamentale qu’ont les hommes à se débarrasser de leur propre violence aux dépens d’une quelconque victime. » (Christine Orsini – reprenant les thèses de René Girard)

« Il est des catégories particulièrement exposées à la persécution dans la direction desquelles la foule se porte intentionnellement ou par hasard. Ce sont les minorités, les anormaux sociaux ou physiques, c’est-à-dire aussi bien les déshérités que ceux qui excitent l’envie : les rois et les puissants. » (Christine Orsini  – reprenant les thèses de René Girard)

« Les ‘amis’ de Job sont là pour extorquer des aveux à Job … Non par la violence … Il faut que Job adhère sincèrement à la vérité commune, qu’il accepte de l’incarner lui aussi … Mais Job résiste. » (Christine Orsini – reprenant la thèse de René Girard sur la révélation biblique, l’innocence du bouc émissaire) – A l’inverse des bolcheviques des procès de Moscou qui ‘consentent’ (Le zéro et l’infini).

« Plus personne en Europe n’est prêt à mourir pour une idée, car tout sacrifice suppose une idée qui le légitime. » (Paul-François Paoli – reprenant, entre autres, Régis Debray, et même tout le monde) – Où est la légitimité dans l’Occident relativiste et mécréant ?

« Cet instinct d’imitation et l’absence de courage gouvernent les sociétés comme les foules. Et tout le monde rit de quelqu’un dont on voit se moquer, quitte à le vénérer dix ans plus tard dans un cercle où il est admiré. » (Marcel Proust)

« Pour se venger d’eux-mêmes les mécontents ne manquent jamais d’attaquer le voisin. » (Robert Sabatier)

« Les natures primitives tentent de diminuer la terreur que leur inspirent les puissances inconnues auxquelles elles se sentent soumises, en leur donnant un nom. » (Ernst von Salomon) – En fabriquant des entités servant de repoussoirs, généralement identifiées par des …ismes. Une nature primitive aujourd’hui n’est qu’une nature asservie aux média.

« La volonté générale est rare, elle est peut-être théorique. La haine générale est fréquente, elle est de pratique … La volonté générale ne se forme que par l’animosité, elle ne se forme que parce que (le corps social) en est la victime. L’union se fait sur l’expulsion. » (Michel Serres – commentant J. J. Rousseau)

– Attention aux faiseurs de Bien invétérés : « Les Nazis étaient convaincus de faire œuvre pie en débarrassant le monde des juifs. Si une catégorie d’individus est représentée pour désigner le Mal absolu, c’est au nom du bien que la lutte contre elle se poursuivra. » (André Stéphane)

« Une action collective ‘positivement qualifiée’ parce qu’elle élimine radicalement l’individu tenu pour responsable d’une action ‘négativement qualifiée’. » (Lévi-Strauss – sur l’élimination du bouc émissaire)

« Lorsque la multitude, égarée par une rage aveugle, se rue sur une victime en poussant des clameurs féroces et que chacun frappe son coup, cette espèce d’épouvantable meurtre en commun semble à tous moins horrible, parce que tous en partagent la solidarité. » (Eugène Sue) – La lapidation biblique où tous étant responsables nul ne l’est, certaines scènes de rue, d’émeute… La meute médiatique moderne est aussi féroce, mais encore plus lâche, elle ne frappe qu’à l’abri.

« Le refus du sacrifice est le refus de la contrepartie. Il n’est rien dans l’univers des choses monnayables ou non qui puisse servir d’équivalence à l’être humain. L’individu est irréductible ; il change, mais ne s’échange pas. » (Raoul Vaneigem – sur tous les idéaux pour lesquels se sacrifier)

« Le monde contemporain souffre de la politisation du malheur. Car, depuis que celui-ci a été politisé, il existe une attitude proprement névrotique à rejeter la société tout en attendant tout de celle-ci … favorisant une logique de suspicion, d’accusation et d’inquisition … tendance à vouloir désigner nommément des responsables . Nietzsche y a vu une forme de haine ayant besoin de boucs émissaires afin de soulager sa hargne contre sa propre impuissance. » (Bertrand Vergely) – « Je souffre, certainement quelqu’un doit en être la cause. » (Nietzsche – La généalogie de la morale)

Nous sommes entrés  dans un « nouveau gouvernement de l’insécurité sociale. Une époque où toutes les grandes idées ayant perdu leur crédibilité, la crainte d’un ennemi chimérique est tout ce qui reste aux hommes politiques pour assurer leur pouvoir. » (Loïc Wacquant)

« Les religions ont inventé le bouc émissaire pour mettre fin aux sacrifices des enfants si courant il y a des millénaires. » (?) – Le refus du sacrifice d’Abraham par Dieu.

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