075,1 – Bien / Mal ; Bonté / Méchanceté ; Bien-pensants ; Méchants

– Le premier terme ne nécessite aucun commentaire. Tout le monde comprend. D’ailleurs ce qu’il recouvre est tellement présent dans nos démocraties occidentales qu’il ne viendrait à personne d’évoquer ici un axe du Bien, alors que périodiquement ailleurs se dresse un horrible axe du Mal.

– Donc ici, et pour nos actes aucune définition du second terme n’est disponible car ce qu’il pouvait recouvrir n’existe plus vraiment dans une société moderne qui a rejeté l’universelle doctrine de la Chute. Il suffit d’oublier Auschwitz, Le Goulag, Katyn, Dresde, Hiroshima et, plus près de nous, les génocides des Khmers rouges et au Rwanda, de ne pas lire les faits-divers atroces qui se multiplient à notre porte.

– Pour ces derniers, consolons-nous en adoptant la position des benêts des média : l’égarement d’un instant n’est qu’un déplorable incident qui doit être soigné vite fait bien fait. Dormez en paix bonnes gens, les psy. savent faire.

– Peut-être le mal n’est-il présent en ce monde que pour tempérer notre orgueil satisfait, nous rappeler nos limites ? Ou parce que, sans lui, le bien n’existerait pas ; monde sans couleur. L’existence du Mal est le prix de la liberté, du libre arbitre.

– « Le camp du Bien est celui du déni … Après un attentat, le plus urgent semble être d’écarter les faits .. L’allergie à la réalité devient, après le gluten, la nouvelle allergie à la mode. » (Marc Reisinger)

– Nier la notion de péché originel (présente en toute religion), marquant toutes les innombrables générations, c’est se coucher devant le mal ; attitude d’aujourd’hui.  

– La fable de La Fontaine, L’ours et le jardinier, dans laquelle l’ours écrase la figure de son ami pour le délivrer d’une mouche qui l’importunait dans son sommeil, s’applique à tous ceux, tous les pouvoirs, qui se sont livrés au Mal pour imposer le Bien, et ils sont nombreux tout au long de l’Histoire. Ils sont même de plus en plus nombreux, en Occident comme ailleurs, c’est une façon pleine d’élégante vertu de garantir son pouvoir.

– Le Moyen Âge, lui au moins savait montrer le Mal, ce qui prouve qu’il n’en avait pas peur et savait l’affronter ; en témoignent notamment les extraordinaires sculptures de ses cathédrales et de leurs porches, la peinture d’un Jérôme Bosh. Ses danses macabres montrent aussi qu’il n’avait pas notre trouille de la mort, pourtant autrement plus dure alors. Nos pères n’étaient pas les freluquets actuels, c’est bien pourquoi ces derniers les méprisent clairement.

– Attention aux faiseurs de Bien invétérés : « Les Nazis étaient convaincus de faire œuvre pie en débarrassant le monde des juifs. Si une catégorie d’individus est représentée pour désigner le Mal absolu, c’est au nom du bien que la lutte contre elle se poursuivra. » (André Stéphane)

– Aujourd’hui la seule question n’est plus de savoir si c’est bien ou mal, seulement de savoir si on a le droit, et surtout si on risque de se faire prendre.

– Heureux sont et seront ceux qui peuvent au soir de leur vie affirmer que, pour leur faible part : ils laissent le monde meilleur qu’ils ne l’ont trouvé en arrivant. (promesse scoute)

 – « Le prétexte ordinaire de ceux qui font le malheur des autres est qu’ils veulent leur bien. » (Vauvenargues)

– « Après avoir livré un combat acharné contre le réchauffement climatique, après avoir soutenu Meetoo, après avoir lutté contre le virus de Wuhan et nous être confinés, nous voici toujours en vaillants petits soldats sommés d’étrangler l’hydre raciste. Décidément, les humains soucieux de s’enrôler sous la bannière du Bien ne ménagent pas leurs efforts pour des causes perdues. » (Roland Jaccard) 

– « En Occident il n’existe plus aujourd’hui, fondamentalement, ni de Bien ni de Mal. Pour notre société moderne il n’y a plus désormais, en matière de règle, que du permis ou de l’interdit… » (François Dubreil)

-« On ne sait plus ni dire le bien ni désigner le mal ; on ne fait que s’en offenser. » (Frédéric Ferney – désignant la posture du lâche, de l’impuissant, du lamentable indigné de notre époque)

-« Rien n’est blanc ou noir, et le blanc, c’est souvent du noir qui se cache et le noir, c’est parfois le blanc qui s’est fait avoir. »  (Romain Gary)

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« Il est un critère quasiment infaillible pour savoir si quelqu’un vous veut du bien : la manière dont il rapporte les déclarations inamicales ou hostiles à votre égard. Le plus souvent de tels ragots sont inutiles, simples prétextes à laisser transpirer la malveillance sans en assumer la responsabilité, voire même au nom du bien. » (Theodor Adorno)

« Avant le péché originel, l’homme connaissait le bien et le mal : le bien par expérience, le mal par science. Mais depuis le péché, l’homme connaît le mal par expérience, le bien par science seulement. » (Honoré d’Autun – cité par Giorgio Agamben)

« De la radicalité du mal découle qu’il ne peut en aucun cas être extirpé, et surtout pas par une politique vertueuse. » (Myriam Revault d’Allonnes)

« Une créature naturellement impeccable (incapable de commettre le mal) est chose impossible, le concept même en est contradictoire. » (saint Thomas d’Aquin)

« C’est dans le vide de la pensée et l’incapacité d’être ému que le Mal s’inscrit. » (Hannah Arendt)

« Le mal qui sort de son repaire vient effrontément détruire le monde commun ; le bien qui sort de sa réclusion pour jouer un rôle public cesse d’être  bon, il se corrompt intérieurement et, partout où il va, porte sa corruption’ … Le bien peut être l’ennemi mortel du domaine public. » (Hannah Arendt) « La conversion de la politique en morale accompagne la transformation de la société en nurserie … Ce qui est mal c’est de dire qu’on fait la guerre pour le bien alors qu’on la fait pour le pétrole. » (Michel Schneider)

« Le mal humain est sans limite quand il ne suscite aucun remords, quand ses actes sont oubliés aussitôt commis … Mal dépourvu de pensées … Le mal extrême et sans limite n’est possible qu’en l’absence de ces racines auto-développées qui limitent automatiquement les possibles … Le pire mal perpétré est celui qui est commis par personne, c’est-à-dire par des êtres humains qui refusent d’être des personnes (ceux qui refusent de penser) … Le pire mal n’est pas radical, il n’a pas de racines, et parce qu’il n’a pas de racines, il n’a pas de limites ; il peut atteindre des extrêmes impensables … Si je refuse de me souvenir, je suis prêt à tout.» (Hannah Arendt) – C’est bien pourquoi le mal ne va qu’empirer dans les sociétés modernes moralement corrompues qui éradiquent toutes racines (lesquelles s’établissent par la pensée et le souvenir), empêchent de penser pour imposer la dictature du conformisme, dévaluent la fonction du souvenir par haine du passé.

« Le mal devient ‘banal’ dès qu’on ne se pose plus de questions … Eichmann n’a pas obéi aux ordres par conviction, mais par absence de conviction. » (Hannah Arendt)  – Le relativisme et la tolérance tous azimuts vont bien aider.

« Le mal radical existe mais pas le bien radical. Le mal radical naît toujours lorsque l’on espère un bien radical. Il ne peut y avoir de bien et de mal qu’entre les hommes qui ont des relations entre eux. La radicalité détruit la relativité et de ce fait les relations elles-mêmes. Le mal radical est voulu indépendamment des hommes et des relations qui existent entre eux » (Hannah Arendt)

« Dans toute action, comme dans tout choix, le Bien est la fin, car c’est en vue de cette fin qu’on accomplit toujours le reste … Mais ce ne sont pas là des fins parfaites alors que le Bien suprême est de toute évidence quelque chose de parfait … Nous appelons parfait au sens absolu ce qui est toujours désirable en soi-même et ne l’est jamais en vue d’une autre chose … Il est ce qui se suffit à lui-même … ce qui, pris à part de tout le reste, rend la vie désirable et n’a besoin de rien d’autre … Or tel est, nous semble-t-il le caractère du bonheur … L’honneur, le plaisir, l’intelligence … sont des biens que nous choisissons sûrement pour eux-mêmes, mais nous les choisissons aussi en vue du bonheur  car c’est par leur intermédiaire que nous pensons devenir heureux. Par contre, le bonheur n’est jamais choisi en vue de ces biens, ni d’une manière générale en vue d’autre chose que lui-même. » (Aristote – Ethique à Nicomaque)

« Le bien est voulu, il est le résultat d’un acte ; le mal est permanent. » (Antonin Artaud)

« L’homme est souillé par le péché du premier homme. » (saint Augustin) – Le péché originel signifie aussi que l’homme ne peut être son propre rédempteur, qu’il ne peut se laver de cette tache par lui-même, sans aide extérieure.

« Quand tu as fait du bien et qu’ainsi … cela t’a fait du bien, vas-tu encore chercher, comme les insensés, en plus de ces deux choses, une troisième : celle d’être considéré comme un bienfaiteur ou d’être payé de retour ? » (Marc-Aurèle)

« Les maux sont très rares par rapport à l’existence puisque celle-ci est le Bien  entièrement ou majoritairement … La totalité de la cause du Mal ne se trouve que dans ce qui est en dessous de la sphère de la lune, et l’ensemble de ce qui est sous la sphère de la lune est insignifiant par comparaison avec le reste de l’être. » (Avicenne) – « Le bien stocké en sécurité au dessus de la sphère de la lune, rien n’empêchait l’homme antique et médiéval de reconnaître que le mal affecte de plein fouet le domaine restreint  dans lequel il se trouve confiné. » (Rémi Brague) – Le thème persistant de la rareté du Mal et de sa limitation à notre espace, le Mal comme exception.

 « Il importe de briser l’idée sotte, mais répandue, qui fait que l’on identifie (positivement ou négativement) le péché au plaisir … La réduction du péché au plaisir, et au plaisir sexuel, est un phénomène datable. Il ne vient pas du christianisme (qui ne fait guère là que de reprendre les lieux communs philosophiques ou médicaux de l‘Antiquité classique ou du monde médiéval : Dante place le péché de la chair, comme le moins grave de tous, au tout début de son ‘Enfer’.) Ladite réduction coïncide avec la rationalisation de l’esprit occidental lié à l’économie capitaliste et aux Lumières : il fallait promouvoir le sérieux du travail, l’épargne, ne pas mettre sa santé en péril .… La réduction du péché à la sexualité est un des signes de l’effrayant manque d’imagination de l’homme moderne : ne pas trouver de péché plus intéressant que les excès sexuels me semble le symptôme d’une grave platitude d’esprit … Le péché ne coïncide nullement avec le plaisir par rapport auquel il est indifférent … Il est des péchés dont l’exercice même est un déplaisir, le meilleur exemple est sans doute le péché d’envie, lequel n’a rien de subalterne (il figure dans les sept péchés capitaux). » (Rémi Brague)

« On ne peut accroître le Bien d’un côté sans accroître le Mal d’un autre. » (Jean Baechler) – La pollution…

« Dés que le mal est intégré dans l’ordre de la nature, son concept aussi bien que celui de Dieu sont supprimés. » (Père Hans Urs Von Balthasar)

« La charité se fait souvent complice du crime. » (Balzac)

« Si vous ne voulez pas Sade, vous n’aurez pas Mozart … Ils procèdent de la même pâte humaine. Et notre époque qui veut à tout prix éradiquer le crime se prive ainsi de génie. » (Olivier Bardolle) – Elle le prétend, certes, mais ne le veut même pas, sinon elle serait moins lâche envers les criminels.

« L’extension de l’empire du Bien (conformisme, mesquinerie, surveillance, jugement moral), et de ses myriades de mesures politiquement correctes et sécuritaires, constitue sans doute l’entreprise progressiste la plus ambitieuse de ce nouveau siècle encore balbutiant. » (Olivier Bardolle) – Médiocre, et surtout, dangereuse ambition.

« Ce qui me parut beaucoup plus grave ce fut la découverte que les enjeux de cette guerre et de toute guerre future n’étaient plus territoriaux ou nationaux, autrement dit égoîstes, mais qu’ils avaient changé de nature, qu’ils étaient devenus métaphysiques,  dangereusement métaphysiques. » (Maurice Bardèche – à propos de la Seconde guerre mondiale) – On sait qu’il n’y a pas de pire barbare, de plus sadique bourreau, de plus abject tortionnaire que celui qui prétend agir au nom du bien.

« Procédé dit de la ‘Vaccine’ : un peu de mal avoué dispense de reconnaître beaucoup de mal caché … On inocule un mal contingent pour prévenir un mal essentiel … Le mal immanent de la servitude est racheté par le bien transcendant de la religion, de la patrie, de l’Eglise (de l’institution en général) … Procédé de mystification qui consiste à vacciner le public d’une pointe de mal, pour mieux ensuite le plonger dans un Bien Moral désormais immunisé … Confesser le mal par une petite inoculation de mal accidentel d’une institution de classe pour mieux en masquer le mal principiel. On immunise l’imaginaire collectif par une petite inoculation de mal reconnu … On reconnaît quelques subversions localisées… » (Roland Barthes – Mythologies) – Bien sûr nous ne sommes pas parfaits … Oui, assurément, là nous avons commis  une erreur …

« Oh ! non, il nous faut un Dieu, pour reporter à quelqu’un le bien et le mal. » (le cri solitaire de Marie Bashkirtseff, dont si grande était la soif de vivre, et qui si tôt s’éteignit, selon Lucien Jerphagnon)

« C’est au non-sens qu’il faut assimiler le mal … Le contraire du mal n’est pas le bien mais le sens. » (Lytta Basset)

« L’excès de mal est sans consistance … mais Job tente de s’y établir comme on s’installe dans la dépression ; c’est désormais son seul pouvoir : s’associer aux forces de destruction dont il est la proie, redoubler lui-même leur maléfice. » (Lytta Basset)

« Tout se passe comme s’il fallait à tout prix que quelqu’un prenne en charge le mal subi pour lui donner sens : ou bien un autre et cette prise en charge est exigée notamment de Dieu, sur le mode de l’accusation ; ou bien la personne qui en est victime, et cette prise en charge a pour nom la culpabilité ou la malédiction … De même que le mal nous agresse et nous détruit, notre réaction sera soit accusation d’autrui ou autojustification, soit autoagression ou auto-accusation (je mérite ce qui m’arrive, donc je ne souffre pas sans raison). » (Lytta Basset) – En final, doctrine dite de la rétribution.

 « La doctrine du péché originel est la plus ancienne tentative de comprendre le mal par la faute … Le mythe du paradis primordial a exactement pour fonction ce refoulement du mal hors de notre existence individuelle, au moins à ses débuts … Le paradis est à jamais inaccessible mais croire tout de même à son existence permet, en contrepartie, de se fermer les yeux sur la réalité de l’abîme du mal. » (Lytta Basset)

« La connaissance du Mal est un leurre … Dans la mesure où  le mal est ce qui fait mal, il ne se défera jamais de la particularité de quiconque le subit ; nul ne peut l’objectiver, en faire un objet de connaissance ; nous ne le pouvons même pas pour nous-mêmes. En effet le vif du mal en excès paralyse notre réflexion. » (Lytta Basset)

« L’existence au quotidien atteste la confusion constante entre  bon et mauvais : combien de malheurs se transforment en bénédictions, combien d’événements jugés bons s’avèrent un jour empoisonnés ! » (Lytta Basset) – On peut aussi se demander comment les événements auraient tourné si tel succès de jadis avait été un échec, et vice-versa.

« ‘Pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font’ : ils sont en proie au mal mais convaincus de faire le bien. Ils ne savent pas la portée, la valeur ultime de ce qu’ils font, ils se trompent sans cesse de bien et de mal ; ils voient le mal là où il n’est pas et ils ne le voient pas là où il est … Le Christ s’abstient de dire : ils ne voient pas ‘le mal’ qu’ils font. » (Lytta Basset – citant les Evangiles)

« Le premier commandement donné à l’humanité : tu ne maîtriseras pas le Bien et le Mal, tu renonceras à en connaître l’origine, la fin et la nature, sinon tu mettras en danger ta propre vie … Notre fantasme le plus meurtrier, celuide la maîtrise du Bien et du Mal … La transgression de l’interdit concernant le Bien et le Mal met avant tout autrui en danger : dés que nous prétendons connaître le Bien et le Mal, autrui n’est plus autre mais il est réduit au mal que nous croyons cerner et que nous projetons sur lui. Ou encore, nous imposons à autrui ce que nous avons décidé être le Bien, et il perd à la fois sa liberté et son altérité … Objectiver le mal, c’est le réduire aux contours de l’objet (de l’être) qui l’a causé, réellement ou imaginairement … Or jamais le mal ne se confond totalement avec ce, celui, ou celle qui l’a provoqué. » (Lytta Basset) – Suite de considérations éparses sur le Bien et le Mal.

« La délation érigée en vertu civique (les campagnes ‘Balancetonporc’ et ‘Meetoo’) … La lutte au nom du bien se permet tout. Tout est bon contre le cochon. » (Eugénie Bastié) 

« Le mal se fait sans effort, ‘naturellement’, par fatalité ; le bien est toujours le produit d’un art. » (Baudelaire)

« Le spectacle ennuyeux de l’immortel péché. » (Baudelaire)

« Nous croyons naïvement que le progrès du Bien … correspond à une défaite du Mal. Personne ne semble avoir compris que le Bien et le Mal montent en puissance en même temps et suivant le même mouvement … Le Mal absolu naît de l’excès du Bien, de sa progression, d’une morale totalitaire, d’une volonté radicale et sans opposition de bien faire. Ce Bien se retourne dès lors en son contraire, le Mal absolu. » (Jean Baudrillard)

« Le rêve de la pluralité, c’est que les différences s’échangent comme des qualités positives. Tandis que ce qui triomphe toujours dans l’échange des différences, dans le dialogue, c’est l’échange et l’addition des qualités négatives. La fusion tourne toujours à la confusion, et le contact à la contamination … C’est une des formes du principe du Mal qu’il procède toujours plus vite que le bien. » (Jean Baudrillard)

« A force de pourchasser en nous la part maudite et de ne laisser rayonner que les valeurs positives, nous sommes devenus dramatiquement vulnérables à la moindre attaque virale, dont celle de l’ayatollah (Khomeiny et l’affaire Rushdie). Nous n’avons à lui opposer que les droits de l’homme, maigre ressource, et qui fait de toute façon partie de la déficience politique immunitaire. Et d’ailleurs, au nom des droits de l’homme, nous finissons par traiter l’ayatollah de ‘Mal absolu’ (Mitterrand), c’est-à-dire par nous aligner sur son imprécation, en contradiction avec les règles d’un discours éclairé. Est-ce qu’on traite aujourd’hui un fou de ‘fou’ ? On ne traite même plus un handicapé de ‘handicapé, tellement nous avons peur du Mal, tellement nous nous gorgeons d’euphémismes pour éviter de désigner l’Autre, le malheur, l’irréductible. Nous ne savons plus dire le Mal. » (Jean Baudrillard)

« Le principe du Mal n’est pas moral. C’est un principe de déséquilibre et de vertige, un principe de complexité et d’étrangeté, un principe de séduction, un principe d’incompatibilité, d’antagonisme et d’irréductibilité … C’est un principe vital de déliaison … Toute tentative de rachat de la part maudite, de rachat du principe du Mal ne peut qu’instaurer de nouveaux paradis artificiels, les paradis artificiels du consensus qui, eux, sont un véritable principe de mort. » (Jean Baudrillard)

« Il y a une conséquence terrifiante à la production ininterrompue de positivité. Car si la négativité engendre la crise et la critique, la positivité hyperbolique engendre, elle, la catastrophe. Toute structure qui traque, qui expulse, qui exorcise des éléments négatifs court le risque d’une catastrophe par réversion totale. Tout ce qui expurge sa part maudite signe sa propre mort. » (Jean Baudrillard)

« Le Bien consiste en une dialectique du Bien et du Mal. Le Mal consiste en la dénégation de cette dialectique, en la désunion radicale du Bien et du Mal, et, par voie de conséquence, en l’autonomie du principe du Mal. Alors que le Bien suppose la complicité dialectique du Mal, le Mal se fonde en lui-même, en pleine incompatibilité. Il est donc maître du jeu, et c’est le principe du Mal. » (Jean Baudrillard)

« Le Mal est toujours irréel, il est toujours à la solde du Bien. Dans la perspective manichéenne, au contraire, le Mal a son destin propre … Nous semblons voués aujourd’hui à l’homogénéisation du monde par le Bien, et à la réclusion du Mal dans un musée imaginaire … Mais leur complicité est plus étrange, car c’est le Mal qui pousse le Bien (l’accumulation des forces positives) à l’excès et à la dérégulation, et c’est la prolifération du Bien qui libère le pire (la prolifération automatique du bonheur, homologue de la prolifération automatique des cellules) … A travers toutes nos techniques de réalisation inconditionnelle du Bien se profile le Mal absolu … Le Bien, jadis métaphore idéale de l’universel, est devenu une réalité inexorable, celle de la totalisation du monde sous le signe de la technique … Toutes les valeurs transcendantes ayant été absorbées par la technologie, le Bien a conquis l’immanence et, du coup, il a abandonné la transcendance aux forces du Mal … Le Mal pénètre, et n’est pas pénétré. Il connaît et n’est pas connu … Seul le Bien se pose comme tel, le Mal, lui, ne se pose pas … Tout comme le féminin et le masculin ils sont asymétriques. Ils ne sont ni le miroir, ni le complément, ni le contraire l’un de l’autre … … Bien et Mal sont faits d’une même substance, d’une même masse qui d’ailleurs à l’occasion bascule … Non seulement ils ne s’opposent pas mais, réversibles, ils peuvent se changer l’un dans l’autre, et leur distinction à la limite n’a pas de sens … L’irrésistible tendance du Bien à produire des contre-effets négatifs n’a d’égal que l’inclination secrète du Mal à produire finalement le Bien. Les deux rivalisent d’efficacité contradictoire … Si tout le monde est virtuellement sauvé, personne ne l’est plus, le salut n’a plus de sens, s’il n’y a plus de damnés il n’y a plus d’élus… » (Jean Baudrillard  – considérations éparses sur le Bien et le Mal) – S’il n’y a plus de Mal, il n’y a plus de Bien.

« Nous ne savons plus dire le mal. Nous ne savons plus que proférer le discours des droits de l’homme – valeur pieuse, faible, inutile, hypocrite qui repose sur une croyance illuministe en l’attraction naturelle du Bien, sur une idéalité des rapports humains – alors qu’il n’existe évidemment de traitement du mal que par le mal. » (Jean Baudrillard)

« Réaliser techniquement l’équivalent du Royaume de Dieu, c’est-à-dire l’immanence d’un monde entièrement positif … Tentation diabolique de vouloir le règne du Bien, car c’est frayer la voie au Mal absolu. » (Jean Baudrillard) – L’Histoire le prouve surabondamment, et ce n’est pas fini.

« La prolifération du bien à l’infini entraîne la prolifération parallèle de son jumeau, le mal absolu. » (Jean Baudrillard) – Ce que font semblant d’ignorer les croisé(e)s de l’humanitaire, de l’humanisme, de la bien-pensance obligée, les inquisiteurs et inquisitrices, du politiquement correct  qui nous préparent de beaux lendemains !

« La modernité n’a pas rendu les gens cruels ; elle n’a fait qu’inventer un procédé par lequel des actes cruels pouvaient être accomplis par des gens non cruels. Sous le signe de la modernité le mal n’a plus besoin de personnes maléfiques. Des gens rationnels … solidement rivés au réseau impersonnel indifférencié de l’organisation moderne feront très bien l’affaire … La fragmentation des acteurs et des tâches dans les grandes bureaucraties faisant de tout acteur l’interprète d’un rôle. » (Zygmunt Bauman) – Songer à La banalité du mal d’Hannah Arendt à propos du procès Eichmann.

« Il est crucial pour l’avenir que l’art reste une zone incontrôlable par l’Empire du bien … J’aime les moralistes, je hais les moralisateurs … Pourquoi  les êtres les plus humanistes et les plus progressistes finissent toujours par réclamer la censure, l’effacement, l’interdiction ? … Il fait se méfier de la bienveillance car elle a toujours dégénéré en délire sécuritaire … tant qu’il y aura des gentils sauveurs de l’humanité qui voudront imposer leur bonté  à ceux qu’ils auront désigné comme les malveillants. Depuis l’Antiquité, la bienveillance est l’autre visage de l’autoritarisme. » (Frédéric Beigbeder)

« Il est bien connu que le ciel est plus pâle. A cela, une bonne raison : l’enfer est le lieu de nos désirs, c’est là que chutent notre agressivité et notre sexualité. Nous ne pouvons que secrètement préférer l’enfer (d’où la nécessité de la peur) ; et le diable est du côté de nos désirs, il porte les puissances de vie : c’est lui que nous voudrions avoir pour Dieu … Voici revenir la fatale équivoque : puisque Dieu nous a créé comme il a créé le diable et qu’il a la toute-puissance, c’est donc lui, Dieu, qui est en vérité le destructeur, l’odieux, le diable. » (père Maurice Bellet – le Dieu pervers)

« ‘Être contre’ réunit bien plus sûrement qu’être pour’ … Cela permet de s’épargner l’incertitude de construire soi-même. Mais à une condition : accepter que ce soit l’ennemi qui vous définisse, ordonne votre vie … Le fameux ‘quand on aura gagné’, faisant ainsi miroiter le futur,  permet surtout  d’oublier le présent, la vie. S’affronter au ‘mal’ suffit, pense-t-on, à fournir un sens à ce que l’on fait et le bien ne pourra qu’advenir … Les meilleurs pour chasser le mal deviennent les pires sitôt la victoire célébrée. » (Miguel Benasayag, Florence Aubenas)

 « L’humanité faisait le mal mais honorait le bien. Cette contradiction était l’honneur de l’espèce et constituait la fissure par où pouvait se glisser la civilisation … La moralité était violée, mais les notions morales restaient intactes … Si le Moyen Âge pratiqua le réalisme, du moins il ne l’exalta pas. » (Julien Benda) – La contradiction a disparu avec la révolution française et la fin de l’emprise de la chrétienté. L’humanité fait toujours le mal, mais en plus elle l’appelle le Bien.

 « Dans le nouveau monde moral, le mal est clairement circonscrit, il s’incarne dans les propos et les attitudes qui blessent l’égalité, la démocratie, les droits de l’homme. » (Philippe Bénéton)

  « L’égoïsme n’est pas moins présent, mais il se drape désormais dans des atours ‘humanitaires’ s’enrobant dans un discours dont la niaiserie est le trait dominant … ‘La dictature des Bons Sentiments qui, tel un niagara d’eau tiède se déversent quotidiennement sur les masses, aurons-nous le courage de dire que c’est ce moralisme qui est à l’origine de la bêtification contemporaine ?’ (Michel Maffesoli) … L’actualité se concentre sur les grands événements émotionnels (mort de Lady Di… ) traitant sur le mode lacrymal tous les drames de la planète  … avec déferlement de ‘cellules de soutien psychologique’ … Dans l’empire du bien, la compassion et la pitié se situent d’emblée à l’opposé de toute justice sociale … Les dames patronnesses s’appellent aujourd’hui Enfants de don Quichotte et Restos du cœur … Plus ‘d’exploités’, des ‘déshérités’, des ‘exclus’,  des ‘défavorisés’, des ‘plus démunis’ … L’empire du Bien repose sur deux piliers. D’un côté, la dimension victimaire et lacrymale, de l’autre, une normativité ‘hygiéniste’ omniprésente. » (Alain de Benoist – Les démons du bien

« ‘Il faut que nous naissions coupables, sinon Dieu serait injuste’. La moralisation de Dieu implique la culpabilisation de la créature pour expliquer la naissance du mal. L’incarnation du bien absolu par un Dieu unique implique que ce soit l’homme le responsable. » (Alain de Benoist – citant Blaise Pascal)

« L’homme, en tant qu’intelligence euclidienne, complètement rationnelle, ne peut comprendre pourquoi Dieu n’a pas créé un monde sans péché, bienheureux, incapable de mal et de souffrance. Mais un bon monde humain … aurait différé du mauvais monde de Dieu en ce qu’il eût été privé de liberté … L’homme eût été un bon automate … Le mystère du mal est le mystère de la liberté. » (Nicolas Berdiaeff)  – « Karamazov et Dostoïevski auraient maudit cette liberté, cette connaissance du bien et du mal liée à la liberté … Les soupçons de Dostoïevski, que la science du bien et du mal ne témoigne nullement de la grandeur de l’homme, qu’elle est une chute, la chute … Il y eut un moment dans l’histoire du monde où quelqu’un vola aux hommes leur liberté qu’il remplaça  subrepticement par la connaissance. » (Léon Chestov) – Le serpent de la Genèse.

« Le mal jeté n’importe où germe presque sûrement. Au lieu qu’il faut à la moindre semence de bien, pour ne pas être étouffée, une chance extraordinaire, un prodigieux bonheur. » (Georges Bernanos)

« La pleine conscience dans le mal n’est pas de ce monde. Le remords parfait, absolu, ferait jaillir l’enfer dans l’homme, et le consumerait sur place. » (Georges Bernanos)

« Il est assurément beaucoup plus grave, ou du moins beaucoup plus dangereux pour l’homme, de nier le péché originel que de nier Dieu. » (Georges Bernanos) – De nier la permanence du mal en chacun d’entre nous, sans exception.

« Qui voudrait perdre sa vie à ruminer le problème du mal, plutôt que de se jeter en avant ? » (Georges Bernanos)

« Il se peut que l’histoire embrasse un progrès constant et concomitant du bien et du mal. C’est une opinion plausible et raisonnable … Le bon grain et l’ivraie poussent ensemble. » (Alain Besançon)

« Aucune société ne peut impunément refouler la ‘part maudite’ qui la fonde. L’excès de raison conduit à l’absurde. » (Jean-Michel Besnier) – Nous y sommes plongés jusqu’au cou.

« N’émerge aujourd’hui qu’un seul discours : celui du totalitarisme du Bien, le plus dévastateur qui soit. » (Philippe Bilger)

« Celui qui veut faire le bien doit le faire dans les détails minutieux, le bien général est l’excuse du flatteur, de l’hypocrite et du scélérat. » (William Blake – cité par Pierre le Vigan)

« Doit-on favoriser le Mal, le porter à son paroxysme, précipiter donc la catastrophe, afin que la délivrance aussi se rapproche ? ‘Et si la justice existe, qu’elle apparaisse immédiatement’.» (Maurice Blanchot – citant un vers de Bialik – sur l’impatience des utopistes, révolutionnaires, idéalistes forcenés, esprits messianiques, anarchistes sabordeurs, masochistes en tout genre…)

« On n’est plus capable de parler avec conviction du bien et du mal, plus personne ne croit vraiment à quoi que ce soit. » (Allan Bloom)

« Le mieux est l’ennemi du bien, dit-on. – Le Mieux est l’ennemi du Bien, il faut nécessairement que le Bien soit l’ennemi du Mieux… Le Mieux est donc l’ennemi du Bien ; or qu’est-ce que l’ennemi du Bien, sinon le Mal ? Donc le Mieux et le Mal sont identiques. Voilà déjà un peu de lumière, semble-t-il… » (Léon Bloy –  Exégèse des lieux communs – 1, III)

« Ainsi un de tes familiers n’avait pas tort de demander : Si vraiment Dieu existe, d’où vient le mal ? Mais d’où vient le bien, s’il n’existe pas ? » (Boèce)

« Excuser le mal, c’est comme le multiplier. » (Gustave Le Bon)

 « L’humanitarisme constitue au fond un grand ‘y a qu’à’ : l’homme est bon, pas question de péché originel. Le mal résulte de malentendus. Il suffit d’un peu de bonne volonté, et tout s’arrangera. Il suffit d’évier les désaccords par l’éducation et le dialogue, il suffit d’éliminer les quelques rares méchants par une thérapie appropriée. » (Rémi Brague – sur les orgueilleux imbéciles aux mains ensanglantées du camp dit du bien et l’ oubli du tragique de l ’histoire  – Après l’humanisme…) – Et-y-a-t-il une thérapie plus appropriée que l’assassinat pur et simple ?  Toujours au nom du bien tel qu’imposé dans l’Occident dépravé.

« Laisser sa conception du Bien contaminer sa conception du Vrai. » (Gérald Bronner) – Toute la gauche est résumée.

« La possibilité de distinguer le bien du mal (acquise en mangeant du fruit de l’arbre) représente l’effet le plus manifeste de notre possibilité de juge. r» (Gérald Bronner)

« Le mal n’existe pas, il n’y a que de méchantes circonstances … Une certaine ultra-gauche est aussi pessimiste culturellement que la droite la plus conservatrice : loin de promouvoir la liberté, elle incarcère l’individu dans ses conditions de naissance comme la seconde l’assigne à résidence dans ses gênes, son hérédité…» (Pascal Bruckner)

« Tout change quand le mal éclate sur fond de croyance en la bonté humaine ; il devient alors un échec, une hérésie. Nous voici désormais comptable de chaque infraction, manquement, coupables de démoraliser la belle opinion que l’espèce humaine a d’elle même. » (Pascal Bruckner – On prend tout en pleine figure quand on ne peut plus s’abriter derrière le péché originel, derrière la faute primitive, quand l’individu ne peut plus être déchargé d’un poids qui accable le genre humain tout entier).

« C’est toujours par l’angélisme, à partir de cette blancheur-là qu’on fabrique censeurs, tueurs et flicaille en tout genre. (Annie Le Brun)

« Tous les  saints Georges technico-politiques finissent par devenir aussi hideux que le Dragon. » (Jean Brun – sur la lutte contre le Mal)

« De tout temps l’homme a fait moins de réflexion sur le bien que de recherches sur le mal. » (Buffon) – Le contenu de cette rubrique en témoigne !

« Pour triompher le mal n’a besoin que de l’inaction des gens de bien … « Tout ce qu’il faut pour que le mal triomphe c’est que les braves gens ne fassent rien. » (Edmund Burke)

« Ne pas nommer le mal, l’aggrave. » (Albert Camus) – Serait-ce l’objectif de la censure exercée par le gang politico-médiatique qui interdit d’évoquer certains faits, certaines évidences, afin de ne pas même les voir ?

« La société devient de plus en plus brutale, non seulement violente et délinquante, criminelle, mais tout simplement grossière, agressive, nulle, incivile, à mesure qu’elle est plus idéologiquement et médiatiquement bien-pensante ; comme si l’exigence là la libérait de toute contrainte ici, et l’idéologie de la morale. » (Renaud Camus)

« Le mal est l’ombre que l’action jette et qui ne veut du mal, se devra condamner à ne jamais sortir de l’impuissance. » (Albert Caraco)

« Le Bien est une force et non pas un code, un rite ou une loi. » (Jean Cau)

« Pour empêcher Eve de manger la pomme, même la voix de Dieu n’a pas suffi. Une barrière électrifiée … eût été plus efficace. » (Jean Cau)

« Vous avez trop mauvaise opinion des hommes, il se fait beaucoup de bien. Le diable ne peut pas être partout. » (Chamfort)

« Je lui ferais du mal volontiers – Mais il ne vous en a jamais fait – Il faut bien que quelqu’un commence. » (Chamfort)

« Le mal vient toujours de plus loin qu’on ne croit, et ne meurt pas forcément sur la barricade qu’on lui a choisie. » (René Char)

« Un Monde qui ne présenterait plus trace, ou menace de Mal, serait un Monde déjà consommé. » (Père Teilhard de Chardin)

« Les conversions font moins de bruit que les désertions. » (Père Teilhard de Chardin) 

« Si le sens moral se développait en raison du développement de l’intelligence, il y aurait contre-poids et l’humanité grandirait sans danger ; mais … la perception du bien et du mal s’obscurcit à mesure que l’intelligence s’éclaire ; la conscience se rétrécit à mesure que les idées s’élargissent. »(Chateaubriand)

« Le miel et le fiel se composent quelque fois sous les mêmes arbres. » (Chateaubriand)

« Donnons-nous garde, par des louanges imprudentes, de faire naître l’émulation du mal. Les enfants de Sparte allaient à la chasse aux ilotes. » (Chateaubriand – sur la cruauté des enfants, notamment observée lors des troubles et des révolutions)

« Le péché originel est vraiment originel. Non seulement la théologie mais l’histoire enseignent qu’il y a une blessure dés l’origine. Quelles qu’aient été les croyances des hommes, ils ont toujours cru que la race humaine était blessée. » (G. K. Chesterton – sur le mal)

« Nous savons tous qu’il ne convient pas de réduire le mal à n’être qu’un point, ou une tache … L’optimisme est morbide. Plus morbide encore, s’il est possible, que le pessimisme … Il ne s’agit pas de dire que tout est bien ou que tout est mal, ou que tout est bien et mal à la fois ; mais de comprendre que le bien a un droit à être, que le mal n’a pas ; que l’un est à sa place et l’autre pas. » (G. K. Chesterton)

« Sans saint Georges, le dragon n’est même pas grotesque. » (G. K. Chesterton – ce  sont les fous du Bien qui mettent le Mal en valeur)

« C’est pourquoi on a toujours remarqué chez Tolstoï une intolérance de sectaire à l’égard de l’opinion des autres, à l’égard de ceux qui menaient une vie différente de la sienne. Telle est la nature du bien. Qui n’est pas pour lui est contre lui. Et quiconque a reconnu la souveraineté du bien est forcé de diviser ses prochains en bons et en méchants, c’est-à-dire en  amis et en ennemis. » (Léon Chestov – cité par André Glucksmann)

« Timide, dépourvu de dynamisme, le bien est inapte à se communiquer ; le mal, autrement empressé, veut se transmettre, et il y arrive, puisqu’il possède le double privilège d’être fascinant et contagieux. » (Emil Cioran)

« Je fais peu de cas de quiconque se passe du Péché originel. J’y ai recours, quant à moi, dans toutes les circonstances, et, sans lui, je ne vois pas comment j’éviterais une consternation ininterrompue. »(Emil Cioran)  – Outil contre le désespoir.

« Le mal se retirerait-il de notre vie que nous végéterions dans cette perfection monotone du bien, qui, à en juger d’après la Genèse, excédait l’Être même. » (Emil Cioran)

« La tentation d’ignorer le mal est forte parfois, et, face aux horreurs du XX° siècle, le refus de l’exclusion, de la discrimination, de la mort, de la guerre, de la peine capitale, a conduit à des politiques plus ‘douces’, mais, d’une certaine façon, apolitiques, et donc impuissantes à contenir le mal … Par notre aveuglement … la société d’aujourd’hui se prépare probablement à souffrir davantage que celle d’hier. » (Frédéric Saint Clair)  – La lâcheté se paye toujours, mais souvent par les successeurs des bons apôtres.

« Le mal est dans le monde comme un esclave qui fait monter l’eau. » (Paul Claudel) – Il concourt à la réalisation d’un plus grand bien (comme Judas était nécessaire à la Rédemption !). Certes, mais aller dire ça à la mère de l’enfant assassiné !

« Les ailes nous manquent, mais nous avons toujours assez de forces pour tomber. » (Paul Claudel)

« Voler : trouver un objet avant qu’il ne soit perdu. » (Coluche)

« Avoir conscience du mal dans l’univers, n’est-ce pas voir l’immense disproportion qui apparaît entre l’énormité de ce mal historique et la volonté, la banalité des hommes qui en ont été les déclencheurs et les organisateurs ? … Nous voudrions bien que les maux extrêmes soient portés par des êtres essentiellement devenus différents de nous. Nous avons besoin du diable pour nous convaincre que l’humanité n’est pas capable de glisser (d’elle-même) dans le diabolique … De quelles possibilités extrêmes de mal nous sommes porteurs. » (Guy Coq) – Ce qui rejoint la banalité du mal d’Hannah Arendt et sa description d’Eichmann, comme celle du tortionnaire cambodgien Douch vu par François Bizot dans Le portail (selon Guy Coq).

«  Il y aussi, au plan de l’histoire, la symbolique du bon grain et de l’ivraie : tout demeurera mêlé jusqu’à la fin des temps. Ceux qui veulent arracher l’ivraie pour créer le peuple des purs et des parfaits ont toujours été artisans des pires barbaries. » (Guy Coq)  

« Pas de plus grande faute morale en démocratie que de se croire en situation de monopole sur le bien, le juste et le vrai … Au mieux on se passera de l’avis des simples mortels, au pire, on se permettra de les rééduquer, de les psychiatriser, ou même de les enfermer. L’histoire du XX° siècle l’a amplement confirmé … C’est la tentation du fanatisme … La démocratie ne saurait faire l’économie du conflit … Une société qui ne serait que conservatisme serait étouffante et vouée à la muséification, une société qui ne serait que progressisme  serait vouée à la dissolution et à la liquéfaction. » (Mathieu Bock-Côté)

« Le  Mal, c’est clair, ne s’est jamais aussi bien porté que depuis que l’on commémore sans cesse une très hypothétique lutte contre lui … Mobilisation générale pour l’empire du ‘Bien’ qui se proclame fièrement un peu  partout aujourd’hui … Le Mal, c’est-à-dire le règne universel de la Terreur (soit du ‘Bien’ Universel) a de beaux jours devant lui. » (Maurice G. Dantec)

« Le Mal cultive le grandiose et l’emphase, le Bien est débonnaire et sans-façon. » (Régis Debray)

« Contrairement au dualisme de type iranien, essénien ou cathare, le christianisme s’est refusé la facilité manichéenne d’accorder au Mal une substantialité indépendante … Satan est un ange déchu, un ange rebelle, mais un ange encore … Le Mal et le Bien ont même origine, on ne peut se donner le premier sans le second. » (Régis Debray) – Ce qui implique, que l’homme étant coresponsable du Mal, le monde en devient améliorable.

« L’anéantissement complet du mal n’appartient pas à ce monde-ci. » (Chantal Delsol)

« Au nom de quoi serions-nous le critère historique du Bien ? Que vont nous reprocher les siècles prochains ? » (Chantal Delsol) – Ils auront de quoi dire !

 « L’abandon de l’idée de ‘péché originel’, compris comme le mal enraciné dans notre condition, engendre deux conséquences : il devient possible d’espérer la suppression du mal, et il devient nécessaire de situer quelque part la cause du mal … Vision fausse d’un monde habité par des anges et des démons.» (Chantal Delsol)

« On nous dit le bien, on nous dit le mal. Mais rarement on nous dit le vrai. » (Gérard Depardieu)

« Il ne suffit pas de faire le bien, il faut encore le bien faire. » (Diderot)

« As-tu donc oublié que l’homme préfère la paix et même la mort à la liberté de discerner le bien et le mal ? » (le grand inquisiteur de Dostoïevski s’adressant au Christ – Les frères Karamazov ; La légende du  Grand Inquisiteur)

« Aurions-nous oublié le mal ? » (titre d’un livre de Jean-Pierre Dupuy)

« Le mal n’est pas seulement une catégorie morale, propre au jugement normatif, il est aussi un principe d’explication. Il y a un pouvoir causal du mal, irréductible à la logique de l’intérêt. Sous la forme du ressentiment, de l’envie, de la jalousie, de la haine destructrice, le mal peut acquérir une puissance considérable, broyant sur son passage tout ce qui les tenant à distance les uns des autres, permet aux hommes de vivre ensemble. » (Jean-Pierre Dupuy)

« Le scandale, qui n’a pas fini de bouleverser les catégories, qui nous servent encore à juger le monde, c’est qu’un mal immense puisse être aujourd’hui causé par une absence complète de malignité ; qu’une responsabilité monstrueuse puisse aller de pair avec une absence totale d’intentions mauvaises. » (Jean-Pierre Dupuy – à propos du diagnostic très controversé d’Hannah Arendt, la banalité du mal, sur le cas Eichmann) – Mais cette possibilité fait désormais partie de notre univers, penser aux catastrophes techniques.

« Plus le bien est élevé, plus il me faudra payer cher, employer des moyens multiples, pourquoi n’emploierais-je pas tous les moyens. Plus l’objectif est idéal, beau, bon, juste, grandiose, plus nous sommes conduits à user de tous les moyens, car il faut réaliser, accomplir ce Beau, ce Bon, ce Juste. Qu’importent alors les moyens, vils instruments destinés à disparaître dès que la fin sera réalisée. Qui donc se souviendrait encore de ces moyens pénibles lorsque nous jouirons de la parfaite félicité ? Plus les fins que l’homme s’assigne sont nobles, élevées, justes, plus les moyens qu’il emploiera seront immondes et inhumains … Il faut absolument éliminer les affreux fascistes qui préparent la subversion … Et pour atteindre ce but éminemment libéral, juste, républicain et démocratique, tous les moyens sont bons. Il suffit de cela pour prendre au piège passionnel et sentimental un philosophe, pour transformer un non-violent en chef de guerre …  Lorsque les armées françaises de 1794 et suivantes ont conquis et mis en coupe réglée l’Italie, la Suisse, la Hollande, etc. c’était pour les libérer des tyrans et monarques qui les empêchaient d’accéder à la République. Malheureusement, les peuples ainsi libérés ne semblaient pas apprécier cette liberté … Les Mauvais Moyens sont toujours garantis par des Fins Excellentes et c’est toujours pour votre bien  … Mais on n’atteint jamais les Fins, bluff toujours renouvelé de ce qui sera juste demain, renvoi des responsabilités à un futur inexprimable … Les vaincus, ceux dont les moyens avaient été insuffisamment efficaces … Ayez des moyens suffisamment efficaces, et personne ne pourra contester vos Fins … Non contestées, elles attestent par là qu’elles vont dans le sens de l’Histoire, et puisqu’elles vont dans ce  sens, elles justifient vos moyens … Les Fins sont incapables de rien justifier parce qu’elles n’existent pas ; elles sont tout au plus des intentions, des idéologies, des programmes. Mais l’homme qui a de si bonnes intentions, lorsqu’il exerce les moyens du mal se trouve lui-même corrompu par ce mal qu’il fait, et ses bonnes intentions deviennent dérisoires. » (Jacques Ellul – sur ‘la fin justifie les moyens’ – Exégèse des nouveaux lieux communs)

« De la bénigne mauvaise foi qui mobilise toutes les ressources de l’intelligence pour aboutir à cette conclusion tranchée : ‘Ce n’est pas mon problème !’ à la violence exterminatrice, le Mal procède d’abord d’une volonté de punir l’Autre de son intrusion dans mon existence. » (Alain Finkielkraut)

« ‘Aucune civilisation ne cède à une agression extérieure si elle n’a pas d’abord développé un mal qui la rongeait de l’intérieur.’ Ce mal est aujourd’hui d’autant plus redoutable qu’il se présente comme l’accomplissement du bien. » (Alain Finkielkraut – citant Polybe)

« La terreur ? un humanisme pressé …  Le camp d’Abel peut être aussi meurtrier que la violence de Caïn … Bien avant Lénine et sa multiple descendance, c’est Robespierre qui a, le premier, fondé la terreur sur l’amour des malheureux … Deux siècles plus tard, les brigades rouges appliquent le même principe sur…» (Alain Finkielkraut)

« Dire que la souillure du péché originel pèse irrémédiablement sur nous, ce n’est pas endosser la culpabilité d’Adam, ni se résigner à l’injustice, c’est être armé contre la tentation de régler la question du mal par l’élimination des injustes et par l’instauration d’un ordre définitivement égalitaire … La ligne de partage entre le bien et le mal passe entre le cœur de chaque homme. » (Alain Finkielkraut)

« Le mal est (peut être) dans l’élan lui-même, dans le fait de localiser le mal, de lui découvrir une adresse et de se vouer avec une ardeur rédemptrice à son anéantissement … Là où se lève l’aube du Bien, écrit Ikonnikov, les enfants et les vieillards périssent, le sang coule … j’ai pu voir en action la force implacable de l’idée de bien social qui est née dans notre pays. » (Alain Finkielkraut – sur certaines attitudes ‘révolutionnaires’ – commentant Vie et destin, Tout passe de Vassili Grossman)

« Si on me proposait une médaille sans revers, je donnerais toute ma fortune pour l’acheter. » (Henry Ford) – « Tout bien réel projette un mal ; seul le bien imaginaire n’en projette pas. » (Simone Weil)

« Il me semble que le sens de l’évolution de la civilisation n’est plus obscur. Elle doit nécessairement nous montrer le combat entre Eros et mort, pulsion de vie et pulsion destructrice, qui se partagent la domination du monde, tel qu’il se livre à travers l’espèce humaine. » (Sigmund Freud)

Nous avons tendance à « surestimer l’ensemble de l’aptitude à la culture par rapport à la vie pulsionnelle restée primitive, c’est-à-dire que nous sommes  entraînés à juger les hommes ‘meilleurs’ qu’ils ne sont en réalité. » (Sigmund Freud)

« Le caractère insistant du commandement : ‘tu ne tueras point’, nous donne la certitude que nous descendons d’une lignée infiniment longue de meurtriers (hasard, si Caîn est le fils d’Adam et d’Eve, donc dés la deuxième génération ?)… Nous avons acquis ce ‘bien’ par héritage … Un interdit si puissant ne peut se dresser que contre une impulsion d’égale puissance. Ce qu’aucune âme humaine ne désire, on n’a pas besoin de l’interdire, cela s’exclut de soi-même. » (Sigmund Freud) – Cet interdit ne milite nullement en faveur de la force de nos notions morales, bien au contraire dit Freud explicitement

« Des montagnes de cadavres et des fleuves de larmes sont là pour témoigner que l’homme est incapable de déterminer seul le bien et le mal. » (André Frossard)

« Nous ne croyons plus au péché originel depuis que nous le commettons tous les jours, dans la mesure où nous nous attribuons le droit de définir nous-mêmes et librement le bien et le mal, pouvoir désastreux qui a pour résultat de nous brouiller avec notre propre nature. » (André Frossard)

« Les grimaces épouvantables des guignols de la pensée contemporaine qui, sitôt que l’on parle du bien et du mal, prononcent comme un exorcisme les mots fatidiques ‘d’ordre moral’… en serinant jour et nuit que le bien et le mal sont des notions interchangeables, héritées d’un passé obscur, que le bien est affaire de goût, d’appétit, de jugement personnel ; qu’il est inutile de demander à Dieu de nous ‘délivrer du mal’, comme le font les chrétiens, le mal ayant été supprimé par décret philosophique depuis longtemps. »  (André Frossard)

« L’acte libre n’est pas une illusion, même si le choix du mal se cherche des alibis dans la Fortune et la Fatalité. Le choix du Bien, en revanche, en surmontant le poids du corps et l’horizon illusoire du temps, est l’exercice même de la liberté, la participation de l’homme à l’ordre divin, son concours à l’harmonie transcendante de l’univers. » (Marc Fumaroli)

« Le Mal absolu qui avait surgi du sein même  de la passion du Bien. » (Marc Fumaroli – à propos de la Terreur révolutionnaire des années 1791…)

« Staline exterminera des millions d’hommes au nom de la lutte contre la bourgeoisie, Hitler des millions de Juifs au nom de la pureté de la race. » (François Furet)

« Le bien et le mal ne sont pas des grandeurs parfaitement opposées l’une à l’autre. Le bien accouche souvent du mal. » (André Glucksmann)

« On veut toujours guérir le Mal là où il apparaît, et l’on ne se préoccupe pas du point où il prend son origine et d’où il agit. » (Goethe)

« Souvent le mal vient du remède même. Ce n’est donc pas la pire règle que de laisser aller les choses. » (Baltasar Gracian)

« Ne pas négliger le mal parce qu’il est petit. Car un mal ne vient jamais tout seul. Les maux ainsi que les biens se tiennent comme des chaînons … Car comme nul bien n’est parfait, nul mal n’est aussi au comble. Celui qui vient du ciel demande de la patience, et celui qui vient du monde, de la prudence. » (Baltasar Gracian)

« Quel est le principe du mal, si ce n’est d’éprouver toute beauté comme une insulte et toute joie comme une provocation ? » (Nicolas Grimaldi)

« Le dogme de l’innocence est virtuellement exterminateur. Nous serons débarrassés du mal si nous éliminons ceux qui l’incarnent … L’individu moderne est habité par une quête éperdue d’innocence. Il refuse cette idée judéo-chrétienne selon laquelle il a lui-même partie liée avec le mal. Le mal n’est plus et ne peut plus être qu’au dehors, à l’extérieur, chez l’autre. Il devient donc possible, et tentant, de l’éradiquer … ‘Ceux qui font obstacle à la bienfaisance universelle ; il faudrait les liquider’. Tout aussi dangereusement que le rêve de pureté des fondamentalistes religieux, l’innocence nietzschéenne qui récuse l’intériorité du mal débouche sur une obsession purificatrice. » (Jean-Claude Guillebaud – citant Charles Taylor) – Voilà qui nous promet des lendemains qui chantent.

« Le péché originel (dont on retrouve partout des versions de chute très proches) nous rappelle que le mal n’est pas extérieur à l’homme mais que c’est par lui que nous commençons … qu’il est aussi irréductiblement en moi-même. » (Jean-Claude Guillebaud)

« Le déni consistant à poser l’existence d’un mal absolu pour mieux l’exclure de soi-même, est à la source des paranoïas mais aussi des gnoses manichéennes, des chasses collectives au bouc émissaire et des inquisitions de toute nature. » (Jean-Claude Guillebaud)

« Nos sociétés modernes et pluralistes s’étaient déshabituées depuis longtemps à penser le mal. Mais au Rwanda, à Srebnica, à Groznyi,  les délires devenus quotidiens dans nos villages et dans nos rues… Le ressort principal du meurtre ne procédait plus du projet collectif ou de la croyance (même folle) mais d’une pulsion beaucoup plus intime. Le crime, en somme, ne renvoyait plus aux délires repérables d’une idéologie ni au cynisme d’une volonté de puissance, mais bien plutôt aux mécanismes énigmatiques du ‘passage à l’acte’ … Nous avons peut-être renoncé à penser le mal, mais nous ne l’avons jamais autant contemplé (nos spectacles, la fascination pour les serial killer, les profilers…). De quelle frustration secrète notre goût pour la contemplation de l’abject porte-t-il la marque ? … Que nos démocraties confrontées au retour du mal soient frappées de mutisme revient à dire que, symétriquement, elles ont renoncé à définir le bien … ‘La démocratie ne professe pas de morale’. » (Jean-Claude Guillebaud – citant Alain Besançon)

« Le nuage d’Hiroshima brouillera quelque peu les frontières du Bien. » (Jean-Claude Guillebaud) – L’Amérique toujours championne du Bien !

« On peut oublier le mal qu’on vous a fait ; on ne se console pas du mal qu’on a fait. » (Sacha Guitry)

« Chez les néomarxistes comme chez les existentialistes, la ‘dualité  essentielle’ de notre nature est ramenée à une ’duplicité accidentelle’. Duplicité du riche ou du croyant … Supprimons la propriété et nous obtiendrons la justice.  Supprimons la foi et nous obtiendrons la sincérité. Il suffit d’une opération de chirurgie externe pour nous délivrer, comme dans la thérapeutique freudienne où il n’y a pas de mal vrai, que des souvenirs, des cauchemars  … vomir et pour être guéri. … Le vrai mal interne n’existe que pour l’oreille du confesseur. » (Jean Guitton)

« Nous savons que l’idéologie du bien qui se réalise par la force de l’institution conduit au totalitarisme. » (Fabrice Hadjadj) – Regardons la France depuis à peine trente ans.

« Les ‘religions séculières’ (communisme, humanitarisme actuel…) fixent le but dernier, quasiment sacré par rapport auquel se définissent le bien et le mal … Ces ‘religions de salut collectif’ ne connaissent rien qui soit supérieur, en dignité et en autorité, à l’objectif de leur mouvement. Ne compte que l’utilité par rapport à ce but … S’inspirant du millénarisme et de la gnose qui refusent de considérer que le mal peut résider en l’homme. » (Jean-Luc Harouel – évoquant et citant Raymond Aron)

« Depuis les Lumières, une des faiblesses du discours public en Occident est de ne vouloir s’occuper que du bien … C’est pourquoi, dans le monde occidental à partir du XVIII° siècle, s’est développée toute une culture parallèle qui traite du mal et du malheur ; l’art moderne, du roman jusqu’aux jeux vidéo violents aux films gore, à la science-fiction, à la pornographie. » (Nancy Huston) – Et au mal en actes, au malheur réalisé à travers la violence réelle.

« Comment peut-on avoir la connaissance du bien si on ignore son contraire ? » (saint Irénée)

« Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal. » (Isaïe)

« Si tous étaient sans crainte, comment le mal pourrait-il être prohibé ? » (Isidore de Séville)

« Lorsque les paupières de Dieu s’abaissèrent pour la première fois, l’ombre fut dans l’univers avec le mal. » (Reb Avav – cité par Edmond Jabès)

« La gratitude exprime le résidu irremboursable du bienfait comme la rancune exprime le résidu inexpiable du méfait. » (Vladimir Jankélévitch)

« Si le mal se détruit lui-même, c’est que le mal, en vérité, n’est pas viable. Le mal est, comme le vice même, l’impasse … Il survit, amère dérision ! parce qu’il se fait passer pour son contraire … A qui se camouflera le mieux : le fort parodie le faible pour le détruire, le faible plagie le fort pour être cru … L’égoïsme a besoin de ressembler au dévouement pour garder son crédit, et l’illogisme se donne des airs logiques pour être convaincant ; le belliciste le plus cynique n’ose justifier le désir de la guerre que par l’amour de la paix … notre égoïsme, selon les morales utilitaires, recule seulement pour mieux sauter. » (Vladimir Jankélévitch)

« La morale ne commence qu’avec la polarité du Bien et du Mal ; c’est-à-dire qu’elle exige deux principes, et pas plus de deux ! Jamais plus de deux, mis jamais moins non plus. Moins, ce serait le monisme du Paradis ou de l’Enfer, le royaume de l’innocence sans ombres ou le désespoir de la pure méchanceté, le règne de la grâce ou le tragique absolu. Plus, ce serait le régime de la transaction et des innombrables compromissions, l’option émoussée, l’alternative devenue floue, la volonté dispensée de choisir : car si un principe unique étouffe la lutte morale, dès sa naissance, trois principes détendent la tension et déjà négocient la paix, … en pactisant par l’intermédiaire et grâce à la médiation du moyen. » (Vladimir Jankélévitch)

« Le mal relève de la pathologie, il n’est donc plus une fatalité (Ouf !) … Si nous nions le mal aujourd’hui, c’est parce qu’il déferle sur le monde … Face au mal, le bien est une invention, un artifice, une nécessité. Il a été imaginé pour rendre supportable la vie … acte de sauvegarde, de liberté … Le mal est une donnée ontologique, le bien une invention existentielle et culturelle. C’est le mal qui a engendré le bien … Il fallait enfouir cette terrible évidence et se convaincre de pouvoir échapper au mal. Le péché originel est l’invention la plus optimiste qui soit, la plus créative … puisqu’il suppose que l’homme peut se libérer du mal, qu’il en a été un instant préservé, alors que le mal est inhérent à sa condition … Situation inacceptable : pour redorer le blason du bien, il a fallu décapiter le mal à l’aide des procédés habituels d’inversion et de dénégation … Dans le dessein de l’éluder, on renonce à le penser … L’entreprise de dissolution du mal avait besoin d’un alibi. Il fallait trouver une incarnation du mal absolu …D’une part, Les différentes interprétations du cas Hitler restent peu convaincantes, inspirées par des motivations politiques, opportunistes, par le conformisme ambiant … D’autre part, Hitler est un dictateur hors du commun. Il fut celui qui nomma ce qui est toujours tu par les prétendants au pouvoir totalitaire … Il a exprimé avec une brutalité sans pareille ce que l’homme de la modernité cache honteusement et dont il a si peur …Tout était devenu objet (voir le film de Charlie Chaplin et la mappemonde) … Un corps qui a besoin de sacrifier tous les autres pour se protéger de la mort : le rêve refoulé et sacrilège de l’individu absolu … L’exorcisme vise moins l’homme que son impensable message … Si la culture allemande a influencé plus qu’aucune autre l’idéologie de la modernité, c’est qu’elle a fait apparaître avec une vigueur incomparable ce qui était inhérent à la philosophie des Lumières : la conception de l’homme démiurge … Le mariage de Hitler avec l’Allemagne n’était pas inéluctable, mais il n’est pas surprenant. L’un et l’autre souffraient d’une humiliation que rien ne pouvait apaiser (L’Allemagne, champ de bataille des grandes puissances pendant plusieurs siècles, a longtemps été privé d’un Etat moderne, plus la récente stupidité et violence français après 1918). » (Claude Jannoud – considérations éparses sur le mal et déviation sur l’histoire récente)

« La haine du mal peut même rendre les hommes méchants si elle est trop forte, trop dominante … Des leçons trop violentes d’humanité en furent suivies de cruautés épouvantables. La pitié fut tournée en rage. On massacra Louis XVI, sa sœur et tout ce que la France avait de plus vertueux, par un féroce amour pour les nègres de l’Amérique et par une féroce horreur pour la Saint-Barthélemy. Les tableaux trop énergiques et trop répétés de l’humanité souffrante rendirent les cœurs inhumains. Le pathétique outré est pour les hommes une source funeste d’endurcissements. » (Joseph Joubert)

« Le bien vaut mieux que le mieux. » (Joseph Joubert)

« Le mal c’est ce qu’on ne peut se pardonner. » (Marcel Jouhandeau)

« Pour que nous puissions vouloir le mal, il faut au moins que nous l’ayons préalablement revêtu de l’apparence du bien ou que nous l’ayons, par une petite suite intérieure d’équations, réduit à sa propre relativité, en en extrayant tout le bien possible. » (Marcel Jouhandeau – Eloge de l’imposture) – Techniques bien connues des vainqueurs et des Américains particulièrement.

« Tout est permis … nous ne voulons qu’une chose, le bien de l’humanité. » (le journal de la Tchéka, L’épée rouge d’août 1919 – cité par Paul Watzlawick) – Rouge de sang, sans doute.

« Il est prudent de savoir que l’on possède une ‘imagination dans le mal’, car seul l’imbécile croit pouvoir se permettre d’ignorer et de négliger les conditionnements de sa propre nature. » (Carl Jung)

« Le monothéisme du bien ne connaît pas d’adversaires légitimes, ni d’ennemis valeureux. Rien que des terroristes à éliminer ou des populations à terroriser. » (Hervé Juvin – traitant des Etats-Unis) – Et de leurs complices, ouest-européens.

« Le christianisme prend le problème du mal très au sérieux, et, ce faisant, il le relativise; il ne baisse pas les bras, ne se laisse pas gagner par le défaitisme. » (cardinal Walter Kasper) – La laïcité, elle, n’essaye pas de le traiter à sa racine. Les religions orientales le haïssent mais s’en désintéressent pratiquement.

« A moins d’une culture intérieure extraordinaire, le bien ne se maintient que dans la mesure où son utilité est démontrée. Dans toutes les sociétés fermées, c’est le bien qui est le plus utile. Aussi, peuples, individus, corporations et même malfaiteurs maintiennent entre eux un certain nombre de principes moraux. » (Hermann von Keyserling – constatant la malhonnêteté des Européens, et des Américains en particulier, en Extrême-Orient, qui se conduisent là-bas d’une manière qui chez eux les rendrait impossibles) – On voit bien à quelle allure galope la corruption dans nos sociétés proclamées ouvertes. La diffusion de la corruption à grande échelle implique évidemment la mondialisation, les mondialisateurs ne l’ignorent pas.

« A quel moment précis le bistouri du guérisseur devient-il la hache du boucher ? » (Arthur Koestler)

« En agissant sous la pression de nos affects ordinaires : la haine, la vengeance, l’amour, le désir… nous ne nous interrogeons absolument pas sur la question du bien et du mal. » (Leszek Kolakowski) – C’est bien évident, et bien regrettable. Ce n’est parfois que trente ans après que le regret ou le remords nous rappellera que si alors nous avions vu telle question sous l’angle du bien ou du mal nous aurions sans doute agi autrement.

« Pardonnez-moi au moins le bien que je vous ai fait. » (Labiche – Le voyage de monsieur Perrichon)

« Internet participe désormais pleinement de la mécanique terroriste … outil d’endoctrinement d’une efficacité inédite … moyen d’exportation partout de leur sale guerre … gigantesque caisse de résonnance à l’échelle mondiale … Grâce aux réseaux sociaux le Mal s’amplifie de façon exponentielle. »  (Alexandra Laignel-Lavastine)

« La synchronicité de la naissance du Christ et du massacre des innocents, du bien et du mal. » (Jean-Yves Leloup – cité par Christiane Singer)

« Le bien, c’est le passage à l’autre, c’est-à-dire une manière de relâcher ma tension sur mon exister en guise de souci pour soi, où l’exister d’autrui m’est plus important que le mien. » (Emmanuel Levinas)

« Il est probablement dans la nature de l’esprit qu’un Dieu sévère et un homme libre préparent un ordre humain meilleur qu’une Bonté infinie pour un homme mauvais … L’extermination du mal par la violence signifie que le mal est pris au sérieux et que la possibilité du pardon infini invite au mal infini … Sans cette finitude de la patience divine, la liberté de l’homme ne serait que provisoire et dérisoire, et l’histoire un jeu. Admettre le châtiment, c’est admettre le respect de la personne même du coupable. » (Emmanuel Levinas – vantant la dure loi de l’Ancien Testament qui n’est peut-être pas une doctrine de douceur, qu’importe) – Autant pour la Loi humaine. Il est évident que le lâche laxisme actuel s’exerce au profit de la prétendue bonne conscience des forts et au détriment de l’ordre protecteur des faibles. 

 « Ces représentants du camp du bien tellement habitués à débattre entre eux qu’ils n’en sont toujours pas revenus que leurs contradicteurs aient le droit de s’exprimer. ».Elisabeth Lévy)

« La posture d’accusateur permet, en désignant les complices du mal (c’est-à-dire souvent en les inventant) d’asseoir son propre rôle de combattant du Bien. » (Elisabeth Lévy) – Les intellos-médiatiques.

« Il semble bien que pour certains un FN diabolisé à 20% soit nettement plus acceptable qu’un FN banalisé et à 10% … Que serait le camp du Bien sans le parti du Mal ? » (Elisabeth Lévy)

« Qui dit passion, même pour le bien, dit quelque chose de dangereux. » (prince de Ligne)

« Il en faut dire ce que nous disions déjà de la blessure du péché : ce que n’a point engendré le désordre social, l’ordre social est impuissant à le guérir. » (cardinal Henri de Lubac – sur le Mal) – Celui-ci ne disparaîtra pas.

« Jamais la ‘courbure’ originelle n’est en nous définitivement redressée. » (cardinal Henri de Lubac)

« Quand nous disons que le mal n’a pas de réalité positive, nous ne disons pas qu’il n’est rien … qu’un moindre bien … que l’ombre…. Nous disons au contraire qu’il a toute la terrible et sombre réalité du Non. Il est, non pas la simple absence, mais l’antithèse du Oui. Force antagoniste, puissance pure de négation, de refus, d’opposition, de révolte. »(cardinal Henri de Lubac)

« Tout ce mal qui est en l’homme et qui fait si souvent de chacun pour l’autre, ainsi qu’on l’a dit, un enfer, tout cela n’aurait point d’autres causes que l’ordre social ? Mais qui donc a d’abord posé ces causes ? L’homme lui-même n’est-il pour rien dans le fonctionnement actuel de la société ? » (cardinal Henri de Lubac)

« Il en faut dire ce que nous disions déjà de la blessure du péché : ce que n’a point engendré le désordre social, l’ordre social est impuissant à le guérir. » (cardinal Henri de Lubac – sur le Mal) – Il ne disparaîtra pas.

« Quand le crime est le fait du grand nombre, il est sûr de l’impunité. » (Lucain)

« Les bienfaits nouveaux n’effacent pas les vieilles injures. » (Machiavel)

« Au début le mal est difficile à reconnaître et facile à soigner, mais avec le temps, si on ne l’a ni reconnu ni soigné au début, il devient facile à reconnaître et difficile à soigner. » (Machiavel – Le Prince – sur les médecins,) – Mais on peut élargir. 

«’ Nul ne se tient hors de la noirceur’. Et ce fut une illusion de croire que l’esprit éclairé par la raison pouvait s’en débarrasser à bon compte. La modernité a payé un lourd tribut à cette illusion … génocides, carnages, guerres, saccage de la nature… » (Michel Maffesoli – citant Carl Jung) – Et certains, les bien-pensants gauchistes, font encore semblant d’y croire.

« C’est en son nom (le bien) que furent perpétrés tous les ethnocides culturels, et justifiés les impérialismes économique et politique. C’est en son nom également, que l’on décrète ce qui doit être vécu et pensé, comment on doit vivre et penser … ‘La volonté de savoir’ qui ne fait que redire une hantise constante : la peur de l’ombre (‘Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres’) … Ce rejet de l’entièreté de l’être permet … d’évacuer le tragique de la condition humaine … Ce mal dénié, ce mal dialectiquement dépassable, ne peut que ressurgir autrement, incontrôlé, d’une manière sournoise, perverse, détournée … L’ange et la bête sont intimement liés et à trop accentuer l’un de ces pôles, l’autre ne pourra que ressurgir» (Michel Maffesoli)

 «’ Nul ne se tient hors de la noirceur’. Et ce fut une illusion de croire que l’esprit éclairé par la raison pouvait s’en débarrasser à bon compte. La modernité a payé un lourd tribut à cette illusion … génocides, carnages, guerres, saccage de la nature… » (Michel Maffesoli) – citant Carl Jung) Et certains, les bien-pensants gauchistes, font encore semblant d’y croire, pour leurs intérêts bien sûr.

« Il n’y a que violence dans l’univers, mais nous sommes gâtés par la philosophie moderne qui nous dit que tout est bien. » (Joseph de Maistre) – Déjà !

« Plus on examine l’univers, et plus on se sent porté à croire que le mal vient d’une certaine division qu’on ne sait expliquer et que le retour au bien dépend d’une force contraire qui nous pousse sans cesse vers une unité aussi inconcevable. » (Joseph de Maistre – sur la notion de la Chute, qui, dit Cioran, rend compte de tout et de rien, et dont il est aussi difficile de se servir que de s’en passer.)

« N’est-ce pas une chose singulière qu’Ovide ait parlé sur l’homme précisément dans les termes de saint Paul ? Le poète érotique  a dit : ‘Je vois le bien, je l’aime, et le mal me séduit’ et l’Apôtre a dit : ‘Je ne fais pas le bien que j’aime, et je fais le mal que je hais’. » (Joseph de Maistre)

« Le remède de l’abus naît de l’abus … le mal arrivé à un certain point s’égorge lui-même. » (Joseph de Maistre) – C’est une idée hégélienne, Marx ne dira-t-il pas : « La grande industrie produit ses propres fossoyeurs ? » (Cités par Vladimir Jankélévitch)

« Si le mal n’existait pas, le bien n’aurait pas la valeur que nous lui octroyons. » (sur une idée de Joseph de Maistre, entre autres)

« C’est ici que le mal remporte son premier triomphe décisif ; il impose à celui qui souffre de soutenir son innocence par une accusation, de perpétuer la souffrance par l’exigence d’une autre souffrance, d’opposer au mal un contre-mal … L’excès de la souffrance conduit à l’excès de l’accusation : qu’importe l’identité de la cause, pourvu que je puisse identifier une cause à supprimer … Notre temps a su inventer les mots : ‘trouver les coupables’, ‘définir les vraies responsabilités’ … La seule manière de ne pas perpétuer le mal consisterait sans doute à ne pas tenter de s’en défaire, pour ne pas risquer d’y engloutir un autre homme. Garder sa souffrance pour soi plutôt que d’en faire souffrir un hypothétique coupable … il ne peut se vaincre qu’en rompant la transmission (comme un sportif bloque une balle, c’est-à-dire en supporte le choc) … Le dernier coupable de la logique de la vengeance que peut accuser celui qui endure un mal universel, c’est Dieu … L’ultime service que Dieu peut rendre à l’humanité. » (Jean-Luc Marion) –  De notre temps, renoncer au mal, renoncer à la haine facile, renoncer à la vengeance sadique, renoncer au fric ! L’auteur plaisante. Il n’a pas compris les raisons et les buts des jérémiades en tout genre, y compris des ‘Balancetonporc’ trente ans après l’acte ou l’illusion.

« Nous convaincre de notre nullité humaine et spirituelle, souligner nos échecs passés pour en tirer une prédiction du futur : nous ressasser que l’amour est impossible, et que, de toutes manières, nous en sommes incapables, indignes ou frustrés … Vaincre Satan en nous revient donc simplement à redevenir ce qu’il ne peut plus accomplir en lui, une personne qui ne veut pas toujours se venger, ou du moins veut ne pas se venger toujours. » (Jean-Luc Marion – sur le jeu banal de Satan, vaincu, qui n’exerce sa puissance qu’en vertu de son impuissance, qui veut l’impuissance de notre volonté pour rassurer sa propre impuissance)

« Je (un personnage) crois que tout le malheur des hommes vient de ne pouvoir demeurer chastes et qu’une humanité chaste ignorerait la plupart des maux dont nous sommes accablés (même ceux qui paraissent sans lien direct avec les passions de la chair). Le bonheur en ce monde par la bonté et par l’amour, un très petit nombre d’êtres m’en ont donné l’idée, chez qui le cœur et le sang étaient souverainement dominés. » (François Mauriac)

« Le mal n’a besoin de rien d’autre pour parvenir à ses fins que de l’inaction des gens de bien. » (Stuart Mill) 

« L’unanimité, une des figures du mal. » (Richard Millet)

« Un monde voué à la positivité absolue (laquelle est le vrai visage du Bien : sa noirceur, donc). » (Richard Millet)

« L’empire du bien où, par le triomphe mondial du capitalisme, l’humanité est entrée. » (Richard Millet)

« Le Bien ne succède pas nécessairement au Mal ; un autre mal peut lui succéder, et pire, comme il advint aux tueurs de César, qui jetèrent la Chose publique à tel point, qu’ils eurent à se repentir de s’en être mêlés. » (Montaigne)

« Si l’on supprimait le mal en l’homme, on détruirait les conditions fondamentales de la vie. » (Montaigne)

« On ne connaît le péché et l’imperfection qu’à mesure qu’on s’en délivre ou plutôt, qu’on en est délivré. Ce n’est pas le pécheur qui connaît le péché, c’est le saint. C’est le héros qui sait ce qu’est la médiocrité, non le médiocre. » (Père Yves de Montcheuil – cité par le cardinal Henri de Lubac)

« Il fait le bien ; mais il ne le fait pas bien. » (Montesquieu)

« Par ‘mœurs honnêtes’, j’entends surtout cette qualité d’un être, grâce à laquelle le mal le dégoûte comme une vulgarité. » (Henry de Montherlant)  

« Le Bien a réponse à tout … Le Mal est soluble dans le sirop. » (Philippe Muray)

« La nouvelle bonté a le vent en poupe contre le sexisme, contre le racisme, contre les discriminations sous toutes leurs formes, contre la xénophobie, contre la pollution … L’ironie se fait toute petite. La négativité se recroqueville … Pour toutes les bonnes causes et contre les mauvaises à fond … Grandes aspersions à l’eau bénite … C’est l’invasion des mièvreries, le grand Gala du Show du Cœur … Le Mal n’a jamais été aussi menaçant, aussi épouvantable, paralysant … Le Bien a toujours eu besoin du Mal, mais aujourd’hui plus que jamais. Le faux Bien a besoin d’épouvantails … Leurre de charité crapuleux, contrefaçon de bienfaisance … Les zombies hygiénistes patrouillent partout … Au royaume du Bien, la délation est une vertu. » (Philippe Muray – considérations éparses tirées de L’empire du Bien)

« Le Bien qui s’est débarrassé du Mal, c’est la fable de l’homme qui a perdu son ombre, son négatif interne, sa contradiction. C’est la fable d’une humanité qui tend de toutes ses forces à  en finir avec la dialectique, avec le conflit constitutif de toute vie. » (Philippe Muray) – C’est l’ambition d’une humanité qui cherche la mort, et qui va la trouver.

« Vouloir, comme dans notre règne du Bien absolu, que l’homme ne se trompe plus, ne commette plus d’erreur, c’est vouloir sa mort. Nous en sommes là. » (Philippe Muray)

« Le Bien remplace très avantageusement le Mal, mais à l’unique condition que l’on continue à dire, et à faire dire, que le Mal n’a jamais été aussi menaçant, aussi épouvantable, paralysant ; et que ce soit filmé, prouvé, refilmé, télévisé et encore retélévisé. » (Philippe Muray)

« On ne vit pas impunément dans une époque où des milliards de gosses (et ‘d’adultes’ !) jouent pendant des heures à se bousiller dans des mondes qui n’existent pas. » (Marc-Edouard Nabe) – Et l’éternel imbécile de se déclarer surpris  de la violence régnante 

« On n’en finirait pas de reparcourir tous les textes par lesquels la tradition occidentale n’a pas cessé de marquer que le Mal est l’égoïté ou l’égoïsme, qu’il est le soi se rapportant à soi … Le péché, d’une certaine façon, c’est la fermeture, et la sainteté, l’ouverture … Le salut ne peut pas venir du soi lui-même, mais de son ouverture. » (Jean-Luc Nancy)

« Le temps ne peut plus être circulaire.  Il n’y aurait pas de sens, en effet, à se donner pour programme de lutter contre le mal, si l’on pensait que le futur ne peut pas être différent du passé. » (Philippe Nemo)

« Il me semble que c’est la morale judéo-chrétienne de l’amour et de la compassion, d’une miséricorde qui doit aller au-delà de toute justice, qui, en apportant une sensibilité inédite à la souffrance humaine, un esprit, sans équivalent dans l’histoire antérieure connue, de rébellion contre l’idée de la normalité du mal, a donné le premier branle à la dynamique du progrès historique (prophètes, Psaumes, Sermon sur la montagne…) … La Bible rompant avec la sérénité de la morale païenne, rompt aussi avec le temps cyclique de l’Eternel retour (incompatible avec la lutte contre le mal) et inaugure un temps sinon linéaire, au moins ‘tendu vers l’avant’. » (Philippe Nemo)

« La foi en Dieu équivaut rationnellement à la certitude du triomphe final du Bien. Notre idée même de Dieu implique le triomphe du Bien. » (Philippe Nemo – reprenant Emmanuel Levinas)

« Qui trop combat le dragon devient dragon lui-même. » (Nietzsche)

 « Voyez si un arbre qui doit croître vers le haut peut être dispensé des intempéries, des tempêtes … Le poison dont meurt une nature plus faible est un fortifiant pour le fort. » (Nietzsche) – Ce n’est pas une raison pour épargner le Mal.

« Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même. Et si tu regardes longtemps un abîme, l’abîme regarde aussi en toi. » (Nietzsche – Par delà le bien et le mal) – Pour nos bien-pensants, bien pourris actuels.

« Le péché montre que ‘la raison a perdu le contrôle des passions, et l’esprit la maîtrise de la matière’. » (Grégoire de Nysse – cité par Jean-Claude Guillebaud)

« Ce qu’il y a de plus grand chez les hommes surgit de leurs limites. Il y a du bien parce qu’il y a du mal. C’est parce que l’erreur est possible que la vérité vaut d’être poursuivie. » (Jean d’Ormesson)

« Le ‘bien commun’ qui suppose un socle de valeurs partagées est-il encore pensable dans un monde où coexistent différentes conceptions du bien ? » (Paul-François Paoli)

« Rien ne nous heurte plus rudement que cette doctrine (l’extension dans l’espace et dans le temps des répercussions du péché originel, l’entrée du mal dans le monde), et cependant, sans ce mystère, le plus incompréhensible de tous, nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes. Le nœud de notre condition prend ses replis et ses tours dans cet abîme ; de sorte que l’homme est plus inconcevable sans ce mystère que ce mystère n’est inconcevable à l’homme. » (Blaise Pascal)

« Jamais on ne fait le mal si pleinement et si gaiement que quand on le fait par conscience. » (Blaise Pascal)

« Ce que je fais je ne le comprends pas. Le bien que je veux, je ne le fais pas, mais le mal que je ne veux pas, je le pratique. » (saint Paul – Epître aux Romains, 7 : 15) – Traduction approximative.

 « Dans ces récits bibliques, la rupture avec Dieu aboutit d’une manière dramatique à la division entre les frères … Suivant le récit des événements de Babel, la conséquence du péché est l’éclatement de la famille humaine, déjà commencé‚ lors du premier péché, désormais arrivé au pire en prenant une dimension sociale … Tout péché est personnel d’un certain point de vue ; et d’un autre point de vue, tout péché‚ est social en ce que, et parce que, il a aussi des conséquences sociales. » (Jean-Paul II) – Péché, on peut entendre le Mal.

« Le vrai mal vient de celui qui était naguère bon, et non d’un esprit qui ayant été méchant de toute éternité, ne serait capable d’aucun acharnement et aurait marre, un beau jour, de ses propres saloperies. » (Cesare Pavese) – Lucifer était d’abord le plus bel ange.

« Le Mal relève de l’illimité et le Bien du limité. » (Les Pythagoriciens)

« Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés. » (Racine – Phèdre)

« Moi qui suis cultivé, je ne trouve pas le mal en moi. » (Ernest Renan) – Grotesque prétention.

« La tradition des œuvres des utopistes atteste une vérité : la  tentation totalitaire, sous le  masque du démon du Bien, est une constante. »  (Jean-François Revel)

« L’idée de bien s’estompe pour laisser place aux convictions personnelles. » (Olivier Rey)

« Le mythe étiologique d’Adam est la tentative la plus extrême pour dédoubler l’origine du mal et du bien ; l’intention de ce mythe est de donner consistance à une origine radicale du mal distincte de l’origine plus originaire de l’être-bon. » (Paul Ricœur) – « Primauté du bien sur le mal. Satan n’y apparaît jamais que comme une créature. Il n’est pas au principe de l’être. » (Martin Steffens)

« Entre le blâme et la lamentation … Ce qui fait toute l’énigme du mal, c’est que nous plaçons sous un même terme, du moins dans la tradition de l’Occident judéo-chrétien, des phénomènes aussi disparates  que le péché, la souffrance et la mort … Disparité de principe entre le mal ‘commis’ et le mal ‘souffert’ … La souffrance se distingue du péché par des traits contraires. A l’imputation qui centre le mal moral sur un agent responsable, la souffrance souligne son caractère essentiellement subi : nous ne la faisons pas arriver ; elle nous affecte … Au blâme, la souffrance oppose la lamentation ; car si la faute fait l’homme coupable, la souffrance le fait victime ; ce que clame la lamentation … Dan sa structure relationnelle, dialogique, le mal commis par l’un trouve sa réplique dans le mal subi par l’autre. » (Paul Ricœur)

« Pour rendre crédible l’idée que toute souffrance, aussi injustement répartie ou aussi excessive qu’elle soit, est une rétribution du péché, il faut donner à celui-ci une dimension supra-individuelle : historique, voire générique ; c’est à quoi répond la doctrine du ‘péché originel’ ou ‘péché de nature’ … Cette proposition recueille un aspect fondamental de l’expérience du mal, à savoir l’expérience à la fois individuelle et communautaire de l’impuissance de l’homme face à la puissance démonique d’un mal déjà là, avant toute initiative mauvaise assignable à quelque intention délibérée. » (Paul Ricœur)

« Quelques sages s’avancent solitaire sur le chemin qui conduit à un renoncement complet de la plainte elle-même … L’horizon vers lequel se dirige cette sagesse me paraît être un renoncement aux désirs mêmes dont la blessure engendre la plainte : renoncement au désir d’être récompensé pour ses vertus, renoncement au désir d’être épargné par la souffrance, renoncement à la composante infantile du désir d’immortalité. » (Paul Ricœur)

« Il y a deux grandes traditions dans l’antiquité qu’on n’a pas assez remarquées; Satan, le premier des anges, veut détrôner son bienfaiteur; le fruit de la science du bien et du mal donne la mort. L’une enseigne que l’ingratitude est inhérente à tout être créé, l’autre que les lumières ne rendent pas les peuples heureux. » (Rivarol)

« Nous ne nous donnons pas (aux gens plus puissants que nous) pour le bien que  nous leur voulons faire, mais pour le bien que nous voulons recevoir. » (La Rochefoucauld)

« Ce passage où il demande à son lecteur ce qu’il ferait au cas où il pourrait s’enrichir en tuant en Chine par sa seule volonté, d’un seul signe de tête, un vieux mandarin sans bouger de Paris. » (J. J. Rousseau – test connu sous le nom du Mandarin de Rousseau – cité par Balzac; Rastignac dans le Père Goriot)

« Toute théorie du mal fait plus de mal que le mal lui-même. » (Claude Roy)

« Dans ce bel élan des meilleures parts de soi-même, le cœur embaumé de béatitudes célestes, on perdit de vue pourquoi on était fait. On ferma les yeux sur mille habitudes passées ; parce qu’on était nouveau venu, on se crut prédestiné à Dieu. La vie se vengea aussi vite qu’elle put. Après quelques mois de confusion inouïe, tout rentra en ordre. Mais il fallut rebrousser chemin. Et l’impatience du bien avait donné le jour à beaucoup de mal. » (Maurice Sachs – sur des expériences avortées de conversion religieuse) – Bien observé.

« Le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien. » (saint François de Sales)

« Hannah Arendt flaire l’essence du totalitarisme dans l’idée que la fin pourrait justifier les moyens, dans l’acceptation d’un moindre mal au profit d’une grande cause. » (Peggy Sastre) – C’est pourtant la pratique de notre société de jungle, qui n’a plus rien d’une civilisation.

« Les conflits idéologiques du siècle dernier (nazisme, communisme…)  ont eu les mêmes caractères  que les guerres de religion au XVI° siècle : ils portaient sur la conception du bien, même s’il était défini en termes politiques et non plus religieux. » (Dominique Schnapper) Les idéologues du Bien, toujours meurtriers.

« La conversion de la politique en morale accompagne la transformation de la société en nurserie … Ce qui est mal c’est de dire qu’on fait la guerre pour le bien alors qu’on la fait pour le pétrole. » (Michel Schneider)

« Pour être bénin, informel, latéral, virtuel, toujours susceptible d’être nié, le pouvoir maternant n’en assure pas moins en France la totalisante et unifiante tyrannie du bien. Les socialistes nous ont fait passer de l’Etat léniniste à l’Etat lénifiant. » (Michel Schneider)

« Le conservatisme garde la conviction que le Bien est plus facilement détruit que créé. » (Roger Scruton) – C’est bien pourquoi les déconstructeurs, démolisseurs, saboteurs sociaux, haïssent le conservatisme.

« Le monde tend vers l’angélisme et il n’a jamais été plus satanique. » (Michel Serres)

« Ne fais pas aux autres ce que tu voudrais qu’ils te fassent ; leurs goûts peuvent différer des tiens. » (G. B. Shaw)

« Nous avons coutume de haïr celui à qui nous avons fait du mal. » (Georg Simmel) – Heureux, les rares, qui n’en ont pas fait l’expérience – « Et parmi les procédés qui permettent de se libérer de la culpabilité que nous éprouvons envers nos victimes, le plus facile est de les accuser encore davantage, dans un de ces processus d’emballement collectif sur lesquels René Girard nous a ouvert les yeux. » (Rémi Brague)

« Seul celui qui a osé voir que l’enfer est en lui y découvrira le Ciel enfoui. » (Christiane Singer)

« Le mal ne se serait jamais hissé à des positions respectables s’il ne s’était pas … entendu à présenter une face conquérante. Il ne pourrait pas attirer les gens, les lier, les pousser en avant s’il ne savait pas prendre le masque du normal, de l’humain et du nécessaire. Si les instigateurs, exécuteurs et interprètes des bains de sang parlent constamment de liberté et d’égalité, de propriété et de progrès, de droits de l’homme, de constitution et de règne de la raison … s’ils nous plongent tous dans un enthousiasme momentané lorsqu’ils prononcent leurs allocutions, cela prouve seulement qu’ils ont suivi avec succès les cours de rhétorique du diable. » (Peter Sloterdijk)

« J’ai compris la vérité de toutes les religions du monde : elles luttent avec le mal en l’homme (en chaque homme). Il est tout à fait impossible de chasser tout à fait le mal hors du monde, mais en chaque homme on peut le réduire. Dès lors j’ai compris le mensonge de toutes les révolutions de l’histoire : elles se bornent à supprimer les agents du mal qui leur sont contemporains (et de plus, dans leur hâte, sans discernement, les agents du bien) mais le mal lui-même leur revient en héritage, encore amplifié. » (Alexandre Soljenitsyne)

« Si les choses étaient si simples, s’il y avait quelque part des hommes à l’âme noire se livrant perfidement à de lâches actions et s’il s’agissait seulement de les distinguer des autres et de les supprimer. Mais la ligne de partage entre le bien et le mal passe par le cœur de chaque homme. » (Alexandre Soljénitsyne)  – « Les crimes commis au nom du Bien interdisent à ceux-là même qui les dénoncent de se constituer en part du Bien. » (Alain Finkielkraut)

« Le problème du Mal est la pierre d’achoppement de la pensée moderne, réticente comme elle est à prêter attention à quoi que ce soit de désobligeant pour son optimisme. » (Georges Sorel) – L’auteur devait prévoir l’émergence des Bisounours

« Une malédiction : n’être pas chez soi dans son temps est une fatalité allemande. » (Oswald Spengler) – Un grand malheur qui atteint toutes les élites consternées par la bassesse de leur époque. Que dire de la nôtre ?

« L’idée que les hommes devenus des dieux feront régner le bien, la raison et la loi est un vœu pieux ou une folie. La Rochefoucauld, Rousseau et Nietzsche étaient plus perspicaces : si les hommes deviennent des dieux, ils s’envieront et n’auront de cesse de se détruire. » (Monique Canto-Sperber)

« Il n’y a pas de mal et de bien en général, dans l’abstraction, mais seulement du ‘bon’ et du ‘mauvais’ en situation. » (d’après Spinoza)

Qu’est-ce que le bien ? : « Ce dont je puis user. » (Max Stirner)

« Le bien est lent, il monte ; le mal est rapide, il descend ; comment s’étonner qu’il fasse beaucoup de chemin en peu de temps. » (madame Swetchine)

« Le mal s’apprend sans maître ; la vertu, en revanche, s’acquiert péniblement. » (Synésius de Cyrène – cité par Lucien Jerphagnon)

« Joindre la promptitude au bienfait c’est en doubler le prix. » (Publius Syrus)

« ‘La banalité du mal’ ; une sorte de suffocant ennui. On est captivé et en même temps on soupire. C’est laid, c’est gris, c’est plat. L’enfer doit ressembler à ça. » (François Taillandier – citant Hannah Arendt  – sur l’interview d’un khmer rouge, ancien tortionnaire)

« L’âme simple et droite ne voit de mal à rien, puisqu’en effet le mal n’existe que dans les cœurs impurs et non dans les objets sensibles. » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)

« Je passerai mon Ciel à faire du bien sur la terre. » (sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus)

« Nous sommes passés d’un bien à faire à l’obsession du mal à éradiquer. » (Paul Thibaud) – C’est plus facile, moins coûteux, tout aussi valorisant.

« La façon la plus radicale de s’abandonner au mal est de refuser d’en prendre conscience (optimisme facile, mythe du progrès nécessaire, etc.). » (Gustave Thibon)

« Il faut bien que ce monde transitoire soit mêlé de bien et de mal. Car si le monde n’était que mal, comment consentirions-nous à vivre ? Et s’il n’était que bien, comment nous résignerions-nous à mourir ? » (Gustave Thibon)

« On a substitué des explications psychologiques qui réduisent le mystère du mal au mauvais fonctionnement d’un mécanisme. D’où l’évacuation simultanée de la liberté et de la responsabilité. » (Gustave Thibon)

« Deux locutions populaires expriment à merveille le caractère actif du péché et le caractère passif de la souffrance : si nous disons de quelqu’un : ‘il en a fait’, c’est toujours de mauvaises actions que nous voulons parler, tandis que si nous disons : ‘il en a vu’, c’est toujours d’épreuves, de souffrances qu’il s’agit. » (Gustave Thibon)

« Est un bien pour l’homme tout ce qui creuse l’homme, même au risque de le briser : l’effort, le danger, la responsabilité, le sacrifice, l’amour, la douleur, et jusqu’au plaisir, et jusqu’au péché … à condition qu’ils soient vécus à fond, assumés sans réserve comme une nourriture ou comme un poison, et non dosés et dégustés comme des épices … Corrélativement, est un mal pour l’homme tout ce qui contribue à l’aplatir : l’excès de sécurité, la facilité, la distraction, l’automatisme. » (Gustave Thibon) – Qui est prêt à entendre ce discours aujourd’hui ?

 « ‘Même Hérode ne versait pas le sang au nom du mal’. La poursuite du bien, dans la mesure même où elle oublie les individus qui devaient en être les bénéficiaires, se confond avec la pratique du mal … Les souffrances des hommes proviennent même le plus souvent de la poursuite du bien que de celle du mal …. L’auteur du mal se présente toujours, à ses propres yeux comme au regard des siens,  comme un combattant du bien. » (Tzvetan Todorov)

« Vous répondrez que les horreurs actuelles n’ont rien de nouveau et que l’histoire en a vu d’autres. Mais prenez garde que l’homme d’aujourd’hui s’est élevé aux idées de Progrès, de Bonheur et à la Technique des Assurances, tandis qu’autrefois les croyances au Diable, au Péché, à la Pénitence, et à la ‘Croix’, etc., faisaient accepter la pilule. Le choc est autrement perturbant ! … On n’a pas porté, à mon sens, une suffisante attention à la vertu thérapeutique du langage des droits de l’homme, pour le rétablissement de l’équilibre psychique et l’apaisement des bonnes consciences de nos concitoyens … Les socialistes l’ont compris, faute de disposer d’un remède contre l’inflation, le chômage, leur Programme prévoit la proclamation du droit de tous à l’augmentation du SMIG et au travail. » (Michel Villey)

 « Du bien ne résulte pas nécessairement du bien et du mal que du mal. » (le paradoxe de Max Weber) – Les conséquences des bonnes intentions ne sont pas nécessairement bonnes.

« Ce qui rend l’homme capable de péché, c’est le vide. Tous les péchés sont des tentatives pour combler des vides. » (Simone Weil)

« Le mal, c’est la licence, et c’est pourquoi il est monotone : il y faut tout tirer de soi. Or il n’est pas donné à l’homme de créer. C’est une mauvaise tentative pour imiter Dieu. Le bien est essentiellement autre que le mal. Le mal est multiple et fragmentaire, le bien est un, le mal est apparent, le bien est mystérieux; le mal consiste en actions, le bien en non-action, en action non agissante. » (Simone Weil)

« On ne tombe pas dans le bien. Le mot bassesse exprime cette propriété du mal. » (Simone Weil)

« Quand on accomplit le mal, on ne le connaît pas, parce que le mal fuit la lumière. » (Simone Weil)

« Accepter le mal qu’on nous fait comme remède à celui que nous avons fait. » (Simone Weil) – Cela vient à un certain âge, quand on prend conscience du mal que nous avons pu faire.

« Dire comme Ivan Karamazov : rien ne peut compenser une seule larme d’un enfant. » (Simone Weil)

« Le seul moyen de délivrer les hommes du mal, c’est de les délivrer de la liberté. » (Zamiatine)

« Le bien qu’il fit, il le fit mal et le mal qu’il fit, il le fit bien. » (graffiti-épitaphe sur la tombe de Richelieu) – Plaisant mais injuste.

« Primum non nocere. » (adage ; d’abord, ne pas nuire) 

« Il faut toujours se méfier de celui qui agit pour le bien des autres. » (adage)

« Une forêt qui pousse le fait en silence, un arbre qu’on abat fait du bruit. » (proverbe)

« Brebis enragée est pire que le loup. » (proverbe)

« Là où Dieu a son église, le diable a sa chapelle. » (proverbe) 

« Qui chante ses maux épouvante. » (proverbe) 

« Crains l’hostilité toujours possible de celui auquel tu auras fait du bien. » (proverbe)

« La recherche unilatérale du bien expose au danger d’un orgueil arrogant. » (?)

« Le Bien est toujours et partout ce qui unit, le Mal ce qui sépare. » (?) – Commun à toutes les cultures.

« Qui va définir le ‘Bien’ dans des situations complexes ? L’homme se plaçant alors exactement dans la position du troisième chapitre de la ‘Genèse’, soit définissant lui-même le Bien et le Mal. » (?) – Voir la fureur quasi meurtrière des activistes hystériques d’aujourd’hui.

Le mal conçu comme exception. «  Le mal peut très bien se déchaîner là où nous sommes, au point de donner l’impression que les dieux négligent les hommes. » (Sénèque) « La région du sensible qui nous environne est la seule où règnent la génération et la corruption, mais elle n’est même pas une partie du tout, de sorte qu’il eût été plus juste d’acquitter le monde sensible en faveur du monde céleste que de condamner le monde céleste à cause du monde sensible. » (Aristote) « La totalité de la cause du mal ne se trouve que dans ce qui est en dessous de la sphère de la lune, et l’ensemble de ce qui est sous la sphère de la lune est insignifiant par comparaison avec le reste de l’être. » (Avicenne) « Ce n’est que dans ce minuscule trou dans l’ordre cosmique  que l’on peut et doit distinguer entre le bien et le mal … Le monde, et avant tout ce qu’il y a de plus cosmique dans le monde, à savoir le Ciel, donne à l’homme antique et médiéval l’éclatant témoignage de ce que le bien n’est pas seulement une possibilité, mais une triomphante réalité … L’ordre du monde supérieur est pour lui le modèle de la conduite correcte de la vie … Rien ne peut exister sans un minimum d’ordre qui conserve sa nature. Les cieux sont un exemple de cette loi. » (Rémi Brague – citant les précédents) – On voit la vision de nos ancêtres, leur espérance, et discerne-t-on aussi la notion de Chute et de péché originel, comme la doctrine manichéenne de mauvaise demeure où nous avons été jeté.

« La normalité (d’abord sociologique) des complices, des exécutants et des chefs est tenue par Hannah Arendt pour constitutive de la logique de mobilisation totale puis du meurtre de masse … agents qui, a priori, moralement et socialement, ne différaient en rien du reste de la population, banals parce qu’ils n’étaient pas monstrueux, sans détermination diabolique, ni cruauté essentielle, ni parti de faire le mal pour le mal, protégés comme la société elle-même par les mêmes voies des atteintes de la réalité : le mensonge généralisé, la constitution d’un monde fictif (complot juif…) échappant au contrôle des expériences individuelles, la perte du jugement …  L’incapacité à s’exprimer étroitement liée à l’incapacité à penser, à penser notamment du point de vue d’autrui, impossibilité de communiquer avec lui, non parce qu’il mentait, mais parce qu’il s’entourait de mécanismes de défense extrêmement efficaces contre les mots d’autrui, la présence d’autrui et, partant, contre la réalité elle-même …‘Nous n’avons jamais eu l’idée de mettre en doute l’ordre des choses’ (Albert Speer) … ‘ici tout est possible’ (David Rousset), formule bien au-delà du ‘tout est permis’ … L’acte effectué sur ordre était ‘l’’expression d’un idéalisme’, l’acte dû à l’impulsion (motivation égoïste, sadique ou sexuelle) devait être puni … Distinction stricte entre le devoir personnel et les sentiments personnels … Caricature mortifère, plus terrifiante que la rébellion contre la loi : la disparition des mobiles personnels (cruauté, cupidité, sadisme, etc.) élevée au rang de condition de possibilité du meurtre de masse, lui-même érigé en ‘idéal’ puis exécuté selon les critères de l’activité fabricatrice … La situation des bureaucrates qui avaient à charge les camps soviétiques n’était guère différente. »   (Myriam Revault d’Allonnes – s’inspirant de Hannah Arendt et de son expression ‘la banalité du mal’ à propos du procès d’Adolf Eichmann)

Ci-dessous, quelques extraits approximativement résumés de l’ouvrage de Konrad Lorenz, biologiste et zoologiste, L’agression, une histoire naturelle du mal (des décennies d’observation des mondes animaux, non humains).

 « Le rôle important que joue l’agression pour la conservation de l’espèce … Trois fonctions du comportement agressif : répartition des êtres dans l’espace vital disponible, sélection des combattants vers l’extérieur et des protecteurs de la progéniture … Il est toujours avantageux pour l’avenir de l’espèce que, de deux rivaux, le plus fort conquiert le territoire ou la femelle convoitée (Charles Darwin) … La notion de territoire empêche l’épuisement des ressources alimentaires par une population trop dense … La sélection opérée par le comportement combatif produit des défenseurs de troupeau et de famille particulièrement robustes et vaillants … Mais ces combats ne sont utiles que s’ils produisent aussi des combattants adaptés à la lutte contre les ennemis extérieurs à leur propre espèce … Si seule joue la rivalité intra-espèce (cas de l’homme qui ne craint plus les fauves ou les autres hordes), il peut y avoir une production de formes bizarres inutiles à l’espèce (mâles pourvus d’attraits et femelles décidantes dans le monde proprement animal – concurrence effrénée entre congénères, travail, dans l’espèce humaine ) … L’équilibre des tensions créé par l’agressivité et l’ordre hiérarchique procure une structure stable et avantageuse … Plus une espèce animale évolue, plus grand en général est le rôle que jouent chez elle l’expérience et l’apprentissage par rapport à la faiblesse du comportement inné, transmission (respect des vieux leaders de meutes, de troupes) … les combats codifiés entre vertébrés (d’une même espèce)semblent  avoir pour but d’établir qui est le plus fort, sans trop endommager le plus faible (exemple type, la confrontation des cerfs par leur ramure) … Ces mécanismes inhibiteurs de l’agression sont indispensables ne serait-ce que parce que l’animal  doit être particulièrement agressif contre tous les autres animaux, y compris ceux de sa propre espèce, à l’époque où il a des petits … mécanismes d’autant plus puissants dans les espèces de chasseurs professionnels lourdement armés (lions, loups…) … doublés de cérémonials de salut et d’apaisement ritualisés (le loup qui offre sa gorge) … le sourire et le rire humain proviendraient de ces rites (hypothèse) … Le lien personnel, l’amitié individuelle se trouvent uniquement chez des animaux dont l’agressivité intra-spécifique est très développée (il agit alors comme frein, comme inhibiteur) … Ce qui semble certain, c’est qu’avec l’élimination de l’agression (au sens large) se perdrait beaucoup de l’élan avec lequel on s’attaque à une tâche, et du respect de soi-même … Mais, l’agression, plus facilement que les autres pulsions, peut trouver une satisfaction complète avec des objets de remplacement (Ouf !) … Eviter le meurtre sans détruire la combativité … Qu’on se souvienne des impératifs de chevalerie, du sport actuel … L’anonymat de la personne à attaquer facilite le déclenchement du comportement agressif … D’où les tentatives des démagogues de réduire, proscrire, les relations personnelles. » 

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